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Rapport

Le dimanche 26 octobre 2014, une délégation canadienne à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP OSCE) a participé à une mission d’observation de l’élection présidentielle tenue en Ukraine. La délégation, dirigée par le député James Bezan, était composée des députés Mark Warawa, Ted Opitz, Joyce Bateman, David Christopherson, Linda Duncan, Malcolm Allen et Kevin Lamoureux. La délégation était accompagnée de M. Alexandre Roger et de Mme Michelle Tittley, respectivement secrétaire de délégation et secrétaire d’association.

A.   La mission d’observation électorale en Ukraine

Comme la promotion d’élections démocratiques constitue l’un des principaux volets du mandat de l’OSCE, la délégation canadienne auprès de l’AP OSCE a maintes fois participé à des missions d’observation d’élections à l’étranger. À titre d’organisation regroupant des États voués à la démocratie, l’OSCE accorde une grande importance à la promotion d’élections démocratiques comme l’un des principaux piliers de la stabilité. Tous les États participants de l’OSCE se sont d’ailleurs engagés à inviter des observateurs internationaux lors de leurs élections, conscients du rôle important que peut jouer l’observation pour accroître la confiance à l’égard du processus électoral. Le déploiement d’observateurs électoraux démontre l’appui des États participants envers un processus démocratique et peut aider ces États à atteindre leur objectif de tenir des élections honnêtes, conformément aux engagements pris à l’OSCE.

La mission d’observation des élections de l’OSCE en Ukraine était une entreprise conjointe à laquelle participaient le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH), l’AP OSCE, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), le Parlement européen (PE) et l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (AP‑OTAN). La mission a été déployée sur invitation du gouvernement de l’Ukraine, conformément aux engagements pris par tous les États participants de l’AP OSCE.

Le jour du scrutin, quelque 930 observateurs de 43 pays ont été déployés, soit 756 observateurs de longue et de courte durée envoyés par le BIDDH de l’OSCE, ainsi que 91 délégués de l’AP OSCE, 41 de l’APCE, 17 du PE et 27 de l’AP‑OTAN. Ils ont observé la tenue du scrutin dans plus de 3 000 des 29 977 bureaux de vote et le dépouillement des suffrages dans 340 d’entre eux répartis dans 173 districts. Ils ont de plus observé la compilation des résultats dans 155 des 213 commissions électorales de district.

B.   Les activités de la délégation canadienne

Les délégués du Canada ont assisté à des séances d’information de l’OSCE à l’intention des parlementaires le samedi 24 mai, à Kyiv, à Kharkiv, à Odessa et à Lviv, en Ukraine. On a alors présenté aux délégués une synthèse du contexte politique entourant les élections. On les a aussi informés sur l’administration des élections ainsi que sur les processus de transmission des données et d’analyse statistique lors du jour du scrutin.

Le vendredi 24 octobre, les délégués ont assisté à un exposé de la situation présenté par l’ambassadeur du Canada en Ukraine, M. Roman Waschuk.

Le samedi 25 octobre, les délégués ont été déployés un peu partout en Ukraine dans le cadre de la mission d’observation de l’élection. En effet, M. Bezan et M. Opitz ont été envoyés dans la région d’Odessa tandis que Mme Duncan et M. Warawa se sont rendus dans la région de Lviv et que M. Christopherson et M. Allen ont été dépêchés à Kharkiv. Enfin, Mme Bateman, M. Lamoureux, M. Roger et Mme Tittley se sont rendus dans la région de Kyiv.

Le jour du scrutin, les délégués ont observé plusieurs aspects du processus électoral, dont les suivants :

·         l’ouverture d’un bureau de vote en matinée;

·         le déroulement du vote dans un certain nombre de bureaux de vote tout au long du jour du scrutin;

·         la fermeture d’un bureau de vote et le dépouillement dans ce bureau;

·         le transfert du matériel électoral à la Commission électorale de district (CED) et sa prise en charge à la CED;

·         le traitement du matériel électoral et la compilation des résultats à la CED, y compris le lundi 27 octobre, s’il y avait lieu de le faire.

Les délégués faisaient régulièrement rapport de leurs observations au cours de la journée en remplissant un formulaire de rapport d’observation à chacun des bureaux de vote visités, puis en remettant ces formulaires aux observateurs de longue durée attitrés.

C.   Les constatations et conclusions préliminaires

Les élections législatives anticipées du 26 octobre revêtaient une grande importance pour l’Ukraine, qui s’était engagée devant la communauté internationale à consolider ses pratiques démocratiques. De nombreux points positifs sont à signaler : la Commission électorale centrale s’est révélée efficace et impartiale, l’électorat a pu faire un choix véritable parmi un grand nombre de candidats, et les libertés fondamentales ont globalement été respectées. Par contre, il y a lieu de mettre en place d’importantes réformes afin d’empêcher certaines irrégularités – voir la Déclaration sur les résultats et les conclusions préliminaires de l’AP OSCE – de s’enraciner. Le nouveau parlement doit assumer la responsabilité politique à cet égard. En outre, les griefs doivent se régler par l’entremise des institutions démocratique et dans le respect de la primauté du droit. Dans la majeure partie du pays, le scrutin s’est déroulé dans le calme, peu d’incidents ayant été signalés. Le vote et le dépouillement ont été jugés transparents et conformes dans l’ensemble. Les observateurs ont été plus critiques à l’égard des premières étapes du processus de compilation; en effet, des tensions ont été constatées à certains endroits.

Malgré les accords signés à Minsk en septembre, les élections se sont tenues dans un contexte politique et sécuritaire de plus en plus difficile. Rappelons à ce sujet l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, les hostilités constantes dans l’Est de l’Ukraine et le contrôle que des groupes armés illégaux maintiennent sur certaines parties du territoire. Les responsables des élections se sont efforcés d’ouvrir des bureaux de vote dans l’ensemble du pays, mais ils n’ont pas pu le faire partout dans les régions (oblasts) de Donetsk et de Louhansk. Par ailleurs, l’élection n’a pas eu lieu dans la péninsule de Crimée, qui n’est plus sous le contrôle des autorités ukrainiennes, et les citoyens ukrainiens qui vivent dans cette région ont eu beaucoup de mal à exercer leur droit de vote.

En général, les candidats ont pu faire campagne librement. Les candidats ont été visibles et ils se sont livrés une lutte véritable. L’usage irrégulier des ressources administratives ne semble pas avoir constitué un problème majeur, comme cela avait été le cas dans les élections précédentes. Des candidats ont néanmoins indiqué avoir modifié leur stratégie de campagne à la suite de tentatives d’intimidation et d’obstruction. En fait, les observateurs ont remarqué, dans les dix derniers jours de la campagne, une multiplication des cas de violence à l’endroit de participants au processus électoral ainsi que d’intimidation et de menaces visant des candidats et des travailleurs de campagne. On a aussi rapporté des cas de destruction ciblée de matériel et de bureaux de campagne. Enfin, signalons un certain nombre d’allégations crédibles d’achat de votes, dont une bonne part font présentement l’objet d’une enquête des autorités.

Le cadre juridique, qui a été modifié en 2013 et en 2014, est généralement adapté à la conduite d’élections démocratiques. Les modifications les plus récentes ont fait suite à certaines recommandations du BIDDH/OSCE et de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise) du Conseil de l’Europe. D’autres problèmes restent toutefois à régler. Par exemple, certains critères de candidature ne sont pas conformes aux engagements de l’OSCE et du Conseil de l’Europe et aux obligations internationales. En dépit des tentatives menées à cette fin et des pressions publiques, l’ancien parlement n’a pas procédé à une réforme électorale approfondie.

La Commission électorale centrale (CEC) a, dans l’ensemble, rempli ses fonctions avec un souci d’indépendance et de collaboration. Elle a respecté tous les délais prévus par la loi. Ses séances étaient généralement ouvertes aux partis, aux candidats, aux observateurs et aux journalistes, mais son habitude de tenir des rencontres préparatoires avant les séances et l’absence de discussion véritable qui en découle lors des séances ont nui à la transparence de ses travaux. Les CED et les commissions électorales de circonscription ont été constituées dans les délais requis, quoique avec de légers retards dans des cas isolés. Le travail des CED est globalement jugé bon ou adéquat. Mais comme il est arrivé dans les dernières élections, les partis et les candidats ont remplacé en moyenne la moitié au moins des membres des commissions qui avaient déjà été nommés. L’administration du scrutin s’en est trouvée moins stable et moins efficace.

Les interlocuteurs se sont dits confiants dans la qualité du registre des électeurs. Les autorités ont fait de gros efforts pour faciliter la participation des électeurs des oblasts de Donetsk et de Louhansk : ils ont simplifié la procédure pour changer temporairement l’adresse de l’électeur. Mais peu d’électeurs ont eu recours à cette procédure.

L’enregistrement des candidats s’est bien déroulé, règle générale. En effet, la CEC a dénombré plus de 6 600 candidats sur les listes de partis et dans les districts à mandat simple. Les électeurs avaient donc un vaste choix de partis et de candidats. Notons cependant le rejet de plus de 640 candidatures – pour des questions techniques – et les disparités observées d’un membre des CEC à l’autre pour l’examen des demandes des candidats et des partis.

Parmi les modifications apportées en 2013 à la loi électorale, signalons des mesures limitées visant à rendre le financement des campagnes plus transparent; plusieurs recommandations du BIDDH/OSCE et de la Commission de Venise demeurent toutefois sans suite, sans compter que les mécanismes d’exécution et les pénalités restent faibles. En outre, le processus électoral est encore largement considéré comme étant corrompu; cela mine la confiance dans le processus. La corruption a d’ailleurs été un enjeu important de la campagne, et de nombreux acteurs ont dit que le problème s’était posé dans différentes facettes du processus.

Le secteur médiatique ukrainien est dynamique et diversifié, et la loi assure en général une grande liberté aux médias. Cependant, le manque d’autonomie par rapport aux intérêts politiques et économiques nuit à la production de rapports indépendants. Certaines mesures prises avant les élections, destinées à empêcher certains médias de diffuser de la supposée propagande, n’ont peut‑être pas eu d’effet direct sur les résultats électoraux, mais elles ont restreint la liberté de l’information. Les heurts constants dans l’Est du pays ont nui à la diffusion des reportages ukrainiens et ont mis en péril la sécurité des journalistes présents dans la région. Selon le suivi effectué dans le cadre de la mission d’observation électorale du BIDDH/OSCE, les médias se sont concentrés sur la crise dans l’Est du pays. Par ailleurs, les médias d’État ont offert gratuitement du temps d’antenne aux candidats, comme la loi l’exige. La télévision nationale d’État a également organisé des débats entre partis politiques. Les électeurs semblent donc avoir été amplement informés. Les télédiffuseurs privés ont assuré une couverture variée de candidats divers, mais ils ont parfois représenté leur allégeance de façon inexacte. Ajoutons à cela que le président Petro Porochenko et le premier ministre Arseni Iatseniouk ont tiré un avantage injuste de leur poste : la veille du scrutin, ils ont fait fi de la période de silence électoral en prenant la parole à la télé pour demander aux électeurs de voter pour des représentants favorables aux réformes.

La crise dans l’Est et l’annexion illégale de la Crimée – qui ont compliqué l’organisation des élections dans ces régions où près de la moitié des 14 millions de citoyens s’identifient comme russophones ou Tatars de Crimée – ont nui à la participation des minorités au scrutin. Qui plus est, le cadre juridique des élections ne favorise pas la représentation des minorités nationales. La délimitation des circonscriptions n’a, en effet, pas tenu compte des intérêts des minorités, contrairement à ce que la loi exige. On n’a signalé aucun discours prônant l’intolérance envers les minorités pendant la campagne, quoique de nombreux candidats y sont allé de proclamations nationalistes.

La CEC a reçu un grand nombre de plaintes avant le jour du scrutin. La plupart d’entre elles ont été examinées en privé par l’un ou l’autre des membres de la CEC, plutôt que dans le cadre d’une commission, ce qui était contraire aux principes de transparence et de concertation. De plus, la démarche de la CEC était trop formelle, de nombreuses plaintes étant rejetées en raison de problèmes somme toute mineurs. Pour leur part, les tribunaux de plus haute instance ont rendu des jugements peu uniformes dans diverses affaires liées aux élections.

L’enregistrement et l’accréditation des observateurs par la CEC ont été inclusifs. La CEC a autorisé à 37 organisations non gouvernementales ukrainiennes d’observer le processus électoral et a enregistré un grand nombre d’observateurs internationaux. Opora et le Comité des électeurs d’Ukraine sont les organisations qui ont procédé aux exercices les plus larges.

La loi ukrainienne garantit l’égalité des sexes dans les sphères publique et politique. Or, même si le quart des candidats inscrits aux listes des partis étaient des femmes – une augmentation de 6 % par comparaison aux élections de 2012 –, les femmes ont constitué 13 % seulement des candidats majoritaires. Les femmes sont cependant bien représentées à la CEC et dans les CED, y compris aux postes de direction.

Le jour du scrutin s’est déroulé dans le calme dans la majeure partie du pays. Peu de troubles ont été signalés pendant les heures de vote, et on n’a dénombré ici et là que quelques incidents de sécurité. Vers 23 h, la CEC a commencé à afficher sur son site Web des résultats détaillés, mais préliminaires, ventilés par bureau de vote. Elle a alors annoncé une participation de 52,4 %. Grâce aux efforts que les autorités responsables ont déployés pour assurer, dans des circonstances extraordinaires, la tenue des élections dans la plus grande partie possible de l’Est du pays, le vote a pu avoir lieu dans 12 des 21 circonscriptions électorales de l’oblast de Donetsk, et dans 5 des 11 circonscriptions de l’oblast de Louhansk. Le scrutin a été ordonné et bien organisé, et jugé favorablement dans 99 % des bureaux de vote observés, mis à part quelques problèmes de procédure. Le dépouillement a fait l’objet de plus de critiques, car la procédure établie n’a pas été suivie systématiquement. Par ailleurs, les premières étapes du processus de compilation ont été jugées insatisfaisantes dans 17 cas, surtout en raison de locaux inadéquats ou d’un manque de place. Des tensions ont enfin été constatées dans certaines CED.

Le rapport préliminaire, préparé conjointement par les missions de l’AP OSCE, du BIDDH, de l’APCE, du PE et de l’AP‑OTAN, est disponible en anglais à l’adresse suivante : http://www.oscepa.org/publications/all-documents/election-observation/past-election-observation-statements/ukraine/statements-25/2648-2014-parliamentary-eng-5/file.

 

Respectueusement soumis,

 

M. Dean Allison, député
Directeur

Délégation canadienne à l’Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

(AP OSCE)

 

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