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Rapport

 

INTRODUCTION

Le sénateur Percy E. Downe a dirigé une délégation de quatre parlementaires à la 10Conférence des parlementaires de la région arctique, qui a eu lieu à Akureyri, en Islande, du 5 au 7 septembre 2012. Faisaient également partie de la délégation la sénatrice Nancy Ruth, M. Larry Miller et M. Dennis Bevington. M. Tim Williams, du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement, a accompagné la délégation à titre de conseiller. Le Comité permanent des parlementaires de la région arctique (CPPRA) a tenu deux réunions dans le cadre de la conférence.

La Conférence des parlementaires de la région arctique (CPRA) est un organisme parlementaire qui réunit les délégations nommées par les parlements nationaux des États arctiques (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède, États-Unis d’Amérique) et le Parlement européen. En font aussi partie les délégués permanents qui représentent les peuples autochtones, auxquels s’ajoutent des observateurs. L’organisme se réunit tous les deux ans. La 9e Conférence a eu lieu à Bruxelles, en Belgique, du 13 au 15 septembre 2010[1]. La conférence adopte une déclaration assortie de recommandations pour le Conseil de l’Arctique, les gouvernements des huit États arctiques et la Commission européenne.

D’une conférence à l’autre, la coopération entre les parlementaires de la région arctique est assurée par le CPPRA, qui exerce ses activités depuis 1994. Le CPPRA surveille de près la façon dont les gouvernements appliquent la déclaration de la conférence en plus de prendre de nouvelles initiatives pour promouvoir la coopération dans l’Arctique. La conférence et le Comité permanent prennent des initiatives pour promouvoir la coopération dans l’Arctique et servent notamment de tribune parlementaire pour l’examen des questions qui se rapportent aux travaux du Conseil de l’Arctique. Le Comité permanent participe aux travaux du Conseil à titre d’observateur[2].

TRAVAUX DE LA RENCONTRE

La conférence principale s’est divisée en quatre parties, en commençant par les allocutions d’ouverture et un examen général des points à l’ordre du jour. Ce premier volet a été suivi de trois séances portant sur les sujets suivants :

·la gouvernance de l’Arctique et le Conseil de l’Arctique;

·les possibilités économiques dans l’Arctique;

·le développement humain dans l’Arctique : interactions entre la recherche, les autorités et les résidants.

Les conférenciers ont traité chaque sujet, après quoi des échanges ont eu lieu[3]. Le CPPRA avait confié à trois membres la tâche d’effectuer des recherches sur les sujets retenus et de produire des documents présentant brièvement le fruit de leur travail, y compris des recommandations. Ces rapporteurs ont présenté leurs documents à la conférence, de concert avec des spécialistes du domaine.

A.   Séance d’ouverture

La présidente du Parlement d’Islande, S. E. Mme Ásta R. Jóhannesdóttir, ouvre la 10e Conférence en faisant remarquer qu’il s’agit là d’un excellent exemple de coopération parlementaire. Notamment, elle mentionne que de nombreux organismes parlementaires de ce type sont créés après la mise sur pied d’un organisme intergouvernemental connexe, mais que, pour sa part, la CPRA existait déjà trois ans avant la mise en place du Conseil de l’Arctique et qu’elle a joué un rôle en faveur de la création du Conseil de l’Arctique.

La coprésidente de la conférence, Gudfridur Lilja Gretarsdottir, députée, Islande, traite du rétablissement de l’Islande depuis la récession économique. Elle insiste sur le fait que la réussite de la conférence dépend de la concrétisation des actions examinées à la conférence, de sorte que les parlementaires contribuent réellement à améliorer les choses.

Le maire d’Akureyri précise que, malgré sa petite taille, la ville compte plus de 7 000 étudiants et que son université abrite les secrétariats de deux des groupes de travail du Conseil de l’Arctique.

Dans son allocution d’ouverture, M. Össur Skarphéðinsson, ministre des Affaires étrangères d’Islande, souligne les liens entre l’Arctique et la vie de ses habitants, qui remontent, dans le cas de son pays, à l’époque des anciennes sagas islandaises. Il fait remarquer que, pour le meilleur ou pour le pire, il y aura toujours du changement, notamment au niveau de l’exploitation des ressources naturelles. Il examine l’évolution du Conseil de l’Arctique qui tend vers un cadre de fonctionnement plus fort et soutient l’idée avancée à la conférence, soit faire du Conseil de l’Arctique une organisation fondée sur un traité. De plus, il mentionne trois autres questions intéressant le Conseil de l’Arctique, à savoir :

1.    L’élaboration d’un énoncé politique distinct pour la rencontre ministérielle de Kiruna (printemps 2013) concernant une vision pour le Conseil de l’Arctique.

2.    La nécessité de localiser les lacunes au niveau de l’infrastructure et de la capacité en matière de recherche et sauvetage.

3.    L’importance de parvenir à une décision en vue d’un consensus au sujet des observateurs au Conseil de l’Arctique.

Il termine en insistant sur l’importance de faire preuve de diligence à l’endroit du Conseil de l’Arctique et de le renforcer.

M. Gustaf Lind, président et haut fonctionnaire responsable de l’Arctique, Suède, fait rapport sur les activités du Conseil de l’Arctique; il mentionne que la fonte record actuelle de la glace marine est un appel à la prise de mesures pour la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ainsi qu’à la prise de mesures de lutte contre le carbone noir et d’autres agents de forçage climatique de courte durée. Il insiste sur le travail effectué sous l’autorité du Conseil de l’Arctique pour protéger l’environnement contre les déversements d’hydrocarbures de même que sur les évaluations concernant la biodiversité, les océans et l’acidification des océans. Il souligne l’importance de travailler en vue d’améliorer les conditions de vie dans l’Arctique, y compris la sécurité des aliments et des ressources en eau. Il aborde également la question du travail à effectuer en vue de l’établissement d’une vision pour l’Arctique sous la présidence de la Suède, mentionnant qu’elle s’inspire de la déclaration de la conférence de 2010 dans laquelle le Conseil de l’Arctique et les gouvernements de l’Arctique sont invités à établir une vision de l’Arctique pour 2030[4]. Il termine en mentionnant qu’il est également important que la Suède travaille avec le Canada pendant la période de transition, le Canada devant exercer la présidence à compter de 2013.

M. Morten Høglund, président du CPPRA, Norvège, fait rapport sur les travaux du Comité permanent, notamment en ce qui concerne la gouvernance de l’Arctique. Le matin même, le Comité permanent a présenté un document intitulé Gouvernance de l’Arctique, une région en pleine évolution (annexe I), fruit de près de deux ans de délibérations. En recommandant un Conseil de l’Arctique plus fort, notamment qu’il devienne une organisation fondée sur un traité, le CPPRA souligne la nécessité de traduire tout le bon travail effectué par le Conseil de l’Arctique en mesures concrètes et de maintenir la prise de décisions concernant l’Arctique dans les pays arctiques tandis que davantage de pays se montrent intéressés par l’Arctique et deviennent des observateurs auprès du Conseil de l’Arctique. Il insiste sur le fait qu’il s’agit d’un rapport tourné vers l’avenir et il remercie Clifford Lincoln qui a travaillé à son élaboration. En outre, M. Høglund souligne l’importance que le CPPRA accorde à la coopération circumpolaire dans le secteur de l’éducation, faisant remarquer le rôle important de l’Université de l’Arctique dans ce domaine. Il termine en disant que, à son avis, le CPPRA est différent des autres observateurs auprès du Conseil de l’Arctique parce qu’il se compose de représentants élus de la région arctique.

Le sénateur Vladimir Torlopov, chef de délégation, Conseil de la Fédération, Russie, salue la CPRA et indique que, du fait qu’elle réunit des parlementaires, la conférence jouit de la créativité nécessaire pour relever les défis qui se posent dans l’Arctique.

Les échanges portent sur la nécessité de mieux faire connaître le travail du Conseil de l’Arctique et les besoins des peuples de l’Arctique. On contribuerait ainsi à combattre le malentendu, et la perception dominante, selon lesquels la concurrence internationale est en train de transformer l’Arctique. C’est plutôt un bon niveau de coopération que l’on observe actuellement dans la région. On mentionne qu’un document concernant un plan de communication stratégique est en cours d’élaboration pour le Conseil de l’Arctique. On insiste aussi sur la difficulté de faire connaître le mode de vie des gens, notamment en ce qui concerne leur dépendance face aux ressources biologiques comme les baleines et les phoques. Un membre du Parlement européen souligne l’importance d’inclure l’Union européenne à titre d’observateur compte tenu de son importance face aux enjeux globaux et de son apport financier à la région arctique. Il est également question de la nécessité de faire preuve de patience face à l’interdiction de la chasse au phoque et de la nécessité de diffuser de l’information sur l’impact de cette interdiction. On examine l’importance de soutenir les populations autochtones face aux grandes sociétés et au développement et l’on insiste sur la nécessité de renforcer le rôle des peuples autochtones dans le milieu des affaires. On fait également remarquer que les entreprises ne sont pas représentées à la table du Conseil de l’Arctique.

B.   La gouvernance de l’Arctique et le Conseil de l’Arctique

M. Clifford Lincoln, ancien député et ancien président du CPPRA, Canada, et auteur initial de l’ébauche du document intitulé Gouvernance de l’Arctique, une région en pleine évolution, amorce les échanges sur la gouvernance de l’Arctique en racontant comment il a aidé à négocier un plan de gestion des terres pour une Première Nation au Canada. Un territoire pilote a été mis de côté et divisé en régions classées au moyen d’un code couleur suivant leur potentiel de développement, soit développement facile (vert), conditions de développement difficiles (orange) et aucun développement (rouge). Il utilise cet exemple pour amorcer les échanges sur l’importance de la formulation d’une vision pour le développement durable de l’Arctique, y compris un Conseil de l’Arctique plus fort, facile à comprendre et à communiquer. Il mentionne aussi les efforts déployés par la Suisse pour gérer ses écosystèmes alpins formant le « toit de la Suisse », tout comme l’Arctique est le toit indispensable de la planète. En faisant du Conseil de l’Arctique un organisme régi par un traité ayant une vision, on lui donnerait davantage de pouvoir sur la scène internationale pour aider à préserver l’Arctique en tant que région pour le bien des populations qui y vivent.

Mme Ann-Kristin Johansson, députée, Suède, et rapporteur du CPPRA sur la gouvernance de l’Arctique, présente un résumé du document (annexe I) reçu à la réunion de la matinée du CPPRA.

M. Valur Ingimundarson, professeur, Université d’Islande, fait part de son opinion, à titre personnel, au sujet du Conseil de l’Arctique et de certains des problèmes dont il ne s’occupe pas, à savoir les pêches et la sécurité. Certains déplorent que les rencontres des cinq États riverains de l’Arctique[5] posent un défi au Conseil de l’Arctique, mais, en fait, le Conseil s’est renforcé avec le temps. L’accord sur la recherche et le sauvetage (SAR)[6] est présenté comme preuve du renforcement du Conseil, mais il mentionne aussi qu’il n’est pas très ambitieux et qu’il aurait pu être rédigé il y a longtemps. Au sujet des pêches, il mentionne que les chercheurs demandent un moratoire sur les pêches commerciales dans l’Arctique, mais que le Conseil de l’Arctique ne s’intéresse pas à la question. Il ne s’intéresse pas non plus à la sécurité; la SAR est une question de « sécurité bénigne » et il insiste sur la nécessité d’en discuter, pour le bénéfice de tous. Il a aussi l’impression que l’impact d’un nombre possiblement accru d’observateurs auprès du Conseil au niveau de la participation des Autochtones est exagéré et que cela nuit à la prise de décisions. Il termine en citant un article du magazine l’Economist : « Le message est clair : bienvenue dans la nouvelle réalité du réchauffement de l’Arctique. Mais il ne faut pas oublier qui est le patron[7]. » [traduction]

Un large éventail de points de vue sont présentés au cours des échanges qui suivent, depuis les moratoires possibles sur le développement pour donner espoir à la prochaine génération à la course bien réelle aux ressources et au fait établi que la sécurité au sens strict est expressément exclue des documents fondateurs du Conseil de l’Arctique. Le concept de la gestion intégrée est examiné et l’on insiste sur le fait que la bonne gestion d’une région a pour effet de réduire le risque de conflit dans cette même région. On fait remarquer que, bien que l’idée de marquer les secteurs où l’exploitation des ressources n’est pas possible soit intéressante, ceci nuirait à la qualité de vie des peuples autochtones. S’ils ne peuvent pas exploiter les ressources naturelles et ne peuvent pas vendre les produits tirés des ressources naturelles biologiques, que leur reste-t-il pour subvenir à leurs besoins? Un délégué canadien fait remarquer que, dans l’Arctique, de nombreux intérêts contradictoires suscitent des réactions émotives fortes. Il insiste sur la nécessité de collaborer à la recherche pour trouver des réponses aux questions importantes. Étant donné la grande attention portée à l’Arctique et les nombreuses valeurs contradictoires dans cette région, il est important que la conférence envoie un message de coopération progressive au monde entier.

C.   Les possibilités économiques dans l’Arctique

M. Larry Miller, député, Canada, copréside la réunion avec Mme Ann-Kristin Johansson, députée, Suède.

La sénatrice Lisa Murkowski, Sénat des États-Unis, examine un large éventail de questions concernant le développement économique, y compris la nécessité d’aides à la navigation et l’état de la ratification par les États-Unis de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. À son avis, une fenêtre pourrait peut-être s’ouvrir après les élections américaines et la ratification de la Convention serait peut-être alors possible. La sénatrice souligne également que, étant donné que les ressources biologiques comme les baleines sont intimement liées aux collectivités autochtones et que les activités de subsistance font nécessairement partie de la vie dans les collectivités éloignées, toutes les activités de développement possibles doivent en tenir compte.

Mme Johanna Ojala-Niemelä, députée, Finlande, et rapporteur pour le CPPRA, mentionne que les stratégies nationales respectives concernant l’Arctique des nations arctiques comportent de nombreuses similitudes. Elles mettent l’accent sur l’utilisation des ressources naturelles, l’énergie et le tourisme de même que sur les nouvelles technologies et elles considèrent le développement de l’infrastructure et des transports comme étant important. Compte tenu de l’intérêt grandissant à l’égard de l’Arctique, selon elle, il est important que le Conseil de l’Arctique demeure ouvert au monde extérieur et permette aux États non arctiques de contribuer de façon constructive à ses travaux. Au sujet du développement durable, elle souligne l’importance de l’application de la gestion fondée sur l’écosystème et de l’évaluation environnementale stratégique. L’éducation et la recherche sont aussi essentielles. L’amélioration du transport est-ouest et nord-sud sera avantageuse. Il sera nécessaire d’avoir des règles ou des lignes directrices communément admises en matière de transport maritime. Le CPPRA appuie les recommandations contenues dans le document Arctic Marine Shipping Assessment[8] et soutient les efforts accrus pour l’établissement d’un code polaire obligatoire en matière de transport maritime sous l’autorité de l’Organisation maritime internationale[9]. Les lignes directrices sont également considérées comme nécessaires en ce qui concerne l’exploitation pétrolière et gazière. Pour ce qui est des sources d’énergie dans l’Arctique, il faudrait insister sur le remplacement des combustibles fossiles dans la région par l’énergie solaire, éolienne, tirée de la biomasse et d’autres sources d’énergie de remplacement appropriées pour la région. Il est aussi question du tourisme et de l’exploitation minière. Un thème commun s’est dégagé, c’est-à-dire que le développement de ces industries doit profiter aux personnes qui vivent dans l’Arctique. On souligne les efforts de la Suède pour mettre l’accent sur des lignes directrices relatives à la responsabilité sociale des sociétés.

M. Michael Slipenchuk, député, Russie, déclare que certaines réactions à la mise en place du drapeau russe au Pôle Nord sont exagérées et qu’il ne s’agit pas d’un signe de propriété; après tout, les États-Unis ont planté un drapeau sur la lune et personne n’a pensé que, ce faisant, ils s’en déclaraient propriétaires. Il mentionne que le changement climatique est un phénomène naturel et poursuit en insistant sur l’importance de la route maritime du Nord pour la Russie et sur la nécessité d’une infrastructure.

Deux représentants de l’industrie du transport maritime décrivent ensuite la pertinence du transport dans l’Arctique. M. Tero Vauraste, président et directeur général d’Arctia Shipping Ltd., souligne l’importance stratégique des brise-glace; toutefois, étant donné les dépenses qu’ils entraînent, il faut des partenariats public-privé pour alléger le fardeau au niveau des taxes nationales. M. Felix Tschudi, président de Tschudi Shipping Co., décrit l’économie de temps que l’utilisation de la route maritime du Nord rend possible. On pourrait s’attendre à des économies de 200 000 dollars américains par jour pendant huit jours. Différents facteurs influent sur l’utilisation de la route, notamment, le changement climatique, la technologie, le grand intérêt à l’égard du développement de la route à partir de la Russie et le prix élevé des produits de base. Cependant, il insiste aussi sur le fait qu’un éventuel code polaire, y compris l’obligation d’utiliser du carburant diesel plutôt que du mazout lourd, ferait disparaître tout intérêt pour cette route.

Les échanges portent d’abord sur la demande d’un moratoire sur le pétrole et le gaz et sur l’exploitation minière étant donné qu’aucun pays ne va agir si les autres ne le font pas. Cependant, d’autres font remarquer que la Russie et la Norvège dépendent déjà du pétrole et du gaz et qu’il est impossible de leur demander d’abaisser leurs niveaux de vie. Quelles autres possibilités s’offrent aux résidants de l’Arctique si l’exploitation pétrolière et gazière n’est pas autorisée et si les ressources biologiques sont interdites comme produits de base? On fait remarquer qu’il ne faut pas viser l’équilibre entre le développement économique et la protection de l’environnement, mais qu’il faut plutôt les intégrer l’un à l’autre. Il faut faire preuve de prudence et utiliser des technologies plus coûteuses du fait que les gens, la conférence notamment, considèrent l’Arctique comme une région bien spéciale. On donne aussi d’autres exemples de mesures de lutte contre la pollution (comme les convertisseurs catalytiques dans les automobiles) suscitant des réactions adverses étant donné les impacts économiques possibles non fondés. D’autres sont d’avis que l’on accorde peut-être trop d’importance au pétrole et au gaz et qu’il faudrait porter davantage attention à l’amélioration de la coopération dans le domaine de la gestion des pêches. La technologie et le partage des bonnes pratiques, ou des pratiques exemplaires, sont considérés comme essentiels. L’industrie devrait adopter des normes plus sévères que les règlements et si un projet se révèle trop coûteux, il faudrait peut-être le revoir.

D.   Le développement humain dans l’Arctique : interactions entre la recherche, les autorités et les résidants

Mme Sara Olsvig, députée, Danemark/Groenland, souligne l’importance de la dimension humaine du développement. Le bien-être des résidants du Nord est toujours au cœur des préoccupations du CPPRA. Le principal point consiste à s’assurer que les populations de l’Arctique ne sont pas affectées. La recherche résumée dans le Rapport sur le développement humain dans l’Arctique (RDHA) s’est révélée précieuse et elle attend avec impatience le deuxième RDHA. Les peuples de l’Arctique sont résilients et le changement est normal, mais les changements rapides dans de petites collectivités peuvent être malsains. La protection des personnes et de l’environnement n’est pas un jeu et il faut mettre l’accent sur le développement des capacités, l’éducation, la santé mentale, les droits de la personne et l’égalité homme-femme. Les grands projets ne devraient pas être une nouvelle forme de colonisation. Il est légitime de demander si l’exploitation pétrolière et gazière et l’exploitation minière sont nécessaires, mais il faudrait chercher des solutions de remplacement sans restreindre le droit des peuples du Nord de choisir leur propre avenir. Les décisions (quel développement, à quel moment et comment se fera le développement) doivent se fonder sur des faits et des connaissances. Le peuple de l’Arctique et les populations font partie du monde globalisé, il faut respecter leurs droits et ils doivent assumer la responsabilité du processus décisionnel. En conclusion, elle cite Albert Camus : « Ne marche pas devant moi, je ne te suivrai peut-être pas. Ne marche pas derrière moi, je ne te guiderai peut-être pas. Marche juste à côté de moi et sois mon ami. »

MM. Larry Miller et Dennis Bevington, députés, Canada, présentent une intervention conjointe. M. Miller fait remarquer que le Canada joue un rôle de premier plan dans l’Arctique et que ce sera tout spécialement le cas lorsqu’il assumera la présidence du Conseil de l’Arctique en 2013; l’honorable Leona Aglukkaq, ministre de la Santé, exercera les fonctions de présidente. Le Nord est une composante fondamentale du patrimoine et de l’identité du Canada. Ainsi, le Canada a présenté la Stratégie pour le Nord du Canada en 2009, qui est axée sur quatre domaines prioritaires :

·exercer notre souveraineté dans l’Arctique;

·promouvoir le développement social et économique;

·protéger le patrimoine naturel du Nord;

·améliorer la gouvernance dans le Nord et y transférer des responsabilités[10].

Il fait remarquer que, à son avis, le Conseil de l’Arctique devrait être le premier à s’opposer aux interdictions dont font l’objet les produits du phoque et qu’il devrait joindre le geste à la parole. Le Nord ne devrait pas être un terrain de jeu pour le Sud. Nous devrions tous travailler pour le bien-être et la prospérité du Nord.

Dans son intervention, M. Bevington insiste sur le fait que le développement humain et la recherche font la paire, mais que, jusqu’ici, ces deux aspects n’ont pas vraiment bien fonctionnés ensemble. Le Nord est un environnement difficile et pourtant, des hommes y vivent depuis des millénaires. Leur résilience est évidente, mais la recherche peut aider les sociétés modernes tandis qu’elles s’adaptent aux changements actuels. Toutefois, la recherche doit englober les peuples du Nord. Il s’interroge sur la possibilité que les gens soient pris au piège du développement des ressources effectué par les autres. Il mentionne notamment les recherches concertées effectuées au Canada pour examiner les moyens que pourraient prendre les Canadiens résidant dans les collectivités nordiques pour profiter du développement durable des ressources naturelles de l’Arctique en vue d’améliorer leur santé et leur bien-être, tout en préservant l’environnement unique de cette région[11]. Les parlementaires devraient être informés des résultats de ces travaux. De plus, on insiste sur l’importance des sources d’énergie dans le Nord. Les prix baissent et les technologies progressent tellement vite que la recherche stratégique ne peut pas suivre le rythme, notamment compte tenu du fait que les installations solaires sont maintenant moins coûteuses que le diesel. Il faut effectuer des recherches sur le stockage de l’énergie. Il mentionne également que, à son avis, la CPRA s’est renforcée au fil des ans, cette force étant liée aux changements rapides qui se produisent actuellement dans l’Arctique.

Mme Joan Nymand-Larsen, scientifique principale au Stefansson Arctic Institute, présente le travail effectué en vue du deuxième RDHA. Faisant remarquer que le premier rapport concluait que la population arctique était résiliente, mais que le changement était très rapide, elle précise que le sommaire du premier rapport s’inscrit dans le deuxième rapport. Entre autres nouveaux sujets qu’il faudrait envisager d’inclure dans le deuxième RDHA, mentionnons : la mondialisation et l’Arctique; le changement climatique dans l’Arctique; la migration et l’urbanisation dans l’Arctique, le changement linguistique et la revitalisation; et les questions d’inégalité[12]. Les questions directrices sont :

·De quelle façon l’Arctique diffère-t-il du monde extérieur, notamment les métropoles ou le cœur des États arctiques?

·Quel est le niveau d’écart d’une région à l’autre de l’Arctique?

·Quelles sont les principales tendances actuelles?

·Quels sont les principaux processus régionaux et relations mondiales?

·Les principaux changements depuis le RDHA (2004) –10 ans et plus?

M. David Hik, président de l’International Arctic Science Committee, parle ensuite de l’héritage de l’Année polaire internationale 2007-2008 (API). L’API a permis aux communautés scientifiques polaires de se positionner pour s’attaquer à des enjeux sociaux importants. L’API se distingue par trois caractéristiques uniques, soit les partenariats internationaux, le partage et la préservation des données ainsi que l’éducation et la conscientisation. Entre autres héritages de l’API, mentionnons ceux associés à l’infrastructure scientifique et à la collaboration, les ensembles de données de base et une meilleure compréhension des écosystèmes terrestres. De plus, la prochaine génération de chercheurs et de leaders s’est constituée au sein de la communauté scientifique, mais, plus important encore, elle comprend également les résidents de l’Arctique. La recherche en continu dans l’Arctique est bien positionnée pour diriger les nouveaux programmes de durabilité des systèmes terrestres actuellement dirigés par le Conseil international pour la science. Ceci pourrait aider à déterminer les changements institutionnels, économiques et comportementaux permettant de progresser vers la durabilité globale. Un projet d’initiative polaire internationale de 10 ans[13] est décrit et l’on précise qu’aucune demande de fonds nouveaux n’est faite, seulement un effort pour mieux coordonner la recherche et l’analyse des données afin de mieux soutenir la gestion des risques et l’élaboration des politiques. C’est un thème important; la coordination de la recherche scientifique et de l’analyse peut contribuer à régler les problèmes sociaux.

M. Kemal Siddique, ambassadeur, envoyé spécial chargé des affaires de l’Arctique, Singapour[14], demande la parole et souligne que son pays est très conscient des risques associés aux changements qui se produisent dans l’Arctique pour ce qui est de leurs répercussions sur Singapour, notamment en ce qui concerne la hausse du niveau des mers. Il souligne que le changement dans l’Arctique a des répercussions dans le monde entier.

Un représentant de l’ARPAN[15] analyse les interactions entre le gouvernement et les sociétés et les répercussions sur les collectivités autochtones. Il souligne que la cogestion des ressources naturelles fonctionne bien, mais que les partenariats en gestion nécessiteraient un certain degré d’autonomie au niveau local. On demande si la voix des populations autochtones est trop faible comparativement à celle des sociétés internationales qui créent des emplois dans la région. On souligne aussi les questions d’égalité entre les hommes et les femmes. Quel impact ont les femmes et est-ce qu’elles subissent les répercussions du changement? Par exemple, les femmes vont s’établir dans le Sud. Il est important de traiter des enjeux hommes-femmes dans la déclaration de la conférence. Il est noté que ceci s’applique également au Groenland et que les sciences sociales devraient mettre l’accent sur la problématique hommes-femmes. Il faudra en fait faire venir des travailleurs pour effectuer le travail. Cependant, il convient de se demander si l’on doit s’attendre à ce que les jeunes hommes vivant dans le Nord veulent tous devenir mineurs, etc. On mentionne que les industries d’extraction des ressources ne sont pas transparentes, par exemple, que l’information est disponible en anglais seulement, non dans les langues autochtones. Un délégué canadien souligne qu’il faut veiller à coordonner la durabilité et le développement des ressources naturelles dans les projets de développement, faisant remarquer que la durabilité s’inscrit dans le mandat de certains projets. Les routes et les installations hydroélectriques peuvent être des héritages du développement, mais il ne faudrait pas se limiter à cela. Les gouvernements, en tant que partenaires et percepteurs des redevances, devraient pousser les sociétés à gérer au profit des populations. On mentionne également que le deuxième RDHA analysera ces mêmes questions.

M. Morten Høglund, président du CPPRA, Norvège, présente l’ébauche de la déclaration de la conférence pour approbation par la CPRA. Il insiste sur un certain nombre de paragraphes, y compris la nécessité d’une vision pour la science basée sur l’écosystème arctique, les connaissances ancestrales et la tenue de conférences annuelles plutôt que bisannuelles. Il mentionne également que c’est la première fois que, dans la déclaration de la CPRA, on demande d’appliquer l’analyse comparative entre les sexes au processus décisionnel. La déclaration de la conférence est adoptée. M. Larry Miller invite les parlementaires à la 11e Conférence des parlementaires de la région arctique qui se tiendra au Canada. La CPRA est ajournée.

LE COMITÉ PERMANENT DES PARLEMENTAIRES DE LA RÉGION ARCTIQUE

Le CPPRA s’est réuni deux fois dans le cadre de la 10Conférence. La première rencontre, tenue avant la conférence, a servi à préparer celle-ci. Le CPPRA a aussi rencontré des observateurs qui s’étaient montrés intéressés par la CPRA. À la deuxième réunion, tenue après la conférence, M. Morten Høglund est réélu président jusqu’à l’automne 2013; il ne présentera pas sa candidature aux élections qui se tiendront alors en Norvège. Mme Guðfríður Lilja Grétarsdóttir, députée, Islande, est réélue au poste de vice-présidente. M. Bjørn-Willy Robstad est également réélu à titre de secrétaire. Un délégué canadien demande que les communications se fassent directement avec le personnel des parlementaires participants. La prochaine réunion se tiendra en Finlande, en novembre, et une rencontre aura lieu au printemps à Washington, D.C., États-Unis. Le président adresse une invitation préliminaire à une réunion qui se tiendra en juin à Svalbard.

 

Respectueusement soumis,

 

 

 

L’honorable Percy E. Downe, sénateur
Association parlementaire Canada-Europe





[1]   Voir le rapport de la conférence, 9e Conférence des parlementaires de la région arctique, Parlement européen, Bruxelles, du 13 au 15 septembre 2010.

[2]   Conférence des parlementaires de la région arctique.

[3]   Les observations faites au cours des échanges figurant dans le présent rapport ne sont pas attribuées et ne représentent pas un consensus des participants à la conférence.

[4]   Déclaration de la conférence, 9e Conférence des parlementaires de la région arctique, Parlement européen, Bruxelles, du 13 au 15 septembre 2010, paragr. 30.

[5]   Les « cinq de l’Arctique » (Canada, Danemark, Norvège, Russie et les États-Unis) se sont réunis notamment à Ilulissat, au Groenland, en mai 2008, où ils ont signé la déclaration d’Ilulissat.

[6]   Accord de coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes dans l’Arctique.

[7]   « Cosy amid the thaw: The Arctic Council works well—because of the region’s riches», The Economist, 24 mars 2012.

[8]   Conseil de l’Arctique, Arctic Marine Shipping Assessment 2009 report, 2009.

[9]   Voir : Organisation maritime internationale, Protecting the Polar regions from shipping, protecting ships in Polar waters.

[10]             Stratégie pour le Nord du Canada : Notre Nord, notre patrimoine, notre avenir, 2009.

[11]             Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Cet investissement consolidera l’économie et améliorera la qualité de vie des habitants du Nord, 25 février 2011.

[12]             Arctic Human Development Report: Regional processes and global linkages Volume II (2010-2014)

[13] Le groupe directeur spécial présidé par David Hik et Jan-Gunnar Winther, Draft concept of a potential long-term International cooperative initiative in the Polar Regions, 27juillet 2012.

[14] À noter que Singapour a demandé le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique.

[15] Association russe des populations autochtones du Nord.

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