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Rapport

 

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la Visite du Groupe spécial Méditerranée à Naples, en Italie, les 14 et 15 juin 2009. Cet événement, qui regroupait plus de 40 députés de tous les pays membres de l’OTAN, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, était présidé par Vahit Erdem (Turquie) et organisé par le chef de la délégation italienne à l’Association parlementaire de l’OTAN, Sergio De Gregorio. La sénatrice Raynell Andreychuk représentait la délégation canadienne.

INTRODUCTION

La rencontre a commencé par l’exposé du ministre d’État Mehmet Aydin, de la Turquie, qui a souligné la nécessité de relancer « l’Alliance des Civilisations », notamment en ciblant les jeunes, qui représentent une bonne partie de la population grandissante de la région méditerranéenne.

MIGRATION DANS LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE

La migration constituait l’un des principaux thèmes de la rencontre, et les participants ont entendu les témoignages des spécialistes Massimo Livi Bacci, de l’Université de Florence, et Derek Lutterbeck, de l’Académie méditerranéenne d’études diplomatiques de l’Université de Malte.

Le Dr Bacci a souligné que, bien que la croissance de la population en Afrique du Nord soit au ralenti, le taux de croissance dans cette région et en Afrique subsaharienne demeure tout de même suffisamment élevé pour que de nombreux migrants non en règle s’infiltrent en Europe, à moins que le problème soit réglé à sa source. Après un aperçu général du revenu par habitant et du rendement du produit intérieur brut dans les pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique subsaharienne, le Dr Bacci a souligné l’écart grandissant entre les performances économiques de l’Europe et celles de l’Afrique et l’écart qui persiste entre les taux de natalité de ces deux régions. En conséquence, des facteurs « poussent » les immigrants à quitter leur lieu de naissance et les « attirent » sur l’autre rive de la Méditerranée.

Le mouvement migratoire au-delà de la Méditerranée a entraîné de nouvelles tendances politiques, avec l’établissement de quotas, de besoins en matière de compétences et de critères restrictifs concernant la réunion des familles. Selon le Dr Bacci, l’absence d’une gouvernance européenne chargée de régler les questions liées à l’immigration pose un problème important. Celui-ci a aussi fait ressortir la nécessité de protéger davantage les droits des migrants.

D’après le Dr Lutterbeck, la coopération entre les pays de la région semble avoir réduit le nombre de migrants illégaux. Par contre, il ne sait pas trop si un contrôle accru des frontières permettrait de régulariser la migration ou si cela la ferait simplement dévier vers des trajets différents. Le Dr Lutterbeck a aussi expliqué que les pays du sud de la Méditerranée ne disposaient pas d’une infrastructure adéquate pour accepter les migrants qui rentrent chez eux et que peu de pays étaient prêts à admettre de nouveau leurs migrants sans toucher la moindre indemnité. Il a aussi insisté sur la nécessité de trouver un équilibre entre la préservation des droits de la personne et la sécurité, ce qui, d’après lui, représente le plus grand défi que la communauté internationale ait à relever lorsqu’il s’agit de gérer la migration dans la région méditerranéenne.

RÉPERCUSSIONS DES TENDANCES ÉCONOMIQUES MONDIALES DANS LE GOLFE ET LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE

Tariq Yousef, doyen de l’École d’administration publique de Dubaï, a fourni un cadre d’analyse des incidences des tendances économiques mondiales au sein des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). D’après ce cadre, ces pays ont trois principaux défis à relever : l’emploi, la mondialisation et le gouvernement. D’abord, leur population, jeune et en pleine croissance, doit trouver des emplois utiles. Ensuite, ces pays doivent développer leurs économies en s’intégrant aux marchés mondiaux. Enfin, ils doivent améliorer la reddition de compte, la transparence et la démocratie de leur gouvernement ainsi que leur capacité de trouver des solutions à la sécurité.

Silvia Valli, chef de l’Unité des affaires économiques internationales du ministère de l’Économie et des Finances de l’Italie, a étudié les effets de la crise financière en Europe et en Italie. La réponse la plus flagrante à la crise a été l’adaptation extraordinairement vaste des politiques de la communauté internationale à la situation. Selon la Dre Valli, les pires effets de la crise actuelle sont terminés, et quelques signaux indiquent que la situation s’améliore lentement.

Joseph Saba, directeur de la Coopération stratégique et de l’Assistance technique dans la région Moyen-Orient-Afrique du nord du Groupe de la Banque mondiale, a parlé de l’importance des envois de fonds au Moyen-Orient. Les pays du CCG envoient beaucoup plus de fonds que les pays d’Europe, et leur développement économique est important pour celui de l’ensemble du Moyen-Orient. M. Saba a insisté sur le fait que tous les pays du CCG ont mis en place des programmes de diversification de leur économie. Cependant, d’après lui, le plus grand défi que ces pays aient à relever est l’amélioration des compétences de leur très jeune population et la création de nouvelles possibilités d’emplois dans le secteur privé. Enfin, M. Saba a souligné que ceux-ci doivent ouvrir leurs marchés aux investissements étrangers afin de créer des emplois et d’encourager la croissance.

Les sujets soulevés lors de la période de discussion portaient sur la nécessité de diversifier l’économie de la région, surtout dans les pays du Golfe. Le Dr Yousef a fait remarquer que la diversification était un outil de création d’emplois, de stimulation de la croissance et de restriction de la migration. Les gouvernements de la région essuieraient un échec cuisant s’ils se trompaient sur l’opportunité du moment et décidaient de ne pas ouvrir leur économie aux marchés mondiaux. Les pays du CCG prennent de plus en plus exemple sur l’Ouest, y cherchent des occasions d’intégrer leur économie aux marchés mondiaux et sont impatients de participer à des échanges de pratiques et de savoir-faire.

SÉCURITÉ MARITIME DANS LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE

L’amiral Mark Fitzgerald, commandant du commandement des forces interarmées Sud, a dressé le portrait des opérations de sécurité de l’OTAN dans la région méditerranéenne ainsi que de la coopération dans la région.

L’opération Active Endeavour (OAE) est la riposte à multiples facettes de l’OTAN à la menace terroriste. Ce déploiement à petite échelle, qui fournissait une présence militaire modeste, est devenu une opération antiterroriste complète et en constante évolution qui s’étend à toute la Méditerranée. En outre, plus de 50 pays fournissent de l’information en vue de la création d’un réseau d’échange de renseignements. En terminant, l’amiral Fitzgerald a souligné les efforts que déploie l’OTAN afin de promouvoir les partenariats régionaux, sous forme de plans d’action individuels et de liens spéciaux. D’après l’amiral, la sécurité dans la région méditerranéenne dépend d’une approche axée sur le développement des capacités régionales et la coopération.

Peter Hinchliffe, directeur du Secteur maritime de la Chambre internationale de la marine marchande, a abordé le problème bien actuel des pirates dans les eaux au large des côtes de la Somalie. Une solution durable à la piraterie en Somalie ne peut être issue que de l’établissement d’un gouvernement fonctionnel et d’un système judiciaire tant sur le continent que dans les eaux somaliennes. La communauté internationale ainsi que l’ONU et l’OTAN pourraient certainement jouer un rôle de premier plan dans cet établissement. Cela dit, M. Hinchliffe a fait remarquer que les sociétés internationales de transport maritime reconnaissaient leur rôle de défense passive de leurs navires, de vigilance à l’égard des équipages et de préparation. Pour éviter que les actes de piraterie ne se déplacent plus loin dans l’océan Indien et le long de la côte de l’Afrique orientale, il faudrait intensifier la surveillance aérienne, améliorer la collaboration entre les marines des différents pays et fournir des gardes militaires armés en uniforme sur les navires marchands à risque.

En réponse à une question portant sur des exemples d’activités antiterroristes dans le cadre de l’opération Active Endeavour dans la région méditerranéenne, l’amiral Fitzgerald a expliqué que l’on avait détecté des activités suspectes et qu’on les avait signalées aux autorités appropriées chargées de l’application de la loi (trafic de drogue, transport d’explosifs, nombre important d’immigrants non en règle et comportement suspect de plusieurs navires, certains ayant été saisis par la suite).

Les autres points soulevés étaient la détermination de voies précises que les navires pourraient emprunter et qui pourraient être faciles à patrouiller, l’absence de structure juridique internationale relative à la piraterie et la nécessité de doter les navires de gardes armés.

Les deux conférenciers ont mentionné que l’océan Indien offrait trop de trajets possibles, le rendant presque impossible à patrouiller. L’amiral Fitzgerald et M. Hinchliffe ont tous deux souligné l’importance de s’attaquer au conflit intérieur et à l’instabilité en Somalie et d’unir nos efforts pour mettre en place un cadre juridique international efficace. En outre, pour résoudre le problème de la piraterie, il faut s’attaquer à la fragilité du pays et assurer sa sécurité. L’OTAN pourrait certainement aider la lutte internationale contre la piraterie en adoptant une démarche « globale » et en coordonnant les opérations dans ce domaine.

SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LE CONTEXTE RÉGIONAL

Francis Ghilès, chercheur universitaire principal pour la Fundación CIDOB, a consacré son intervention au rôle que joue la région méditerranéenne dans la sécurité énergétique en Europe. Les différences entre la consommation d’énergie des deux rives de la Méditerranée mettent en lumière l’écart économique qui existe entre les pays d’Afrique du Nord et ceux d’Europe. M. Ghilès a expliqué que la consommation moyenne en Afrique du Nord s’élevait à une tonne de pétrole par habitant, pour trois tonnes dans les pays du nord de l’Europe. En outre, la population de l’Afrique du Nord, qui s’élève aujourd’hui à quelque 83 millions d’habitants, dépassera probablement les 100 millions d’ici 2020. Selon M. Ghilès, pour combler leurs besoins énergétiques de plus en plus grands, les pays du Maghreb doivent investir davantage et se coordonner davantage. Qui plus est, leurs grands besoins énergétiques et les coûts élevés qui s’y rattachent risquent d’exercer des pressions considérables sur les sources d’énergie, ce qui pourrait entraîner des pénuries dans certains pays d’Europe.

En réponse à des questions posées par des parlementaires, M. Ghilès a expliqué que les pays du Maghreb devaient d’abord établir des partenariats fiables avec l’UE et les sociétés internationales. Ensuite, le Partenariat euroméditerranéen (EUROMED) ainsi que l’Union pour la Méditerranée pourraient contribuer à faire prendre conscience des avantages de l’intégration économique de l’Afrique du Nord. L’UE doit cesser de dépendre de la Russie. Elle est le plus grand marché de la Russie pour ce qui est de l’essence, et une politique énergétique intégrée entre les États membres donnerait à l’UE un plus grand pouvoir de négociation.

ACTUALITÉ POLITIQUE AU MOYEN-ORIENT

Andrea Margelletti, président du Centre for International Studies, a parlé de la renaissance chiite au Moyen-Orient. La libération des chiites iraquiens du régime de Saddam Hussein, à dominance sunnite, a amené la majorité chiite du pays à prendre le contrôle de sa destinée et contribué à lancer une vaste renaissance chiite qui pourrait modifier l’équilibre au Moyen-Orient sur plusieurs années. Selon M. Margelletti, la renaissance chiite est une occasion en or de tisser de liens avec les chiites de la région, en particulier ceux de l’Iran, et de contribuer à assurer la stabilité du Moyen-Orient. Les chiites représentent environ 90 p. 100 des Iraniens, quelque 70 p. 100 des habitants de la région du golfe Persique, et environ 50 p. 100 des résidants de l’arc libano-pakistanais, soit, en tout, près de 140 millions de personnes. Nombre d’entre elles, tenues depuis longtemps à l’écart du pouvoir, réclament maintenant davantage de droits et une plus grande influence politique.

Alessandro Politi, directeur de l’Osservatorio Scenari Strategici di Sicurezza de Nomisma, a fourni un aperçu géopolitique du Levant, des régions du Golfe et de l’Eurasie, en visant particulièrement des scénarios stratégiques. Il a fait ressortir l’importance accrue de l’océan Indien, l’Iran, l’Inde et la Chine ayant des compétences militaires et une capacité commerciale de plus en plus grande pour soutenir la concurrence dans la région. Passant à la région du Golfe-Levant, M. Politi a fait remarquer que le programme atomique de l’Iran et son soutien au Hezbollah au Liban sont des questions délicates qui, même si elles étaient réglées, ne contribueraient pas au processus de paix israélo-palestinien. D’après lui, les États-Unis sont le seul acteur à pouvoir améliorer un processus de paix imparfait au Moyen-Orient.

Dans les dernières questions, le conflit israélo-palestinien a retenu entièrement l’attention. Selon M. Margelletti, le Hamas a raté une importante occasion de stabiliser la bande de Gaza, l’absence de démocratie et de dialogue ayant entraîné l’aliénation de la majorité de la population. En outre, M. Margelletti n’entrevoyait pas pour l’avenir d’effort concerté entre le Hamas et Al Fatah ni l’établissement d’un État palestinien indépendant.

Respectueusement soumis,

 

M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)

 

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