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SJNS Rapport du Comité

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[ Contexte ]

[ Modification de l'article 43 ] [ historique de la clause 17 ]

[ Ce que le Comité a entendu ]

[ La minorité et les droits confessionels ] [ Les droits des élèves ]
[
L'ensignement religieux non orienté vers un culte particulier ] [ Non-participation aux cours de religion ]

[ Recommandation ]


CONTEXTE

Le 2 septembre 1997, Terre-Neuve et le Labrador ont tenu un référendum sur la réforme du système d’éducation. Soixante-treize pour cent des votants ont approuvé une modification constitutionnelle de la clause 17 des Conditions de l’union de Terre-Neuve afin de remplacer le système d’éducation confessionnel par un seul système scolaire public dans le cadre duquel tous les enfants fréquenteraient la même école, quelle que soit leur appartenance religieuse(1).

Le 5 septembre 1997, l’Assemblée législative de Terre-Neuve a adopté à l’unanimité la résolution demandée. La Chambre des communes et le Sénat du Canada ont été saisis d’une résolution identique en novembre 1997. Par la suite, un comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat a été chargé d’étudier les deux résolutions et de faire rapport aux deux chambres du Parlement, au plus tard le 5 décembre 1997.

Pour apprécier les témoignages reçus par le Comité, il faut d'abord aborder trois questions de fait : la procédure de modification bilatérale prévue par l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 et le rôle que le Parlement fédéral a joué à l’égard de ce genre de modifications bilatérales; le caractère unique du système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador; et l’influence de l’évolution de ce système scolaire sur la façon dont le Parlement fédéral traite des modifications bilatérales.

1.1 Modifications de l’article 43

Voici le libellé de l’article 43 :

43. Les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée. Le présent article s’applique notamment :

a) aux changements du tracé des frontières interprovinciales;

b) aux modifications des dispositions relatives à l’usage du français ou de l’anglais dans une province.

L'on s'entend de façon générale pour dire que la procédure de l’article 43 est bel et bien celle qu’il faut suivre pour modifier la clause 17. Et ce n’est pas la première fois que l’Assemblée législative de Terre-Neuve demande au Parlement fédéral de participer à une modification bilatérale de la clause 17.

Depuis que le Canada s’est doté d’une procédure de modification nationale en 1982, il est arrivé six fois qu’une province demande une modification bilatérale aux termes de l’article 43. L'article 43 permet aux provinces d’aborder ces questions d’une manière conforme à leur histoire et à leur tradition propres(2).

1.2 Historique de la clause 17

Lors de la Confédération, la Loi constitutionnelle de 1867 a conféré aux provinces compétence exclusive en matière d’éducation, à deux exceptions près : la protection des droits confessionnels qui existaient dans la loi à ce moment-là et un rôle réparateur confié au niveau fédéral pour la protection des droits à l’enseignement confessionnel. Chacune des cinq provinces qui se sont ajoutées par la suite au Canada ont, dans leurs conditions d’union, soit adopté (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard), soit adapté (Manitoba, Alberta et Saskatchewan) l’article 93. Quand Terre-Neuve s’est jointe à la Confédération, seuls l’Ontario, le Québec, l’Alberta et la Saskatchewan étaient dotés de droits à l’enseignement confessionnel prévus par la loi, en raison des circonstances diverses qui existaient dans les différentes provinces.

En 1949, Terre-Neuve fut la dixième province à se joindre à la Confédération, et la plus récente. Dans les conditions d’union, la clause 17 assurait le maintien du système d’éducation confessionnel financé par le secteur public qui était en place à l’époque dans la province(3). La clause 17 était unique à trois égards. Dans les neuf autres provinces, les droits juridiques des confessions religieuses extérieures au système d’éducation public étaient protégés, alors que Terre-Neuve n’avait tout simplement pas de système public. De plus, les conditions d’union des neuf autres provinces visaient seulement les religions protestante et catholique, les catholiques étant la minorité dans toutes les provinces sauf le Québec. Par contre, les conditions d’union de Terre-Neuve assuraient des garanties en matière d’éducation à sept catégories religieuses différentes qui, ensemble, représentaient plus de 90 p. 100 de la population. En dernier lieu, toutes les dispositions constitutionnelles à l’égard de l’enseignement confessionnel dans les neuf autres provinces prévoyaient un processus d’appel au Parlement de toute mesure législative provinciale qui ne respectait pas ces droits, ainsi que la possibilité de mesures législatives fédérales pour déroger à ces lois provinciales ou les modifier. Il n’est aucunement question d’un tel rôle fédéral dans la clause 17, rôle qui a été décrit pour la première fois aux paragraphes 92(3) et (4) de la Loi constitutionnelle de 1867.

Lors du rapatriement de la Constitution canadienne, certains députés terre-neuviens ont exprimé des inquiétudes quant à l’incidence possible de la Charte des droits et libertés sur la clause 17 et, plus particulièrement, sur les droits des Assemblées de la Pentecôte, qui ne furent pas juridiquement reconnues avant 1954 et ne jouissaient donc pas de la protection constitutionnelle garantie par la clause 17.

Quand le Comité mixte de la Chambre et du Sénat a étudié le projet de Charte, un amendement fut proposé afin que la Charte ne s’applique pas à la clause 17. Par la suite, l’amendement fut élargi afin d’exempter tous les droits à l’enseignement confessionnel à l’échelle du pays. La décision fut en partie influencée par la position du gouvernement de Terre-Neuve qui voulait que les Assemblées de la Pentecôte jouissent d’une véritable protection constitutionnelle grâce à une modification distincte de la Constitution en vertu de l’article 43, laquelle modification fut réalisée en 1987. L’article 29 de la Loi constitutionnelle de 1982 se lit comme suit :

29. Les dispositions de la présente charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèges garantis en vertu de la Constitution du Canada concernant les écoles séparées et autres écoles confessionnelles.

La Loi sur l’éducation de 1927, la dernière grande loi dans ce domaine avant l’entrée de Terre-Neuve dans la Confédération en 1949, préconisait le maintien du système d’enseignement confessionnel en place et cernait quatre domaines éducatifs qui devaient relever de l’Église ou de la confession religieuse :

    1. le droit à des commissions scolaires confessionnelles pouvant avoir et administrer leurs propres écoles;
    2. le droit de ces commissions d’engager et de licencier des enseignants;
    3. le droit de ces écoles de recevoir des fonds publics, et ce, sur une base exempte de différentiation injuste;
    4. le droit de créer des collèges confessionnels.

Tels étaient les droits à l’enseignement confessionnel que protégeait la clause 17 des Conditions de l’union de Terre-Neuve avec le Canada.

Depuis, on a sans cesse essayé d’améliorer le système d’éducation, par des mesures de coordination et de fusion tentées principalement à base du système, c’est-à-dire par les parents et les enseignants. La première initiative de coopération touchant l’enseignement confessionnel est d’ailleurs venue, non pas du gouvernement ou des Églises, mais bien des enseignants. En 1890, ils ont créé la Newfoundland Teachers’ Association, organisme interconfessionnel dont le mandat était de travailler pour le bien de tous les enseignants et de favoriser l’éducation, quelles que soient les appartenances religieuses.

En 1969, le gouvernement a créé trois conseils d’éducation confessionnels pour remplacer les directeurs confessionnels : le Conseil d’éducation intégré, le Conseil d’éducation catholique et le Conseil d’éducation pentecôtiste. Au départ, le Conseil d’éducation intégré représentait les Églises anglicanes et unies et de l’Armée du Salut. Plus tard au cours de la même année s’ajouta l’Église presbytérienne suivie, en 1977, de l’Église moravienne. L’Église adventiste du septième jour conserva son propre conseil scolaire séparé et ne voulut pas se joindre au Conseil intégré.

Au moment de l’intégration en 1969, les 270 commissions scolaires en place furent fusionnées pour n’en former plus que 37 : 20 commissions intégrées, 15 catholiques, une pentecôtiste et une adventiste du septième jour. Dès 1992, grâce à la coopération et non à la législation, ce nombre fut ramené à 27 : 16 intégrées, neuf catholiques, une pentecôtiste et une adventiste du septième jour. La régie et l’administration du système d’éducation étaient assumées de concert par le ministère de l’Éducation – non confessionnel –, les conseils d’éducation confessionnels et les commissions scolaires. Cette structure administrative n'a pratiquement pas changé de 1969 à 1997.

En 1990, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador créa une Commission royale, présidée par M. Len Williams et chargée d’étudier la prestation des programmes et services éducatifs de la province. En 1992, la Commission déposa son rapport, intitulé «Our Children, Our Future». Lors de sa comparution devant le Comité sénatorial qui s’est penché sur la modification de la clause 17 en 1996, M. Williams a décrit le système d’enseignement de Terre-Neuve et du Labrador et les résultats de l’enquête de la Commission royale. Il a clairement exprimé son opinion, et celle de la Commission, à l’effet qu’une réforme du système confessionnel s’imposait. Selon lui, l’absence d'un système d’enseignement public à Terre-Neuve s’expliquait par le manque des ressources. Avec 100 000 élèves éparpillés à travers la province, un deuxième système ou un système parallèle au système confessionnel aurait coûté trop cher.

Le Comité sénatorial a recommandé que la résolution soit approuvée, après avoir apporté deux changements à son libellé. Le principal changement visait l’ajout des mots «là où le nombre le justifie», afin de confirmer le droit constitutionnel aux écoles uniconfessionnelles dans les cas où le nombre le justifiait. Cependant, le Sénat ne dispose pas d’un véto absolu sur les modifications constitutionnelles. Une modification proposée peut entrer en vigueur sans la participation du Sénat si ce dernier n’a pas adopté la résolution au bout de six mois, et que la Chambre l’adopte de nouveau. La modification de la clause 17 fut adoptée une deuxième fois à la Chambre des communes en décembre 1996. Peu après, l’Assemblée législative de Terre-Neuve a adopté la nouvelle Schools Act pour mettre en oeuvre le nouveau régime d’enseignement.

Quand le ministre de l’Éducation de Terre-Neuve et du Labrador, l’honorable Roger Grimes, a comparu pour la première fois devant le Comité, il a expliqué que la modification de 1996, même si elle cherchait à résoudre les problèmes relevés par la Commission royale, n’était pas fondée sur le modèle recommandé par cette dernière. C’était plutôt le fruit d’un compromis, au bout de trois ans de discussion, qui permettait de conserver à la fois des écoles interconfessionnelles et quelques écoles uniconfessionnelles.

Le ministre Grimes a expliqué pourquoi le modèle du compromis a échoué. En janvier, les 27 commissions scolaires confessionnelles ont été dissoutes et remplacées par dix nouvelles commissions scolaires interconfessionnelles qui assumaient la responsabilité du système scolaire.

[...] D’après le gouvernement, [l’inscription des élèves pour déterminer combien de personnes souhaitaient conserver les écoles uniconfessionnelles] était une première étape nécessaire qui a donc fait l’objet d’une disposition législative; cela nous a permis encore une fois de constater qu’il n’y avait pas du tout de collaboration à cet égard. Je le dis franchement et sans hésitation [...] Je n’attaque aucun groupe en particulier, parce que tout le monde à Terre-Neuve et au Labrador jugeait, soit que le gouvernement était allé trop loin, soit qu’il n’était pas allé assez loin. Le modèle de compromis proposé à l’égard de la clause 17 actuelle ne plaisait à personne. (18 novembre 1997, p. 1710-1715).

Le ministre Grimes a expliqué que, selon le gouvernement, les conseils scolaires devaient offrir les meilleures possibilités d’instruction possible aux élèves, tout en reconnaissant le droit garanti par la Constitution à certaines confessions d’avoir leurs propres écoles confessionnelles séparées. Toutefois, certains représentants de groupes confessionnels jugeaient primordial le droit aux écoles uniconfessionnelles, quelle que soit l’incidence sur les possibilités d’instruction offertes à l’ensemble des élèves.

Dès le mois de mai, tous les conseils scolaires avaient effectué la désignation des écoles relevant de leur compétence, dont 60  devaient fermer à la fin de l’année scolaire 1996-1997. Le ministre de l’Éducation a demandé aux divers représentants confessionnels, qui avaient le droit de refuser les enseignants qui n’étaient pas de la même religion, d’être tolérants et d’accepter des enseignants mutés, même si ceux-ci étaient d’une autre confession. Or, selon le ministre Grimes, de tels aménagements furent rares, bien que d’autres témoins aient par la suite affirmé le contraire.

Insatisfaits des résultats du processus de désignation, des représentants des confessions catholique et pentecôtiste ont présenté à la Division de première instance de la Cour suprême de Terre-Neuve une demande d’injonction afin d’éviter la violation présumée des droits garantis par la Constitution. L’injonction fut accordée en juillet 1997, bouleversant complètement les plans établis pour l’année scolaire 1997-98. Dans sa décision, le juge Léo Barry a accordé la priorité aux droits confessionnels en vertu de la modification de 1996, selon laquelle les droits à l’enseignement uniconfessionnel devaient avoir préséance sur l’optimisation des possibilités d’instruction :

[par. 63] Si l’on autorise le gouvernement à accorder la priorité aux possibilités d’instruction aux dépens des écoles uniconfessionnelles, les droits prévus au paragraphe b) de la clause 17 [touchant les écoles uniconfessionnelles] perdent tout leur sens. Le Parlement et l’Assemblée législative, quand ils ont décidé de conserver le système d’éducation confessionnel en vertu de la clause 17, savaient très certainement que cela réduirait les possibilités d’instruction des élèves de cette province. (Hogan c. Newfoundland School Boards, non publié, 8 juillet 1997).

Le gouvernement provincial s’est plié aux conditions de l’injonction mais, le 31 juillet 1997, a annoncé qu’un référendum aurait lieu le 2 septembre 1997, sur la question suivante :

Appuyez-vous un système scolaire unique où tous les enfants, quelle que soit leur appartenance religieuse, fréquenteront les mêmes écoles qui offriront la possibilité d’un enseignement religieux et de l’observance d’une religion?

À la fin août, le libellé de la modification proposée fut annoncé :

17. (1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s’applique au lieu de l’article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.

(2) Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d’éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.

(3) L’observance d’une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.

La question a obtenu une réponse favorable de la part de 73 p. 100 des votants, le taux de participation étant d’un peu plus de 53 p. 100, et le 5 septembre 1997, l’Assemblée législative de Terre-Neuve a voté à l’unanimité d’approuver la résolution.

Selon le ministre Grimes, le gouvernement de Terre-Neuve, n’ayant réussi à contenter personne avec le compromis adopté avec la modification de 1996, a décidé de demander à la population si elle souhaitait continuer d’essayer de faire fonctionner l’ancien modèle ou si elle préférait repartir à neuf avec un nouveau système scolaire unique, doté d’une composante religieuse, qui garantirait des droits égaux à tous, et pas seulement à certaines confessions.

Le Comité a aussi entendu M. Jack Harris, chef du Nouveau parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador. Selon M. Harris, la réforme du système d’éducation a vraiment fait l’objet d’un consensus à l’échelle de la province, avec l’objectif principal d’offrir aux enfants de Terre-Neuve et du Labrador la meilleure instruction possible. D’après ce témoin, il serait temps d’oublier toutes les querelles sur la régie, le contrôle, les multiples bureaucraties, la discrimination à l’égard des enseignants pour des motifs de religion, le dédoublement des services, les longs déplacements en autobus et l’affectation de fonds aux diverses confessions. Bref, M. Harris a confirmé que le consensus de 1949 a cédé la place au consensus de 1997, et que la population de Terre-Neuve et du Labrador souhaite que le système d’éducation garanti par la Constitution soit un système unique pour tous les enfants, sans distinction de confession.

 

CE QUE LE COMITÉ A ENTENDU

Sur une période de deux semaines, le Comité a entendu des témoins très divers, dont la plupart étaient de Terre-Neuve et du Labrador. Nous tenons à les remercier sincèrement; nombre d’entre eux ont parcouru de longues distances après un court préavis afin d’aider le Comité dans ses délibérations. Nous sommes convaincus que les efforts de ces personnes nous ont permis de nous faire une idée de tous les points de vue sur cette affaire complexe et litigieuse.

Au début de ses délibérations, le Comité a invité deux spécialistes en droit constitutionnel et international à l’aider à cerner la nature des questions juridiques et constitutionnelles qu’il devait aborder. Par la suite, les membres du Comité ont entendu d’autres experts s’exprimer sur les divers aspects juridiques de la question et, fait peu étonnant, les divers avocats avaient parfois différents points de vue. Toutefois, Me Bayefsky et Me Schneiderman nous ont suggéré un canevas fort utile au tout début de nos travaux.

Le Comité a invité plusieurs experts en droit constitutionnel à venir discuter des facteurs que le Parlement devrait prendre en considération lors de l’étude d’une modification bilatérale. Ces experts ont souligné la nécessité d’une étude parlementaire indépendante.

Me Anne Bayefsky, spécialiste de la protection des droits de la personne à l’échelle internationale, du droit international, du droit constitutionnel, des libertés civiles, des lois antidiscrimination et des droits de la femme, qui avait également comparu devant le Comité sénatorial étudiant la modification de 1996 a souligné trois points importants. Premièrement, comme il sied à un «arbre en pleine croissance», la Constitution doit être flexible, elle doit être modernisée et elle doit être adaptée à l’évolution des besoins de la collectivité.

Me  Bayefsky a aussi signalé que le Parlement fédéral doit s’assurer d’examiner les droits des personnes visées par la modification, notamment ceux des minorités dont il se peut qu’on n’ait pas pleinement tenu compte lors des délibérations dans la province. La modification proposée est-elle le résultat d’un processus démocratique? Les objectifs de la modification sont-ils louables ou suspects? Quel en sera le résultat pour les minorités? Les changements proposés sont-ils conformes à la Charte canadienne des droits et libertés? L’équilibre entre les droits et intérêts des divers groupes de la province est-il acceptable?

Me Bayefsky a signalé que la population de Terre-Neuve a été consultée pendant le processus de réforme de l’éducation. Ainsi, au cours des dernières années, on a tenu des audiences publiques, deux référendums et une élection qui a en partie porté sur le programme du gouvernement en matière d’éducation.

Elle a aussi mentionné que les minorités avaient été consultées et que les changements touchant leurs droits avaient été effectués d’une manière qui tient continuellement compte de leurs besoins particuliers. Leurs enfants peuvent ainsi continuer à fréquenter des écoles privées, ce qui est conforme à ce qu’on retrouve dans pratiquement toutes les autres provinces du Canada.

Enfin, Me Bayefsky a signalé que les critères permettant de juger de l’acceptabilité des modifications constitutionnelles proposées ne sont pas suffisamment développés au Canada. Elle a souligné qu’il fallait travailler à établir un processus de modification de la Constitution facilement compréhensible et accessible à tous les Canadiens.

Me David Schneiderman, directeur général du Centre d’études constitutionnelles de l’Université de l’Alberta a aussi accepté de livrer au Comité son opinion éclairée. Il était d’accord pour affirmer que le Parlement devait étudier les modifications bilatérales de façon indépendante des provinces. Toutefois, selon lui, les modifications en vertu de l’article 43 constituaient également une occasion unique d’assouplir et d’améliorer la Constitution en encourageant la coopération fédérale-provinciale.

Me Schneiderman a proposé une stratégie en quatre volets :

  • Sur quel sujet porte la modification?
  • Quel est le but ou l’objectif de la modification?
  • Quel processus a été suivi avant que la modification ne soit soumise au Parlement?
  • Quels intérêts nationaux pourraient être en jeu?

Par exemple, si le sujet de la modification relèverait normalement de la compétence des provinces, comme c’est le cas en matière d’éducation, il pourrait alors être nécessaire de faire preuve de plus d’égard à l’endroit d’une requête provinciale. Me Schneiderman a signalé qu’abstraction faite des droits confessionnels, l’éducation constitue une compétence exclusive des provinces. Contrairement à l’article 93 et à ses variantes dans les neuf provinces, la clause 17 n’accorde pas au Parlement un rôle précis dans la protection de l’enseignement confessionnel.

Me Schneiderman a aussi précisé que la clause 17 élimine les privilèges constitutionnels accordés à certaines confessions, mais ces privilèges n’ont pas été offerts à toutes les religions. Il a souligné que la nouvelle clause vise à rationaliser le système éducatif et à le rendre plus efficient. Les droits des minorités ne sont visés que d’une manière accessoire puisque ceux-ci ne constituent pas l’objectif premier de la modification.

Quant à la démarche suivie, Me Schneiderman a mentionné que les Canadiens acceptaient de plus en plus l’idée que la population joue un rôle dans ces modifications. Le grand public a-t-il eu l’occasion de débattre de la modification? Le même résultat aurait-il pu être obtenu par d’autres moyens qu’une modification constitutionnelle? La modification a-t-elle fait l’objet d’une élection ou d’un référendum? Les groupes les plus directement touchés ont-ils été consultés et ont-ils pu participer de manière significative au débat?

Me Schneiderman n’a pas précisé qu’il fallait toujours obtenir le consentement de la minorité touchée pour approuver une modification. Il a plutôt mentionné un certain nombre de questions plus générales : a-t-elle été consultée? A-t-elle disposé de ressources suffisantes pour participer au débat public? Si elle n’est pas d’accord avec la modification, sa position est-elle fondée sur des motifs déraisonnables? Existe-t-il d’autres mécanismes de protection légaux ou constitutionnels? Les droits des minorités concernées sont-ils brimés ou simplement touchés?

En règle générale, les témoins experts étaient d’avis que la tendance à abandonner les droits éducationnels protégés dans le cas de certaines religions seulement concordait avec les valeurs constitutionnelles. D’après Me Bayefsky, il est d’une façon générale compatible avec la Charte de viser un système scolaire public unique qui donnerait à toutes les confessions un accès égal à certaines pratiques religieuses. Ceux qui, en vertu de l’ancienne clause 17, ne jouissaient d’aucun droit éducationnel – la communauté juive par exemple – seraient dorénavant sur un pied d’égalité avec les autres groupes religieux.

Quant à la question de savoir si la modification proposée pourrait avoir valeur de précédent, le ministre Dion à souligné que si une autre province devait proposer un changement à sa disposition équivalente à l’article 93, il incomberait alors au Parlement d’évaluer les faits et la pertinence de la modification proposée.

2.1 La minorité et les droits confessionnels

La Newfoundland and Labrador Human Rights Association a traité de cette question dans sa présentation. Même si elle était extrêmement préoccupée de toute mesure prise par un État afin de retirer un droit à une personne, l’Association en est venue à la conclusion qu’il arrivait que les droits des autres, notamment les droits de la majorité, exigent l’élimination ou la réduction des droits d’un autre groupe. Ces droits ne peuvent être réduits avec désinvolture, mais la démarche suivie par Terre-Neuve au cours des dernières années a donné lieu à nombre de discussions, débats et analyses et ne peut certainement pas être qualifiée de frivole.

Après 150 ans, il n’est pas déraisonnable de réexaminer notre système confessionnel dans le contexte d’une société qui n’est plus principalement chrétienne et où les droits religieux des catholiques et de tous les citoyens sont maintenant protégés par l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés, droits qui manifestement n’existaient pas du tout en 1867.

M. Borovoy, de l’Association canadienne des libertés civiles, a confirmé que la modification proposée constitue un «réel progrès». «L’égalité et la justice ne peuvent qu’être renforcées par l’abolition des privilèges spéciaux de tous les groupes confessionnels même s’il arrive que ces groupes comprennent une grande proportion de la population. En ce qui nous concerne, il s’agit là d’un progrès pour l’égalité et la justice sur le plan religieux.»

Certains représentants d'intérêts confessionnels entendus au cours des témoignages ont formulé des critiques précises à l’égard du processus référendaire. Ils ont soutenu que la question originale laissait l’impression que les cours uniconfessionnels seraient permis, que le texte réel de la résolution proposée a été rendu public trop tard au cours du processus pour permettre un débat complet, que les confessions religieuses opposées à la modification n’ont pu obtenir une aide de l’État et qu’on a refusé de permettre la présence de vérificateurs au moment du scrutin. Ils se sont également opposés à ce que le gouvernement finance de la publicité en faveur de la résolution.

Les promoteurs de la modification n’entretenaient quant à eux aucun doute sur la clarté de la question. La loi régissant les plébiscites ou les référendums à Terre-Neuve, qui figure dans la Elections Act de la province, n’oblige pas l’État à financer les divers groupes comme c’est aussi le cas pour la loi fédérale sur les référendums.

Le Comité a invité la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador à comparaître, puisqu’elle avait comparu devant le comité sénatorial qui étudiait la précédente modification apportée à la clause 17. Les membres de la Fédération nous ont répondu qu’ils estimaient que les droits linguistiques en matière d’éducation prévus à l’article 23 de la Charte étaient respectés. Ils ont ajouté que le processus de consultation, notamment le référendum, donnait au gouvernement l’autorisation politique et morale d’effectuer les modifications proposées à l'égard de la clause 17(4).

Le ministre Grimes, quand il a comparu, a confirmé que le gouvernement de Terre-Neuve respecte maintenant toutes les obligations prévues à l’article 23 de la Charte, et a l’intention de poursuivre dans cette voie. Bien que la clause 17 n’ait aucune incidence sur les droits linguistiques en matière d’éducation, le Comité était heureux d’accueillir l’assurance formulée par le ministre.

Les représentants de la Labrador Métis Association ont également comparu. Le Comité est sensible à leur crainte d’être laissés pour compte par les deux niveaux de gouvernement. Or les deux ministres, MM. Dion et Grimes, nous ont assurés qu’il n’y a rien dans la clause 17 qui puisse avoir une incidence défavorable sur les droits des Autochtones, et c’est là la seule question que le Comité a le mandat d’étudier.

Les pactes internationaux(5)

Me Bayefsky a précisé au Comité que l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne mentionne pas qu’un État est tenu de fournir des fonds publics pour les écoles confessionnelles. Les droits de la personne sont suffisamment protégés en garantissant la liberté de religion et la non-ingérence dans l'éducation religieuse et dans la transmission d'idées religieuses aux enfants par les parents.

La Newfoundland and Labrador Human Rights Association a également traité de la question des accords internationaux sur les droits de la personne et conclu que la clause   17 proposée était conforme aux déclarations et pactes internationaux.

Le professeur Fleming de l'Université du Nouveau-Brunswick a traité de façon précise des rapports entre la clause 17 proposée et le droit international. Selon lui, il serait pratiquement impossible de concevoir un cours objectif et non religieux sur l’histoire des religions et de la morale qui respecterait les ententes internationales. Par conséquent, un autre cours, optionnel, devrait être offert aux étudiants.

Le financement des écoles privées

M. Grimes, le ministre de l’Éducation, a signalé que son gouvernement s’était toujours refusé à financer les écoles privées de la province. Toutefois, rien dans la clause 17 proposée n’empêcherait un gouvernement futur de financer des écoles privées s’il décidait de le faire.

À l’heure actuelle, au secondaire, Terre-Neuve compte deux écoles religieuses privées et une autre école privée. Une des écoles religieuses est baptiste et l'autre est une école des adventistes du septième jour, cette dernière ayant été démarrée lorsque les écoles publiques des adventistes du septième jour ont été fermées en 1997. Un groupe de parents de St. John’s a alors formé un nouveau conseil scolaire et demandé la permission d’exploiter une école privée financée au tiers par les frais de scolarité et au deux tiers par les églises locales et l’Église adventiste du septième jour du Canada. Les parents ont demandé des subventions au gouvernement, mais celui-ci a refusé.

Les représentants de l'Église adventiste du septième jour, de même que des autres confessions, ont déclaré au Comité qu’il était injuste que les parents souhaitant offrir un enseignement confessionnel à leurs enfants soient taxés pour financer les écoles publiques et qu’ils aient en plus à financer totalement les écoles privées. Ils ont signalé que des ententes de financement avaient été conclues avec les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et du Manitoba. Ainsi, on trouve au Manitoba une petite école qui est financée au tiers par les frais de scolarité, au tiers par l’église locale et au tiers par le gouvernement provincial.

2.2 Les droits des élèves

Le Comité estimait important de recueillir directement à la source les vues des élèves de Terre-Neuve et du Labrador et, pour ce faire, a tenu deux vidéoconférences. Les deux groupes d'élèves qui ont participé aux vidéoconférences, ainsi que les autres écoliers de Terre-Neuve et du Labrador que nos panélistes ont sans doute consultés, ont apporté une contribution spéciale à nos discussions sur les droits des élèves. Les sujets dont ont traité les élèves ressemblent dans une certaine mesure à ceux dont ont discuté les parents, les enseignants et les groupes religieux que nous avons entendus. Cependant, leur point de vue était inestimable. Ces élèves, qui nous ont parlé de leur vie quotidienne, ont apporté à la discussion une fraîcheur et une dose de réalité qui ont donné vie aux débats plus structurés et nuancés de leurs aînés.

Pour plusieurs membres du Comité, ce sont les droits des élèves qui méritent le plus d’attention, et un certain nombre de témoins ont convenu que l’équilibre des droits entre les élèves et les parents avait sensiblement changé et qu’il aurait peut-être été préférable de sonder davantage l’opinion des élèves eux-mêmes. Le droit des jeunes à la meilleure éducation possible a été déclaré prioritaire par tous.

La Newfoundland Home and Schools Association et la Newfoundland and Labrador Teachers’ Association ont attiré l’attention sur la qualité de l'éducation et sur les besoins des élèves. Elles ont dit que les écoles sont souvent dénudées et mal équipées. L’un des témoins a raconté que le plus récent ouvrage sur la politique canadienne qu’il avait pu trouver à la bibliothèque de l’école secondaire de son fils datait de 1972.

La Teachers Association a aussi abordé les droits des élèves, expliquant qu’elle avait identifié un grave problème par rapport au système confessionnel dans un rapport rédigé il y a plus de dix ans, soit l’isolement par confession. Le porte-parole trouvait bouleversant le fait que les élèves aient été très peu souvent mentionnés durant le processus référendaire et que ce sont les droits des églises et de classes de gens qui aient été discutés plutôt que ceux des élèves et des enseignants. Par exemple, les professeurs terre-neuviens ne bénéficient pas de la protection habituellement garantie par la Charte et peuvent être victimes de discrimination en fonction de l’emploi et de la religion.

Presque tous les témoins se sont entendus pour dire que les déplacements par autobus qu’impose l’enseignement confessionnel étaient déraisonnables et extrêmement pénibles pour les élèves. Des enfants qui pourraient se rendre à une école de quartier s’il existait un système scolaire unique doivent au lieu de cela parcourir des distances considérables pour fréquenter l’école la plus proche de leur confession. Un des parents membres du groupe Education First a parlé du cas d’une enfant qui, au primaire, pouvait se rendre à l’école à pied. Maintenant qu’elle est en 7e année, elle doit quitter la maison à 7 h 30 et prendre l’autobus; au bout de 10 minutes, elle passe devant une école catholique puis, après 20 minutes, devant une autre école offrant toutes deux la 7e année, et, enfin, devant une troisième école qui offre de la 7e à la 9e année avant d'arriver à la sienne, une heure après son départ de chez elle.

Nous avons également entendu parler d’une école secondaire intégrée de premier cycle à St. John’s qui accueille seulement 500 élèves, mais qui a 10 autobus pour ramasser des enfants de l’extérieur de la ville qui, en route, passent des écoles de confessions diverses. Les élèves de Terre-Neuve doivent beaucoup voyager en autobus, ce qui ne serait pas nécessaire dans un système public unique.

Les témoignages étaient contradictoires au sujet d’une autre question qui touche les élèves, à savoir si les frais supplémentaires que coûte le maintien de systèmes confessionnels parallèles compromettent la qualité de l’enseignement à Terre-Neuve et au Labrador. Certains ont affirmé que les élèves de cette province figurent parmi les meilleurs du pays ou ont vivement défendu leurs propres écoles.

Cependant, nous avons aussi entendu des témoignages selon lesquels parents, enseignants et élèves s’inquiètent tous de savoir si les diplômés de cette province pourront rivaliser avec ceux du Canada et d’ailleurs. Les témoins savaient pertinemment que le monde subit de rapides transformations et que le succès professionnel est tributaire de la compétitivité internationale.

Le Comité a aussi entendu un représentant du système d’éducation francophone qui a jugé la question assez importante pour venir témoigner à titre de parent. Il avait deux préoccupations : sa fille serait-elle à même de se tailler une place dans la communauté francophone nationale et disposerait-elle des meilleurs outils possible pour fonctionner dans le nouveau monde de la technologie? Pour ce père, l’enseignement confessionnel ne figurait pas parmi les principales priorités.

Les écoles terre-neuviennes exigent depuis toujours une lettre d’un des parents pour qu'un élève puisse être exempté des cours de religion. On a exprimé l’avis qu'il faudrait envisager, dans l'application de la clause 17, de laisser aux élèves du secondaire de deuxième cycle qui ne veulent pas suivre ces cours, un plus grand rôle à jouer dans cette décision. Me Schneiderman, entre autres témoins, a fait remarquer que les tribunaux sont peut-être davantage portés à observer les droits des enfants dans de telles circonstances depuis l’adoption de la Charte.

2.3 L’enseignement religieux non orienté vers un culte particulier et l’observance religieuse permise dans une école à la demande d’un parent

Me Bayefsky a averti le comité que l’exemption des enfants des cours de religion et des pratiques religieuses pourrait être considérée comme incompatible avec les dispositions et les valeurs de la Charte. Elle a précisé que la modification proposée en soi ne contrevenait pas à la Charte, mais s’est dit inquiète que son application n’entraîne des conflits avec la Charte. Me Schneiderman a aussi soulevé la possibilité de contestations en vertu de la Charte, selon la façon dont seront appliquées les dispositions relatives à l’enseignement religieux et, plus particulièrement, aux pratiques religieuses. Il s’inquiète de ce que la constitutionnalisation du droit à l’observance, généralement interprété comme incluant la prière du matin, ne concorde pas avec la jurisprudence liée à la Charte.

M. Borovoy, sensible à la préoccupation concernant la conformité avec la Charte, a fait valoir que les tribunaux tenteront peut-être d’interpréter la clause 17 et la Charte comme étant compatibles, ce qui signifierait, par exemple, que le paragraphe 17(2) s'appliquerait à des cours axés sur l’acquisition de connaissances plutôt que sur la transmission d’une croyance en une religion particulière ou encore un endoctrinement religieux.

Le professeur Malcomson, de la faculté des sciences politiques de l’Université St. Thomas, a soutenu qu’une modification de la clause 17 après l’union de Terre-Neuve avec le Canada en 1949 ne serait pas soustraite dans la même mesure à l'application de la Charte que la disposition initiale. Il en a conclu que la modification proposée, tout en reflétant un compromis honorable, risque de créer autant de problèmes qu’elle en règle. Il convient cependant que les dispositions pourraient être mises en application de façon à tenir compte des jugements déjà rendus en la matière.

2.4 Non-participation aux cours de religion ou à l'observance d'une religion

Le comité a entendu beaucoup de témoignages sur la question de la «non-participation». Des témoins ont mentionné des jugements rendus par des tribunaux de l’Ontario selon lesquels le fait de permettre aux enfants de ne pas participer aux exercices religieux ne suffit pas pour protéger leur droit à la liberté de religion telle que garantie par la Charte, parce que les enfants non conformistes sont ainsi identifiés et isolés. Par contre, des témoins terre-neuviens ont énergiquement soutenu que cette jurisprudence ne serait pas applicable à Terre-Neuve en raison de son histoire et de ses traditions spéciales, qui permettent aux enfants non conformistes de se joindre à des écoles confessionnelles sans éprouver un sentiment d’exclusion.

Les porte-parole du gouvernement de Terre-Neuve ont bien fait comprendre que l’intention de la modification était effectivement de donner à l’éducation religieuse et à l’observance une certaine protection en vertu de la Charte, dans le cadre des Conditions de l’union et du système scolaire de la province. Me Ian Binnie, constitutionnaliste et conseiller juridique auprès du gouvernement provincial, a émis l’avis que l’effet des dispositions supplémentaires sur l’enseignement religieux et l’observance a très peu de portée du point de vue historique et bénéficie de l’approbation des Terre-Neuviens.

Il a aussi fait remarquer que la référence, dans la clause 17 proposée, à un enseignement religieux n’en détermine pas le contenu et que, par conséquent, le contenu du cours serait assujetti aux dispositions de la Charte concernant la liberté de croyance et de religion et la liberté d’expression. De même, la clause 17 ne régit pas la participation à l’observance d’une religion et c’est la Charte qui garantirait la liberté de conscience et de religion. Me Welsh a ajouté qu’il fallait, du point de vue constitutionnel, inclure ces dispositions parce que c’était là la base sur laquelle s’étaient fondés les gens de Terre-Neuve et du Labrador pour appuyer la modification proposée.

Tout porte à croire que les paragraphes 17(2) et 17(3) ont été soigneusement formulés de façon à respecter de complexes critères historiques, politiques et juridiques. Lorsqu’on a demandé au ministre Grimes si la constitutionnalisation de l’enseignement axé sur une religion particulière avait été prise en considération, celui-ci a répondu que le sujet avait été débattu de manière exhaustive. Étant donné le contexte historique et les traditions de Terre-Neuve et du Labrador, le gouvernement a reçu l’avis juridique que de constitutionnaliser un droit à l’éducation religieuse uniconfessionnelle conférerait également un droit pour ce qui est de l’enseignement du cours par un membre de la religion appropriée. Il faudrait alors embaucher certains professeurs en fonction de leur appartenance religieuse et, étant donné le manque de ressources, effectuer éventuellement des mises à pied fondées sur les mêmes considérations.

En dernier lieu, nous constatons qu’il a été suggéré qu'il conviendrait peut-être davantage que la modification prenne la forme d'une simple déclaration concernant la compétence exclusive de la province en matière d’éducation. Par ailleurs, on a suggéré de reformuler la résolution pour préciser l’intention d’harmonisation avec les valeurs de la Charte.

À ce chapitre, nous avons tenu particulièrement compte du témoignage de Me Gale Welsh, du ministère de la Justice de Terre-Neuve et du Labrador. Me Welsh a noté que le libellé de la question référendaire et de la modification proposée était le fruit d’une série d’événements et de consultations sur plusieurs années dans la province. Tant la question référendaire que la résolution approuvée à l’unanimité à l’assemblée législative contenaient des références à un enseignement religieux garanti par la Constitution et à un droit constitutionnel à l’observance religieuse.

Comme l’a dit Me Welsh, la décision d’aller vers un système laïc à Terre-Neuve et au Labrador contient un compromis, soit la conservation de l’enseignement religieux et de l’observance religieuse, à la demande des parents de toute confession. «Que d’autres provinces jugent acceptable ou non la clause 17 proposée, il reste que Terre-Neuve et le Labrador souhaitent et acceptent la modification.» Toute nouvelle résolution avec un libellé différent modifierait la nature de la modification avalisée par la population durant le référendum.

Des témoins du système d'éducation intégré, en particulier, ont précisé que leur appui aux forces du «oui», au référendum, reposait sur la garantie d'un programme global d'enseignement religieux.

Des élèves qui ont exprimé leurs vues lors des deux vidéoconférences ont aussi souligné l’importance d’un programme d’enseignement religieux. Plusieurs ont souligné qu’il est essentiel, pour bien comprendre le monde moderne, de connaître les différentes idées religieuses :

Je pense que c’est la sorte de cours de religion qui devrait être offert dans les écoles (étude comparative des religions et de la morale) car la plupart des guerres et des différends entre pays, la plupart des guerres civiles en fait, découlent de différences en matière de religion. Si nous comprenons diverses religions, nous pouvons mieux comprendre les éléments qui nous distinguent et les voir différemment; nous pourrons ainsi apprendre à voir les ressemblances au lieu des différences.

Les valeurs religieuses seront présentes à l’école si les élèves les y apportent.

Me Welsh a souligné que le cours générique de religion serait offert dans toutes les écoles, même celles où un cours confessionnel local pourrait être établi à la demande des parents. Même lorsqu’un tel cours local serait donné, les élèves auraient toujours le choix entre l’un ou l’autre des deux cours. Il ne s’agirait pas d’offrir soit un cours spécifique non confessionnel, soit un cours confessionnel élaboré localement.

 

RECOMMANDATION

Après audition de tous les témoins, le Comité est convaincu :

  • que la meilleure façon de modifier la clause 17 des Conditions de l’union de Terre-Neuve au Canada est d’utiliser le processus de modification bilatérale prévu à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, et
  • que le consensus constaté à Terre-Neuve et au Labrador est tel que les deux Chambres du Parlement se doivent d’y donner leur aval.

Par conséquent, nous recommandons que les deux Chambres du Parlement adoptent la résolution visant à modifier la clause 17 des Conditions de l’union de Terre-Neuve au Canada, laquelle résolution a été soumise au Comité par la Chambre des communes le 28 octobre 1997 et par le Sénat le 5 novembre de la même année.