La délégation canadienne était composée
de l’honorable Claudette Tardif, sénatrice, présidente du Groupe canadien, de
l’honorable Michel Rivard, sénateur, et de Madame Élaine Michaud, députée.
L’honorable Serge Joyal, c.p., sénateur, présent à Paris, s’est joint à la
délégation. Serge Pelletier, secrétaire administratif, accompagnait les
délégués.
La délégation française était composée
de M. Georges Colombier, député, président du Groupe français de l’Association,
de Madame Hélène Conway Mouret, sénateur, nouvelle présidente du Groupe
d’amitié France/Canada au Sénat, de Madame Catherine Coutelle, députée. MM.
Matthieu Meissonnier (Sénat) et Alexandre Michel (Assemblée nationale) ont
assisté les parlementaires français et organisé l’ensemble du séjour.
Le Comité permanent de l’Association a
pour objectif, entre les réunions annuelles de l’Association, de préparer les
activités futures. La réunion de Paris s’inscrivait dans un contexte
particulier, soit un changement à la composition du Groupe d’amitié
France/Canada au Sénat, des échéances électorales en France, et la nécessité
de prendre en compte les restrictions budgétaires annoncées dans les deux
Parlements.
Jeudi 15 mars 2012
a)Déjeuner de travail à l’Assemblée nationale
Le jeudi 15 mars, un déjeuner de
travail a rassemblé les participants. Les deux parties ont discuté longuement
de la réorganisation de l’Association, dans un contexte de mesures d’économie.
La présidente Claudette Tardif a expliqué qu’une révision des activités des 13
associations parlementaires formellement reconnues et financées par le
Parlement canadien est en cours, notamment dans le but d’en revoir les
objectifs, les résultats anticipés, etc., et dans la perspective de réduire les
coûts. Pour sa part, le Groupe canadien a déjà apporté des modifications à la
tarification à la baisse des billets d’avion pour les futures réunions en
France. Il a réduit le nombre des délégués aux réunions annuelles de 9 à 7, et
il propose la réduction du nombre des journées qui y seront consacrées.
Une révision a été amorcée également
dans les deux Chambres du Parlement français touchant l’ensemble des activités
internationales, et particulièrement des groupes d’amitié, relativement à leur
pertinence, leur utilité, et les coûts/bénéfices. Au Sénat, l’Association
interparlementaire France/Canada n’aurait pas vu son budget affecté pour
l’instant. Le Groupe français s’est penché sur la réduction du nombre des
délégués aux réunions annuelles et cela pose des problèmes particulièrement
pour le Sénat, car elle diminue encore davantage la représentation des divers
groupes politiques qui le composent. L’hypothèse d’annuler le Comité permanent
a été également considérée, mais finalement le Groupe estime que le rythme de
deux rencontres par année doit être maintenu comme gage de réussite, de
proximité et de convivialité de l’Association. Le Groupe français a également
proposé de recentrer le fonctionnement de l’Association sur deux thèmes par an
qui seraient examinés consécutivement en France et au Canada, et de réduire
l’aspect « découverte » d’une région.
La présidente Claudette Tardif a
informé ses homologues français que les deux prochains rendez-vous électoraux
en France intéressent au plus haut point le Groupe canadien et qu’en
conséquence, ce dernier a décidé l’organisation de deux missions d’observation
à l’occasion des élections présidentielles en mai, et législatives en juin. En
conséquence, il n’y aurait pas de réunion annuelle en 2012, mais le Canada
accueillerait en contrepartie à l’automne 2012, à Ottawa, alors que le
Parlement est en session, un Comité permanent élargi.
À la suite d’un questionnement de la
présidente Hélène Conway Mouret, une discussion s’est amorcée sur les résultats
des réunions de l’Association qui mériteraient d’être davantage partagés au
sein des deux Parlements et diffusés vers le public, au même titre que les
rapports de mission ou d’études parlementaires. Le Groupe français s’est
engagé à produire un rapport quinquennal sur les activités de l’Association
démontrant le sérieux et la qualité du travail accompli.
Les décisions définitives sur
l’ensemble de ces propositions sont reportées à la réunion de travail prévue le
lendemain.
Les participants ont fait un tour de
table sur la situation politique dans les deux pays.
La sénatrice Claudette Tardif a rappelé
les résultats des élections fédérales du 2 mai 2011, qui a relégué son parti,
le Parti libéral du Canada (PLC), au rang de deuxième parti de l’opposition,
derrière le Nouveau parti démocratique. Le PLC est en pleine phase de
reconstruction et il est présentement dirigé par un chef intérimaire, Monsieur
Bob Rae, jusqu’en mars-juin 2013, alors qu’un congrès à la direction sera tenu
pour trouver un successeur permanent à Michael Ignatieff. En janvier 2012, le
PLC a tenu un congrès important à Ottawa, auquel près de 3000 délégués ont
participé. Une formule de « primaires » a alors été retenue pour
choisir le prochain chef, créant une nouvelle catégorie de partisans qui ne
sont pas nécessairement membres en règle du parti. Le sénateur Serge Joyal
note que si le PLC est le deuxième parti d’opposition à la Chambre des
communes, il est toujours l’Opposition officielle au Sénat.
Le sénateur Michel Rivard, représentant
du Parti conservateur du Canada (PCC), rappelle les origines du parti, né de la
fusion entre l’ancien Parti progressiste-conservateur réduit à 2 députés en
1993, et le Reform Party, parti nettement à droite. C’est le premier ministre
Stephen Harper qui a piloté la fusion des forces de la droite qui a conduit à
deux gouvernements minoritaires en 2006 et 2008, et à une majorité en 2011. Le
sénateur Rivard a évoqué les deux principaux projets de loi présentés par le
Gouvernement depuis le début de la nouvelle législature : a) un projet de
loi modifiant la loi sur le registre des armes à feu adopté en mars 2012; et b)
un projet de loi omnibus en matière de justice visant à protéger les victimes
de crimes et alourdissant les peines pour plusieurs catégories de crimes. Le
sénateur Rivard note l’excellente performance économique du Canada. Un budget
sera présenté à la fin mars 2012 et le sénateur Rivard est convaincu qu’il sera
acceptable à la population. Le sénateur a enfin esquissé la réforme du Sénat
qui vise d’une part à permettre aux provinces d’élire les sénateurs, et d’autre
part, de réduire à 9 ans, non-renouvelable, leur mandat. Il note que des
provinces comme l’Ontario et le Québec s’opposent à cette réforme, mais avec la
majorité gouvernementale au Sénat et à la Chambre des communes, il estime que cette
réforme sera ultimement adoptée.
Sur cette question, la députée
canadienne Élaine Michaud, du Nouveau parti démocratique (NPD), a émis l’avis
que la réforme sénatoriale proposée est inconstitutionnelle. Elle a rappelé la
victoire inattendue de son parti le 2 mai 2011, qui a fait élire 59 députés au
Québec, et 103 au plan national, lui conférant le statut d’Opposition
officielle. La députation est très jeune, 20 députés ayant moins de 30 ans, et
40 % sont des femmes. Elle a rappelé que le chef de sa formation, Jack Layton,
est décédé le 22 août 2011. Un congrès à la direction se tiendra le 24 mars
2012 à Toronto. Entre temps, 130,000 membres pourront voter par Internet. Il
y a à l'heure actuelle 6 candidats en liste. Madame Michaud affirme que le
Québec ne se reconnaît pas dans certains projets de loi mis de l’avant par le
gouvernement. Elle estime que l’économie canadienne dans son ensemble est
fragile malgré certains indices positifs, et que le sort des Premières nations
est inquiétant.
Le député Georges Colombier (UMP)
précise que les élections au Sénat français ont lieu tous les trois ans pour
renouveler la moitié de la Chambre. L’Assemblée nationale, qui se renouvelle
intégralement tous les cinq ans, a cessé de siéger depuis le 6 mars afin de
préparer les élections : scrutin présidentiel les 22 avril et 6 mai, puis
scrutin législatif les 10 et 17 juin. L’Assemblée reprendra ses travaux le 26
juin 2012. La députée Catherine Coutelle (Parti socialiste), explique que son
parti, en 2011, a adopté lors d’un congrès en vue de désigner un candidat à
l’élection présidentielle en 2011, un système de primaires, et a aboli le cumul
des mandats. Les primaires socialistes ont suscité un véritable engouement,
puisque 2,500,000 votants se sont prononcés. Au terme d’un deuxième tour,
c’est le candidat François Hollande qui a été désigné et tous les autres
candidats se sont ralliés à lui. Au total, les primaires se sont avérées un
succès et ont dynamisé la vie politique. Madame Coutelle explique que la politique
en France se focalise tous les cinq ans lors des élections présidentielles,
élections très personnalisées et très médiatisées, avec des sondages quotidiens
aux résultats souvent contradictoires. M. Colombier abonde dans le même
sens en expliquant que les campagnes misent davantage sur la forme et les
personnalités que sur le fond. Pour sa part, la sénatrice Conway Mouret a noté
que les grands rassemblements politiques des campagnes s’apparentent de plus en
plus aux grandes réunions politiques à l’américaine : orchestre, entrée
programmée, beaucoup de cinéma. L’image est plus importante que le contenu.
Elle note aussi l’importance grandissante des réseaux sociaux.
Après ce tour d’horizon, à la demande
du Groupe français, une discussion s’est engagée sur l’élection de députés
représentants les Français à l’étranger. Ce sujet suscite une controverse
diplomatique entre les deux pays. Il y aurait 2,5 millions de Français à
l’étranger, et environ 70,000 au Canada, dont 40 000 au Québec. La
réforme électorale récemment adoptée prévoit l’élection de 11 députés
représentant différentes régions du globe, dont 1 député pour l’Amérique du
Nord. Le Canada s’est opposé à la méthode envisagée par la France pour le
déroulement de ce scrutin. Du côté français, il semble que le problème soit
perçu comme une question technique : le refus canadien de permettre aux
Français de voter dans des endroits autres que les ambassades et consulats, par
exemple les lycées français. Le sénateur Joyal intervient pour demander si les
Français ont le droit de voter par anticipation, par la poste ou par Internet,
des alternatives aux votes dans les bureaux de scrutin, et qui ont largement
cours au Canada: il semble que ces modes électoraux ne sont pas encore
pratiques courantes pour l’électorat français.
La présidente Claudette Tardif se
demande si le refus du Gouvernement canadien ne serait pas fondé sur des motifs
plus profonds : par exemple, l’idée qu’un député français légitimement élu
en Amérique du Nord puisse prendre des positions à l’Assemblée nationale en
France sur des questions de politiques intérieure et étrangère canadiennes peut
être considérée à tout le moins comme troublante. La sénatrice Conway Mouret
précise que cette hypothèse est à exclure, car les parlementaires français élus
à l’étranger ne représentent strictement que les citoyens français résidant
dans leur circonscription et n’ont aucun mandat pour juger des affaires
intérieures d’un autre pays.
b)Dîner de travail à l’Ambassade du Canada
L’ambassadeur Marc Lortie a reçu la
délégation canadienne à sa résidence pour un déjeuner de travail auquel il a
convié deux éminents experts en matière électorale : Monsieur Gaël Sliman,
directeur, maison de sondage BVA, et Monsieur Gérard Courtois, chroniqueur
politique au journal Le Monde.
La délégation canadienne est arrivée en
France alors que des sondages contradictoires venaient d’être publiés, les uns
plaçant le candidat Sarkozy en tête lors du premier tour de la présidentielle,
les autres désignant le candidat Hollande. Par contre, les sondages
accordaient toujours une large avance au candidat Hollande au deuxième tour.
D’une façon candide, ouverte et très
éclairée, les deux experts ont commenté ces sondages, évalué les qualités et
les faiblesses respectives des deux principaux candidats, tant au niveau de
leur programme politique que de leur style personnel, et évoqué des scénarios
qui pourraient modifier les tendances observées depuis le début de la
campagne. Les reports de voix au deuxième tour par les autres candidats ont
aussi été analysés. MM. Sliman et Courtois ont évoqué les principaux enjeux de
ce rendez-vous électoral : au premier chef le chômage, mais aussi la
fracture sociale, la sécurité, l’immigration, l’identité, la diversité, la
crise de l’euro.
Concernant la crise de l’euro et de
l’Union européenne (UE), l’ambassadeur Lortie et le sénateur Joyal ont exprimé
le préjugé favorable au Canada vis-à-vis de l’UE, et expliqué leur étonnement
devant l’incapacité des membres de l’UE à résoudre leurs problèmes et les
dysfonctionnements qui se manifestent de crise en crise.
En conclusion, MM. Sliman et Courtois
ont présenté leurs pronostiques sur les candidats possibles à Matignon, selon
qu’un l’un ou l’autre des deux principaux candidats sera élu président. Les parlementaires
canadiens sont sortis de cette rencontre très satisfaits des informations
recueillies et mieux informés des enjeux des prochaines élections.
Vendredi 16 mars
a)Présentation de SolarWall Europe
En matinée, les membres du Comité
permanent ont assisté à l’Assemblée nationale, à une présentation de Madame
Anouck Colson, directrice déléguée de la société canadienne Conserval
Engineering Inc. / SolarWall Europe. Cette entreprise s’est distinguée
dernièrement en recevant le 13 décembre 2011, l’un des prix Canada-France pour
les petites et moyennes entreprises.
Conserval Engineering Inc., créé en 1977, a son siège social à Toronto, une filiale
américaine à Buffalo, et une filiale européenne à Paris, Solar Wall Europe.
Elle a des clients dans 32 pays, dont Auchan, Wal-Mart, Fed-Ex, Ford,
Bombardier, Boeing, General Motors, l’armée américaine et canadienne, etc. La
société a inventé la technologie du chauffage solaire de l’air pour les
bâtiments de grands volumes appelée SolarWall. Il s’agit d’une
technologie d’énergie renouvelable intégrée aux bâtiments qui est utilisée pour
le chauffage de l’air intérieur et qui répond aux besoins de la ventilation des
bâtiments ou les applications de procédés de chauffage. La technologie SolarWall
chauffe l’air intérieur entre 5-30 degrés centigrades au-dessus de la
température extérieure. Son installation est simple, le système a la même
durée de vie que le bâtiment et requiert peu d'entretien. Les coûts de chauffage
peuvent être ainsi réduits entre 15 % et 50 % selon les paramètres du site.
Les retours sur investissements sont rapides, entre 2 et 7 ans. En France,
depuis 2009, 15 projets avec cette technologie ont été menés à terme et en
2012, des projets d’une valeur de 8 millions d’euros sont prévus.
Suite à cet exposé, les parlementaires
se sont rendus au bâtiment Pépinière, dans le 18e arrondissement de Paris, où
cette technologie a été adoptée pour un édifice neuf abritant de jeunes
entreprises. Ils ont rencontré des représentants de la ville de Paris,
associés au projet, ainsi que les architectes impliqués. Ils sont montés
ensuite sur la toiture pour voir les installations.
b)Déjeuner de travail au Sénat
Le Comité permanent s’est réuni de
nouveau au sujet du réaménagement de l’Association et pour discuter des
prochaines activités de l’Association.
Après discussion, il fut convenu de ce
qui suit :
·L’Association maintiendra un rythme de 2
réunions par années, l’une en France et l’autre au Canada;
·La durée des réunions sera réduite à 3-4 jours,
et la partie découverte culturelle sera réduite à son minimum;
·Le nombre de participants canadiens lors des
réunions en France sera réduit à 7; le nombre de participants de la France lors
des réunions au Canada pourra varier au-delà de 7 et éventuellement jusqu’à 9
participants, afin d’assurer une représentativité plus grande des groupes
politiques dans les deux Chambres. Pour ajuster ces changements aux réalités
budgétaires de part et d’autre et rationaliser le financement de l’Association,
il est convenu que lors des déplacements au Canada, le Groupe français prendra
en charge les frais de transport et d’hébergement, et inversement lorsque les
Canadiens iront en France;
·Seulement deux thèmes de travail seront retenus
chaque année et seront déclinés lors des deux réunions annuelles afin
d’approfondir au maximum les thématiques;
·Comme mesure de transition vers les deux
rencontres annuelles, le Groupe canadien maintient l’invitation à Ottawa, d’un
Comité permanent élargi. Des dates sont discutées et un consensus s’établit
sur la période du 18 au 21 novembre 2012.
Au nom de la délégation canadienne, la
sénatrice Tardif a accepté les modifications proposées au fonctionnement de
l’Association, sous réserve de l’approbation du Comité exécutif du Groupe
canadien qui en sera saisi dès sa prochaine réunion.
Une discussion s’est engagée sur les
thématiques qui seront retenues pour la prochaine année. Une entente est
intervenue sur les sujets suivant : a) les retraites et les pensions; b)
la ville durable.
c)Réunion-discussion sur les suites des révoltes arabes et la
situation en Syrie
En après-midi, les membres du Comité
ont eu l’immense privilège de participer à une discussion de très haut niveau,
avec deux acteurs importants des printemps arabes et leur suite, et
particulièrement en Syrie : il s’agit de Monsieur Nassif Hitti,
ambassadeur de la Ligue arabe en France, et Monsieur Éric Chevallier,
ambassadeur de la France en Syrie (rappelé à Paris dans les jours précédents).
D’emblée, Monsieur Hitti a affirmé
qu’une ingérence militaire extérieure en Syrie serait contreproductive et que
la seule voie est celle d’une solution politique. Il note une radicalisation
du discours et une communautarisation de l’espace politique et social. Il note
que la situation syrienne est l’antithèse des expériences tunisienne et
égyptienne. La Syrie est une mosaïque de mini-appartenances religieuses qui
doivent être gérées de façon prudente. Il suggère que : qui contrôle la
Syrie contrôle le Moyen-Orient. Il remarque le retour en force de la Turquie
et de l’Iran dans la dynamique syrienne actuelle, avec des éléments de la
Guerre froide. Rappelant la visite récente de Kofi Annan dans le pays et qui
n’a pas été couronnée de succès, il retient que le régime syrien refuse toute
intervention extérieure, souhaitant un dialogue à l’interne uniquement. Il a
rappelé les propositions de Kofi Annan, émissaire de l’ONU et de la Ligue
arabe, fondées sur la résolution de la Ligue arabe : a) arrêt total de la
violence; b) accès à l’aide humanitaire; c) dialogue entre les factions et avec
le régime; d) gouvernement d’union nationale; e) un gouvernement présidé par
une personnalité consensuelle; f) des élections présidentielles et
parlementaires, précédées par l’élection d’une assemblée constituante; g)
l’instauration d’un régime et d’institutions démocratiques.
Sur les perspectives à court et moyen
terme, M. Hitti a exprimé son pessimisme. Une guerre d’usure s’installe et le
pays risque d’imploser.
Pour sa part, Monsieur l’ambassadeur
Éric Chevallier n’est guère plus optimiste. La crise syrienne dure depuis un
an et elle durera encore, et risque d’être encore plus violente. Si les
espoirs du peuple syrien se sont un moment tournés vers l’Égypte et la Tunisie,
maintenant il regarde angoissé du côté de Bagdad et de Beyrouth. Le rapport de
force est maintenant en faveur du régime, la force militaire syrienne agissant
comme un rouleau compresseur contre les insurgés. La possibilité d’une guerre
civile est réelle alors que la sortie de crise s’éloigne et que les violences
s’accroissent. En effet, l’opposition intérieure est effritée entre groupes de
gauche/droite, musulmans/chrétiens, etc., chaque groupe bénéficiant de d’appuis
extérieurs.
L’ambassadeur a raconté la fermeture de
l’ambassade de France à Damas et ses conséquences sur le personnel et les
ressortissants français. Il note que la situation des minorités religieuses
s’est empirée dans tous les pays depuis le départ des dictateurs, que ce soit
en Égypte, en Syrie ou en Irak. Il suggère que la démocratie
« consensuelle » entre Shiites, Sunnites et Kurdes en Irak, inspirée
du modèle libanais, est un échec. Le Canada, comme la France, a fermé son
ambassade. Si une aide consulaire d'urgence s’avère nécessaire, le Canada a
conclu une entente à cette fin avec l'ambassade de Hongrie.
Les parlementaires ont questionné les
deux ambassadeurs sur le rôle de la Russie et de la Chine en Syrie. MM. Hitti
et Chevallier ont noté un changement dans leur politique qui les rapproche du
consensus international, mais aussi leur frustration à ne pas avoir prise sur
le régime. La Chine semble plus souple, ses intérêts se trouvant plutôt dans
les pays du Golfe.
Une discussion s’engage sur
l’efficacité des sanctions décrétées par l’ensemble de la communauté
internationale. Les ambassadeurs estiment que les sanctions les plus efficaces
sont celles qui touchent l’exportation du pétrole et du gaz syriens, les
banques centrales, les sanctions ciblées sur des individus et les interdictions
de voyage. D’autres types de sanctions risqueraient de nuire davantage à la
population qu’au régime.
À la question du sénateur Joyal sur la
source des soutiens armés aux insurgés syriens, les ambassadeurs ont répondu
qu’on assistait à une privatisation de l’acheminement des armes légères, via le
Liban, avec le soutien de l’ensemble des pays arabes. Le régime lui est fourni
en armes par la Russie, et probablement par l’Iran.
Pour les ambassadeurs Hitti et
Chevallier, la sortie de crise repose sur l’union entre factions sur les
perspectives d’avenir du pays, sur les plans économique, institutionnel, etc.,
c’est-à-dire sur une vision commune qui transcende la diversité du pays.
Des informations ont été échangées sur
la présence d’armes de destruction massive en Syrie, sur l’attitude d’Israël
dans la crise syrienne, sur les rôles respectifs du Hamas et du Hezbollah,
ainsi que sur l’aide humanitaire. Les deux ambassadeurs ont estimé que les
couloirs humanitaires possibles sont ceux de la Croix Rouge, du Croissant Rouge
et l’ONU, mais présentement forcer ces couloirs signifierait une
déclaration de guerre au régime syrien.
d)L’accord de libre-échange Canada/Union européenne
Monsieur Jean Dominique Ieraci, de
l’ambassade du Canada, et le député Georges Colombier ont fait une présentation
sur l’état des négociations en vue d’un accord de libre-échange Canada/Union
européenne.
Pour Monsieur Ieraci, les rondes de
négociations comme telles sont terminées. Les parties en sont arrivées au
stade des compromis. Les intérêts français dans la négociation sont : a)
l’accès aux marchés publics canadiens, nationaux, provinciaux et
municipaux : dans ce dossier la réciprocité, c’est-à-dire l’accès aux
marchés publics européens, est problématique; b) la propriété intellectuelle,
notamment dans le secteur pharmaceutique; c) les indicateurs géographiques des
produits alimentaires; d) la question de St-Pierre-et-Miquelon qui, comme
territoire d’Outre-mer français, n’est pas partie de l’Union européenne; e) une
meilleure protection pour les investisseurs; et f) une plus grande mobilité
des personnes.
L’Accord nécessitera non seulement
l’assentiment de l’Union européenne, mais également celui du Parlement européen
et de chaque pays membre. Le projet est soutenu par les deux principaux
candidats à la présidentielle française au nom d’un juste échange, la
réciprocité et une chance pour la croissance.
Le président Colombier a fait valoir
que pour son pays, l’accès souhaité aux marchés canadiens est plus important
que celui qui a été négocié dans le cadre de l’ALÉNA. La France souhaiterait
également un accès aux marchés financiers. Elle souhaite, au nom de
l’exception culturelle, exclure produits culturels tels les livres, les films,
etc. Il a réitéré les propos de M. Ieraci relativement à la propriété
intellectuelle et aux règles d’origine. La France souhaite également une
libéralisation des échanges des produits laitiers. Elle demeure préoccupée par
l’exploitation des sables bitumineux et les produits dérivés du phoque.
Le sénateur Michel Rivard, membre du
Comité permanent de l’Agriculture au Sénat, a soulevé la question de
l’exportation en Europe des vins de glace, et celle des produits du porc et du
bœuf élevés aux hormones. La députée Élaine Michaud, pour sa part, a souligné
l’importance de la gestion de l’offre au Québec en ce qui concerne les produits
agricoles, le lait et les œufs : ces secteurs pourraient être sérieusement
menacés si le futur Accord allait dans le sens d’une plus grande libéralisation
à cet égard.
Suite à cette rencontre, les
participants se sont retrouvés pour souligner le départ de Georges Colombier de
l’Association, car il ne sera pas candidat aux prochaines élections législatives
en mai. La présidente Claudette Tardif a tenu à souligner sa fidélité et
contribution exceptionnelles de près de 10 ans à l’Association, son attitude de
rassembleur au dessus des différences politiques. Pour sa part,
M. Colombier a réitéré son profond attachement au Canada et à
l’Association. Le Comité permanent a aussi rendu hommage à Matthieu
Meissonnier qui depuis dix ans a apporté son soutien à l’Association de son
poste au Sénat. M. Meissonnier abandonnera bientôt ses fonctions à
France/Canada, ayant été muté dans un autre service.
e)Dîner chez l’ambassadeur du Canada à l’UNESCO
Monsieur Jean-Pierre Blackburn, nouvel
ambassadeur du Canada à l’UNESCO, a convié la délégation canadienne à un dîner
fort convivial à sa résidence. Nommé seulement depuis 6 semaines, Monsieur
Blackburn a exprimé toute sa satisfaction pour cette nomination à Paris, mais
n’a pas caché les défis qui l’attendent. Déjà, il a noté le recul du français
dans l’organisation et c’est un sujet qui le préoccupe personnellement.
Conclusion
Le Comité permanent de l’Association
interparlementaire réuni à Paris a constitué un moment important dans
l’histoire de l’Association. Les changements intervenus ou à venir à la
direction du Groupe français, à son soutien administratif au Sénat de la
République, les restrictions budgétaires auxquelles sont confrontés les deux
Parlements ont amené les membres à revoir la structure et le financement des
futures activités de l’organisation. Le Comité permanent est particulièrement
satisfait d’avoir maintenu l’idée de deux rencontres annuelles de format
semblable, plus courtes en durée, et d’avoir axé son travail annuel sur un
nombre limité de thématiques.
Respectueusement
soumis,
L’honorable Claudette Tardif, sénatrice
Présidente de l’Association interparlementaire Canada-France