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Nous poursuivons aujourd'hui notre examen législatif des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
Je rappelle aux membres du Comité et aux témoins qu'ils doivent garder leur microphone en sourdine, sauf lorsqu'un des coprésidents leur cède nommément la parole, et que toutes leurs observations doivent être adressées à la coprésidence. Lorsque vous parlez, exprimez-vous, je vous prie, lentement et clairement. Les services d'interprétation seront disponibles pendant cette vidéoconférence, comme pour une réunion en présentiel. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais et le français.
Cela étant dit, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins de notre premier groupe.
Représentant la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, nous accueillons la Dre Romayne Gallagher, professeure clinicienne en médecine palliative à l'Université de la Colombie-Britannique. De la Société canadienne du cancer, nous accueillons Kelly Masotti, vice-présidente, Défense de l'intérêt public, par visioconférence, et Daniel Nowoselski, gestionnaire, Défense de l'intérêt public, Soins palliatifs, aussi par visioconférence. Nous entendrons également les porte-parole du Dorothy Ley Hospice, Donna Cansfield, présidente du conseil d'administration, et Dipti Purbhoo, directrice générale. Tous ces témoins comparaîtront par vidéoconférence.
Merci à tous de vous être joints à nous ce soir et d'avoir donné de votre temps pour nous aider dans cette importante étude. Notre horaire est très contraignant ce soir, et nous veillerons donc avec rigueur à ce qu'il soit respecté. Nous tâcherons de vous donner un préavis d'une minute avant la fin de votre temps de parole. Je vous prie de ne pas dépasser les cinq minutes qui vous sont allouées.
Nous allons commencer par Dre Gallagher, qui sera suivie de Mme Masotti et de Mme Purbhoo.
Docteure Gallagher, vous avez cinq minutes.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer la position de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs. Je me propose de clarifier des témoignages précédents sur l'état des soins palliatifs au Canada.
Il y a été difficile de s'entendre sur ce que sont les soins palliatifs. L'Organisation mondiale de la santé les définit ainsi:
Les soins palliatifs sont une approche pour améliorer la qualité de vie des patients […] et de leur famille, confrontés aux problèmes liés à des maladies potentiellement mortelles. Ils préviennent et soulagent les souffrances grâce à la reconnaissance précoce, l'évaluation correcte et le traitement de la douleur et des autres problèmes, qu'ils soient d'ordre physique, psychosocial ou spirituel.
La prise en charge de la souffrance implique de s'occuper de questions dépassant les symptômes physiques. […] Ils offrent un système d'appui pour aider les patients à vivre aussi activement que possible jusqu'au décès.
Les soins palliatifs sont explicitement reconnus au titre du droit de l'homme à la santé.
Les soins palliatifs devraient être offerts en fonction des besoins, non en fonction du pronostic ou seulement pendant les dernières semaines de vie. Les rapports de Santé Canada sur l'AMM ne font pas état de la qualité ou de la quantité des soins palliatifs reçus, mais ils montrent que les soins palliatifs, dans bien des cas, sont souvent administrés tard dans la maladie. En effet, 21 % des patients les reçoivent au cours des deux dernières semaines et 18 % moins de quatre semaines avant l'AMM.
Des études montrent que le recours tardif aux soins palliatifs mène à une gestion sous-optimale de la douleur et des symptômes, à une souffrance accrue, à l'omission de discuter de la planification préalable des soins et d'y adhérer, et à des décès imprévus à l'hôpital. Selon une étude menée en Ontario, il est moins probable que les personnes décédées d'un cancer et ayant reçu des soins palliatifs pendant plus de six mois avant leur décès, comparativement à celles en ayant reçu moins longtemps, aient besoin de soins hospitaliers et décèdent à l'hôpital et plus probable qu'elles soient soignées à domicile le dernier mois de leur vie. Les données de l'ICIS et d'autres études canadiennes révèlent que les non-cancéreux reçoivent moins de soins palliatifs et les reçoivent plus tard au cours de leur maladie.
Des normes nationales sur les soins palliatifs administrés dans l'ensemble des secteurs de la santé doivent être intégrées aux processus d'agrément que les établissements doivent suivre pour recevoir du financement des soins de santé. Nous devons définir des indicateurs, qui sont des mesures substitutives, quant à la qualité de vie, et non nous contenter d'inscrire le lieu du décès et le moment où les soins palliatifs ont été donnés. Nous avons besoin également de résultats sur l'état des patients nous permettant de suivre l'évolution des symptômes et de la détresse pendant une maladie grave. Pour cela, un financement spécial sur plusieurs années sera nécessaire, mais nous disposerons alors de données exactes pour évaluer les soins donnés aux personnes atteintes d'une maladie limitant la durée de vie.
Certains affirment que la plupart des personnes qui demandent l'AMM le font à cause de souffrances existentielles. Cet argument tend à minimiser l'effet éventuel des soins palliatifs quant à l'atténuation de la souffrance et il rassure les parlementaires que l'AMM soit la seule option devant la souffrance existentielle et qu'il ne soit pas nécessaire d'améliorer la prestation des soins palliatifs. Pourtant, Santé Canada fait état de souffrances existentielles dans 3 % des cas. Il semble que les partisans de l'AMM qualifient de souffrance existentielle la perte de la capacité de s'engager dans des activités valables, ce qui englobe 86 % des patients demandant l'AMM. Si tout cela paraît confus, c'est parce qu'il est presque impossible de séparer un type de souffrance d'un autre. Nous ne pouvons pas passer toute la gamme des différents types de souffrance dans une hypothétique machine à trier pour ensuite les cataloguer selon leur nature: physique, psychologique, sociale ou existentielle.
Il importe de comprendre que la distinction entre ces différentes causes de souffrance est artificielle, puisqu'elles sont toutes liées l'une à l'autre. Songez, par exemple, à une personne aux prises avec une douleur mal gérée qui limite sa mobilité, qui accroît sa dépendance à l'égard de son conjoint, accompagnée du sentiment de lui être un fardeau, et qui mine le sentiment de sa capacité d'action et sa perception de soi. Cela est typique de la nature de la détresse existentielle observée chez les patients atteints de maladies limitant leur durée de vie. Le contrôle de sa douleur lui redonne sa mobilité et son autonomie; d'autres formes de soutien pratique et émotionnel lui redonnent le sentiment de sa capacité d'action et atténuent le sentiment d'être un fardeau. En d'autres termes, la prestation de soins palliatifs de qualité peut très efficacement atténuer la détresse existentielle, tout comme certaines interventions psychologiques conçues spécifiquement pour les patients aux prises avec une souffrance persistante. Des décennies de recherche et de pratique clinique le confirment.
C'est en équipe que les soins palliatifs sont assurés de façon optimale, puisqu'il faut une équipe pour répondre à l'ensemble des besoins du patient et de sa famille. De solides données montrent que les soins en équipe se traduisent par une amélioration des symptômes et de la qualité de vie, un soulagement de la détresse des soignants, une diminution des séjours aux soins intensifs et à l'hôpital et une réduction des coûts des soins de santé.
Les Canadiens continueront d'être atteints de maladies limitant la durée de vie, qu'ils ont accès à l'AMM ou qu'ils en meurent naturellement. Ils comptent sur vous pour que tous aient accès en temps voulu des soins palliatifs de qualité.
Je vous remercie de votre attention.
Je vous remercie, madame la présidente et membres du Comité, de nous accueillir aujourd'hui. Je m'appelle Kelly Masotti et je suis vice-présidente à la défense de l'intérêt public à la Société canadienne du cancer. Je suis accompagnée aujourd'hui de Daniel Nowoselski, gestionnaire, Défense de l'intérêt public, Soins palliatifs.
Je tiens à souligner dès le départ que je m'adresse à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
La Société canadienne du cancer est engagée à soutenir les personnes atteintes de cancer et leurs soignants en veillant à ce qu'ils disposent de l'information voulue pour prendre des décisions concernant les soins palliatifs, la planification préalable des soins et les soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir. Depuis 2020, notre service d'assistance téléphonique a répondu à plus de 300 demandes portant précisément sur les soins palliatifs, à plus de 200 sur le deuil et à 40 sur l'aide médicale à mourir.
Toute personne atteinte d'une maladie limitant la durée de vie mérite des soins qui procurent confort, dignité et choix. Les soins palliatifs ne sont pas seulement pour les personnes qui en sont aux derniers jours ou aux dernières semaines de leur vie. Cela ne signifie pas que la mort viendra plus vite ou que quelqu'un a abandonné l'espoir de les sauver. En fait, les études montrent que les soins palliatifs peuvent aider les gens à vivre plus longtemps du fait qu'ils mettent l'accent sur les soins qui aident à maintenir la qualité de vie, à soulager les symptômes et à offrir du soutien dans le milieu de leur choix. Pour certains, les soins palliatifs permettent d'échapper au rôle de soignant et de reprendre simplement leur rôle de fille, de mari, de sœur ou de proche. Pour d'autres, il peut être réconfortant de savoir que leur proche reçoit des soins qui aident à réduire la douleur et les symptômes. Pour beaucoup, les soins palliatifs aident à guider les patients et leurs proches à travers les étapes de la vie et les peines qui en font partie.
Des patients gravement malades passent entre les mailles du filet en ce qui concerne les soins palliatifs. Selon l'ICIS, bien que les personnes atteintes de cancer aient généralement un meilleur accès aux soins palliatifs que celles atteintes d'autres maladies chroniques ou limitant la durée de vie, les données montrent que des améliorations sont nécessaires. Parmi les patients décédés à l'hôpital après un diagnostic de cancer, seulement 41 % ont été hospitalisés principalement pour recevoir des soins palliatifs et les trois quarts ne donnaient aucune indication d'avoir besoin de soins palliatifs avant leur dernière hospitalisation.
L'accès aux soins palliatifs varie selon la région et le groupe démographique. Même lorsque des services de soins palliatifs sont disponibles, ce ne sont pas tous les Canadiens qui les connaissent ou qui savent comment y accéder. Ceux au courant des soins palliatifs en sont souvent informés trop tard. Enfin, ceux qui ont accès à des soins palliatifs ont tendance à ne pas les recevoir dans le milieu qu'ils ont choisi.
En même temps, en fin de vie, de nombreuses décisions doivent être prises dans le respect des valeurs et des préférences du patient et de ses proches. Selon Statistique Canada, bien que le cancer soit la cause de la mort de plus d'un Canadien sur quatre, il est le problème de santé sous-jacent invoqué dans 67,5 % de l'ensemble des demandes d'AMM rapportées.
La SCC respecte et appuie tous les Canadiens atteints de cancer en les aidant à faire des choix éclairés et à prendre des décisions autonomes quant à leurs soins. Parmi ces choix, il y a l'AMM.
Je cède maintenant la parole à M. Nowoselski.
Je m'adresse à vous depuis le territoire traditionnel et non cédé de Kanien'kéha, ou des Mohawks, dans un endroit qui a longtemps été un lieu de rencontre et d'échange entre de nombreuses nations.
Les soins palliatifs ne bénéficient pas seulement aux personnes qui les reçoivent et à leurs proches. À ce moment où nous sommes confrontés à d'importants défis dans nos systèmes de soins de santé partout au pays, la SCC croit qu'investir dans les soins palliatifs aiderait aussi à atténuer les pressions qui pèsent sur d'autres parties de notre système et à en améliorer le rendement global. Cependant, l'effectif actuel en soins palliatifs spécialisés n'est pas suffisant et nous n'avons pas assez de lits dans les centres de soins palliatifs et les collectivités pour répondre à la demande croissante et aux besoins changeants.
Nous recommandons que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux continuent de prioriser les soins palliatifs dans leurs ententes bilatérales de financement des soins de santé afin d'élargir l'accès aux services de soins palliatifs et aux lits en soins palliatifs. Cela comprend l'augmentation de la disponibilité des ressources de consultation de spécialistes, ainsi que l'éducation, l'orientation et la formation de tous les fournisseurs de soins en matière d'approche palliative des soins.
De plus, nous faisons écho aux recommandations formulées par la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada dans son mémoire prébudgétaire portant sur les investissements dans la recherche sur les soins palliatifs et sur la nécessité d'investir dans les données et les normes relatives aux soins palliatifs. Quant à l'accès à l'AMM, notre mémoire présenté en mai contenait plusieurs recommandations concernant l'uniformité de l'accès, la collecte de données, l'évaluation continue des programmes et l'éducation et la formation des fournisseurs de soins de santé.
En fin de compte, toute personne atteinte d'une maladie limitant la durée de vie pourrait bénéficier d'un accès accru et plus rapide aux soins palliatifs, au moment du diagnostic jusqu'à son décès, mais nos systèmes de santé n'ont pas la capacité de donner suite régulièrement aux choix exprimés par les personnes atteintes de cancer et leurs proches quant aux buts des soins, au milieu où ils seront donnés ou aux conditions des derniers jours de vie. Tous les Canadiens devraient avoir accès à des soins palliatifs abordables, culturellement sûrs et de grande qualité et avoir la possibilité de prendre des décisions autonomes au sujet des soins qui influeront sur leur qualité de vie et leur fin de vie.
Merci de votre attention.
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Merci. Je m'excuse également de nos difficultés techniques.
Bonsoir et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Il s'agit d'un sujet auquel nous accordons une grande importance. Je m'appelle Donna Cansfield et je suis présidente du conseil d'administration du Dorothy Ley Hospice. Au cours des 30 années pendant lesquelles j'ai œuvré à l'hospice, j'ai été à la fois soignante bénévole et membre du conseil d'administration.
J'appuie le choix des personnes en fin de vie, mais le choix suppose des options. L'une des options est le recours au soutien des soins palliatifs en fin de vie qui sont fournis non seulement dans la collectivité, mais aussi dans les centres de soins palliatifs. Les soins palliatifs doivent être offerts à tous les membres de notre collectivité diversifiée, en reconnaissant et en respectant les différences culturelles, les restrictions linguistiques et le soutien familial limité. Notre travail consiste à soutenir ces personnes et leurs familles.
Les services que nous offrons — soins à domicile par des médecins en soins palliatifs ou dans une résidence de soins palliatifs, services de relève offert aux aidants naturels par des bénévoles formés, programmes de jour, soins ambulatoires dans une maison de soins palliatifs et soutien aux familles en deuil — font que nous sommes à même de naviguer dans le système complexe de santé pour les familles désemparées du fait que les composantes du système communiquent rarement entre elles. Ainsi, nous évitons que des clients se retrouvent dans les salles d'urgence et occupent des lits d'hôpitaux.
Cela se fait grâce à la gentillesse, à la bienveillance et au dévouement exceptionnel de notre personnel. Voilà ce que nous faisons. C'est une option très avantageuse sur le plan des coûts et, d'après notre expérience, c'est une option souvent retenue au lieu de l'AMM. Cependant, nous maintenons notre appui à la décision prise par le patient et lui offrons également du soutien s'il nous le demande.
Si vous voulez nous aider, si vous croyez à l'utilité des soins palliatifs en établissement, sachez que nous avons besoin de votre appui. D'autres en bénéficieront également.
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Je vais poursuivre. Merci encore une fois de l'occasion qui m'est donnée.
Je m'appelle Dipti Purbhoo et je suis la directrice générale du Dorothy Ley Hospice. Je suis infirmière de formation et j'ai plus de 25 ans d'expérience en soins palliatifs et en soins communautaires.
Les soins palliatifs sont une approche de prestation de soins qui met l'accent sur ce qui importe le plus à la personne concernée. Grâce à la gestion de la douleur et des symptômes, à l'éducation et au soutien, nous cherchons à maintenir la personne en vie tant qu'il est possible de le faire et à lui assurer la meilleure qualité de vie possible.
Les soins palliatifs ont aussi pour objet d'aider les proches tout au long du processus en leur fournissant de l'information et du soutien. Cela est fait par une équipe composée de médecins, d'infirmières, de travailleurs sociaux, de bénévoles, de membres de la famille et d'amis. C'est un exemple éloquent de compassion et de bonté, et c'est quelque chose que chaque personne et sa famille devraient avoir en fin de vie. C'est ce que nous voudrions tous pour nous-mêmes et pour nos proches.
Au Canada, aujourd'hui, les soins palliatifs ne sont pas accessibles à tous. L'accès aux soins palliatifs dépend de différents facteurs: le lieu de résidence, la disponibilité des services de soins palliatifs en établissement, la quantité d'information reçue sur les soins palliatifs, la langue parlée et l'opinion du médecin traitant ou du fournisseur de soins de santé. Par conséquent, de nombreuses personnes n'ont pas accès à des soins palliatifs, ce qui a souvent pour résultat leur décès à l'hôpital sans soutien et, dans certains cas, le recours à l'aide médicale à mourir.
L' aide médicale à mourir est un choix qui s'offre aux personnes atteintes d'une maladie limitant la durée de vie. Cependant, lorsque les gens choisissent l'AMM parce qu'ils n'ont pas accès à toutes les options de soins palliatifs pour atténuer leurs souffrances, l'AMM n'est plus une affaire de choix, mais d'absence de choix et d'absence d'option autre que de souffrir sans recevoir d'aide. L'AMM ne doit pas être un substitut de toutes les options que peuvent offrir les soins palliatifs. Ce n'est qu'une option; ce n'est pas la seule.
Au Dorothy Ley Hospice, nous avons une longue expérience de travail auprès de très nombreux patients en fin de vie, ainsi qu'auprès de leurs familles.
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Nous entendons que les gens choisissent l'AMM parce qu'ils ne veulent pas être un fardeau pour leur famille. Ils ne veulent pas souffrir et mourir seuls. Ils ne veulent pas mourir à l'hôpital. Ils s'inquiètent de ne recevoir des soins à la maison ou ils veulent avoir le contrôle sur la façon dont ils mourront.
Nous avons entendu de nombreux témoins. À l'heure actuelle, nous avons une personne qui vit au‑delà des deux mois qu'on lui accordait et qui voulait demander l'AMM pour éviter d'être un fardeau pour sa famille. Grâce au soutien de notre équipe, elle est toujours bien portante et elle souhaite, le moment venu, venir pour terminer ses jours à l'hospice. Nous avons eu une autre cliente, fin de la cinquantaine, qui a récemment reçu l'AMM dans son magnifique jardin, mais seulement après une célébration familiale car elle ne voulait pas que ses enfants la voient mourir.
En conclusion, le droit à l'aide médicale à mourir est d'une grande importance dans le choix à faire. Plus important encore, c'est l'accès aux soins palliatifs en tant que droit de la personne permettant à chacun de vivre sa fin de vie sans souffrir et de passer le plus de temps possible avec ses proches. De plus, l'accès aux soins palliatifs garantit que ceux qui choisissent l'AMM le font parce que c'est leur volonté, non parce que c'est leur seule option pour échapper à leur douleur et à leur souffrance.
Je vous remercie de votre temps aujourd'hui. Nous nous excusons de nos difficultés techniques qui vous ont empêchés de nous voir à l'écran.
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Merci, madame la présidente.
J'adresse mes questions à Dre Gallagher.
Docteure Gallagher, au cours d'une récente réunion du Comité, Dr James Downar a déclaré dans son témoignage que 98 % des personnes qui ont eu recours à l'AMM avaient reçu des soins palliatifs ou y avaient eu accès. Or, les données présentées dans le troisième rapport annuel de Santé Canada sur l'AMM indiquent que seulement 82 % des personnes ayant eu recours à l'AMM avaient reçu des soins palliatifs et que seulement 88 % y avaient accès. Ces chiffres diffèrent de ceux donnés par Dr Downar.
Pouvez-vous, en tant que représentant de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, jeter de la lumière sur ces chiffres?
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Oui, et j'ai plusieurs choses à dire à ce sujet.
Premièrement, il n'y a pas de mesures pour la qualité des soins palliatifs. Cela a énormément d'importance parce que les gens ont de la difficulté à les définir et, par conséquent, en mesurer la qualité est aussi un problème.
Ce que nous savons, c'est que 20 % d'entre eux ont eu accès à des soins palliatifs après avoir demandé l'AMM. Quand on s'y arrête, cela signifie que la personne qui, durant deux ans dans la collectivité, est souffrante, a perdu son autonomie et son sens de la vie, si elle demande enfin l'AMM et est admise dans une unité de soins palliatifs, sera inscrite comme ayant reçu des soins palliatifs. Il est important de garder cela présent à l'esprit.
Si vous prenez les gens qui n'ont pas reçu de soins palliatifs, ils comptent pour environ 12 %. Cependant, on dit que les soins palliatifs sont accessibles dans 88 % des cas. La demande de soins palliatifs a‑t‑elle été refusée parce que le médecin n'était pas au courant ou qu'il ne comprenait pas la nature des soins palliatifs et leur disponibilité? À titre d'exemple, j'ai vu des gens atteints de sclérose en plaques, pour qui le soulagement des symptômes était effectivement indiqué, qui se sont fait refuser l'accès aux soins palliatifs.
Si vous faites le compte des gens à qui les soins palliatifs n'étaient pas accessibles — les 12 % des 1 474 personnes qui n'avaient pas accès à l'AMM —, il s'agit de 177 personnes. Si les tenants de l'AMM s'adressaient au gouvernement avec la preuve que 177 personnes n'ont pas accès à l'AMM, je suis certaine que les médias s'empareraient de l'histoire et que quelque chose serait fait, mais nous ne voyons pas ce genre de réaction quand il s'agit des soins palliatifs dont les gens au besoin.
J'attire votre attention là‑dessus. Ce n'est pas un nombre minuscule de personnes qui n'ont pas accès à des soins palliatifs.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Vos exposés nous seront très utiles.
Je vais poser mes premières questions aux porte-parole du Dorothy Ley Hospice. À titre d'information pour les autres membres du Comité, le Dorothy Ley Hospice est situé à Toronto, à Etobicoke, dans ma circonscription. Je suis donc bien au courant du bon travail qu'il fait et je tiens à l'en remercier. C'est pourquoi l'occasion m'a été donnée de participer à une conférence téléphonique Zoom organisée par l'hospice il y a quelques mois — en juillet, je crois — au cours de laquelle des gens ont été invités à expliquer le processus de l'AMM et à présenter des chiffres s'y rapportant.
Beaucoup de choses m'ont frappé ce soir‑là, mais l'une d'elles beaucoup plus que les autres. Le médecin qui a fait l'exposé a laissé entendre que, au moment de la légalisation de l'AMM, aucun des médecins — je crois qu'ils étaient 12 — du Dorothy Ley Hospice n'acceptait d'y participer. La situation a évolué depuis, et ils sont maintenant six ou plus, je crois, à y participer. C'est ce que j'ai compris de la situation, et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi elle a changé.
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Merci beaucoup, monsieur Maloney, d'avoir souligné ce fait.
Depuis 2016, nous constatons une évolution marquée. Nous venons tout juste de terminer une étude menée auprès non seulement de nos médecins en soins palliatifs, mais aussi de tout notre personnel. Il s'agissait de connaître leurs impressions et leurs réflexions au sujet de l'aide médicale à mourir. Environ 70 % des médecins ont changé d'opinion. Pourquoi? Parce que, ont-ils dit, l'aide médicale à mourir est devenue plus courante et qu'elle est mieux acceptée.
Les médecins ont vu dans l'aide médicale à mourir une option de plus parmi les moyens à leur disposition en matière de soins palliatifs. Lorsque toutes les autres options, comme les soins de confort, la gestion des symptômes et le soulagement de la détresse et de la souffrance échouent et que le malade souffre toujours et demande encore d'autres solutions, ils ne proposent jamais eux-mêmes l'aide médicale à mourir, mais s'il demande ce soin, ils ont des échanges avec lui à ce sujet et l'accompagnent. Ils ont changé et évolué pour considérer l'aide médicale à mourir comme une option parmi tous les moyens à leur disposition pour assurer les soins palliatifs plutôt que comme une solution tout à fait à part.
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Absolument. Ce n'est qu'une option parmi d'autres et non un choix qui exclut tous les autres soins palliatifs.
D'après notre expérience auprès de ceux qui songent à l'aide médicale à mourir ou en font la demande, il s'agit d'un choix éclairé, d'une décision éclairée. Notre équipe de soins palliatifs parle aux malades et aux familles des choix possibles, des motifs de leur choix, de leurs craintes et de leurs préoccupations. Elle leur rappelle toutes les solutions susceptibles de dissiper leurs craintes et préoccupations. Au bout du compte, si l'aide médicale à mourir est toujours la solution qu'ils souhaitent choisir, elle les accompagne.
Dans cette démarche, l'aide médicale à mourir constitue un aspect des soins palliatifs, mais il doit s'agir d'un choix éclairé et les malades doivent comprendre qu'il existe d'autres possibilités. Si, après tout, ils souhaitent toujours recourir à l'aide médicale à mourir, nous les accompagnons.
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Comment faites-vous pour obtenir un consentement libre et éclairé lorsque le patient est dans un tel état?
Pourquoi considérez-vous que cela est plus acceptable que, par exemple, une démarche où, un matin, accompagné vers l'étape de la mort, le patient mourant se dit prêt à lâcher prise et décide que l'on peut procéder à l'aide médicale à mourir?
En quoi ce que vous offriez était-il plus moralement acceptable que l'autre scénario, soit celui que vous n'offriez pas à vos patients?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Comme mes collègues, je tiens à remercier tous les témoins de l'aide qu'ils apportent au Comité pour le guider au cours de cette étude.
Docteure Gallagher, je m'adresse d'abord à vous. Je déduis de vos propos qu'une approche axée sur le patient est très importante pour comprendre ce qu'il veut.
Nous avons entendu un certain nombre de témoins au cours d'autres séances. La Dre Valorie Masuda, médecin en soins palliatifs, vient de ma circonscription. Nous avons reçu un représentant de TheraPsil qui se spécialise dans la psilocybine et la thérapie à la psilocybine, qui utilise cette substance. Le Dr José Pereira nous a également dit qu'il souhaitait pousser plus loin la recherche sur la question.
Vous avez parlé de détresse existentielle. Il y a eu des recherches prometteuses, notamment celles de l'Université Johns Hopkins, montrant que des doses de psilocybine administrées avec soin, avec l'attention et les soins d'un spécialiste de ce type de thérapie, ont vraiment permis à des patients, particulièrement pendant les soins de fin de vie, de parvenir à une certaine acceptation de leur finitude.
Que pensez-vous de l'état de ces recherches? Estimez-vous que le Comité peut recommander de rendre ce type de thérapie plus largement accessible aux patients en soins palliatifs?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à la Dre Gallagher ou à d'autres personnes qui aimeraient ajouter leur commentaire.
Certains témoins qui se sont présentés ici nous ont dit que le niveau d'accessibilité aux soins palliatifs dans l'ensemble du pays était très bas. L'une de ces personnes, qui venait du Québec, nous a même dit que cet accès dépendait en grande partie du code postal correspondant au lieu de résidence du patient.
Que pourrait faire le gouvernement fédéral pour aider à régler le problème de disparité qui touche l'accès à ces soins?
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J'ai dit que 60 % de notre financement provient du gouvernement provincial et qu'il faut en recueillir 40 % au moyen d'activités de financement, ce qui représente environ 1,5 million de dollars, et ce chiffre augmente chaque année. Si nous voulons offrir des soins accessibles et de grande qualité, nous devons nous intéresser au problème du financement des centres de soins palliatifs.
Quant aux aidants naturels, il est vraiment essentiel de leur apporter de l'information, du soutien et des conseils, de les guider et de leur offrir des consultations tout au long du parcours. C'est ce que nous faisons au centre de soins. Nous avons un personnel exceptionnel qui se charge de ce travail, et je ne peux pas vous dire à quel point cela soulage la détresse des aidants et du patient. Cela aide aussi à garder les patients chez eux.
Certains de ces services de soutien social, avec les bénévoles qui vont à la maison, sont également exceptionnels...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins. Merci vraiment de nous rappeler que nous avons d'énormes défis à relever pour améliorer l'accès équitable à des soins médicaux de grande qualité partout au Canada, ce qui englobe évidemment les soins palliatifs.
J'ai deux questions à poser au groupe du Dorothy Ley Hospice [difficultés techniques] et ensuite la deuxième.
Je comprends que le centre offre des soins palliatifs de grande qualité, ce qui n'empêche pas certains patients de demander l'aide médicale à mourir, même s'ils ont reçu des soins palliatifs de qualité. Ces patients déclarent-ils que leur demande d'aide médicale à mourir est attribuable au fait qu'ils ne reçoivent pas de soins palliatifs de qualité, ou choisissent-ils l'aide médicale à mourir pour une autre raison, même après avoir reçu d'excellents soins palliatifs?
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Les raisons sont multiples. Depuis une quarantaine d'années, les services de soins palliatifs s'efforcent de montrer qu'ils ne précipitent pas la mort et qu'ils n'abrègent pas la vie des patients. Leur association à l'aide médicale à mourir est source de confusion. Voilà une des raisons. Cette crainte est corroborée par une étude de 2021 sur les connaissances des Canadiens sur les soins palliatifs et leur attitude à leur égard. Il a été constaté que ceux qui croyaient avoir une bonne connaissance des soins palliatifs étaient plus susceptibles de les associer aux soins prodigués en fin de vie, comme dernier recours. Malgré 40 ans de travail, les gens associaient toujours les soins palliatifs à la fin de la vie. Le fait de réunir aide médicale à mourir et soins palliatifs favoriserait certainement cet amalgame.
L'autre raison, c'est que certains craignent encore que les soins palliatifs n'abrègent la vie. J'ai certainement rencontré des gens qui ont cette crainte, surtout pendant ce qu'on appelle la crise des opioïdes. Beaucoup ont peur de prendre des opioïdes. Nous devons donc déployer tous les efforts pour modifier cette attitude. Nous ne voulons pas d'amalgame.
Voici une autre raison: lorsque l'aide médicale à mourir a été légalisée, de nombreux fournisseurs de soins de santé, qui ne comprenaient ni les soins palliatifs ni l'aide médicale à mourir, pensaient en quelque sorte que les soins palliatifs régleraient le problème, car ils concernent tout ce qui touche la fin de vie. C'était le chaos. Nous craignons que, si nous en revenons là, ceux qui financent les soins de santé n'y voient probablement une solution idéale, car alors tout serait en quelque sorte regroupé et il n'y aurait aucun financement supplémentaire. Deux programmes coexisteraient ensemble, ce qui coûterait moins cher. Nous n'avons pas l'impression que cela permettrait d'offrir des soins de qualité.
Une autre raison encore. D'après notre expérience, dans certaines situations, l'aide médicale à mourir finit par utiliser les ressources destinées aux soins palliatifs. Comme nous vous l'avons dit ce soir, il y a des problèmes d'accès aux soins palliatifs. Nous avons les mêmes difficultés en matière de ressources humaines...
Voilà qui met fin à l'audition du premier groupe de témoins. Je vous remercie, docteure Gallagher, madame Masotti, monsieur Nowoselski, madame Cansfield et madame Purbhoo, de votre témoignage de ce soir. Et merci d'avoir répondu aux questions du comité sur les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Il était très important pour nous de vous entendre. Nous vous sommes très reconnaissants de vos témoignages.
Nous allons suspendre la séance très brièvement pour nous préparer à accueillir le prochain groupe de témoins. Merci.
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Poursuivons, chers collègues.
Je crois comprendre qu'il y a consentement pour que la séance soit écourtée parce qu'un vote est prévu à la Chambre. Nous allons poursuivre jusqu'à 20 h 20. Il a été convenu que le temps de parole de chacun sera amputé d'une minute, tant pour les députés que pour les sénateurs. Nous allons tous céder une minute de notre temps afin de pouvoir écourter l'audition du deuxième groupe de témoins.
Bienvenue aux témoins. Merci beaucoup de nous accorder du temps et de nous faire profiter de vos compétences.
Nous accueillons, à titre personnel, la baronne Ilora Finlay, baronne de Llandaff et professeure, par vidéoconférence, le Dr Henderson, directeur médical, Integrated Palliative Care, Nova Scotia Health, présent sur place, et la Dre Madeline Li, psychiatre et professeure associée, par vidéoconférence. Merci à vous tous de vous être joints à nous.
Nous allons commencer par la baronne Finlay, qui sera suivie du Dr Henderson et de la Dre Li. Vous avez chacun cinq minutes.
Madame la baronne, à vous l'honneur.
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Merci de m'avoir invitée.
En tant que législateurs — et je suis du nombre —, nous devons veiller à renforcer, et non à affaiblir, le rôle que la loi doit jouer dans la protection des personnes vulnérables, et à garantir que l'obligation de diligence de l'État soit honorée de façon équitable, par l'entremise de son effectif clinique.
Au Canada, l'aide médicale au suicide et l'euthanasie avec assistance médicale progressent de façon excessive, plus rapidement même que dans les pays du Benelux. L'élimination de l'exigence relative à la mort prévisible revient à autoriser la mort sur demande. L'évaluation des patients est purement subjective, et les consultations n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation qualitative. Les médecins ont dans les consultations, c'est inhérent à leur rôle, plus de pouvoir que le patient. L'offre de médicaments létaux comme option thérapeutique envoie le message subliminal que ce qui attend le patient est si terrible que la mort est préférable. Inconsciemment, cela peut refléter des préjugés inconscients ou de l'ignorance, des raccourcis dans les soins ou des motifs de réduction des coûts.
Les prétendues garanties ne sont que des critères d'admissibilité généraux, plutôt que des garanties vérifiables. Par exemple, la mort prévisible était une notion incroyablement vague, car le pronostic est notoirement inexact. Selon le Royal College of General Practitioners, le pronostic au‑delà de quelques jours comporte un risque d'erreur qui peut s'étendre sur des années.
Les médecins, par leur compassion même, n'arrivent souvent pas à déceler la coercition. Des données du Royaume-Uni révèlent qu'une personne âgée sur cinq est victime de mauvais traitements, particulièrement d'exploitation financière, et de négligence dans son propre foyer. Des situations semblables semblent exister dans d'autres pays développés. Les déficiences mentales et les distorsions cognitives sont des caractéristiques de la maladie mentale, avec ou sans maladie physique concomitante. La plupart des cliniciens n'ont pas la formation ou l'expérience nécessaires pour évaluer la capacité du patient.
Par conséquent, offrir l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale, c'est miner les politiques de prévention du suicide et ouvrir la porte à la discrimination à l'encontre de ceux qui souffrent de détresse mentale. On fait comprendre qu'elles ne méritent pas des soins psychiatriques suivis ou qu'elles ont moins de valeur dans la société. Les histoires qu'on commence à entendre au sujet de pauvres qui optent pour l'aide médicale à mourir donnent à penser que la société renonce à son devoir de prendre soin de ce groupe de citoyens. Pourtant, nombre de ceux qui souhaitent ardemment la mort à un moment donné profitent ultérieurement de leur vie et contribuent à la société de bien des façons imprévues.
Les mélanges médicamenteux utilisés pour mettre fin à la vie n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation scientifique. La durée d'action du propofol est courte, soit de 5 à 10 minutes, car il est rapidement diffusé dans le corps, mais le rocuronium a une très longue durée de paralysie totale, ce qui fait qu'il est probable que certains patients auront recouvré la conscience au moment où ils meurent d'asphyxie, mais semblent tranquilles pour l'observateur, car ils ne peuvent pas déplacer un muscle pour signaler leur détresse.
Les bons soins palliatifs ne comprennent pas l'aide médicale à mourir. Dans mon mémoire, j'ai proposé trois définitions des soins palliatifs. Toutes mettent l'accent sur l'amélioration de la qualité de la vie des patients, de leur famille et des aidants, dans le but d'aider les malades à bien vivre jusqu'à leur mort.
La détresse et la souffrance nécessitent un diagnostic méticuleux qu'on établit en travaillant avec le patient, en particulier lorsque la détresse est amplifiée par des inquiétudes financières, la solitude, la peur et le désespoir. Toute amélioration peut souvent être obtenue très rapidement. Je peux vous donner l'exemple d'un homme qui parlait de détresse accablante, avec sa femme et sa fille en larmes. Sa douleur et ses nausées ont été maîtrisées en moins d'une heure. Tous les trois ont dit qu'ils ne croyaient pas que les choses pouvaient s'améliorer à ce point.
L'aide médicale à mourir est un euphémisme pour désigner l'aide médicale au suicide et l'euthanasie avec assistance médicale pour ceux qu'on croit en phase terminale. Elle ne peut être offerte lorsqu'on renonce à l'exigence de mort prévisible, parce que les personnes à qui on donne des drogues mortelles ne sont pas mourantes.
En résumé, le Canada aurait intérêt à ne pas assouplir sa loi sur l'aide médicale à mourir, qui constitue une menace existentielle pour les personnes handicapées ou atteintes de maladie mentale. Le Canada devrait investir dans des soins palliatifs spécialisés adéquats et faire sortir des soins de santé les médicaments létaux, prévoir une évaluation prospective des consultations sur les demandes d'aide à mourir, la recherche sur le cocktail de médicaments utilisés et la recherche sur les effets à court et à long terme sur les personnes endeuillées.
Je m'appelle Dave Henderson, et je viens de la Nouvelle-Écosse. On m'a demandé de parler en tant que médecin en soins palliatifs. Je suis l'ancien président de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs. C'était il y a quelques années, lorsque l'AMM a vu le jour au Canada. Je suis également l'ancien président de l'Association de soins palliatifs du Nouveau-Brunswick et de la Nova Scotia Hospice Palliative Care Association, et ancien membre du conseil d'administration de l'Association canadienne de soins palliatifs. Je préside actuellement un groupe que nous appelons Palliative 4 Canadians. Il est composé de la haute direction de quatre organisations différentes du pays, et son seul but est d'essayer d'améliorer les soins palliatifs pour tous les Canadiens. Il s'agit du Portail canadien en soins palliatifs, de Pallium Canada, de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs et de l'Association canadienne de soins palliatifs.
Je ne vais pas répéter les excellents commentaires qui ont été faits par bon nombre de mes très estimés collègues. Vous avez toute cette information. J'aimerais aborder d'autres questions qui me semblent très importantes pour l'examen de cette question.
Je tiens d'abord à dire que je ne suis pas un homme religieux. J'ai dit à plusieurs reprises, dans plusieurs exposés que j'ai présentés, que je suis à peu près certain d'aller tout droit en enfer. J'ai hâte d'y rencontrer également un bon nombre d'entre vous. Au cas où vous ne l'auriez pas compris, c'est mon sens de l'humour, typique des Maritimes.
Des voix: Oh, oh!
Dr David Henderson: Malheureusement, quand de nombreux médecins en soins palliatifs font des commentaires apparemment négatifs à l'égard de l'AMM, on pense aussitôt que c'est parce qu'ils sont trop religieux ou qu'ils ont d'autres raisons de s'inquiéter. Je tiens à ce qu'il soit bien clair que je renvoie mes patients vers des collègues qui fournissent l'AMM. Je ne m'y oppose pas de ce point de vue, mais je vois beaucoup de préoccupations, tout comme certains de mes collègues qui fournissent le service. Je pense qu'il est vraiment important que nous nous penchions sur ces questions.
Mon thème de ce soir est qu'il est temps de revenir à la réalité.
Tout d'abord, à mon avis, les soins de santé au Canada sont dans l'état le plus fragile que nous ayons jamais connu en raison du manque de planification face au vieillissement démographique exponentiel que nous connaissons actuellement. Non seulement de nombreux Canadiens atteignent l'âge où ils ont le plus besoin de soins de santé, surtout à l'hôpital, mais les travailleurs de la santé font aussi partie de la population vieillissante. Comme nous pouvons le constater, les nouveaux professionnels de la santé n'ont plus le réconfort d'avoir des collègues chevronnés pour les encadrer au début de leur carrière.
Bon nombre d'entre eux éprouvent de la détresse morale et se sentent dépassés, ce qui les amène à quitter le secteur des soins de santé. Je suis sûr que vous en avez tous entendu parler. Les chiffres sont consternants, même chez les jeunes professionnels de la santé, qui se retirent complètement du système de santé, ce qui est vraiment désastreux. C'est ce qui place notre pays dans une situation aussi délicate et désespérée.
Par la suite, nos patients se retrouvent avec des fournisseurs de soins moins expérimentés, qui doivent assumer des charges de travail auxquelles ils ne sont pas habitués, sans avoir eu l'occasion d'acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour répondre aux besoins. Cela crée des difficultés pour tous les patients, mais surtout pour ceux qui sont mourants ou qui se trouvent dans une situation vulnérable, comme nous l'avons dit, compte tenu de nos problèmes de pauvreté et des nombreux autres problèmes auxquels nous sommes confrontés dans notre pays.
Je crains fort que cela ne contribue à faire de l'AMM la voie de la moindre résistance. À mesure que les gens deviennent de plus en plus surchargés de travail, fatigués et épuisés, cela pourrait malheureusement devenir une voie plus facile. Les choses ont tendance à suivre la voie de la moindre résistance. Je trouve également inquiétant que le gouvernement ait essentiellement accordé aux professionnels de la santé un permis de tuer sans avoir mis en place des contrôles importants pour s'assurer que les gens sont évalués correctement et rigoureusement. Ce commentaire a été fait il y a quelques minutes.
Les Canadiens ont convenu que les personnes atteintes d'une maladie en phase terminale dont la mort est prévisible devraient avoir la possibilité de demander l'euthanasie volontaire, et les lois ont été modifiées. À l'époque, de nombreuses personnes ont dit craindre une pente glissante, mais elles ont rapidement été réduites au silence. Peu de temps après, l'AMM est offerte à pratiquement n'importe qui, pour n'importe quelle raison, et je me demande si c'est vraiment ce que veut la population canadienne.
Si la majorité de la société estime que l'autonomie l'emporte sur tout le reste, comme cela semble devenir la tendance, et que chaque personne peut mettre fin à sa vie comme bon lui semble, qu'il en soit ainsi. Cependant, nous avons toujours la responsabilité de protéger les personnes vulnérables et de veiller à ce que les gens aient un choix qui comprend l'accès à des soins palliatifs, à des services de soutien social et de santé mentale, à des spécialistes de la douleur et à un système de soins de santé qui permet à tous de vivre dans la dignité, et pas seulement à ceux qui veulent mettre fin à leurs jours.
J'aimerais revenir sur des témoignages qui ont déjà été faits, encore une fois, par des collègues comme la Dre Leonie Herx et la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, qui ont exposé certaines de leurs préoccupations et de leurs idées sur la façon de remédier à quelques-unes d'entre elles. Je sais que vous avez entendu...
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Je tiens à remercier les coprésidentes et les membres du Comité de me donner l'occasion de participer à cette étude.
Je suis psychiatre au Princess Margaret Cancer Centre, professeure agrégée à l'Université de Toronto, et je suis une scientifique qui centre ses recherches sur la détresse émotionnelle et le suicide liés au cancer, y compris sur l'AMM. J'ai dirigé l'élaboration du programme d'AMM pour le Réseau universitaire de santé, j'ai été témoin expert dans la cause Lamb, et je suis actuellement responsable scientifique du projet d'élaboration du programme d'études de l'AMM de la CAMAP. Cependant, je prends la parole aujourd'hui à titre personnel, de sorte que toutes les opinions que j'exprimerai ici sont exclusivement les miennes.
Je suis également évaluatrice et fournisseuse de l'AMM, et j'aimerais vous dire aujourd'hui que j'ai de sérieuses préoccupations au sujet du rythme et du processus de l'élargissement de la loi sur l'AMM.
J'aimerais par reconnaître que les praticiens ont tous des valeurs qui s'inscrivent dans un continuum, à savoir qu'ils accordent la priorité à l'autonomie du patient ou à la protection des personnes vulnérables. Personnellement, je penche davantage en faveur du devoir de protéger, ce qui reflète en grande partie ma conviction que l'AMM pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible est littéralement de l'aide à mourir, tandis que l'AMM pour les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible est de l'aide technique au suicide. Cette opinion sous-tend les quatre points que je voudrais soulever.
Premièrement, on n'a pas accordé suffisamment d'attention aux aspects psychologiques des soins palliatifs. Bien qu'il ait été clairement démontré que la souffrance psychologique est le principal moteur du désir de recourir à l'AMM, nous n'avons pas saisi adéquatement les données sur l'accès aux soins psychosociaux ni mis l'accent sur le besoin de recherche et de financement ciblés dans ce domaine.
Deuxièmement, comme on vient de le dire, je n'ai pas encore vu de sondage d'opinion pour savoir si la population canadienne est en faveur de l'AMM pour toutes les formes de souffrance, et en particulier pour la vulnérabilité psychosociale ou structurelle. C'est une question importante, car je crois que les Canadiens — et peut-être même les législateurs — ne savent pas qui a pu obtenir l'AMM. Je soupçonne que vous serez surpris d'apprendre que des cas de ce genre se sont produits au Canada même avant le projet de loi , parce que personne n'atteint un âge avancé sans une forme de maladie chronique admissible comme l'arthrite, la MPOC, ou le diabète, et la vulnérabilité psychosociale sous-tend souvent ces demandes.
D'un point de vue conceptuel, on peut dire que l'AMM et les soins palliatifs sont distincts, mais je crois que d'un pont de vue clinique, il faut une meilleure intégration pour assurer des soins de fin de vie de haute qualité, en prêtant attention à la vulnérabilité. Le fait est que tout ce qui entoure l'AMM, à l'exception des cinq minutes d'injection létale, relève des soins palliatifs. Toutes les conversations initiales avec le patient pour savoir s'il peut présenter une demande d'AMM, la gestion optimale de ses symptômes jusqu'à ce qu'il le fasse, les conseils sur le moment où il peut aller de l'avant une fois qu'il a été déclaré admissible et le soutien à la famille après qu'il a reçu l'AMM sont vraiment assurés au mieux par les soins palliatifs. Toutefois, pour faire participer la communauté des soins palliatifs, nous devons démontrer que nous pratiquons l'AMM de façon prudente, constante et palliative, mais la loi nous empêche de le faire. J'ai certainement eu des cas où je me suis sentie obligée de fournir l'AMM contre mon meilleur jugement clinique parce que la loi n'apportait pas une protection adéquate. Je me ferai un plaisir de décrire un tel cas, si on me le demande.
Cela m'amène à mon troisième point, à savoir que la loi actuelle laisse trop de responsabilités entre les mains des cliniciens, dont l'application des critères d'admissibilité selon leurs propres valeurs peut rendre impuissantes les garanties législatives. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est parce que l'incurabilité peut comprendre le refus du traitement; un état avancé de déclin n'est pas forcément progressif; la souffrance est déterminée seulement subjectivement; et l'expression « raisonnablement prévisible » n'est pas du tout défini juridiquement. L'absence d'une définition de la mort raisonnablement prévisible est cruciale à la lumière du projet de loi , car les patients qui ont un pronostic de plusieurs années ou ceux qui refusent les soins préventifs ou qui cessent volontairement de manger et de boire peuvent être placés sur la voie soi-disant palliative, où il n'y a même plus la sauvegarde obligatoire d'une période de réflexion de 10 jours.
Cela m'amène à mon dernier point, qui a également été soulevé, à savoir que le Canada a besoin d'un mécanisme normalisé de surveillance pour examiner les cas. Cela a été proposé pour la maladie mentale comme seule condition médicale sous-jacente, mais je crois que c'est nécessaire pour de nombreux cas d'AMM ou du moins pour tous les cas de la voie deux.
En résumé, j'aimerais qu'on accorde davantage d'attention à la dimension psychologique de l'AMM, qu'on détermine si le public souhaite que l'AMM soit accordée pour toute forme de souffrance, qu'on donne une définition juridique de la « mort naturelle raisonnablement prévisible » et qu'on prévoie une forme de surveillance fédérale. Les circonstances dans lesquelles une personne devrait recevoir l'AMM ne peuvent être laissées à la discrétion des praticiens, car c'est la responsabilité du gouvernement, qui devrait vraiment refléter la volonté des Canadiens.
Merci.
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Au bout du compte, nous n'avons pas constaté d'augmentation importante des ressources humaines. Je sais qu'un de mes collègues a dit que les choses allaient beaucoup mieux à un certain endroit, ici, à Ottawa, mais c'est rarement le cas. Nous éprouvons des difficultés. Il y a des délais d'attente pour l'accès aux soins palliatifs en Nouvelle-Écosse.
J'ai mentionné les défis auxquels font maintenant face les équipes de soins palliatifs, en partie parce que le vieillissement de la population nous touche aussi. Nous ne pouvons donc même pas remplacer les membres des équipes spécialisées de soins palliatifs qui prennent leur retraite. Nous ne formons pas de nouveaux spécialistes assez rapidement. Il n'y a pas suffisamment de postes disponibles pour la formation au Canada, et c'est quelque chose dont nous parlons depuis un certain temps avec les universités pour essayer d'augmenter leur nombre.
De plus, il y a un manque de soins primaires. Des nouvelles à ce sujet ont été publiées hier, en Nouvelle-Écosse. Au bout du compte, nous avons une population d'environ un million de personnes, ce qui n'est pas beaucoup comparativement à d'autres endroits au pays. Cependant, environ 120 000 personnes n'ont pas de fournisseur de soins primaires. Cela donne une personne sur dix dans notre province.
Comme ces personnes n'ont même pas accès à des soins primaires, la seule façon dont elles reçoivent des soins palliatifs, c'est qu'elles se retrouvent à l'urgence et qu'on les réfère par la suite. Nos équipes de soins palliatifs voient ces patients et doivent pratiquement les garder parce qu'il n'y a personne d'autre pour s'occuper d'eux. Cela crée un fardeau supplémentaire pour nos équipes de soins palliatifs, et pose de plus en plus de problèmes.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'écoute deux groupes de témoins, celui d'il y a une heure et celui‑ci, et je dois dire que certaines des choses que j'entends me préoccupent. D'abord et avant tout, j'accepte l'idée qu'il faut que les soins palliatifs soient accessibles à tous. Comme nous savons que cette responsabilité incombe aux provinces, nous devons envisager une sorte d'accessibilité universelle, peu importe où vous vivez au Canada, à de bons soins palliatifs.
J'entends dire que nous n'avons pas suffisamment de ressources humaines pour offrir des soins palliatifs, surtout des spécialistes. J'entends cela et j'accepte tout cela. J'accepte tout cela, mais ce qui me préoccupe un peu, c'est de savoir si quelqu'un dans ce groupe croit que les soins palliatifs et l'AMM sont en fait interchangeables, ou qu'ils sont distincts et que vous pourriez avoir l'un ou l'autre, et non qu'il s'agit d'un continuum de soins? Si les soins palliatifs ne fonctionnent pas, si la souffrance existentielle d'une personne devient si grande, alors qui sommes-nous pour dire que quelqu'un ne souffre pas existentiellement?
Comment le savons-nous? Surtout les adultes... J'accepte le principe que les jeunes enfants ne savent pas et ne peuvent pas s'exprimer, mais pour de nombreux adultes, la souffrance existentielle est exactement ce que c'est. Nous savons que parfois, cela peut... L'un des témoins de la dernière heure nous a dit que certaines personnes reçoivent d'excellents soins palliatifs, mais qu'elles ne veulent tout simplement pas continuer parce que ce qu'elles ressentent, ce dont elles souffrent, est tout simplement trop.
Si, tout bien considéré, nous avons d'excellents soins palliatifs, que nous y investissons de l'argent, qu'ils sont universellement accessibles et que nous avons suffisamment de ressources humaines pour former et offrir de bons soins palliatifs, ma question est la suivante: une personne qui a subi tout cela, qui peut obtenir ces soins sans se soucier de sa capacité de payer — comme nous le savons, au Canada, le système de soins médicaux fait en sorte qu'on n'a pas à s'inquiéter de sa capacité de payer... Y en a‑t‑il parmi vous qui croient qu'une personne devrait être forcée de rester en soins palliatifs et qu'on ne devrait pas lui offrir l'AMM si elle le souhaite?
Je remarque que la Dre Li hoche la tête, alors je vais peut-être lui adresser cette question en premier.
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Je vais probablement faire une déclaration et ne pas poser de question.
Je pense que beaucoup de gens nous ont demandé ce que d'autres personnes pensent du système canadien, ce qu'en pense la société, etc. Au bout du compte, la Cour suprême a statué qu'il fallait que ce soit l'article 7 de la Charte qui prime, avec « le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne », et cela signifie que ce que les autres pensent n'a pas vraiment d'importance. Les gens et la société en général n'ont pas à juger si vous devez choisir ou non les soins palliatifs. C'est le clinicien...
La coprésidente (L'hon. Yonah Martin): Merci, madame Fry.
L'hon. Hedy Fry: C'est le clinicien qui devrait travailler avec le patient.
La coprésidente (L'hon. Yonah Martin): Merci, madame Fry.
L'hon. Hedy Fry: Merci, madame la présidente.
Docteur Henderson, ce que votre thème de ce soir évoque, c'est qu'il faut que nous nous réveillions. J'abonde dans le même sens que vous lorsque vous plaidez pour de meilleurs soins de santé.
J'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous voulez dire quand vous dites « l'autonomie par-dessus tout », en invoquant, par exemple, l'aide médicale à mourir par rapport aux soins palliatifs.
À ce que je sache, l'autodétermination de la personne est consacrée en droit, et nul ne peut intervenir, en matière de santé, auprès d'un patient sans son consentement libre et éclairé. C'est cela, l'autonomie et l'autodétermination par-dessus tout, même en situation d'urgence.
D'après mon expérience, la majorité des personnes qui demandent l'AMM ont souvent un bon niveau d'instruction. Je n'ai pas vu beaucoup de gens qui avaient beaucoup de symptômes physiques, alors la détresse existentielle est certainement un facteur, mais je vois de plus en plus de gens qui veulent cette autonomie personnelle pour pouvoir choisir leur moment. Ils veulent choisir un moment où la famille pourra venir et être présente, et ils voient presque cela comme planifier des vacances plutôt que leur décès. Cela semble étrange, et c'est effectivement étrange quand on vit ce genre de situation.
Ce qui me préoccupe, c'est qu'il y a une proportion de professionnels de la santé au Canada et une proportion de la population qui tiennent vraiment à ce que cette autonomie soit à la disposition de tous. Je ne dis pas que ce ne devrait pas être le cas, mais avant d'aller aussi loin, nous devons nous rappeler qu'il y a des gens qui ne mènent pas une vie autonome. Ils sont aux prises avec des difficultés financières; ils ont des comptes à rendre à d'autres personnes, ou d'autres personnes s'occupent d'eux, de sorte qu'ils ne peuvent déjà pas faire beaucoup de choix de vie. Cela ne veut pas dire qu'ils ne devraient pas avoir ce choix, mais considèrent-ils qu'il s'agit vraiment d'un choix? C'est là le défi et la difficulté.
C'est pourquoi je suis si préoccupé par le fait que nous devons être extrêmement prudents à cet égard. Je ne pense pas que nous ayons mis en place les freins et contrepoids appropriés. Je sais que nous avons entendu diverses préoccupations partout au pays, et je n'entends jamais parler d'un suivi de ces cas.
Un de mes collègues a donné un exemple. Pour que nous puissions prescrire un opioïde, il y a des organismes provinciaux qui surveillent maintenant nos ordonnances, et si un de mes patients reçoit une ordonnance pour un opioïde de deux autres médecins, je reçois une lettre m'informant de ce que ce patient a fait. Nous essayons de nous assurer que la personne n'utilise pas les opioïdes de façon inappropriée. Est‑ce que quelqu'un reçoit une lettre au sujet d'un patient qui a reçu l'AMM ou d'un médecin qui a traité un grand nombre de cas?
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Merci, madame la coprésidente.
Docteur Henderson, j'aimerais commencer par vous. J'ai eu l'occasion de visiter votre belle province en septembre. Pendant que j'étais là‑bas, j'ai pu rencontrer des députés de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse pour discuter de l'intersection entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial en ce qui concerne les soins de santé.
L'une des choses qu'ils m'ont dites, c'est que la formule de financement actuelle ne fonctionne pas très bien pour la Nouvelle-Écosse parce que vos données démographiques tendent à pencher fortement du côté des aînés. Bien entendu, les besoins en soins complexes et en soins palliatifs représentent, par habitant, un fardeau un peu plus lourd pour la province de la Nouvelle-Écosse.
Vous avez dit que les soins de santé au Canada sont en crise. Dans ma province, la Colombie-Britannique, particulièrement dans l'île de Vancouver, nous avons également une population assez élevée de retraités. Compte tenu de ce que les députés provinciaux m'ont laissé entendre, avez-vous quelque chose à ajouter, d'après votre expérience, sur la façon dont se déroule le partenariat fédéral-provincial?
Je vais simplement faire attention à l'horloge.
Dans les quelques minutes qui me restent, docteure Li, j'aimerais vous poser ma prochaine question.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez insisté sur la souffrance psychologique. Nous avons certainement entendu un certain nombre d'autres témoins parler de la même chose.
Nous avons également entendu des témoins, et il y a eu un médecin de ma propre circonscription. Nous avons reçu un représentant d'une entreprise qui travaille dans le domaine de la psilocybine et de la thérapie assistée par la psilocybine, car cela pourrait aider les patients en fin de vie à surmonter cette crise existentielle, cette souffrance psychologique.
Êtes-vous au courant de certaines des recherches en cours? Avez-vous des commentaires à ce sujet? Aimeriez-vous que le gouvernement fédéral investisse davantage dans la recherche dans ce domaine, car cela pourrait aider les patients à obtenir des soins de qualité?
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Je vous remercie de cette question. J'ai beaucoup d'opinions à ce sujet.
Absolument, j'aimerais qu'il y ait plus de financement pour la recherche sur les psychédéliques, pour la recherche psychosociale en général — et les psychédéliques en font partie. J'aurais tort de refuser cela, parce que je dirige... Je viens de soumettre aux IRSC une demande de financement pour une étude sur la psilocybine dans le traitement du cancer et les soins palliatifs, alors je pense certainement qu'il faut faire de la recherche.
Je tiens à faire une mise en garde, à savoir que ce ne sera pas la panacée ou l'antidote à l'AMM. J'ai terminé un essai clinique sur la kétamine, un autre type de psychédélique, en soins palliatifs, et j'ai publié un article sur les cas de trois patients, et ce que...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Henderson.
Monsieur Henderson, dans une entrevue que vous avez donnée, vous avez mentionné que plusieurs personnes craignent les soins palliatifs. Elles pensent que si elles sont admises en soins palliatifs, elles vont mourir plus vite.
Que dites-vous à ces personnes?
Je vous pose la prochaine question rapidement afin que vous puissiez me répondre en deux minutes.
D'après vous, quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer pour contrer la méconnaissance du grand public relativement aux soins palliatifs?
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C'est un excellent point.
En fait, lorsque nous avons commencé à définir les paramètres de l'aide médicale à mourir, nous avons dit qu'il devait y avoir une campagne nationale d'éducation sur les soins palliatifs, pour aider les gens à comprendre en quoi ils consistent, mais aussi à comprendre ce qu'est l'aide médicale à mourir, afin que le public sache qu'elle est réellement disponible, ce qui pourrait nous aider à réduire le risque de coercition. Si les gens savent qu'elle est disponible, ils nous la demanderont. À l'heure actuelle, nous attendons que les gens la suggèrent... ou disent que leur vie est devenue intolérable, ce à quoi nous leur répondons que l'aide médicale à mourir est maintenant légale, et nous approfondissons ensuite la discussion.
En ce qui concerne les soins palliatifs, les patients ont encore peur que nous intervenions et qu'ils meurent plus tôt. Nous essayons de les rassurer en leur disant que nous renvoyons des gens chez eux tout le temps, après leur participation au programme. Nous les aidons à traiter leurs symptômes physiques, à commencer à régler certains de leurs problèmes psychosociaux et à s'assurer qu'ils ont réglé des problèmes comme les directives de soins anticipées et autres choses de ce genre.
S'ils se portent vraiment bien, nous prenons du recul et ils continuent de travailler avec leur personnel de soins primaires, en plus de leur oncologue ou de qui que ce soit d'autre. Nous pouvons alors intervenir de nouveau au besoin. Le fait de réaffirmer cela auprès des patients et des familles aide à les rassurer que nous ne sommes pas là seulement pour les derniers jours et les dernières heures de la vie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins.
J'ai deux questions.
La première s'adresse au Dr Henderson et à la Dre Li. Ma deuxième question s'adresse à la baronne Finlay. Je vais les poser ensemble, puis je vous demanderai d'y répondre ensuite.
Docteur Henderson et docteure Li, à votre avis, comment le gouvernement fédéral pourrait‑il inciter les provinces et les territoires à offrir des soins palliatifs de meilleure qualité à ceux qui en ont besoin? C'est ma première question.
Madame la baronne Finlay, le National Health Service a‑t‑il sensiblement amélioré les soins palliatifs au Royaume-Uni au cours des dernières années? Comparativement au Canada, quel pourcentage de la population du Royaume-Uni a un accès rapide à des soins palliatifs de qualité?
Docteure Li et docteur Henderson peuvent commencer, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
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En fait, nous enseignons aussi. Nous ne laissons jamais tomber le patient.
Quelqu'un a dit qu'il fallait choisir entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs. Si la personne reçoit des soins palliatifs, elle peut continuer de les recevoir jusqu'à ce qu'elle obtienne l'aide médicale à mourir. Nous n'avons pas l'intention d'y mettre fin à moins que le patient le demande. Les soins sont toujours disponibles.
Nous enseignons, et nous l'avons fait pendant des années et des années avant que ce soit offert, que lorsque quelqu'un dit que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, nous commençons par explorer le sens de cette affirmation. Nous demandons à la personne ce qu'elle entend par là, ce à quoi elle peut répondre qu'elle n'a plus le goût de vivre. Nous parlons ensuite de la cause profonde de cette situation. C'est un aspect qui manque dans bon nombre d'évaluations de l'aide médicale à mourir lorsque les soins palliatifs ne sont pas en cause. L'évaluation ne porte que sur l'admissibilité à l'aide médicale à mourir; on ne demande pas quelle est la cause profonde de la souffrance d'une personne et comment nous pouvons y remédier.
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Encore une fois, je ne suis pas expert en la matière. C'est une étape tellement importante et définitive. C'est un processus pour mettre fin à la vie de quelqu'un. Je veux dire, il n'y a rien de plus important, alors nous devons nous assurer de bien faire les choses. C'est un processus qui est légal maintenant, et qui est utilisé. Nous devons simplement nous assurer de bien faire les choses.
Je pense qu'il faut un organisme de surveillance — et peut-être même pas au sein du gouvernement — qui a la capacité d'examiner les cas. Il faut aussi qu'il y ait des lignes directrices nationales à observer. Si quelqu'un n'observe pas les lignes directrices, il faut établir clairement quelles seront les conséquences afin que des médecins n'aient pas une mauvaise surprise au bout du compte lorsqu'ils ont fourni de bonne foi l'aide médicale à mourir, pour découvrir ensuite qu'ils ont fait quelque chose de répréhensible sans avoir la moindre idée des conséquences. Tout cela doit être établi de façon très claire et très transparente pour que tout le monde connaisse les règles du jeu.
À mon avis, il devrait y avoir des vérifications. Je pense qu'il faudrait essentiellement surveiller les grands fournisseurs. Les gens qui s'occupent d'un grand nombre de cas devraient probablement faire l'objet d'un plus grand nombre de vérifications pour s'assurer que tout s'est bien passé et que tout s'est déroulé dans les règles. Ensuite, il devrait y avoir des contrôles aléatoires sur les autres personnes qui fournissent les soins. C'est ce qui se passe déjà dans le domaine des soins de santé pour les médecins de famille et tous les médecins. À différents moments, les dossiers peuvent faire l'objet d'une vérification simplement pour s'assurer que nous fournissons des soins de qualité. S'il y a une chose que nous devrions nous assurer de faire correctement et de façon transparente, c'est bien de mettre fin à la vie de quelqu'un qui le demande.
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C'est une possibilité, et nous devons être très conscients que la morphine peut créer un état de détresse et que les stéroïdes peuvent créer une labilité émotionnelle.
Lorsque quelqu'un dit qu'il estime que sa vie ne vaut pas la peine d'être vécue, vous devez répondre à cette question en lui demandant pourquoi, et découvrir ce qui se passe. Il se peut qu'il y ait des médicaments qui modifient la capacité de la personne. Ce peut être le cancer lui-même ou une autre maladie qui modifie la capacité de la personne. Elle peut également faire une dépression.
Il faut explorer et diagnostiquer la cause sous-jacente. Ensuite, il faut s'attaquer aux causes sous-jacentes de la détresse de la personne. Cependant, si vous vous contentez de répondre machinalement, vous ne comprendrez jamais la personne et ce dont elle a vraiment besoin.
Le danger est d'oublier que l'autonomie est relationnelle. Nous interagissons tous. La façon dont le médecin se comporte envers le patient modifie la façon dont le patient reçoit son résultat. Il y a de bonnes preuves au Canada que la dignité est rehaussée par la façon dont les soins sont prodigués ou qu'elle est minée par la façon dont ils ne sont pas prodigués.