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Rapport

 

Introduction

M. Steven Blaney a dirigé une délégation de deux parlementaires à la neuvième conférence des parlementaires de la région arctique, qui a eu lieu à Bruxelles, en Belgique, du 13 au 15 septembre 2010.  Le second délégué était l’honorable Lawrence MacAulay, député. M. Tim Williams, du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement, accompagnait la délégation à titre de conseiller.  Le Comité permanent des parlementaires de la région arctique a tenu deux réunions dans le cadre de la conférence.

La Conférence des parlementaires de la région arctique est un organisme parlementaire qui réunit les délégations nommées par les parlements nationaux des États arctiques (Canada, Danemark, États-Unis d’Amérique, Finlande, Islande, Norvège, Russie et Suède) et le Parlement européen.  En font aussi partie les délégués permanents qui représentent les peuples autochtones, auxquels s’ajoutent des observateurs.  L’organisme se réunit tous les deux ans. La huitième conférence a eu lieu à Fairbanks, en Alaska (États-Unis) du 12 au 14 août 2008[1].

La Conférence adopte une déclaration assortie de recommandations pour le Conseil de l’Arctique, les gouvernements des huit États arctiques et la Commission européenne.  Le Comité permanent vérifie de près que les gouvernements donnent suite à la déclaration et prennent de nouvelles initiatives pour favoriser la coopération dans l’Arctique.

D’une conférence à l’autre, la coopération entre les parlementaires de la région arctique est assurée par le Comité permanent, qui exerce ses activités depuis 1994.  La Conférence et le Comité permanent prennent des initiatives pour promouvoir la coopération dans l’Arctique et servent notamment de tribune parlementaire pour l’examen des questions qui se rapportent aux travaux du  Conseil de l’Arctique.  Le Comité permanent participe aux travaux du Conseil à titre d’observateur[2].


TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE

La conférence s’articule autour des grands thèmes abordés par les conférenciers d’honneur.  Pour la neuvième édition, le Comité permanent a nommé trois rapporteurs pour qu’ils approfondissent les sujets à l’étude et en rendent compte à la conférence.  Voici les thèmes de la neuvième conférence :

·         La gestion durable des ressources biologiques de l’Arctique; rapporteur : Mme  Sofia  Rossen, députée du Danemark/Groenland

·         La coopération en éducation et en recherche – l’héritage de l’Année polaire internationale; rapporteur : M. Morten Høglund, député de la Norvège

·         La fonte des glaces et ses conséquences;  rapporteur : M. Igor Chernyshenko, député de la Douma, Russie. 

De nombreuses activités ont aussi eu lieu parallèlement à la conférence pour discuter des points suivants : le rôle et la responsabilité de l’Europe dans l’Arctique; une politique durable de l’Union européenne pour le Grand Nord; la nécessité d’un centre d’information sur l’Arctique de l’Union européenne; l’appel en faveur d’un moratoire sur l’exploration pétrolière et gazière dans l’Arctique; le rôle de l’Union européenne dans la coopération en matière de science et d’éducation dans l’Arctique (mini-séminaire de l’Université de l’Arctique).

 

A.   Allocutions d’ouverture

Le président du Parlement européen, M. Jerry Buzek, souhaite la bienvenue aux délégués dans un message préenregistré.  Il souligne qu’il faut chercher des moyens de faire face aux conséquences de l’évolution dans l’Arctique pour l’environnement, le transport maritime et les pêches.  L’objectif premier, selon lui, est de léguer aux générations futures l’Arctique tel qu’il est aujourd’hui.

Mme Diana Wallis, vice-présidente du Parlement européen, ouvre la conférence en appelant au maintien de la coopération et du bon voisinage.  L’Arctique se trouve au cœur de la problématique des changements climatiques et suscite l’intérêt des citoyens.  En tant que représentants du peuple, les parlementaires, et en particulier ceux qui sont présents à la conférence, jouent un rôle primordial, mais ils doivent être informés et éduqués tout comme les citoyens.  Il doit y avoir des liens bien définis entre le secteur parlementaire et le secteur gouvernemental.

M. Pat the Cope Gallagher, président de la délégation du Parlement européen, présente les thèmes de la conférence et affirme que l’Union européenne (UE) pourrait être une force importante dans le soutien des habitants de l’Arctique.

 

Mme Maria Damanaki, commissaire européenne aux affaires maritimes et à la pêche, présente un discours sur l’intérêt de l’Europe pour l’Arctique, question récurrente à la conférence.  L’UE compte trois États arctiques (dont le Danemark, mais le Groenland n’est pas membre), et il y a deux autres États, l’Islande et la Norvège, qui font partie de l’Espace économique européen.  En raison des changements climatiques et de leurs effets sur le transport et les pêches, la politique européenne a des répercussions directes sur l’Arctique pendant que les transformations qui s’opèrent dans la région ont d’importantes conséquences pour le monde entier.  L’UE entend diriger la lutte contre les changements climatiques, d’autant plus qu’elle est le principal marché mondial pour les fruits de mer et qu’elle possède la plus grande flotte marchande.  La politique de l’Arctique est positionnée sur trois axes : protéger et préserver l’Arctique, améliorer la gouvernance dans la région et avoir pour priorité de promouvoir l’utilisation durable des ressources.  L’UE a aussi contracté un engagement sérieux à l’égard de la recherche sur l’Arctique.  Le discours se termine par la citation suivante : « Le fait que l’Arctique, plus que toute autre région peuplée de la planète, exige le concours d’autant de spécialités et de points de vue pour être compris est un avantage plutôt qu’un fardeau[3]. »  Faisons en sorte que ces paroles deviennent réalité.

Mme Lene Espersen, présidente du Conseil de l’Arctique et ministre des Affaires étrangères du Danemark, rend compte des activités du Conseil.  Elle réitère les liens qui existent entre l’Arctique et les changements climatiques au niveau mondial et le fait que ce sont les changements climatiques qui ont suscité un intérêt croissant pour l’Arctique.  Les décisions rationnelles à prendre devront reposer sur de solides avis scientifiques.  Pour le suivi de l’Année polaire internationale, la collaboration s’impose entre les scientifiques, les décideurs et les populations locales.  Le Conseil de l’Arctique est confronté à deux grands défis : la place à accorder aux observateurs et le fonctionnement du Conseil.  En raison de leur intérêt croissant, de plus en plus de pays et d’organisations désirent jouer un rôle d’observateur au Conseil.  Le consensus requis à ce sujet n’a toutefois pas encore été établi.  Il y va du statut et du prestige du Conseil.  Le Danemark, par exemple, accueillerait l’UE comme observateur, mais se demande si le Conseil peut encaisser les contrecoups de l’arrivée de nombreux autres observateurs. Mme Espersen indique que les hauts représentants de l’Arctique au Conseil devraient régler la question d’ici la prochaine réunion.

 

M. Hannes Manninen, président du Comité permanent des parlementaires de la région arctique (CPPRA), présente d’entrée de jeu les principales fonctions de son comité, à savoir mettre en application les mesures énoncées dans la déclaration de la conférence et préparer la conférence suivante.  Il souligne les liens étroits entre le CPPRA et le Conseil de l’Arctique, et en particulier la présidence.  Il mentionne aussi la relation spéciale avec l’Université de l’Arctique.  La santé et les conditions de vie de l’être humain sont d’une importance capitale pour le CPPRA.  M. Manninen fait par ailleurs ressortir le lien entre les politiques de l’UE qui ont un volet arctique et les travaux de son comité, notamment la politique sur les transports et la logistique dans le cadre de la Dimension septentrionale, dont l’élaboration a été suivie par le CPPRA à diverses occasions.  Il souligne de plus l’importance de l’éducation et le rôle que l’héritage de l’Année polaire internationale peut jouer dans l’enrichissement et la diffusion des connaissances sur l’Arctique.

Une discussion s’ensuit sur la nécessité d’une coopération, principalement au sein d’un Conseil de l’Arctique renforcé.  Le milieu de la recherche est présenté comme un modèle d’intérêts diversifiés et de coopération.  Le Conseil est considéré comme la meilleure organisation possible pour cette coopération, mais il lui faudrait le soutien d’un secrétariat permanent qui lui donnerait les outils voulus.  Qui plus est, le Conseil devrait établir une vision de l’Arctique pour 2030.  Le Danemark (actuel président du Conseil) voit d’un œil favorable l’intérêt accru pour l’Arctique et estime que le renforcement du Conseil devrait passer par l’augmentation du nombre d’observateurs.  On mentionne la possibilité de faire du Conseil un organe plus politique doté d’un certain pouvoir de décision et l’on signale que les sous-ministres tiendront des discussions politiques sur le sujet.  Le président du CPPRA indique que le Conseil de l’Arctique est la meilleure organisation qui soit pour développer la coopération – ce n’est pas l’apanage des cinq États côtiers – et que les dirigeants politiques devraient établir une vision pour 2030.

Le récent accord entre la Russie et la Norvège au sujet de la mer de Barents est cité comme un bel exemple de coopération. La Russie indique qu’en plantant un drapeau au pôle Nord elle annonçait une découverte géologique et qu’il ne fallait pas y voir un geste politique. Elle est très favorable à l’idée d’une décennie polaire internationale, que semble aussi appuyer l’Organisation maritime internationale. La Commission de l’UE fait remarquer que l’observation de poissons, comme le hareng, dans les eaux septentrionales n’est pas aussi anodine qu’elle le paraît et qu’il faut éviter les guerres de quotas, par exemple. Les parlementaires doivent apporter leur soutien au développement durable des ressources.

 

B.  Gestion durable des ressources biologiques de l’Arctique

M. Erik Lahnstein, secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères de la Norvège, commence par dire qu’il est enchanté de l’attention nouvelle portée à l’Arctique et que l’UE a un intérêt légitime dans ce dossier et peut y apporter une contribution précieuse.  Nous avons besoin d’efforts de conservation à long terme fondés sur de solides connaissances.  Comparant la production de fruits de mer de l’UE et de la Norvège, M. Lahnstein note une légère augmentation en Norvège et une baisse considérable dans l’UE.  Cette différence, signale-t-il, est due en partie aux changements environnementaux, mais surtout aux politiques en vigueur.  Il juge nécessaire d’interdire le rejet de poissons, de réduire la flotte de pêche et d’édicter des règlements pour protéger les petits poissons.  Il faut aussi des plans de gestion intégrée portant entre autres sur les minéraux, le pétrole, le transport et le tourisme, qui seraient établis avec la participation des peuples autochtones du fait de l’interaction mutuelle.  Une approche globale et prudente s’impose, l’idée étant non pas de préserver l’Arctique comme un musée, mais de le gérer pour le bien de l’humanité.

M. Karl Falkenberg, directeur général de l’Environnement à la Commission européenne, indique que l’UE place l’environnement au centre de ses intérêts, mais aussi que les besoins et le rôle des populations arctiques doivent absolument être reconnus.  Il mentionne l’importance de la recherche et signale la nécessité de s’éloigner du principe de précaution en acquérant les connaissances requises pour prendre des décisions.  Il se dit « terriblement conscient » du fait que, si des décisions différentes avaient été prises dans le passé sur la gestion des pêches, les prises seraient meilleures à l’heure actuelle.  Au sujet du pétrole et du gaz, il affirme que l’octroi de permis devrait être conditionnel à l’existence d’un bon plan d’intervention en cas d’accident et que les responsabilités et obligations doivent être clairement définies.  Il dit avoir apprécié la coopération dans le dossier de la chasse à la baleine, où les prises limitées de baleines à bosse témoignent d’une compréhension des besoins locaux.

Mme Sofia Rossen, députée du Danemark/Groenland et rapporteure sur l’utilisation durable des ressources biologiques, présente un résumé de son rapport[4].  Elle signale que les parlementaires de l’Arctique doivent œuvrer de façon transparente pour faire progresser l’utilisation durable des mammifères marins en se fondant sur le savoir, l’expérience et la responsabilité.  Le meilleur moyen d’y parvenir est la coopération dans les domaines suivants :

·         Recherche et savoir

·         Éducation

·         Gestion et contrôle

·         Communication

À cette fin, elle recommande notamment de faire participer l’Université de l’Arctique à l’établissement de programmes, d’encourager la publication des résultats de la recherche sur les mammifères marins et d’accroître la coopération entre les chercheurs et les chasseurs.

Dans la discussion qui a suivi les exposés, on fait remarquer que la gestion intégrée est une entreprise de longue haleine et coûteuse, mais qu’il est nécessaire d’éduquer tous les intervenants pour favoriser une compréhension mutuelle et pour rendre les décisions plus légitimes.  On mentionne que la meilleure gestion durable se pratique chez soi, dans sa propre zone économique; par exemple, l’UE exigerait de l’Islande qu’elle abandonne la chasse à la baleine comme condition d’adhésion. Il faut prendre en considération les circonstances exceptionnelles et le droit international.  On fait aussi observer que la pêche illégale est un problème de taille et qu’il faut superviser strictement tous les navires battant pavillon de l’UE tant en mer que dans les aires de débarquement.  À cause des changements climatiques, les poissons se déplacent, de sorte que la réglementation doit aussi évoluer. Mais comme les changements climatiques se produisent à l’échelle mondiale, une action mondiale s’impose.  Les scientifiques et les politiciens doivent « se rencontrer et se serrer la main ».  Un intervenant signale la tendance troublante à fermer les yeux sur la nécessité d’une coopération mondiale.  Les frontières établies par l’homme ne coïncident pas avec les écosystèmes.  Au sujet de l’adhésion de l’Islande à l’UE, on affirme que celui qui veut se joindre à un club de soccer ne peut pas jouer selon les règles du rugby.

Un observateur canadien dit souscrire au rapport de Mme Rossen.  Selon lui, il est temps que le Conseil de l’Arctique parvienne à une certaine maturité en se dotant d’un secrétariat et d’un rôle plus politique; l’activité de recherche et de sauvetage serait un bon point de départ.  Le Conseil deviendrait ainsi un bon moyen d’assurer un leadership dans le Nord.

 

C.  Coopération en éducation et en recherche – l’héritage de l’Année polaire internationale

M. Steven Blaney, député de la Chambre des communes du Canada, copréside cette séance avec Mme  Sinikka Bohlin, députée de Suède.  Dans son préambule, il précise que la Russie a planté son drapeau au pôle Nord en 2007, mais qu’en 1967 une équipe de scientifiques canadiens qui travaillait dans le cadre de l’Étude du plateau continental polaire avait déjà déposé un instrument scientifique au pôle Nord.  Toutefois, avant de le faire, et convaincus de l’importance internationale de leurs travaux, les scientifiques canadiens avaient attaché à l’instrument le drapeau de l’ONU, les drapeaux de tous les pays circumpolaires, y compris l’URSS et le Canada, et les drapeaux des pays membres de l’ONU. Ils avaient donc fait descendre ces drapeaux, qui représentaient le monde circumpolaire et la communauté internationale, sur les fonds océaniques du pôle Nord 40 ans avant que les Russes ne viennent y planter leur drapeau pour la deuxième fois.

M. Lars Kullerud, président de l’Université de l’Arctique, signale que le CPPRA et les parlementaires sont à l’origine de son institution.  L’Université compte 130 établissements membres et 150 000 étudiants qui, même s’ils ne sont pas tous inscrits au programme d’études sur l’Arctique, présentent de formidables possibilités.  Il demande qui peut déterminer les projets de recherche à réaliser et mentionne les travaux de l’International Arctic Science Committee et de la conférence internationale sur la planification de la recherche sur l’Arctique. I l encourage le milieu de la recherche et les collectivités du Nord à cerner les questions à traiter.  Il signale aussi l’importance d’amener les gens à s’installer dans le Nord pour en vivre l’expérience, mais mentionne aussi que le programme « Go North » de l’Université de l’Arctique, qui va dans ce sens, a besoin de fonds supplémentaires.

La Dre Joan Nymand Larsen, scientifique principale au Stefansson Arctic Institute, indique que les collectivités régionales et les Autochtones doivent être des partenaires à part entière dans la recherche concertée.  Par le passé, la recherche était limitée aux sciences physiques; l’Année polaire internationale a remédié à la situation en y ajoutant une dimension sociale.  L’accès aux données est une question cruciale, qui pourrait être abordée par l’amélioration de la surveillance et de la gestion des données, héritage de l’Année polaire internationale.  Mme Larsen signale également les efforts de l’Islande pour produire un deuxième rapport sur le développement humain dans l’Arctique comme exemple de collaboration internationale en matière de recherche.

M. Morten Høglund, député de la Norvège et rapporteur du CPPRA sur la coopération en éducation et en recherche[5], souligne la nécessité d’axer les efforts sur l’éducation des habitants de l’Arctique pour faire passer leurs intérêts en premier.  L’Année polaire internationale a engendré sa propre dynamique, et la conférence qui doit se tenir à Montréal, au Canada, en 2012 sera une belle occasion de faire progresser ce dossier.  M. Høglund met en lumière l’importance à accorder dorénavant aux sciences tant sociales que naturelles dans la recherche scientifique dirigée par les pays arctiques.  Il fait remarquer qu’à la conférence, des scientifiques de renommée mondiale discutent avec des politiciens et qu’il faudrait aussi mettre à contribution le monde des affaires pour susciter des innovations propices au développement durable.  Il conclut en insistant sur la nécessité des données scientifiques.

M. Robert-Jan Smits, directeur général de la Recherche à la Commission européenne, résume l’importance de la Commission pour la recherche sur l’Arctique, en mentionnant que son organisme avait dépensé 200 millions d’euros sur dix ans, somme qui n’inclut pas les cotisations des États membres, pour le volet arctique du Système mondial d’observation de la Terre et la construction du brise-glace allemand Aurora Borealis.  L’échange de données et la recherche conjointe sont nécessaires. Selon lui, il y a encore beaucoup de choses que nous ne comprenons pas parfaitement et nous avons beaucoup à apprendre.

Dans la discussion qui suit, on rappelle d’abord qu’il faut prendre en compte le savoir ancestral des peuples autochtones ainsi que leurs droits, notamment le concept d’éducation en tant que droit de la personne.  L’éducation doit se faire dans le respect des cultures autochtones.  On demande pourquoi il n’y a pas plus d’étudiants de l’Arctique qui vont à l’étranger dans le cadre de programmes d’échange.  On indique aussi que la technologie pourrait être davantage utilisée dans les réseaux d’éducation et de recherche.  Un délégué canadien dit souscrire à l’idée de renforcer le Conseil de l’Arctique en cherchant à intensifier le dialogue sur les orientations et en invitant d’autres États membres à examiner les besoins structurels du Conseil, y compris la création d’un secrétariat.  On réitère le besoin d’une prise de décisions bien dosée qui repose sur des données issues tant des sciences sociales que des sciences naturelles.  Un intervenant avance qu’on ne peut plus parler de l’« état » de l’Arctique, seulement des changements.  Il est nécessaire de cerner les causes fondamentales de ces changements (climatiques ou autres) et de favoriser l’adaptation aux transformations dans le Nord.  On signale que les étudiants constituent la ressource primordiale, car c’est eux qui vont « nous » remplacer.  On juge important d’encourager et de financer la mobilité des étudiants.  Le financement des études est considéré comme essentiel au renforcement des moyens d’action de l’Arctique.

On répond d’abord en notant que l’échange de données est important et qu’il pourrait être amélioré par l’établissement de normes pertinentes, par exemple sur l’archivage et l’utilisation de protocoles communs de données, et par l’amélioration de la traduction.  On pourrait faciliter l’accès rapide aux données en récompensant les chercheurs d’avoir diffusé des données avant leur publication officielle, qui peut prendre des années.  On juge que l’application des protocoles de données du Sud dans le Nord est un problème à éviter.  Quand des fonds sont accordés à des établissements, il arrive que les personnes qui n’ont pas accès à ces établissements soient négligées.  On signale que l’Université de l’Arctique, bien qu’elle ne soit pas parfaite, a un vice-président aux affaires autochtones.  L’Année polaire internationale prévoyait aussi des projets dirigés par des Autochtones.  Il importe de déterminer les obstacles à l’échange

d’étudiants et de s’inspirer des pratiques exemplaires.  On juge précieuses les rencontres avec des scientifiques, des éducateurs et des parlementaires, comme l’actuelle conférence et les réunions antérieures entre le CPPRA et les recteurs de l’Université de l’Arctique.  On considère aussi que l’Année polaire internationale a été un franc succès et l’on mentionne que les scientifiques peuvent parfois être en avance sur les populations.

 

D.  La fonte des glaces et ses conséquences

M. Igor Chernyshenko, député de la Douma en Russie et rapporteur du CPPRA sur ce thème, présente un résumé de certains faits concernant la fonte des glaces de l’Arctique.  Chaque été, on enregistre de nouveaux records de température, et la glace pérenne a été réduite à 15 % de la surface marine en 2004-2005.  Il signale que l’Année polaire internationale a été l’occasion d’un effort sans précédent pour réaliser des études sur l’Arctique, y compris par de nombreuses initiatives concertées avec le Danemark, la Suède, la Pologne et d’autres sur un brise-glace à la dérive.  Les prévisions comportent beaucoup d’éléments négatifs, mais il fait ressortir certains des points positifs, par exemple la diminution des risques de l’exploration pétrolière et gazière, l’amélioration possible des pêches, le tourisme et l’agriculture.  Les éléments négatifs sont entre autres l’élévation du niveau de la mer, la fonte du pergélisol et les menaces pour les mammifères tels que le phoque et l’ours polaire.  Au sujet du niveau de la mer, il indique qu’une hausse de 1,5 à 2 mètres, la prédiction la plus couramment acceptée, entraînerait l’inondation de territoires habités par 15 % de la population mondiale et des dégâts de l’ordre de 1 000 milliards de dollars américains.  Les points névralgiques sont notamment l’exploration pétrolière et gazière et le transport.  Il précise toutefois que ces questions seront traitées conformément à l’UNCLOS.  La revendication en faveur du plateau continental étendu présentée par la Russie dans le cadre de cette convention sera bientôt accompagnée d’une étude effectuée à l’aide d’un sous-marin nucléaire sur une période de deux semaines.  M. Chernyshenko note que la non-ratification de l’UNCLOS par les États-Unis complique les revendications.  Il signale que la Russie se sert déjà de l’Arctique comme aire de navigation tant pour le trajet mer Baltique-Russie-Chine (route maritime du Nord) que pour la traversée à destination de Churchill (Manitoba) au Canada.  Les voyages de Rotterdam jusqu’en Chine coûtent 45 % de moins que le passage par le canal de Panama, sans compter que les risques de piraterie sont grandement réduits.  Il indique que la route maritime du Nord est essentielle pour la Russie et joue un rôle crucial dans la survie des peuples nordiques.  L’aménagement des infrastructures pour cette route est un volet important de la politique russe sur l’Arctique.  M. Chernyshenko se reporte aussi à l’article 234 de l’UNCLOS (zones recouvertes par les glaces), qui donne aux États côtiers le droit « d’adopter et de faire appliquer des lois et règlements non discriminatoires afin de prévenir,

réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires dans les zones recouvertes par les glaces et comprises dans les limites de la zone économique exclusive ».  Il termine en soulignant les efforts déployés pour éviter les accidents, y compris les efforts de la Russie au G20 et la possibilité de dix centres en Russie pour prévenir les catastrophes « technogéniques ».  Le Conseil de l’Arctique et le Conseil euro-arctique de la mer de Barents sont aussi mentionnés comme des organismes qui, par la coopération internationale, contribuent largement à réduire les risques de catastrophes.

Mme Jacqueline McGlade, directrice exécutive de l’Agence européenne pour l’environnement, commence par expliquer que son organisme compte cinq États arctiques parmi ses membres et qu’il tente de faire comprendre aux États méditerranéens que l’Arctique les concerne.  Les changements climatiques ont des répercussions inconnues, et la vitesse à laquelle ils se produisent, en particulier, relève de l’inconnu.  Elle fait observer que la glace marine est importante pour des organismes aussi fondamentaux que les algues.  La recherche doit être poursuivie, et il faut que les pays s’échangent des données.  Elle note que les changements climatiques sont un héritage du monde industrialisé, mais que les pays en développement doivent aussi préserver la biodiversité et que la question de l’équité pour les deux conventions est différente.  L’UE est fière de sa réglementation environnementale, qui soumet l’industrie à des dispositions rigoureuses.  Elle note que l’UE a une empreinte dans l’Arctique, par exemple la charge corporelle de produits chimiques toxiques. Il y a une obligation de diligence envers le petit nombre de personnes touchées.  Le Conseil de l’Arctique est un organe solide et spécialisé, mais pour réagir à des problèmes comme les émissions de combustible de soute, il faut une coopération internationale plus étendue.  L’engagement de poursuivre la surveillance doit être maintenu parce qu’on ne peut pas se fier au passé pour prédire l’avenir.  L’échange de données est nécessaire : il faut montrer que l’élaboration des politiques s’appuie sur des données tangibles.  Il est possible de s’engager à échanger de l’information dans le respect de la souveraineté.

M. Per Sønderstrup, directeur du Centre de réglementation maritime de l’Autorité maritime danoise, fait part de certains enjeux touchant la navigation dans l’Arctique.  Un superpétrolier a besoin d’une profondeur de 60 mètres; il doit donc absolument naviguer en eaux profondes.  Le Groenland a 40 000 kilomètres de côte et il y avait en 2008 44 gros navires qui sillonnaient ces eaux.  Les bateaux de croisière de 15 000 passagers sont les plus nombreux à montrer de l’intérêt pour la région.  La route maritime du Nord, le passage du Nord-Ouest et les routes transpolaires raccourcissent de beaucoup le nombre de milles nautiques à parcourir, mais ils ne sont pas suffisamment patrouillés, connaissent des conditions météorologiques extrêmes et ont peu d’infrastructures, des ressources limitées en recherche et sauvetage et une capacité restreinte de contrôle de la pollution.  M. Sønderstrup cite en exemple l’accident du MV

Clipper Adventurer, bateau de croisière qui a eu besoin d’un sauvetage.  Il suggère de jumeler les bateaux de croisière dans la région arctique, car la plupart des localités n’ont pas les ressources voulues pour accueillir autant de monde.  Une action proactive s’impose pour rendre les règles exécutoires.  Des règles internationales sont nécessaires étant donné que le certificat d’enregistrement, le propriétaire et l’exploitant peuvent tous venir de pays différents.  Il faut une approche fondée sur les risques, utile pour analyser les risques et prendre des mesures en conséquence.

M. Henrik Falck, chargé de projet pour l’Europe de l’Est, compagnie Tschudi Shipping, Norvège, signale que la Russie est au cœur des activités actuelles d’exploitation des ressources dans le Nord.  Les prix plus élevés des marchandises, le recul des glaces, les changements technologiques et l’intérêt de la Russie pour l’exploitation expliquent cette situation.  M. Falck mentionne certaines des activités en cours, y compris l’exploitation minière, pétrolière et gazière.  Il fait remarquer que sa compagnie est la première société internationale à avoir obtenu l’approbation d’emprunter la route maritime du Nord.  Une cargaison de minerai de fer qui part de Kirkenes, en Norvège, arrive en Chine de 10 à 15 jours plus tôt.  Le MV Nordic Barents a pris la mer le 4 septembre, accompagné par un brise-glace nucléaire russe, et avec une cargaison de 40 000 tonnes de minerai de fer.  M. Falck mentionne aussi qu’une solution de rechange à la route maritime du Nord pourrait être le réseau fluvial russe, idée que Jonas Lied a eue il y a un siècle.  Sa conclusion est que la route maritime du Nord est prête, mais que les flottes commerciales de la planète ne le sont pas.

Au cours de la discussion, on a signalé que les bateaux de croisière posent un problème particulier parce qu’ils ne sont pas construits pour faire face aux conditions arctiques et que leur équipage manque d’expérience.  On travaille actuellement à mettre en œuvre la recommandation de l’Évaluation de la navigation maritime dans l’Arctique visant à rendre obligatoires les dispositions pertinentes des lignes directrices sur l’Arctique de l’Organisation maritime internationale.  De plus, un accord exécutoire sur la recherche et le sauvetage négocié sous les auspices du Conseil de l’Arctique devrait voir le jour sous peu. On souligne que des accidents risquent de se produire et qu’il est urgent de régler ces questions.  La conférence se termine par l’approbation de la déclaration (voir l’annexe). Le Parlement d’Islande sera l’hôte de la prochaine conférence en 2012.

 


Comité permanent des parlementaires de la région arctique

Le Comité permanent des parlementaires de la région arctique (CPPRA) s’est réuni trois fois dans le cadre de la conférence, soit deux fois avant et une après.  La première réunion, de courte durée, a servi à résumer la conférence à venir.  La deuxième a permis d’amorcer un dialogue avec les observateurs du CPPRA, qui représentaient les organismes suivants : Arctic Governance Project, International Arctic Science Committee, Northern Research Forum, Université de l’Arctique et l’Indigenous Peoples Secretariat du Conseil de l’Arctique[6].

À la réunion suivant la conférence, il est proposé d’assurer la présidence du CPPRA par rotation parmi les pays membres et de trouver un moyen d’amener les membres à partager les responsabilités.  Il est jugé préférable de faire une rotation, mais selon un mécanisme flexible étant donné l’instabilité parlementaire dans certains pays.  On mentionne que le recours à des rapporteurs donne d’excellents résultats.  Un délégué canadien fait remarquer qu’il n’y a pas au Canada de position bien établie sur l’Arctique chapeautée par l’Association parlementaire Canada-Europe, l’organe dont relèvent les parlementaires qui participent aux travaux du CPPRA.  La rotation de la présidence pourrait accroître la visibilité du CPPRA au pays, mais il est trop tôt pour prendre une décision à ce sujet.  Les discussions sur le rôle d’un vice-président sont suspendues jusqu’à la prochaine réunion.  La Norvège indique qu’elle est disposée à continuer de fournir les services du secrétaire général du CPPRA.  Il est décidé par ailleurs que la Finlande restera à la présidence.

La prochaine réunion du CPPRA se tiendra à Ottawa, Canada, le 16 novembre 2010.

 

Respectueusement soumis,

 

 

 

M. Steven Blaney, député
Association parlementaire Canada-Europe

 



[1] Le rapport de la conférence peut être consulté à l’adresse http://www.arcticparl.org/announcements.aspx?id=3319.

[2] Conférence des parlementaires de la région arctique, http://www.arcticparl.org/.

[3]Maria Damanaki, commissaire européenne aux affaires maritimes et à la pêche, Arctic footsteps in Brussels – 9th Conference of Parliamentarians of the Arctic Region European Parliament, Brussels, 13 September 2010, communiqué, 13 septembre 2009 (contient la citation de Bruce Jackson), http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=SPEECH/10/422&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=en. [traduction]

[4] Sofia Rossen (Inuit Ataqatigiit), Report to SCPAR on sustainable use of living resources in the Arctic,

http://www.europarl.europa.eu/arcticparl/Report%20to%20SCPAR%20on%20sustainable%20use%20of%20living%20ressources.doc.

[5] Morten Høglund, Arctic cooperation in education and research – follow-up of the International Polar Year, http://www.europarl.europa.eu/arcticparl/Report%20Mr%20%20Morten%20Hoglund%20SCPAR.doc.

[6] Arctic Governance Project, http://www.arcticgovernance.org/

International Arctic Science Committee, http://web.arcticportal.org/iasc/

Northern Research Forum, http://www.nrf.is/

Université de l’Arctique, http://www.uarctic.org/Frontpage.aspx?m=3

Indigenous Peoples Secretariat, http://ips.arcticportal.org/.

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