Header Image Association parlementaire Canada-Afrique

Rapport

Membres de la délégation canadienne

L’Association parlementaire Canada-Afrique était représentée par l’honorable Mauril Bélanger, C.P., député et coprésident, et l’honorable Raynell Andreychuk, sénatrice et coprésidente, l’honorable Terry Stratton, sénateur et vice-président, Mme Lois Brown, députée et vice-présidente, l’honorable Jim Munson, sénateur et directeur, et M. Tyrone Benskin, député et directeur. La délégation était accompagnée de M. Andrew Lauzon, secrétaire de l’Association, et Mme Aïcha Coulibaly, Bibliothèque du Parlement, analyste de l’Association.

Objectifs des rencontres en république du Cameroun

Les objectifs de la mission, la première visite bilatérale de l’Association parlementaire Canada-Afrique au Cameroun, étaient les suivants :

Renforcer les relations bilatérales et la coopération parlementaire entre le Canada et la République du Cameroun;

Informer les parlementaires canadiens des activités économiques dans la région, par l’entremise de contacts avec des parlementaires, des représentants du gouvernement, des groupes de la société civile et des entreprises canadiennes;

Partager l’expérience canadienne sur le fonctionnement du Sénat, sur les relations entre le Sénat et la Chambre des communes et entre le Sénat et le pouvoir exécutif tout en s’informant de la procédure électorale des sénateurs camerounais ainsi que des règles et procédures du Sénat camerounais. Cette visite fût entreprise à l’invitation du Président et du Secrétaire général de l’Assemblée nationale de la république du Cameroun.

République du Cameroun

1.    Enjeux et relations avec le Canada

Le Cameroun est situé sur le Golfe de Guinée, juste au nord de l’équateur. Ses voisins sont le Tchad au nord, le Nigéria à l’ouest, la République centrafricaine à l’est, puis la Guinée équatoriale, le Gabon et la République du Congo au sud. Son territoire accidenté couvre environ 475 440 kilomètres carrés (une superficie à peu près similaire à celle du Yukon). C’est Yaoundé, ville située dans l’intérieur du pays, qui sert de capitale, tandis que Douala, ville côtière, constitue le principal centre de l’activité économique.

L’économie du Cameroun repose principalement sur la production agricole et l’exploitation de ressources naturelles. Catégorisée par la Banque mondiale dans la classe des pays à revenu intermédiaire tranche inférieure, le pays fait face à plusieurs enjeux similaires à ceux rencontrés dans d’autres pays en développement, notamment un revenu par habitant stagnant, une distribution des richesses relativement inéquitable, une corruption endémique, un climat peu attrayant pour favoriser le développement des affaires, et une fonction publique hiérarchisée. Le Fonds monétaire international fait pression pour que le pays instaure plus de réformes, particulièrement la transparence budgétaire, la privatisation de certains secteurs, et la mise en place de programme de réduction de pauvreté. Malgré tout, le Cameroun a connu un taux de croissance de son PIB de 4,2 % en 2011 (aux fins de comparaison, au Canada le taux de croissance a été de 2,41 % durant la même année).

Bien que relativement élevé, le ratio de la population pauvre a baissé depuis 1996, passant ainsi de 53,3 à 39,9 % en 2007. Le gouvernement a établi des programmes de subvention pour faciliter l’accès à l’électricité, la nourriture et le carburant. Des efforts de diversification de l’économie sont entrepris avec notamment la mise en place de récents projets miniers – pour l’extraction de diamants – qui attirent d’ailleurs des investissements étrangers.

Bien que le Cameroun soit le deuxième partenaire commercial du Canada en Afrique centrale, les exportations du Canada vers ce pays ont diminué depuis 2009 et s’élevaient à 27,1 millions de dollars en 2011. Au cours de la même période, les importations canadiennes ont, par contre, augmenté de 4,5 millions à 7,5 millions de dollars. Les entreprises canadiennes œuvrent surtout dans les domaines de l’éducation, des infrastructures, des mines et de l’énergie.

En matière de relations internationales, le Canada et le Cameroun ont signé une convention de non double imposition depuis le 1er janvier 1988. Les deux pays ont conclu les négociations en vue d’un Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) en novembre 2012. Au moment de la rédaction de ce rapport, l’APIE n’était pas encore entré en vigueur.

Le Cameroun a signé un protocole d’accord avec Rio Tinto Alcan en 2009 pour la construction d’une aluminerie, de deux centrales hydroélectriques et d’un terminal d’aluminium à Kribi. Ces investissements atteindront près de 9 milliards de dollars américains. Ils représentent l’un des plus grands projets privés en Afrique centrale et le plus grand programme d’investissement industriel au Cameroun.

L’année 2012 a marqué le 50e anniversaire des relations entre le Cameroun et le Canada.

2.    Rencontres

Afin de mener la mission à bien, la délégation s’est entretenue avec le très honorable Djibril Cavayé Yéguié, président de l’Assemblée nationale, les membres des commissions parlementaires, les membres du groupe d’amitié parlementaire Cameroun-Canada, le secrétaire général de l’Assemblée nationale, des représentants du gouvernement, la section camerounaise du Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique Centrale, des représentants de la société civile et de la presse, et des représentants d’entreprises canadiennes et camerounaises.

A.   Session d’information sur le Sénat camerounais et le droit constitutionnel

Afin de mieux comprendre les objectifs implicites de la création de la deuxième chambre du parlement camerounais et mieux être, par conséquent, en position de donner des suggestions et conseils sur le nouveau sénat, la délégation a tenu cette session en premier.

Elle a été animée par le professeur Bernard-Raymond Guimdo Dongmo, agrégé de droit public et Science politique de l’Université de Yaoundé II. M. Guimdo Dongmo a relaté la différence entre le bicaméralisme canadien et le système parlementaire envisagé au Cameroun. Il a expliqué que l’objectif de la mise en place d’un Sénat est la représentation des collectivités territoriales décentralisées. L’Assemblée nationale jouira d’un pouvoir plus important que le Sénat. Ainsi dans le cadre du processus législatif, si les deux chambres se trouvent dans une impasse l’Assemblée nationale a le pouvoir d’adopter un projet de loi, à la majorité absolue des députés. Il a également ajouté que dans le cas où le Président de la République est dans l’incapacité d’assumer ses fonctions et jusqu’à l’élection d’un nouveau Président c’est le président du Sénat qui assure l’intérim.

M. Guimdo Dongmo a aussi traité de la composition du Conseil constitutionnel, la tenue des élections sénatoriales, la nomination des juges et l’application des droits de la personne.

B.   Rencontre avec le très honorable Djibril Yégué Cavayé, Président de l’Assemblée nationale

M. Cavayé a parlé du rôle important que joue le Canada au Cameroun en matière de développement international notamment dans le domaine de la santé. Il a aussi relaté le désir du gouvernement camerounais de mettre en place le Sénat et de la contribution que le Canada pourrait apporter. Il a indiqué la réforme entreprise par le gouvernement afin de donner un rôle plus important à la Commission des finances et du budget pour ce qui est de son mandat lié au contrôle des finances publiques.

C.   Rencontre avec les membres du groupe d’amitié parlementaire Cameroun-Canada et les présidents des commissions de l’Assemblée nationale

Les parlementaires se sont entretenus sur divers sujets notamment la transparence des comptes publics et la responsabilité de l’administration publique, les droits de la personne, la liberté de la presse et du processus électoral. En matière de transparence des comptes publics et la responsabilité de l’administration publique, les parlementaires camerounais ont expliqué que certains articles de la Constitution couvraient ces aspects en mettant l’accent sur la déclaration des avoirs. Le contrôle parlementaire porte surtout sur le régime financier et est assuré par la Commission parlementaire des finances. Étant donné qu’au moment de la visite, le Conseil constitutionnel n’était pas encore établi, c’est la Cour suprême qui était chargée de l’application de la Constitution.

Pour ce qui est des droits de la personne et la liberté de la presse, les parlementaires camerounais ont expliqué que le Cameroun est une jeune démocratie qui a adopté le multipartisme depuis 1990. À ce titre, le pays est confronté à des défis quant à l’application des lois. Le pays est également confronté à des différences tribales et à la corruption, problèmes auxquels le gouvernement essaie d’y remédier. La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés travaille à la sensibilisation de la population sur les droits de l’homme.

En ce qui a trait au processus électoral, les parlementaires camerounais ont expliqué qu’Élections Cameroun (ELECAM) est chargé d’organiser et d’assurer le bon déroulement des élections. Pour les élections sénatoriales, ELECAM a eu recours au processus biométrique pour la refonte de sa liste électorale.

Des membres de la délégation ont eu l’opportunité d’observer une partie du processus d’inscription à la liste électorale et sont d’avis que l’élection sénatoriale semble s’être déroulée correctement dans l’ensemble.

D.   Rencontre avec M. Victor Yene Ossomba, secrétaire général de l’Assemblée nationale

Durant la rencontre, M. Ossomba a indiqué l’intérêt pour le Cameroun de bénéficier de l’expérience du Canada en matière de bicaméralisme notamment au niveau des échanges entre les deux chambres.

Le secrétaire générale a indiqué que le Sénat est une nouveauté au Cameroun et pour cette raison, le service administratif de l’Assemblée nationale travaille sur la structure du Sénat et son fonctionnement. Le Sénat sera considéré comme la chambre haute.

La délégation canadienne a indiqué qu’en comprenant les objectifs poursuivis derrière l’établissement du Sénat camerounais, la délégation serait en mesure de répondre à d’éventuelles questions liées au fonctionnement d’un sénat sur la base de l’expérience canadienne.

E.   Rencontre avec S.E.M. Amadou Ali, ministre délégué à la Présidence chargé des relations avec les assemblés

M. Ali a expliqué qu’il fait le lien entre la branche législative et celle exécutive. Il a expliqué aux membres de la délégation que le besoin de création du Sénat est compris des divers partis politiques. Il a ajouté qu’à l’inverse du Sénégal où il existe une homogénéité religieuse et tribale, le Cameroun se caractérise par sa diversité linguistique et tribale; il est donc important d’en tenir compte dans les instances législatives du pays. Il a également discuté des enjeux relatifs au processus électoral – notamment l’identification des électeurs – et à la documentation des réfugiés.

F.    Rencontre avec les représentants du Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale.

Les membres de la délégation ont appris que le Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale (CNUDHD) a été créé en 2001 à la demande de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et suite à la décision de l’Assemblée générale de l’ONU par les résolutions des 5 décembre 1998 et 1er décembre 1999. Le mandat du CNUDHD est de promouvoir les droits de l’homme et de la démocratie à travers le renforcement des capacités d’institutions travaillant dans ce domaine. Les représentants du CNUDHD ont expliqué que le Cameroun a progressé dans l’application des droits de l’homme notamment les droits de la communauté LGBT (lesbiennes, gays bisexuels et transgenres), et dans la tenue d’élections transparentes et juste avec le recours au système biométrique. Des efforts restent toutefois à faire dans l’intégration des minorités et des personnes handicapées au sein de la société et en matière de violence faite aux femmes.

G.   Rencontre avec des journalistes camerounais

Les journalistes invités ont indiqué que plusieurs chaînes de radio, de télévision et de journaux participent à la diffusion de l’information au Cameroun. Toutefois, les journalistes manquent de formation appropriée et ne travaillent pas selon un code de conduite ce qui peut entacher la crédibilité de l’information diffusée. La Loi sur l’accès à l’information est un autre défi à relever puisqu’elle n’est pas toujours appliquée. De plus, la presse manque de financement pour être indépendante et impartiale.

H.   Rencontre avec S.E.M. Pierre Moukoko Mbonjo, ministre des Relations extérieures

Le ministre a indiqué que le Canada et le Cameroun travaillaient sur plusieurs projets notamment dans le domaine forestier, et il a exprimé le souhait que le Canada participe également dans les domaines de la télécommunication et l’énergie. Il a également indiqué que le Cameroun avait conclu des ententes avec l’Australie, la Chine et l’Allemagne pour l’exploitation de la bauxite, le développement de la téléphonie mobile, et la production de fertilisants. Il a mentionné que le Cameroun avait ratifié plusieurs ententes à l’échelle internationale et que le pays avait voté plusieurs lois visant à lutter contre le trafic humain, la mutilation sexuelle féminine. La peine de mort a été abolie au Cameroun depuis 1982. Pour ce qui est du droit des homosexuels, le ministre a noté que des défis persistent, mais qu’il y a un débat public sur cette question.

Le ministre a également ajouté que la décision d’établir un Sénat émane du changement de structure de l’État reflété par la révision de la Constitution, le 18 janvier 1996. L’article 55 introduit la notion de collectivités territoriales décentralisées qui sont considérées comme des personnes morales de droit public jouissant d’une autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Ces collectivités représentent les régions et les communes du Cameroun. Chacune est gérée par un Conseil régional composé de délégués de départements[1] et de chefs traditionnels.

L’objectif recherché dans l’établissement du Sénat est de représenter les intérêts des collectivités territoriales décentralisées dans le processus législatif. Bien que définies, ces collectivités ne sont pas encore opérationnelles. En effet, dans le cadre du régime de partage de compétences, le gouvernement et les régions et communes sont en train d’établir les responsabilités qui relèveront des collectivités et celles qui relèveront du gouvernement national.

Le gouvernement camerounais pense réaliser en 2013 les élections sénatoriales[2]. Les sénateurs seront élus, par suffrage indirect, dans chacune des collectivités territoriales par un collège électoral formé des conseillers régionaux et municipaux. Toutefois étant donné que les collectivités territoriales ne sont pas encore fonctionnelles et que les conseillers régionaux n’ont pas encore été élus, la révision de la Constitution le 14 avril 2008 (article 67) permet que ce soit seulement les conseillers municipaux qui élisent les sénateurs de leur collectivité territoriale.

Une fois en place, le Sénat sera constitué de 100 sénateurs, dont 30 nommés par le Président de la République et 70 élus (soit sept pour chacune des 10 collectivités territoriales décentralisées).

I.      Rencontre avec des représentants du projet CHOC

Le projet Changer d’Habitude s’Opposer à la Corruption (CHOC) a été financé par le Canada et d’autres bailleurs de fonds tels que l’Union européenne, les Pays-Bas, la France et la Grande-Bretagne. Ce projet a apporté un appui à l’élaboration de la stratégie nationale camerounaise de la lutte contre la Corruption. Le projet CHOC aide également les institutions gouvernementales telles que la Commission nationale anti-corruption (CONAC) à mettre en place cette stratégie.

Durant leur entretien avec les membres de la délégation, les représentants du projet CHOC ont fait remarquer un manque de volonté politique de lutter efficacement contre la corruption. Selon cette ONG, l’article 66[3] de la Constitution du 18 janvier 1996 n’a pas été internalisé par le gouvernement. L’ONG reconnaît également que la précarité des conditions de vie au Cameroun est un facteur important qui explique le taux élevé de corruption. De meilleures politiques salariales et financières pourraient aider à sévir contre ce fléau selon CHOC.

Au retour de la délégation au Canada, la documentation fournie par les représentants du projet CHOC a été transmise aux membres canadiens de GOPAC (Global Organization of Parliamentarians against Corruption) afin d’évaluer l’efficacité du projet CHOC.

J.    Rencontre avec Rev. Dr. Dieudonné Massi Gams, président de la Commission nationale anti-corruption

Rev. Dr. Dieudonné a expliqué que la CONAC a été créée en 2006. Placée sous l’autorité du chef de l’État, la CONAC fait rapport au président de la République et travaille régulièrement avec les représentants du projet CHOC. Elle descend régulièrement sur le terrain pour comprendre la perception qu’ont la société civile et les divers départements ministériels de la corruption. Ces actions aident la CONAC à identifier les causes de la corruption et à proposer des pistes de solutions. Rev. Dr. Dieudonné a indiqué que le CONAC entreprend également des campagnes de sensibilisation visant à améliorer la mentalité de la population, et ce, à travers la mise en place de programmes d’éducation de lutte contre la corruption. La commission  travaille sur la deuxième phase de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. 

Rev. Dr. Dieudonné a expliqué que les rapports de la Commission, envoyés au président de la République, sont publics. Les recommandations faites sont prises en compte et appliquées par le président. Il n’y a pas d’échanges entre la Commission et l’Assemblée nationale, mais un projet est en cours d’élaboration pour définir le fonctionnement de ces échanges. Rev. Dr. Dieudonné a aussi indiqué qu’au niveau du système exécutif, les services du Contrôle supérieur de l’État ont pour mission d’assister le gouvernement dans le maintien de la bonne gestion des finances tant au niveau local que suprême. Ces services relèvent de la présidence de la République.

K.   Rencontre avec SEM. Henri Eyebe Ayissi, ministre délégué à la Présidence chargé du Contrôle supérieur de l’État

M. Ayissi a expliqué que le régime politique camerounais repose sur le système présidentiel où c’est le président qui est garant du bon fonctionnement des diverses institutions. Les services du Contrôle supérieur de l’État surveillent les comptes publics et assure la transparence dans la gestion des finances publiques au niveau local et national. En cas d’infractions, les fautifs sont traduit devant le conseil de discipline budgétaire et financière et peuvent même être traduit en justice.

M. Ayissi a expliqué qu’une fois adoptée, la Loi des finances pourrait entraîner le changement dans les relations entre la Commission des finances et du budget et le chef de l’État dans la mesure où les constats observés par la Commission pourraient entraîner des actions du Conseil de discipline budgétaire et financière. Il a également indiqué que la culture de la transparence était une notion en développement au Cameroun. M. Ayissi a ajouté qu’étant donné que les services du Contrôle Supérieur de l’État relèvent de la présidence, ils représentent l’institution supérieure de contrôle et ne sont pas sujets à vérification. Il reconnait donc que le travail des vérificateurs pourrait être amélioré par l’entremise du travail du Conseil régional de formation des institutions supérieures de contrôle des finances publiques d’Afrique francophone subsaharienne.

L.    Rencontre avec des représentants de la société civile.

Des représentants de la société civile ont indiqué que le Cameroun a ratifié la Déclaration universelle des droits de l’homme, la charte des Nations Unies, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et toutes les conventions internationales et les a intégrés à sa Constitution. Toutefois, l’homosexualité figure dans son code pénal (article 347) et est passible d’emprisonnement.

Les représentants se sont également prononcés sur les limites de la liberté d’expression au Cameroun ainsi que l’implication des jeunes en politique.

M.   Rencontre avec S.E.M. Jules Doret Ndongo, ministre délégué auprès du ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, chargé des collectivités territoriales décentralisées

M. Ndongo a indiqué que le ministère gère la décentralisation régionale, la gestion des catastrophes et la protection civile de concert avec les préfets et les sous-préfets. Le ministère était également responsable de l’organisation du processus électoral jusqu’à ce que cette fonction soit transférée à ELECAM.

M. Ndongo a expliqué que les collectivités territoriales décentralisées sont responsables de l’éducation, la santé et le développement de l’infrastructure routière. Deux conditions doivent cependant être respectées pour former une collectivité territoriale : l’unité du pays ne doit pas être remise en cause et la collectivité doit faire montre d’une indépendance financière. Pour les élections législatives, étant donné que les conseils régionaux ne sont pas encore fonctionnels, ce sont les maires et les chefs traditionnels qui seront chargés d’élire les sénateurs.

N.   Rencontre avec Élections Cameroun

Le président d’ELECAM, Dr Samuel Fonkam Azu’u, a expliqué que l’administration camerounaise veut améliorer la transparence des élections sénatoriales en évitant de répéter les irrégularités des élections précédentes. La solution proposée, et appuyée par les divers partis politiques et la société civile, est la refonte de la liste électorale en utilisant le processus biométrique. Ce processus a débuté en octobre 2012 et devrait se terminer en février 2013 avec une possibilité d’extension. Cette période d’enregistrement des électeurs peut seulement être interrompue par un décret présidentiel visant à lancer les élections.

Dans son processus électoral, ELECAM prévoit qu’à la fin des votes, les résultats sont comptés et les procès-verbaux sont signés par les représentants des partis politiques, les observateurs et les représentants d’ELECAM. Ils sont ensuite transmis à la Commission de supervision départementale, composée du président de tribunal de grande instance du département, les représentants d’ELECAM et les représentants des candidats des différents partis politiques. Les résultats sont ensuite consolidés pour chaque département puis transmis à la Commission nationale de recensement général des votes à Yaoundé, qui fait la compilation au niveau national avant de transmettre les résultats au Conseil constitutionnel pour la proclamation des résultats finaux. Le Conseil dispose de 15 jours à compter de la date de clôture du scrutin pour proclamer ces résultats. Les contestations au niveau des listes électorales ou des résultats de scrutin doivent se faire avant la proclamation des résultats par le Conseil; tout contestataire a 15 jours pour le faire.

O.   Rencontre avec S.E.M. Philémon Yang, premier ministre du Cameroun

Durant cette rencontre, M. Yang a relaté les relations de collaboration et de coopération qui unissent le Cameroun et le Canada. Il a relaté la participation des deux pays au Commonwealth. Il a également mentionné les défis en matière de développement économique que doit relever son pays. Il a aussi abordé la question de l’établissement d’un Sénat, tel que le stipule la constitution de 1996, et du fonctionnement du processus électoral dans le cadre des élections sénatoriales. Il a mentionné le rôle d’ELECAM et le fait que son fonctionnement était inspiré d’Élections Canada.

M. Yang a expliqué que les règles de fonctionnement du Sénat seraient élaborées par le Sénat même et que pour l’instant il n’y avait pas de législation à cet effet. Le Sénat devrait être en mesure d’instaurer des lois ou d’examiner des lois issues de l’Assemblée nationale. Dans les cas où un conflit pourrait survenir dans l’application des règles des deux chambres, c’est le Conseil constitutionnel qui sera amené à trancher. Pour ce qui est du développement économique du pays, il a expliqué que le Cameroun avait un marché ouvert et reconnaissait l’importance du secteur privé. Des moyens étaient également pris pour attirer les investissements étrangers tout en luttant contre la corruption. Le pays a des projets courants dans le domaine de la télécommunication et de l’exploitation durable des ressources naturelles. En matière d’application des droits de la personne, des efforts sont faits pour lutter contre le trafic humain, la mutilation sexuelle féminine. Le Cameroun a également abandonné la pratique de la peine de mort.

P.   Rencontre avec M. Jacques Etamé, maire d’Edéa

Afin d’avoir de savoir ce que pense les autorités locales de l’établissement d’un parlement bicaméral, la délégation s’est rendue dans la commune d’Edéa, située à l’ouest de Yaoundé à environ 170 km. C’est une mairie de 65 000 habitants et la commune est une des régions administratives dont le maire et les conseillers municipaux sont éligibles au vote des sénateurs.

Durant cette rencontre, M. Jacques Etamé, accompagné de ses adjoints et conseillers municipaux, se sont entretenus avec les membres de la délégation sur le bien-fondé d’un Sénat au Cameroun, le processus électoral et la préparation des listes électorales ainsi que la lutte contre la corruption. Ils ont indiqué que l’établissement d’un Sénat faciliterait la représentation des élus locaux à l’échelle nationale et enrichirait le processus démocratique. En ce qui a trait au recensement des électeurs, le processus bien qu’il s’est déroulé correctement a pris du retard dans certaines collectivités territoriales du fait de leur éloignement des grandes villes. Les élus locaux des divers partis politiques étaient en faveur de l’adoption du système biométrique dans l’élaboration des listes électorales en raison du caractère transparent qu’il apporte au processus électoral. Les élus des partis de l’opposition ont toutefois critiqué le manque de consultation dans l’établissement du code électoral. Pour ce qui est de la corruption, les élus ont indiqué qu’il s’agissait d’un fléau endémique et que des actions préventives étaient nécessaires pour enrayer ce fléau, et ce, en respectant notamment l’état de droit et en améliorant la politique salariale.

La délégation a été en mesure de comparer le système décentralisé au système bicaméral proposé et comment il a été perçu.

Q.   Rencontre avec Rio Tinto Alcan

Rio Tinto Alcan est un des cinq groupes qui sont opérés par Rio Tinto, un leader international dans le domaine minier et qui fournit à l’échelle mondiale des minéraux tels que la bauxite et l’aluminium.

M. Stéphane Bassene, a expliqué que le Cameroun fait face à de nombreuses difficultés qui ralentissent son développement industriel. Les entreprises commerciales doivent surmonter de nombreux défis pour essayer de maintenir leur niveau de compétitivité. À titre d’exemple, les difficultés en matière d’approvisionnement énergétique ont amené Rio Tinto Alcan à opérer à seulement 40 % de sa capacité de production en 2011, ce qui a eu un impact sur sa liquidité financière et son fonds de roulement. Également, la ressource humaine, bien que très engagée, a un faible niveau de productivité et a besoin d’être formée adéquatement. La corruption est un autre problème qui nuit à l’amélioration de l’environnement des affaires.

3.    Conclusion

Au fil des discussions entreprises en groupe ou individuellement, la délégation a fait valoir le rôle du Sénat au Canada ainsi que les similarités qui existeraient entre les Sénats du Cameroun et du Canada. En établissant le Sénat, le Cameroun améliore la représentation de ses collectivités territoriales décentralisées dans le processus législatif afin de renforcer la cohésion nationale. La délégation comprend également que le pays a besoin de mettre en œuvre un mécanisme de communication entre l’Assemblée nationale et le Sénat du Cameroun. De plus, la délégation a souhaité s’informer sur les règles et procédures du Sénat camerounais ainsi que sur la procédure électorale des sénateurs camerounais.

En ce qui a trait à la gestion des comptes publics, la délégation a observé que des efforts restent à faire pour assurer une meilleure transparence, et ce, en appliquant notamment l’article 66 de la Constitution. Également, la délégation est d’avis que la CONAC devrait être indépendante et faire rapport à l’Assemblée nationale afin d’assurer une meilleure autonomie face au pouvoir exécutif. La délégation a souligné que les services du contrôle supérieur de l’État devraient être soumis à une vérification de la part d’un organe indépendant du pouvoir exécutif. La délégation reconnaît toutefois que les autorités camerounaises travaillent dans l’amélioration de la transparence de la gestion des comptes publics avec l’adoption récente de la Loi de finances 2012. Cette loi accroît le pouvoir de l’Assemblée nationale et notamment de la Commission des finances et du budget, en lui permettant d’assurer un contrôle des dépenses. La délégation a par contre observé que les outils pour appliquer de tels pouvoirs restent à être développés.

En matière de questions commerciales, la délégation loue les efforts de gouvernement visant à améliorer la transparence dans le milieu des affaires en concluant avec le Canada, en novembre 2012, les négociations sur l’Accord sur la promotion et la protection de l’investissement étranger. Cependant, la délégation est d’avis que le gouvernement camerounais pourrait assainir l’environnement des affaires par une meilleure politique fiscale, l’amélioration du processus de délivrance de permis ainsi que le développement d’infrastructures appropriées pour faciliter l’accès aux ressources énergétiques.

Sur les questions de droits de la personne, la délégation a observé la volonté du Cameroun d’intégrer sa tradition aux valeurs morales de la société. Toutefois, la délégation pense que le Cameroun devrait décriminaliser l’homosexualité.

4.    Remerciements

La délégation est consciente que cette mission n’aurait pu se faire sans le soutien du Haut-commissariat du Canada à Yaoundé. Elle tient donc à remercier le Haut-commissaire, SEM Jean Pierre Lavoie ainsi que toute son équipe, notamment M. Louis-Philippe Sylvestre et M. Joseph Peyo, pour l’organisation des rencontres sur le terrain.

La délégation tient également à exprimer sa reconnaissance à l’endroit de tous ceux qui ont pris le temps de la rencontrer et d’échanger de manière franche et ouverte sur les divers sujets abordés durant ces rencontres.

 

Respectueusement soumis,

L’hon. Raynell Andreychuk, sénatrice
Coprésidente
Association parlementaire Canada-Afrique

 

L’hon. Mauril Bélanger, C.P., député
Coprésident
Association parlementaire Canada-Afrique

 

 



[1]                      Selon l’article 247 du Code électoral, un département est une circonscription électorale définie pour l’élection des conseillers régionaux.

[2]           Depuis la visite de l’Association au Cameroun, les élections sénatoriales ont eu lieu le 14 avril 2013. L’Association a par conséquent retardé le dépôt de son rapport afin de présenter les résultats de ces élections, les premières élections indirectes organisées au pays.  Des 70 sénateurs élus, 56 sont du Rassemblement démocratique du peuple camerounais et 14 du Front social démocratique. Les femmes représentent 20 % des membres du Sénat. Le président du Sénat est M. Marcel Niat Njifenji, il a été nommé le 18 juin 2013.

[3] L’article 66 de la Constitution stipule que :

« Le Président de la République, Le Premier Ministre, les membres du Gouvernement et assimilés, Le Président et les membres du bureau de l’Assemblée Nationale, Le Président et les membres du bureau du Sénat, les députés, les sénateurs, tout détenteurs d’un mandat électif, les Secrétaires Généraux des Ministères et assimilés, les Directeurs des administrations centrales, les Directeurs Généraux des entreprises publiques et para - publiques, les Magistrats, les personnels des administrations chargés de l’assiette, du recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics, doivent faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction. Une loi détermine les autres catégories de personnes assujetties aux dispositions du présent article et en précise les modalités d’application. »

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