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Rapport

 

Du 9 au 12 mai, une délégation de la Commission des sciences et des technologies (STC) de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (AP-OTAN) s’est rendue en Allemagne, à l'invitation du Chef de la délégation allemande et président de l'AP-OTAN, Karl A. Lamers. Cette délégation était composée de parlementaires de pays d'Europe et d'Amérique du Nord, membres de l'OTAN, ainsi que d'un membre de la délégation suédoise auprès de l'AP-OTAN. Le Sénateur Pierre Claude Nolin a représenté le Canada.

 Lors de rencontres dans les environs de Berlin et de Munich avec des cadres du gouvernement et des forces armées de l’Allemagne, de même qu'avec des experts d’un groupe de réflexion faisant autorité et des représentants d'entreprises privées, la délégation s'est penchée sur les menaces biologiques et chimiques pour la sécurité euro-atlantique et mondiale. Elle s'est intéressée à la dimension militaro-technologique de la mission de l'OTAN en Afghanistan et, en particulier, aux engins explosifs improvisés et aux systèmes militaires sans pilote, ainsi qu'à la sécurité sanitaire des produits alimentaires et de l'eau - toutes questions traitées dans les rapports de la commission en 2011.

La délégation a également suivi un exposé d'un représentant du ministère fédéral de l'Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité nucléaire sur le thème du réexamen de la politique énergétique allemande à la suite des incidents nucléaires qui se sont produits à la centrale de Fukushima Dai-Ichi, provoqués par la double catastrophe- tremblement de terre suivi de tsunami – qui a frappé le Japon le 11 mars 2011.

La délégation a en outre été informée des défis - et des efforts pour y répondre - en matière de changement climatique, de sécurité énergétique en Europe et d’utilisation d'armes de destruction massive par des terroristes, ainsi que des progrès des sciences et technologies de pointe susceptibles d'avoir un impact sur le futur environnement sécuritaire, avec comme exemple l'innovation révolutionnaire que représentent les transporteurs artificiels d’oxygène pour substituts sanguins. Les délégués ont également visité une usine de véhicules aériens sans pilote (UAV), de même que le site allemand de production de l'Avion multi rôle européen (Eurofighter) et de modernisation des avions-radar du système aéroporté d'alerte et de contrôle de l’OTAN (AWACS). Pour finir, profitant de sa présence sur place, la délégation de l’AP-OTAN a visité l'Ecole de l'OTAN à Oberammergau, qui assure la formation de cadres militaires et civils de pays de l’OTAN et de pays partenaires ainsi que d'organisations internationales en vue du soutien aux opérations de l'OTAN.

Séance inaugurale au Bundestag de la République fédérale d’allemagne

Inaugurant la visite au Bundestag, chambre basse du Parlement de la République fédérale d'Allemagne, Karl A. Lamers a souhaité la bienvenue à la Commission des sciences et des technologies dans les régions de Berlin et de Munich, lesquelles, outre leur proximité des centres de gravité politiques du pays, se distinguent par l'innovation technologique. Après s’être félicité de l'attention constante prodiguée par la commission aux questions d’importance critique pour l'Alliance telles que la sécurité énergétique, les changements climatiques, la non-prolifération des armes de destruction massive, la cybersécurité, la défense antimissiles et l'Afghanistan, il a fait observer que les nouveaux développements qui ont jusqu’ici marqué l'année 2011, comme les révoltes populaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les opérations en Libye, la mort d’Osama Ben Laden et les accidents nucléaires au Japon, méritent eux aussi l'attention de la commission.

Berthold Goerke, chef de la direction des énergies renouvelables au ministère fédéral de l'Environnement, de la Conservation de la Nature et de la Sécurité nucléaire, a présenté à la délégation un exposé sur l’impact considérable qu’ont eu les incidents survenus à la centrale nucléaire de Fukushima sur le débat public en Allemagne concernant l'énergie nucléaire. Les instances gouvernementales allemandes n’en sont pas à leurs premiers pas en matière de politique énergétique : en effet, le "Concept énergétique 2050" adopté en 2010 constitue déjà un acquis solide et reste, en grande partie, une base saine pour la sécurité énergétique à long terme. Dans le cadre du "Concept énergétique 2050", la durée d'exploitation des réacteurs nucléaires de l'Allemagne a été prolongée, afin de faciliter la transition vers un avenir basé sur l'énergie renouvelable. Cette décision, aujourd'hui à l'examen, sera probablement modifiée. Il reste toutefois, quelle que soit la décision finale, que d’ici 2050 l'Allemagne vise à réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre, à porter de 80 % à 95 % la part des énergies renouvelables dans la corbeille énergétique et à abaisser de 50 % la consommation d'énergie primaire.

A cette fin, six stratégies ont été énoncées :

·         accélérer la transformation en marché de masse du marché de l'énergie renouvelable, encore marginal ;

·         améliorer les réseaux de distribution et d'entreposage de l'énergie ;

·         améliorer régulièrement l'efficacité énergétique ;

·         construire des centrales de production d'énergie offrant une plus grande souplesse d'exploitation ;

·         recentrer et mieux financer la recherche et le développement en matière énergétique ;

·         amorcer un processus d’adaptation aussi large que possible pour convaincre l’opinion publique.

Les délégués ont noté avec un intérêt particulier l’acceptation par les citoyens allemands de la perspective d'un avenir sans énergie nucléaire (ce qui entrainerait des coûts plus élevés en matière d’énergie au moins à court et moyen terme), des sources d'énergie alternatives au nucléaire et du potentiel d'économies d'énergie concrètes. Selon M. Goerke, une sortie accélérée du nucléaire ne manquerait pas d’engendrer des coûts, mais les prix pourront être maintenus dans des limites raisonnables. Quelle que soit la stratégie adoptée, un rôle pivot reviendrait aux centrales thermiques à gaz et aux centrales à charbon modernes, tout en laissant une large place à l'exploitation de la biomasse et de l'énergie photovoltaïque. Enfin, il est possible de réaliser des économies d'énergie à grande échelle dans tous les secteurs.

La délégation de la STC a ensuite écouté un exposé de Roland Grafe, chef de la division pour la Convention sur les armes biologiques (BWC) et la Convention sur les armes chimiques (CWC) au ministère des Affaires étrangères de l'Allemagne fédérale. Après avoir donné une description générale des mesures d’encadrement mises en place à l'échelle internationale et indiqué les priorités de l'Allemagne en matière de menaces biologiques et chimiques, M. Grafe a exprimé la satisfaction de son pays à l'égard de la CWC et de son organe exécutif, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Il a loué l'efficacité de la CWC, citant à l'appui les quelque 230 inspections de laboratoires chimiques effectuées en Allemagne, tout en se disant néanmoins préoccupé par le fait que plusieurs Etats du Moyen-Orient n'avaient pas ratifié ni même signé la CWC. Quant à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines (CABT), son optimisme était mitigé, s’agissant d’un instrument nettement moins fiable car dépourvu d'un organe exécutif approprié et dont les mesures de vérification manquent de rigueur. Il a noté, au passage, que l'adoption de régimes de vérification stricts est de plus en plus difficile - et, en fait, peu probable. Il espère néanmoins que des mesures renforcées de confiance et de conformité aux dispositions seront adoptées au mois de décembre, lors de la prochaine conférence d'examen de la CAB. Il a souligné que le secteur de la bioindustrie doit également assumer une responsabilité accrue en acceptant notamment de façon plus large les codes de conduite. Interrogé sur la situation en matière de défense biologique, il a souligné l'écart important qui existe entre les Etats‑Unis et le reste du monde : alors que, chaque année, les Etats-Unis consacrent entre 6 et 7 milliards de dollars à la défense biologique - soit les deux tiers de la dépense mondiale -, le budget de l'Allemagne dans ce domaine, donné à titre d'exemple, n’est que de 30 à 35 millions d'euros.

Le Colonel Jans-Jürgen Marschall, chef du département de lutte contre les engins explosifs improvisés (IED) au Commandement opérationnel des forces de défenses fédérales de l’Allemagne, a brossé un panorama détaillé de la menace que représentent les IED en Afghanistan. Ce faisant, il a décrit les dernières évolutions au Commandement régional Nord où se trouve concentrée la majeure partie du contingent allemand, et brossé une perspective allemande sur la suite des événements. Il s’est déclaré sceptique quant au recours à des technologies de plus en plus sophistiquées pour contrer les IED, car ces technologies ont du mal à tenir la cadence des innovations tactiques des IED. A son avis, la lutte contre les IED repose à 60 % sur une bonne formation des soldats, à 30 % sur la technologie et à 10 % sur la chance ; ce qui est donc crucial, c’est l’"intuition" du soldat – et celle-ci ne peut résulter que d’un entraînement de première qualité. A la question de savoir si la FIAS était sur la bonne voie, il a répondu qu’elle l’était selon lui - par exemple dans le domaine de la protection des troupes - ajoutant qu’il fallait toutefois se garder de trop s’en remettre à la technologie : à titre d’illustration, le taux de succès des UAV pour la détection des IED n’est que de 1 %, et il convient plutôt de veiller à améliorer la communication et les échanges d’informations. Enfin, sur la question de savoir si la lutte contre les IED constituait une bonne plate-forme de coopération entre l’Union européenne (UE) et l’OTAN, il a répondu que certaines initiatives de l’UE dans ce domaine semblaient faire double emploi avec d’autres, déjà mises en place dans plusieurs pays de l’OTAN.


 

L’incidence des changements climatiques et les solutions envisageables

Afin d'approfondir encore sa compréhension du phénomène des changements climatiques, de son incidence et des solutions envisageables, la commission s'est rendue à l'Institut pour les études avancées en matière de durabilité (IASS), situé à Potsdam. Le secrétaire général de l’IASS, Mario Tobias, décrivant le travail de l’Institut, a souligné que la mission de celui-ci consiste à établir un lien actif entre les chercheurs de haut vol de l'IASS et le monde politique, les organisations non gouvernementales et, tout aussi important, un public élargi. Les activités de l'IASS sont axées sur cinq domaines centraux : la stabilité climatique, la sécurité énergétique, l'emploi rationnel des ressources, les questions de croissance économique vues sous l'angle de l'écologie et de la compatibilité sociale, et enfin l'évolution parallèle des secteurs rural et urbain.

Carlo Rubbia, directeur scientifique du groupe E3 (Module Terre, Energie et Environnement) et prix Nobel de physique pour l'année 84, a présenté les travaux de son unité de recherche, qu'il considère comme une pépinière d'idées orientées vers le développement durable. M. Rubbia a soutenu que l'avenir de l'humanité dépend de la rapidité avec laquelle le monde saura affronter le défi environnemental. Bien qu'il s'agisse d'un défi considérable, il s'est déclaré d'avis que la science avait déjà sauvé l'humanité et qu'elle pourrait le faire à nouveau. Il a concentré son propos sur deux idées novatrices, particulièrement précieuses à ses yeux : en premier lieu, les clathrates hydrates, qui pourraient devenir une source majeure d'énergie : ces solides à base hydrique - également appelés "glaces qui brûlent" - que l'on trouve en abondance dans de nombreuses régions du monde, renferment d'énormes quantités de gaz méthane : cependant, il reste à trouver une méthode d'extraction peu coûteuse ; en deuxième lieu, le refroidissement cryogénique, méthode qui permet de réduire les fuites d'énergie et pourrait, de la sorte, révolutionner le transport d'énergie électrique sur de longues distances.

Klaus Lorenz, maître de recherche à l'IASS, a présenté un exposé sur l'utilisation durable du sol, mettant en relief les importants services d'écosystèmes rendus par ce dernier. Il est toutefois une difficulté cruciale : le sol met très longtemps à se reconstituer, alors qu'il peut être détruit beaucoup plus vite par le mauvais usage qu’en font les humains - avec des conséquences importantes. A titre d'exemple, les 30 cm de couche supérieure du sol contiennent autant de gaz carbonique que toute l'atmosphère de la Terre. S'il est vrai que, dans le monde en développement, les utilisations non durables du sol sont monnaie courante, en Europe également le sol est souvent utilisé d'une manière qui n'en préserve pas la qualité. A titre d'exemple, le régime actuel de subventions de l'UE encourage la surexploitation du sol, ce qui entraîne une érosion inutile. Parallèlement, l'urbanisation croissante et l’expansion urbaine menacent aussi le sol européen. Le conférencier a suggéré un éventail de remèdes possibles, tels que la couverture permanente du sol par un paillage ou l'utilisation d'amendements pour sol comme le biochar, afin d'en améliorer la qualité.

Mark G. Lawrence, de l'Institut de chimie Max Planck et maître de recherche à l'IASS, s’est concentré sur le domaine émergent de recherche que représente le génie climatique. Alors qu'une bonne partie de l'humanité est à la recherche de solutions pour endiguer les changements climatiques anthropiques, une petite communauté de scientifiques dont le nombre va croissant essaye d'affronter la perspective d'une planète où l’on ne serait pas parvenu à réduire suffisamment la quantité de gaz carbonique (CO2) en présence dans l'atmosphère. Ces scientifiques s'efforcent par conséquent d'atténuer les effets de l'accroissement du CO2 dans l’atmosphère. Leur imagination est aux prises avec deux notions fondamentales en particulier : capter le gaz carbonique présent dans l'atmosphère, ou réduire la quantité de rayonnement solaire atteignant la Terre. L'une des options consiste à cultiver le plancton - capteur de CO2 - dans des secteurs océaniques où il est généralement rare, en mettant en œuvre un processus appelé la "fertilisation" des océans par le fer. Cette méthode, qui pourrait être peu coûteuse, présente toutefois un grand nombre de risques liés aux effets secondaires éventuels d’une manipulation des écosystèmes marins. D'autres scientifiques se sont, quant à eux, concentrés sur l’émission d'aérosols dans l'atmosphère afin d'augmenter la quantité de rayonnement solaire reflétée en direction de l'espace, ce qui aurait pour effet de refroidir la Terre. Dans le même ordre d'idées, l’installation d’un miroir géant ou d’une grande quantité de réflecteurs entre le Soleil et la Terre a gagné un certain droit de cité, même si son coût pourrait être prohibitif. Il convient de poursuivre les recherches en matière de génie climatique afin de se prémunir contre les scénarios aux effets potentiellement catastrophiques. En outre, M. Lawrence a attiré l'attention sur le besoin de renforcer la réglementation internationale, encore en voie de constitution, étant donné que l’on risque de voir des Etats se servir du génie climatique comme d'une arme à l'échelon local.

L'innovation scientifique et technologique en Allemagne : le parc technologique d’Adlershof

La dernière étape de la visite à Berlin s'est déroulée au Parc technologique d’Adlershof, où se regroupent plus de 850 sociétés, établissements de recherche-développement et instituts universitaires. Accueillis par Peter Strunk, responsable de la communication de WISTA, l'entreprise en charge de la gestion du parc technologique, les délégués ont suivi l'histoire d’Adlershof, émanation de l'Académie des sciences de l'Allemagne de l'Est qui, après la réunification, est devenu le parc scientifique et technologique le plus important du pays. Le parc a comme point fort le développement durable avec notamment la photonique, l'optique, les micro-systèmes et les micro-matériaux ainsi que l'énergie photovoltaïque, et il tire son dynamisme des synergies créées par la concentration de sociétés de technologie de pointe.

Ullrich Panne, de l'Agence fédérale pour la recherche et les tests sur les matériaux (BAM), organisme principal des mesures analytiques en Allemagne, a expliqué aux membres de la commission que l’Agence avait considérablement bénéficié du contexte offert par le parc technologique, étant donné que les méthodes analytiques employées à l'avenir pour résoudre les problèmes ne peuvent être enseignées ou apprises qu’au moyen d'une approche interdisciplinaire et intégrative. Les sciences analytiques revêtent une importance non seulement dans la vie quotidienne, mais également aux échelons élevés de la politique : ainsi, le BAM a pour mandat de veiller sur l’aspect sécuritaire des produits chimiques et de la technologie. Par ailleurs, la science des changements climatiques ne pourrait exister sans le recours à des mesures précises. Dans le passé, l'agence s'était également vue demander d'arbitrer des différends entre des pays européens sur la façon de mesurer les transferts de gaz naturel. Parmi les autres domaines clés de recherche incombant aux sciences analytiques, il convient de mentionner la spectroscopie sur plasma induit par laser, utilisée pour la détection à distance et les missions spatiales, de même que la détection d'explosifs utilisés pour les IED tels que le triacétone tripéroxyde (TATP).

Hans Bäumler, de CC-Ery GmbH, société nouvellement établie à Berlin, a décrit la technologie utilisée par sa société dans la fabrication des transporteurs artificiels d'oxygène pour substituts sanguins. Il a expliqué que pour répondre au besoin croissant de globules rouges nécessaires à des opérations chirurgicales importantes, en cas d'accident ou lors du traitement de victimes de conflits par exemple, la société CC-Ery a développé une plate-forme technologique pour la fabrication de microparticules d'hémoglobine destinées au remplacement sanguin. Alors que les tentatives d'autres laboratoires pour fabriquer ce genre de transporteurs se sont heurtées à des difficultés, la société CC-Ery pense que sa technologie peut aboutir. En effet, ces microparticules d'hémoglobine se prêtent à la fabrication sur grande échelle et à faible coût, et elles présentent une bonne stabilité physique et chimique sur une période prolongée. En fait, cette technologie pourrait également être utilisée pour les échanges de gaz qui se produisent dans les équipements sous-marins et de plongée autonome. Les questions posées par les délégués ont été axées sur les modalités de mise en production de masse de ces microparticules.

Enfin, Dirk Oberschmidt, de l'Institut Fraunhofer pour les systèmes de production et la technologie du design, a présenté un aperçu général des technologies de fabrication de haute précision mises en œuvre par l’institut. Son service, qui couvre plus de 70 domaines de mise à l’essai et dispose à cette fin d'un budget de 28,3 millions d'euros, est spécialisé dans l'ingénierie de microproduction, c'est-à-dire la production présentant au moins un élément de géométrie fonctionnelle de dimension ou exigeant une précision inférieure à 10 µm. L'Institut Fraunhofer travaille donc sur des instruments ou sur des pièces de machines de dimensions réduites et de précision extrême dans de nombreux secteurs industriels, y compris celui de la défense, tout en conservant un volet de recherche fondamentale. Deux des initiatives concrètes de l’institut méritent d'être citées : la production des nouvelles cartes d'identité allemandes et le projet de reconstitution de documents gouvernementaux détruits lors du récent soulèvement en Egypte.

La visite a l’école de l’OTAN d’Oberammergau

Les membres de la STC ont eu l’opportunité de se rendre à l'Ecole de l'OTAN d'Oberammergau, seconde visite d'une délégation de l'AP-OTAN. Ils y ont été chaleureusement accueillis par son commandant, le Colonel Mark D. Baines. Institution cruciale de l'Alliance, l'Ecole de l'OTAN dispense une formation ainsi qu’un entraînement individualisé à l'appui des opérations en cours ou en préparation de l'OTAN, de sa stratégie, de sa politique, de sa doctrine et de ses procédures. En 2009, la délégation comprenait notamment John S. Tanner, membre du Congrès américain et, à l'époque, président de l'AP-OTAN ; M. Tanner devait jouer ultérieurement un rôle de premier plan dans l'adoption, en 2010, de la résolution 527 de la Chambre des représentants des Etats-Unis louant l'Ecole d'Oberammergau pour ses réalisations.

Le Lieutenant-colonel John Leigh, chef d'état-major adjoint, devait réaliser un véritable tour de force en faisant, pour la délégation, l’historique de cette caserne depuis ses débuts comme école des transmissions, en 1937, jusqu'à sa transformation après la Deuxième Guerre mondiale en école de l’OTAN et sa reconnaissance, en 2004, comme organisme militaire OTAN. Le Lieutenant-colonel Leigh a souligné que l'école s'est toujours trouvée à l'avant-garde de la formation et de l'entraînement des forces alliées, excellant notamment dans la perception des besoins émergents et dans l'organisation de cours correspondant à ces besoins, avant même que la structure de commandement de l'OTAN n'en fasse la demande. A titre d'exemple, les priorités de l’heure étaient la cybersécurité, l'incorporation du nouveau Concept stratégique et les opérations de contre-insurrection en Afghanistan.

Les délégués ont pu constater directement à quel point l'Ecole de l'OTAN était appréciée par les pays partenaires. En 2010, les élèves provenaient de 67 Etats, et l'accent a été mis sur la formation et l'entraînement d'élèves afghans et irakiens – plus d'un millier de stagiaires irakiens avaient déjà suivi l'enseignement de l'école. L'Ecole de l'OTAN n’a jamais cessé de se mettre à jour sur la situation en Afghanistan et sur les meilleures pratiques en matière de contre‑insurrection : pour ce faire, elle envoie ses propres équipes sur le terrain et reçoit des équipes afghanes à Oberammergau. Cependant, les priorités actuelles de l’Afghanistan résident dans l'enseignement des techniques militaires de base. En outre, compte tenu des opérations de haute intensité actuellement en cours, les circonstances ne se prêtent guère à une formation plus approfondie. On considère toutefois qu’un processus de maturation se produira en temps utile, comme cela a été le cas en Irak.

La délégation de la STC a suivi un exposé illustrant de façon concrète la manière dont l'Ecole de l'OTAN appuie les opérations actuelles en Afghanistan. Le Lieutenant-colonel Richard Ellis, directeur du département responsable du programme de formation au renseignement expéditionnaire (EITP), a décrit l'approche adoptée par l'école pour dispenser des cours en matière de renseignement, de surveillance, d'acquisition d'objectifs et de reconnaissance (ISTAR), cours naturellement orientés vers les opérations de contre-insurrection en Afghanistan. En 2010, l'École de l'OTAN a dispensé 22 cours différents sur ce thème pour un total de 59 sessions, et elle a détaché trois équipes mobiles de formation et d'entraînement dans le pays. Afin de bien répondre aux besoins opérationnels, le programme a fait largement appel à des conférenciers disposant d'une expérience récente du théâtre ainsi qu'à des responsables afghans.

EMT : Une usine de drones tactiques

La délégation de la STC a été reçue par l'un des principaux fabricants européens de drones tactiques, EMT Ingenieurgesellschaft dont le siège se trouve à Iffeldorf, à mi-chemin entre Oberammergau et Munich. Avec à son actif une production de 500 drones et plus de 20 000 missions accomplies, a souligné Sascha Lange, responsable du développement commercial de cette entreprise de taille moyenne, EMT était la société européenne la plus expérimentée pour ce qui est du nombre d'appareils produits et du nombre d'heures de vol accomplies. Les drones fabriqués par EMT, utilisés pour la première fois par les forces armées allemandes au Kosovo et en Macédoine en 2000, sont également utilisés aux Pays-Bas, en Norvège, au Pakistan, en Arabie Saoudite et en Afrique du Sud.

La société EMT fabrique une large gamme de drones, depuis ceux lancés à la main jusqu'aux modèles catapultés ; mais aucun de ces appareils ne porte le moindre armement. Le modèle phare de la série est le système LUNA : ne nécessitant pas de piste d'atterrissage, il pèse 40 kg, possède un rayon d'action de plus de 100 km et a une durée maximale de temps de vol de 6 à 8 heures. Il est également possible d'adjoindre au système LUNA un petit hélicoptère, le MUSECO, ce qui en augmente l'utilité opérationnelle. Les questions posées par les délégués ont porté sur les spécifications des drones, les éventuelles applications civiles ainsi que leurs performances en Afghanistan, où aucun drone n'a été abattu par l'ennemi.

Le centre de recherche de politique appliquée

A Munich même, la délégation a rencontré l'un des groupes de réflexion de tout premier plan dans les milieux académiques allemands en matière de relations internationales : le Centre de recherche de politique appliquée (CAP). Son directeur, Werner Weidenfeld, a souhaité la bienvenue à la délégation et présenté les orientations générales du CAP, qui vise à exercer une influence directe sur l'élaboration des politiques par le biais de la résolution stratégique de problèmes.

Michael Bauer, chercheur principal au CAP, a présenté les résultats de ses recherches sur la probabilité de voir des terroristes acquérir et employer des armes de destruction massive (ADM) à l’appui de leur stratégie. Selon lui, les attentats du 11 septembre ont constitué un changement de perspective et depuis lors, les responsables de l'élaboration des politiques se sont focalisés sur les scénarios les plus pessimistes en matière de terrorisme avec emploi d’ADM. Alors que cette optique continue d'être largement répandue aux Etats-Unis, les Européens ont évolué vers une approche davantage axée sur l'appréciation du risque. Selon lui, le terrorisme avec emploi d'ADM reste davantage une métaphore qu'un scénario concret d'activités terroristes futures. Lors de la discussion qui a suivi l'exposé, plusieurs thèmes ont été abordés, notamment les évolutions futures du terrorisme, les causes profondes de l'engagement dans le terrorisme, le terrorisme d'Etat, ainsi que les efforts déployés à l'échelon national pour se préparer au terrorisme et pour le contrer.

Florian Baumann, maître de recherche au CAP, a relaté les résultats de ses recherches en matière de sécurité énergétique, notamment dans le contexte européen. De façon indéniable, la dépendance à l'égard du gaz naturel russe occupe une place prépondérante dans toute analyse de la question. Le nationalisme en matière de ressources constitue un autre point épineux dans la quête de meilleures garanties d’approvisionnement énergétique pour l'Europe. M. Baumann a précisé que l'Europe devait trouver le juste équilibre entre, d’une part, la sécurité et la durabilité dans le domaine énergétique, et d’autre part la compétitivité économique - ce qui implique forcément, de temps à autre, des compromis difficiles. La sécurité énergétique comporte quatre dimensions : les politiques internes, le volet économique, la géopolitique et les considérations liées à la sécurité. S'agissant de l'Union européenne, il n'a pas manqué d'observer un déficit stratégique   : en effet, l’invocation récurrente de la "solidarité énergétique" n'est pas suffisamment suivie d’effet. Ce manque de solidarité entre amis et alliés européens a également été au cœur des discussions. Néanmoins, le conférencier s'est déclaré suffisamment optimiste ; selon lui, on assisterait, au fil du temps, à une évolution graduelle vers davantage de solidarité. La discussion a également porté sur la possibilité d'une sortie accélérée du nucléaire de la part de l'Allemagne.

Cassidian, filiale de la société européenne de l’aéronautique, de la défense et spatiale (EADS).

La visite de la commission en Allemagne s’est achevée par une visite à Cassidian, filiale de la Société européenne de l'Aéronautique, de la Défense et Spatiale (EADS) située à Manching, au nord de Munich. Peter Maute, vice-président principal, chef des ventes des systèmes de combat aérien, brosse à l'intention de la délégation un tableau général de Cassidian et de ses installations de Manching, dont la principale activité consiste à assembler les exemplaires allemands de l'avion de combat multirôle Eurofighter, ainsi que la production des composantes de fabrication allemande dans le programme de l'Eurofighter ; cependant, la société s'occupe également de la modernisation des AWACS de l'Alliance. Au siège de Manching, les quelque 4 000 employés de Cassidian ont procédé à l'assemblage final de plus de 1 400 appareils Eurofighter depuis le lancement du programme. Décrit par M. Maute comme le meilleur avion de combat au monde, l'Eurofighter a remplacé 11 systèmes aéronautiques dans les pays suivants : Autriche, Allemagne, Italie, Espagne, Arabie saoudite et Royaume-Uni. Le débat qui a suivi l'exposé porte notamment sur le rapport entre le programme Eurofighter et le programme américain du Joint Strike Fighter F‑35. M. Maute a déclaré aux délégués que l'Eurofighter excellait en tant qu'avion multirôle avec spécialisation de combat aérien, tandis que le F-35 était davantage orienté vers les missions air‑sol.

 

Respectueusement soumis,

 

 

 

L’honorable sénateur Pierre Claude Nolin
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)



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