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Rapport

Du 13 au 24 avril 2015, une délégation de l’Association parlementaire Canada-Europe (APCE) composée de six parlementaires s’est rendue à La Haye, Royaume des Pays-Bas; à Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg; et à Strasbourg, France, dans le cadre d’une mission menée dans les deux prochains pays qui assureront la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, et pour assister à la deuxième partie de la session ordinaire de 2015 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dirigée par M. David Tilson, député et président de l’Association parlementaire Canada-Europe, les autres membres de la délégation étaient les honorables sénateurs M. Percy Downe et M. Michel Rivard, et les députés Corneliu Chisu, Don Davies et Marie‑Claude Morin. La délégation était accompagnée de la secrétaire de l’association, Mme Guyanne Desforges, et du conseiller de l’Association, M. Maxime-Olivier Thibodeau.

MISSION PARLEMENTAIRE AU ROYAUME DES PAYS-BAS

Du 13 au 15 avril, la délégation a participé à une mission parlementaire auprès du Royaume des Pays-Bas, pays qui exercera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne de janvier à juin 2016. Durant la mission, la délégation a rencontré des diplomates, des hauts fonctionnaires, des parlementaires, et des représentants d’Europol, d’Eurojust, du Conseil économique et social, de groupes de réflexion locaux, de la Commission européenne (CE), ainsi que des représentants d’associations de chefs d’entreprises et de syndicats. Les discussions ont porté sur les priorités des Pays-Bas pour leur prochaine présidence et sur les positions du Canada concernant les enjeux liés à l’Union européenne, sur les débats d’orientation et les récents développements de nature générale au sein de l’Union européenne, ainsi que sur les relations bilatérales entre le Canada et les Pays‑Bas.

A.   Séance d’information avec l’ambassadeur du Canada aux Pays-Bas

La délégation a commencé par rencontrer Son Excellence James Lambert, ambassadeur du Canada aux Pays-Bas, et le personnel de l’ambassade. L’ambassadeur Lambert a souligné que l’année 2015 est celle du 70e anniversaire de la libération des Pays-Bas par les troupes canadiennes, ajoutant que le roi des Pays-Bas, qui devrait effectuer une visite officielle avec la reine au Canada en mai, a déclaré que les relations étroites entre les deux pays se maintiendront. L’ambassadeur a rappelé qu’un million de personnes d’origine néerlandaise vivent au Canada et qu’elles sont parfaitement intégrées à la société canadienne. Il a observé que le Canada et les Pays-Bas ont des positions semblables sur des questions comme le commerce, les droits de la personne, la radicalisation des jeunes ou la croissance économique, de même que des valeurs communes.

En ce qui a trait à l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, l’ambassadeur Lambert a fait état d’un enjeu qui est demeuré au cœur des discussions de la délégation tout au long de sa mission : l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dans le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), l’accord de libre-échange en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis. La contestation de l’inclusion d’un tel mécanisme dans le PTCI s’étend à l’AECG, lequel prévoit un mécanisme d’arbitrage semblable. L’ambassadeur a expliqué que certains groupes ont exprimé la préoccupation suivante : si l’Accord inclut une disposition sur le RDIE, il sera plus difficile de ne pas en inclure dans le PTCI. Selon l’ambassadeur, l’opposition qui se manifeste contre l’inclusion dans le PTCI ne vise pas forcément le mécanisme d’arbitrage en tant que tel, mais s’explique plutôt, par exemple, par la crainte que la viande d’animaux traités aux hormones ne soit importée en Europe et que tout le monde finisse par travailler chez Walmart. L’ambassadeur Lambert a insisté sur le fait que cette crainte ne repose ni sur des faits ni sur la logique puisque beaucoup d’accords de libre-échange de l’Union européenne prévoient une disposition sur le RDIE et que le Canada, pour sa part, doit avoir la certitude que les sociétés canadiennes ne seront pas expropriées.

En réponse aux questions des membres de la délégation, l’ambassadeur et le personnel de l’ambassade ont observé que les Pays-Bas estiment que, du fait de sa complexité, l’AECG est un accord mixte – ce qui implique qu’il devrait être ratifié par les parlements nationaux en plus de l’être par le Parlement européen pour entrer en vigueur – et que la décision en suspens de la Cour de justice de l’Union européenne quant à la nature de l’accord de libre-échange entre Singapour et l’Union européenne devrait contribuer à clarifier la question. Selon l’ambassadeur, pour ce qui est de la mise en œuvre de l’Accord, l’une des options de l’Union européenne (UE) pourrait être de commencer à l’appliquer sur-le-champ, dans l’hypothèse que les États membres de l’UE finiront par le ratifier.

L’ambassadeur Lambert a attiré l’attention de la délégation sur les éléments suivants : les Pays-Bas sont le deuxième marché d’exportation du Canada dans l’UE, et le premier pour les produits alimentaires; le réseau de distribution des Pays-Bas est efficace; les Néerlandais travaillent en anglais et en français. Les Pays-Bas comptent des investisseurs importants, comme Shell, qui ont intérêt à ce que l’Accord soit ratifié. L’ambassadeur a ajouté qu’avec la révision de la directive de l’UEsur la qualité des carburants, le Canada peut à présent y exporter du pétrole. À propos des énergies renouvelables, l’ambassadeur a mentionné que Northland, une société torontoise a investi 6 milliards de dollars dans un projet éolien en mer, qui fournira de l’électricité à un quart de la population des Pays-Bas.

Selon l’ambassadeur, le fait que les Néerlandais sont préoccupés par la fracturation hydraulique et l’utilisation du charbon pourraient entraîner à plus long terme une plus grande dépendance des Pays-Bas à l’égard des importations énergétiques. Il a noté que Shell est également présente en Russie et que 40 % des importations pétrolières de l’UE passent par le port de Rotterdam. La question de la sécurité énergétique a donné lieu à une discussion au sujet de l’écrasement de l’avion de la Malaysia Airlines (MH17) le 17 juillet 2014. L’avion qui s’est écrasé à la frontière entre la Russie et l’Ukraine transportait en majorité des passagers néerlandais. Selon l’ambassadeur, depuis cet événement, les Pays-Bas jouent un rôle de premier plan dans les sanctions contre la Russie.

L’ambassadeur a expliqué que même si les Pays-Bas sont bien placés pour renforcer leurs relations avec le Canada durant leur prochaine présidence du Conseil de l’UE, il ne faut pas perdre de vue que la présidence n’est plus aussi influente qu’avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

B.   Rencontre avec le secrétaire général de la Cour permanente d’arbitrage

La délégation a rencontré ensuite M. Hugo Siblesz, secrétaire général de la Cour permanente d’arbitrage (CPA). Celui-ci a indiqué que la CPA a en instance 95 affaires qui doivent faire l’objet de procédures d’arbitrage, et également de procédures de médiation et de conciliation entre des États de diverses parties du globe.  

M. Siblesz ajoute que la CPA est saisie actuellement de six différends entre États, et que des organisations intergouvernementales peuvent également soumettre un litige à la Cour. Il rappelle que le premier différend entre une partie privée – une entreprise des États-Unis, et un État – la Chine, à avoir été portée devant la CPA remonte à 1930. Depuis, près de 90 affaires visant des parties privées ont été soumises à la Cour. La CPA tient des audiences publiques et des audiences à huis clos.

Au fil des années, les recours du Canada devant la CPA ont surtout porté sur des questions d’investissement. À propos du débat actuel sur l’inclusion du mécanisme de RDIE dans lAECG qui permettrait à des investisseurs privés de déclencher la procédure d’arbitrage pour un différend portant sur l’application de l’Accord, M. Siblesz rappelle que cette procédure est déjà prévue par l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Comme l’arbitrage et le « traitement juste et équitable » d’un investissement sont un point sur lequel les syndicats, entre autres, ont particulièrement insisté dans le contexte des négociations du PTCI, M. Siblesz est d’avis que le débat actuel pourrait avoir du bon en améliorant la procédure d’arbitrage.

M. Siblesz a observé qu’un grand nombre d’affaires dont la CPA est saisie sont instruites dans le pays qui est le plus étroitement associé au différend, y compris au Canada. Le Canada est un fervent défenseur de la CPA, siégeant notamment à son Conseil, mais il n’a actuellement qu’un seul membre à la CPA même s’il est autorisé à en avoir trois de plus. C’est le gouvernement du Canada qui propose des candidats aux postes qui sont à pourvoir.

C.   Rencontre avec des universitaires, des groupes de réflexion et des partis politiques néerlandais

La délégation, accompagnée de l’ambassadeur Lambert et de son personnel, rencontre des universitaires, des groupes de réflexion et des partis politiques néerlandais pour discuter de l’orientation des Pays-Bas au sein de l’UE, et de la manière dont la situation politique évolue actuellement aux Pays-Bas et dans l’UE. Les participants néerlandais de cette rencontre sont M. Adriaan Schout, de l’Institut néerlandais des relations internationales de Clingendael; Mme Suzan Cornelissen, de la Foundation Max van der Stoel; M. Sijbren de Jong, du Centre for Strategic Studies de La Haye; M. André Gerrits, de l’Université de Leiden; M. Patrick van Schie, du TeldersStichting (VVD, le « Parti populaire pour la liberté et la démocratie »); Mme Fleur de Beaufort, également du TeldersStichting; M. Jan M. Wiersma, du Wiardi Beckman Stichting (PvdA, le « Parti travailliste »); M. Hubert Beusmans, du Wetenschappelijk Instituut du CDA; Mme Jieskje Hollander, du Mr. Hans van Mierlo Stichting (D66).

M. Wiersma a indiqué que, bien que le pouvoir de la présidence du Conseil de l’UE ait diminué depuis l’adoption du Traité de Lisbonne, il est tout de même possible de l’utiliser pour défendre certaines priorités telles que celles définies par l’UE. Il ajoute que les Pays-Bas suivent de près la crise en Ukraine et la poussée du groupe armé État islamique (EI) en Syrie et en Iraq.

À propos de l’inclusion du mécanisme de RDIE dans l’AECG et de l’influence des négociations du PTCI sur les opinions publiques européennes, Mme Hollander a précisé que ce qui préoccupe avant tout son parti, c’est la protection des droits démocratiques et la menace que représente le mécanisme d’arbitrage pour la souveraineté nationale. M. Schout a ajouté que la croissance du commerce international en dehors de l’UE fera pression sur les normes environnementales et sociales européennes.

En ce qui concerne la crise en Ukraine et les sanctions contre la Russie, M. Gerrits a souligné qu’une grande partie de la population néerlandaise considère que leur gouvernement a manqué de fermeté à la suite de l’écrasement de l’avion MH17. En ce qui concerne les sanctions économiques contre la Russie, M. Gerrits est d’avis, puisqu’elle ne renonce pas à la Crimée, qu'il faut avoir une meilleure stratégie que les sanctions économiques – une stratégie qui ne laisse pas d’échappatoire.

Pour M. de Jong, en raison des intérêts économiques des Pays-Bas à l’égard de l’énergie, le pays pourrait se trouver dans une position inconfortable sur le dossier de la Russie. Il a mentionné également le risque que certains États membres de l’UE souhaitent défaire peu à peu les sanctions contre la Russie pour des raisons stratégiques liées à l’énergie. M. de Jong a mentionné également les difficultés que connaît actuellement Gazprom, notamment le fait que la CE l’accuse de ne pas respecter le droit de la concurrence. M. de Jong a estimé que la Russie vend actuellement son énergie à bas prix, ce qui affaiblit sa position. D’après lui, la présence de pipelines en Turquie en tant que telle est une bonne chose pour l’UE; le problème réside plutôt dans le fait que des approvisionnements en gaz iranien y entrent par la Turquie. Pour M. de Jong, si l’Iran et l’Azerbaïdjan ne sont pas des pays démocratiques, ce sont des pays qui comptent pour des raisons géopolitiques. Il a ajouté que, pour ce qui est du gaz naturel, en principe, seuls deux pays seraient en mesure de remplacer l’approvisionnement en gaz de la Russie : l’Iran et le Turkménistan, ajoutant que si l’on choisit le Turkménistan, la Corée du Nord deviendrait un partenaire.

À propos des ressources énergétiques locales, M. Wiersma a observé que certains forages entrepris pour produire du gaz de schiste dans le Nord des Pays-Bas ont provoqué des tremblements de terre. M. Gerrits a ajouté que pour les Pays-Bas, la Russie a été un partenaire très fiable en ce qui a trait à l’approvisionnement énergétique. Selon M. de Jong, l’avenir du Canada en tant qu’exportateur d’énergie réside dans les pays de l’Europe de l’Est, qui pourraient être prêts à payer plus cher pour les importations énergétiques canadiennes. Selon M. De Jong, les pays de l’Europe de l’Ouest comme les Pays-Bas devraient convaincre leur population que cela vaut la peine de payer davantage pour l’énergie canadienne, un effort qui risque de se solder par un échec. 

M. Schout a indiqué qu’au sein de l’UE, c’est l’Allemagne qui détient le pouvoir et qui est disposée à s’en servir. Selon lui, même si la position de l’UE n’est plus aussi forte que par le passé, la population européenne ne compte pas plus de 20 à 25 % d’eurosceptiques, et les députés du Parlement européen, dans leur grande majorité, demeurent des partisans de l’UE. Il a affirmé que si l’UE s’effondre, cela se fera lentement. D’après lui, seulement 6 États membres sur 28 pèsent lourd dans la prise de décisions au sein de l’Union, ce qui explique la place plus modeste des Pays-Bas. M. van Schie, pour sa part, affirme que les eurosceptiques ne sont pas nécessairement contre l’UE. Il a souligné que l’importance des prochaines élections au Royaume-Uni, parce que si David Cameron est élu, sa position en ce qui concerne l’UE sera semblable à celle des Pays-Bas. Pour M. van Schie, il pourrait être nécessaire d’apporter certaines modifications au Traité de Lisbonne pour répondre à certains problèmes soulevés par le Royaume-Uni. M. Hollander souhaite que le gouvernement néerlandais se fixe des objectifs européens plus ambitieux.

D.   Rencontre avec la représentation de la Commission européenne à La Haye

La délégation a rencontré M. Andy Klom, chef de la représentation de la Commission européenne à La Haye et Mme Maria Silvia Gatta, responsable du secteur de la politique de la Commission européenne, pour discuter du rôle de la représentation de la CE, ainsi que des relations entre le gouvernement et le Parlement néerlandais et des institutions européennes telles que la CE.

M. Klom a présenté le mandat de la représentation de la CE qui s’articule autour des cinq volets suivants :

1.  maintenir le contact avec les gouvernements centraux et locaux;

2.  avoir une présence dans la presse et les médias en général;

3.  appliquer les principes de la diplomatie publique, ce qui signifie dialoguer avec la société civile;

4.  surveiller l’économie – en particulier en ce qui concerne la crise de la dette grecque – ce qui nécessite de maintenir un lien étroit avec les institutions néerlandaises;

5.  assurer les services du protocole.

M. Klom a expliqué que les représentations relèvent de l’autorité directe du président de la CE, actuellement Jean-Claude Juncker. Si des États membres ne respectent pas les règles de l’UE, la CE dispose des pouvoirs nécessaires pour les y contraindre. Elle a la possibilité de renvoyer le cas à la Cour de justice de l’UE, qui statue sur près de 4 500 affaires de ce type chaque année.

En réponse aux questions des membres de la délégation, M. Klom a expliqué que le Traité de Lisbonne confère des pouvoirs à l’UE et prévoit que la compétence est partagée pour certaines questions, par exemple la migration, sur lesquelles les États membres doivent être d’accord. Dans le cas des négociations de libre-échange, c’est l’UE qui a compétence. M. Klom précise que l’UE exerce une compétence de pleine juridiction, ce que l’on peut comprendre par le concept de marché unique qui a présidé à la création de l’Union.  

En ce qui concerne la mise en œuvre et la ratification de l’AECG, M. Klom a observé que l’accord doit être d’abord traduit dans les 24 langues de l’UE. Il n’est soumis au Parlement européen que dans sa version finale. Pour que l’accord aille de l’avant, il faut que le Parlement européen donne son approbation, c'est-à-dire qu’une majorité des députés européens y soient favorables. Selon M. Klom, si l’Accord est qualifié d’accord mixte, un seul État membre pourrait y faire échec, mais cela irait à l’encontre des positions qui ont déjà été exprimées par les États membres. En ce qui a trait à la ratification de l’AECG par chacun des 28 États membres, M. Klom explique que cela ne pourrait se produire que si l’on détermine que l’Accord est un accord mixte. Selon lui, il ne pourrait y avoir de mise en œuvre partielle : soit il y a un accord, soit il n’y en a pas.   

M. Klom a précisé que le Parlement européen tient des consultations régulières avec les 28 parlements nationaux, mais que cela ne fait pas partie d’un processus constitutionnel. La CE rencontre les gouvernements nationaux chaque semaine, et les parlements nationaux obtiennent l’information auprès leur propre gouvernement.

En ce a trait à l’état des négociations du PTCI, M. Klom indique que le 9e cycle de négociation était prévu ce mois-ci, et que la CE progresse le plus rapidement possible, dans l’optique que les négociations soient terminées à la fin de l’année. Cependant, M. Klom a reconnu que plusieurs questions prennent de plus en plus d’importance et que cela nuit au consensus politique. La délégation l’a interrogé sur le lien qui est établi entre le PTCI et l’AECG. M. Klom a répondu que ceux qui s’opposent au PTCI ne connaissent généralement pas l’AECG et que selon lui, des rumeurs dénuées de tout fondement circulent au sujet du PTCI, notamment celles voulant que l’UE fasse de nombreuses et importantes concessions aux États-Unis. Selon M. Klom, l’opposition au PTCI est plus une affaire de politique que de contenu.

Au sujet des flux migratoires, M. Klom a rappelé que le président Juncker a déclaré que l’UE a besoin d’une nouvelle stratégie. Il ajoute qu’il convient de distinguer les mouvements de population entre les pays de l’UE des flux migratoires provenant de l’extérieur. 

M. Klom a décrit le rôle de Frans Timmermans, ancien ministre néerlandais des Affaires étrangères et des Affaires européennes qui est actuellement premier vice-président de la CE, chargé de l’amélioration de la réglementation, des relations interinstitutionnelles, de l’État de droit et de la Charte des droits fondamentaux. D’après M. Klom, les cinq priorités stratégiques de M. Juncker comme candidat à la présidence de la CE, sont devenues dix priorités sous sa présidence. Ces priorités, y compris la conclusion d’un accord de libre-échange avec les États-Unis, sont considérées comme le contrat politique de M. Juncker. Après avoir obtenu de l’UE l’autorisation de modifier ainsi son propre programme, il a changé les règles de la CE de façon à centrer son travail sur ses dix priorités, et il a nommé sept vice-présidents pour y parvenir. M. Timmermans a la responsabilité d’un portefeuille important, qui comprend le nouveau train de mesures sur la migration. Il doit également s’assurer que le critère de subsidiarité est rempli et que les lois européennes sont respectées, et vérifier si les parlements nationaux sont mieux placés pour gérer les questions soulevées. M. Klom ajoute que le rôle de M. Timmermans en ce qui concerne l’amélioration de la réglementation se rapporte à trois priorités définies par la présidence néerlandaise du Conseil de l’UE (améliorer la réglementation de l’UE, réduire les obstacles administratifs et les coûts au niveau national et mettre l’Europe sur la voie de la croissance et de l’emploi).

E.   Rencontre avec la présidente du Sénat des Pays-Bas

La délégation, accompagnée de l’ambassadeur et de son personnel, rencontre Mme Ankie Broekers‑Knol, présidente du Sénat. La présidente Broekers-Knol a évoqué la libération des Pays‑Bas par les troupes canadiennes il y a 70 ans et les 75 années de relations diplomatiques entre les deux pays. Elle a mentionné la visite officielle au Canada en mai de Leurs Majestés des Pays-Bas, qui sera suivie de missions universitaires et économiques. Rappelant qu’un million de personnes d’origine néerlandaise vivent au Canada, elle a affirmé que le Parlement des Pays-Bas accorde une grande importance au lien forgé par l’histoire entre les deux pays.

La présidente Broekers-Knol a expliqué que le Sénat des Pays-Bas est une Chambre de réflexion qui ressemble au Sénat du Canada, souvent appelé lui-même de cette façon. Le Sénat des Pays-Bas étant un organe législatif, il a le pouvoir de rejeter une loi de la Chambre des représentants du pays. Elle a évoqué également le débat en cours aux Pays-Bas sur la pertinence du Sénat et son pouvoir jugé excessif.

En réponse aux questions des membres de la délégation, la présidente Broekers-Knol a précisé que les sénateurs néerlandais, nommés autrefois par le roi, sont aujourd’hui élus par les États provinciaux. Dans le cadre du processus législatif néerlandais, le Sénat peut approuver ou rejeter en bloc des projets de loi présentés par la Chambre des représentants, ce qu’il a fait par exemple pour deux projets de loi de la Chambre en 2014. Il faudrait qu’un amendement constitutionnel soit approuvé à la majorité des deux tiers par les membres des deux Chambres pour modifier le Sénat néerlandais. La présidente Broekers-Knol a observé que, même si 20 % des Néerlandais souhaitent abolir le Sénat, il demeure la Chambre qui jouit du plus grand respect de la population.

F.    Rencontre avec de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas

Accompagnée de l’ambassadeur Lambert et de son personnel, la délégation a rencontré MM. Mathias Walters, Ronald Roosdorp et Fred Dan, hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, pour discuter de la position des Pays-Bas sur des dossiers qui intéressent le Canada et l’UE et les priorités que se fixent les Pays-Bas au cours de leur présidence du Conseil de l’UE, et pour faire le point sur l’AECG.

M. Roosdorp note que, si les négociations de l’Accord sont terminées, les polémiques à son sujet ne le sont pas. Les négociations relatives au PTCI ont changé la donne en attirant beaucoup l’attention sur l’Accord. Les débats en cours aux Pays-Bas portent sur le bien-être animal, la sécurité des aliments et des produits chimiques, et sur le mécanisme de RDIE. Selon M. Roosdorp, les dispositions prévues dans l’Accord relativement au RDIE sont une excellente chose : par exemple, le droit des États à réglementer est protégé et les entreprises qui n’ont pas encore investi ne peuvent intenter un recours. Ce sont les négociations sur le PTCI qui ont provoqué un tel revirement en ce qui concerne l’inclusion du mécanisme de RDIE dans l’Accord, et ce, en raison de la crainte des poursuites judiciaires agressives dont sont coutumiers les États-Unis. M. Roosdorp explique que la CE s’est arrangée pour laisser les dispositions sur le mécanisme d’arbitrage ouvertes à la discussion parce qu’elle veut les améliorer dans le PTCI, ce qui implique qu’il faut également les améliorer dans l’Accord. L’année 2016 est bien la date cible de signature de l’Accord, mais l’interdépendance entre l’Accord et le PTCI explique le retard qui a été pris. 

En réponse aux questions des membres de la délégation, M. Roosdorp a rappelé que, même si les négociations relatives à l’Accord sont terminées, il n’est pas encore signé. D’après lui, en soumettant à la consultation l’inclusion des dispositions relatives au mécanisme d’arbitrage dans l’Accord, la CE a commis une erreur. Cette consultation a permis à certaines organisations non gouvernementales (ONG) de se prononcer contre l’Accord, et elles attendent à présent des changements. M. Roosdorp indique que la position des Pays-Bas est que l’Accord doit être ratifié dans les plus brefs délais et qu’il ne devrait pas être « pris en otage » à cause du PTCI. D’après M. Roosdorp, les discussions actuelles sur l’Accord et le PTCI s’adressent plus aux émotions qu’à la raison. Il rappelle que l’Accord n’a fait l’objet d’aucune opposition claire de la part d’un seul État membre de l’UE, et que les Pays-Bas sont en désaccord avec ceux des États membres qui le considèrent comme un accord mixte.

En ce qui concerne les préparatifs des Pays-Bas pour la présidence du Conseil de l’UE, M. Fred Dan rappelle que ses pouvoirs seront moindres que ceux de la présidence exercée par les Pays-Bas en 2004. Il nomme les priorités que le pays s’est fixées pour cette présidence :

1.  la réglementation de l’UE doit être mieux ciblée, meilleure et plus simple;

2.  l’innovation et la croissance, particulièrement en ce qui concerne la stratégie numérique;

3.  la consultation de la société civile au sujet de la réglementation de l’UE.

Ces thèmes relèvent tous d’un programme urbain plus vaste, lequel vise l’intégration de ces priorités aux projets de développement urbain. Selon M. Dan, seront à l’ordre du jour de la présidence néerlandaise du Conseil un examen du programme de l’UE, la pression des Pays-Bas en faveur d’une plus grande intégration de la politique européenne et la politique européenne de voisinage (c'est-à-dire les relations avec les pays voisins).

G.   Rencontre avec Wim Geerts, directeur général Affaires politiques du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas et ancien ambassadeur des Pays-Bas au Canada

La délégation a rencontré M. Wim Geerts, directeur général des Affaires politiques du ministère des Affaires étrangères et ancien ambassadeur des Pays-Bas au Canada, et Mme Maryem van den Heuvel, directrice du département de l’hémisphère occidental au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, pour discuter des relations entre le Canada et les Pays-Bas.

M. Geerts a rappelé que les Pays-Bas sont le deuxième investisseur au Canada et que les deux pays partagent les mêmes valeurs et ont une certaine proximité culturelle. Il a expliqué qu’il est chargé de dossiers tels que l’instabilité en Europe de l’Est, le groupe armé État islamique, le Yémen, la crise entre l’Ukraine et la Russie et l’écrasement de l’avion MH17.

Interrogé sur la question des relations avec la Russie, M. Geerts a répondu qu’il s’agit d’une priorité au sein de l’UE, de même que pour l’OTAN et l’OSCE. Il rappelle que les Pays-Bas ont condamné sans équivoque l’invasion de la Russie et qu’ils ne lèveront pas les sanctions tant que la Crimée ne sera pas restituée à l’Ukraine. Si l’UE a essayé de trouver un terrain d’entente dans les Accords de Minsk I et II, l’Ukraine est soumise à une très forte pression économique à un moment où elle a besoin de réformes. M. Geerts estime que la Russie pourrait être en quête d’un nouveau « conflit gelé ».

Dans la crise entre l’Ukraine et la Russie, M. Geerts pense que les 28 pays de l’UE se divisent en trois groupes :

1.  le groupe le plus intransigeant, qui comprend des pays comme les États baltes, la Pologne, la Suède, le Royaume-Uni (dans une certaine mesure);

2.  le groupe qui défend une position intermédiaire et regroupe la plupart des pays;

3.  le groupe au « ventre mou », dont fait partie la Grèce (qui se trouve dans une position de vulnérabilité en raison de son désir de maintenir des relations amicales avec la Russie).

M. Geerts est d’avis que le président Poutine ne fera rien pour déclencher l’application de l’article 5 du Traité de Washington de l’OTAN, qui pose le principe de la défense collective. Toutefois, il lui paraît clair qu’en cas de provocation, l’OTAN n’hésiterait pas à réagir. Selon M. Geerts, la réaction russe a été très décevante jusqu’ici : il n’y a rien de sérieux et il n’y a pas non plus de discussions. On s’attend à ce que le droit international s’applique au conflit. La Russie souffre actuellement pour plusieurs raisons : le bas niveau des prix pétroliers, le fait que les oligarques font sortir leur argent du pays et la faiblesse des investissements étrangers. Selon lui, dans un tel contexte, la situation pourrait durer encore quatre ou cinq ans. Il estime qu’il faut accroître la pression sur le président Poutine, en utilisant la force de manière chirurgicale pour lui nuire sur le plan stratégique. Mme van den Heuvel a ajouté qu’il est nécessaire d’avoir plus d’alliés contre la Russie, en Amérique latine, par exemple.

À propos de la crise en Syrie et en Iraq, M. Geerts a expliqué que les Pays-Bas font partie d’une coalition de lutte contre le groupe armé État islamique en Iraq et qu’ils pourraient s’impliquer également en Syrie. Il a ajouté que les Pays-Bas, comme les États-Unis, ont invoqué, pour justifier leur intervention contre l’État islamique, l’article 51 de la Charte des Nations unies qui prévoit l’exercice du droit à la légitime défense. Les Pays-Bas participent également à un vaste effort humanitaire en Iraq et font pression sur le gouvernement irakien pour le pousser à faire preuve d’une plus grande ouverture, c’est-à-dire pour qu’il cesse de nommer exclusivement des chiites. M.  Geerts a mentionné aussi le problème des personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie, problème qui existe aussi dans les pays voisins.  M. Geerts est d’avis que, pour vaincre l’État islamique, la coalition doit s’attaquer à son financement. Il a observé que l’étendue du territoire sous contrôle du groupe armé a été réduite, et que sur le plan militaire, celui-ci perd également du terrain. M. Geerts a ajouté que les membres de la coalition doivent prendre des mesures pour empêcher leurs ressortissants nationaux de rejoindre les rangs de l’État islamique en Syrie ou en Iraq. En ce qui concerne la Turquie, filière très importante pour ceux qui partent combattre aux côtés du groupe armé. M. Geerts a déploré que la Turquie n’ait pas fait grand-chose jusqu’ici pour contrer ce phénomène, mais il a indiqué qu’à cet égard, la Turquie agit maintenant de façon plus crédible, ajoutant qu’il pourrait falloir intensifier les efforts diplomatiques.      

H.   Rencontre avec les représentants du Conseil économique et social

La délégation a rencontré  M. Roland Zwiers et M. Bart van Riel, deux experts de haut niveau des questions économiques au Conseil économique et social néerlandais (le SER). Le SER est un organe consultatif composé de représentants d’entreprises, de représentants syndicaux et d’experts indépendants, qui analyse l’évolution des politiques économiques et sociales et les nouvelles orientations dans le domaine du travail, aux Pays-Bas et en Europe, et donne son avis sur les priorités définies par les Pays-Bas pour leur prochaine présidence du Conseil de l’UE.

M. Zwiers explique que le SER, dont l’effectif s’élève à une centaine de personnes, est financé par des entreprises privées et indépendantes du gouvernement. M. Zwiers note que l’approche des Pays‑Bas diffère de celles des pays anglo-saxons qui n’associent pas au travail d’élaboration des politiques publiques des partenaires sociaux tels que le SER. M. van Riel a ajouté que la différence réside également dans le système électoral, puisque les Pays-Bas ont un mode de srcutin à représentation proportionnelle. Il a expliqué qu’aux Pays-Bas, aucun parti n’est assez fort pour imposer son point de vue, ce qui signifie que, pour mettre en œuvre une réforme, le gouvernement a toujours besoin de l’appui de la société civile. Des groupes comme le SER s’efforcent précisément d’aider à trouver un consensus sur certains enjeux. Avant de pouvoir promulguer une loi, le parlement doit pouvoir s’orienter : c’est là qu’intervient le SER.

M. Zwiers indique que le gouvernement peut toujours aussi s’adresser directement au SER pour avoir son avis sur certaines questions de politiques publiques. La valeur ajoutée du SER apparaît lorsqu’il peut montrer que les partenaires sociaux du gouvernement au sein de la société civile ont examiné un problème, valeur ajoutée qui croît encore s’il peut aboutir à une série commune de recommandations sur les moyens de le résoudre. 

En ce qui concerne la négociation collective, M. Zwiers explique qu’elle se déroule à trois niveaux :

1.  le premier niveau, celui où intervient le SER;

2.  le niveau sectoriel, qui est celui de la négociation collective en tant que telle;

3.  le niveau de l’entreprise.

M. Zwiers explique que la séparation des niveaux dans ce système est un processus à long terme : c’est ce qui a permis au régime de négociation collective de durer 50 ans. Le nombre de jours de grève aux Pays-Bas est très réduit, et il n’y a aucun secteur d’activités non syndiqué. De plus, le système assure une harmonisation à l’échelle nationale, la richesse pouvant se répartir également dans le pays. À cet égard, selon M. Zwiers, certains problèmes sont préoccupants. C’est le cas, par exemple, des écarts entre les gens nés aux Pays-Bas et les immigrants d’origine turque ou marocaine. En effet, dans le domaine de l’emploi, la situation des Néerlandais est bien meilleure que celle des immigrants. Il a rappelé que la mobilité géographique des travailleurs est acquise dans l’UE. M. van Riel a ajouté que de nombreux travailleurs polonais sont employés dans le secteur agricole néerlandais, qui n’attire pas les travailleurs néerlandais. Selon M. Zwiers, la mobilité du travail crée un dilemme pour les syndicats néerlandais qui s’efforcent de combiner solidarité et efficacité.

En ce qui concerne la présidence néerlandaise du Conseil de l’UE, M. Zwiers fait état du plan d’action en faveur de la mobilité du travail, qui englobe les mesures de sécurité sociale, les conditions de travail et les questions fiscales. Il mentionne également que le SER collabore avec le gouvernement néerlandais sur les dossiers de l’union bancaire et de l’union énergétique.

I.      Rencontre avec des représentants de la Confédération de l’industrie et des employeurs néerlandais

La délégation a rencontré M. Marhijn Visser, directeur adjoint, affaires économiques internationales et M. Paul van Kempen, conseiller principal du secteur des affaires économiques et financières de la Confédération de l’industrie et des employeurs néerlandais, connue sous le sigle de VNO-NCW, la plus grande organisation patronale des Pays-Bas. Les discussions ont porté sur l’évolution des politiques économiques et sociales et les nouvelles orientations dans le domaine du travail aux Pays-Bas et en Europe, et sur les priorités définies par les Pays-Bas pour leur prochaine présidence du Conseil de l’UE.

En ce qui concerne la politique économique de l’UE, M. Visser estime que de nombreuses mesures ont été prises en faveur de la stabilité, mais qu’il reste beaucoup à faire. Il fait remarquer que la VNO-NCW a toujours appuyé l’union bancaire, qui sera pleinement mise en œuvre dans huit ans. Selon M. Visser, un compromis majeur a été obtenu entre les 18 pays de l’UE qui font partie de l’union bancaire. À propos de la surveillance du secteur bancaire, il explique que la nature de la surveillance varie en fonction de l’activité, selon qu’il s’agit du secteur des assurances ou des services financiers. Il note aussi que la culture des États membres n’est pas la même, en ce qui concerne des éléments précis de la surveillance ou de la gestion de données, par exemple. M. Visser est d’avis que le coût de la surveillance des banques en Italie est deux fois plus élevé qu’aux Pays-Bas et que de façon générale, elle serait moins efficiente dans les pays du Sud.

Répondant à la délégation, M. Visser a indiqué que l’union bancaire européenne découle néanmoins d’une compétence nationale. Il n’est pas certain que la Banque centrale européenne a réellement besoin de toutes les données qu’elle demande aux États membres. Il souligne également que le gouvernement néerlandais a sa propre réglementation en plus des règles de surveillance de l’UE. D’après lui, politiquement, il y a consensus dans l’UE au sujet de l’union bancaire : le maximum a été fait et il n’est pas possible de faire plus pour l’instant. Toutefois, M. Visser soutient qu’après la crise financière et après comparaison de la situation de l’UE avec celle des États-Unis, nous ne savons toujours pas quelles seraient les conséquences d’une nouvelle crise financière.

En réponse aux questions des membres de la délégation sur  l’ordre du jour de la présidence néerlandaise, M. van Kempen a indiqué que le plan du président Juncker consiste notamment à obtenir du secteur privé le plus d’investissements possible. Les dossiers essentiels de la présidence néerlandaise seront le marché des capitaux, le secteur de l’énergie et le marché numérique.

M. van Kempen indique que VNO-NCW est très favorable à l’AECG. Selon lui, le débat sur le PTCI est influencé par des ONG qui pensent que les dispositions sur le mécanisme d’arbitrage limitent le pouvoir des gouvernements à l’avantage des sociétés privées. Il estime lui aussi que dans ce débat, c’est l’émotion qui domine plutôt que la raison. D’après lui, la CE pourrait décider que, si les dispositions relatives à l’arbitrage doivent être modifiées dans le PTCI, il faudra également modifier celles qui ont été incluses dans l’AECG. Il mentionne à ce propos que la CE a déclaré officiellement au Parlement européen qu’elle proposerait au Canada de nouvelles dispositions sur le RDIE à inclure dans l’AECG. 

J.    Rencontre avec les représentants d’Europol

La délégation a rencontré M. Paul Descôteaux, un agent de la Gendarmerie royale du Canada en détachement à Europol; M. Brian Donald, directeur; M. Michael Häuser, chef des relations extérieures et des affaires stratégiques; et M. Manuel Navarrete, chef de la lutte contre le terrorisme et du renseignement financier, pour discuter du rôle et des attributions d’Europol, de ses relations externes et de la coopération avec les présidences à venir du Conseil de l’UE, ainsi que de ses activités antiterroristes.

M. Donald a expliqué qu’Europol est le fruit d’un accord politique conclu à la fin des années 1990 en vue de la création d’une unité antidrogue au sein de l’UE, dont le mandat a été étendu à toutes les formes de criminalité. Avec le Traité de Lisbonne, la justice, qui relevait de la  compétence des États membres, est devenue une compétence de l’UE. Le budget d’Europol provient du budget européen. Europol est une entité hybride parce que les deux colégislateurs chargés de définir la réglementation s’appliquant à Europol sont d’un côté, le Parlement européen, qui est plus soucieux de la protection de la vie privée, et de l’autre, les États membres, qui ont compétence sur la sécurité nationale et sont plus soucieux des questions de sécurité. En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, le rôle d’Europol est limité, l’antiterrorisme ne représentant qu’environ 10 % de son activité. À propos de la radicalisation des jeunes et des terroristes nés dans un pays de l’UE qui le quittent pour aller combattre en Syrie, M. Donald a affirmé que ces phénomènes exigent des activités de renseignement et d’enquête différentes de celles que l’on demande habituellement à Europol d’exécuter.

En ce qui a trait au rôle et aux tâches d’Europol, M. Donald a poursuivi en expliquant qu’ils concernent trois grands secteurs d’activité : l’information, le soutien opérationnel et la coordination.

À titre d’exemple d’une opération dirigée par Europol, M. Donald a cité « Archimède », une opération fondée sur le renseignement qui a été coordonnée simultanément dans 34 pays différents. Au cours de cette opération, des interventions ont ciblé des centaines de sites entre le 15 et le 24 septembre 2014. Selon M. Donald, elle a eu un effet tangible sur le crime organisé, surtout parce qu’elle a reçu beaucoup d’attention.

En réponse aux questions des membres de la délégation, M. Donald a expliqué qu’Europol n’a pas de pouvoirs exécutifs; elle monte des opérations en assurant des services de coordination. La législation européenne ne permet pas aux agents d’Europol de divulguer de l’information dans des procédures judiciaires, sauf si le directeur d’Europol leur en donne l’autorisation. L’organisation concentre ses efforts sur les cibles de grande valeur qui intéressent les États membres. En ce qui concerne la criminalité financière, M. Donald note qu’Europol est bien renseigné sur les paradis fiscaux, par exemple le Luxembourg. Il souligne les liens qui existent entre les paradis fiscaux, le crime organisé et le financement du terrorisme, ajoutant que, pour que les opérations policières dans le secteur bancaire réussissent, les formalités doivent être suivies à la lettre. En vertu de l’accord entre l’UE et les États-Unis sur le programme de surveillance du financement du terrorisme (Terrorist Finance Tracking Programme), Europol accepte des demandes – dans les limites du « doute raisonnable » circonscrites par des exigences – venant des États-Unis de communication d’informations sur certains États membres de l’UE. M. Donald juge ce système très efficace. Il décrit Europol comme l’institution la plus avancée de l’UE sur le plan technologique et qui, de surcroît, a une excellente réputation et un futur très prometteur en raison de l’excellence de son personnel. Il a noté cependant qu’Europol n’obtient aucun nouveau financement alors que la demande pour ses services augmente. Europol ne peut pas dépenser l’argent de son budget de la manière qu’elle estime justifiée : c’est la CE qui décide, d’un point de vue politique, où va l’argent.

M. Häuser a indiqué qu’Europol compte actuellement 918 employés. La demande de services augmente de façon exponentielle parce qu‘Europol est de plus en plus reconnu par les organismes chargés de voir au respect de la loi des États membres. Europol a signé 11 accords de coopération opérationnelle, y compris un accord avec le Canada. Ces accords comportent, selon lui, des exigences rigoureuses de protection de données. Le processus à suivre pour conclure ce type d’accord comprend les quatre étapes suivantes :

1.  une partie à l’accord doit figurer sur la liste du Conseil de l’Europe;

2.  une évaluation de la protection des données doit être réalisée;

3. l’étape de la négociation;

4.  l’étape de la mise au point.

M. Häuser a ajouté qu’Europol a également conclu 15 ententes stratégiques n’impliquant aucun échange d’informations.

M. Navarrete a informé la délégation des dernières activités d’Europol en matière de lutte contre le terrorisme. Il donne également un aperçu de l’activité terroriste en 2014 en rapport avec les services d’Europol : décès de quatre personnes, 201 attaques terroristes et 774 arrestations. Selon M. Navarrete, l’État islamique, Al-Qaida, et les groupes affiliés ont la volonté de lancer des attaques terroristes contre l’UE et le monde occidental, et la capacité et les ressources nécessaires pour le faire. Les attaques de combattants solitaires et à petite échelle augmentent. De plus, plutôt que changer la législation en matière de justice pénale, certains États membres prennent des mesures administratives pour empêcher leurs citoyens de quitter leur pays pour devenir des combattants étrangers.

M. Navarrete a constaté récemment que l’échange d’information entre les États membres et Europol a augmenté. Il ajoute qu’Europol coopère avec Interpol. D’après la Déclaration de Riga de mars 2015, les tâches d’Europol sont les suivantes :  

·         utiliser pleinement les outils qui existent;

·         échanger des informations;

·         améliorer l’échange d’informations entre les États membres et Europol;

·         fournir un soutien analytique;

·         accroître son travail sur Internet. (L’activité du centre de référence Internet d’Europol commence officiellement le 1er juillet 2015. Cet aspect est de toute première importance parce qu’Europol a reçu le mandat de s’occuper du contenu Internet dans le cadre du projet  « Check the Web ».)

M. Navarrete a complété cette liste de difficultés à relever par un dernier défi : la riposte judiciaire qui suit le travail d’Europol, c'est-à-dire les poursuites pénales dans les États membres.

K.   Rencontre avec des représentants d’Eurojust

La délégation a rencontré M. Jonas Arvidsson, assistant du membre national pour la Suède et membre de l’équipe de lutte contre la criminalité financière et économique; Mme Michèle Coninsx, présidente d’Eurojust, membre nationale pour la Belgique et présidente de l’équipe de lutte contre le terrorisme; et M. António Cluny, membre national pour le Portugal et membre de l’équipe des relations extérieures, pour discuter, entre autres choses, du rôle d’Eurojust dans les enquêtes et les poursuites en matière de criminalité transfrontière, de ses relations avec d’autres organisations européennes telles qu’Interpol et de ses relations avec le Canada.

M. Arvidsson a expliqué qu’Eurojust n’a pas de pouvoirs réels, mais qu’elle coordonne les activités de lutte contre les formes graves de criminalité transfrontière et le crime organisé. Elle ressemble à Europol en ce sens qu’elle est aussi un service d’assistance : Europol s’occupe du renseignement, tandis qu’Eurojust assure la liaison entre les différentes autorités judiciaires et aide les États membres à poursuivre les criminels en justice. Eurojust compte 28 membres nationaux, qui sont des procureurs, des juges ou des officiers de police d’expérience ayant des prérogatives équivalentes. Selon M. Arvidsson, la valeur ajoutée d’Eurojust est l’efficacité : elle permet d’obtenir très rapidement des réponses de collègues au sujet du système judiciaire d’un État membre; et coordonne le travail des autorités judiciaires de 28 États membres comptant plus de 500 millions de personnes, qui doivent agir contre la criminalité, le côté sombre de la liberté de mouvement des biens illégaux (drogue, armes, marchandises de contrefaçon), des personnes, des services et des capitaux dans l’UE. Eurojust a des accords de coopération avec Europol et les États‑Unis, entre autres, mais n’a qu’un seul point de contact avec le Canada, lequel opère à partir de Bruxelles.

Mme Coninsx présente ses trois objectifs en matière de lutte contre le terrorisme : 

1.  stimuler et renforcer la coopération judiciaire entre les États membres;

2.  améliorer la coopération judiciaire entre les États membres;

3.  fournir un appui aux autorités nationales.

Ces objectifs visent trois niveaux : 1) les 28 États membres, 2) les États membres concernés, 3) les autorités judiciaires ou policières des États membres concernés.

Mme Coninsx ajoute qu’Eurojust choisit l’autorité la mieux placée pour gérer un dossier au cours de ses réunions internes de coordination. Elle précise que les recommandations d’Eurojust n’ont pas de caractère contraignant pour les États membres.

La délégation l’ayant interrogée sur le fait que le Canada n’a qu’un seul point de contact, mais aucun accord de coopération, Mme Coninsx a répondu qu’il revient au gouvernement du Canada de déclencher le processus de négociation d’un accord de coopération. Elle a informé également la délégation que le budget d’Eurojust, qui provient de la CE, a été réduit alors que la demande pour ses services augmente.

En ce qui concerne les relations d’Eurojust avec des pays tiers comme le Canada, M. Cluny a expliqué que l’organisation est habilitée à apporter une assistance dans les enquêtes et les poursuites concernant seulement un État membre et un État tiers, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la Décision du Conseil, à condition que la demande d’assistance provienne d’une autorité nationale d’un État membre et que l’État tiers ait conclu un accord de coopération avec Eurojust, ou que l’assistance à cet État tiers présente un « intérêt essentiel ». Selon M. Cluny, le problème du travail avec les points de contact – la situation du Canada avec Eurojust – est que le rôle de point de contact n’est pas la principale activité des personnes affectées par leur pays au point de contact, ce qui rend la coopération moins efficace.

L.    Rencontre avec des membres des comités des affaires européennes, des affaires étrangères, du commerce international et de la coopération au développement, et de la défense du Parlement des Pays-Bas

La délégation a rencontré les députés M. Han ten Broeke (VVD), M. Martijn van Helvert (CDA), Mme Marit Maij (PvdA), M. Joost Taverne (VVD), M. Fred Teeven (VVD), M. Jan Vos (PvdA), Mme Esther Ouwehand (PvdD), et le sénateur Nico Schrijver (PvdA) pour discuter du rôle du Parlement des Pays-Bas en ce qui a trait aux priorités de la présidence du Conseil de l’UE, du rôle du Parlement dans l’atteinte de ces priorités, de la relation entre la présidence du Conseil de l’UE et le Parlement européen, du rôle du Parlement des Pays-Bas dans la ratification et la mise en œuvre de l’AECG, et des relations entre le Canada et les Pays-Bas.

M. ten Broeke a souligné que le Canada et les Pays-Bas sont des partenaires de l’OTAN et que le débat sur les crises en Iraq et en Syrie est semblable dans les deux pays. À propos de l’inclusion des dispositions relatives au mécanisme de RDIE dans l’AECG et l’influence des négociations du PTCI, Mme Maij affirme que la difficulté vient du fait que l’on s’intéresse au PTCI et non à l’AECG. Selon elle, le PTCI est à l’origine des inquiétudes persistantes au sujet de l’AECG, qui portent sur la sécurité alimentaire et l’agriculture et reposent sur l’idée générale qu’un mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États ne devrait pas être nécessaire si les systèmes judiciaires des parties concernées sont adéquats et respectent la primauté du droit. Selon M. ten Broeke, il est dans l’intérêt des Pays-Bas de ratifier l’AECG le plus rapidement possible. Le sénateur Schrijver a affirmé toutefois qu’avant de le ratifier, les Pays-Bas doivent attendre la décision de la Cour de justice de l’UE sur l’accord de libre-échange entre Singapour et l’UE, et selon lui, il n’y a pas de raison de s’inquiéter au sujet du mécanisme d’arbitrage puisque le règlement des différends en matière bancaire est une idée néerlandaise. Il a précisé qu’aux Pays-Bas, un différend commercial doit passer par trois niveaux de procédures internes avant de pouvoir être soumis à un arbitrage international. Le sénateur Schrijver a observé également que l’ALENA prévoit une disposition sur le RDIE.

En ce qui concerne les priorités des Pays-Bas au cours de la prochaine présidence du Conseil de l’UE, Mme Maij nomme deux enjeux importants :

1.  la primauté du droit et la gouvernance démocratique. Selon elle, certains pays oublient ce critère d’adhésion une fois qu’ils sont devenus membres de l’UE;

2.  les moyens de coopération au sein du marché énergétique afin de réduire la dépendance de l’UE aux importations d’énergie.

M. van Helvert a exprimé son désaccord sur les priorités du gouvernement dans le cadre de sa prochaine présidence; selon lui, l’infrastructure devrait être une priorité.

MISSION PARLEMENTAIRE AU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG

Les 16 et 17 avril, la délégation a participé à une mission parlementaire au Grand-Duché de Luxembourg, le pays qui assurera la présidence tournante du Conseil de l’UE de juillet à décembre 2015. Au cours de cette mission, la délégation a rencontré des diplomates, des hauts fonctionnaires, des parlementaires ainsi que des représentants d’entreprises canadiennes présentes au Luxembourg. Les discussions ont porté sur les priorités que se fixe le Luxembourg pour sa prochaine présidence et sur les positions du Canada concernant les questions liées à l’UE, sur les débats d’orientation et les récents développements de nature générale au sein de l’UE, ainsi que sur les relations bilatérales entre le Canada et le Luxembourg. 

A.   Rencontre avec les membres du Comité des affaires étrangères de la Chambre des députés du Luxembourg

La délégation, accompagnée de Son Excellence Denis Robert, ambassadeur du Canada au Luxembourg et de son personnel, et de Mme Ines Luna, fonctionnaire du protocole du service des relations internationales de la Chambre des députés du Luxembourg, a rencontré M. Marc Angel, président du Comité des affaires étrangères; M. Eugène Berger, Mme Claudia Dall’Agnol, M. Marc Spautz, M. Gusty Graas, M. Claude Wiseler, M. Fernand Kartheiser, M. Serge Wilmes, membres du Comité des affaires étrangères; Mme Rita Brors, secrétaire des relations publiques du Comité des affaires étrangères.

M. Angel a souhaité la bienvenue à la délégation en soulignant que le Canada et le Luxembourg s’entendent dans de nombreux domaines, citant l’exemple de la Cour internationale de justice. En ce qui concerne l’AECG, M. Angel a exprimé l’espoir qu’il soit qualifié d’accord mixte. Selon lui, ce sont les négociations du PTCI qui ont attiré l’attention sur le mécanisme de RDIE. Le PTCI a « empoisonné » la discussion sur l’AECG. Des groupes, notamment des ONG, ont soulevé la question de la nécessité d’inclure des dispositions relatives à un tel mécanisme lorsque les parties font confiance au système judiciaire des autres parties. Les parlements nationaux débattent actuellement de cette question, et il est important de se souvenir de leur rôle au sein de l’UE. M. Angel reconnaît le poids qu’aura la décision de la Cour de justice de l’UE au sujet de l’accord de libre-échange avec Singapour pour ce qui est de la qualification de l’AECG comme accord mixte, mais il insiste également sur l’importance d’une lettre rédigée par les présidents des assemblées de chaque parlement national en Europe, dans laquelle ils indiquent que l’AECG doit être considéré comme un accord mixte et qu’il doit être ratifié par les parlements nationaux.

M. Kartheiser a posé à la délégation des questions sur l’incidence du retrait du Canada du Protocole de Kyoto et l’incidence de la crise de l’Ukraine sur le marché énergétique canadien.

B.   Rencontre avec un représentant de la Cour de justice de l’UE

La délégation, accompagnée de l’ambassadeur Robert et de son personnel, et de Mme Luna, a rencontré M. Dieter Kraus, secrétaire général du président de la Cour de justice de l’UE, pour discuter du rôle et des attributions de la Cour de justice.

M. Kraus a expliqué que la Cour de justice comprend actuellement trois instances :

1.  la Cour de justice, qui a compétence sur les litiges portés devant des tribunaux nationaux, bien qu’elle ne joue par le rôle de cour d’appel pour aucun d’entre eux et qu’elle ne puisse renverser leurs décisions. Toutefois, les tribunaux nationaux peuvent demander à la Cour de justice une interprétation du droit européen;

2.  le Tribunal, il a compétence sur les recours dans les affaires de propriété intellectuelle et d’accès à l’information;

3.  le Tribunal de la fonction publique, qui a compétence sur les affaires concernant des fonctionnaires de l’UE.

M. Kraus a expliqué que la durée moyenne des procédures est de 15 à 18 mois pour une affaire. Il faut traduire les documents dans les 24 langues de l’UE; et la Cour de Justice demande aux 28 États membres s’ils souhaitent soumettre des observations. Par exemple, les 28 États membres ont transmis des observations sur l’opinion de la Cour au sujet de l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme. À ce propos, M. Kraus a indiqué que l’UE a tenté, sans y parvenir, d’élaborer un accord d’adhésion de façon à empiéter le moins possible sur les prérogatives de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg (CEDH). La CEDH, qui est une instance du Conseil de l’Europe, surveille la conformité des 47 États membres qui sont parties à la Convention européenne des droits de l’homme. De plus, en vertu du Traité de Lisbonne, l’UE a l’obligation de respecter la Convention européenne des droits de l’homme, d’où le déclenchement de la procédure sur l’adhésion. Selon M. Kraus, si l’UE insiste sur l’inclusion de certaines dispositions, il serait difficile pour des pays comme la Russie et la Turquie d’être d’accord. M. Kraus a déclaré que le débat actuel porte sur la question de savoir si la préservation du système juridique de l’UE est plus importante que l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme. D’après lui, le travail de la Cour est terminé. Le Parlement européen et les parlements nationaux discutent maintenant à Bruxelles de la manière dont ils vont résoudre la question.

La délégation a interrogé M. Kraus sur l’influence des avis extérieurs sur les décisions de la Cour de justice, prenant l’exemple de la lettre rédigée par les présidents des assemblées de chaque parlement national de l’Europe, dans laquelle ils indiquent que l’AECG doit être considéré comme un accord mixte. M. Kraus a répondu que les avis extérieurs sont examinés par la Cour de justice uniquement s’ils font partie de la procédure. En ce qui concerne les affaires en instance à la Cour, il a expliqué qu’elles concernent surtout des questions touchant la libre circulation des personnes et l’asile. Il observe qu’après le Traité de Lisbonne et avec l’adoption de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la Cour a été appelée à statuer dans un plus grand nombre d’affaires liées aux droits fondamentaux de façon générale, et en particulier à la rétention de données. Selon lui, l’accord signé en juin 2014 par le Conseil de l’UE et le Canada sur l’échange de données sur le Dossier passager (DP) soulève des questions intéressantes à cet égard. Cet accord a été renvoyé devant la Cour de justice pour qu’elle donne son avis sur sa conformité aux traités de l’UE et à la Charte des droits fondamentaux du point de vue du droit à la protection de la vie privée et à la protection des données.

C.   Rencontre avec M. Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg

La délégation, accompagnée de l’ambassadeur Robert et de son personnel, et de Mme Luna, a rencontré M. Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, pour discuter de la position du Luxembourg sur des enjeux qui intéressent le Canada et l’UE, et les priorités que se fixe le Luxembourg au cours de sa présidence du Conseil de l’UE, et pour faire le point sur l’AECG. M. Asselborn note qu’en raison des changements découlant du Traité de Lisbonne, la présidence du Luxembourg ne sera pas la même que la précédente exercée en 2005.

Selon M. Asselborn, des événements importants auront une incidence sur la présidence luxembourgeoise, comme les élections au Royaume-Uni en mai, les élections en Espagne et au Portugal, et le problème de la dette grecque, problème qui ne peut être résolu que dans la zone euro, mais pour lequel le temps presse. En ce qui concerne l’AECG, M. Asselborn estime que, dans le débat sur le PTCI, les deux accords seront forcément reliés. D’après lui, le dossier majeur pour la présidence luxembourgeoise sera l’arrivée en Europe de réfugiés africains. Il estime qu’en juillet et en août de cette année, un demi-milliard de personnes essayeront d’entrer en Europe à partir de l’Érythrée, de l’Éthiopie, du Soudan, du Darfour et de la Libye. En plus d’être la question la plus complexe qu’aura à traiter la présidence luxembourgeoise, cela pourrait être une tragédie humanitaire.

En ce qui concerne l’AECG, M. Asselborn observe que le PTCI a été relié à l’AECG, même si les dispositions relatives au RDIE ne sont pas les mêmes dans les deux accords. Il note que la société civile luxembourgeoise, y compris les églises, les syndicats et les ONG, s’oppose au mécanisme d’arbitrage. M. Asselborn a formulé deux recommandations pour modifier l’AECG, afin de proposer une solution à ceux qui s’y opposent : déplacer les dispositions du préambule sur le droit des parties de réglementer pour les intégrer au corps du texte; et en ce qui concerne le mécanisme d’arbitrage, ajouter le droit d’interjeter appel après un arbitrage.

En ce qui concerne le mécanisme d’arbitrage, M. Asselborn observe que les pays de l’UE se divisent en trois groupes : les pays comme l’Espagne ou le Portugal qui ont des échanges commerciaux avec les pays d’Amérique latine, sont en faveur du mécanisme, parce qu’ils veulent s’assurer que leurs investissements sont protégés; les pays qui veulent s’en débarrasser; et les pays qui tentent de trouver une solution. M. Asselborn est d’avis que le pronostic pour l’économie européenne n’est pas très favorable et que l’AECG serait bénéfique à cet égard.

D.   Rencontre avec Son Excellence M. Mars Di Bartolomeo, président de la Chambre des députés du Luxembourg

La délégation, accompagnée de l’ambassadeur Robert et de son personnel, et de Mme Luna, a rencontré Son Excellence M. Mars Di Bartolomeo, président de la Chambre des députés. M. Di Bartolomeo a observé que les systèmes de sécurité sociale et de santé du Luxembourg et du Canada se ressemblent et que les deux pays sont liés sur le plan culturel. Il a mentionné l’attaque terroriste contre le Parlement canadien du Canada en octobre 2014 et les attaques terroristes à Paris, les décrivant comme des attaques contre nos valeurs. Il a insisté sur l’importance de réagir sans perdre de vue les droits fondamentaux et les valeurs communes que nos deux pays partagent.

En ce qui concerne l’AECG, le président Di Bartolomeo rappelle que le Parlement du Luxembourg estime qu’il s’agit d’un accord mixte et il souhaite participer aux discussions sur l’AECG ainsi qu’à la décision relative à sa ratification. Il observe que le débat sur l’accord a été compromis par les négociations du PTCI. Selon le président Di Bartolomeo, le Parlement du Luxembourg ne veut pas s’en remettre à l’UE et au Parlement européen. Il fait valoir que si la CE avait expliqué les questions soulevées par l’AECG plus tôt, elle ne serait pas confrontée à une telle opposition aujourd’hui. Selon lui, la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE ne tentera pas de faire obstacle à la ratification de l’AECG.

Le président Di Bartolomeo a parlé également de la question du logement. Il a observé à ce sujet que la population luxembourgeoise augmente rapidement, que 70 % des travailleurs au Luxembourg viennent de l’extérieur du pays et que 45 % de ceux qui y vivent n’y sont pas nés. 

E.   Rencontre avec le Comité des affaires économiques du Parlement du Luxembourg

La délégation, accompagnée de l’ambassadeur Robert et de son personnel, et de Mme Luna, a rencontré Mme Koëlle Elvinger, vice-présidente du Comité des affaires économiques; M. André Bauler, membre du Comité des affaires économiques; M. Roy Reding, membre du Comité des affaires économiques; M. Eugène Berger, député; M. Marcel Oberweis, député et Mme Marianne Weycker, secrétaire du Comité des affaires économiques, pour discuter du rôle du Parlement du Luxembourg à l’égard des priorités de la présidence du Conseil de l’UE, du rôle du Parlement dans l’atteinte de ses priorités, de la relation entre la présidence du Conseil de l’UE et le Parlement européen, du rôle du parlement du Luxembourg dans la ratification et la mise en œuvre de l’AECG, ainsi que des relations entre le Canada et le Luxembourg.

Mme Elvinger a expliqué que le Comité des affaires économiques a pour tâche de transposer en droit national les directives européennes qui ont un impact sur l’économie et le secteur de l’énergie. Le Comité traite également de la propriété intellectuelle, citant l’exemple de la rédaction d’un projet de loi sur le droit d’auteur, et de certains dossiers financiers, le Comité des finances gérant normalement les dossiers financiers.

En ce qui concerne l’AECG, Mme Elvinger a indiqué que le Luxembourg est en faveur de l’Accord et qu’il le considère comme un accord mixte. Elle ajoute que les négociations du PTCI donnent lieu à une activité de lobbying trop intense et que des informations destinées à faire peur aux gens circulent. Elle affirme qu’au cours de sa présidence, le Luxembourg présentera l’AECG comme un avantage pour l’économie européenne.

En réponse aux questions des membres de la délégation, M. Berger a dit qu’il est difficile de savoir à quel moment l’Accord sera ratifié. Les États membres peuvent prendre le temps qu’ils souhaitent, et le processus de ratification n’est pas le même dans chaque pays. Pour ce qui est du rôle de la présidence dans la ratification, M. Oberweis a fait valoir que la situation a changé à l’égard de la Russie; il observe que les États-Unis se réconcilient avec Cuba et travaillent à une dynamique Nord-Sud. Il se demande si le Canada est réellement tourné vers l’Europe avec l’AECG ou si, en réalité il n’est pas tourné plutôt vers la Chine et le marché asiatique. M. Reding a indiqué qu’au Canada, les provinces seraient responsables de questions importantes couvertes par l’AECG. Il a ajouté que l’Europe s’efforce de réduire le fardeau administratif, un effort que le Luxembourg appuie totalement, et il se demande si l’AECG n’aura pas pour effet de l’alourdir.

M. Oberweis a interrogé la délégation sur la position du Canada relativement au Protocole de Paris qui porte sur les émissions de gaz à effet de serre. Au sujet du passage du Nord-Ouest, il a demandé si tous les navires peuvent passer à son ouverture  ou s’il n’y passe que des navires canadiens.

F.    Rencontre avec des représentants de Husky Injection Molding Systems

En compagnie de l’ambassadeur Robert, de son personnel et de Mme Luna, les membres de la délégation ont rencontré des représentants de Husky Injection Molding Systems, une société canadienne qui possède une installation de fabrication au Luxembourg. Les représentants de Husky ont expliqué que la société, dont le siège social se trouve à Bolton, en Ontario, possède des installations de fabrication au Luxembourg, au Vermont, à Shanghai, en Autriche, en Suisse, en Inde et en République tchèque.

Fondée en 1953 par Robert Schade, Husky est aujourd’hui la plus grande société de fabrication de machines de moulage par injection au monde. Sa clientèle est répartie aux quatre coins du monde, et son principal client est l’industrie de l’emballage pour boissons. Husky a ouvert son installation de fabrication du Luxembourg en 1984. Celle-ci compte 860 employés et sa production représente environ le tiers du volume global des ventes de la société. Les représentants de Husky ont souligné que la société détient environ 75 % du marché européen dans ce secteur.

G.   Rencontre avec des représentants de RBC Services aux investisseurs et de trésorerie

En compagnie de l’ambassadeur Robert, de son personnel et de Mme Luna, les membres de la délégation ont rencontré des représentants de RBC Services aux investisseurs et de trésorerie, une filiale luxembourgeoise de la Banque Royale du Canada, une banque canadienne bien connue. Les représentants ont indiqué que la RBC, qui compte environ 200 clients institutionnels répartis dans 19 pays, affiche la cote de solvabilité la plus élevée du secteur. Ils ont souligné que leur travail se limite à l’administration des fonds d’investissement, et non à l’investissement dans ce type de fonds comme tel, ce qui se fait par l’entremise des gestionnaires d’actifs. Les représentants ont également fait part des motifs qui ont poussé la RBC à établir ses Services aux investisseurs et de trésorerie au Luxembourg :

·         ce pays est un acteur important du secteur des fonds d’investissement;

·         il tire de nombreux avantages de la réglementation européenne;

·         il est le deuxième pays en importance, après les États‑Unis, en ce qui concerne le secteur des fonds d’investissement;

·         il a acquis une solide expertise dans ce secteur;

·         c’est un pays stable sur le plan politique;

·         le pays est en quelque sorte devenu le service de post-marché des gestionnaires de fonds internationaux;

·         il dispose d’employés spécialisés capables de travailler dans plusieurs langues.

En réponse à une question de la délégation portant sur l’absence de la RBC dans les pays qui ont joint l’UE dernièrement, les représentants ont expliqué que la banque préfère servir ces pays à partir du Luxembourg puisque l’organisme de réglementation des marchés financiers y est reconnu, ce qui facilite la distribution des fonds de la RBC partout dans le monde. Pour illustrer l’importance du Luxembourg dans le secteur des finances, les représentants ont indiqué que les cinq plus grandes banques chinoises y ont maintenant établi leur siège social européen.

PARTICIPATION À LA DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2015 DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE

Du 20 au 24 avril, la délégation s’est rendue à Strasbourg pour participer à la deuxième partie de la session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à laquelle le Canada jouit d’un statut d’observateur, à l’instar d’Israël et du Mexique. S’est joint à la délégation M. Alan Bowman, chef adjoint de la Mission du Canada auprès de l’UE et observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe.

H.   Contexte : le Conseil de l’Europe

1. Mandat et fonction du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe est un organisme intergouvernemental qui vise à :

·         protéger les droits de l’homme, la démocratie pluraliste et la primauté du droit;

·         favoriser la prise de conscience et la mise en valeur de l’identité culturelle de l’Europe et de sa diversité;

·         trouver des solutions communes aux problèmes auxquels se heurte la société européenne, comme la discrimination envers les minorités, la xénophobie, l’intolérance, la bioéthique et le clonage, le terrorisme, la traite de personnes, le crime organisé et la corruption, la cybercriminalité, la violence contre les enfants;

·         consolider la stabilité démocratique en Europe en soutenant les réformes politiques, législatives et constitutionnelles.

Les principales institutions du Conseil sont le Comité des ministres (son organe décisionnel, composé des ministres des Affaires étrangères des États membres ou de leurs représentants), l’Assemblée parlementaire, le commissaire aux droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux[1].

2. Le rôle du Canada à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Le Canada possède le statut d’observateur au Comité des ministres, où il a joué un rôle actif dans plusieurs domaines stratégiques (les autres observateurs sont le Saint‑Siège, le Japon, le Mexique et les États‑Unis) et à l’Assemblée parlementaire (où les autres observateurs sont Israël et le Mexique).

Les parlementaires canadiens jouent un rôle de premier plan dans les diverses institutions intergouvernementales et politiques de l’Europe. La présence des parlementaires canadiens s’inscrit en parallèle avec les efforts diplomatiques et ministériels du Canada en Europe pour promouvoir les intérêts du Canada dans cette partie du monde. Sont d’une importance particulière les contacts avec les parlementaires à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et les possibilités, pour les parlementaires canadiens, de participer aux débats durant l’assemblée plénière et dans les commissions de l’APCE.

Les délégués parlementaires canadiens ont la possibilité de parler directement avec leurs homologues des États membres du Conseil de l’Europe. Chacun des 28 États membres de l’UE est également membre du Conseil de l’Europe. Ce dernier est donc un précieux point d’entrée où le Canada peut soulever des questions d’intérêt commun, défendre les intérêts nationaux, dissiper les malentendus et régler certains irritants dans les relations entre le Canada et des États membres en particulier. Il s’agit là d’un aspect particulièrement important pour la prochaine étape de l’AECG entre le Canada et l’UE. La participation canadienne à l’APCE continuera d’offrir des occasions privilégiées de promouvoir l’Accord de façon à assurer sa ratification et de discuter de toute préoccupation éventuelle des États membres de l’UE qui sont également membres du Conseil de l’Europe. Les parlementaires canadiens continueront à jouer un rôle précieux dans cette entreprise.

Même si le Canada n’a pas le droit de voter sur les résolutions de l’Assemblée ou les projets de résolution des commissions (sauf pour les questions qui touchent l’Organisation de coopération et de développement économiques, dont le Canada est membre), les parlementaires canadiens peuvent prendre la parole sur ces questions. Cela leur offre une occasion précieuse de faire connaître les intérêts du Canada sur une question particulière dans le cadre d’une tribune internationale d’envergure. Ainsi, les points de vue du Canada sont pris en considération lorsque le Conseil de l’Europe prépare des prises de position générale sur des questions internationales.

B. Aperçu de l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Lors de la deuxième partie de la session, un large éventail de sujets ont été débattus au sein de l’Assemblée, de ses commissions et groupes politiques. L’Assemblée a en outre tenu des débats sous les thèmes suivants :

·         Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente

·         Débat libre

·         Les opérations de surveillance massive

·         Débats conjoints : Budget et priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016‑2017; et Dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice biennal 2016‑2017

·         Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’« État islamique »

·         Débat d’actualité : La situation politique et de sécurité en Ukraine et ses implications

·         La discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe

·         Services sociaux en Europe : législation et pratiques de retrait d’enfants de leurs familles dans les États membres du Conseil de l’Europe

·         Débat selon la procédure d’urgence : Projet de Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme

·         Débat selon la procédure d’urgence : La tragédie humaine en Méditerranée : une action immédiate est nécessaire

·         Drones et exécutions ciblées : la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international

·         Dialogue postsuivi avec Monaco

·         La réforme de la gouvernance du football

·         L’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice

·         L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme : la Déclaration de Brighton et au-delà

L’Assemblée a également entendu les orateurs suivants :

·         Sa Majesté le Roi des Belges;

·         M. Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe;

·         M. Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères et européennes de la Belgique, président du Comité des ministres;

·         M. Nils Muižnieks, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

C. Activités canadiennes durant la session

1. Aperçu

Les membres de la délégation canadienne ont participé activement aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, y compris aux plénières et aux réunions des commissions. Ils ont notamment pris part aux réunions de la Commission des questions politiques et de la démocratie, de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, de la Commission sur l’égalité et la non‑discrimination, de la Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, et de la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable. De plus, les membres ont assisté aux réunions de divers groupes politiques au sein de l’Assemblée.

M. Alan Bowman a tenu une séance d’information à l’intention de la délégation, et une réunion spéciale a été tenue avec l’observateur permanent de l’Ukraine au Conseil de l’Europe. Trois réunions spéciales ont également été tenues avec les délégations d’États membres du Conseil de l’Europe, soit celles de l’Espagne, de la Pologne et de l’Italie, afin de discuter d’enjeux bilatéraux et liés à l’UE.

2. Séance d’information donnée par l’observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe

M. Bowman a fait le point avec les délégués sur les questions intéressant le Canada dans l’UE et le travail de la Mission canadienne auprès de l’UE pour servir ces intérêts, ainsi que sur le rôle du Canada en tant qu’observateur au Comité des ministres et à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. M. Bowman a informé les délégués sur des enjeux précis relatifs aux relations Canada‑Europe. Plus particulièrement, il a souligné l’importance de l’AECG et de la question des changements climatiques.

M. Bowman a expliqué que l’équipe de la Mission du Canada auprès de l’UE a récemment noué le dialogue avec ses homologues européens sur la question des changements climatiques. Il a rappelé que la Conférence de Paris sur les changements climatiques aura lieu en novembre 2015, et que le gouvernement canadien n’a toujours pas déposé, comme doivent le faire l’ensemble des États parties, les cibles de réduction qu’il s’engage à respecter en prévision du Protocole de Paris. M. Bowman a toutefois mentionné que le Canada s’en sort très bien au titre du captage du carbone en lien avec la production d’électricité. Il a souligné que l’Europe abandonne progressivement l’énergie nucléaire au profit de l’énergie produite à partir de charbon et de gaz.

En ce qui concerne la disposition sur le RDIE prévue dans l’AECG et l’influence des négociations du PTCI entre les États-Unis et l’UE, M. Bowman a fait valoir qu’il est probable que le débat sur le PTCI supplante celui sur l’AECG. Il a ajouté que les États‑Unis ne donneront probablement pas leur aval à une disposition sur le RDIE semblable à celle prévue dans l’AECG. Selon M. Bowman, cette disposition est meilleure que toute autre disposition similaire prévue dans les autres accords de libre-échange : elle a permis d’éliminer des éléments inutiles, elle interdit l’expropriation, etc. Il a ajouté que le droit de réglementer des parties prévu dans l’AECG protège les normes relatives à l’environnement et aux soins de santé des États membres de l’UE.

Quant au travail de promotion de l’AECG effectué par l’ambassade canadienne, M. Bowman a expliqué qu’il communique avec les 28 États membres dans le cadre des visites d’ambassadeurs et de ministres, et d’activités diplomatiques et de sensibilisation. L’ambassade concentre ses efforts auprès des États membres à Bruxelles et au sein du Parlement européen, en particulier auprès de ceux qui forment la principale source d’opposition à l’AECG. À cet égard, M. Bowman a précisé que si l’AECG est considéré comme un accord relevant de la compétence exclusive des institutions européennes, une majorité des voix sera nécessaire à son adoption; tandis que s’il est considéré comme étant de compétences mixtes avec les États nationaux, l’unanimité sera requise. D’après M. Bowman, il serait possible de soumettre l’AECG à la Cour de justice de l’UE pour obtenir un avis, mais, au final, c’est le Conseil qui décidera si l’AECG est de compétence exclusive ou de compétences mixtes.

Concernant les prochaines étapes, M. Bowman a fait valoir que la majorité du travail doit être poursuivi du côté européen. Il ne s’attend pas à ce que la vérification juridique et le processus de traduction ne soient terminés avant l’automne. Une fois qu’il aura été convenu d’un texte définitif, le collège des commissaires devra l’approuver avant qu’il soit soumis au Conseil de l’UE. L’Accord pourrait mettre d’un à six mois pour franchir l’étape du Conseil, selon la solution au problème de la compétence exclusive ou des compétences mixtes. M. Bowman a avancé que le Conseil pourrait convenir du libellé de l’AECG entre novembre 2015 et février 2016. La tenue d’un débat entre les États membres et le Conseil est également possible, tout comme un report du vote sur l’Accord pour des motifs politiques. Au niveau du Parlement européen, l’AECG devra être adopté par la Commission du commerce international.

3. Rencontre avec le conseiller spécial du secrétaire général du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine

En compagnie de M. Bowman, les membres de la délégation ont rencontré M. Christos Giakoumopoulos, conseiller spécial du secrétaire général du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine, pour discuter de la situation dans ce pays. M. Giakoumopoulos a déclaré que le lancement définitif de la réforme constitutionnelle constitue l’évolution la plus positive en Ukraine, même si le processus est plus long que les citoyens l’auraient espéré. Cela s’explique en partie parce que l’Ukraine a deux chefs d’État, soit un président et un premier ministre, qui sont issus de différents partis et qui se livrent concurrence. M. Giakoumopoulos a également souligné que l’ensemble du processus est affaibli par l’agression de la Russie.

Il a expliqué que le Conseil de l’Europe prend part au processus de réforme, sans toutefois intervenir dans les aspects touchant la sécurité en Ukraine. Le Conseil de l’Europe intervient dans trois domaines en Ukraine :

1.    la nouvelle Constitution, qui devra prévoir un processus de centralisation;

2.    la réforme du système judiciaire, jugé extrêmement corrompu et inefficace;

3.    l’aspect des droits de l’homme, où le comportement des autorités est une source de préoccupation.

M. Giakoumopoulos a précisé que le Canada a joué un rôle déterminant dans la réforme du système de radiodiffusion et sur la question de la sécurité des journalistes. En guise d’exemples de domaines où il reste du travail à faire en Ukraine, il a mentionné la protection des minorités, l’intégration sociale des personnes déplacées à l’intérieur du pays (principalement des femmes et des enfants) et l’après-conflit. Selon M. Giakoumopoulos, ces aspects fragilisent la situation socioéconomique en Ukraine.

M. Giakoumopoulos a souligné que l’Ukraine s’emploie à renforcer ses pouvoirs d’enquête, mais que cela prendra du temps. Il a fait mention du rapport d’un conseiller international qui révèle clairement la nature des problèmes et la culture d’impunité qui s’étend au-delà des parties en cause. Il a ajouté que l’Ukraine a adopté une série de lois anticorruption sur lesquelles l’OSCE travaille, et que le Conseil de l’Europe interviendra davantage dans le cadre de leur mise en œuvre. Enfin, M. Giakoumopoulos a fait observer que les problèmes financiers de l’Ukraine, la corruption et la crise dans l’Est du pays demeureront prioritaires pour le gouvernement.

4. Rencontre avec la délégation espagnole à l’APCE

Une rencontre s’est tenue avec plusieurs membres de la délégation espagnole principalement pour discuter de la position de l’Espagne à l’égard de la ratification de l’AECG. M. Bowman a également pris part à cette rencontre. Les délégués de l’Espagne ont dit que les discussions entre les parlementaires de ce pays sur l’AECG sont très rares, et qu’une grande majorité de la population ne connaît pas l’Accord. Les négociations du PTCI ont été remarquées par certains groupes, qui le considèrent comme contraire aux valeurs et aux normes sociales européennes. Les délégués espagnols ont fait observer que leur gouvernement souhaite vivement améliorer ses relations bilatérales avec le Canada et qu’il a appuyé l’AECG à Bruxelles.

La délégation espagnole s’est dite préoccupée par le chapitre de l’AECG portant sur les produits agricoles. Les délégués canadiens ont expliqué qu’aucune disposition de l’AECG ne permet de modifier la réglementation européenne. Ainsi, aux termes de l’AECG, le « bœuf aux hormones » ne serait pas autorisé en Europe et, comme la volaille est exclue de l’Accord, les « poulets chlorés » seraient interdits d’entrée aussi. De plus, l’AECG prévoit des dispositions qui garantissent la protection de la santé publique. Celles-ci sont extrêmement importantes pour les deux parties, et diffèrent de celles prévues par le PTCI.

5. Rencontre avec la délégation polonaise à l’APCE

Une rencontre s’est tenue avec plusieurs membres de la délégation polonaise principalement pour discuter de la position de la Pologne à l’égard de la ratification de l’AECG. M. Bowman a également pris part à cette rencontre. Les délégués polonais ont reconnu que l’AECG suscite très peu d’intérêt en Pologne; le PTCI étant l’accord qui attire l’attention. Cette situation les incite à dire qu’il faut améliorer les relations bilatérales entre le Canada et la Pologne, y compris au sein du Conseil de l’Europe. Les délégués canadiens ont expliqué certaines différences entre les deux accords, et ils ont souligné les avantages que présente l’AECG pour la Pologne, notamment au titre des produits pharmaceutiques qui bénéficient d’une protection accrue dans l’AECG.

6. Rencontre avec la délégation italienne à l’APCE

Une rencontre s’est tenue avec plusieurs membres de la délégation italienne principalement pour discuter de la position de l’Italie à l’égard de la ratification de l’AECG. M. Bowman a également pris part à cette rencontre. Selon les délégués italiens, le Parlement italien est majoritairement favorable à l’AECG. Ils ont souligné les bonnes relations qu’entretiennent de longue date l’Italie et le Canada, en particulier sur le plan du commerce et de la culture, et ont indiqué que la ratification de l’AECG ne devrait pas poser de problème. Ils ont convenu que l’AECG diffère du PTCI, et ont expliqué que leurs préoccupations à propos de ce dernier sont principalement liées à l’agriculture. En effet, les produits alimentaires ont une importance tant commerciale que culturelle en Italie. Les délégués canadiens ont expliqué que le Canada et l’UE partagent des vues similaires sur le plan de l’agriculture, et que les indications géographiques reconnues dans l’AECG sont extrêmement avantageuses pour l’Italie.

D. Interventions canadiennes durant les débats de l’Assemblée

Les délégués canadiens ont participé activement aux débats de l’Assemblée au cours de la partie de la session. Ils sont intervenus à 15 occasions dans les débats sur un large éventail de sujets. Chaque délégué a présenté au moins un discours. Les discours des délégués canadiens sont reproduits dans les comptes rendus, dont les hyperliens se trouvent ci-après.

a. Le lundi 20 avril 2015

·         Débat libre

M. David Tilson a prononcé un discours sur la réponse législative du Canada au terrorisme dans le cadre du débat libre[2].

Toujours dans le cadre du débat libre, M. Corneliu Chisu a prononcé un discours sur le parc urbain national de la Rouge[3].

b. Le mardi 21 avril 2015

·         Les opérations de surveillance massive

M. Don Davies a prononcé un discours dans le cadre du débat ayant pour thème Les opérations de surveillance massive[4].

·         Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’« État islamique »

M. Corneliu Chisu a prononcé un discours dans le cadre du débat ayant pour thème Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’« État islamique »[5].

Le sénateur Percy Downe a également pris la parole à ce sujet[6].

c. Le mercredi 22 avril 2015

·         Débat d’actualité : la situation politique et de sécurité en Ukraine et ses implications

M. David Tilson a prononcé un discours dans le cadre du débat d’actualité ayant pour thème La situation politique et de sécurité en Ukraine et ses implications[7].

M. Corneliu Chisu a également pris la parole à ce sujet[8].

·         La discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe

M. Don Davies a prononcé un discours dans le cadre du débat ayant pour thème La discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe[9].

Mme Marie-Claude Morin a également pris la parole à ce sujet[10].

·         Services sociaux en Europe : législation et pratiques de retrait d’enfants de leurs familles dans les États membres du Conseil de l’Europe

Le sénateur Michel Rivard a prononcé un discours dans le cadre du débat ayant pour thème Les services sociaux en Europe : législation et pratiques de retrait d’enfants de leurs familles dans les États membres du Conseil de l’Europe[11].

d. Le jeudi 23 avril 2015

·         Débat selon la procédure d’urgence : la tragédie humaine en Méditerranée : une action immédiate est nécessaire

Le sénateur Michel Rivard a prononcé un discours dans le cadre du débat selon la procédure d’urgence ayant pour thème La tragédie humaine en Méditerranée : une action immédiate est nécessaire[12].

·         Drones et exécutions ciblées : la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international

Le sénateur Percy Downe a prononcé un discours dans le cadre du débat ayant pour thème Drones et exécutions ciblées : la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international[13].

Le sénateur Michel Rivard a également pris la parole à ce sujet[14].

e. Le vendredi 24 avril 2015

·         L’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice

Mme Marie-Claude Morin a prononcé un discours dans le cadre du débat ayant pour thème L’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice[15].

·         L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme : la Déclaration de Brighton et au-delà

Mme Marie-Claude Morin a prononcé un discours dans le cadre du débat ayant pour thème L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme : la Déclaration de Brighton et au‑delà[16].

Respectueusement soumis,

 

M. David Tilson, président
Association parlementaire Canada-Europe

 



[1]       On trouve de plus amples renseignements sur le mandat et la fonction du Conseil de l’Europe sur son site Web (http://www.coe.int/fr/web/portal/home )

[2]       Le discours de M. Tilson est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504201500F.htm

[3]       Le discours de M. Chisu est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504201500F.htm

[4]       Le discours de M. Davies est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504211000F.htm

[5]       Le discours de M. Chisu est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504211530F.htm

[6]       Le discours du sénateur Downe est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504211530F.htm

[7]       Le discours de M. Tilson est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire.http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504221000F.htm

[8]       Le discours de M. Chisu est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504221000F.htm

[9]       Le discours de M. Davies est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504221630F.htm

[10]     Le discours de Mme Morin est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504221630F.htm

[11]     Le discours du sénateur Rivard est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504221630F.htm

[12]     Le discours du sénateur Rivard est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire  http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504231000F.htm

[13]     Le discours du sénateur Downe est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire. http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504231530F.htm 

[14]     Le discours du sénateur Rivard est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504231530F.htm

[15]     Le discours de Mme Morin est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504241000F.htm

[16]     Le discours de Mme Morin est disponible sur le site Web de l’Assemblée parlementaire http://assembly.coe.int/Documents/Records/2015/F/1504241000F.htm

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