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SJNS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE AMENDMENT TO TERM 17 OF THE TERMS OF UNION OF NEWFOUNDLAND

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL CONCERNANT LA MODIFICATION À LA CLAUSE 17 DES CONDITIONS DE L'UNION DE TERRE-NEUVE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 21 novembre 1997

• 0904

[Traduction]

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn (Lethbridge, Lib.)): Bonjour.

Ce matin, chers collègues, nous entendrons, comme nous l'avons fait hier, les points de vue juridique et constitutionnel sur le projet de résolution concernant la modification que l'on propose d'apporter à la clause 19 des Conditions de l'Union de Terre-Neuve avec le Canada.

Certains témoins d'aujourd'hui ne sont pas étrangers au comité.

• 0905

Nous entendrons Mme Gale Welsh, avocate du ministère de la Justice. Elle est conseillère en droit constitutionnel depuis plus de dix ans et suit ce dossier de très près depuis le tout début, en 1992.

Nous entendrons aussi M. Ian Binnie, associé chez McCarthy Tétrault à Toronto. M. Binnie, à qui nous souhaitons la bienvenue, a défendu maintes causes constitutionnelles devant la Cour suprême du Canada, il a représenté le Canada à la Cour internationale de justice et il a été sous-ministre délégué de la Justice au gouvernement fédéral, de 1982 à 1986.

Nous vous remercions beaucoup d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui, parce que nous étudions une question très importante pour laquelle nous avons tous besoin de vos lumières.

Nous entendrons d'abord vos brèves déclarations, puis nous vous interrogerons. Nous espérons remplir ce programme en une heure. Je dis cela à l'intention de mes collègues. Les témoins sont toujours très intéressants. Il faudra poser des questions très succinctes et répondre brièvement. Merci beaucoup.

Madame Welsh, voulez-vous débuter?

Mme Gale Welsh (avocate, ministère de la Justice, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Merci.

J'ai l'intention de limiter mon exposé de ce matin à quelques questions qui me semblent particulièrement pertinentes pour le comité. Je céderai ensuite la parole à M. Binnie, qui fera quelques observations avant que nous ne répondions à vos questions.

J'aimerais vous entretenir ce matin des déclarations selon lesquelles une modification de la résolution concernant la clause 17 serait une réaction pertinente ou acceptable du Parlement à la demande de Terre-Neuve et du Labrador.

La question d'une modification possible de la résolution doit être examinée sous deux angles: premièrement, le processus, et deuxièmement, le fond. Je traiterai d'abord brièvement du processus, et je crois que mes observations à ce sujet vont dans le sens de ce que vous ont déclaré hier les professeurs Bayefsky et Schneiderman.

Le Parlement a clairement la responsabilité d'examiner de manière indépendante et attentive les modifications proposées par une province en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle. Mais la province estime que les deux chambres du Parlement devraient ou bien adopter la résolution telle que présentée ou bien la rejeter. Il n'y a pas de solution intermédiaire.

Pourquoi sommes-nous de cet avis? Premièrement, la résolution émane de la province et il convient qu'elle le fasse. Elle découle d'événements survenus dans la province au fil des années. La décision de modifier la clause 17 n'a pas été prise à la légère et les termes employés pour exprimer la volonté de la population conformément à la Constitution n'ont pas été choisis du jour au lendemain. La résolution est le fruit de consultations, d'argumentation, de discussions et de débats. Elle a d'ailleurs été appuyée à 73 p. 100 à l'occasion d'un référendum. Je le souligne, les termes employés ont été choisis avec grand soin, en tenant compte de la situation de la province, une situation que comprennent le mieux ceux qui vivent dans la province.

Si les chambres du Parlement ne peuvent adopter la résolution telle que présentée par la province, elles n'ont pas d'autre choix que de la rejeter. Une modification constituerait une ingérence indue dans une question qui relève de la province. Il revient à la province de concevoir une résolution acceptable.

Ce sont mes observations au sujet du processus. J'aborde maintenant le deuxième aspect du problème, soit le fond.

Il importe de comprendre que la clause proposée exprime en termes constitutionnels ou juridiques ce sur quoi la population s'est prononcée par référendum. Pour illustrer cette affirmation, j'examinerai quelques modifications qui ont été proposées dans cette enceinte.

• 0910

D'abord en ce qui concerne le paragraphe 17(2), certains ont suggéré de supprimer la seconde moitié, la partie qui stipule que la législature doit «prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier». Avant de décider de supprimer cette disposition, il importe de comprendre pourquoi elle figure dans ce paragraphe.

Elle vise à garantir que la province a le pouvoir et la responsabilité de prévoir un enseignement religieux. C'est une obligation constitutionnelle imposée à la législature. Les citoyens de la province peuvent y compter, c'est une garantie. Si cette garantie ne figurait pas dans la Constitution, les citoyens ne pourraient pas être assurés de leur droit à un enseignement religieux à l'avenir.

Le paragraphe (2) est essentiel pour donner aux citoyens de Terre-Neuve et du Labrador le droit pour lequel ils ont voté au référendum, un droit constitutionnalisé à un enseignement religieux dans les écoles publiques, un droit que la législature ne peut pas renier ni abroger.

Le deuxième exemple de modification possible de la résolution se rapporte au paragraphe (3) de la clause proposée, qui garantit que l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.

La professeure Bayefsky a fait hier quatre suggestions qui, à son avis, permettraient peut-être d'améliorer ce paragraphe. La première suggestion consistait à supprimer le droit. La disposition pouvait aussi être modifiée de façon à ce que le droit ne s'applique que si les parents des enfants prenaient une décision unanime en ce sens ou encore la disposition pouvait être assujettie à la Charte des droits et libertés.

Le problème que posent toutes ces suggestions est qu'elles modifient la nature du droit que les citoyens ont approuvé par référendum.

Mais quel droit devait être garanti? Celui des parents de demander l'observance d'une religion dans une école. Il n'est pas exigé que le nombre le justifie. Un seul parent pourrait faire exercer son droit, un seul parent de n'importe quelle religion. Mais si les parents ne veulent pas que leurs enfants participent, ils sont libres de faire ce choix. Les enfants ne sont pas tenus de participer. Ce sont les deux propositions fondamentales qui découlent du paragraphe 17(3) proposé.

Il importe de noter que le droit de ne pas participer ne peut l'emporter sur le droit de demander l'observance d'une religion ni entraver ce droit. Autrement dit, le droit garanti est celui de l'observance d'une religion. La non-participation des autres ne peut annuler ce droit. Si la décision de ne pas participer pouvait annuler le droit de pratiquer la religion, alors le droit conféré par le paragraphe (3) serait vide de sens. Il ne s'agirait pas du tout d'un droit garanti.

Il est vrai qu'un tel régime n'est peut-être pas souhaitable dans d'autres provinces, mais la clause proposée doit être évaluée à la lumière de la situation et de l'histoire bien particulières de Terre-Neuve et du Labrador. La nouvelle clause représente une évolution à partir d'un régime confessionnel vers un régime scolaire unique qui s'adressera à tous les enfants, peu importe leur religion. Mais il ne s'agit pas d'une évolution vers un régime entièrement laïc. On a fait un compromis en se dirigeant vers un régime scolaire unique. Deux éléments religieux seraient maintenus—l'enseignement religieux et l'observance d'une religion, lorsque des parents de n'importe quelle religion le demandent.

Ce n'est peut-être pas le régime souhaité ou accepté dans d'autres provinces, mais c'est celui qui est souhaité et accepté à Terre-Neuve et au Labrador.

J'aimerais céder maintenant la parole à M. Binnie, qui présentera quelques observations sur certains autres sujets.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur Binnie.

• 0915

M. Ian Binnie (avocat, McCarthy Tétrault): Merci, madame la présidente. D'abord, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner ce matin et je répondrai à votre généreuse invitation en étant bref.

J'ai adressé deux lettres au ministre de l'Éducation de Terre-Neuve. La première est datée du 21 août et la seconde n'a été envoyée qu'hier, en réponse à des questions soulevées dans le contexte du Pacte international. Les membres du comité peuvent soit m'interroger soit lire ces documents quand bon leur semblera. Je propose de traiter très brièvement du lien entre la clause 17 proposée et la Charte des droits et libertés, puisque cette question soulève certaines préoccupations, je crois.

Le lien fondamental est décrit à la page 4 de la lettre du 21 août—il s'agit d'une règle de droit qui remonte aussi loin que le régime juridique: lorsqu'une loi est adoptée, toutes ses dispositions forment un tout et sont interprétées comme un tout. Alors, en appliquant cette règle à la Constitution, comme l'ont fait les tribunaux, on obtient la règle selon laquelle toutes les dispositions de la Constitution forment un tout, aucune disposition de la Constitution ne peut être invoquée pour l'emporter sur une autre ou encore pour annuler l'effet d'une autre disposition de la Constitution. C'est une règle qui remonte à 1867. Elle n'a pas été créée par la Charte des droits et libertés.

Mais que faut-il en conclure dans ce cas-ci? Cela ne veut pas dire qu'il faut interpréter la clause 17 sans tenir compte de la Charte, pas plus que la Charte ne peut s'appliquer sans tenir compte de la clause 17. Les tribunaux doivent tenir compte des deux. Quelle est l'application de ce principe au sujet qui nous intéresse?

La question s'est posée dans l'arrêt sur les écoles de l'Ontario qui a fait jurisprudence, puis dans un arrêt ultérieur, l'arrêt Adler. Des écoles indépendantes tentaient d'obtenir du financement d'État. Dans les deux cas, le tribunal a réaffirmé le principe que je viens d'énoncer. Ce principe a joué un rôle fondamental dans la décision. Il ne s'agissait certainement pas d'une observation en passant. Si le tribunal n'avait pas exprimé l'opinion que la Charte ne pouvait être invoquée pour annuler une disposition de la Constitution—dans ce cas-ci, l'article 93—le résultat des appels aurait été différent.

Deuxièmement, on vous a indiqué hier, si je ne m'abuse, que, puisque la Charte est antérieure à la clause 17 modifiée et que l'article 93 est antérieur à la Charte, le moment où ces deux dispositions ont été adoptées est important. Ce principe n'a jamais été reconnu dans l'interprétation de la Constitution, et s'il l'était, la Charte donnerait effet à la Constitution de 1867. Ainsi, le fait que le Parlement a été autorisé à adopter des lois discriminatoires à l'égard des Indiens l'emporterait sur les dispositions relatives à l'égalité contenues dans la Charte, si ce principe de l'antériorité s'appliquait. En réalité, la Constitution est un document fondamental dont tous les éléments forment un tout, peu importe le moment où ils ont été adoptés.

En ce qui concerne le paragraphe (2) de la clause 17 proposée, d'aucuns se sont inquiétés, je crois, de l'obligation de la législature d'offrir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier. En plus du compromis que représente cette disposition, et qui a été accepté par les tribunaux, le contenu de cette disposition est neutre, je tiens à le faire remarquer. Cette disposition n'impose aucune obligation au gouvernement ou aux citoyens de Terre-Neuve quant au contenu de l'enseignement religieux, si ce n'est qu'il ne doit pas viser une religion en particulier.

• 0920

Qu'arriverait-il si la législature de Terre-Neuve imposait un contenu étroit à l'enseignement religieux, de nature à porter atteinte aux croyances ou à la liberté d'expression des Terre-Neuviens? Parce que la clause 17 ne dicte pas le contenu, le contenu reste assujetti aux droits de la Charte relatifs à la liberté de croyance et de religion ainsi qu'à la liberté d'expression.

Comme vous le savez, la liberté d'expression inclut le droit de recevoir de l'information et de diffuser de l'information. Si le contenu n'était pas acceptable en vertu de la Charte, les tribunaux pourraient corriger la situation.

Le deuxième aspect du lien entre la Charte et la clause 17 se trouve au paragraphe 17(3) proposé, qui prévoit que l'observance d'une religion est permise. Que la pratique de la religion soit permise ne signifie pas qu'elle peut être imposée aux parents ou aux enfants qui ne veulent pas participer. Encore une fois, parce que la clause 17 n'impose pas la participation, la Charte s'applique librement et elle s'appliquera à la liberté de conscience et de religion des élèves des écoles terre-neuviennes.

Le lien entre la clause 17 et la Charte est assez simple. Je pense que les membres du comité qui s'inquiètent devraient être rassurés sur ce point. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Binnie. Nous y arrivons à ces questions, en commençant par M. Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci de votre exposé.

Sur ce dernier point, monsieur Binnie, pouvez-vous m'expliquer comment les tribunaux corrigeraient une incohérence, étant donné que la Constitution elle-même stipule à l'article 52 que la loi serait sans effet? Les tribunaux pourront-ils modifier ou corriger ce sur quoi le peuple s'est prononcé par référendum ou, si la disposition se révélait incohérente, deviendrait-elle nulle et non avenue en vertu de l'article 52? L'article 52 peut-il être invoqué pour annuler cette disposition, si elle se révèle incohérente?

M. Ian Binnie: L'article 52 s'applique certainement à toute disposition de la Constitution, mais quand vous dites la Constitution et quand l'article 52 renvoie à la Constitution, il renvoie à l'effet combiné de la clause 17 et de la Charte. C'est pour cette raison que les deux doivent être pris ensemble.

Le peuple de Terre-Neuve, comme vous dites, s'est prononcé sur la clause 17 il est vrai, mais il s'est prononcé pour que la législature offre un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier. Donc, dans la mesure où la Charte affirme que la liberté d'expression sur le marché des idées continue d'exister dans ce domaine, ce n'est pas incohérent avec ce qui a été voté.

M. Peter Goldring: Je dois donc en conclure qu'ils pourraient modifier la clause 17, si elle se révélait inconséquente, afin de tenir compte de cette liberté.

M. Ian Binnie: Puis-je corriger cette affirmation. Ils ne peuvent pas modifier la clause 17. Ils affirmeront que la clause 17 ne porte que sur un petit élément de l'obligation et que la Charte porte sur le reste. Là encore, l'une ne l'emporte pas sur l'autre; les deux agissent ensemble.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie, monsieur Goldring.

Nous entendrons maintenant le sénateur Kinsella et M. Pagtakhan.

Le sénateur Noel A. Kinsella (Fredericton—York—Sunbury, PC): Merci, sénatrice Fairbairn.

J'ai deux questions. Premièrement, en règle générale, en ce qui concerne—et je vous remercie beaucoup—l'avis concernant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son application, et plus particulièrement l'article 18 de ce pacte, pouvez-vous nous indiquer la jurisprudence relative à ce pacte ou tout autre document sur l'interprétation de l'article 18 donnée par le Comité des droits de l'homme qui administre le pacte ou par la Commission européenne des droits de l'homme ou par tout autre tribunal international à l'appui de votre interprétation?

• 0925

M. Ian Binnie: Je n'ai pas apporté ces documents avec moi, mais je peux certainement les faire parvenir au comité. Comme vous le savez, la Cour européenne des droits de l'homme applique la Convention européenne des droits de l'homme. Beaucoup de ces dispositions se trouvent à divers endroits et ont été interprétées, mais à ma connaissance, aucune interprétation est incompatible avec ce que j'ai décrit dans ma lettre.

Le sénateur Noel Kinsella: Je crois qu'il serait très utile de recevoir cette information, madame la présidente.

Si vous avez raison d'affirmer que la disposition relative à l'enseignement religieux ou la disposition relative à la pratique de la religion ne posent aucun problème quant aux normes des droits de la personne, pourquoi faut-il ajouter cet écran dans la Constitution, demander au Parlement du Canada d'intervenir? Pourquoi le Parlement du Canada ne pourrait-il pas simplement accepter une modification stipulant qu'il accorde la compétence exclusive à l'Assemblée législative de Terre-Neuve en matière d'enseignement, point à la ligne, et pourquoi ne laissons-nous pas l'Assemblée législative de Terre-Neuve s'occuper de l'enseignement religieux, de n'importe quelle autre matière, ou de la pratique de la religion? S'il n'y a pas de problème de droits de la personne, pourquoi avons-nous ces deux écrans?

M. Ian Binnie: Je ne qualifierais pas la clause 17 d'écran. Comme vous le savez, les tribunaux, la Cour suprême du Canada en particulier, ont souligné dans leur interprétation de la Charte la nécessité de tenir compte du contexte dans lequel surgissent les problèmes relatifs aux droits de la personne. Dans le cas de Terre-Neuve, on passe d'un système qui était entièrement confessionnel, où les droits religieux étaient primordiaux, à un régime plus laïc. Dans cette transition d'un régime confessionnel à un régime laïc, les citoyens de Terre-Neuve ont fait un compromis qu'illustre la clause 17.

Je n'ai pas laissé entendre au comité que la clause 17 ajoute quoi que ce soit au pouvoir législatif. La clause 17 impose de toute évidence des limites au pouvoir législatif autre que celui de la compétence législative. Je soutiens que c'est l'effet de ces dispositions supplémentaires qui est extrêmement limité, qu'il se fonde sur l'histoire, qu'il a été approuvé par les citoyens de Terre-Neuve et qu'il ne devrait pas être exagéré dans votre examen des conséquences de la modification.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Binnie et monsieur Kinsella. Nous ferons circuler les renseignements que vous communiquerez au comité.

Monsieur Pagtakhan.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je poursuis dans la même veine, pour obtenir d'autres éclaircissements. L'adoption ou l'inclusion de la clause 17 constitutionnalise de manière très réelle un engagement. Cette affirmation est-elle juste?

M. Ian Binnie: Elle constitutionnalise l'obligation de la législature de s'assurer qu'un enseignement religieux non confessionnel est prévu. Si cette obligation n'était pas remplie, les tribunaux interviendraient pour qu'elle le soit. Elle constitutionnalise aussi l'observance au paragraphe (3) proposé.

Mais ce qui est aussi constitutionnalisé du même coup c'est la liberté de religion et la liberté d'expression de chacun. Ces droits, qui font partie intégrante de la Constitution, doivent être interprétés de pair avec les deux droits affirmés dans la clause 17.

• 0930

M. Rey Pagtakhan: C'est très rassurant, monsieur Binnie.

En ce qui concerne le paragraphe (2) proposé, «qui ne vise pas une religion en particulier», la question que j'aimerais poser est qu'arrive-t-il si l'enseignement religieux vise plus d'une religion? Serait-ce conforme à l'esprit du paragraphe (2) proposé?

M. Ian Binnie: Je pense que ce qu'on cherche ici c'est que les écoles continuent de s'occuper de l'aspect spirituel de l'éducation, que l'enseignement religieux puisse porter sur une foule de croyances et de principes religieux sans que cela aille à l'encontre de la clause. Ce qui irait à l'encontre de la clause, ce serait que la législature impose un enseignement pentecôtiste, par exemple.

M. Rey Pagtakhan: Ma question s'adresse à Mme Welsh. À propos du paragraphe (2) proposé, vous avez indiqué dans votre déclaration qu'un seul parent pourrait demander et obtenir un enseignement religieux, mais le paragraphe (3) stipule «parents», au pluriel. Peut-on affirmer que, si un seul parent de la province le demandait, la province serait tenue d'acquiescer à la demande?

Mme Gale Welsh: Oui. En droit constitutionnel, le singulier désigne le pluriel et vice-versa. La disposition est ainsi libellée parce qu'elle se comprend mieux de cette façon. On aurait pu écrire «parent», mais «parents» se comprend mieux. Le droit existe cependant pour chaque parent.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Sénateur Murray.

Le sénateur Lowell Murray (Pakenham, PC): Merci, madame la présidente.

D'abord, une observation. Mme Welsh nous a indiqué que nous pouvons adopter ou rejeter la modification, mais que nous ne devrions pas la modifier. On reprend ainsi le concept de la toile sans couture, énoncé il y a dix ans et envoyé au bûcher au moment de l'Accord du lac Meech, lorsque mes amis étaient partis en guerre pour modifier cet accord, qui avait tout au moins le mérite d'avoir été négocié par onze gouvernements. Ces modifications à l'article 43 prévoient un double veto. Je dois répondre à Mme Welsh qu'elle n'aboutira pas à grand-chose en nous mettant en garde contre une modification.

Je n'étais pas là lorsque M. Grimes a témoigné l'autre jour, mais j'ai un exemplaire de son mémoire au gouvernement sur la réforme de l'enseignement à Terre-Neuve et au Labrador. Il soutient que le programme d'enseignement religieux qui devrait être prévu conformément à la clause 17 devrait viser à aider les élèves à comprendre l'interdépendance entre Dieu, l'individu, la société et toute la création, à comprendre la révélation par la création divine, à comprendre la parole divine et l'histoire de l'humanité, à comprendre les traditions religieuses, etc.

J'ose affirmer que s'il pense pouvoir trouver une façon de faire tout cela d'une manière acceptable aux enfants de toutes les religions et d'aucune religion, j'ai de petites nouvelles pour lui. Ce sont des questions très embarrassantes. Je voudrais bien voir le plan de cours qui lui permettra de faire tout cela sans viser une religion en particulier.

Il ajoute—et j'en viens à ce qui me préoccupe et à ma question:

    Même si cela n'est pas garanti dans la nouvelle clause proposée, on prévoit des cours de religion conçus au niveau local, dans le cadre de la politique actuelle du ministère de l'Éducation relative aux cours locaux. Lorsque le conseil scolaire détermine qu'un tel enseignement local serait souhaitable, il est possible d'élaborer pour une école des cours de religion locaux qui visent une religion en particulier.

    Les parents ont donc deux moyens de s'assurer que leurs enfants recevront un enseignement religieux propre à leur religion: par les paroisses locales ou par les cours locaux offerts à l'école.

Est-ce que quelque chose m'a échappé? Comment va-t-il contourner la Charte avec cet enseignement religieux qui vise une religion en particulier offert dans les écoles publiques, surtout si le régime actuel ne le prévoit pas en vertu de l'article 29? Votre régime sera explicitement non confessionnel.

• 0935

Mme Gale Welsh: Ma réponse comportera trois éléments.

Premièrement, à propos de la modification, je n'ai certainement pas laissé entendre que le Parlement n'a pas le pouvoir d'adopter une modification. J'ai déclaré que, parce que la résolution visant à modifier la clause 17 émane de la province et touche essentiellement à une question provinciale, c'est à ce niveau-là que la décision devrait se prendre et si vos deux chambres voient des difficultés, il devrait incomber à la province d'apporter la modification nécessaire.

Deuxièmement, au sujet d'un enseignement religieux qui serait acceptable à tout le monde, l'argument est qu'il s'agit d'un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier, mais cela ne veut pas dire que tous les enfants doivent nécessairement le recevoir. Si un parent décide que le programme n'est pas conforme à ses croyances ou s'il ne croit pas en Dieu, alors la réaction normale sera ne pas faire participer son enfant. La non-participation est prévue en vertu du paragraphe (2) ou du paragraphe (3) proposés. Elle est conforme à ce qui se passe dans la province depuis de nombreuses années et la non-participation sera toujours possible en vertu de la nouvelle clause, lorsque cette clause aura été adoptée.

Il serait probablement impossible de concevoir un cours de religion acceptable à tout le monde, parce que certains n'ont pas de croyances religieuses, en ce sens qu'ils ne croient pas en Dieu. Comme l'a indiqué M. Binnie, ces personnes ne seront pas tenues d'inscrire leurs enfants à ces cours. Les cours de religion seront offerts à ceux qui veulent les suivre. L'obligation énoncée dans la Constitution est que le gouvernement, la législature, doit prévoir un enseignement religieux. Mais la Constitution n'affirme pas que les parents doivent participer s'ils trouvent cet enseignement préjudiciable ou inacceptable.

La dernière question porte sur les cours de conception locale. Je pense qu'elle a semé la confusion chez les membres du comité, et je crois, comme M. Grimes a essayé de l'expliquer l'autre jour, que l'enseignement religieux qui est protégé par la Constitution et qui, à mon avis, ne serait pas entravé par la Charte, sous réserve des précisions que M. Binnie a apportées ce matin, c'est l'enseignement conçu par le gouvernement qui ne vise aucune religion en particulier.

M. Grimes a indiqué que si un groupe de parents—parce qu'il existe des endroits à Terre-Neuve où... il y a un petit village appelé Conche, qui est probablement à 100 p. 100 catholique. Si les parents de cette école veulent avoir un cours de religion catholique, ils n'ont qu'à le demander au conseil scolaire et celui-ci décidera s'il conviendrait de donner un tel enseignement et s'il veut aller de l'avant.

Le sénateur Lowell Murray: S'il n'y a que 99 p. 100 de catholiques, madame Welsh?

Mme Gale Welsh: Si personne ne s'y objecte, il n'y a évidemment pas de problème.

Mais il faut aussi se rappeler que l'enseignement non confessionnel offert à tout le monde doit être prévu également. Il se pourrait donc que dans certaines écoles, il y ait deux cours de religion. Là encore, personne ne subit de préjudice, parce que tout le monde a le droit de choisir ce qui lui convient.

Je conviens que l'enseignement confessionnel n'est pas protégé par la Constitution, il est assujetti à la Charte. Mais je crois qu'il serait examiné par les tribunaux dans le contexte global, autrement dit, en tenant compte du fait qu'il y a un autre choix, soit que les parents peuvent choisir de ne pas inscrire leurs enfants.

Le sénateur Lowell Murray: Merci, madame la présidente.

Ce n'est pas le temps d'être insouciants. Mais il est très difficile d'intéresser les enfants à la religion, et je pense que ces cours officiels et la possibilité qu'il y ait des cours locaux devraient suffire pour détourner toute une génération de Terre-Neuviens de la religion.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Nous réfléchirons à votre observation, sénateur Murray.

Sénateur Rompkey.

Le sénateur William Rompkey (N.W. River Labrador, Lib.): Merci.

Je me demande si M. Binnie pourrait revenir sur la question soulevée par le sénateur Kinsella au sujet du paragraphe 17(2) proposé et de la dernière partie: «mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier». La question qui se pose, en réalité, c'est faut-il une garantie constitutionnelle pour s'assurer qu'il en soit ainsi, et dans l'affirmative, pourquoi?

• 0940

M. Ian Binnie: La réponse est double. Premièrement, il existe un besoin constitutionnel parce que c'est sur cette base que les citoyens de Terre-Neuve ont accepté la proposition. Ne pas s'y conformer signifierait que les Terre-Neuviens recevraient autre chose que ce sur quoi ils ont voté. Deuxièmement, du point de vue juridique, tout enseignement dans une école peut porter préjudice à quelqu'un et être contesté en vertu de la Charte. La Charte s'est répandue dans le système judiciaire et continuera d'exercer son influence sur tous les fronts.

Le but visé ici était d'affirmer qu'en ce qui concerne Terre-Neuve, un équilibre a été établi entre l'obligation de la législature de satisfaire ceux qui ne pensent pas que le système scolaire devrait ignorer le développement spirituel et l'obligation de la législature envers ceux qui ne veulent pas qu'une religion en particulier soit favorisée. C'est donc un compromis qui existe dans la Constitution.

S'il n'existait pas dans la Constitution, il faudrait revenir à la question du sénateur Murray, soit si un enseignement qui vise à promouvoir une religion résiste à la Charte? Il résiste ou ne résiste pas selon la mesure dans laquelle les tribunaux considèrent qu'il porte atteinte à la Charte. Un tel enseignement ne serait pas protégé.

Le sénateur William Rompkey: Mais pour revenir à la question du sénateur Murray, s'il y avait un cours conçu localement pour une religion en particulier... Je connais très bien Conche; je l'ai représenté pendant 16 ans. Je ne connais pas le pourcentage, je ne sais pas si c'est 90 p. 100 ou...

Le sénateur Lowell Murray: Vous étiez certainement un catholique très libéral, dans ce cas.

Des voix: Ah, ah!

Le sénateur William Rompkey: Il y a beaucoup de catholiques libéraux très clairvoyants à Terre-Neuve, et nous espérons qu'il y en aura davantage à l'avenir.

Vous avez parlé de Conche. Supposons que les parents de Conche veulent un enseignement catholique à l'école. La première observation à ce sujet, c'est qu'il s'agit d'une entorse aux droits des parents. J'ai soutenu hier que les parents ont plus de droits en vertu de cette clause qu'ils n'en avaient auparavant. Le pouvoir, me semble-t-il—et c'est quelque chose que nous ne devrions pas perdre—a été transféré, pas nécessairement à la législature, mais bien aux parents. Les parents voteront au conseil scolaire, les parents auront le droit d'inscrire ou de ne pas inscrire leurs enfants et vous me dites maintenant que les parents auront le droit de demander au conseil de prévoir un enseignement visant une religion en particulier.

La question que je pose à M. Binnie est la suivante: cet enseignement pourrait-il être contesté devant les tribunaux et, dans l'affirmative, comment et quelles seraient les chances de réussite?

M. Ian Binnie: Il pourrait être contesté devant les tribunaux. Si c'est un enseignement, comme on le propose ici, qui vise une religion en particulier, il n'est pas protégé par le paragraphe 17(2), parce qu'il n'est pas non confessionnel. Mais un simple cours ayant un contenu religieux ne porterait pas nécessairement atteinte à la Charte. Il reviendrait au conseil scolaire de concevoir un cours et de trouver le juste milieu entre les intérêts des enfants inscrits et des enfants non inscrits, afin de pouvoir être acceptable en vertu de la Charte.

Dans la mesure où un cours porte atteinte à la liberté de religion des enfants ou va à l'encontre des souhaits des parents des enfants qui sont en minorité, la Charte en tiendrait compte. Il n'y a pas d'immunité pour ces cours. Mais affirmer qu'il n'y a pas d'immunité ne veut pas dire que ces cours contreviennent automatiquement à la Charte. Tout dépendrait de la situation.

• 0945

Le sénateur William Rompkey: Mais donner aux 5 p. 100 qui ne sont pas catholiques à Conche le droit de ne pas choisir de suivre les cours de religion satisferait-il leurs droits ou y aurait-il une autre façon de contester cette mesure?

M. Ian Binnie: Je pense que, dans ce cas, il faut tenir compte du contexte terre-neuvien. Dans l'arrêt Zylberberg, qui a été rendu en Ontario, on a soutenu que les enfants qui choisissaient de ne pas suivre le cours se sentaient mis au ban et que ce n'était pas souhaitable. Il est difficile de croire que cela arriverait à Terre-Neuve, à cause de la tradition qui existe à Terre-Neuve et qui fait qu'il faut tenir compte de convictions religieuses très fortes dans le même système scolaire. À Terre-Neuve, le juge devrait déterminer si un cours visant une religion en particulier, une religion à laquelle appartient, comme vous le soutenez, 90 p. 100 de la population, porterait atteinte, en vertu de l'article 15 ou de l'article 2 de la Charte, aux croyances religieuses ou aux droits à l'égalité des enfants qui choisissent de ne pas participer.

Je pense qu'on peut clairement affirmer que la clause 17 n'accorde pas de protection constitutionnelle à l'enseignement que vous évoquez. La Charte s'applique, mais rien ne permet d'affirmer, dans la situation que vous avez décrite, que cet enseignement contrevient aux dispositions de la Charte. Les tribunaux devraient se prononcer en se fondant sur les faits.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Chers collègues, il nous reste 15 minutes et certains d'entre vous n'ont pas encore eu la chance de poser une question. Ces discussions sont toujours très vivantes.

Après M. Bélanger, Mme Finestone et la sénatrice Pearson pourront poser leurs questions, et M. Goldring aimerait intervenir vers la fin. Si nous faisons vite, tout le monde pourra se faire entendre.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai quelques observations, d'abord à l'intention de Mme Welsh qui nous prévient de ne pas modifier la résolution. Il importe de se rappeler, je pense, que l'article 43 prévoit une formule de modification bilatérale de la Constitution. Ce n'est pas une formule unilatérale. Même si une modification peut être demandée—et même si je crois qu'elle peut l'être—par une province, cela ne réduit en rien la responsabilité des deux chambres du Parlement de s'assurer que la modification est fondée et appuyée. Si elles jugent qu'il conviendrait de la modifier, je crois qu'elles ont l'entière responsabilité, juridique et morale, de le faire. Je pense qu'il ne faut pas l'oublier, ne pas oublier que c'est un processus bilatéral.

Deuxièmement, vous affirmez que les citoyens de Terre-Neuve ont pris cette décision en comprenant pleinement le sens de la clause 17. Je ne suis pas tout à fait d'accord et j'aimerais vous expliquer pourquoi.

La chronologie des événements est que, le 31 juillet, le premier ministre a annoncé un référendum et a fait connaître la question, mais ce n'est que le 25 août que le texte de la nouvelle clause 17 a été rendu public. Vous conviendrez que le débat sur la clause 17 proprement dite a été nettement plus court que le débat sur la question posée au peuple.

Vous pouvez peut-être m'indiquer si le texte de la clause 17, qui a été publié le 25 août, a été remis à tout le monde à Terre-Neuve.

Voilà les quelques observations que je veux vous faire.

À M. Binnie, je dirais que, sans vouloir vous contredire, un juge à Terre-Neuve devrait peut-être effectivement trancher en tenant compte de la profonde tradition religieuse qui existe à Terre-Neuve, mais je crois qu'on pourrait en dire autant des juges de la Cour suprême qui devraient peut-être se prononcer sur la décision de ce juge, et que cela pourrait influencer la décision.

J'ai écouté très attentivement la discussion de ce matin sur cet enseignement non confessionnel qui sera offert et j'ai une question simple à vous poser. Marginaliserions-nous cet enseignement du fait que n'importe qui pourrait décider de ne pas y participer et donc que cet enseignement ne pourrait pas faire partie du programme de base et ne pourrait donner des crédits? Les élèves de cette promotion ne pourraient pas être recalés à cause de ce cours, parce qu'ils ne seraient pas obligés de le suivre. Quel serait donc l'effet de ce cours si les élèves peuvent décider n'importe quand de ne pas le suivre?

• 0950

Mme Gale Welsh: Je peux peut-être répondre à quelques questions avant de céder la parole à M. Binnie.

Votre première question portait sur le libellé de la question par rapport à celui de la clause, qui a été publié environ une semaine avant le référendum.

Je pense qu'il aurait presque fallu être à Terre-Neuve pour comprendre ce qui est arrivé. Comme l'a fait remarquer le ministre Grimes l'autre jour, lorsque le premier ministre a annoncé la question, le 31 juillet, il en a expliqué très clairement le sens. Ainsi, il a déclaré qu'il y aurait en enseignement religieux ne visant pas une religion en particulier. On vous a remis copie de son discours.

Par la suite, il y a eu une grande couverture médiatique. J'ai à mon bureau un dossier de coupures de presse épais comme cela. Le débat a eu lieu dans la province. Il a porté très précisément sur toutes ces questions. Le fait que la clause n'avait pas encore été rédigée à ce moment-là ne signifie pas qu'elle est tombée comme un cheveu sur la soupe le 25 août 1997. Cette date faisait simplement partie du jargon juridique employé. Dans la semaine qui a précédé, les citoyens en avaient longuement débattu.

La deuxième question que vous avez posée est la suivante: le fait que les élèves peuvent ne pas recevoir l'enseignement religieux marginalise-t-il cet enseignement?

La Constitution vise à donner aux citoyens la garantie, comme je l'ai déjà indiqué, que la législature devra prévoir un enseignement religieux. C'est cela qui est garanti et c'est cette garantie que les gens veulent obtenir. Ils ne veulent pas que la législature puisse décider un jour de ne plus prévoir d'enseignement religieux.

Mais comme pour n'importe quelle autre matière, les mathématiques ou les sciences sociales par exemple, toutes sortes de cours sont offerts. Que les élèves s'y inscrivent ou non dépend des élèves et des parents.

Cet enseignement fera donc partie du programme offert, mais parce qu'il ne conviendrait certainement pas d'exiger que tout le monde s'inscrive, il est permis de ne pas s'inscrire, comme pour n'importe quel autre cours offert dans la province.

M. Mauril Bélanger: Que l'on soit en faveur de la liberté de religion ou que l'on veuille se libérer de la religion, c'est une autre histoire. Faut-il en conclure que cet enseignement ne ferait pas partie du programme de base?

Mme Gale Welsh: Non, il ne ferait pas partie du programme de base, mais que quelqu'un en profite pour... Je suppose que tout dépend de ce que vous entendez par le programme de base.

M. Mauril Bélanger: Obligatoire.

Mme Gale Welsh: Obligatoire? Non. Pour moi, «de base» désigne ce qui est valide et présenté. C'est simplement une question d'interprétation de «programme de base».

M. Mauril Bélanger: Merci.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie beaucoup.

Madame Finestone, puis la sénatrice Pearson. Nous verrons ensuite si nous avons du temps pour M. Goldring et M. Pagtakhan.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup.

La sénatrice Pearson et moi-même, venons d'échanger quelques mots sur une expression employée à l'école: «Les gars de l'Ancien Testament, retirez-vous.» Eh bien, que ce soit un gars ou une fille de l'Ancien testament, tous les deux doivent savoir se retirer.

Dans la société civile actuelle, caractérisée par une population très diversifiée, je suis très heureuse d'entendre parler d'un cours de religion comparée. Je pense que c'est non seulement justifié mais aussi souhaitable. Alors je suis plutôt d'accord avec ce que j'entends aujourd'hui.

Je voudrais cependant vous poser une question, monsieur Binnie. Nous avons entendu Colin Irving durant les audiences sur l'article 93, relatif au changement constitutionnel au Québec. Je me demande si quelqu'un peut faire valoir que la différence entre ce que nous faisons par cette clause 17 et ce que nous avons fait pour le Québec avec les projets de loi 107 et 109 ne traduit pas jusqu'à un certain point la vraie diversité du Canada et un accommodement, par des ajustements fédéraux-provinciaux tenant compte des différences entre les provinces de notre pays.

• 0955

Ainsi, il était assez évident, je crois, que le Québec voulait obtenir l'engagement clair et sans équivoque qu'il était pleinement responsable et qu'il prendrait des décisions quant au contenu des programmes et à la manière dont l'enseignement non confessionnel laïc se donnerait dans le secteur public. La question de l'accès n'a pas été abordée, même si j'aurais personnellement bien aimé qu'on discute de la question de l'accès des enfants de langue anglaise, peu importe d'où ils viennent, peu importe leur pays d'origine. Cet examen n'a pas été permis.

Dans le cas de Terre-Neuve, les tribunaux de Terre-Neuve ont reconnu que la situation n'est pas la même qu'au Québec, que la tradition est différente et que Terre-Neuve veut s'engager dans une autre voie, en tant que province qui a une personnalité bien particulière. Ils ont donc choisi d'examiner la clause 17 dans cette perspective. Sinon, Terre-Neuve aurait pu invoquer simplement la première ligne de l'article 93 et régler la question. Cette province aurait réglé la question par son propre projet de loi sur son système scolaire. Mais elle serait allée à l'encontre de la décision des tribunaux, parce que la tolérance religieuse et la tolérance de la diversité religieuse sont des principes chers au gouvernement.

N'ayant aucune formation juridique et aucun casse-tête à tenter de résoudre, j'ai essayé très simplement de comprendre ce que vous avez affirmé—et j'écoute le sénateur Kinsella et je ris avec vous, Murray... Serait-ce équitable?

M. Ian Binnie: Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. J'ajoute simplement que la Constitution reconnaît la nécessité de la diversité dans la formule de modification qui est employée ici, parce qu'elle prévoit que des dispositions de la Constitution peuvent s'appliquer à une région du pays sans être pour autant acceptable dans d'autres régions.

L'autre observation est que la Constitution confirme le sentiment que vous avez exprimé mais que la Cour suprême tient toujours compte de l'historique et du contexte dans lequel surgissent ces problèmes lorsqu'elle rend une décision. L'arrêt relatif à la commission scolaire protestante du Québec en est un très bon exemple. La Cour suprême est remontée jusqu'aux origines du système au Québec et a donné raison au Québec.

L'hon. Sheila Finestone: J'espère qu'elle donnera raison un jour aux anglophones du Québec.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Sénatrice Pearson.

La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Merci, madame la présidente.

Ma question s'adresse à vous et, cela ne vous étonnera pas, elle porte sur l'évolution des capacités des jeunes de prendre des décisions par eux-mêmes, parce que la clause prévoit que le droit des parents est garanti mais pas celui des enfants. Si un jeune de 16, 17 ou 18 ans—et se pose alors la question de la majorité—demande à pratiquer une religion en particulier dans son école, il n'est pas assuré qu'on lui permettra de le faire. Rien ne permet de croire que les jeunes pourraient faire eux-mêmes une demande en ce sens. Rien ne permet de croire qu'ils ne le pourraient pas avec le consentement de leurs parents, mais...

Mme Gale Welsh: C'est exact. La garantie est accordée aux parents, ou aux parents au nom de leurs enfants. Mais comme l'ont indiqué certains témoins hier, on ne peut pas être indifférent au point de vue des enfants. Ils font partie du comité d'école, alors ils auront voix au chapitre. Ils ont certainement voix au chapitre avec leurs parents. Mais à cause du jeune âge d'un grand nombre d'élèves—il faut se rappeler que cette clause s'applique aussi aux très jeunes enfants—d'habitude, c'est aux parents qu'il faut s'adresser. Quelqu'un doit représenter les enfants et, dans ce cas-ci, ce sont les parents, pour affirmer leur droit garanti.

Dans la pratique toutefois, je suppose que les enfants participeront très activement. Je le répète, au sein des comités d'écoles les élèves du secondaire sont des membres qui participent activement.

La sénatrice Landon Pearson: En ce qui concerne la deuxième question, au sujet du choix de ne pas s'inscrire à un cours, est-ce une pratique qui existe déjà actuellement? Les jeunes doivent-ils présenter une lettre de leurs parents?

Mme Gale Welsh: Oui, il faut une lettre des...

La sénatrice Landon Pearson: Jusqu'à 18 ans?

Mme Gale Welsh: Oui, à Terre-Neuve, l'âge de la majorité est 18 ans.

• 1000

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci, madame la présidente.

Madame Welsh, j'aimerais me reporter au discours de Brian Tobin. Je le relis et je constate que la seule fois où il parle d'«école confessionnelle»... il emploie toujours le substantif «système» devant «confessionnel». J'ai l'impression qu'il veut mettre fin au système scolaire confessionnel mais qu'il ne parle pas de mettre fin à l'enseignement religieux confessionnel.

La seule référence, je la trouve à la page 6, où il est écrit «pas sur une base confessionnelle», mais je lis aussi dans la même phrase «pour tous nos élèves». N'a-t-il pas donné l'impression aux parents que le gouvernement mettait fin effectivement au système scolaire confessionnel, mais pas à l'enseignement religieux confessionnel si les parents le demandent?

Mme Gale Welsh: Je pense que si le premier ministre Tobin avait prononcé ce discours en Ontario ou au Nouveau-Brunswick ou encore en Alberta, il y aurait peut-être eu un problème, mais il faut se rappeler qu'il prononçait son discours dans le contexte de Terre-Neuve. Les Terre-Neuviens comprennent le système, et il s'est exprimé, je crois, dans des termes que les Terre-Neuviens comprennent très bien.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Une dernière question rapidement et une réponse tout aussi brève et nous aurons contenté tout le monde aujourd'hui.

Monsieur Pagtakhan.

M. Rey Pagtakhan: J'ai une question simplement pour clarifier la terminologie et la phraséologie. Expliquez-moi, au paragraphe (2), «qui ne vise pas une religion en particulier», par rapport à uniconfessionnel, non confessionnel ou non uniconfessionnel.

M. Ian Binnie: Je ne suis pas certain de bien...

M. Rey Pagtakhan: Les termes équivalents de «qui ne vise pas une religion en particulier»: pouvons-nous affirmer que cela signifie que cet enseignement ne devrait pas être uniconfessionnel ou qu'il devrait être non uniconfessionnel?

M. Ian Binnie: Non, non confessionnel.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, chers collègues, et merci à vous, madame Welsh et monsieur Binnie. Nous avons eu une matinée très intéressante et très enrichissante.

Je suis consciente de la période de questions à 11 heures à la Chambre des communes, alors nous passerons très rapidement à notre prochain témoin, M. Steve Wolinetz, vice-président de la Newfoundland and Labrador School Federation.

Nous sommes très heureux de vous accueillir, monsieur Wolinetz. Nous devrons nous quitter juste avant 11 heures, alors si vous pouvez présenter votre exposé très rapidement, un groupe très curieux aimerait vous interroger ensuite. Merci d'être venu. Vous avez la parole.

M. Steve Wolinetz (premier vice-président, Newfoundland and Labrador Home and School Federation): Merci beaucoup.

Je vais tenter d'être aussi bref que possible et de vous présenter des observations que je viens de pondre. Je ne sais pas trop combien de temps il me faudra, mais nous pourrons accélérer au besoin.

D'abord, j'aimerais vous remercier de me permettre de venir témoigner et de présenter le point de vue de la Newfoundland and Labrador Home and School Federation au sujet de la demande historique de la province de Terre-Neuve et du Labrador en vue de modifier la clause 17 des Conditions de l'Union.

Je vous transmets d'abord les regrets de notre présidente, Mme Cathy LeBlanc, qui n'a pu venir avec moi. Il est parfois difficile, quand on élève de jeunes enfants, de se libérer à court préavis. Mes fils sont plus vieux et mon travail plus souple, ce qui m'a permis de venir ici.

J'enseigne les sciences politiques à l'Université Memorial. Cela comporte deux risques dont vous devriez être prévenus. Premièrement, les professeurs ont la mauvaise habitude de parler pendant 50 minutes. Ma femme et d'autres m'ont dit de faire attention et je vais essayer de suivre leur conseil.

Deuxièmement, comme je l'ai indiqué il y a deux ans—ou était-ce un an?—au comité sénatorial dont un grand nombre d'entre vous faisaient partie et qui étudiait la modification précédente, je trouve difficile de séparer mes deux rôles. J'enseigne depuis 27 ans mais je suis vice-président de la fédération depuis quatre ans seulement. Je fais remarquer aussi que j'enseigne la politique européenne mais que je ne peux m'empêcher de connaître assez bien la politique canadienne et la Constitution canadienne.

• 1005

Je ne suis pas ici pour vous parler de cela mais plutôt pour vous présenter le point de vue de la Newfoundland and Labrador Home and School Federation sur la modification de la clause 17.

Permettez-moi d'abord de vous présenter la fédération. Nous sommes une jeune organisation, qui existe depuis seize ans seulement—la fédération mère canadienne en a 101 je crois et a été fondée par Alexander Graham Bell—nous sommes la principale organisation qui représente les parents dans la province de Terre-Neuve et du Labrador.

Comme l'indique la fiche documentaire que vous avez peut-être devant vous, nous chapeautons les associations parents-maîtres et, plus récemment, les comités d'écoles de la province. Nos membres représentent actuellement 135 des 450 écoles de Terre-Neuve et du Labrador, dont les 50 écoles qui sont désignées actuellement comme des écoles catholiques ou pentecôtistes. Nous avons doublé le nombre de nos membres l'année dernière et nous espérons pouvoir répéter l'exploit cette année. Ce n'est pas impossible. Les renouvellements arrivent plus rapidement que les années précédentes.

Nos principales activités ne sont pas très politiques. Nous fournissons des services à nos membres en nous faisant leur porte-parole pour les questions relatives à l'éducation. Mais parce que le gouvernement est le principal fournisseur de services d'enseignement dans la province, nous sommes en contact constant avec le ministère de l'Éducation et ses fonctionnaires, au sujet des problèmes qui se posent en classe.

Quand on se demande qui doit diriger les écoles, cela nous intéresse. Nous croyons que les parents devraient avoir voix au chapitre en ce qui concerne l'instruction des enfants, et nous avons appuyé vivement la création des comités d'écoles, qui commencent à fonctionner actuellement. L'enseignement confessionnel nous donne toutefois du fil à retordre.

Nous savons et nous sommes conscients que nous représentons des parents ayant des opinions très différentes. Cela veut dire que jusqu'en septembre 1995, date du premier référendum sur la modification de la clause 17, nous n'avons pas pris position. Nous avons toutefois préconisé un meilleur partage et une utilisation plus efficace des ressources.

Nous sommes restés neutres durant la campagne référendaire de 1995, mais nous avons indiqué que nous appuierions la position que les parents et les électeurs choisiraient, quelle qu'elle soit. Malgré une campagne pour le non très active et bien organisée, 54 p. 100 de la population a voté oui à une modification de la clause 17. Nous et de nombreux autres avons toutefois préféré laisser la plupart des écoles de Terre-Neuve et du Labrador devenir des écoles interconfessionnelles.

À titre de porte-parole des parents, nous avons surveillé de près la rédaction de la nouvelle loi sur les écoles et la réorganisation du système, pendant qu'une modification apparemment controversée était débattue ici même à Ottawa. Nous avons été étonnés et déçus d'apprendre au printemps de 1996 que la mise en oeuvre de cette modification—qui constituait essentiellement un compromis maintenant les caractéristiques confessionnelles—exigeait des comités confessionnels élaborés au sein des conseils scolaires modifiés et un lourd processus pour déterminer si les écoles seraient désignées interconfessionnelles ou uniconfessionnelles.

Nous avons néanmoins appuyé le nouveau régime et nous étions déterminés à le faire fonctionner, car l'éducation de nos enfants était en jeu. Nous étions toutefois convaincus que les changements, aussi pénibles soient-ils, faciliteraient une utilisation plus efficace de ressources extrêmement limitées. J'y reviendrai plus tard. Vous trouverez des observations à cet effet dans le hansard, dans le mémoire de notre présidente à l'époque, Marie Law, au comité sénatorial qui a tenu des audiences à Terre-Neuve en juillet 1996.

La clause 17 actuelle a fini par être approuvée il y a un an et a permis l'adoption d'une nouvelle loi sur les écoles et le début d'un processus dans lequel les parents devaient indiquer, au moyen d'un processus d'inscription, s'ils voulaient que leurs enfants fréquentent une école interconfessionnelle ou une école uniconfessionnelle, autrement dit, des écoles catholiques, pentecôtistes ou intégrées. Dix conseils interconfessionnels ont constitué l'organisme opérationnel et ont été chargés de désigner les écoles en fonction des préférences exprimées dans le processus d'inscription. Une majorité simple d'inscriptions dans une collectivité où il n'y avait qu'une école suffisait pour que cette école soit désignée uniconfessionnelle, mais les conseils devaient déterminer si les écoles étaient viables et ils devaient déterminer comment les écoles dans les collectivités plus importantes, autrement dit celles qui ont plus d'une école, devaient être désignées.

• 1010

Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il en est résulté une confusion considérable et une énorme controverse. Bien des gens—et même un juge—pensaient que l'inscription était un vote, mais un vote très inhabituel parce que les parents de sept enfants avaient sept voix, ce qui n'est pas la norme, quand on considère la façon dont certains d'entre vous sont arrivés ici.

De nombreux parents étaient mécontents des désignations des conseils. Ce n'est pas étonnant. Personne ne veut que ferme l'école où vont ses enfants ou l'école de son village. Les défenseurs des écoles interconfessionnelles étaient mécontents du nombre d'écoles confessionnelles qui sont restées, tandis que certains catholiques et certains pentecôtistes—et j'insiste sur le mot certains—étaient mécontents parce que, à leur avis, il restait trop peu d'écoles confessionnelles. Ces deux groupes ont demandé et obtenu une injonction interrompant le processus de redésignation. Le juge Leo Barry a accordé cette injonction le 9 juillet 1997, deux mois avant la rentrée scolaire, et il a donné aux comités confessionnels respectifs des écoles catholiques et pentecôtistes le pouvoir temporaire de déterminer si les écoles catholiques et pentecôtistes resteraient ouvertes en vertu de la nouvelle loi sur les écoles. Cette mesure a poussé le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador à décider de tenir un autre référendum sur la modification de la clause 17, que vous examinez actuellement.

En ce qui concerne notre position, comme vous le savez, la Newfoundland and Labrador Home and School Federation s'est déclarée en faveur du oui au référendum du 2 septembre. Je suis ici au nom de notre exécutif et de la fédération pour vous inviter fortement à approuver la demande de la province en vue de modifier la clause 17.

Nous avons appuyé le oui pour plusieurs raisons.

Premièrement, les membres de nos associations parents-maîtres et des comités d'écoles étaient très frustrés du processus et nous ont indiqué qu'ils voulaient un changement.

Deuxièmement, il était devenu évident que le compromis qui nous avait été imposé par le précédent gouvernement provincial de Clyde Wells ne fonctionnait pas. Nous étions terriblement conscients des lacunes de nos écoles et de la nécessité d'un changement, d'une réforme scolaire plus vaste, allant bien au-delà de la gestion interne, mais ce processus, lancé il y a sept ans, a été bloqué. Des conseils tels que le conseil scolaire d'Avalon East, qui regroupe le quart des enseignants de la province, le cinquième des écoles et le tiers des élèves, consacraient toute leur énergie à la désignation. Ils n'avaient presque plus le temps de s'occuper d'enseignement. Les vrais problèmes d'enseignement, les problèmes très réels de l'enseignement passaient au second rang.

Troisièmement, nous croyions et nous croyons encore que les droits étaient en équilibre. Ce débat oppose en partie les minorités et les majorités, mais dans certains cas, de petites minorités, des minorités au sein de minorités, insistaient pour faire valoir ce qu'elles appelaient leurs droits.

Il y a donc eu une lutte de pouvoir où le groupe le plus important, les enfants, a été délaissé. Nous pensons que les enfants ont le droit au meilleur enseignement possible. On l'avait oublié. Nous avons cru qu'à titre de porte-parole des parents qui, à leur tour, représentent les enfants, nous devions parler franchement et appuyer le système scolaire unique au sein duquel les enfants de toutes les religions et de toutes les croyances se sentiraient chez eux.

Nous avons opté pour le oui avec une certaine trépidation. Nous savions—et nous en sommes encore conscients—que tous n'étaient pas d'accord avec nous. Notre secrétaire provincial, un pentecôtiste que nous respectons et avec qui nous nous entendons sur presque toutes les questions d'enseignement, a démissionné. Mais nous n'avons pas reçu une avalanche de plaintes des parents. Aucune association membre n'a envoyé de lettre de démission remplie de propos hargneux.

• 1015

J'ai été le principal porte-parole de la fédération sur cette question. La seule critique que j'ai reçue a été un message électronique d'une dame de Goose Bay, qui soutenait que je devais indiquer que je ne représentais pas tous les parents. J'ai accepté sa critique et j'ai reconnu une fois de plus que nous ne représentons pas le point de vue de tout le monde sur cette question. Mais nous représentons l'opinion d'un grand nombre de parents—et d'ailleurs de la plupart d'entre eux, je dirais. Le nombre de nos membres augmente au lieu de diminuer, comme nous l'avions craint.

Je suis conscient qu'en décrivant comment nous sommes arrivés à nos positions, je suis probablement sur le point de parler plus longtemps que ce que j'ai promis. Mais j'espère que, ce faisant, j'ai bien expliqué certaines des raisons pour lesquelles vous, en tant que députés ou sénateurs, devriez approuver la demande de la province de Terre-Neuve et du Labrador de modifier à nouveau, et j'espère pour une dernière fois, la clause 17 des Conditions de l'Union.

Essentiellement, j'ai fait valoir que le système, apparemment exigé par la modification précédente et donc par la Constitution canadienne, n'a pas fonctionné. Mais cela ne convaincra pas ceux qui ne sont pas d'accord à voter en faveur de cette modification. Les constitutions ne devraient pas être modifiées à la légère, et les droits sont équilibrés. Certains affirment qu'il aurait fallu donner plus de temps au nouveau régime.

En conclusion, permettez-moi d'indiquer d'autres raisons, même si vous êtes opposés en principe, pour lesquelles cette modification devrait être adoptée, et sans délai.

Permettez-moi de situer le contexte. La plupart d'entre vous et la plupart des députés et des sénateurs ne viennent pas de Terre-Neuve et du Labrador. Vous êtes peut-être venus nous visiter—et si vous ne l'avez pas fait, j'espère que vous le ferez un jour—mais vous avez probablement eu du mal à comprendre comment les écoles étaient régies avant que la clause 17 actuelle n'entre en vigueur ou depuis qu'elle est entrée en vigueur.

Vous n'êtes pas les seuls. Les parents et les citoyens sont et ont été confus, parce que le système scolaire, celui qui, par le passé, était contrôlé par l'Église, était loin d'être transparent. La responsabilité était diffuse et cachée, par exemple en donnant le contrôle de la construction et de la réparation des écoles à des comités confessionnels distincts afin que les écoles puissent être réparties proportionnellement, plutôt qu'en fonction des besoins. À la plus grande confusion du reste du Canada, il n'y avait pas d'écoles publiques proprement dites mais plutôt des écoles financées par les pouvoirs publics, des écoles confessionnelles. C'est très difficile à comprendre si vous avez en tête le modèle ontarien ou un autre modèle.

Deuxièmement, les ressources financières étaient et sont encore limitées. Les écoles sont souvent nues, mal équipées. L'aménagement paysager fait pitié. Les bibliothèques, même dans les meilleures écoles, sont presque vides, un chariot suffit souvent. Ennuyé à une réunion, je suis allé dans la bibliothèque de l'école secondaire que fréquente mon fils, j'ai jeté un coup d'oeil sur les ouvrages en politique canadienne et je me suis aperçu que le plus récent remontait à 1972. Je pense que vous comprenez le problème. Les fournitures sont rares et les parents doivent souvent faire des collectes de fonds pour les besoins de base tels que le papier et la craie, ainsi que les ordinateurs.

Le taux de natalité a décliné et de moins en moins d'enfants entrent à l'école. Des familles et des générations entières quittent les régions rurales. Il devient de plus en plus difficile de donner un enseignement quelconque, encore moins un programme moderne et un enseignement de qualité, dans de nombreuses régions de la province.

La province de Terre-Neuve et du Labrador ne peut se permettre des écoles séparées ou des systèmes scolaires séparés dans une province qui compte 550 000 habitants et où la population diminue de plus en plus—nous sommes moins nombreux que la population de Winnipeg et de Hamilton, mais plus nombreux que celle de London. Il est absolument impératif que les ressources décroissantes soient consolidées et utilisées le plus efficacement possible si nous voulons que les enfants reçoivent, comme ils en ont le droit, le meilleur enseignement possible.

Troisièmement, et c'est peut-être le plus important, les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador se sont prononcés de manière décisive, puisque 73 p. 100 d'entre eux ont appuyé un changement dans un référendum non exécutoire qui a été tenu le 2 septembre, mais l'Assemblée législative de la province de Terre-Neuve et du Labrador a demandé à l'unanimité au Parlement du Canada de permettre une modification bilatérale en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle.

• 1020

Votre comité, la Chambre des communes et le Sénat ont le devoir de s'assurer que cette modification est justifiée et qu'elle est équitable envers les groupes visés.

Mais je vous demande de penser aux conséquences du rejet de la demande de modification bilatérale. Le rejet parce que la modification pourrait avoir des conséquences pour d'autres provinces—des conséquences lointaines, à mon avis, en particulier après l'adoption récente d'une modification sur les écoles québécoises—ne rendrait-il pas l'article grotesque? De plus, vous pouvez tenir compte du fait que, en vertu de la Loi constitutionnelle, et de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique avant elle, l'enseignement est une compétence provinciale.

Je suis convaincu qu'un grand nombre d'entre vous ont déjà pris ces facteurs en considération; pourtant, vous avez encore des réserves. D'aucuns soutiennent que les droits de la minorité sont en jeu. Ils le sont effectivement, mais si vous refusez d'adopter la modification pour cette raison, n'oubliez pas qu'il y a divers types de minorités et de droits et que les majorités ont aussi des droits.

Ceux qui s'opposent à une modification de la clause 17 se sont qualifiés de minorités, même s'ils font partie du groupe religieux le plus important dans la province.

J'appartiens à un très petit groupe religieux; il y a quatorze familles dans ma synagogue. Je crois avoir une bonne idée de ce qu'est une minorité. Je crois aussi que mon collègue Mark Graesser, qui témoignera devant vous la semaine prochaine je pense, peut confirmer que ceux qui jettent les hauts cris sont effectivement une minorité, mais un autre genre de minorité. Ils sont une minorité au sein de la minorité qu'ils prétendent représenter. Ils défendent, à mon avis, non pas un droit, mais plutôt un privilège établi pour d'autres raisons. Je soutiens que la différence est énorme.

Les droits fondamentaux en vertu de la Charte des droits et libertés, tels que la liberté de religion, ne sont pas en jeu. Les privilèges et le pouvoir, voilà ce qui est en jeu, selon moi, mais c'est le politicologue qui parle.

Les droits des enfants au meilleur enseignement possible sont en jeu. Je vous demande instamment d'adopter cette modification le plus tôt possible.

Merci.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Nous passons maintenant aux questions. Les premiers à avoir exprimé le désir de vous interroger sont M. Goldring et le sénateur Kinsella.

M. Peter Goldring: Merci, madame la présidente.

Merci pour votre exposé. J'ai une question. D'autres témoins ont laissé entendre qu'il y avait eu de la confusion ou que des deux questions posées, la première était différente de la seconde, qui a finalement été présentée le 25 août.

Un membre a indiqué que le paragraphe 17(2) pourrait être modifié pour permettre l'enseignement confessionnel, un enseignement particulier dans des écoles en particulier, si les parents le demandent. Pensez-vous que ce serait équitable et raisonnable ou que ce serait possible dans le système scolaire?

M. Steve Wolinetz: Sénateur, tout est possible. Est-ce raisonnable? Je ne le crois pas. Nous avons déjà constaté que la constitutionnalisation des droits à l'enseignement confessionnel a provoqué un cauchemar parce qu'elle a constitutionnalisé divers privilèges accordés à certains groupes.

La modification que vous examinez est permissive. Elle donne à l'Assemblée législative, à la législature de la province... Nous fonctionnons dans un régime parlementaire où les législatures ont généralement le pouvoir, dans les limites de la Charte, d'adopter de telles dispositions en vertu de la Constitution. Constitutionnaliser les droits à l'enseignement confessionnel constitutionnalise les comités confessionnels et crée un système qui, au fond, sème la confusion.

Je parle pour les parents. Les parents ne contrôlent le système que depuis peu.

M. Peter Goldring: Je devrais peut-être m'expliquer. Il s'agissait davantage de supprimer la référence: «mais elle doit prévoit un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier». Par conséquent, si des parents—un certain nombre d'entre eux—dans une école en particulier demandaient un certain type d'enseignement religieux, ils pourraient faire valoir au conseil scolaire la nécessité de l'enseignement religieux dans leur école, d'un enseignement religieux conforme à leur religion ou à leurs désirs en matière de religion.

• 1025

M. Steve Wolinetz: Cela sonne très bien en principe. Dans la pratique, c'est extrêmement difficile. Qui aurait ces droits, quels groupes? Pourquoi cet enseignement ne peut-il pas être offert après l'école dans une ambiance amicale? Je ne peux pas employer le jargon juridique—je ne suis pas avocat—même si je connais la terminologie générale.

La province a fait de manière assez délibérée, et la population a approuvé sans qu'il y ait vraiment de confusion quant aux enjeux d'après moi, une série de propositions, dont deux qui permettraient un enseignement religieux. Je sais que des questions ont été soulevées à ce sujet dans cette enceinte, mais je vois très peu de difficulté à ce que les enfants suivent un cours de religion qui ne constitue pas un enseignement religieux visant une religion en particulier. Cela se fait un peu partout à Terre-Neuve et au Labrador dans les conseils scolaires intégrés. Ce fut difficile au début, mais cela fonctionne raisonnablement bien.

Mais constitutionnaliser les droits ne me semble pas une bonne idée. Cela réduit le contrôle de la province et des conseils scolaires sur les écoles et c'est à ce niveau que le contrôle doit s'exercer.

M. Peter Goldring: Merci.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Je cède la parole au sénateur Kinsella, qui sera suivi de la sénatrice Carstairs et du sénateur Doody.

Le sénateur Noel Kinsella: Merci, madame la présidente.

Voyons voir si nous pouvons examiner les termes exacts. Avez-vous un exemplaire de la clause 17 qui nous intéresse?

M. Steve Wolinetz: Quelque part.

Le sénateur Noel Kinsella: Il me semble que nous sommes probablement unanimes au sein de notre comité et ailleurs en ce qui concerne l'appui au paragraphe 17(1), autrement dit, nous sommes d'accord pour que la clause 17 remplace l'article 93 et que la clause 17 soit modifiée. Au paragraphe 17(2), nous sommes probablement aussi tous d'accord pour affirmer que «Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation».

Vous voulez ces deux paragraphes, n'est-ce pas?

M. Steve Wolinetz: Oui.

Le sénateur Noel Kinsella: Si vous avez ces deux dispositions et si la province de Terre-Neuve a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, et si le Parlement ne prend pas de décision sur ce qui, nous dit-on, constitue une expérience unique—un pari, comme a déclaré le ministre, quelque chose qui n'a jamais été fait ailleurs mais qu'ils aimeraient faire, c'est-à-dire parrainer l'enseignement religieux...

Même si vous n'obteniez pas l'autorisation du Parlement au sujet de la deuxième partie du paragraphe 17(2), parce que vous avez compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation à Terre-Neuve, vous pourriez certainement le faire à Terre-Neuve. Il y a d'ailleurs une certaine contradiction: si nous accordons compétence exclusive à Terre-Neuve, pourquoi Terre-Neuve n'assumerait-elle pas la responsabilité de tous ses actes, y compris de ce type d'enseignement très intéressant, l'enseignement religieux?

Seriez-vous satisfaits, parce que si vous voulez faire cela à Terre-Neuve, vous auriez alors compétence exclusive pour agir, par l'entremise de la loi sur les écoles par exemple ou de n'importe quel autre moyen que prendrait l'Assemblée législative?

M. Steve Wolinetz: Sénateur, vous posez des questions juridiques à une personne qui n'est pas un avocat, mais je vais néanmoins vous répondre.

Le sénateur Noel Kinsella: D'accord.

M. Steve Wolinetz: Serais-je satisfait? Personnellement, oui. Les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador seraient-ils satisfaits? Certains oui, d'autres non.

Le problème qui se pose et la raison pour laquelle la proposition a été rédigée ainsi, selon moi—et j'insiste sur le fait que c'est mon impression—est qu'un ensemble de loi s'est développé par suite des contestations en vertu de la Charte au sujet du type d'enseignement religieux pouvant exister et qu'on tente ici de prévoir une exception.

Il est assez bien connu que les gens veulent un enseignement religieux dans leurs écoles. Ils veulent la pratique de la religion. D'ailleurs, certains concerts de Noël semblent plus importants que la religion, ce qui est très révélateur. Mais les gens veulent qu'on enseigne la religion.

• 1030

Je n'ai pas d'objection à cela. J'ai grandi aux États-Unis, mais je suis devenu citoyen canadien. Nous n'arrivions pas à convaincre un membre du clergé de parler de l'évolution parce que cela aurait porté atteinte à la séparation de l'Église et de l'État. C'était carrément ridicule. C'est une façon de contourner les histoires d'horreur qui, d'après les opposants, auraient pu survenir en vertu de la Charte et donc de respecter les souhaits des citoyens de Terre-Neuve et du Labrador, comme le fera le Parlement, je l'espère. Je pense que les citoyens ne seraient pas satisfaits.

Le sénateur Noel Kinsella: Mais ce sera une expérience unique. Des témoins ont affirmé qu'à cause de la dynamique sociale et politique à Terre-Neuve et au Labrador, il est souhaitable d'adopter cette solution. Pouvez-vous comprendre que, pour certains d'entre nous à la Chambre des communes et au Sénat, cette question nous paraît dérisoire, que c'est une question qui relève de l'Assemblée législative si l'Assemblée législative a compétence exclusive et que ceux d'entre nous qui ne sont pas tout à fait d'accord en principe ne veulent pas appliquer leurs principes à une situation intérieure propre à cette province? Pouvez-vous comprendre pourquoi le Parlement préférerait ne pas entrer dans les détails de ce qui devrait normalement relever de la loi provinciale sur les écoles et que nous serions plus enclins à aller jusqu'à acquiescer à la demande visant à donner à la province compétence exclusive en matière d'éducation et à la laisser décider ce qu'elle veut dans ce domaine? Pouvez-vous...

M. Steve Wolinetz: Je peux comprendre pourquoi vous le voudriez. Je n'ai aucune difficulté à comprendre. Mais voilà ce que la législature a demandé. La clause ne prévoit pas que tout le monde recevra un enseignement religieux, mais plutôt qu'il faut prévoir un enseignement religieux. La législature est libre d'exercer sa compétence en ce qui concerne la façon dont les élèves peuvent refuser de participer. Je peux comprendre pourquoi vous pouvez penser que c'est une bonne idée, mais si vous y réfléchissez un peu, votre grande sagesse vous dira que ce n'est peut-être pas une bonne idée, à cause des difficultés—c'est l'opinion des avocats, si je comprends bien—qui pourraient découler de la Charte et d'autres facteurs si la législature prévoyait simplement l'enseignement religieux, sans cette disposition. Je crois que c'est la seule raison de la présence de cette disposition. Cette disposition ne vise pas à imposer la religion.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

Sénatrice Carstairs, puis sénateur Doody.

La sénatrice Sharon Carstairs (Manitoba, Lib.): Merci.

Si je ne m'abuse, cette disposition que vient d'évoquer le sénateur Kinsella ne s'applique pas actuellement dans les écoles centralisées, comme on les appelle. Ces écoles offrent un programme, mais parce qu'il y a tellement de groupes religieux, le programme ne vise aucune religion en particulier, que ce soit l'Armée du salut, l'Église presbytérienne ou l'Église unie. Pouvez-vous nous parler brièvement du programme actuel?

M. Steve Wolinetz: Je peux vous en parler parce que mes deux fils y ont participé. Je pense que c'est un assez bon programme, certainement plus important que la pratique religieuse sur laquelle j'essayais de me renseigner quand mes deux fils étaient petits. Ils disaient: «Le révérend Untel compare nos vies à des bougies. Pourquoi fait-il cela?». Le soulagement quand le révérend quittait la scène était plus grand que les répercussions de ce qu'il avait dit.

Au début du secondaire, l'enseignement porte non seulement sur les religions protestantes mais aussi sur leur évolution et les différences par rapport au catholicisme, mais il est aussi question du bouddhisme et d'autres religions. C'est un enseignement très ouvert.

• 1035

J'ai un jeune fils qui va encore à l'école et qui s'y ennuie énormément. Quand il revient de bonne humeur, je lui demande où il est allé, parce que je suppose qu'il a fait l'école buissonnière. Le cours qui lui plaisait le plus en 8e année était la religion. Son professeur de religion était professeur d'éducation physique—les professeurs enseignent souvent deux matières à Terre-Neuve et au Labrador. Elle était très enthousiaste et ne tentait pas d'imposer son point de vue. Elle était baptiste pratiquante je crois, mais c'était un cours ouvert qui abordait des sujets d'une façon qui plaisait à mon fils et à ses compagnons de classe.

En général, c'est ce qu'on peut appeler la religion comparée. De toute évidence, la démarche est différente en 1re année et en 8e, comme c'est le cas pour bien d'autres matières. Mais il n'est pas nécessaire d'imposer un enseignement en particulier. Ces cours sensibilisent les enfants aux différentes croyances. Ce sont des connaissances très utiles.

Personnellement, je ne crois pas que les formes de ségrégation—qui n'existent pas vraiment à Terre-Neuve et au Labrador parce que les écoles elles-mêmes sont devenues assez hétérogènes—sont souhaitables. Nous devons comprendre les autres religions. Tout le monde aujourd'hui doit comprendre l'islamisme beaucoup mieux que nous le comprenons réellement pour pouvoir comprendre le monde en général.

La sénatrice Sharon Carstairs: Merci.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie.

Sénateur Doody.

Le sénateur William C. Doody (Harbour Main—Bell Island, PC): Merci, madame la présidente.

Le témoin a fait dans son exposé quelques affirmations sur lesquelles je sens le besoin de revenir un instant. Je pense que ces propos étaient un peu forts et un peu trop incendiaires.

Je ne crois vraiment pas que «cauchemar» décrive correctement l'état du système scolaire confessionnel à Terre-Neuve. J'étais là en 1949 quand il y a eu le débat sur la Confédération, et je m'en souviens très bien. Si vous voulez vraiment savoir ce qu'est un cauchemar, imaginez où serait Terre-Neuve si la clause 17 n'avait pas été incluse dans la Conditions de l'Union. Malgré la garantie des droits religieux qu'ils avaient à l'époque, seulement 51 p. 100 de la population était en faveur de la Confédération. Où serait la province de Terre-Neuve sans cela est pure conjecture, mais le mot «cauchemar» est un peu trop fort.

Je pense aussi qu'il n'était pas nécessaire d'affirmer qu'il s'agit uniquement d'une question de maintien du pouvoir par diverses personnes. Il ne me paraît pas juste de mettre en doute les motifs de ceux qui consacrent leur vie à l'enseignement. Il est temps d'examiner le système scolaire. Il est en train de changer et il changera encore et nous avons peut-être ici une façon de le changer, mais il ne me semble pas nécessaire d'affirmer que ces personnes cherchent à maintenir leur emprise. Ils peuvent avoir des opinions sincères au sujet de l'enseignement des principes et valeurs morales qu'ils jugent importants.

Par conséquent, même si je respecte votre position et les gens que vous représentez, j'ai cru bon de faire ces observations à l'intention de ceux qui liront le compte rendu de nos délibérations et qui pourraient réfléchir au cauchemar provoqué à Terre-Neuve. Ce n'était pas un cauchemar, mais ç'aurait pu l'être.

M. Steve Wolinetz: Sénateur, je ne peux pas parler de 1949. J'avais 6 ans et je vivais ailleurs. Je ne suis arrivé ici qu'en 1971. Si j'ai employé le terme «cauchemar», ce n'était pas pour décrire le système dans son ensemble ni pour critiquer les motifs de la plupart des gens dans le système. Ils se donnent beaucoup dans des conditions qui ne sont pas très bonnes. J'enseigne à l'université, à des étudiants qui veulent étudier. Je n'essaie pas de faire la discipline dans une classe de 40 élèves tout en tentant de transmettre des connaissances sans avoir le soutien nécessaire.

Si j'ai employé le terme «cauchemar», c'était pour qualifier les discussions qui se sont déroulées depuis un mois. J'ai observé le conseil scolaire d'Avalon East récemment. Ce conseil s'est donné beaucoup de mal, un mal extraordinaire, avec des bénévoles qui reviennent année après année, pour essayer de résoudre ces problèmes. Il n'a pas pu s'occuper efficacement des désignations. Ni le conseil scolaire d'Avalon East ni ses prédécesseurs ne pouvaient régler le problème de Bell Island d'une manière qui aurait satisfait les deux parties. Je n'entrerai pas dans les détails...

• 1040

Le sénateur William Doody: Je représentais Bell Island au niveau local et je ne pouvais pas régler les problèmes moi non plus.

M. Steve Wolinetz: Je sympathise avec vous, mais dans la dernière désignation, ils se sont retrouvés avec plus d'écoles et moins d'enseignants et moins de cours, ce qui n'est certainement pas l'idéal. À Conception Bay South et à Mount Pearl, les souhaits des parents n'ont pas été pris en considération. Les problèmes de transport scolaire à Conception Bay South, que vous représentiez également, je crois...

Le sénateur William Doody: C'est exact.

M. Steve Wolinetz: ... n'ont pas été réglés; les autobus se doublaient sur la route.

J'ai assisté, en compagnie d'un journaliste, à la réunion de septembre du conseil scolaire d'Avalon East et j'ai été...

Le sénateur William Doody: Je ne contestais pas le fait qu'il existe une confusion dans le système actuel.

M. Steve Wolinetz: Pas de la confusion, monsieur.

Le sénateur William Doody: Je voulais faire ces observations aux fins du compte rendu et vous donner la possibilité...

M. Steve Wolinetz: Je vous en remercie, mais permettez-moi de conclure.

À la réunion de septembre du conseil scolaire d'Avalon East, ils ont discuté d'enseignement. C'était assez remarquable. Je crois qu'ils ont fait les manchettes de l'Evening Telegram. C'est très révélateur. La situation était cauchemardesque, à cause des problèmes qui n'ont pas été réglés. Nous pouvons diverger d'opinion sur les questions de pouvoir. Je sais que certaines personnes ont des opinions bien tranchées.

J'ai débattu de cette question plus longtemps que j'aurais voulu le faire, mais je pense que d'autres facteurs entrent en jeu. J'aimerais m'en tenir là et je pense que nous ne serons pas d'accord.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Sénateur Murray.

Le sénateur Lowell Murray: Merci, madame la présidente. Je crains bien de devoir poursuivre dans la même veine que le sénateur Doody.

Premièrement, nous devons accorder, je crois, un poids considérable aux points de vue que vous avez exprimés au nom de votre organisation en faveur de la modification proposée. Pour ma part, en tous cas, je le fais.

Cela dit, je ne pense pas que nous avancerons beaucoup dans notre pays en qualifiant de privilèges spéciaux ce que certains considèrent comme leurs droits. Vous savez que les droits à l'enseignement confessionnel ont été protégés en 1867. La religion était peut-être plus importante dans la société qu'elle ne l'est actuellement, mais cela faisait partie du marché de la Confédération en 1867. C'est une tradition au Canada de protéger ce que je qualifierais—d'autres ne le feraient pas—de droits collectifs, ainsi que de droits individuels. Même M. Trudeau, ardent défenseur des droits individuels, va jusqu'à les qualifier d'aspects collectifs des droits individuels.

Nous avons la Charte des droits et libertés qui protège expressément les systèmes scolaires confessionnels. Nous avons la Loi sur les langues officielles et la Charte des droits et libertés qui protège les minorités linguistiques d'un océan à l'autre et qui leur accorde certains droits à l'instruction. J'ai entendu dire deux fois plutôt qu'une au cours des 30 dernières années que, dans certaines régions du pays, les droits des francophones sont simplement des privilèges parce que les francophones de telle province ou de telle région ne constituent pas une minorité assez importante.

Ce que je veux démontrer c'est qu'il existe des droits collectifs ou des aspects collectifs des droits individuels, qu'ils font partie de la tradition canadienne et que nous n'aboutirons pas à grand-chose en qualifiant de privilèges spéciaux ce qui constitue incontestablement des droits dont jouissent certains Canadiens en vertu de notre Constitution et de notre tradition constitutionnelle.

Je crois que vous vous opposez en principe aux droits à l'enseignement confessionnel garantis par la Constitution. Il ne sert peut-être à rien de vous poser la question, mais je l'ai posée aux catholiques de Terre-Neuve qui ont comparu hier. Elle porte en partie sur le faible taux de participation des catholiques au référendum. J'aurais cru que s'ils étaient sérieux, ils auraient voté non en plus grand nombre. Mais il y a une minorité. Vous affirmez que savoir ce qu'est une minorité et je vous comprends, seize familles, ce n'est pas beaucoup.

• 1045

Il y a une minorité pentecôtiste à Terre-Neuve. Je pense qu'elle représente 6 ou 7 p. 100 de la population. Les statistiques qui nous ont été communiquées hier indiquent que 70,3 p. 100 d'entre eux ont voté au référendum, ce qui n'est nettement supérieur à la moyenne provinciale, et que près de 83 p. 100 d'entre eux ont voté non.

Cela me porte à réfléchir aux droits des minorités, parce que, selon moi, l'article 43 et son double veto existe précisément pour que ces droits ne puissent être violés par la majorité, qui prendrait des mesures unilatérales, et pour que ces droits ne soient pas abrogés sans le consentement de la minorité visée. Alors, je crois qu'ils ont des arguments très convaincants dans la tradition canadienne et l'esprit de...

M. Steve Wolinetz: Permettez-moi de répondre. Je crois que mon opinion personnelle, quant à savoir si je préfère l'enseignement non confessionnel ou un enseignement religieux quelconque, n'est pas vraiment importante. La question des droits et de l'équilibre est beaucoup plus importante et elle est extrêmement délicate.

Vous avez évoqué la tradition canadienne. Je pense que c'est important. Certains accommodements ont été maintenus, mais invariablement, les droits entrent en conflit les uns avec les autres. Il est impossible de discuter sérieusement des droits se demander ce qu'on fait en cas de conflit.

Terre-Neuve avait trouvé certaines solutions à ce problème. Dans la tradition terre-neuvienne, on pouvait refuser de participer. On était respecté. Les minorités, les minorités réelles ont été respectées dans les écoles de Terre-Neuve et je pense que, dans l'ensemble, elles ont été traitées de manière plutôt tolérante. Je le répète, ce n'est pas un problème chez nous. Le problème, c'est comment trouver le juste milieu entre différents types de droits et de facteurs.

Vous avez évoqué les catholiques. Le taux de participation dans les districts catholiques a été supérieur à la moyenne. Les districts catholiques sont plus urbains et plusieurs facteurs sociologiques pourraient expliquer ce phénomène. Mais je pense que le taux de participation a été supérieur à celui du référendum précédent.

Examinons le problème des droits et de l'équilibre lorsque les ressources sont très limitées. Prenons l'exemple d'un village où il n'y a qu'une école. Une majorité simple—50 p. 100 plus un—pourrait rendre l'école confessionnelle même si une minorité importante ne le voulait pas. Et leurs droits? Ils devraient s'incliner. Ce qui est un droit pour quelqu'un devient un privilège pour quelqu'un d'autre. Voilà comment le système a fonctionné, à moins d'avoir des conseils séparés.

À Terre-Neuve, si l'on centralisait vraiment les écoles, sans tenir compte des distances que doivent parcourir les enfants, pour qu'il en reste 100—pas 300 ni 350—et qu'on offrait un meilleur enseignement, tout le monde devrait prendre l'autobus et il faudrait intervenir de manière importante dans d'autres domaines.

Il y a un équilibre des droits. On peut dire qu'il faudrait tenir compte des minorités si le nombre le justifie. C'était le débat par le passé. Mais il arrive que la minorité n'en veuille pas.

La situation des pentecôtistes, je crois, est assez différente de celle des catholiques. Dans le cas des pentecôtistes, je ne suis pas d'accord avec vos chiffres, mais je conviens que la majorité appuyait les écoles pentecôtistes. Mais souvent, ils obtenaient des écoles aux dépens du droit à des écoles interconfessionnelles dans le système provisoire actuel parce que quand on enlevait assez d'enfants, il n'en restait plus assez pour les autres écoles.

• 1050

Cette modification n'interdit nullement à un groupe qui veut sa propre école d'en créer une. La loi sur les écoles a toujours prévu des écoles privées. Il y en a une dans la province, mais il pourrait y en avoir davantage. Rien n'empêche l'Assemblée législative et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador de financer de telles écoles. Mais les obliger à le faire, c'est une autre histoire, selon moi.

Je pense qu'on peut affirmer qu'il y a des paliers de droits différents. Vous n'aimez peut-être pas le mot «privilège», mais la clause 17 originale disait—je ne me souviens plus des termes exacts—que des catégories de personnes ont le droit d'exploiter une école. Tout le reste découle de là. Il n'était pas question de contrôle complet sur le système scolaire et aucune limite n'était fixée. Des conventions et des interprétations juridiques créent peut-être ces limites.

Je pense qu'on peut parvenir à un équilibre, mais il y a des questions. Parfois, quand on équilibre les droits, il faut se demander ce qui les rend efficaces, parce que je crois que la jurisprudence est un droit. Si un droit n'est pas appuyé ou n'a pas ce qu'il faut pour être efficace, ce n'est pas un droit. C'était un élément de la décision du juge Barry. Ce n'est plus un droit. D'autres ont des droits et il faut équilibrer ces droits avec des droits ou des privilèges.

C'est une question de formulation. Je sais que la façon de formuler les choses peut faire une grande différence, et je pense qu'il s'agit là du problème que vous devez étudier. Bien des gens ont déclaré ne pas vouloir d'un système qui constitutionnalise. Voilà le problème.

La coprésidente (sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Nous avons eu une matinée très intéressante. Je remercie également mes collègues.

Monsieur Wolinetz, merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir vous exprimer votre point de vue.

La période de question commencera sous peu. Nous nous retrouverons lundi à 9 h 30 dans la pièce 237-C.

La séance est levée.