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Rapport

 

La délégation canadienne était composée de l’honorable Claudette Tardif, sénatrice, présidente du Groupe canadien, de l’honorable Michel Rivard, sénateur, et de Madame Élaine Michaud, députée.  L’honorable Serge Joyal, c.p., sénateur, présent à Paris, s’est joint à la délégation.  Serge Pelletier, secrétaire administratif, accompagnait les délégués.

La délégation française était composée de M. Georges Colombier, député, président du Groupe français de l’Association, de Madame Hélène Conway Mouret, sénateur, nouvelle présidente du Groupe d’amitié France/Canada au Sénat, de Madame Catherine Coutelle, députée.  MM. Matthieu Meissonnier (Sénat) et Alexandre Michel (Assemblée nationale) ont assisté les parlementaires français et organisé l’ensemble du séjour.

Le Comité permanent de l’Association a pour objectif, entre les réunions annuelles de l’Association, de préparer les activités futures.  La réunion de Paris s’inscrivait dans un contexte particulier, soit un changement à la composition du Groupe d’amitié France/Canada au Sénat,  des échéances électorales en France, et la nécessité de prendre en compte les restrictions budgétaires annoncées dans les deux Parlements.

Jeudi 15 mars 2012

a)    Déjeuner de travail à l’Assemblée nationale

Le jeudi 15 mars, un déjeuner de travail a rassemblé les participants.  Les deux parties ont discuté longuement de la réorganisation de l’Association, dans un contexte de mesures d’économie.  La présidente Claudette Tardif a expliqué qu’une révision des activités des 13 associations parlementaires formellement reconnues et financées par le Parlement canadien est en cours, notamment dans le but d’en revoir les objectifs, les résultats anticipés, etc., et dans la perspective de réduire les coûts.  Pour sa part, le Groupe canadien a déjà apporté des modifications à la tarification à la baisse des billets d’avion pour les futures réunions en France. Il a réduit le nombre des délégués aux réunions annuelles de 9 à 7, et il propose la réduction du nombre des journées qui y seront consacrées. 

Une révision a été amorcée également dans les deux Chambres du Parlement français touchant l’ensemble des activités internationales, et particulièrement des groupes d’amitié, relativement à leur pertinence, leur utilité, et les coûts/bénéfices.  Au Sénat, l’Association interparlementaire France/Canada n’aurait pas vu son budget affecté pour l’instant. Le Groupe français s’est penché sur la réduction du nombre des délégués aux réunions annuelles et cela pose des problèmes particulièrement pour le Sénat, car elle diminue encore davantage la représentation des divers groupes politiques qui le composent.  L’hypothèse d’annuler le Comité permanent a été également considérée, mais finalement le Groupe estime que le rythme de deux rencontres par année doit être maintenu comme gage de réussite, de proximité et de convivialité de l’Association.  Le Groupe français a également proposé de recentrer le fonctionnement de l’Association sur deux thèmes par an qui seraient examinés consécutivement en France et au Canada, et de réduire l’aspect « découverte » d’une région.

La présidente Claudette Tardif a informé ses homologues français que les deux prochains rendez-vous électoraux en France intéressent au plus haut point le Groupe canadien et qu’en conséquence, ce dernier a décidé l’organisation de deux missions d’observation à l’occasion des élections présidentielles en mai, et législatives en juin.  En conséquence, il n’y aurait pas de réunion annuelle en 2012, mais le Canada accueillerait en contrepartie à l’automne 2012, à Ottawa, alors que le Parlement est en session, un Comité permanent élargi.

À la suite d’un questionnement de la présidente Hélène Conway Mouret, une discussion s’est amorcée sur les résultats des réunions de l’Association qui mériteraient d’être davantage partagés au sein des deux Parlements et diffusés vers le public, au même titre que les rapports de mission ou d’études parlementaires.  Le Groupe français s’est engagé à produire un rapport quinquennal sur les activités de l’Association démontrant le sérieux et la qualité du travail accompli. 

Les décisions définitives sur l’ensemble de ces propositions sont reportées à la réunion de travail prévue le lendemain.

Les participants ont fait un tour de table sur la situation politique dans les deux pays.

La sénatrice Claudette Tardif a rappelé les résultats des élections fédérales du 2 mai 2011, qui a relégué son parti, le Parti libéral du Canada (PLC), au rang de deuxième parti de l’opposition, derrière le Nouveau parti démocratique.  Le PLC est en pleine phase de reconstruction et il est présentement dirigé par un chef intérimaire, Monsieur Bob Rae, jusqu’en mars-juin 2013, alors qu’un congrès à la direction sera tenu pour trouver un successeur permanent à Michael Ignatieff.  En janvier 2012, le PLC a tenu un congrès important à Ottawa, auquel près de 3000 délégués ont participé.  Une formule de « primaires » a alors été retenue pour choisir le prochain chef, créant une nouvelle catégorie de partisans qui ne sont pas nécessairement membres en règle du parti.  Le sénateur Serge Joyal note que si le PLC est le deuxième parti d’opposition à la Chambre des communes, il est toujours l’Opposition officielle au Sénat.

Le sénateur Michel Rivard, représentant du Parti conservateur du Canada (PCC), rappelle les origines du parti, né de la fusion entre l’ancien Parti progressiste-conservateur réduit à 2 députés en 1993, et le Reform Party, parti nettement à droite.  C’est le premier ministre Stephen Harper qui a piloté la fusion des forces de la droite qui a conduit à deux gouvernements minoritaires en 2006 et 2008, et à une majorité en 2011.  Le sénateur Rivard a évoqué les deux principaux projets de loi présentés par le Gouvernement depuis le début de la nouvelle législature : a) un projet de loi modifiant la loi sur le registre des armes à feu adopté en mars 2012; et b) un projet de loi omnibus en matière de justice visant à protéger les victimes de crimes et alourdissant les peines pour plusieurs catégories de crimes.  Le sénateur Rivard note l’excellente performance économique du Canada.  Un budget sera présenté à la fin mars 2012 et le sénateur Rivard est convaincu qu’il sera acceptable à la population.  Le sénateur a enfin esquissé la réforme du Sénat qui vise d’une part à permettre aux provinces d’élire les sénateurs, et d’autre part, de réduire à 9 ans, non-renouvelable, leur mandat.  Il note que des provinces comme l’Ontario et le Québec s’opposent à cette réforme, mais avec la majorité gouvernementale au Sénat et à la Chambre des communes, il estime que cette réforme sera ultimement adoptée. 

Sur cette question, la députée canadienne Élaine Michaud, du Nouveau parti démocratique (NPD), a émis l’avis que la réforme sénatoriale proposée est inconstitutionnelle.  Elle a rappelé la victoire inattendue de son parti le 2 mai 2011, qui a fait élire 59 députés au Québec, et 103 au plan national, lui conférant le statut d’Opposition officielle.  La députation est très jeune, 20 députés ayant moins de 30 ans, et 40 % sont des femmes.  Elle a rappelé que le chef de sa formation, Jack Layton, est décédé le 22 août 2011.  Un congrès à la direction se tiendra le 24 mars 2012 à Toronto.  Entre temps, 130,000 membres pourront voter par Internet.  Il y a à l'heure actuelle 6 candidats en liste.  Madame Michaud affirme que le Québec ne se reconnaît pas dans certains projets de loi mis de l’avant par le gouvernement.  Elle estime que l’économie canadienne dans son ensemble est fragile malgré certains indices positifs, et que le sort des Premières nations est inquiétant.

Le député Georges Colombier (UMP) précise que les élections au Sénat français ont lieu tous les trois ans pour renouveler la moitié de la Chambre. L’Assemblée nationale, qui se renouvelle intégralement tous les cinq ans, a cessé de siéger depuis le 6 mars afin de préparer les élections : scrutin présidentiel les 22 avril et 6 mai, puis scrutin législatif les 10 et 17 juin. L’Assemblée reprendra ses travaux le 26 juin 2012. La députée Catherine Coutelle (Parti socialiste), explique que son parti, en 2011, a adopté lors d’un congrès en vue de désigner un candidat à l’élection présidentielle en 2011, un système de primaires, et a aboli le cumul des mandats.  Les primaires socialistes ont suscité un véritable engouement, puisque 2,500,000 votants se sont prononcés.  Au terme d’un deuxième tour, c’est le candidat François Hollande qui a été désigné et tous les autres candidats se sont ralliés à lui.  Au total, les primaires se sont avérées un succès et ont dynamisé la vie politique.  Madame Coutelle explique que la politique en France se focalise tous les cinq ans lors des élections présidentielles, élections très personnalisées et très médiatisées, avec des sondages quotidiens aux résultats souvent contradictoires.  M. Colombier abonde dans le même sens en expliquant que les campagnes misent davantage sur la forme et les personnalités que sur le fond.  Pour sa part, la sénatrice Conway Mouret a noté que les grands rassemblements politiques des campagnes s’apparentent de plus en plus aux grandes réunions politiques à l’américaine : orchestre, entrée programmée, beaucoup de cinéma. L’image est plus importante que le contenu.  Elle note aussi l’importance grandissante des réseaux sociaux.

Après ce tour d’horizon, à la demande du Groupe français, une discussion s’est engagée sur l’élection de députés représentants les Français à l’étranger.  Ce sujet suscite une controverse diplomatique entre les deux pays.  Il y aurait 2,5 millions de Français à l’étranger, et environ 70,000 au Canada, dont 40 000 au Québec.  La réforme électorale récemment adoptée prévoit l’élection de 11 députés représentant différentes régions du globe, dont 1 député pour l’Amérique du Nord.  Le Canada s’est opposé à la méthode envisagée par la France pour le déroulement de ce scrutin.  Du côté français, il semble que le problème soit perçu comme une question technique : le refus canadien de permettre aux Français de voter dans des endroits autres que les ambassades et consulats, par exemple les lycées français.  Le sénateur Joyal intervient pour demander si les Français ont le droit de voter par anticipation, par la poste ou par Internet, des alternatives aux votes dans les bureaux de scrutin, et qui ont largement cours au Canada: il semble que ces modes électoraux ne sont pas encore pratiques courantes pour l’électorat français.

La présidente Claudette Tardif se demande si le refus du Gouvernement canadien ne serait pas fondé sur des motifs plus profonds : par exemple, l’idée qu’un député français légitimement élu en Amérique du Nord puisse prendre des positions à l’Assemblée nationale en France sur des questions de politiques intérieure et étrangère canadiennes peut être considérée à tout le moins comme troublante.  La sénatrice Conway Mouret précise que cette hypothèse est à exclure, car les parlementaires français élus à l’étranger ne représentent strictement que les citoyens français résidant dans leur circonscription et n’ont aucun mandat pour juger des affaires intérieures d’un autre pays.

b)   Dîner de travail à l’Ambassade du Canada

L’ambassadeur Marc Lortie a reçu la délégation canadienne à sa résidence pour un déjeuner de travail auquel il a convié deux éminents experts en matière électorale : Monsieur Gaël Sliman, directeur, maison de sondage BVA, et Monsieur Gérard Courtois, chroniqueur politique au journal Le Monde.

La délégation canadienne est arrivée en France alors que des sondages contradictoires venaient d’être publiés, les uns plaçant le candidat Sarkozy en tête lors du premier tour de la présidentielle, les autres désignant le candidat Hollande.  Par contre, les sondages accordaient toujours une large avance au candidat Hollande au deuxième tour. 

D’une façon candide, ouverte et très éclairée, les deux experts ont commenté ces sondages, évalué les qualités et les faiblesses respectives des deux principaux candidats, tant au niveau de leur programme politique que de leur style personnel, et évoqué des scénarios qui pourraient modifier les tendances observées depuis le début de la campagne.  Les reports de voix au deuxième tour par les autres candidats ont aussi été analysés.  MM. Sliman et Courtois ont évoqué les principaux enjeux de ce rendez-vous électoral : au premier chef le chômage, mais aussi la fracture sociale, la sécurité, l’immigration, l’identité, la diversité, la crise de l’euro. 

Concernant la crise de l’euro et de l’Union européenne (UE), l’ambassadeur Lortie et le sénateur Joyal ont exprimé le préjugé favorable au Canada vis-à-vis de l’UE, et expliqué leur étonnement devant l’incapacité des membres de l’UE à résoudre leurs problèmes et les dysfonctionnements qui se manifestent de crise en crise.

En conclusion, MM. Sliman et Courtois ont présenté leurs pronostiques sur les candidats possibles à Matignon, selon qu’un l’un ou l’autre des deux principaux candidats sera élu président.   Les parlementaires canadiens sont sortis de cette rencontre très satisfaits des informations recueillies et mieux informés des enjeux des prochaines élections.

Vendredi 16 mars

a)    Présentation de SolarWall Europe

En matinée, les membres du Comité permanent ont assisté à l’Assemblée nationale, à une présentation de Madame Anouck Colson, directrice déléguée de la société canadienne Conserval Engineering Inc. / SolarWall Europe. Cette entreprise s’est distinguée dernièrement en recevant le 13 décembre 2011, l’un des prix Canada-France pour les petites et moyennes entreprises.

Conserval Engineering Inc., créé en 1977,  a son siège social à Toronto, une filiale américaine à Buffalo, et une filiale européenne à Paris, Solar Wall Europe.  Elle a des clients dans 32 pays, dont Auchan, Wal-Mart, Fed-Ex, Ford, Bombardier, Boeing, General Motors, l’armée américaine et canadienne, etc.  La société a inventé la technologie du chauffage solaire de l’air pour les bâtiments de grands volumes appelée SolarWall.  Il s’agit d’une technologie d’énergie renouvelable intégrée aux bâtiments qui est utilisée pour le chauffage de l’air intérieur et qui répond aux besoins de la ventilation des bâtiments ou les applications de procédés de chauffage.  La technologie SolarWall chauffe l’air intérieur entre 5-30 degrés centigrades au-dessus de la température extérieure.  Son installation est simple, le système a la même durée de vie que le bâtiment et requiert peu d'entretien.  Les coûts de chauffage peuvent être ainsi réduits entre 15 % et 50 % selon les paramètres du site.  Les retours sur investissements sont rapides, entre 2 et 7 ans.  En France, depuis 2009, 15 projets avec cette technologie ont été menés à terme et en 2012, des projets d’une valeur de 8 millions d’euros sont prévus. 

Suite à cet exposé, les parlementaires se sont rendus au bâtiment Pépinière, dans le 18e arrondissement de Paris, où cette technologie a été adoptée pour un édifice neuf abritant de jeunes entreprises.  Ils ont rencontré des représentants de la ville de Paris, associés au projet,  ainsi que les architectes impliqués.  Ils sont montés ensuite sur la toiture pour voir les installations.

b)   Déjeuner de travail au Sénat

Le Comité permanent s’est réuni de nouveau au sujet du réaménagement de l’Association et pour discuter des prochaines activités de l’Association.

Après discussion, il fut convenu de ce qui suit :

·         L’Association maintiendra un rythme de 2 réunions par années, l’une en France et l’autre au Canada;

·         La durée des réunions sera réduite à 3-4 jours, et la partie découverte culturelle sera réduite à son minimum;

·         Le nombre de participants canadiens lors des réunions en France sera réduit à 7; le nombre de participants de la France lors des réunions au Canada pourra varier au-delà de 7 et éventuellement jusqu’à 9 participants, afin d’assurer une représentativité plus grande des groupes politiques dans les deux Chambres.  Pour ajuster ces changements aux réalités budgétaires de part et d’autre et rationaliser le financement de l’Association, il est convenu que lors des déplacements au Canada, le Groupe français prendra en charge les frais de transport et d’hébergement, et inversement lorsque les Canadiens iront en France;

·         Seulement deux thèmes de travail seront retenus chaque année et seront déclinés lors des deux réunions annuelles afin d’approfondir au maximum les thématiques;

·         Comme mesure de transition vers les deux rencontres annuelles, le Groupe canadien maintient l’invitation à Ottawa, d’un Comité permanent élargi.  Des dates sont discutées et un consensus s’établit sur la période du 18 au 21 novembre 2012.

Au nom de la délégation canadienne, la sénatrice Tardif a accepté les modifications proposées au fonctionnement de l’Association, sous réserve de l’approbation du Comité exécutif du Groupe canadien qui en sera saisi dès sa prochaine réunion.

Une discussion s’est engagée sur les thématiques qui seront retenues pour la prochaine année.  Une entente est intervenue sur les sujets suivant : a) les retraites et les pensions; b) la ville durable. 

c)    Réunion-discussion sur les suites des révoltes arabes et la situation en Syrie

En après-midi, les membres du Comité ont eu l’immense privilège de participer à une discussion de très haut niveau, avec deux acteurs importants des printemps arabes et leur suite, et particulièrement en Syrie : il s’agit de Monsieur Nassif Hitti, ambassadeur de la Ligue arabe en France, et Monsieur Éric Chevallier, ambassadeur de la France en Syrie (rappelé à Paris dans les jours précédents).

D’emblée, Monsieur Hitti a affirmé qu’une ingérence militaire extérieure en Syrie serait contreproductive et que la seule voie est celle d’une solution politique.  Il note une radicalisation du discours et une communautarisation de l’espace politique et social.  Il note que la situation syrienne est l’antithèse des expériences tunisienne et égyptienne.  La Syrie est une mosaïque de mini-appartenances religieuses qui doivent être gérées de façon prudente.  Il suggère que : qui contrôle la Syrie contrôle le Moyen-Orient.  Il remarque le retour en force de la Turquie et de l’Iran dans la dynamique syrienne actuelle, avec des éléments de la Guerre froide.  Rappelant la visite récente de Kofi Annan dans le pays et qui n’a pas été couronnée de succès, il retient que le régime syrien refuse toute intervention extérieure, souhaitant un dialogue à l’interne uniquement.  Il a rappelé les propositions de Kofi Annan, émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe, fondées sur la résolution de la Ligue arabe : a) arrêt total de la violence; b) accès à l’aide humanitaire; c) dialogue entre les factions et avec le régime; d) gouvernement d’union nationale; e) un gouvernement présidé par une personnalité consensuelle; f) des élections présidentielles et parlementaires, précédées par l’élection d’une assemblée constituante; g) l’instauration d’un régime et d’institutions démocratiques.

Sur les perspectives à court et moyen terme, M. Hitti a exprimé son pessimisme.  Une guerre d’usure s’installe et le pays risque d’imploser.

Pour sa part, Monsieur l’ambassadeur Éric Chevallier n’est guère plus optimiste.  La crise syrienne dure depuis un an et elle durera encore, et risque d’être encore plus violente.  Si les espoirs du peuple syrien se sont un moment tournés vers l’Égypte et la Tunisie, maintenant il regarde angoissé du côté de Bagdad et de Beyrouth.  Le rapport de force est maintenant en faveur du régime, la force militaire syrienne agissant comme un rouleau compresseur contre les insurgés.  La possibilité d’une guerre civile est réelle alors que la sortie de crise s’éloigne et que les violences s’accroissent.  En effet, l’opposition intérieure est effritée entre groupes de gauche/droite, musulmans/chrétiens, etc., chaque groupe bénéficiant de d’appuis extérieurs. 

L’ambassadeur a raconté la fermeture de l’ambassade de France à Damas et ses conséquences sur le personnel et les ressortissants français.  Il note que la situation des minorités religieuses s’est empirée dans tous les pays depuis le départ des dictateurs, que ce soit en Égypte, en Syrie ou en Irak.  Il suggère que la démocratie « consensuelle » entre Shiites, Sunnites et Kurdes en Irak, inspirée du modèle libanais, est un échec.  Le Canada, comme la France, a fermé son ambassade. Si une aide consulaire d'urgence s’avère nécessaire, le Canada a conclu une entente à cette fin avec l'ambassade de Hongrie.

Les parlementaires ont questionné les deux ambassadeurs sur le rôle de la Russie et de la Chine en Syrie.  MM. Hitti et Chevallier ont noté un changement dans leur politique qui les rapproche du consensus international, mais aussi leur frustration à ne pas avoir prise sur le régime.  La Chine semble plus souple, ses intérêts se trouvant plutôt dans les pays du Golfe. 

Une discussion s’engage sur l’efficacité des sanctions décrétées par l’ensemble de la communauté internationale.  Les ambassadeurs estiment que les sanctions les plus efficaces sont celles qui touchent l’exportation du  pétrole et du gaz syriens, les banques centrales, les sanctions ciblées sur des individus et les interdictions de voyage.  D’autres types de sanctions risqueraient de nuire davantage à la population qu’au régime. 

À la question du sénateur Joyal sur la source des soutiens armés aux insurgés syriens, les ambassadeurs ont répondu qu’on assistait à une privatisation de l’acheminement des armes légères, via le Liban, avec le soutien de l’ensemble des pays arabes.  Le régime lui est fourni en armes par la Russie, et probablement par l’Iran. 

Pour les ambassadeurs Hitti et Chevallier, la sortie de crise repose sur l’union entre factions sur les perspectives d’avenir du pays, sur les plans économique, institutionnel, etc.,  c’est-à-dire sur une vision commune qui transcende la diversité du pays. 

Des informations ont été échangées sur la présence d’armes de destruction massive en Syrie, sur l’attitude d’Israël dans la crise syrienne, sur les rôles respectifs du Hamas et du Hezbollah, ainsi que sur l’aide humanitaire.  Les deux ambassadeurs ont estimé que les couloirs humanitaires possibles sont ceux de la Croix Rouge, du Croissant Rouge et l’ONU,  mais présentement forcer ces couloirs signifierait une déclaration de guerre au régime syrien.

d)   L’accord de libre-échange Canada/Union européenne

Monsieur Jean Dominique Ieraci, de l’ambassade du Canada, et le député Georges Colombier ont fait une présentation sur l’état des négociations en vue d’un accord de libre-échange Canada/Union européenne.

Pour Monsieur Ieraci, les rondes de négociations comme telles sont terminées.  Les parties en sont arrivées au stade des compromis.  Les intérêts français dans la négociation sont : a) l’accès aux marchés publics canadiens, nationaux, provinciaux et municipaux : dans ce dossier la réciprocité, c’est-à-dire l’accès aux marchés publics européens, est problématique; b) la propriété intellectuelle, notamment dans le secteur pharmaceutique; c) les indicateurs géographiques des produits alimentaires; d) la question de St-Pierre-et-Miquelon qui, comme territoire d’Outre-mer français, n’est pas partie de l’Union européenne; e) une meilleure protection pour les investisseurs; et f) une plus grande mobilité des  personnes.

L’Accord nécessitera non seulement l’assentiment de l’Union européenne, mais également celui du Parlement européen et de chaque pays membre.  Le projet est soutenu par les deux principaux candidats à la présidentielle française au nom d’un juste échange, la réciprocité et une chance pour la croissance.

Le président Colombier a fait valoir que pour son pays, l’accès souhaité aux marchés canadiens est plus important que celui qui a été négocié dans le cadre de l’ALÉNA.  La France souhaiterait également un accès aux marchés financiers.  Elle souhaite, au nom de l’exception culturelle, exclure produits culturels tels les livres, les films, etc.  Il a réitéré les propos de M. Ieraci relativement à la propriété intellectuelle et aux règles d’origine.  La France souhaite également une libéralisation des échanges des produits laitiers.  Elle demeure préoccupée par l’exploitation des sables bitumineux et les produits dérivés du phoque.

Le sénateur Michel Rivard, membre du Comité permanent de l’Agriculture au Sénat, a soulevé la question de l’exportation en Europe des vins de glace, et celle des produits du porc et du bœuf élevés aux hormones.  La députée Élaine Michaud, pour sa part, a souligné l’importance de la gestion de l’offre au Québec en ce qui concerne les produits agricoles, le lait et les œufs : ces secteurs pourraient être sérieusement menacés si le futur Accord allait dans le sens d’une plus grande libéralisation à cet égard.

Suite à cette rencontre, les participants se sont retrouvés pour souligner le départ de Georges Colombier de l’Association, car il ne sera pas candidat aux prochaines élections législatives en mai.  La présidente Claudette Tardif a tenu à souligner sa fidélité et contribution exceptionnelles de près de 10 ans à l’Association, son attitude de rassembleur au dessus des différences politiques.  Pour sa part, M. Colombier a réitéré son profond attachement au Canada et à l’Association.  Le Comité permanent a aussi rendu hommage à Matthieu Meissonnier qui depuis dix ans a apporté son soutien à l’Association de son poste au Sénat.  M. Meissonnier abandonnera bientôt ses fonctions à France/Canada, ayant été muté dans un autre service.

e)    Dîner chez l’ambassadeur du Canada à l’UNESCO

Monsieur Jean-Pierre Blackburn, nouvel ambassadeur du Canada à l’UNESCO, a convié la délégation canadienne à un dîner fort convivial à sa résidence.  Nommé seulement depuis 6 semaines, Monsieur Blackburn a exprimé toute sa satisfaction pour cette nomination à Paris, mais n’a pas caché les défis qui l’attendent.  Déjà, il a noté le recul du français dans l’organisation et c’est un sujet qui le préoccupe personnellement.

Conclusion

Le Comité permanent de l’Association interparlementaire réuni à Paris a constitué un moment important dans l’histoire de l’Association.  Les changements intervenus ou à venir à la direction du Groupe français, à son soutien administratif au Sénat de la République, les restrictions budgétaires auxquelles sont confrontés les deux Parlements ont amené les membres à revoir la structure et le financement des futures activités de l’organisation.  Le Comité permanent est particulièrement satisfait d’avoir maintenu l’idée de deux rencontres annuelles de format semblable, plus courtes en durée, et d’avoir axé son travail annuel sur un nombre limité de thématiques. 

 

Respectueusement soumis,

 

 

L’honorable Claudette Tardif, sénatrice
Présidente de l’Association interparlementaire Canada-France

 

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