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Rapport

 

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport au sujet des réunions de la Commission de la défense et de la sécurité qui ont eu lieu à Washington, D.C et en Floride, États-Unis du 25 au 29 janvier 2010.  Le Canada a été représenté par le Sénateur Joseph A. Day, Mme Cheryl Gallant, députée et M. Claude Bachand, député.

RESUME

Au moment où le système de la sécurité internationale est confronté à des défis complexes, l’administration Obama accorde une grande importance à ses alliances et à ses partenariats et, en tout premier lieu, à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, selon de hauts responsables gouvernementaux. Elle envisage de collaborer étroitement avec ses partenaires de l’OTAN dans divers domaines, depuis la campagne afghane jusqu’aux relations avec la Russie, en passant par la conception de parades à la menace de tirs de missiles en provenance du Proche-Orient.

Tel est le grand message que la Commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN a rapporté de sa visite annuelle aux États-Unis, en janvier 2010. La délégation se composait de 40 parlementaires d’une vingtaine de pays membres de l’OTAN et était conduite par le président de la Commission, Julio Miranda Calha (Portugal) ; le président de l’Assemblée, John Tanner (États-Unis), l’accompagnait.

A Washington, la délégation a rencontré de hauts responsables de l’administration, dont le général James Jones, conseiller présidentiel pour la sécurité nationale, et Ellen Tauscher, sous-secrétaire d’État à la maîtrise des armements et à la sécurité internationale, ainsi que d’autres fonctionnaires du département d’État et de celui de la Défense et des spécialistes indépendants du Center for American Progress, du German Marshall Fund et du Center for Nonproliferation Studies.

De surcroît, elle a eu avec le général Stéphane Abrial, Commandant du Commandement Suprême Allié « Transformation » de l’OTAN une longue discussion sur l’avenir de l’Alliance. Les problèmes inhérents à la région de l’Afghanistan et du Pakistan et au « Grand Moyen-Orient » dans son ensemble ont été au cœur d’un entretien avec le général David Petraeus, commandant en chef du Central Command (CENTCOM), et l’amiral Eric Olson, qui dirige le Special Operations Command (SOCOM).

Dans le contexte de la visite annuelle d’installations militaires américaines par la Commission, la délégation a été reçue dans les locaux du Central Command et à Hurlburt Field, où le général de corps d’armée Donny Wurster a décrit les missions propres à cette base, l’accent étant mis sur le commandement des opérations spéciales des forces aériennes. La délégation a également entendu des exposés sur la 33e escadre tactique et sur son rôle dans la mise en place d’un centre de formation pour les pilotes du chasseur-bombardier commun F-35.

L’OTAN AUJOURD’HUI ET DEMAIN

La visite de la Commission a commencé par une longue discussion sur l’avenir de l’Alliance avec le général Stéphane Abrial, qui est à la tête du commandement suprême allié « Transformation » de l’OTAN (CSAT). Premier officier non américain à obtenir la direction de ce commandement – qui est co-implanté à Norfolk, en Virginie, avec celui des forces américaines interarmées (USJFC) –, il est donc le seul commandant de l’OTAN présent sur le territoire américain. Selon lui, sa fonction consiste à aider les actionnaires de l’OTAN, autrement dit, les pays membres, à mettre au point les forces les mieux adaptées aux défis de demain et d’après-demain.

La toute première priorité du CSAT, d’après le général Abrial, est d’appuyer les prochaines phases et innovations des opérations en cours, depuis la formation jusqu’aux enseignements acquis, depuis la réalisation d’une analyse de la contre-insurrection jusqu’à la mise en œuvre de moyens techniques destinés à contrer la menace des engins explosifs improvisés. Cependant, le CSAT s’occupe aussi de projets à long terme et dont l’échéance peut être fixée à 2030 ou au-delà, projets qui doivent s’intégrer dans des processus tels que l’élaboration d’un nouveau concept stratégique pour l’OTAN.

Le général a souligné que le thème de la défense collective était le fondement même de l’OTAN, mais il a estimé que, dès lors que la dissuasion engendrée par l’article 5 du Traité de Washington est efficace dans la plupart des domaines, les attaques se concentreront sur les points faibles apparents de l’Alliance et viseront à saper la cohésion de celle-ci ; aussi convient-il de repenser l’interprétation habituelle d’une attaque telle qu’elle est envisagée à l’article 5. Le général a refusé toute distinction entre les moyens utilisés pour défendre le territoire de l’Alliance et ceux qui sont nécessaires à la projection hors zone, compte tenu de l’augmentation de la surface géographique de l’OTAN, elle-même induite par les élargissements successifs, et des capacités requises pour envoyer des forces d’un pays membre de l’Alliance défendre un autre pays membre à des milliers de kilomètres de là.

Évoquant l’avenir, le général a estimé que ceux qui souhaitaient nuire à l’Alliance recourraient à l’avenir aux « menaces hybrides », qui combinent simultanément l’emploi d’armes de destruction massive, des opérations de guerre classique et de guerre irrégulière, des actes de terrorisme et une multitude d’autres actions criminelles ou d’actes perturbateurs. Pour parer à ce genre de menace, il convient, de l’avis du général, de disposer de toute une gamme de moyens, car un adversaire capable de s’adapter recherchera les failles de notre dispositif défensif pour les exploiter à son profit.

Pour le général, l’OTAN doit se doter des moyens qui lui permettront de concrétiser ses ambitions et exploiter de manière optimale ses investissements dans la défense en se fondant sur les moyens existants plutôt qu’en visant une augmentation des forces, peu probable. Elle peut y parvenir en tirant le meilleur parti possible de l’innovation et de la technologie et, notamment, en collaborant de manière cohérente avec l’industrie pour assurer une information mutuelle sur les possibilités offertes par l’innovation, leur coût et le temps nécessaire à leur mise en service.

Le général a décrit quelques-unes des mesures que prend le CSAT pour assurer la transformation de l’Alliance : amélioration de sa coordination avec toutes les organisations nationales affectées à la transformation, dont l’USJFC, publication d’un catalogue des ressources disponibles et homologuées en matière de doctrine et de formation, présentation du CSAT en tant que principal organe de réflexion de l’OTAN pour les questions militaires et conversion des partenariats de l’Alliance – y compris ceux qui ont été instaurés avec l’Union européenne et l’ONU – en véritables partenariats opérationnels.

Le général James Jones, conseiller présidentiel pour la sécurité nationale, a convenu que l’OTAN vivait une période cruciale du point de vue stratégique. Elle doit « changer ses points d’ancrage » et passer d’une position de réaction à une position de prévention pour conserver sa pertinence face aux défis du XXIe siècle. Pour garantir l’obtention des réponses multilatérales les plus efficaces à ces défis, le Président Obama consacre beaucoup de temps et d’efforts à l’ouverture et à l’amélioration d’un dialogue transatlantique et d’un processus d’édification de partenariats, selon le général Jones.

Le général s’est félicité du processus engagé pour l’élaboration d’un nouveau concept stratégique de l’OTAN et a suggéré aux parlementaires de prendre acte de la portée considérable dudit processus et de la mettre en évidence. Au cours du débat, des questions spécifiques comme le financement commun, le rôle et la nature de la Force de réaction de l’OTAN, l’élargissement et les procédures décisionnelles devront toutes être examinées.

Qualifiant de « centrale » et de « prééminente » la place de l’Europe dans les projets de l’administration américaine pour relever les défis d’ordre international, Julianne Smith, directrice principale (Europe et OTAN) au cabinet du sous-secrétaire d’État à la Défense chargé des affaires politiques, a exposé les priorités américaines relatives au nouveau concept stratégique : concision (pour assurer son utilité en tant que document de diplomatie publique), garantie selon laquelle l’OTAN continuera à assumer sa fonction principale de défense collective et des fonctions de gestion de crises, poursuite de la transition vers une alliance de sécurité capable d’apporter son soutien à la résolution des problèmes liés à la cyber sécurité ou au Grand Nord, par exemple, nécessité de tisser entre elles actions civiles et actions militaires dans le contexte des opérations, importance croissante des partenariats et nécessité de leur rationalisation, créativité pour combler les insuffisances dans le secteur des capacités, et réforme de l’OTAN, de ses forces, de ses structures de commandement et de ses procédures décisionnelles.

AFGHANISTAN

En 2010, le général Stanley McChrystal, qui commande la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), disposera des troupes dont il a besoin pour mener une campagne victorieuse de contre-insurrection en Afghanistan, selon le général David Petraeus, commandant en chef du Central Command (CENTCOM). Dans les considérations qu’il a formulées à l’attention de la délégation (laquelle a été reçue dans les locaux du CENTCOM, à Tampa), le général Petraeus a évoqué l’évolution de la mission de la FIAS et a déclaré que le général McChrystal aurait pour la première fois la structure et les effectifs requis pour l’emporter, à la différence de ses prédécesseurs. Pour la première fois également, les moyens fournis à la mission sont à la hauteur des problèmes. Le général s’est félicité par ailleurs du regroupement des activités de formation sous l’égide de la Mission de formation de l’OTAN en Afghanistan, laquelle selon sa propre expérience, soutient favorablement la comparaison avec la mission analogue établie en Irak. Mais, même dans ces conditions, le général a prédit que le conflit se durcirait encore avant de baisser en intensité et s’attend à une escalade de la violence en 2010. Les attaques spectaculaires de Kaboul attirent évidemment l’attention mais ne donnent pas de véritables indications sur l’évolution du conflit et, n’importe comment, étaient d’une intensité relativement faible. Le général s’est félicité, d’autre part, des opérations de contre-insurrection menées par les forces pakistanaises au cours des dix derniers mois et en a souligné l’extrême importance.

Craig Mullaney, directeur principal au cabinet du secrétaire à la Défense et chargé de l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Asie centrale, a estimé, lui aussi, que la FIAS pouvait compter sur les forces nécessaires à une victoire. Cependant, le principal motif de préoccupation reste l’affectation d’un nombre suffisant d’instructeurs aux forces de sécurité afghanes (FSA), de manière que celles-ci soient en mesure de défaire les talibans.

Évoquant l’autorisation intervenue récemment quant au relèvement des effectifs des forces armées afghanes (FAA) jusqu’à 270 000 hommes d’ici à octobre 2011, M. Mullaney s’est dit encouragé par le nombre exceptionnel de recrues (environ 9 000 pour le seul mois de décembre) dans les forces terrestres. Il a attribué cette affluence à l’augmentation considérable des soldes, lesquelles, pour la première fois, égalent ou excèdent celles que paient les talibans. Toutefois, l’accroissement du nombre de recrues exige un accroissement proportionnel de celui des instructeurs ; à cette date, il en manquerait encore quelque 1 500.

Selon M. Mullaney, il s’agit désormais, entre autres grandes mesures, de se concentrer sur une expansion accélérée des FSA et de veiller à leur efficacité et à leur viabilité à long terme. La meilleure façon de décrire la mission se résume à quelques mots : « dégager, tenir, construire et assurer la transition ». Les Afghans devront être assurés d’un engagement durable de leurs partenaires internationaux et de leur maintien sur place, une fois les opérations militaires terminées. Mais, parallèlement, il convient de leur faire comprendre que l’engagement de forces combattantes n’est pas illimité et que leur effectif commencera à se réduire à partir de l’été 2011. L’Alliance doit aussi préciser clairement qu’il n’est ni nécessaire ni possible de créer un État occidental moderne en Afghanistan pour atteindre ses objectifs, a dit M. Mullaney, citant le secrétaire à la Défense des États-Unis, M. Gates.

Tout en indiquant que l’engagement de l’OTAN avait été rétabli pour cette mission, le général Jones a indiqué à la délégation que l’accomplissement de nouveaux progrès exigeait une résolution inébranlable ; notamment, il y a lieu de résoudre le grave problème posé par la pénurie d’instructeurs pour les FSA. Il a salué la nomination d’un nouveau haut représentant civil de l’OTAN à Kaboul et la collaboration observée récemment dans l’envoi de messages forts et pertinents à M. Karzaï quant à l’adéquation de membres du Cabinet. Le général a souligné que tous les pays membres de l’OTAN devaient faire valoir auprès des autorités d’Islamabad le besoin de poursuivre les efforts déployés pour venir à bout du « cancer » de l’extrémisme dans toute la région.

Margaret McKean, du Bureau du représentant spécial du département d’État pour l’Afghanistan et le Pakistan, a déclaré que l’année 2010 était l’année de l’application de la stratégie de l’administration Obama en Afghanistan, après une « période de mise en attente » due à l’élection présidentielle dans ce pays. Elle a indiqué que les États-Unis accordaient une importance accrue à divers secteurs, dont l’agriculture en tant que facteur de création d’emplois, un élargissement du champ d’action au-delà de Kaboul, la nécessité de la poursuite de l’augmentation du nombre d’experts civils envoyés sur place et des mesures énergiques contre la corruption. Pour ce qui est du Pakistan, la priorité va à la négociation d’un accord sur le transit des produits afghans, de manière que ceux-ci puissent atteindre les marchés indiens, et à une stratégie de communication pour lutter contre la propagande extrémiste diffusée dans les médias et pour redorer l’image de l’Occident auprès de la population.

POLITIQUE DE DEFENSE DES ÉTATS-UNIS

Au moment de la visite de la délégation, le gouvernement américain mettait la dernière main à un certain nombre d’analyses stratégiques, dont l’examen quadriennal de la défense (EQD), un examen du dispositif nucléaire et divers examens sur la défense antimissile balistique et le cyber sécurité. Julianne Smith, du département de la Défense, a confirmé que le Conseil de l’Atlantique Nord serait informé de l’EQD ; elle a ajouté que les Alliés seraient vivement intéressés par l’importance accordée aux partenariats et aux alliances, ainsi que par l’apparition, pour la première fois, d’un chapitre consacré au climat et à la sécurité.

Lawrence Korb, du Center for American Progress, a présenté une évaluation franche et indépendante de l’état actuel des forces armées américaines. Il a rappelé à la délégation que les conflits d’Irak et d’Afghanistan étaient les premiers conflits d’importance que les États-Unis aient engagés sans recourir à la conscription ni à une augmentation des impôts ; en fait, ils ont diminué les impôts et accumulé un énorme déficit budgétaire.

Selon M. Korb, les responsables américains avaient décidé, il y a quelque temps, de conserver des forces d’active au sol relativement peu nombreuses, appuyées par la garde nationale et des réservistes qui seraient rappelés pour de brèves périodes en cas de guerre ; si la guerre devait durer, une conscription serait instaurée. La logique de cette mesure – l’instauration d’une conscription – n’a pas été suivie, ce qui a nui aux forces armées : déploiements excessifs, abaissement des normes de recrutement, recours accru à des sociétés privées et niveau record de blessures et d’affections mentales. Sont venues s’ajouter à cela la mauvaise gestion de la précédente administration et la montée en flèche du coût des armements, de sorte que les forces américaines traversent actuellement une crise. M. Korb a annoncé que, pour des raisons politiques, les dépenses de défense continueraient d’augmenter durant la présidence de M. Obama, plutôt que d’être réduites et réaffectées à d’autres domaines prioritaires.

 MAITRISE DES ARMEMENTS, ARMES NUCLEAIRES ET DEFENSE ANTIMISSILE

Ellen Tauscher, sous-secrétaire d’État à la maîtrise des armements et à la sécurité internationale et ancienne membre de l’Assemblée, a évoqué pour la délégation un large assortiment des sujets dont elle a la charge. Indiquant que le Président Obama était mû par la vision d’un monde dénucléarisé (élément qui sera mis en avant dans l’appel – contenu dans l’examen du dispositif nucléaire – en faveur d’une moindre dépendance vis-à-vis de ce type d’armes pour la défense des États-Unis), elle a précisé que l’instauration d’un climat de confiance avec la Russie, notamment par la conclusion d’un successeur du Traité START, était un objectif prioritaire de la nouvelle administration. Même si cette dernière vise une dénucléarisation mondiale grâce à des interventions sur les régimes juridiques relatifs aux essais nucléaires et aux matières fissiles, elle demeure responsable de la protection des citoyens américains et procédera donc à des investissements judicieux pour s’assurer que ce qui reste des arsenaux américains est fiable. L’intervenante a souligné qu’un appel au renforcement du Traité de non-prolifération (TNP) et la réunion au sommet sur les questions de sécurité nucléaire, réunion convoquée par le Président Obama, figuraient parmi les mesures dignes d’intérêt prises par l’administration.

Dans ce contexte, le spécialiste indépendant Miles Pomper, du James Martin Center for Nonproliferation Studies, a plaidé pour la réduction et la régulation des armes nucléaires tactiques (non stratégiques) en Europe. Il a indiqué qu’environ 200 de ces armes restaient déployées dans cinq pays membres européens de l’OTAN, à savoir : la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie et la Turquie. Ces systèmes étaient destinés à empêcher l’avance de formations massives de chars, une menace qui a disparu aujourd’hui. La distance qui sépare ces armes des frontières d’une zone OTAN désormais élargie en réduit l’utilité militaire et, dans la plupart des cas, d’autres armes nucléaires peuvent suffire à la dissuasion étendue.

Ellen Tauscher a indiqué à la délégation que les États-Unis ne souhaitaient pas agir de manière précipitée ou unilatérale dans le domaine de la dissuasion étendue. Elle a rappelé que les Américains étendent leur dissuasion à une trentaine de pays, dont des pays asiatiques, et c’est là un élément que l’administration doit soupeser soigneusement. Elle a souligné aussi que les États-Unis profiteraient des discussions en cours au sujet du nouveau concept stratégique de l’OTAN pour sonder leurs alliés et s’enquérir de leur avis au sujet de la politique américaine de dissuasion étendue ; elle a, à ce propos, préconisé une étroite consultation des gouvernements et des parlements.

Ellen Tauscher a cependant indiqué que l’arsenal nucléaire américain n’avait guère de pouvoir dissuasif sur les terroristes non étatiques, qui n’ont pas d’« adresse de retour à l’expéditeur » et que la poursuite des travaux sur la défense antimissile pourrait jouer un rôle dans la parade à ce type de menace.

Elle a fait le point sur les plans de l’administration Obama en matière de défense antimissile, des plans qui ont été modifiés 1) pour répondre au ralentissement du processus de mise au point des missiles à longue portée de l’Iran, accompagné cependant d’un triplement de l’arsenal de missiles à courte et à moyenne portée du pays et 2) pour préserver le caractère indivisible de la sécurité de l’OTAN.

Selon John Plumb, adjoint principal pour la politique nucléaire et la politique de défense antimissile au département de la Défense, la nouvelle « approche adaptative graduelle » (AAG) des États-Unis dans le domaine de la défense antimissiles repose sur un déploiement progressif et d’ampleur variable de moyens, de manière que le dispositif puisse s’adapter à une menace fluctuante. Faisant observer que les États-Unis étaient sur le point de publier un examen de la défense antimissile balistique, l’intervenant a donné à entendre que le nouveau plan avancé par l’administration était plus souple et mieux adapté à une menace à plus courte portée, tenue pour la plus immédiate des menaces de ce genre pour le territoire de l’Alliance. Il a décrit les quatre phases de ce plan, lequel cherchera d’abord à protéger le territoire en question et les forces américaines déployées et s’achèvera, vers 2020, par la mise en service de techniques d’interception perfectionnées destinées à parer les menaces pesant sur les États-Unis et le Canada.

Selon l’intervenant, l’AAG représente une contribution américaine à un système OTAN de défense antimissile (en tant qu’élément « essentiel » de l’article 5). Washington espère que d’autres pays « connecteront » leurs propres capacités de défense au système de commandement et de contrôle déjà approuvé par l’OTAN [et connu sous le nom de défense active multicouche contre les missiles balistiques de théâtre (ALTBMD)], ce qui assurera leur interopérabilité. Évoquant la réaction de la Russie à l’apparition de l’AAG, l’intervenant a indiqué que la question n’avait pas été abordée lors des négociations autour d’un nouveau Traité START et que les autorités américaines continuaient à assurer à leurs homologues russes que ces moyens étaient destinés à lutter contre les États voyous et n’auraient aucune retombée sur le dispositif de dissuasion de la Fédération.

GRAND NORD

Daniel P. Fata, vice-président du Cohen Group et chargé de recherche transatlantique au German Marshall Fund, a présenté à la délégation un exposé sur la sécurité arctique. Compte tenu de l’importance stratégique grandissante de cette partie du monde, de son accessibilité accrue – conséquence des changements climatiques – et de l’intérêt croissant qu’elle suscite donc dans les milieux scientifiques et politiques, l’intervenant a indiqué que l’on ne savait pas encore si la dynamique dominante dans les années à venir serait la coopération ou la concurrence. Appelant l’attention sur l’augmentation du trafic maritime, de la pêche et des activités sous-marines, ainsi que sur l’existence très probable de ressources naturelles abondantes, il a estimé que cette « effervescence » demandait une intervention préventive pour éviter, tout à la fois, d’éventuelles tensions géopolitiques et des catastrophes environnementales. Selon l’intervenant, la question offre une excellente occasion d’associer sans réserve la Russie dans le partage d’informations et l’accomplissement de missions conjointes. Interrogé sur le rôle que pouvait jouer l’OTAN, Daniel Fata a évoqué une coopération qui se situerait dans le contexte du Conseil OTAN-Russie et qui porterait sur l’évaluation des risques, la mise en réseau et le partage d’informations, l’objectif étant de brosser un tableau commun des activités menées dans l’Arctique et d’assurer une coordination des opérations en cas de catastrophe.

Julianne Smith, du département de la Défense, a reconnu que la sécurité de l’Arctique ne pouvait obtenir un degré de priorité plus élevé dans le programme de l’administration américaine, au vu des autres problèmes qui y figurent. Au sujet d’un rôle potentiel pour l’OTAN, elle a indiqué que l’Alliance disposait dans ce domaine de capacités limitées, s’agissant notamment de moyens extrêmement utiles dans l’Arctique tels que des brise-glace et des systèmes de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. Elle a admis que l’OTAN pouvait s’acquitter de fonctions auxiliaires en matière de réponse à une crise ou de gestion de crises mais que d’autres entités dotées de mandats plus spécifiques, dont le Conseil arctique, seraient bien avisées d’améliorer leurs propres capacités dans ce secteur.

VISITES D’INSTALLATIONS MILITAIRES

Comme à l’accoutumée, la Commission a visité des installations militaires situées en dehors de Washington. Cette année, elle s’est rendue à Hurlburt Field, quartier général du commandement des opérations spéciales des forces aériennes (AFSOC), que dirige le général de corps d’armée Donny Wurster. L’AFSOC se charge de diverses missions de plus en plus demandées dans l’actuel environnement de sécurité. Des militaires de Hurlburt servaient en Afghanistan ou assuraient le contrôle aérien à Haïti au moment de la visite de la délégation.

Le général Wurster a expliqué que l’échec de l’opération Eagle Claw – laquelle aurait dû permettre le sauvetage des otages américains détenus en Iran – avait été un tournant capital pour les forces américaines affectées aux opérations spéciales ; les dirigeants gouvernementaux s’étaient alors rendu compte qu’ils devaient pouvoir compter, pour l’exécution de telles opérations, sur des capacités constamment entretenues. Les forces spéciales américaines se sont certes transformées en un instrument extrêmement efficace, mais la délégation a appris que bon nombre de leurs moyens dataient de la guerre du Viet Nam et devaient être rénovés. Le général a fait observer que la plupart des pays ne pouvaient se doter d’une puissance aérienne capable d’acheminer ses forces spéciales dans des conditions adverses, alors même que c’est ce qui faisait le prix des forces en question.

La délégation a entendu un exposé sur l’aménagement d’un centre de formation pour les pilotes du chasseur-bombardier commun F-35 ; elle a pu observer un exercice de l’escadron de formation aux tactiques spéciales et inspecter un CV-22 Osprey, ainsi qu’un avion lourd d’attaque au sol AC-130.36. A Tampa, elle a eu l’occasion de s’entretenir avec l’amiral Eric Olson, qui dirige le Special Operations Command (SOCOM). Ce dernier a fait valoir que l’expansion indéniable des forces spéciales était une réponse nécessaire aux problèmes de sécurité du XXIe siècle. L’amiral a estimé que ces forces étaient indispensables pour la projection de puissance et l’atténuation des causes de l’extrémisme et s’est félicité des efforts consentis par les Alliés pour s’entraîner et opérer ensemble, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001. Tout en reconnaissant que les pays membres avaient au sujet des forces spéciales des conceptions différentes, il a salué le travail du Centre de coordination des opérations spéciales de l’OTAN (NSCC) et, en particulier, son rôle dans l’échange de connaissances et d’enseignements. Il s’est également réjoui que l’OTAN ait élevé le NSCC au rang de quartier général des forces spéciales placé sous le commandement d’un officier général. Il a insisté sur la nécessité de poursuivre les exercices conjoints dans le contexte de l’OTAN, démarche qui illustre la résolution de coopérer en tant que force alliée cohésive. Cela sera d’autant plus important que la plupart des conflits dans lesquels interviendra l’OTAN exigera la mise en œuvre de forces spéciales dotées de compétences multiples, selon l’amiral.

Respectueusement soumis,

 

M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)

 

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