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Rapport

 

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport concernant sa participation à la visite de la Commission de la défense et de la sécurité tenue au Danemark, au Groenland et en Islande du 30 août au 4 septembre 2010.  Le Canada a été représenté par la Sénatrice Jane Cordy et le Sénateur Joseph A. Day.

Considéré comme une zone présentant un intérêt stratégique potentiellement vital, le Grand Nord suscite un intérêt croissant au niveau international. Le recul de la calotte glaciaire pourrait en effet ouvrir dans l’Arctique des voies de navigation jusqu’ici impraticables et donner accès à des gisements de ressources naturelles potentiellement énormes. Du coup, les pays arctiques mais également des acteurs géographiquement plus éloignés – comme la Chine et l’Union européenne – se montrent intéressés par l’évolution de la situation dans cette partie du monde. Certains craignent dès lors que le cadre juridique et institutionnel en place, qui permet actuellement de maintenir un niveau peu élevé de tension dans la région, ne soit soumis à des pressions croissantes alimentées par la concurrence pour l’obtention de  ressources naturelles et par l’attitude de la Fédération de Russie, qui cherche de plus en plus à affirmer sa présence.

Vingt-quatre parlementaires de 15 pays de l’OTAN se sont rendus au Danemark, au Groenland et en Islande du 30 août au 4 septembre afin d’évaluer les développements survenus dans la région et leurs retombées au niveau mondial. Ils ont entendu une série d’exposés et pris part à des visites qui leur ont permis d’appréhender les défis très particuliers inhérents aux conditions arctiques ainsi que les tendances environnementales et géopolitiques dont les effets se feront sentir bien au-delà des frontières du Grand Nord.

Ce déplacement en région arctique a permis aux membres de l’Assemblée de constater de visu comment la situation évolue sur le terrain et par ailleurs, de nouer, entre eux et avec des spécialistes de la question, un vaste dialogue approfondi sur la nature du rôle que l’OTAN devrait jouer, le cas échéant, dans la région. Cette visite a eu lieu alors que l’OTAN, de son côté, procédait à une révision de ses rôles et missions futurs dans le cadre de la rédaction de son nouveau Concept stratégique.

La délégation se composait de membres de la Sous-commission de l’AP-OTAN sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité et était conduite par le président de cette dernière, le sénateur Joseph A. Day (Canada). Le groupe a été rejoint par la sénatrice Jane Cordy (Canada), vice-présidente de l’Assemblée et coordinatrice spéciale pour le Grand Nord, ainsi que par David Hobbs, secrétaire général de l’AP-OTAN. Certaines parties de la visite étaient organisées conjointement avec la Commission de la défense du Parlement danois.

La délégation a entendu des exposés présentés par les forces armées danoises à Copenhague et au Commandement danois au Groenland. Elle a rencontré des parlementaires groenlandais et danois et a visité, sur la base de l’armée de l’air des Etats-Unis à Thulé, des installations radar de détection lointaine de missiles balistiques et de guidage de satellites. Elle s’est aussi rendue à Station Nord, l’installation militaire danoise la plus septentrionale implantée à moins de 600 miles du pôle Nord géographique, et a arpenté la calotte glaciaire du Groenland. Enfin, elle a rencontré des responsables islandais à Keflavik.

UNE REGION EN CONSTANTE EVOLUTION

Le Groenland en tant que tel est une île vaste et sauvage. Son territoire représente à peu près cinq fois la taille de la France, et arbitre relativement une petite population de 57 000 habitants. Le pays tire 85% de ses recettes d’exportation de la pêche. Son infrastructure est extrêmement limitée, par exemple, aucune route ne relie les différentes villes et colonies. D’après un guide autochtone qui a accompagné la délégation lors d’une excursion sur la calotte glaciaire groenlandaise près de la ville de Kangerlussuaq, dans le sud-est de l’île, les populations locales constatent et ressentent de manière très tangible les retombées du changement climatique. Le guide a cité de nombreuses anecdotes illustrant les conséquences de la hausse spectaculaire des températures et du recul des glaces dans la région, comme la menace que font peser sur la faune locale les modifications des structures de la végétation. Il a annoncé que cet été, pour la première fois, la fonte des glaces et les conditions environnementales imprévisibles avaient amené les autorités groenlandaises à interdire les expéditions sur la calotte glaciaire. Il a également indiqué que les modifications climatiques et environnementales qu’il pouvait observer et ressentir adoptaient un rythme qui va s’accélérant.

Les incidences de ces phénomènes ont été mises en exergue par Sofia Rossen, parlementaire danoise pour le Groenland et sa collègue Julie Rademacher, qui suit de près les affaires groenlandaises. Toutes deux ont indiqué à la délégation que les modèle météorologiques sont en train d’évoluer, confrontant les populations locales à des défis inédits ; ainsi, les saisons de la chasse ou des déplacements en traîneau à chiens sont désormais imprévisibles. Par contre, le changement climatique est porteur de certains avantages appréciés de ces mêmes populations. On observe, par exemple, que la petite communauté agricole de l’île peut à présent cultiver de nouvelles espèces végétales et engranger des récoltes supplémentaires. L’intensification de l’activité touristique donne également un sérieux coup de fouet à l’économie locale.

Le Groenland bénéficie d’un régime d’autonomie renforcée depuis juin 2009 seulement, et son économie continue de bénéficier d’importantes subventions du gouvernement danois, qui  assure toujours sa politique étrangère et de défense. Les parlementaires présents ont néanmoins laissé entendre que la découverte possible d’importants gisements pétroliers et gaziers dans les eaux territoriales groenlandaises[1], ainsi que les recettes issues de l’exploitation minière de zones désormais accessibles, pourraient bien mener le pays sur la voie de l’indépendance économique. Ce n’est qu’à partir du moment où cette dernière se concrétiserait qu’une indépendance complète vis-à-vis du Danemark deviendrait sérieusement envisageable. 

Le contre-amiral Henrik Kudsk, qui dirige le Commandement du Groenland, a évoqué les retombées internationales plus vastes du changement climatique pour le Grand Nord. Il a ainsi confirmé que l’on avait assisté, ces dernières années, à une fonte des glaces sans précédent sur les côtes orientales et occidentales de l’île, et que ce phénomène avait eu pour effet d’ouvrir à la navigation des itinéraires qui jusqu’à présent n’avaient jamais été empruntés.

La calotte glaciaire qui recouvre l’Arctique fond rapidement – elle aurait diminué de pas moins de 30% en 30 ans, a indiqué le contre-amiral Lars Kragelund, du Commandement danois de la défense. Résultat : parfois, durant l’été, la glace qui bloquait jusqu’ici certains canaux disparaît. Les nouvelles voies de navigation ainsi ouvertes pourraient réduire le trajet de Rotterdam à Yokohama de 40%, et celui de Rotterdam à Seattle de 25%. Ces nouvelles voies de navigation permettraient également d’éviter les points de passage où sévit la piraterie.

La fonte des glaces a par ailleurs marqué le début d’une croissance rapide du tourisme dans l’Arctique. D’après le contre-amiral Kudsk, 42 navires, dont certains pouvant transporter jusqu’à 4 200 personnes, devraient effectuer un ou plusieurs déplacements dans sa zone de responsabilité au cours de l’année 2010.

Enfin, il devient de plus en plus probable, vu le changement climatique, que l’on commence à tirer parti d’énormes réserves pétrolières et gazières présentes dans la région, mais restées jusqu’ici inexploitées et inaccessibles. Il a été indiqué à la délégation que ces réserves pourraient, selon les estimations, représenter pas moins de 25% des gisements non encore découverts à l’échelle mondiale.

D’après le contre-amiral Kudsk, c’est sur les côtes groenlandaises que seront ressentis en premier lieu les effets de l’intensification de l’activité dans ces trois grands secteurs porteurs pour le Grand Nord que sont l’exploitation pétrolière et gazière, le tourisme et la navigation. Les zones maritimes dans lesquelles sont menées ces activités sont très peu peuplées et se caractérisent par un climat hostile et une couverture de glace particulièrement fluctuante. Dans la plupart des cas, les eaux en question ne sont pas repérées sur les cartes, mais cette situation, bien que présentant des risques évidents, n’a pas de véritable effet dissuasif sur les acteurs décidés à les traverser.

LA POLITIQUE DU DANEMARK DANS LE GRAND NORD

Le Danemark a de bonnes raisons de s’intéresser de près au Grand Nord, a indiqué le contre-amiral Kragelund, du commandement danois de la Défense. Pour commencer, le Groenland fait toujours partie du royaume danois et Copenhague est dès lors tenue d’assurer sa défense et d’exercer la souveraineté danoise sur ce territoire.

La politique du Danemark dans le Grand Nord est également régie, entre autres considérations, par sa tradition maritime. Quatre-vingt-dix pour cent des échanges commerciaux mondiaux se font par voie maritime. Etant donné que le dixième de ce volume est pris en charge par des navires appartenant à, ou exploités par, des entités danoises, on comprendra que le Danemark est directement concerné par cette situation.

Enfin, il y va de l’intérêt national du Danemark de rester attentif à la valorisation des gisements de ressources naturelles présents dans la région et de suivre les manifestations d’intérêt accrues qu’elles suscitent à l’étranger.

Pour toutes ces raisons, Copenhague maintient six installations militaires permanentes au Groenland et a mobilisé un nombre limité de navires et d’aéronefs chargés, dans le cadre de missions de patrouille, de mener à bien une série de tâches comme la défense militaire, le maintien de la souveraineté, la surveillance, la réalisation de relevés hydrographiques et le soutien de missions scientifiques. Les forces de défense danoises se sont également vu confier des missions habituellement dévolues à des unités de garde-côtes, comme la recherche et le sauvetage ou la gestion des catastrophes environnementales.

Le contre-amiral Kudsk a également indiqué que la présence (et partant, la souveraineté) du royaume du Danemark dans les parties les plus reculées de la région était assurée par l’unité SIRIUS, qui patrouille au moyen de traîneaux à chiens dans l’est du Groenland.  Cette unité, à laquelle sont attribués des pouvoirs de police, se compose de six équipes canines de deux hommes chacune qui, sur une période de cinq années, patrouillent dans toutes les zones accessibles en traîneau du parc national recouvrant la plus grande partie du Groenland.

La délégation s’est aussi rendue à Station Nord, une installation militaire danoise basée loin de tout, à 600 miles du pôle Nord, dans la partie nord-est du Groenland, où elle a fait l’expérience des conditions particulièrement difficiles auxquelles est confronté l’effectif réduit basé sur place. Cette toute petite base est réapprovisionnée dix fois par an grâce à une piste d’atterrissage pour gros porteurs longue de 1 800 mètres et recouverte de gravier, que l’équipe locale maintient dégagée toute l’année. La Station n’assure pas seulement la logistique nécessaire en prévision de l’utilisation occasionnelle de la piste, mais a également pour mission d’appuyer les expéditions scientifiques, et, plus généralement, de maintenir concrètement la souveraineté danoise dans la région.

L’accord danois de défense pour 2010-2014, un document issu récemment du consensus de tous les grands partis et qui doit présider à la budgétisation et à la planification de la défense pour les cinq années à venir, comporte plusieurs dispositions relatives à l’Arctique. Il prévoit notamment une réorganisation devant se traduire par la création d’un commandement arctique unique issu d’un regroupement du Commandement du Groenland et du Commandement des îles Féroé. Il est également prévu, selon le même Accord, de mettre sur pied une force de réaction arctique (non pas créée ex nihilo, mais constituée à partir de moyens existants) et de réaliser une analyse poussée sur les risques pour l’environnement au Groenland et sur les missions que les forces armées danoises pourraient être amenées à réaliser dans l’Arctique en fonction de l’évolution de la situation (cette étude doit notamment permettre d’évaluer l’utilisation, par le Danemark, de la base aérienne de Thulé).

Gitte Lillelund Bech, ministre de la Défense, a déclaré que la coopération régionale se trouvait au cœur de la politique danoise dans l’Arctique, et a insisté sur « l’intérêt de chacun » à maintenir un niveau de tension peu élevé en misant sur la coopération internationale. Le contre‑amiral Kragelund a rappelé qu’en vertu de la Déclaration d’Illulissat, les cinq Etats riverains de l’Arctique (Danemark, Russie, Etats-Unis, Canada, Norvège) s’étaient engagés à faire saisir tout litige éventuel par les structures juridiques internationales en place. Le Danemark a par ailleurs signé récemment un accord visant à approfondir sa coopération avec le Canada dans l’Arctique, notamment via l’organisation d’entraînements conjoints. Le contre-amiral Kragelund a rappelé que Copenhague maintient également une coopération relativement étroite avec les Etats-Unis, en particulier au travers de la base aérienne de Thulé.

SE POSITIONNER FACE A UNE REGION EN MUTATION EN ATTENUANT LES RISQUES

Cinq bâtiments militaires danois au total sont prêts à répondre à tout événement qui surviendrait sur les côtes du Groenland dont la longueur est quasiment égale à celle des côtes étatsuniennes. Selon le contre-amiral Kudsk, les moyens limités mobilisés dans les eaux groenlandaises n’ont pas été conçus spécifiquement dans la perspective d’opérations de recherche et de sauvetage, mais ont fait l’objet d’adaptations de manière à pouvoir mener des missions de cette nature. Le contre-amiral Kudsk s’est dit préoccupé par l’intensification spectaculaire de la circulation des navires de croisière observée ces dernières années, notamment parce que les voies de navigation en train de se libérer rapidement ne figurent pas, dans la majeure partie des cas, sur les cartes maritimes. Les conditions météorologiques, y compris la banquise, ont déjà provoqué plusieurs accidents graves. Nombre de ces navires de croisière ne sont pas adaptés aux déplacements dans les rudes conditions arctiques (absence d’équipements de secours appropriés, de coques renforcées ou d’aides à la navigation par exemple). Un navire de croisière en difficulté pourrait se retrouver dans une situation catastrophique si les conditions climatiques, plus encore que l’immensité géographique et les faibles moyens disponibles, venaient à compliquer les conditions de recherche et de sauvetage.

Le commandant de la base aérienne de Thulé s’est déclaré lui aussi préoccupé par l’essor de la navigation maritime dans la région. En 2010, pour la première fois, deux navires de croisière se sont avancés dans les eaux proches de la base. Pour le colonel Mark Allen, si la circulation maritime – marchande ou touristique – continue à s’accroître, les capacités de soutien de sa base pourraient rapidement être débordées.

L’amiral a suggéré que l’Organisation maritime internationale, en réponse à ces défis, impose aux bâtiments croisant dans la région des mesures de sécurité supplémentaires. Ainsi, les navires pourraient être obligés de se déplacer en convois de manière à s’aider mutuellement en cas d’urgence, d’avoir à bord les équipements nécessaires et de se signaler aux autorités locales de manière appropriée, afin que ces dernières puissent assurer le suivi voulu. La coopération internationale entre pays riverains de l’Arctique en matière d’échange d’informations, de recherche et de sauvetage et de renforcement des capacités de surveillance revêt également, à cet égard, un caractère vital.

LA BASE AERIENNE DE THULE

La délégation s’est rendue sur la base aérienne de Thulé, témoignage concret de l’importance que les Etats-Unis continuent d’attacher à la position stratégique du Groenland dans le Grand Nord et à son rôle clé en matière de défense antimissile. Equipée de la seule piste d’atterrissage de couleur blanche au monde, Thulé regroupe les plus grandes installations de l’armée de l’air américaine à l’étranger[2]. À l’époque de la visite, cette base construite en 1951 et qui emploie aujourd’hui 2% de la main-d’œuvre groenlandaise hébergeait 600 personnes environ (pour la plupart des militaires d’active américains et danois et des contractants), alors qu’elle a été conçue à l’origine pour accueillir un effectif pouvant atteindre 10 000 hommes. De par son implantation, la base – qui constitue « un poste d’observation au sommet du monde » – permet d’exercer une surveillance constante sur l’ensemble de la région polaire et apparaît dès lors comme un élément critique de l’architecture de défense antimissile américaine.

À Thulé, la délégation a pris connaissance de l’énoncé de la mission présenté par le commandant de la base, le colonel Mark Allen. Elle a visité l’impressionnante installation radar du système de détection lointaine de missiles balistiques (BMEWS) ainsi que le 3e Détachement, une unité de surveillance de satellites (construits et contrôlés par l’homme mais aussi d’autres types, comme les débris spatiaux). Thulé assure également le soutien d’opérations maritimes grâce à ses installations portuaires en eau profonde et à ses capacités de transfert de carburant, et vient en appui d’activités diverses – exercices militaires, réapprovisionnement des forces alliées et recherche scientifique. Le colonel Allen a avancé que Thulé pourrait être amenée, dans le futur, à élargir encore ses activités en tirant parti du partenariat solide entre le Danemark et les Etats-Unis et de ses vastes installations conçues pour fonctionner dans les rudes conditions de l’Arctique.

Le BMEWS est un système de détection des objets en orbite autour de la Terre. Il est  suffisamment puissant pour repérer un objet de la taille d’une balle de softball à une distance de 5 000 km. Il peut pister jusqu’à 475 objets par jour (sur les 10 000 qu’il parvient à repérer). Même si sa mission consiste essentiellement à déclencher l’alerte en cas de lancement de missiles, 95% de ses ressources sont consacrées à la surveillance de l’espace. Le 3e Détachement, également connu sous le nom de  Thule Tracking Station , assure des fonctions de télémétrie, de suivi et de commandement pour des satellites américains et alliés – principalement à orbite polaire – chargés de missions d’observation météorologique, de renseignement et de positionnement global.

UNE PERSPECTIVE ISLANDAISE

L’Islande est le seul Etat dont le territoire est totalement situé dans l’Arctique[3], a indiqué Jónas Allansson, du ministère des Affaires étrangères. Et bien que la politique étrangère islandaise soit en cours de réévaluation, il est indiscutable que Reykjavik cherche pleinement à jouer son rôle dans la région. Les tendances à l’œuvre dans le Grand Nord sont porteuses d’opportunités économiques claires, et l’on pourrait concevoir que l’Islande se transforme par exemple en plaque tournante de premier plan pour le transbordement de marchandises et de matières premières. Mais la région pourrait également se trouver confrontée à des défis sécuritaires qui, selon Reykjavik, doivent être traités dans des enceintes multilatérales, notamment dans le cadre du Conseil arctique.

M. Allanson a souligné à cet égard que l’Islande avait intérêt, dans ce contexte, à donner la priorité au Conseil, organe à connotation de plus en plus politique, plutôt qu’à d’autres groupes (comme les réunions des Etats riverains de l’Arctique), dont elle pourrait se voir exclue. La coopération internationale dans des domaines comme la lutte contre les risques d’écoterrorisme et les menaces résultant de la criminalité, la mise en commun des technologies adaptées aux conditions de l’Arctique ou encore la définition de mesures destinées à éviter à la militarisation de la région, joue selon l’Islande un rôle clé dans la gestion efficace des tendances que l’on observe actuellement dans la région arctique.

Pour Tinna Vidarsdottir, qui dirigeait l’Agence islandaise de défense récemment dissoute, il importe de plus en plus, surtout pour ce qui concerne le Grand Nord, d’élargir la définition des différentes notions regroupées sous le vocable de « sécurité », de manière à y englober également la notion de sûreté.

Mais l’adoption d’une conception plus vaste de la sécurité ne signifie pas pour autant qu’il faille négliger l’évolution de la situation militaro-stratégique dans le Grand Nord, a averti  Mme Vidarsdottir. Contrairement aux déclarations de nombreux responsables publics, le Grand Nord suscite bel et bien un intérêt accru du point de vue militaire et il serait imprudent de ne pas en tenir compte. Depuis 2006, lorsque les militaires américains présents en Islande ont quitté le pays, le système OTAN assurant la surveillance de l’espace aérien autour de l’Islande a recensé 64 aéronefs russes non identifiés. Ceux-ci ne suivent pas les règles applicables à l’espace aérien international, comme le dépôt préalable des plans de vol. L’intervenante a indiqué à la délégation qu’on ne pouvait dès lors exclure un risque d’accident impliquant un de ces appareils.

Compte tenu de ce qui précède, l’Islande contribue à la sécurité dans le Grand Nord en mettant à disposition certaines infrastructures (installations radar), le soutien logistique et en personnel nécessaire à leur exploitation et les liaisons directes établies de longue date entre ses capacités et les systèmes OTAN de défense.

Conclusion : UN ROLE POUR L’OTAN ?

Interrogé sur le rôle que pourrait jouer l’Alliance dans le Grand Nord, le contre-amiral danois Henrik Kudsk, qui se trouve à la tête du Commandement du Groenland, a rappelé à la délégation que, pour son pays, le Groenland fait partie de l’OTAN et relève donc de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Selon lui, la coopération au jour le jour entre membres arctiques de l’OTAN est facilitée par les liens qu’ils entretiennent au sein de l’Alliance, et les accords bilatéraux conclus récemment entre l’Islande et le Canada ont pareillement bénéficié du cadre institué par l’OTAN. D’après le contre-amiral, une coopération internationale poussée et de qualité constitue, selon Copenhague, une condition essentielle au maintien d’un faible niveau de tension dans le Grand Nord. Toute initiative de l’OTAN dans la région doit cependant être considérée comme complémentaire des accords de coopération existants et ne peut prétendre se substituer à ces derniers, a-t-il précisé. L’OTAN pourrait intervenir utilement en contribuant à une meilleure connaissance de la situation maritime et continuer d’appuyer les efforts de coopération déployés pour faire face à une vaste gamme de défis présents dans la région.

Mme Vidarsdottir, spécialiste islandaise de la sécurité, a souligné la nécessité de tirer pleinement parti de la coopération internationale - c’est-à-dire, notamment, des missions régulières de police aérienne menées par les Alliés, de la coopération bilatérale avec la Norvège ou encore des exercices militaires comme ceux de la série Northern Viking, qui sont organisés périodiquement – de telle que l’Alliance assure une présence et soit équipée comme il se doit pour faire face aux possibles scénarios du futur. L’Alliance doit regarder vers le Nord, a-t-elle dit, et il est nécessaire qu’elle y assure une présence visible, de façon à pouvoir réagir de manière appropriée aux situations imprévues relevant de la sécurité, tant « dure » que « douce ». L’OTAN pourrait ainsi jouer un rôle dans la mobilisation des ressources nécessaires à la réponse aux catastrophes et doit, pour ce faire, prendre les mesures de préparation voulues plutôt que d’attendre la survenue d’une crise.

Respectueusement soumis,

 

L’honorable Sénateur Joseph A. Day
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)





[1].        Les trois principaux partis politiques groenlandais appuient les activités de prospection actuellement menées pour mettre au jour des gisements pétrolifères et gaziers.

 

[2] La piste est peinte en blanc de manière à refléter la lumière du soleil, et à empêcher ainsi la fonte du permafrost.

[3] L’Islande est située au sud du cercle arctique, mais il s’agit sans contredit d’un pays arctique.

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