Les 14 et
15 mai 2012, la sénatrice Janis G. Johnson, coprésidente de la
Section canadienne du Groupe interparlementaire (GIP) Canada‑États‑Unis,
a dirigé une délégation à Washington, D.C. en vue de rencontres avec des
membres du Sénat des États‑Unis. Faisaient également partie de la
délégation les honorables sénateurs Daniel Lang, Paul Massicotte, Terry Mercer,
Percy Mockler et Wilfred P. Moore, c.r., M. Gord Brown, député à la
Chambre des communes et coprésident de la Section canadienne était aussi au
nombre des délégués. La délégation était accompagnée par Mme Angela
Crandall, secrétaire administrative de la Section canadienne, et par Mme June
Dewetering, conseillère principale de la Section canadienne.
LA RÉUNION
Cette
rencontre des sénateurs américains et canadiens était la première à se dérouler
selon la nouvelle formule établie par le Sénat des États‑Unis :
rencontres sans la Chambre des communes et sans la Chambre des représentants
devant se tenir selon un cycle bisannuel dans chacune des capitales, en
alternance. C’était aussi la première fois que tous les éléments de la
rencontre se déroulaient en séances plénières, plutôt qu’en séances simultanées
axées traditionnellement sur trois thèmes, soit les questions économiques et
commerciales, les questions internationales et les questions relatives aux
ressources transfrontalières, avec au début et à la fin une séance plénière.
La délégation
canadienne a rencontré la sénatrice Amy Klobuchar, présidente de la Section
américaine du GIP, le sénateur Mike Crapo, vice‑président de la Section
américaine, ainsi que les sénateurs américains Mark Begich, Jeff Bingaman,
Charles Grassley, John Hoeven, Daniel Inouye, Mary Landrieu, Patrick Leahy, Joe
Manchin III, Lisa Murkowski, James Risch, Bernie Sanders, Jon Tester, Mark
Udall et Mark Warner.
OBJECTIFS
DE LA DÉLÉGATION POUR LA RÉUNION
Les
interactions avec leurs homologues du Congrès ont permis aux sénateurs
canadiens de mieux atteindre les objectifs de la Section canadienne du GIP, de
trouver les points de convergence dans les politiques nationales des deux pays,
d’instaurer un dialogue sur les points de divergence, de favoriser les échanges
d’information et de promouvoir une meilleure compréhension entre les parlementaires
canadiens et américains sur des questions d’intérêt commun.
ACTIVITÉS
DURANT LA RÉUNION
Pendant la
rencontre, les sénateurs américains et canadiens ont discuté de collaboration
en ce qui concerne la coopération sur les questions économiques et commerciales
bilatérales, le domaine de la sécurité énergétique en Amérique du Nord, les
questions arctiques et les questions de sécurité internationale. Le présent
rapport résume les principaux points qui ont été soulevés sur ces questions.
Par ailleurs, les sénateurs ont discuté de la formule des rencontres à venir, y
compris de la possibilité de rencontres conjointes avec la Chambre des
représentants et la Chambre des communes, comme cela s’est fait au cours des
50 premières années d’existence du GIP.
QUESTIONS
ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES BILATÉRALES
A.Réforme
fiscale
Selon un
sénateur américain, d’importantes forces institutionnelles font obstacle aux
réformes fiscales requises aux États‑Unis, bien que la Commission
nationale sur la responsabilité financière et la réforme de 2010 – communément
appelée la Commission Simpson‑Bowles – ait fourni un cadre
approprié; plus particulièrement, il est nécessaire de procéder à une réforme
des droits, de prendre des mesures pour faire « croître » l’économie
et d’apporter des changements aux deux volets du bilan : les dépenses
devant chuter, et les recettes fiscales augmenter. Un collègue a déclaré qu’au
manque de soutien institutionnel s’ajoute un manque de soutien de la part des
groupes d’intérêt de toute allégeance politique, tandis qu’un autre a signalé
qu’un certain nombre de sénateurs américains continuent de se rencontrer dans
le but d’en arriver à une solution bipartite.
Un autre
sénateur américain a signalé que la dette fédérale américaine s’élève à
16 billions de dollars et s’accroît de 4,5 milliards de dollars
chaque jour; selon lui, sauf pour une période de six ans, le budget
fédéral annuel des États‑Unis est déficitaire depuis 75 ans. À son
avis, les États‑Unis ont l’économie la plus importante au monde et sont
capables de mettre en œuvre progressivement tous les changements fiscaux
requis. Un collègue a précisé qu’on devrait accorder la priorité à la
conclusion d’un accord à long terme – sur 50 ans peut‑être – sur les
droits et indiqué qu’un certain degré de certitude est nécessaire pour garantir
les investissements et la création d’emplois, ajoutant que l’échéance des
réductions d’impôts décrétées par le président George W. Bush aurait des
répercussions négatives sur la formation de capital; un autre collègue a pour
sa part déclaré que l’échéance de ces réductions d’impôt générerait des
recettes fiscales de 5 billions de dollars, somme qui pourrait être
affectée à la réduction de la dette, et il a noté que le Congressional Budget
Office s’attend à ce que l’échéance des réductions d’impôts ait un impact
négatif sur la croissance économique.
Des sénateurs
canadiens ont signalé la nature interdépendante des économies canadienne et
américaine. Un sénateur a fait valoir qu’une nouvelle récession pourrait se produire
si les États‑Unis agissent trop rapidement, une conséquence qui a été
qualifiée de catastrophique. Un député canadien a signalé que le Canada
s’attend à un excédent budgétaire fédéral en 2014‑2015, résultat qui
devrait être atteint sans augmentation des impôts; cela dit, des changements
seront apportés au Programme de la sécurité de la vieillesse. Selon un autre
sénateur canadien, les changements démographiques « disent aux
gouvernements ce qu’il faut faire » [traduction].
Enfin, un
sénateur canadien a qualifié la Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer
Protection Act (Loi Dodd‑Frank) de « bonne », tout en
laissant entendre que la réglementation est coûteuse; un sénateur américain a
indiqué qu’il s’est produit une « explosion réglementaire », et fait
valoir que si la Loi Dodd‑Frank a été présentée comme un contrôle de
Wall Street, le résultat a été une « suffocation » de Wall Street et
un regain des affaires pour les grandes banques quand les institutions
financières plus petites ont été « frappées ». Un collègue américain
a souligné l’état de santé des institutions financières et du marché immobilier
du Canada.
B.Frontière
canado‑américaine
Un sénateur
américain a déclaré que des progrès ont été faits dans le dossier des enjeux
frontaliers bilatéraux, en ce qui concerne entre autres le contrôle des
bagages, tandis qu’un collègue a fait remarquer que le temps d’attente pour les
visas diminue et que les voyageurs choisissent leur aéroport en fonction de la
capacité des agents du Service des douanes et de la protection des frontières
des États‑Unis (SDPF) de les « traiter ». À son avis, il y
aurait lieu de déployer des efforts bipartites dans une optique de promotion du
tourisme.
Un sénateur
canadien a rappelé l’annonce faite, en février 2011, par le premier ministre
Harper et le président Obama au sujet de la sécurité du périmètre et de la
compétitivité économique ainsi que l’annonce de décembre 2011 au sujet du Plan
d’action frontalier. Un collègue a dit que l’« étanchéisation » de la
frontière commune menace la circulation des marchandises et des services; selon
lui, des répercussions négatives se font sentir en raison de la nature
extrêmement interdépendante de l’économie des deux pays, et il ne suffit pas de
parler : il faut agir. Un autre sénateur canadien a partagé son point de
vue au sujet des agents du SDPF qui sont souvent irrespectueux et autoritaires
à la frontière et réclamé la mise en place d’un mécanisme de plainte, tandis
qu’un collègue a indiqué que ces problèmes sont plus aigus à l’aéroport de
Toronto qu’à ceux d’Halifax ou de Montréal.
C.Partenariat
transpacifique
Un certain nombre de sénateurs canadiens ont souligné le souhait du
Canada de participer aux négociations du Partenariat transpacifique (PTP). Un
sénateur a fait valoir que le Canada est à la fois prêt à participer aux
négociations et enthousiaste à cette idée, tandis qu’un autre a mentionné que
le sénateur américain Baucus utilise le commerce du bois d’œuvre résineux comme
« levier » pendant que chacun des neuf pays du PTP se demande s’il
faut permettre au Canada, ainsi qu’à d’autres nations, de participer aux
négociations.
Un sénateur
américain a répondu que le département d’État des États-Unis étudie la demande
du Canada de se joindre aux négociations du PTP, dans le cadre principalement
des rétroactions reçues au cours d’une période de consultation, ajoutant que
les États‑Unis souhaitent conclure les négociations du PTP. Un collègue a
déclaré qu’il n’est pas au courant d’une résistance au Sénat américain à la
participation du Canada aux négociations, tandis qu’un autre sénateur a
mentionné que cette éventualité soulève des préoccupations dans certains
secteurs agricoles – notamment les produits laitiers, le porc et la volaille –
et un collègue a mentionné que le système canadien de gestion de l’offre pour
certains produits constitue un irritant. Un sénateur canadien a fait valoir que
le Canada n’est pas disposé à régler les « problèmes » agricoles
ailleurs qu’à la table de négociations du PTP.
Un sénateur
américain a parlé de l’inquiétude de la Nouvelle‑Zélande au sujet du
régime canadien en matière de droits de propriété intellectuelle et du rôle que
cela joue dans l’examen de la participation éventuelle du Canada aux
négociations du PTP. Un sénateur canadien a répondu en signalant qu’un projet
de loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur du Canada est actuellement
à l’étude au Parlement; un député de la Chambre des communes du Canada a
indiqué que ce projet de loi devrait être adopté avant Noël.
D.Questions
agricoles
Un sénateur
canadien a entamé la discussion sur les questions agricoles par un rappel des
exigences américaines en matière d’étiquetage indiquant le pays d’origine. Un
sénateur américain a indiqué que son pays a porté en appel la décision de
l’Organisation mondiale du commerce concernant ces exigences; un collègue a
mentionné que ce ne sont pas tous les groupes du secteur agricole des États‑Unis
qui appuient ces exigences, signalant – à titre d’exemple – les différents
points de vue défendus par les transformateurs, d’une part, et la position de
R-CALF, d’autre part.
Une sénatrice
américaine a fait état du Farm Bill adopté par le Comité de l’agriculture, de
la nutrition et de la foresterie du Sénat américain, qui devrait étudier la
mesure législative proposée en juin 2012. Selon elle, la législation proposée
permettrait de réduire sensiblement les paiements directs.
E.Questions
liées à la propriété intellectuelle
Un député de
la Chambre des communes du Canada a lancé la discussion sur les questions liées
à la propriété intellectuelle en signalant des modifications proposées
récemment à la Loi sur le droit d’auteur; à son avis, les États‑Unis
exercent des pressions sur le Canada depuis quelque temps pour que ce dernier
modifie son régime en matière de droits de propriété intellectuelle. Un
sénateur canadien a rappelé que le Canada figure sur la liste d’alerte
spéciale 301 du représentant commercial des États‑Unis depuis
quelques années, et un sénateur américain a souligné le besoin d’éliminer les
activités de piratage et de contrefaçon à la source.
F.Autres
questions
D’autres
questions telles que la salubrité et la diversité des aliments, le plomb dans
les jouets en provenance de Chine, la part importante des minéraux de terres
rares connues que détient la Chine, l’étendue des terres arables du Canada, la
recherche agricole au Canada, le surprix des produits organiques étiquetés
comme tels, le point d’entrée de Wild Horse, et les accords commerciaux
récemment conclus par les États‑Unis avec Panama, la Colombie et la Corée
du Sud ont été évoquées par des sénateurs canadiens et américains, mais n’ont
pas fait l’objet de discussions de fond.
QUESTIONS
ÉNERGÉTIQUES NORD-AMÉRICAINES
En lançant la discussion sur les questions
énergétiques, un sénateur américain a parlé des « excellentes »
relations entre le Canada et les États‑Unis dans le domaine énergétique
et du projet de pipeline Keystone XL; il a indiqué que le nouveau tracé de
l’oléoduc proposé traversant le Nebraska devrait être approuvé et qu’il jouera
un rôle important pour l’avenir et des États‑Unis et du Dakota du Nord.
Un certain nombre de sénateurs américains ont exprimé leur appui au projet de
pipeline Keystone XL; l’un d’eux a souligné plus particulièrement les
répercussions positives du projet sur la sécurité routière, tandis qu’un autre
a indiqué que – compte tenu des milliers de miles de pipeline déjà en place –
le débat réel consiste à déterminer si les États‑Unis vont compter sur
les sables bitumineux du Canada pour leur approvisionnement en pétrole. Selon un
autre collègue, les États‑Unis peuvent faire affaire ou avec le Canada ou
avec l’Arabie saoudite : et le choix est clair. Un sénateur américain a
déclaré que certains environnementalistes s’opposent au projet de
Keystone XL et qu’ils « utilisent le Nebraska comme excuse ».
[Traduction] En ce qui concerne le Dakota du Nord, un collègue a dit un mot des
« formidables » ressources pétrolières de l’État, qui dispose de
milliards de barils de pétrole récupérable.
Des commentaires ont aussi été formulés au
sujet de l’énergie en Alaska, une sénatrice américaine laissant entendre que
l’Alaska devra trouver un marché étranger pour son énergie – y compris le gaz
naturel – parce que les 48 États continentaux sont maintenant saturés de
gaz de schiste. Elle a aussi indiqué que le Dakota du Nord a surpassé l’Alaska
pour la production de pétrole, mentionnant que le régime fiscal de l’Alaska
constitue un problème, et elle a ajouté que différentes propositions concernant
le gaz naturel liquéfié sont sur la table. Enfin, selon elle, il y a une
différence à faire entre le forage en mer en Alaska et le forage en mer dans le
golfe du Mexique, en raison notamment de la profondeur et de la pression ainsi
que de la possibilité pour la Garde côtière de mener des interventions d’urgence.
Plusieurs
sénateurs canadiens ont parlé des investissements de la Chine dans les
ressources naturelles du Canada, y compris l’énergie. Un sénateur américain a
rétorqué que les investissements de la Chine aux États‑Unis sont
relativement importants aussi.
Les sénateurs
des deux pays ont entériné l’objectif d’autosuffisance énergétique pour
l’Amérique du Nord, ils ont aussi signalé le besoin d’un travail concerté dans
le dossier énergétique, discuté des mécanismes d'établissement des prix du
carbone et commenté les sources d’énergie renouvelable, y compris
l’hydroélectricité et l’énergie éolienne.
Enfin, en ce
qui concerne le contexte énergétique, un sénateur canadien a signalé que le
Canada ne peut pas dépendre d’un seul client : diversifier la clientèle
est une bonne pratique commerciale.
QUESTIONS RELATIVES À L’ARCTIQUE
Une sénatrice
américaine a parlé du « point de rencontre » entre l’énergie et
l’Arctique, et elle a dit que les États‑Unis devaient participer à la
politique de l’Arctique. Elle a cité les moyens que le Canada et son pays
prennent pour travailler de concert sur les questions arctiques, y compris dans
les domaines de la cartographie, de la recherche, du déglaçage et des
ressources halieutiques, ajoutant que les deux pays doivent aussi se concerter
sur la question du tourisme. Elle et un collègue ont noté la nécessité que les
États‑Unis ratifient la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, qui doit obtenir 67 voix au Sénat américain.
Dans le même
esprit, un sénateur canadien a signalé les activités conjointes dans
l’Arctique, y compris en ce qui concerne les prévisions météorologiques, tandis
qu’un collègue soulignait l’importance de savoir qui « va et vient »
dans l’Arctique.
QUESTIONS DE SÉCURITÉ INTERNATIONALE
Lançant la discussion sur les questions de sécurité internationale,
un sénateur américain a noté le rôle de formation que les militaires canadiens
jouent en Afghanistan, tandis qu’un collègue a souligné les
« excellentes » relations militaires bilatérales qu’entretiennent le
Canada et les États‑Unis; lui et un sénateur canadien ont mentionné la
coopération des deux pays dans le Commandement de la défense aérospatiale de
l’Amérique du Nord (NORAD), et le sénateur canadien a aussi parlé de la
transition à un rôle de non‑combat en Afghanistan, soulignant qu’un
nouveau mode d’engagement n’est pas un désengagement.
Dans les discussions sur la sécurité, les sénateurs ont aussi évoqué
le Pakistan et l’Iran.