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Rapport

La sénatrice Mobina Jaffer et Mme Pat Davidson, députée, ont représenté la Section canadienne de l’Association parlementaire du Commonwealth à la Conférence parlementaire internationale sur la consolidation de la paix MP : prendre en compte la fragilité des États (ci-après appelée « la Conférence ».)

La Conférence s’est déroulée du 31 janvier au 6 février, les séances se tenant dans les Chambres du Parlement à Londres, au Royaume-Uni, pour ce qui est des quatre premiers jours, tandis que l’Assemblée d’Irlande du Nord a accueilli les réunions des deux derniers jours à Belfast, en Irlande. Les séances en Irlande du Nord se sont tenues dans l’édifice Stormont.

La Conférence a réuni 83 parlementaires de 37 parlements et assemblées délibérantes de pays membres et non-membres du Commonwealth.

Le but de la Conférence était de renforcer le rôle des parlementaires dans la promotion d’une paix, d’une sécurité et d’un développement durables dans le monde entier, un accent particulier étant placé sur les États-nations fragiles.

L’objectif de la Conférence était de veiller à ce que les parlementaires délégués soient mis au défi de :

-          Obliger les dirigeants à rendre des comptes quant à leurs stratégies visant à prendre en compte la fragilité des États et à rétablir les fonctions de base de l’État (sécurité, primauté du droit et gestion économique)

-          Négocier une justice de transition sans compromettre une paix fragile

-          Établir d’étroites relations entre les citoyens et l’État en vue de la médiation non violente des différends et d’une plus grande transparence politique et reddition de comptes, particulièrement au moyen de la concertation avec la société civile et les médias

-          Faire appel aux principes et instruments des droits de la personne pour soutenir les initiatives de consolidation de la paix au moyen du réseautage parlementaire et de la formation d’alliances par-delà les clivages politiques et aux échelons local, national, régional et international.

Sujets et thèmes de la Conférence :

Les sujets et les thèmes étudiés à la Conférence étaient les suivants :

1.    Les stratégies transfrontalières de consolidation de la paix

2.    La revitalisation des économies et de la sécurité humaine

3.    L’amélioration de l’accès à la justice

4.    La reconstruction des relations entre le citoyen et l’État

5.    La façon d’avancer


 

Portée :

On définit la consolidation de la paix comme étant le fait de surmonter les causes profondes des conflits violents, le renforcement des liens entre des groupes les uns envers les autres et la reconstruction de la société dans le but de parvenir à une sécurité de longue durée au moyen de la paix, de la démocratie et du développement. La consolidation de la paix va au-delà de la reconstruction des infrastructures; elle comporte le rétablissement des institutions et des mécanismes qui sous-tendent une société qui fonctionne : une société où la gestion de besoins et d’intérêts concurrents se fait par la négociation et la formation de consensus plutôt que par le recours à la violence.

Figurent parmi les activités de consolidation de la paix les plus courantes :

-          Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) des soldats

-          La réinsertion des personnes déplacées dans leur propre pays, des pays et des autres personnes touchées par le conflit

-          Le déminage et l’enlèvement des autres débris de guerre

-          La gestion de la distribution des secours d’urgence et la reconstruction des infrastructures

-          La réforme du secteur de la sécurité et de la justice

-          Le développement économique

-          La réconciliation et la justice de transition

-          Le soutien du développement de médias et d’une société civile actifs et dynamiques

Les pays développés et en développement ont un important rôle à jouer afin d’assurer la protection du caractère intrinsèque des droits de la personne, de la justice et de la sécurité économique lorsqu’ils ont affaire à des États-nations fragiles.

À la Conférence, la portée des discussions a englobé une large gamme de questions touchant les États fragiles et les moyens par lesquels les délégués présents pourraient élaborer des stratégies afin de gérer efficacement ces problématiques.

Les pays représentés se répartissaient en trois catégories au moment de leur participation à la Conférence :

1.    Pays actuellement en conflit

2.    Pays prodiguant une aide

3.    Pays qui ont récemment été en conflit

Perspectives :

Pendant la durée totale de la Conférence, diverses perspectives ont été examinées, et notamment les suivantes :

-          Les causes de la fragilité

-          Les moteurs des changements violents et non violents

-          Éviter de retomber dans un conflit violent

-          Les secteurs stratégiques à mettre en priorité dans les périodes d’après-conflit

-          L’engagement international

-          Les défis à la reconstruction de l’économie et de la société après un conflit

-          La réduction de la dépendance à l’égard de l’aide étrangère

-          Le développement de l’entrepreneuriat local

-          Le rétablissement de la primauté du droit pour tirer les dividendes de la paix

-          La négociation de la justice et de la réconciliation

-          La violence fondée sur le sexe, conformément aux dispositions des résolutions 1325*, 1880* et 1889*

-          Le renforcement de l’obligation de rendre des comptes

-          La reconstruction de la confiance de la population

L’expérience de l’Irlande du Nord

Dans le cadre de la Conférence, les délégués ont été conduits à Belfast, en Irlande du Nord, et ils ont vu observer de première main les éléments suivants :

1.    La destruction de communautés au cours de conflit

2.    Les longues répercussions sur la confiance d’une communauté qui a vécu un conflit comme celui qui s’est produit en Irlande du Nord

3.    Le processus progressif de la négociation en vue de la paix dans une atmosphère de conflit

Conclusions :

Trois questions ont été cernées : la violence, le conflit et la paix. Certaines politiques interagissent avec le conflit, alors que d’autres le causent. D’autres politiques permettent de régler des conflits.

Pour être efficace, un processus de paix doit impliquer tous les groupes. Il est important de faire participer les groupes marginalisés dans la période de reconstruction d’après le conflit. 

La pauvreté a été identifiée comme étant un des grands déterminants des conflits dans les États fragiles. Il faut mettre en place des stratégies à long terme pour traiter les questions qui se posent aux États fragiles en période d’après-conflit.

Il a été déterminé, à la Conférence, que les parlementaires ont bien un important rôle à jouer dans la remise sur pied des États fragiles. Les parlementaires décident des lois à adopter tout en assurant une représentation et une surveillance, en plus d’exercer un contrôle direct sur les responsables de la budgétisation et de la fiscalité.

Communiqué :

1.    Nous, 83 parlementaires de 87 Parlements et Assemblées délibérantes[1] de pays membres et non-membres du Commonwealth, nous sommes rencontrés aux Chambres du Parlement à Londres et à l’Assemblée d’Irlande du Nord, du 31 janvier au 6 février 210 pour participer à la Conférence parlementaire internationale sur la consolidation de la paix : prendre en compte la fragilité des États. Notre but, lorsque nous nous sommes livrés à cette occasion de mener un dialogue et une diplomatie guidés par des experts était de mettre en relief le rôle central que les parlementaires et les institutions parlementaires jouent dans la consolidation de la paix; de démontrer notre engagement envers la consolidation de la paix et de mettre en commun nos expériences respectives, de renforcer nos capacités de parlementaires de soutenir une paix, une sécurité, des droits de la personne et un développement durable sur notre territoire et à l’échelle internationale.

2.    Nous prenons note des engagements internationaux précédents de protéger les civils dans les conflits[2] et de reconnaître qu’une consolidation de la paix urgente, déterminée et durable est nécessaire pour sauver des vies et prendre en compte la fragilité des États; 40 p. 100 des États touchés par des conflits rechutent dans un conflit violent dans un délai de 10 ans après l’instauration de la paix.

3.    Nous soutenons que les parlements et les parlementaires devraient être impliqués à toutes les étapes de la prévention et du règlement des conflits – ils ont un rôle unique et crucial à jouer pour cerner, prévenir et s’attaquer aux causes profondes des conflits et pour promouvoir une consolidation de la paix durable. En leur qualité d’instances chargées de représenter, de négocier et de dégager un consensus sur les divers besoins, intérêts et valeurs des divers groupes, les parlements promeuvent également la confiance de la population dans des processus de changement politiques plutôt que violents.

4.    Nous reconnaissons et affirmons que dans notre monde interdépendant, les moteurs et les effets de conflits violents persistants ne respectent pas les frontières nationales. Nous appelons à un renforcement de la coopération et de la coordination nationale, régionale et internationale afin de mieux gérer et soutenir la consolidation de la paix.

5.    Nous saluons les initiatives qui facilitent une consolidation de la paix mieux coordonnée et mieux intégrées à l’échelle nationale, comme la résolution de l’’Assemblée générale de l’ONU au Sommet de 2005 qui a établi la Commission de la consolidation de la paix; le Forum de haut niveau de 2008 sur l’efficacité de l’aide à Accra, qui a lancé le dialogue international sur la reconstruction de la paix et le renforcement de l’État. Et les nombreuses initiatives régionales œuvrant en faveur d’une consolidation de la paix plus concertée et plus efficace.

6.    Nous saluons particulièrement les initiatives de consolidation de la paix aux échelles régionale et internationale qui font intervenir des parlementaires; nous observons qu’elles sont cruciales au renforcement de la voix des parlementaires face à leurs pouvoirs exécutifs respectifs, et que les initiatives inclusives sont rares; il faut faire beaucoup plus pour faire en sore que les parlementaires puissent jouer pleinement leur rôle dans la consolidation de la paix.

7.    En notre qualité de représentants de 37 parlements et assemblées délibérantes, nous exhortons vigoureusement nos pouvoirs exécutifs à :

a.    Prioriser et doter des ressources voulues le renforcement des parlements, des pouvoirs judiciaires, de la société civile et des médias indépendants pour accroître la légitimité des États et la confiance des populations dans des processus de changement non violents.

b.    Informer et dégager des consensus parmi les parlementaires  au sujet d’accords internationaux/traités, avant de les signes, dans la mesure du possible.

c.    Transposer les engagements internationaux dans le droit national avec un soutien politique et matériel soutenu pour leur mise en œuvre.

d.    Participer à des initiatives internationales, régionales et nationales pour que la consolidation de la paix soit mieux coordonnées, inclusive et intégrée.

e.    Prioriser le rétablissement des fonctions de base de l’État au cœur d’une consolidation de la paix durable : la sécurité, la primauté du droit, la gestion des recettes, les services publics et la promotion de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté.

f.     Veiller à ce que des mécanismes de mise en place de la reddition de comptes des secteurs de la sécurité et des services policiers soient en place dans le cadre des réformes d’après-conflits à l’intérieur des stratégies de consolidation de la paix.

g.    Mettre en œuvre les résolutions 1325, 1820, 1888 du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité, dans le cadre de stratégies plus larges vivant à cerner et à satisfaire les besoins et les intérêts des groupes marginalisés (les personnes âgées, les handicapés, les femmes, les jeunes, les enfants et les minorités).

h.    Faire participer les groupes armés à la consolidation de la paix pour traiter les griefs, endiguer l’activité de déstabilisation, soutenir la réinsertion dans la société et éviter un retour à un conflit violent.

i.      Inclure des femmes dans les organismes décisionnels qui s’occupent de consolidation de la paix.

j.      Assurer la présence de dispositions prévoyant des expériences sexospécifiques du conflit – la violence contre les femmes et les hommes, et un meilleur accès aux éléments d’actif productifs, la santé et l’éducation pour les femmes.

k.    Exercer une justice de transition et des réformes judiciaires dans le cadre de la consolidation de la paix à long terme.

l.      Mettre en place des systèmes de surveillance de l’aide étrangère et gérer les ressources externes qui renforcent au lieu de saper la démocratie et une organisation de l’État qui soit efficace et responsable.

m.  Établir une charte des médias et des télécommunications internationaux et du Commonwealth pour appuyer une consolidation de la paix inclusive.

8. Nous, parlementaires, nous engageons à prendre appui sur cette conférence parlementaire internationale en :

a.    Établissant et en rehaussant la solidarité entre parlementaires (alliances et réseaux par-delà les clivages des partis aux échelles locale, nationale, régionale et internationale) pour renforcer le rôle des parlements dans la consolidation de la paix et mettre en commun les expériences et les leçons apprises.

b.    En promouvant en pratiquant une vie politique qui appelle aux diverses forces comme étant des citoyens indépendamment des identités ethniques, culturelles, régionales et religieuses, et en défiant ceux qui promeuvent des une politique identitaire qui menace les droits et la sécurité des minorités et des groupes marginalisés.

c.    Amorçant et soutenant un examen constructif des stratégies de consolidation de la paix et leur mise en œuvre de manière à faire en sorte qu’elles représentent les besoins et les intérêts de toute la société (y compris des groupes marginalisés) et soient bien coordonnées et intégrées.

d.    Demander des comptes à nos pouvoirs exécutifs quant à la mise en œuvre des traités et accords internationaux, y compris les résolutions 1325, 1820 et 1888 de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité.

e.    Renforcer les relations entre le citoyen et l’État par l’encouragement et le soutien d’une société civile et de médias indépendants dynamiques et actifs.

f.     Rehausser la sensibilisation et tenir des débats publics sur les stratégies de consolidation de la paix dans le cadre de la promotion d’une citoyenneté active et d’une plus grande reddition de comptes et de la confiance dans les systèmes politiques et judiciaires.

Respectueusement soumis,

M. Russ Hiebert, député, président
Section canadienne
de l’Association parlementaire du Commonwealth (APC) au nom de la sénatrice Mobina Jaffer et de Mme Pat Davidson, députée

 



[1] Assemblée législative de l’Afrique de l’Est, Autriche, Bangladesh, Cameroun, Canada, El Salvador, Ghana, Guinée-Bissau, Inde, Kenya, Kosovo, Lesotho, Malawi, Malaisie, Maldives, Malte, Maurice, Namibie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Pakistan (national et provincial), Pérou, Portugal, Royaume-Uni (Assemblée législative de l’Irlande du Nord, Rwanda, Seychelles, Somaliland, Soudan, Sri Lanka, Swaziland, Tanzanie, Zambie.

[2] Articulés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Les Conventions de Genève, la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU au Sommet mondial de 2005 et les résolutions  1325, 1820, 1882, 1888 et 1889.

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