Logo groupe canadien de l'Union interparlementaire (UIP)

Rapport

Introduction

La délégation canadienne a participé à la réunion parlementaire organisée tous les ans à l’occasion de la session de la Commission de la condition de la femme à New York. Cette réunion était organisée par l’Union interparlementaire et l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes) et s’intitulait Émancipation des femmes rurales : le rôle des parlements.

Les présentations de la matinée ont porté principalement sur l’émancipation politique des femmes rurales. L’après-midi a été consacré aux façons de remédier aux discriminations inscrites dans les textes de loi, particulièrement en ce qui à trait à l’accès à la terre, à la propriété et au crédit, ainsi qu’à la succession. On a également abordé les difficultés que rencontrent les femmes rurales en matière d’accès aux soins de santé.

La délégation canadienne

Les parlementaires canadiens qui ont participé à cette réunion :

·         L’honorable Suzanne Fortin-Duplessis, sénatrice pour la division sénatoriale de Rougemont;

·         M. Ted Opitz, député, Parti conservateur, Etobicoke-Centre;

·         Mme Djaouida Sellah, députée, Nouveau Parti démocratique, Saint-Bruno—Saint-Hubert.

La délégation était accompagnée par M. Serge Pelletier, secrétaire administratif, Direction des affaires internationales et interparlementaires et, Mme Sandra Gruescu, analyste, Division des affaires sociales, Bibliothèque du Parlement.

1.    La conférence

La conférence a commencé par un mot d’ouverture du président de l’Union interparlementaire et de la directrice exécutive d’ONU Femmes.Nous avons entendu que les femmes sont actives dans les petites et les moyennes entreprises. Elles ont un rôle de moteur économique, mais leurs capacités sont sous-utilisées. Il y a seulement 19,5 % des femmes dans les parlements nationaux. Nous sommes donc loin de l’équilibre hommes-femmes. Il faut donc examiner de plus près la législation, les politiques financières et le droit de la famille pour arrêter la discrimination envers les femmes et leur donner un meilleur accès à la terre, au crédit et à la succession.

Les mesures de nature juridique sont une première solution à adopter pour contrer la discrimination, mais nous devons aussi nous concentrer sur d’autres facteurs. Entre autres, il faut développer des mesures permettant d’obtenir l’égalité du statut et un accès à la technologie afin que les femmes aient plus de temps pour s’investir dans les activités sociales et politiques.

Il faut également augmenter la participation des femmes rurales en général. Pour ce faire, il faut inclure la perspective de l’égalité des sexes dans les politiques et améliorer les infrastructures afin de faciliter l’accès égalitaire des femmes et faire en sorte qu’elles ne soient plus marginalisées. Les femmes doivent prendre conscience de leurs droits et de leurs responsabilités en politique et croire qu’elles sont capables d’occuper des postes décisionnels.

2.    Les femmes rurales aujourd’hui

a)    Introduction

Les femmes constituent une force majeure pour l’entretien, le développement et la sauvegarde des zones rurales. Elles contribuent à la culture, et leur travail se doit d’être jugé important. La situation est toutefois difficile pour ces femmes, car elles sont discriminées dans l’exercice de leurs droits et deviennent ainsi vulnérables à la violence et à la traite humaine. Toutes les autorités doivent donc se conscientiser à leurs problèmes.

b)   Exposés

Mme Winnie Bianyima de l’Ouganda, directrice de l’équipe Genre du Bureau des politiques de développement au programme des Nations Unies pour le développement, politicienne et diplomate, a expliqué que les femmes sont souvent dépeintes comme étant un groupe vulnérable, mais elles ne le sont pas. On dit que 43 % des femmes font partie de la force de travail en agriculture et 50 % des femmes travaillent à la production de la nourriture mondialement. Malgré leur participation importante, elles font l’objet d’une discrimination constante, par exemple lorsqu’il est question de devenir propriétaire de la terre. Seulement de 10 à 20 % des femmes sont propriétaires de la terre. Pourtant, même si leur contribution est majeure dans la vie économique, elles pourraient participer plus grandement à la culture de la terre si elles avaient accès aux mêmes ressources que les hommes, comme les fertilisants, ce qui leur permettrait d’augmenter leurs cultures de 2,5 % jusqu’à 4 %.

L’autonomisation des femmes rurales nécessite plus qu’une implication économique. Il nous faut des institutions qui leur donnent du pouvoir. Il faut aussi s’assurer que les femmes sont représentées équitablement dans les domaines de gouvernance afin d’atteindre une pleine démocratie. Il faut une distribution équitable des pouvoirs économiques et politiques. Le Parlement devait tenir compte de ces facteurs et ouvrir ses portes aux organismes de femmes afin d’écouter ce qu’elles ont à dire. Il faut aussi considérer le point de vue des femmes quand vient le temps de faire des lois et d’établir des budgets.

Mme Lenita Freidenvall, chercheuse au Département de science politique à l’Université de Stockholm. Ses intérêts de recherche comprennent la représentation politique des femmes, des quotas par sexe, la sélection des candidats, les partis politiques, la citoyenneté et les mouvements de femmes.

Mme Freidenvall nous a présenté une vue d’ensemble de la représentation politique des femmes. Elle a mentionné que nous avons besoin de plus d’informations et de recherches sur la participation des femmes à la politique locale. Le rôle des femmes au Parlement s’est accru, mais il reste encore beaucoup à faire. Il y a des variations importantes selon les régions.

Afin d’augmenter la participation des femmes en politique, les bonnes pratiques à adopter sont les suivantes :

·         Règlements officiels, quotas prévus par la loi, comme des sièges réservés, quotas concernant les candidats;

·         Règles de parti : quotas, cibles, objectifs et officialisation des règles de sélection des candidats;

·         Renforcement des capacités : formation en communication et qualités de meneur, relations avec les médias pour lutter contre les stéréotypes, collecte de fonds, gestion de campagne et programmes de mentorat;

·         Règles égalitaires dans les assemblées élues : garderie, heures de séance réglementées, interdiction de siéger la nuit, caucus de femmes.

Mme Carmen Quintanilla Barba, Groupe du parti populaire européen, a présenté les femmes comme étant une force motrice au plan culturel et économique. Lorsqu’elles vivent en milieu rural, elles subissent aussi d’autres conditions difficiles comme le chômage, la pauvreté, le manque de moyens de transport et l’absence de services de base en santé et en éducation. Ces femmes n’ont donc pas la pleine jouissance de leurs droits et souffrent d’une discrimination constante. Ainsi, voit-on le milieu rural se dépeupler. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (l’Assemblée) a noté que la situation des femmes rurales révèle plusieurs préoccupations. Elles ne sont pas considérées dans les statistiques nationales; les perspectives d’emploi pour elles sont limitées tout comme l’accès au crédit et aux services sociaux et de santé. Elles n’ont pas facilement accès à la propriété ni à la succession.

Par conséquent, l’Assemblée a présenté plusieurs recommandations intéressantes aux états membres du conseil de l’Europe. Voici certaines d’entre elles :

·         concevoir des mesures juridiques et politiques visant spécifiquement à améliorer la situation des femmes en milieu rural et favorisant l’égalité des chances afin de créer des conditions afin que les femmes puissent demeurer dans les zones rurales;

·         veiller à adopter une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’élaboration de la mise en œuvre de toutes les politiques ayant une incidence sur la situation des femmes en milieu de travail;

·         impliquer les femmes en milieu rural dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et des décisions les concernant;

·         promouvoir une participation accrue des femmes en milieu rural dans la prise de décisions, encourager leur présence dans la vie politique locale et dans les organes directeurs des entreprises, des coopératives, des instances agricoles locales et des associations agricoles;

·         veiller à la bonne application du droit par les agents de la force publique et autres agents publics dans les zones rurales, notamment dans le domaine de la justice, du droit du travail et du droit pénal, afin d’imposer le respect de l’État de droit;

·         engager ou soutenir des actions de visibilité et des campagnes de sensibilisation ainsi que des services d’information pour apprendre aux femmes à connaître leurs droits;

·         établir des budgets en tenant compte de l’égalité entre les femmes et les hommes;

·         signer et ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

3.    Remédier aux discriminations dans les textes de loi

M. Jean-Claude Mignon, président de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a ouvert la séance de l’après-midi. Il a expliqué que la discrimination perdure aux quatre coins du monde; la condition des femmes en milieu rural est pire qu’ailleurs. Ces femmes ont des défis majeurs à relever : violation de leurs droits, vulnérabilité à la violence et taux de chômage à la hausse. Ces femmes sont vulnérables à la traite des humains. Elles n’ont pas de revenu indépendant, car elles travaillent dans des entreprises familiales. Leur condition est grave et, par conséquent, on remarque un exode croissant des jeunes de la campagne vers la ville en raison des conditions difficiles. On considère que les droits des femmes sont acquis alors qu’il reste tellement à faire.

Mme Gaynel Curry, conseillère pour l’égalité des sexes et le droit des femmes, Haut Commissaire aux droits de l’homme, a poursuivi l’exposé. Quand il est question de terres, les femmes rencontrent beaucoup de difficultés, non seulement pour en devenir propriétaires, mais aussi pour en exploiter les ressources. Les femmes détiennent un faible pourcentage des terres dans le monde. Les experts en droits de la personne prétendent que ce faible pourcentage est souvent dû au fait que les femmes héritent rarement de terres et qu’on leur refuse d’autres droits fondamentaux. La situation est encore plus grave pour les femmes qui vivent dans la pauvreté, en milieu rural, celles qui font partie de minorités et les femmes âgées.

Selon les experts en droits de la personne, les droits des femmes devraient être intégrés dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de lutte contre la pauvreté, des stratégies de développement durable et des programmes de réforme des terres. Il faut donc adopter une approche axée sur les droits de la personne.

Une approche axée sur les droits de la personne est définie comme étant :

[…] un cadre conceptuel pour le processus de développement de la personne fondé sur des normes internationales de droits de la personne. Il analyse les iniquités qui sont au cœur des problèmes de développement et corrige les pratiques discriminatoires et la répartition injuste des pouvoirs qui nuisent au développement.

Pour pouvoir appliquer cette approche axée sur les droits de la personne, il faut appliquer les principes suivants et les intégrer dans les politiques, les programmes et les projets liés aux femmes et aux terres.

a)    Égalité et non-discrimination

Tous les êtres humains ont le droit de ne pas être victimes de discrimination.

Il faut qu’il y ait une égalité formelle et réelle. L’égalité formelle nécessite la réforme des lois et des politiques qui contiennent des dispositions discriminatoires. L’égalité réelle porte sur les effets des lois, politiques et pratiques et fait en sorte que celles-ci redressent, les désavantages que subissent certains groupes, comme les femmes, au lieu de les maintenir.

b)   Participation

Les femmes sont exclues des processus de prise de décisions concernant la distribution des terres. Elles devraient pourtant bénéficier des mêmes droits que les hommes dans ce domaine.

c)    Responsabilité et primauté du droit

Les États et autres acteurs assujettis à des obligations doivent rendre des comptes sur le respect des droits de la personne. Les personnes lésées dans leurs droits devraient pouvoir intenter des poursuites afin de faire corriger la situation. Les États devraient être également responsables de protéger les femmes contre la violation de leurs droits par les acteurs non étatiques, comme la famille et les membres de la collectivité.

Bref, il faut tenir compte des droits des femmes dans les lois, politiques et programmes liés aux terres.

Professeure L. P. Freedman, directrice, Averting Maternal Death and Disability Program (Éviter les décès et les invalidités maternelles), de l’Université Columbia, a également parlé. Il existe un consensus sur le principe qui sous-tend l’aide internationale destinée aux femmes en milieu rural. La question est de savoir où se situe le problème exactement? Certaines interventions cliniques de base devraient être accessibles dans le système de soins de première ligne. Il faut des services de santé disponibles, accessibles et abordables. Le plus gros défi demeure l’énorme fossé entre ce que nous savons et ce que nous faisons; entre ce qui est signalé et ce que les femmes vivent réellement. Elles ont droit à un système complètement dysfonctionnel.

Professeure Freedman a parlé de certains problèmes en particulier :

Les soins sont inéquitables et abusifs. La Health Bank qualifie le tout de « corruption silencieuse ». On signale un taux élevé d’absentéisme. Les travailleurs de la santé ne sont pas là où ils devraient être. De plus, il y a un immense manque de respect envers les femmes lors des accouchements.

Pour remédier à ces problèmes, il faudrait revoir le pouvoir des fournisseurs de soins de première ligne. Il ne suffit pas de corriger les politiques. Il faut examiner le fonctionnement même du système. Le droit d’exiger un système de soins de santé efficace fait partie de l’essence même de l’établissement d’une institution sociale solide ou d’une société très démocratique. Les parlementaires ont la possibilité de régler des problèmes au lieu de maintenir le statu quo. Les services de première ligne qui accueillent les femmes ont des comptes à rendre.

Professeure Freedman a conclu son exposé avec trois leçons et une vérité crue :

1.    La reddition de comptes des services de première ligne nécessite : une reddition de comptes ascendante et descendante. Il faut de bonnes politiques. Les femmes en milieu rural devraient pouvoir compter sur la reddition de comptes ascendante.

2.    Les problèmes des femmes en milieu rural ne peuvent se régler par de meilleures pratiques imposées de l’extérieur. La solution doit venir du milieu.

3.    Le droit à l’information est la clé de la dynamique de la reddition de comptes. Il faut aussi de la transparence pour savoir ce qui se passe exactement.

4.    La vérité crue a été expliquée par le fait que personne n’abandonne le pouvoir ni ne le remet en question facilement. Il faut pourtant prendre un tel engagement; il faut risquer la vulnérabilité, prendre le risque inhérent à la réorganisation des pouvoirs nécessaire à la mise en œuvre de changements.

 

Respectueusement soumis,

 

L’honorable Salma Ataullahjan, sénatrice
Présidente, Groupe canadien de l’UIP


 

Haut de page