Header image Association parlementaire Canada-Europe

Rapport

M. Corneliu Chisu, député et président de la délégation; l’hon. Michel Rivard, sénateur; Mme Marjolaine Boutin-Sweet, députée; M. Sean Casey, député et Mme Stella Ambler, députée, se sont rendus à Strasbourg pour participer à la première partie de la session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (l’APCE ou l’Assemblée) où le Canada a le statut d’observateur, à l’instar d’Israël et du Mexique. Ils étaient accompagnés par le secrétaire de l’Association, M. Maxime Ricard, et par le conseiller de l’Association, M. Sebastian Spano. S’est joint à la délégation à Strasbourg Alain Hausser, premier secrétaire de la mission canadienne à l’Union européenne et observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe.

A.   Contexte : le Conseil de l’Europe

1.    Mandat et fonction du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe est un organisme intergouvernemental qui vise à :

·         protéger les droits de l’homme, la démocratie pluraliste et la prééminence du droit;

·         favoriser la prise de conscience et la mise en valeur de l’identité culturelle de l’Europe et de sa diversité;

·         rechercher des solutions communes aux problèmes de nos sociétés, comme la discrimination envers les minorités, la xénophobie, l’intolérance, la bioéthique et le clonage, le terrorisme, le trafic des êtres humains, la criminalité et la corruption organisées, la cybercriminalité, la violence contre les enfants;

·         développer la stabilité démocratique en Europe en soutenant les réformes politiques, législatives et constitutionnelles.

Fondé en 1949, le Conseil de l’Europe compte maintenant 47 pays membres, depuis les Açores à l’Azerbaïdjan, et de l’Islande à Chypre, sans oublier le Monténégro, le membre le plus récent, admis en mai 2007. Le principal objectif du Conseil est de promouvoir et de défendre le développement d’institutions démocratiques et les droits de l’homme, et d’obliger les gouvernements responsables à rendre compte de leur comportement dans ces domaines. Toutefois, il s’emploie aussi à favoriser la coopération internationale et la coordination des politiques dans divers autres domaines, dont la coopération juridique, l’éducation, la culture, le patrimoine, la protection de l’environnement, les soins de santé et la cohésion sociale. Le Conseil de l’Europe est l’initiateur de plus de 200 conventions ou traités européens, dont plusieurs sont ouverts à des États non membres, dans des domaines comme les droits de l’homme, la lutte contre la criminalité organisée, la prévention de la torture, la protection des données et la coopération culturelle[1].

Les principales institutions du Conseil sont le Comité des ministres (organe de décision du Conseil de l’Europe, il est composé des ministres des Affaires étrangères des États membres ou de leurs représentants), l’Assemblée parlementaire, le commissaire aux droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

L’Assemblée parlementaire compte 636 membres (318 représentants et 318 suppléants) qui sont élus ou nommés par les parlements nationaux des 47 États membres du Conseil de l’Europe. Les parlements du Canada, d’Israël et du Mexique détiennent actuellement un statut d’observateur auprès de l’APCE. Le statut d’invité spécial du Bélarus, qui a demandé de faire partie du Conseil de l’Europe en 1993, a été suspendu en 1997 à la suite de l’adoption de la nouvelle constitution du Bélarus, qui était largement perçue comme contraire à la démocratie.

L’Assemblée élit le secrétaire général du Conseil de l’Europe, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme et le commissaire du Conseil pour les droits de l’homme. Elle est consultée sur tous les nouveaux traités internationaux préparés par le Conseil, oblige le Conseil et les gouvernements des pays membres à rendre des comptes, mène des études sur une gamme de sujets d’intérêt commun aux Européens et constitue un forum de débat pour les parlementaires des pays membres. L’Assemblée a joué un rôle important dans le processus de démocratisation de l’Europe centrale et orientale et surveille activement l’évolution des pays membres, y compris les élections nationales. Elle se réunit quatre fois l’an à Strasbourg, mais les réunions des commissions sont plus fréquentes. Il est souvent question des décisions et des débats du Conseil et de l’Assemblée dans les médias européens.

Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire rassemblent des responsables de politiques et des décideurs de pays politiquement, culturellement et géographiquement très différents. Ensemble, le Conseil et l’Assemblée offrent un forum pour la formation d’une communauté politique transeuropéenne fondée sur la démocratie et les droits de l’homme. L’Assemblée parlementaire exerce aussi des fonctions de surveillance parlementaire pour diverses organisations internationales, dont l’OCDE, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ce rôle très étendu d’élaboration des politiques internationales et de promotion et de protection de la démocratie et des droits de l’homme, a pour conséquence que le Conseil et l’Assemblée sont des organes importants pour le maintien et l’avancement d’une présence multilatérale et bilatérale du Canada en Europe.

2.    Le rôle du Canada à l’Assemblée parlementaire et au Conseil de l’Europe

Le Canada possède le statut d’observateur au Comité des ministres, où il a participé activement aux débats sur plusieurs politiques (les autres observateurs sont le Saint-Siège, le Japon, le Mexique et les États-Unis) et à l’Assemblée parlementaire (où les autres observateurs sont Israël et le Mexique).

Les parlementaires canadiens jouent un rôle de premier plan dans les diverses institutions intergouvernementales et politiques de l’Europe. La présence des parlementaires canadiens s’inscrit en parallèle avec les efforts diplomatiques et ministériels du Canada en Europe pour promouvoir les intérêts du Canada dans cette partie du monde. Sont d’une importance particulière les contacts avec les parlementaires à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et les possibilités, pour les parlementaires canadiens, de participer aux débats lors de l’assemblée plénière et dans les commissions de l’APCE.

Les délégués parlementaires canadiens ont la possibilité de parler directement avec leurs homologues parlementaires des États membres du Conseil de l’Europe. Chacun des 28 États membres de l’Union européenne est également membre du Conseil de l’Europe. C’est un précieux point d’entrée où le Canada peut soulever des questions d’intérêt commun, défendre les intérêts nationaux, dissiper les malentendus et régler certains irritants dans les relations entre le Canada et certains États membres. C’est un aspect particulièrement important pour la prochaine étape de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Europe (AECG) qui devrait être ratifié par tous les États membres de l’UE et approuvé par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. La participation à l’APCE continuera d’offrir des occasions privilégiées de promouvoir l’accord, de façon à garantir sa ratification, et de discuter de toute préoccupation éventuelle des États membres de l’UE qui sont également membres du Conseil de l’Europe. Les parlementaires canadiens continueront à jouer un rôle précieux dans cette entreprise.

Même si le Canada n’a pas le droit de voter sur les résolutions de l’Assemblée ou les projets de résolution des commissions (sauf, tel que précisé plus loin, pour les questions qui touchent l’Organisation de coopération et de développement économiques, dont le Canada est membre), les parlementaires canadiens peuvent prendre la parole sur ces questions. Cela leur offre une occasion précieuse de veiller à faire connaître les intérêts du Canada sur une question importante, dans une tribune internationale d’envergure. De la sorte, les points de vue du Canada sont pris en considération lorsque le Conseil de l’Europe prépare des prises de position générales sur des questions internationales.

B.   Aperçu de l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Un large éventail de sujets ont été débattus au sein des commissions, des groupes politiques et de l’Assemblée. L’Assemblée a tenu des débats sur les sujets suivants :

·         Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente;

·         Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire;

·         Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitsky;

·         Une stratégie pour la prévention du racisme et de l’intolérance en Europe;

·         L’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme;

·         La lutte contre le racisme au sein de la police;

·         L’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien;

·         Internet et la politique : les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie;

·         Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale;

·         Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes;

·         Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration;

·         Les débats selon la procédure d’urgence :

·         Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine;

·         Débat libre;

·         Intensifier les efforts de lutte contre les inégalités au niveau mondial : la contribution de l’Europe au processus des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD);

·         Le changement climatique : un cadre pour un accord en 2015;

·         La diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable;

·         La révision de la Convention européenne sur la télévision transfrontière;

·         L’obligation des organisations internationales de répondre de leurs actes en cas de violations des droits de l’homme.

L’Assemblée a également entendu les orateurs invités suivants :

·         M. Martin Schulz, président du Parlement européen;

·         M. Werner Faymann, chancelier fédéral d’Autriche;

·         M. Sergey Naryshkin, président de l’État de Douma de la Fédération de Russie;

·         M. Serzh Sargsyan, président de l’Arménie;

·         M. Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe;

·         M. Tomislav Nikolic, président de la Serbie.

C.   Activités canadiennes durant la session

1.    Aperçu

Les membres de la délégation canadienne ont participé activement aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, notamment aux plénières et aux réunions des commissions, plus particulièrement la Commission des questions politiques et de la démocratie, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, la Commission sur l’égalité et la non-discrimination, la Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias et la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable. De plus, les membres ont assisté aux réunions de divers groupes politiques au sein de l’Assemblée.

M. Alain Hausser, observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe, a donné à la délégation une séance d’information. Diverses réunions spéciales avec des représentants de trois États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe ont été organisées afin de discuter de questions découlant de la relation du Canada avec l’Union européenne : la Roumanie, l’Italie et la Bulgarie. De plus, les délégués canadiens ont rencontré ceux du Parlement de la Turquie afin de discuter de questions d’intérêt commun.

Des réunions ont également été organisées avec plusieurs entités du Conseil de l’Europe, notamment : le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, la Banque de développement du Conseil de l’Europe et le Comité européen pour les problèmes criminels.

2.    Séance d’information donnée par l’observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe

M. Alain Hausser a fait le point avec les délégués sur les questions intéressant le Canada dans l’Union européenne et le travail de la mission canadienne à l’Union européenne pour servir ces intérêts. M. Hausser a informé la délégation sur plusieurs questions particulières liées aux relations Canada-Europe :

·         Les visas

·         L’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne;

·         La collaboration du représentant permanent avec le Comité des ministres du Conseil de l’Europe

·         La décision de l’Organisation mondiale du commerce concernant l’interdiction par l’UE des produits du phoque

·         La directive de l’Union européenne sur la qualité des carburants;

a.    Différends reliés aux visas

L’imposition, par le Canada, d’exigences de visa pour plusieurs États membres de l’UE, notamment la Bulgarie et la Roumanie, continue d’être un point de discorde dans la relation du Canada avec l’Union européenne. Ce fut un important sujet de discussion lors de la dernière rencontre de la délégation avec M. Hausser en janvier 2014[2]. C’est encore une question qui exigera de plus amples discussions.

Comme il est mentionné dans des rapports précédents, les ressortissants de la Bulgarie et de la Roumanie doivent se munir de visas s’ils souhaitent visiter le Canada[3]. L’exigence de visa a récemment été levée pour la République tchèque. Le Canada a imposé cette exigence à la suite de la réception d’un très grand nombre de demandes d’asile provenant des ressortissants de ces pays. Plusieurs, sinon la plupart, de ces demandes ont été abandonnées ultérieurement, et les demandeurs ne peuvent être retrouvés. Cette situation a fait naître des soupçons que les demandes d’asile n’étaient pas fondées.

Le Canada a fait l’objet de critiques de la part des pays désignés et de l’Union européenne concernant sa décision d’imposer des visas. Les modifications apportées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et l’adoption de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés ont répondu à ces critiques, puisque l’objectif ultime est de permettre aux ressortissants de tous les pays de l’UE de voyager sans visa. La Loi autorise le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à tenir une liste des pays désignés. Les ressortissants de ces pays désignés ne seraient pas tenus d’obtenir un visa pour entrer au Canada [4].

Récemment, la Commission européenne a proposé d’apporter un amendement au règlement de la CE portant sur les exigences en matière de visa[5]. L’objet de la proposition est d’imposer une soi-disant exigence de « réciprocité » aux pays tiers, par exemple le Canada, qui est actuellement exempté de l’obligation de visa. La réciprocité signifie que les Canadiens auraient besoin d’un visa pour entrer dans l’UE.

Le Parlement européen a par la suite adopté une prise de position en première lecture approuvant la proposition de la Commission européenne. Puisque la proposition en question est visée par la procédure législative de codécision aux procédures ordinaires, elle doit également être approuvée par le Conseil de l’Union européenne (le Conseil), l’autre instance législative du processus législatif bicaméral de l’UE[6]. Il faudra obtenir l’approbation définitive des membres de la zone Schengen, la zone exempte de visa de l’Europe, qui se compose de 22 États membres de l’UE et de quatre États non membres[7].

M. Hausser a mentionné que la mission canadienne continue de faire du lobbying actif au Parlement européen et au Conseil afin de s’assurer que le Canada conserve son exemption de visa.

b.    Accord économique et commercial global Canada-Union européenne

Les négociations aux fins d’un accord économique et commercial global (AECG) Canada-Union européenne se sont conclues par la signature d’une entente le 18 octobre 2013. L’accord devra être approuvé par le Conseil et par le Parlement européen. L’on suppose que cet accord est un « accord mixte » ou un accord qui touche les domaines de compétence de l’UE et des États membres. Si tel est le cas, en vertu des traités de l’UE, l’accord devra être ratifié par l’ensemble des 27 États membres de l’UE. La mesure dans laquelle cet accord est un « accord mixte » n’apparaît toutefois pas clairement, on a estimé qu’une bonne partie de l’accord a trait à des questions sur lesquelles l’UE détient une compétence législative.

M. Hausser et les délégués ont également discuté du rôle du Parlement européen dans le processus de ratification. En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 218.6), le Parlement a un droit de veto effectif sur nombre d’accords internationaux. (Ce nouveau pouvoir a été accordé au Parlement européen en vertu du Traité de Lisbonne qui est entré en vigueur en 2012.) Il en est ainsi de certains accords commerciaux où l’objet de l’accord est visé par la procédure de codécision, par exemple les questions touchant le marché commun. L’AECG devrait être approuvé par le Parlement européen [8].

M. Hausser s’est dit optimiste quant à la ratification de cet accord. Il a aussi fait état de certaines nouvelles initiatives bilatérales entre le Canada et l’Union européenne : un accord à long terme sur les données des dossiers passagers (conclu, mais non signé)[9], et le Traité sur l’échange de renseignements classifiés et protégés (en cours de négociation). M. Hausser a décrit ce dernier accord comme une réponse à la divulgation de renseignements classifiés par Edward Snowden.

c.    Le point sur la collaboration du représentant permanent avec le Comité des ministres du Conseil de l’Europe

Le représentant permanent du Canada auprès du Conseil de l’Europe, sur la base de la mission canadienne auprès de l’Union européenne, à Bruxelles, est responsable des relations du Canada avec le Conseil de l’Europe au niveau diplomatique et au niveau exécutif, alors que les relations au niveau parlementaire sont assurées par les délégués du Parlement du Canada à l’APCE. M. Hausser a fait le point sur quelques-uns des récents développements concernant le Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Il a précisé que son bureau travaille en étroite collaboration avec des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce afin de rechercher des possibilités de collaboration plus étroite avec le Conseil de l’Europe, en particulier dans les domaines de la coopération juridique. Il a également mentionné que des représentants du ministère de la Justice (du Canada) devraient tenir des réunions en février 2014 pour discuter des possibilités de collaboration à des projets du Conseil de l’Europe.

d.    Décision de l’Organisation mondiale du commerce concernant l’interdiction par l’UE des produits du phoque

En novembre 2013, un groupe spécial de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce a déposé son rapport sur les mesures adoptées par l’Union européenne visant à interdire l’importation et la commercialisation des produits dérivés du phoque. Une contestation de ces mesures, contenues dans le Règlement (CE) no 1007/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur le commerce des produits dérivés du phoque, et des mesures connexes subséquentes, a été formulée par la Norvège et le Canada. Le groupe spécial de l’OMC a déterminé que les mesures de l’UE ne violent pas les diverses dispositions de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce qui portent sur les obstacles techniques au commerce. Il est d’avis que les mesures étaient justifiées puisqu’elles consistaient à « répondre aux préoccupations morales du public de l’UE concernant le bien-être des phoques »[10]. M. Hausser a donné aux délégués son point de vue sur cette affaire et a dit craindre qu’à long terme cette décision ait des effets nuisibles sur les propres produits de l’UE (foie gras, veau et autres produits de viande, par exemple), qui peuvent être vulnérables aux barrières commerciales imposées par d’autres pays sur la base d’objections morales semblables du public[11].

e.    Directive de l’UE sur la qualité des carburants

Les délégués ont engagé une discussion de suivi avec M. Hausser sur les derniers faits nouveaux concernant la Directive sur la qualité des carburants (DQC) de l’UE. Le contexte de cette question et les aspects techniques de la DQC sont expliqués dans le rapport de la délégation parlementaire sur la quatrième partie de la session de 2013 de l’APCE[12]. L’effet de la DQC est qu’elle attribue une valeur de l’intensité d’émission de gaz à effet de serre (GES) au brut des sables bitumineux qui est 22 % plus élevée que celle qui est attribuée aux bruts d’autres pays qui ont une intensité de GES semblable.

M. Hausser a précisé que la Commission européenne poursuit son évaluation des incidences de la DQC. Sa mise en œuvre demeure donc incertaine. Pour le moment, la Commission semble adopter une approche mesurée.

f.     Autres sujets

M. Hausser a présenté un aperçu des développements politiques et économiques généraux en Europe. Il a indiqué qu’il y aura des élections importantes dans plusieurs des parlements des États membres de l’UE ainsi que dans le Parlement européen. Il a souligné la montée des mouvements populistes et nationalistes en Europe qui pourraient avoir une incidence sur l’UE, particulièrement sur les politiques économiques.

Il a également formulé des commentaires sur la controverse qui entoure la divulgation de documents confidentiels liés à la sécurité par Edward Snowden. De nombreux pays européens sont choqués des allégations d’espionnage des États-Unis et du Royaume-Uni. Le Canada peut être perçu comme étant impliqué dans les accusations d’espionnage en raison des rapports de sécurité étroits que notre pays entretient avec ces deux pays.

M. Hausser a également discuté avec les délégués de la situation politique en Turquie. Des rapports indiquent que le gouvernement fait face à une enquête sur la corruption. Dans les médias, il est également question des préoccupations concernant le traitement réservé aux adversaires politiques et aux médias, et des rapports font état de l’incarcération de journalistes.

3.    Rencontre avec la délégation roumaine de l’APCE

Une réunion a été organisée avec plusieurs membres de la délégation roumaine pour discuter, entre autres, de la position de la Roumanie à l’égard des visas, de la ratification de l’AECG et des relations entre le Canada et la Roumanie. Comme la Roumanie est également un État membre de l’UE, une réunion était perçue comme bénéfique pour les intérêts du Canada dans ces domaines.

Tel qu’il a été mentionné précédemment dans le présent rapport, les ressortissants roumains ont besoin d’un visa pour entrer au Canada. Les délégués roumains considèrent que cette exigence pose problème. Les délégués canadiens ont profité de l’occasion offerte par cette réunion pour expliquer les raisons de cette exigence. Ils ont expliqué que même si la Roumanie ne figure pas, actuellement, sur la liste des pays qui sont exemptés de l’obligation de visa, le Canada œuvre en faveur de l’élimination de cette obligation pour la Roumanie et la Bulgarie.

En ce qui a trait à l’AECG, la Roumanie soutient de façon générale cet accord, mais les délégués roumains ont exhorté le Canada de reconsidérer sa position à l’égard des visas pour les ressortissants roumains. Bien que le Canada ne soit pas un important partenaire commercial de la Roumanie, il y a de nombreux domaines qui offrent des possibilités de partenariats économiques, notamment dans la promotion de l’énergie nucléaire et du secteur minier.

Les délégués des deux pays ont discuté de la situation des minorités roms en Europe de l’Est et de la traite de personnes. La Roumanie a déployé des efforts considérables pour contribuer à intégrer les Roms dans la vie économique et politique du pays. Parmi les exemples en ce sens figurent les efforts déployés pour établir de nouvelles institutions gouvernementales où les Roms sont représentés, des fonds spéciaux alloués à l’éducation, la formation, des programmes sociaux et l’attribution de sièges au Parlement aux groupes minoritaires, dont certains sont occupés par des Roms.

La traite de personnes demeure un problème en Roumanie, qui sert principalement comme lieu de transit entre les pays d’Europe de l’Est et le reste du monde. Malgré les innombrables lois en place pour lutter contre la traite de personnes, l’application de ces lois continue à poser problème.

Les délégués canadiens ont aussi discuté du fait que la Roumanie établisse des circonscriptions électorales extraterritoriales au Canada afin de permettre aux Canadiens d’origine roumaine de voter aux élections roumaines. Le Canada s’oppose à l’inclusion de son territoire dans des circonscriptions électorales étrangères.

4.    Rencontre avec la délégation bulgare de l’APCE

La rencontre organisée avec la délégation bulgare a permis d’aborder des sujets semblables à ceux qui ont été abordés avec la délégation roumaine. Bien que généralement favorable au Canada dans ses relations avec l’UE, la délégation continue d’avoir des préoccupations à l’égard de l’imposition par le Canada de l’obligation de visa. La Bulgarie a voté contre la proposition de la Commission européenne pour la mise en œuvre de la DQC et a indiqué qu’elle soutient l’AECG. Elle souhaite toutefois voir plus de progrès accomplis pour lever l’exigence de visa imposée aux citoyens bulgares qui visitent le Canada. Même si le Canada n’a pas de présence diplomatique permanente dans la capitale, Sofia, il y a établi un centre de traitement des demandes de visa. Cela permettra de supprimer certains de ces irritants. La Bulgarie a toutefois clairement fait comprendre que la levée de l’exigence de visa est une condition préalable à la ratification de l’AECG. Les deux pays ont toutefois bon espoir de résoudre le problème par la voie diplomatique.

Les délégués ont discuté de certains des domaines offrant des possibilités de coopération économique et de commerce, notamment l’expertise et les équipements de l’exploitation minière et forestière du Canada, ainsi que le développement énergétique en Bulgarie. Les Bulgares souhaitent également participer à des échanges culturels avec le Canada. La situation des Roms a été brièvement abordée. La délégation bulgare a indiqué que des efforts considérables ont été faits pour soutenir l’intégration des Roms dans la société bulgare, mais reconnaît qu’une aide plus importante de l’État est nécessaire, particulièrement pour améliorer l’accès aux possibilités d’éducation et pour fournir une plus grande assistance après l’achèvement des études.

5.    Rencontre avec la délégation italienne de l’APCE

Une rencontre bilatérale a été organisée avec la délégation italienne à l’APCE. Cette réunion a été perçue comme une occasion importante, pour les parlementaires canadiens, de faire connaître leurs préoccupations ou les points d’intérêt du Canada à propos du pays qui assumera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (le Conseil), l’un des organes législatifs de l’UE, en juillet 2014[13].

Les délégués ont discuté des nombreux liens politiques, économiques et culturels que le Canada entretient avec l’Italie. Sur le plan politique, l’Italie est décrite comme un partenaire clé pour faire progresser les priorités internationales du Canada dans un éventail de forums internationaux et à l’Union européenne. Nos pays partagent une vision commune dans l’approche à adopter à l’égard des enjeux mondiaux et régionaux. Nous sommes partenaires dans un large éventail d’organisations internationales, comme l’ONU, le G-8, le G-20 et l’OTAN.

Dans les questions de l’UE qui sont d’intérêt pour le Canada, l’Italie a toujours manifesté son soutien au Canada. À cet égard, il convient de souligner le vote de l’Italie contre la directive de l’UE sur la qualité des carburants. L’Italie a également constamment exprimé son soutien à l’AECG et sur ce point, il y a lieu de noter que l’Italie est un important exportateur net au Canada. Les importations de marchandises italiennes vers le Canada étaient évaluées à 5,2 milliards de dollars en 2012, alors que les exportations canadiennes vers l’Italie ont totalisé 1,7 milliard de dollars. Les deux pays reconnaissent les possibilités d’expansion plus poussée de leur relation commerciale.

Les priorités du programme de travail de l’Italie lorsqu’elle prendra le relais de la présidence tournante du Conseil sont fondées sur quatre thèmes : l’économie, la citoyenneté, l’Europe dans le monde et les droits de l’homme en Europe. En ce qui a trait au thème économique, l’Italie cherchera à rééquilibrer les politiques d’ajustement structurel pour donner aux États membres de l’UE plus de souplesse pour atteindre les objectifs de restructuration établis pour les pays de la zone euro à la suite de la crise financière mondiale. En ce qui a trait au thème de la citoyenneté, l’Italie espère amorcer des réformes pour gérer l’immigration légale et l’immigration clandestine. Cet objectif est particulièrement important pour l’Italie, car ce pays est plus exposé à l’immigration clandestine que les autres États membres de l’UE, comme cela a été démontré ces dernières années par l’afflux massif d’immigrants clandestins arrivant par la mer d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. L’Italie se concentre également sur la lutte contre la traite de personnes qui augmente en Europe. En ce qui a trait au thème mondial, l’Italie aimerait que l’UE élabore une nouvelle approche pour la région méditerranéenne. Elle travaillera également à l’établissement de nouveaux objectifs transnationaux de développement durable pour les aliments et la qualité des aliments à l’échelle mondiale. Enfin, dans le domaine des droits de l’homme, l’Italie s’efforcera de faire progresser le processus d’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme. La Convention est un instrument du Conseil de l’Europe, et, de ce fait, elle fait partie du système juridique de chacun des 47 États membres, y compris des 28 membres du Conseil de l’Europe. Bien que la Convention s’applique à l’égard des lois des États membres de l’UE, elle ne s’applique pas actuellement aux lois et aux institutions de l’UE.

L’Italie prévoit qu’il y aura beaucoup moins de propositions législatives émanant de la Commission, l’organe de l’UE ayant le droit exclusif d’introduire des propositions législatives en vertu des traités de l’UE, étant donné que les nouveaux commissaires seront nommés pendant la présidence du Conseil de l’Italie. On mettra donc moins l’accent sur le travail législatif et plus sur les activités politiques.

6.    Rencontre avec la délégation turque de l’APCE

Il s’agissait de la première rencontre jamais organisée entre les délégués canadiens et les membres de la délégation turque à l’APCE. Cette réunion a permis aux parlementaires canadiens et turcs de faire connaissance dans un cadre informel en vue des réunions de suivi pour discuter de certaines questions préoccupantes ou d’intérêt pour les deux pays. Des discussions très larges ont eu lieu entre les membres des délégations sur un certain nombre de sujets, notamment : la situation politique et économique en Turquie, les développements dans les pays riverains de la mer Noire, particulièrement en ce qui concerne l’implication de la Russie dans la région, les liens culturels entre le Canada et la Turquie, nos relations commerciales et l’adhésion aux organisations internationales auxquelles les deux pays sont membres. Une importante délégation de parlementaires turcs a assisté à la réunion, et tous les délégués ont exprimé la volonté de poursuivre cette relation bilatérale dans le cadre de l’APCE. 

7.    Rencontre avec le Comité européen pour les problèmes criminels du Conseil de l’Europe

Le Comité européen pour les problèmes criminels (le Comité) a été mis sur pied en 1958 par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Son mandat est de superviser et de coordonner les activités du Conseil de l’Europe en matière de prévention et de contrôle du crime. Ses responsabilités particulières sont notamment les suivantes : déterminer les priorités en matière de coopération intergouvernementale, formuler des propositions au Comité des ministres en matière de droit pénal, de procédure pénale et de pénologie, élaborer des conventions, mettre en œuvre les initiatives du Conseil de l’Europe dans ces domaines et organiser des conférences des ministres de la Justice en Europe.

Le Comité tient deux séances plénières annuellement. Les participants aux séances plénières sont : les délégations nationales des États membres, des observateurs représentant le Canada, le Saint-Siège et le Japon, les représentants de l’Union européenne et des observateurs d’organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Entre les séances plénières, des comités d’experts des domaines en cause et un secrétariat permanent poursuivent les travaux du Comité.

Le personnel du Comité a discuté de certaines des initiatives récentes du Comité, notamment des conventions sur la protection des enfants, contre la traite de personnes, le trafic d’organes, le leurre d’enfants par Internet (y compris la pornographie juvénile), et des mesures pour combattre la criminalité transnationale organisée. Les délégués canadiens ont constaté que bon nombre de ces mesures sont pertinentes pour leur propre travail au Canada, étant donné que le gouvernement et les parlementaires canadiens ont envisagé des mesures semblables, particulièrement au chapitre de la législation. Les délégués ont souligné que le Canada est actuellement aux prises avec certains des mêmes problèmes et cherche des solutions législatives créatives et d’autres solutions à ces problèmes.

8.    Rencontre avec des représentants de la Banque de développement du Conseil de l’Europe

La Banque de développement du Conseil de l’Europe a été créée en 1956, à l’origine elle avait pour mission d’aider à la réinstallation des réfugiés de l’après-guerre. Il s’agit de la plus ancienne institution financière internationale du monde. Elle est considérée comme une banque de développement social. Cela se reflète dans les priorités de la banque en matière de prêts : contribuer au renforcement de la cohésion sociale, généralement pour la construction de logements sociaux, la création d’emplois, la modernisation des régions urbaines et rurales, le soutien des réfugiés et des migrants, le développement des petites et moyennes entreprises, la gestion de l’environnement et du développement durable et le soutien de l’amélioration des infrastructures publiques à vocation sociale, telles que les écoles et les hôpitaux.

La Banque a été créée par le biais d’un accord partiel du Conseil de l’Europe. Dans le cadre d’un accord partiel, l’adhésion à la Banque est ouverte aux États non membres du Conseil de l’Europe. Il y a actuellement 41 États membres du Conseil de l’Europe et deux États non membres (le Saint-Siège et le Kosovo) qui sont membres de la Banque. En qualité de membres de la Banque, les États sont habilités à présenter des propositions de projets dont le financement serait assuré par cette dernière.

La Banque s’autofinance et est gérée avec des critères de rentabilité. Elle amasse des fonds grâce à l’émission d’obligations sur les marchés monétaires internationaux. Ses obligations sont garanties par les 41 États membres, ce qui signifie qu’elle bénéficie habituellement de notations de crédit élevées, ce qui lui permet d’emprunter de l’argent dans des conditions favorables.

La supervision de la Banque est exercée par un gouverneur et trois vice-gouverneurs. Un conseil d’administration constitué des ministres des Finances de chacun des États membres se réunit six fois par an pour examiner et approuver les propositions de projets.

À la fin de 2012, la Banque a déclaré un actif total de 26,8 milliards d’euros, avec des prêts non remboursés s’élevant à 12,1 milliards d’euros. Environ 63 % des prêts consentis en 2012 visaient le renforcement de la cohésion sociale, 23 % la gestion de l’environnement et 14 % le soutien des infrastructures publiques à vocation sociale. Les emprunteurs des fonds de la Banque sont généralement des autorités publiques et des petites et moyennes entreprises. Parmi eux, on retrouve également des banques privées et d’autres institutions financières, lesquelles à leur tour accordent des prêts à des particuliers et des petites et moyennes entreprises à des taux favorables, comme le stipulent les conventions de prêts conclues entre la Banque et ces institutions financières. Pour les projets de plus grande envergure, comme la construction d’un logement social, les conventions de prêts énonceront généralement des conditions détaillées, par exemple, pour qui le logement sera construit et à qui l’argent sera prêté pour l’achat d’un logement social, ainsi que les conditions du prêt. 

9.    Rencontre avec des représentants du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est une des institutions du Conseil de l’Europe. Il est décrit comme une assemblée politique paneuropéenne composée de représentants des États membres du Conseil de l’Europe. Il compte 636 membres qui sont élus aux gouvernements municipaux ou régionaux des États membres à titre de conseillers, maires ou présidents de région. Le Congrès se réunit chaque année dans le cadre de deux séances plénières et de quatre regroupements en comité qui se réunissent de trois à quatre fois par année.

Son objectif est de promouvoir la démocratie territoriale, d’améliorer la gouvernance locale et régionale et de renforcer l’autonomie gouvernementale à l’échelle régionale. Il encourage la dévolution des pouvoirs aux gouvernements locaux et régionaux et la coopération transfrontalière des États membres entre les villes et les régions.

Le Congrès effectue régulièrement des visites de contrôle dans chaque État membre pour évaluer la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale. À la suite de ces visites, le Congrès prépare un rapport de suivi dans lequel il présente ses conclusions et les recommandations adoptées et présentées à l’État membre. Les États membres sont tenus d’appliquer ces recommandations. Le Congrès observe périodiquement des élections locales et régionales et peut formuler des recommandations découlant de ses observations.

Une fonction importante du Congrès consiste à élaborer des conventions internationales relatives aux gouvernements locaux et régionaux que les États membres peuvent ratifier, et dont ils doivent par la suite respecter les clauses. Les principales conventions sont les suivantes :

·         Charte européenne de l’autonomie locale (1988; ratifiée par 45 États membres)

·         Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (1992);

·         Code de conduite européen relatif à l’intégrité politique des élus locaux et régionaux (1999);

·         Charte urbaine européenne (1992).

Les délégués se sont engagés dans une discussion sur certains des défis à relever pour promouvoir l’autonomie et la gouvernance locales et régionales. Ils ont constaté, par exemple, qu’à l’instar des régions et des municipalités canadiennes, les homologues européens ont la responsabilité de fournir de nombreux services locaux, comme le transport public, le logement et l’éducation, mais qu’ils manquent des ressources financières suffisantes à cette fin. C’est un défi constant de persuader les autorités nationales des besoins locaux et régionaux. Des pressions sont également exercées par la crise financière mondiale qui a entraîné des fusions des administrations gouvernementales locales, qui vont généralement à l’encontre des principes de l’autonomie locale qui sont préconisés par le Congrès. On rappelle que des pressions semblables sont exercées au Canada.

10. Rencontre avec des représentants d’organisations non gouvernementales azerbaïdjanaises de défense des droits de l’homme

Trois organisations non gouvernementales (ONG) azerbaïdjanaises ont pris contact avec la délégation canadienne afin de discuter des droits des médias et de la liberté d’expression en Azerbaïdjan. La délégation canadienne a accepté de rencontrer à cette fin les ONG suivantes : l’Institut pour les droits des médias, l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters et International Media Support. Les représentants de ces trois ONG ont fait part de leurs préoccupations relatives aux violations des droits de l’homme par le gouvernement azerbaïdjanais. Plus particulièrement, ils ont fait état de la persécution systématique et des poursuites dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes ainsi que les membres des partis d’opposition. Cette situation fait en sorte qu’il n’y a pas de réelle opposition politique au gouvernement. Ils ont également présenté leurs observations sur l’ampleur de la corruption au sein du gouvernement.

Ces représentants ont cherché à obtenir le soutien du Canada en soulignant ces préoccupations aux délégués. Ils étaient également désireux d’établir des contacts avec des organisations canadiennes qui seraient prêtes à travailler en collaboration avec les ONG azerbaïdjanaises pour sensibiliser aux violations des droits de l’homme en Azerbaïdjan. Parmi les suggestions faites par les délégués, mentionnons l’Association du Barreau canadien par l’entremise de ses programmes de développement international, ainsi que des organisations qui ont œuvré dans d’autres pays de l’ancien bloc soviétique qui ont connu des problèmes semblables.

D.   Interventions canadiennes durant les débats de l’Assemblée

Les délégués canadiens ont participé activement aux débats de l’Assemblée au cours de la partie de session, ils sont intervenus à 10 reprises dans les débats sur une vaste gamme de sujets. Chaque délégué a présenté au moins un discours. En raison des limites de temps et du nombre d’orateurs sur la liste des orateurs des divers débats, certains délégués canadiens n’ont pas pu faire leur exposé. Les discours qu’ils ont préparés seront toutefois versés au compte rendu de la première partie de session de l’APCE et sont reproduits dans le présent rapport.

a.     Mardi 28 janvier 2014

·         Débat libre

Mme Marjolaine Boutin-Sweet a prononcé le discours suivant sur l’inégalité des revenus :

Madame la Présidente, toutes mes félicitations ! Je souhaite aborder aujourd’hui la question de l’inégalité des revenus et de son impact sur la santé socioéconomique de nos pays.

L’inégalité des revenus constitue un phénomène mondial qui touche à la fois les pays riches et les pays pauvres, les nations développées et les pays industriels émergents. On ne peut nier la multitude de preuves qui démontrent le fossé croissant entre le petit pourcentage de nantis et les énormes populations de pauvres.

L’OCDE, par exemple, analyse l’écart entre les riches et les pauvres chez ses membres qui ne cessent de croître depuis plusieurs décennies. Elle a notamment constaté qu’en 2010, les 10 % les plus riches ont gagné 9,5 fois plus que les 10 % les plus pauvres dans 33 de ses pays membres.

Cette tendance est notable dans la plupart des pays de l’OCDE. En fait, dans certains des pays les plus riches comme les États-Unis, l’Italie, la France, l’Autriche et la Suède, les familles pauvres avaient un revenu disponible inférieur à la moyenne. C’est le cas de mon pays aussi, où Statistique Canada signale qu’en 2010, le 1 % des contribuables les mieux nantis représentait près de 33 % de la croissance du revenu médian enregistrée depuis la fin des années 1990.

L’inégalité des revenus n’est pas seulement injuste et immorale, elle est également non durable sur le plan économique ainsi que le démontrent les travaux du FMI.

J’aimerais également souligner certaines évolutions inquiétantes dans certains pays, notamment le mien, qui cherchent à éroder ou à marginaliser les syndicats. Les syndicats jouent un rôle crucial pour ce qui est d’assurer une répartition des revenus équitable et juste. Il n’est donc pas surprenant que les attaques portées à l’encontre les syndicats par une législation répressive et l’érosion de la représentation syndicale qui s’en est suivie se soient produites au moment même où les inégalités de revenus affichaient des niveaux inquiétants.

Les taux de syndicalisation au Canada ont reculé de près de 40 % dans les années 1980, ils s’affichent à moins 33 % aujourd’hui. Dans le secteur privé, une entreprise sur six est syndiquée. Aux États-Unis, la syndicalisation dans le secteur privé est de moins 7 % et le taux de syndicalisation général d’à peine 12 %.

L’une des raisons de ce déclin tient aux fermetures massives d’usines dans le secteur manufacturier, lesquelles s’expliquent certes par la crise financière mondiale, mais aussi par l’exportation d’emplois bien rémunérés et protégés par les syndicats vers des pays où les salaires sont faibles et les coûts peu élevés. Par ailleurs, les gouvernements successifs ont facilité cette tendance en adoptant des lois qui rendent la syndicalisation plus difficile ou qui affaiblissent les droits syndicaux en milieu de travail. Cette tendance a abouti à un recul des salaires et à une insécurité du revenu.

Cet état de fait est exacerbé par l’absence de progrès accomplis pour éradiquer la pauvreté des enfants. En nous attaquant aux inégalités de revenus, nous faisons pourtant un pas dans cette direction.

En tant que législateurs, nous occupons une position privilégiée pour réaliser les changements nécessaires afin que les générations futures accèdent à des emplois décemment rémunérés et à une répartition équitable de la richesse dans le pays. C’est bien non seulement pour la population, mais également pour l’économie

b.    Mardi 28 janvier 2014

·         La lutte contre le racisme dans la police

M. Sean Casey a prononcé le discours suivant sur le racisme dans la police. Voici le texte de son discours, tel que prononcé devant l’Assemblée :

Le Canada est souvent cité comme modèle de l’inclusion, de la tolérance, du respect des autres. Nous le reconnaissons, mais nous ne devons pas oublier qu’il reste encore beaucoup à faire pour traiter des torts dont ont souffert dans le passé certaines minorités. En 1982, le Canada a adopté le Charte des droits et libertés, un document clé qui a notamment été inspiré par la Convention européenne des droits de l’homme. La Charte a bien servi le Canada dans la protection de ses minorités, qu’elles soient raciales, ethniques, religieuses ou linguistiques. Néanmoins, certains groupes continuent de faire face à des inégalités.

Les peuples autochtones de notre pays ont connu des discriminations systémiques. D’abord, par les colons venus d’Europe, puis par les gouvernements canadiens successifs, quelle que fût leur orientation politique. Ils continuent de faire l’objet de marginalisation. De nombreuses collectivités autochtones font face à la pauvreté et à l’inégalité socioéconomique. La relation du Canada avec ces groupes autochtones en matière de police n’est pas nécessairement un objet de fierté. Le monde en a pris conscience en 1989 lorsqu’une commission d’enquête a publié un rapport concernant l’arrestation de Donald Marshall, un Autochtone qui avait été condamné à tort pour meurtre, et les poursuites intentées contre lui. La commission a vivement critiqué le système de justice pénale de la province où M. Marshall avait été arrêté. Le racisme a joué un rôle déterminant dans son arrestation et les poursuites subséquentes. Des affaires comme celles de M. Marshall et des Mohawks de Kanesetake ont conduit à de vastes réformes policières. Une de ces réformes concerne les services de police dans les collectivités autochtones. La demande pour des services de politique a fortement augmenté dans ces collectivités et, avec le soutien de notre gouvernement national et de nos gouvernements provinciaux, plus de 162 accords ont pu être signés par les collectivités autochtones et tous les ordres de gouvernement. Dans la plupart de ces accords, les collectivités autochtones gèrent elles-mêmes leur propre service de police, y compris le recrutement des policiers.

En 2006, peu après son entrée en fonction, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a pris la parole à notre Chambre des communes pour présenter des excuses aux peuples autochtones au nom des Canadiens. Tous les partis politiques se sont félicités de ces excuses, et ce fut un moment de grande unité au Canada. Le défi du Canada est maintenant de transformer ces excuses en actions concrètes. Il reste un énorme travail à effectuer pour résoudre tous les problèmes auxquels se heurtent les Autochtones et améliorer leur relation avec le Canada. De nombreuses collectivités autochtones vivent dans une grande pauvreté et sont largement surreprésentées dans notre population pénitentiaire. Une politique en matière de services de police autochtones n’est qu’un exemple d’une approche qui est respectueuse de la dignité des Autochtones et de leur culture. Il est important de réformer notre système de justice pénale et plus particulièrement en ce qui a trait à la détermination de la peine et à la justice réparatrice. La résolution et le rapport qui vous ont été présentés tiennent dûment compte de l’éventail des positions des États membres entre le racisme à l’inclusion. Je vous remercie de m’avoir permis de partager avec vous un point de vue canadien.

M. Corneliu Chisu figurait sur la liste des orateurs de ce débat, mais n’a pas été en mesure de prononcer son discours faute de temps. Le texte de son discours est reproduit ci-après :

Il est désolant de penser qu’après des décennies de réformes législatives pour éradiquer le racisme et pour attirer l’attention sur les dangers et la laideur du racisme, il perdure dans nos sociétés. Cependant, grâce aux efforts de nos collègues, comme les rapporteurs de ces deux études, nous pouvons continuer à dénoncer le racisme, peu importe où il se manifeste.

Les pays européens ne sont pas les seuls à s’efforcer de contrer les effets du racisme et du racisme dans la police dans les sociétés multiculturelles. Ce rapport porte sur le racisme, y compris sur le racisme au sein de la police dans les pays européens, mais je suis certain que des observations semblables peuvent être faites de la situation qui prévaut partout dans le monde.

Il faut qu’il y ait une acceptation plus large du fait que les sociétés se diversifient de plus en plus au fur et à mesure que la mobilité des personnes s’accroît. Nous devrions nous en réjouir, car la diversité culturelle et raciale apporte d’énormes avantages à nos sociétés. Cette réalité est à l’origine des nombreux accords, tant internationaux que bilatéraux, qui facilitent la libre circulation des personnes par-delà les frontières.

Le projet de résolution du rapport sur le racisme dans la police contient de nombreuses prescriptions importantes pour combattre le racisme : des mesures comme la formation à la diversité, les services de police communautaires, la sensibilisation, la participation des communautés minoritaires à la surveillance de la police et le recrutement de candidats issus des minorités pour pourvoir des postes dans les services de police, ainsi que l’application vigoureuse des droits de l’homme, mais la mise en place de programmes pour renforcer une culture de tolérance et de respect à l’égard des minorités ne devrait pas s’arrêter là. Nous devons viser systématiquement l’amélioration. À cet égard, par exemple, je dois mentionner un accord unique conclu entre la Commission des droits de la personne de l’Ontario, ma province natale, et le service de politique d’Ottawa afin de traiter des accusations de profilage racial dans le service de police.

En vertu de cet accord, le service de politique d’Ottawa s’est engagé à utiliser les données qu’il recueille à partir des contrôles routiers d’une manière exempte de partis pris et qui respecte le code des droits de la personne de la province. L’accord exige également que le service recueille des données ventilées fondées sur la race pendant une période de deux ans et retienne les services d’un expert pour analyser les données et étudier l’incidence de la race dans les contrôles routiers. Ces données seront également fournies à la Commission des droits de la personne de l’Ontario, qui sera autorisée à mener sa propre étude. Le service de politique d’Ottawa sera tenu de consulter divers groupes communautaires avant de lancer le programme de collecte des données.

Ce n’est là qu’un exemple du type de projets qui peuvent être mis en œuvre pour comprendre la discrimination raciale dans la police. Nous devons poursuivre notre travail à titre de législateurs et de députés afin de faire changer les choses avec les outils à notre disposition : des campagnes de sensibilisation publique en faveur de la tolérance et de l’acceptation, la dénonciation des actes et des organisations racistes, des réformes des pratiques policières et des réformes constitutionnelles destinées à renforcer les protections qui existent déjà contre les effets destructeurs du racisme.

·         Évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien

M. Corneliu Chisu a fait une allocution lors du débat sur le statut du Conseil national palestinien auprès de l’APCE. Voici le texte de son discours, tel que prononcé devant l’Assemblée :

Comme cette Assemblée, le Canada est favorable à la reconnaissance de deux États comme solution au conflit israélo-palestinien. Il faut un règlement du conflit négocié, qui garantisse le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité avec ses voisins, et qui finira à mener à l’établissement d’un État palestinien viable et indépendant. Toute mesure prise par le Conseil national palestinien pour démocratiser le pays, protéger les droits de l’homme et respecter la prééminence du droit ne peut être considérée que comme un signe encourageant et qui aiderait grandement à améliorer la vie des Palestiniens.

Le Canada n’a pas reconnu la Palestine. Il s’oppose fermement aux efforts des Palestiniens pour obtenir la reconnaissance de l’État de Palestine ou d’État membre ou d’un autre statut au sein des Nations Unies, ou au sein d’autres organisations internationales, avant la conclusion d’un accord de paix négocié avec Israël. À cette fin, il faut encourager les deux parties à prendre des mesures pour renforcer la confiance pour reprendre les négociations de paix. Les Palestiniens estiment que leur adhésion à des organisations internationales peut faciliter un retour aux négociations avec Israël. Nous ne sommes toutefois pas convaincus qu’un tel statut est utile pour le processus de paix. Malgré l’atout psychologique que la reconnaissance au sein d’organisations internationales constitue pour l’Autorité palestinienne, les tensions avec Israël se sont accrues considérablement. C’est contre-productif pour le processus de paix.

La situation politique et économique de la Palestine est encore fragile. La dispute entre le Fatah et le Hamas continue d’affaiblir la position palestinienne, et l’Autorité palestinienne fait toujours face à une crise financière. Il s’agit de problèmes très graves qui ne peuvent pas être réglés par une reconnaissance internationale et qui continuent d’empoisonner la vie de la population palestinienne.

Nous devrions tous nous préoccuper de la situation politique dans les territoires palestiniens, et le rapporteur a attiré notre attention sur un certain nombre de questions urgentes. L’accord de réconciliation entre les autorités palestiniennes et les dirigeants de fait dans la bande de Gaza n’a pas pu être mis en place et un gouvernement d’unité nationale n’a pas pu être constitué. Le Conseil national palestinien continue de fonctionner en tant qu’organisme non élu, alors que le Conseil législatif palestinien ne fonctionne pas de manière satisfaisante; malgré la création d’une agence anticorruption, ce fléau demeure. Les leaders palestiniens sont sans doute les mieux placés pour s’attaquer aux causes profondes de la corruption. Enfin, la peine de mort n’a pas été abolie à Gaza. Des réformes dans tous ces domaines, non seulement faciliteraient la vie des Palestiniens, mais renforceraient la confiance des négociateurs de paix. Pour aller de l’avant dans ce sens, le Canada a annoncé l’octroi d’un soutien supplémentaire de 66 millions de dollars aux Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza pour appuyer le processus de paix, promouvoir la sécurité et la primauté du droit, stimuler une croissance économique durable et apporter de l’aide humanitaire.

c.    Mercredi 29 janvier 2014

·         Internet et politiques : les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie

Le sénateur Michel Rivard a prononcé un discours sur Internet et un gouvernement ouvert. Voici le discours qu’il a prononcé :

Madame la Présidente, je me réjouis toujours d’avoir l’occasion de contribuer aux importants travaux de cette Assemblée. Comme rapporteur, vous avez fait un travail remarquable qui souligne les possibilités et les difficultés qui se présentent lorsque l’on étudie l’incidence des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie.

Bien que la prolifération des renseignements personnels sur l’internet et la protection de la vie privée des utilisateurs suscitent un certain nombre d’inquiétudes, l’arrivée d’internet et des outils de médias sociaux a ouvert également la voie à une mobilisation et une participation accrue des citoyens au sein de nos institutions démocratiques.

Je m’attarderai aujourd’hui sur les efforts réalisés récemment par le gouvernement du Canada dans le domaine des données ouvertes et du gouvernement ouvert, en tant que membre du partenariat pour un gouvernement transparent, qui est une initiative internationale.

Le gouvernement du Canada a lancé la stratégie pour un gouvernement ouvert en mars 2011 et s’est joint au partenariat pour un gouvernement transparent en avril 2012. La stratégie pour un gouvernement ouvert vise à promouvoir les activités axées sur un gouvernement ouvert au Canada et comporte trois volets:

- données ouvertes : mise à la disposition des citoyens, des administrations, des organismes à but non lucratif et du secteur privé, des données brutes ;

- information ouverte : divulguer de manière proactive et continue de l’information sur les activités du gouvernement, élargir l’accès aux documents du gouvernement du Canada et créer une bibliothèque virtuelle des documents de toutes sortes publiés par le gouvernement du Canada ;

- dialogue ouvert : offrir aux Canadiens la possibilité de tenir un dialogue avec le gouvernement fédéral dans le cadre de consultations publiques.

Parallèlement, le gouvernement a annoncé le soutien du Canada à une charte internationale des principes en matière de données ouvertes alors qu’il participait au sommet des dirigeants du G8, en Irlande du Nord.  La charte engage les gouvernements à respecter les principes suivants : données ouvertes par défaut; diffuser en temps opportun des données de qualité qui sont bien décrites; diffuser le maximum de données dans le plus grand nombre de formats ouverts possibles; diffusion de données en vue d’une amélioration de la gouvernance et diffusion de données à des fins d’innovation.

Il est important que les gouvernements s’engagent sur la voie du gouvernement ouvert et des données ouvertes. Les mesures prises sont encourageantes, mais il reste encore beaucoup à faire pour accroître la participation des citoyens ainsi que l’information mise à leur disposition

En raison du grand nombre d’orateurs sur la liste des orateurs sur ce thème, Mme Stella Ambler n’a pu prononcer son discours, dont le texte est reproduit ci-après :

La participation électorale, en définitive, est tributaire de la confiance à l’égard du Parlement. D’après l’enquête « World Values survey », seulement 38 % des Canadiens avaient un degré élevé de confiance. Pourquoi est-ce important? Parce que la confiance dans les structures du gouvernement est cruciale pour le fonctionnement de la démocratie. Internet et les médias sociaux, en particulier, peuvent être d’une grande aide à cet égard, pour reconnecter les citoyens avec leurs institutions démocratiques grâce à de nouvelles formes de relations, plus interactives.

La Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias du Conseil de l’Europe considère à l’heure actuelle la gouvernance de l’Internet comme un sujet de discussion fructueuse, le but étant d’utiliser plus efficacement Internet comme un outil de transparence dans l’action parlementaire et gouvernementale et comme un forum d’échange et de dialogue avec la société.

Dans cette optique, mes propos porteront sur ce qui peut être fait pour lutter contre le désengagement des jeunes et stimuler la participation des jeunes. Si nous y parvenons, nous rendrons les gouvernements plus responsables, fonctionnels et démocratiques. Des études montrent que les jeunes aujourd’hui s’intéressent moins à la politique et en savent moins. Ils ne sont toutefois pas indifférents. Ils s’intéressent davantage à la politique de style engagé, qui peut être considérée comme un style de participation plus individualisé ou privé, non traditionnel. Ils manifestent, signent des pétitions et font plus de bénévolat que leurs concitoyens plus âgés.

L’importance de l’éducation civique a été relevée et abordée dans la littérature. Une organisation avec laquelle je fais affaire au Canada est appelée simplement CIVIX, cette organisation met en contact des représentants élus avec des jeunes de 10 à 15 ans qui étudient le sujet de la gouvernance dans le cadre de leurs cours. Des groupes comme CIVIX reconnaissent l’importance de donner aux jeunes Canadiens l’envie et la motivation de participer à la politique électorale. Il s’agit du moyen le plus efficace de remédier au manque de connaissances politiques dont j’ai fait mention, mais il permet également de mieux comprendre les responsabilités associées à la citoyenneté. Lorsqu’une personne comprend ces concepts, elle est beaucoup moins susceptible d’avoir recours à l’excuse la plus couramment utilisée pour ne pas voter, soit celle de ne pas s’intéresser à la politique.

Les campagnes électorales constituent également d’excellentes occasions de mobiliser les jeunes. Leur confier des responsabilités qui ne se limitent pas uniquement à préparer des enveloppes permettrait de mettre leurs compétences uniques à profit. Les candidats qui mettent à profit leurs meilleures connaissances des médias sociaux et du cyberespace – et les combinent aux compétences en recherche qu’ils ont acquises à l’école – auront au moins une longueur d’avance sur leurs opposants. Et ces jeunes s’engageront dans un processus politique toute leur vie.

Les progrès énormes réalisés dans les technologies de l’information ont suscité des attentes à l’égard de la participation des citoyens au processus politique, ce qui rend le gouvernement plus réceptif aux préoccupations des citoyens. Nous devrions absolument augmenter et améliorer l’utilisation des technologies pour favoriser une plus grande participation citoyenne, mais il faut également nous assurer qu’une meilleure compréhension du processus démocratique est acquise en cours de route. L’utilisation d’Internet pour le simple plaisir ne répond pas à l’objectif d’inciter les gens à participer plus activement à la gouvernance. Instaurer la confiance par la compréhension est essentiel, et Internet peut nous aider à atteindre cet objectif.

·         Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale?

Mme Stella Ambler a prononcé le discours suivant sur le thème des réfugiés syriens :

La crise des réfugiés syriens nous rappelle que tout échec politique et diplomatique a des conséquences dramatiques. Cela dit, les efforts permanents que déploie cette Assemblée pour venir en aide aux réfugiés syriens qui souffrent de ce conflit armé me donnent du courage.

Le rapporteur a accompli un travail considérable pour nous sensibiliser au sort tragique de la population syrienne. Il est inconcevable que près de 3 millions de Syriens aient dû quitter leur foyer pour échapper aux combats et qu’il y ait quelque 6,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il est inadmissible que plus de 120 000 Syriens aient perdu la vie au cours de ce conflit. Nous avons entendu plus tôt que les principales victimes de ce conflit sont les enfants. Toute une génération d’enfants est en détresse et n’a jamais rien connu d’autre que la guerre. Des millions d’écoliers ont été forcés de quitter leurs écoles, car ces établissements servent d’abris et sont même devenus des cibles. Le travail infantile progresse plus rapidement que la capacité d’intervention des organismes sans but lucratif, et même l’accès aux vaccins est menacé. L’Organisation mondiale de la santé a même confirmé une petite éclosion des cas de polio, la première en 14 ans. La guerre a un impact sur chaque aspect de la vie de ces innocentes victimes.

En ce qui concerne plus particulièrement les réfugiés, leur situation est, dans le meilleur des cas, précaire. Les pays qui ont accueilli de grands nombres de réfugiés, comme le Liban, la Jordanie, la Turquie, l’Égypte et l’Iraq, sont eux-mêmes, de ce fait, en difficulté. Il faut rendre hommage à leur générosité, mais la tâche est énorme et ces solutions ne sont que temporaires. La majeure partie de l’aide humanitaire de la communauté internationale a été consacrée aux personnes les plus démunies. Le Canada a ainsi versé 350 millions de dollars et a pris l’engagement de réinstaller 1 300 réfugiés, mais les besoins humanitaires continuent de dépasser les fonds disponibles. Nous avons d’ailleurs malheureusement des raisons de croire que l’aide humanitaire qui a été promise par la communauté internationale ne puisse parvenir à ceux qui en ont besoin en Syrie en raison d’un manque de sécurité, des obstacles bureaucratiques et de l’intransigeance des acteurs impliqués dans le conflit.

Le Canada partage les préoccupations de la communauté internationale et du Conseil de l’Europe de voir des Syriens innocents souffrir inutilement. Pour être assurée, l’intervention humanitaire doit se poursuivre et devenir plus efficace, mais elle ne remplace pas une solution politique durable, qui reste, néanmoins, difficile à atteindre en raison de l’absence de volonté entre les différentes parties au conflit. Nous devrions également nous préoccuper des preuves de plus en plus tangibles de l’implication de djihadistes radicaux et de groupes d’opposition syriens et de l’assistance externe qu’eux et le régime d’Assad reçoivent. Il est impératif de mettre fin à la violence en Syrie le plus rapidement possible. Pour y parvenir, il faut que les Syriens puissent piloter eux-mêmes la transition politique vers l’émergence d’une Syrie libre, démocratique et pluraliste.

·         Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes

M. Corneliu Chisu a prononcé le discours suivant sur le thème des migrants dans la société canadienne :

Je suis heureux d’avoir la possibilité de m’exprimer une nouvelle fois dans cette Assemblée sur le sujet des migrations.

Peut-être du fait de notre expérience très positive en matière d’immigration et de notre succès avec le multiculturalisme au Canada, la question de savoir si les migrants sont un fardeau ou un avantage ne fait pas vraiment débat au Canada. La société canadienne considère en général que l’immigration est une bonne chose pour le pays, du point de vue économique comme du point de vue social, et une majorité de Canadiens souhaite la maintenir à son niveau actuel, soit environ 250 000 nouveaux immigrants par an.

L’idée que l’immigration permet d’apporter les compétences manquantes et de remédier au vieillissement démographique est communément acceptée chez nous. Mais l’immigration ne soutient pas seulement le développement économique du pays : elle enrichit aussi sa culture et renforce son tissu social.

Il y a également des motifs d’ordre humanitaire, d’égale importance, qui sous-tendent cette politique d’ouverture aux immigrants. Il importe que nos pays accueillent les réfugiés qui cherchent à fuir les persécutions et qu’ils autorisent le regroupement familial, et cela parce qu’il est nécessaire de le faire, même si, à court terme, cela suscite des charges. Les immigrants, qu’ils soient réguliers, réfugiés ou bénéficiaires du regroupement familial, deviennent des membres de nos sociétés et contribuent à leur devenir. Telle est en tout cas l’expérience dominante que nous avons au Canada.

Le projet de résolution dont vous êtes saisis souligne que l’intégration est essentielle pour que l’immigration puisse vraiment porter tous ses fruits. Les faits montrent qu’il existe un rapport étroit entre des facteurs tels que les compétences à pourvoir, la maîtrise de la langue et l’intégration réussie dans le pays d’accueil, y compris l’incidence positive sur le sentiment d’appartenance des immigrants.

Au Canada, il existe un statut de résident permanent, et nous nous attendons à ce que les immigrés conservent leur statut de résident au Canada et conforme au droit. Nous les encourageons ensuite à demander la nationalité canadienne. Le pourcentage des nouveaux venus qui acquièrent la nationalité canadienne est très élevé – jusqu’à 86 % en 2011.

Pour obtenir la citoyenneté, il faut faire preuve d’une bonne connaissance des langues et du pays. Néanmoins, des aides sont prévues, comme la possibilité de bénéficier de cours de langue gratuits et de rencontrer un juge de la citoyenneté après deux échecs consécutifs aux tests, afin de permettre aux nouveaux arrivants de réussir.

Avec plus de 200 langues d’origine selon notre dernier recensement, la diversité est une évidence au Canada. C’est également un avantage considérable pour notre pays, que nous essayons de maintenir et d’améliorer par nos politiques et par des interactions quotidiennes.

Qu’on les sélectionne sur la base de leurs compétences, de leurs liens familiaux au Canada ou par devoir de protection, les immigrants ont ainsi prouvé qu’ils avaient la capacité d’apporter une contribution économique et sociale au pays et de devenir des citoyens actifs. Il importe de ne pas oublier ces aspects positifs de l’immigration. Je remercie l’Assemblée de nous avoir autorisés à participer à ce débat important.

d.    Jeudi 30 janvier 2014

·         Débat en vertu de la procédure d’urgence : le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine

En raison du grand nombre d’orateurs sur la liste des orateurs sur ce thème, M. Corneliu Chisu n’a pu prononcer son discours, dont le texte est reproduit ci-après :

L’Ukraine est un pays très prometteur, tant sur le plan social qu’économique. De nombreux signes encourageants ont été observés depuis que l’Ukraine a manifesté son vœu d’adhérer au Conseil de l’Europe en 1995 et indiqué par là son intention de respecter les droits de l’homme et l’État de droit et de garantir une démocratie florissante.

À maintes reprises, le Canada a exprimé des inquiétudes concernant les poursuites sélectives motivées politiquement à l’encontre d’opposants politiques, dont Yulia Tymoshenko, pour des motifs clairement contestables et avec un manque évident de transparence. Le Canada a également exprimé sa déception lorsque le gouvernement de l’Ukraine a soudainement suspendu la signature de l’Accord d’association et de l’Accord de libre-échange complet approfondi avec l’Union européenne.

Une très rapide succession d’événements récents nous a toutefois laissés profondément troublés. Le sentiment de déception a maintenant cédé la place à la condamnation. Lors de la tenue d’un débat d’urgence, lundi dernier, la Chambre des communes du Canada a adopté une motion condamnant la loi draconienne adoptée en Ukraine le 17 janvier 2014, qui limite de façon radicale le droit des Ukrainiens de s’organiser, de se rassembler ou de manifester pacifiquement, et condamnant le recours par le gouvernement ukrainien à la violence et à des menaces d’action en justice contre l’Église grecque catholique ukrainienne pour avoir aidé des manifestants pacifiques. Nous reconnaissons tous qu’une telle loi nuit à la liberté ainsi qu’à la démocratie en Ukraine.

Notre Chambre des communes a sommé le gouvernement ukrainien à traduire en justice les personnes responsables de ces actes de violence et de répression; elle a exhorté le gouvernement de l’Ukraine à empêcher le recours à la violence et à respecter le droit du peuple ukrainien de manifester pacifiquement; elle a également demandé au gouvernement du Canada, en collaboration avec la communauté internationale, de considérer toutes les options, y compris l’imposition de sanctions, pour garantir la protection de l’espace démocratique en Ukraine.

Le gouvernement du Canada a condamné dans les termes les plus forts le massacre de manifestants par les forces de police ukrainiennes et considère ces événements comme des actes de violence déplorables et répréhensibles et une dénégation des droits démocratiques. Mardi dernier, le Canada a annoncé qu’il interdit l’entrée sur son territoire des hauts fonctionnaires ukrainiens responsables de la répression contre les manifestants pour les museler.

Le Canada a apporté un soutien vigoureux à l’Ukraine, en lui fournissant une aide financière de plus de 400 millions de dollars pour contribuer à son développement économique et démocratique. Le Canada continue de soutenir les groupes de la société civile en Ukraine et les chefs de l’opposition et de collaborer avec eux pour promouvoir les droits démocratiques de tous les Ukrainiens. Il s’agit d’une approche fondée sur un engagement de principe avec l’Ukraine qui assure un équilibre entre le soutien des aspirations de l’Ukraine et les exhortations régulières à l’administration ukrainienne concernant le respect des normes internationales en matière de droits de l’homme et de démocratie et le respect de l’État de droit.

La récente abrogation des lois interdisant les manifestations par le Parlement ukrainien constitue un signe encourageant. Ce n’est qu’un début. Nous devons continuer à faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle achève le processus de réformes démocratiques.

·         La diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable

Mme Boutin-Sweet a prononcé sur ce thème le discours qui suit :

La demande d’énergie des économies en plein essor est insatiable. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande d’énergie globale pourrait croître d’un tiers de 2011 à 2035.

L’Agence ajoute qu’il est possible de répondre à la demande mondiale au moyen de différentes sources d’énergie, en particulier l’énergie renouvelable. Nous pouvons aussi continuer à favoriser l’industrie des combustibles fossiles, à coup de subventions d’un montant de 544 milliards de dollars comme en 2012, soit cinq fois plus que les 101 milliards de dollars de subventions accordées à l’industrie des énergies renouvelables.

Soyons réalistes, cependant : nous ne pouvons pas nous défaire de notre dépendance au pétrole du jour au lendemain. En revanche, l’argument selon lequel il est nécessaire de continuer de compter fortement sur les combustibles fossiles et d’augmenter la consommation d’énergie pour assurer la croissance économique ne repose sur aucune donnée probante, comme il l’a été démontré à maintes reprises.

Comme l’a indiqué la rapporteuse en s’appuyant sur nombre d’études internationales, l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique sont des éléments essentiels qui permettent d’assurer la croissance économique et la compétitivité économique, le respect de l’environnement ainsi que l’égalité et l’équité économiques. En réduisant la dépendance à l’égard de combustibles fossiles coûteux, nos entreprises peuvent devenir plus concurrentielles et les énergies de remplacement peuvent être étendues à des régions qui ne disposent pas des infrastructures nécessaires aux combustibles fossiles. Ceux d’entre nous qui habitent dans des pays où l’énergie abonde oublient parfois qu’une grande partie de la population mondiale doit vivre sans électricité ou mazout.

Il faut aussi voir la conservation d’énergie et le développement d’autres formes d’énergie et des technologies qui le permettent comme des secteurs d’avenir et un moteur de développement économique en soi. Le secteur mondial de l’énergie propre devrait atteindre 3 milliards de dollars en 2020.

Quant aux avantages pour l’environnement, ils sont désormais indéniables.

Comme l’a indiqué la société PricewaterhouseCoopers, pour avoir même 50 % des chances de limiter le réchauffement climatique à deux degrés Celsius, conformément aux engagements pris par le Canada et d’autres pays dans le cadre de l’Accord de Copenhague, l’économie mondiale doit réduire l’intensité carbonique de 5,1 % par année jusqu’en 2050.

Dans son édition de 2013 des Perspectives énergétiques mondiales, l’Agence internationale de l’énergie signale que, malgré les efforts déployés actuellement à l’échelle mondiale pour respecter l’objectif de limiter le réchauffement à deux degrés – en misant notamment sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, en réduisant les subventions pour les combustibles fossiles et en fixant un prix pour le carbone – le monde est en voie de faire face à une hausse moyenne, à long terme, de 3,6 degrés Celsius.

Pour citer la rapporteuse, il faut « un développement plus écologique, plus intelligent et plus équilibré ». Ce sont ces principes qui devraient orienter nos politiques en matière d’énergie. Mais c’est aussi notre affaire à tous en tant que citoyens. Chacun d’entre nous doit joindre l’action à ses paroles. Dès aujourd’hui.

·         Le changement climatique : un cadre pour un accord mondial en 2015

Le sénateur Michel Rivard a prononcé sur ce thème le discours qui suit :

C’est un plaisir pour moi que de pouvoir m’adresser de nouveau à cette Assemblée.

Dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la communauté internationale s’est engagée à conclure, d’ici 2015, un nouvel accord dont l’objectif consiste à prévenir les changements climatiques dangereux. Pour cette raison, j’applaudis les efforts que déploient différents acteurs, y compris cette Assemblée, pour réaliser la tâche difficile que représente la conclusion d’un accord.

Le Canada prend très au sérieux le problème des changements climatiques. Le nord du pays est particulièrement touché : il se réchauffe plus de deux fois plus vite que le reste de la planète. Cependant, malgré les bonnes intentions qui sous-tendent le projet de résolution, celui-ci ne saurait constituer, pour le Canada, un instrument législatif imposant une cible en matière de réduction des émissions qui stimulera l’action. Le Canada a déjà accepté, par le biais de l’Accord de Copenhague, de réduire ses émissions de 17 % d’ici à 2020 par rapport au niveau de 2005. Il ne sera pas facile d’atteindre cette cible, mais on observe du moins une intention et une volonté commune d’y parvenir.

Au Canada, une loi confère au gouvernement fédéral des pouvoirs concernant la réduction des émissions, et le gouvernement les exerce. Ces pouvoirs découlent de la décision du Canada de désigner les gaz à effet de serre comme étant toxiques, en vertu de la loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999, étant donné que ces gaz peuvent mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie.

Le Canada comprend donc la gravité de la situation ; il agit à l’échelle nationale et travaille à l’échelle internationale afin de favoriser la conclusion d’un accord équitable et efficace sur les changements climatiques. Depuis 2005, le Canada a diminué ses émissions de gaz à effet de serre de 4,8 %, dans un contexte où l’économie a connu une expansion de 8,4 %. Ce résultat est le fruit des efforts du gouvernement fédéral, des provinces, ainsi que des entreprises et des particuliers.

Sur le plan international, il est nécessaire d’intensifier le travail avant qu’un accord multilatéral puisse être finalisé et mis en œuvre. Le Canada est un chef de file à cet égard : il soutient des initiatives complémentaires, souples et novatrices en dehors de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, par exemple les efforts déployés par le Conseil de l’Arctique et la Coalition pour le climat et l’air pur pour réduire les polluants climatiques à courte durée de vie.

La logique mathématique exige que, pour être efficace, tout accord multilatéral doive s’appliquer à ce qu’il est convenu d’appeler les « grands émetteurs ». Mais en même temps, tout accord ne peut réussir que s’il est équitable. Selon les présidents du groupe de travail responsable de rédiger un accord en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’accord de 2015 devrait être axé sur la science, l’équité, les réalités nationales, la souplesse, l’efficacité et la participation.

Réunir ces éléments dans un accord multilatéral efficace représente une tâche colossale, et je remercie l’Assemblée de contribuer à ce travail et de mettre en lumière le rôle important que les parlementaires doivent jouer à cet égard.

e.    Vendredi 31 janvier 2014

·         L’obligation des institutions internationales de répondre de leurs actes en cas de violations des droits de l’homme

M. Sean Casey a prononcé sur ce thème le discours qui suit :

Je vous remercie de me donner la possibilité de prendre la parole devant l’Assemblée sur cet important sujet.

Nous avons assisté durant ces dernières années à une multiplication des organisations internationales et à leur montée en puissance. Ces organisations jouent un rôle important dans nombre de domaines politiques : elles facilitent la coopération et les actions collectives dans une communauté des nations toujours plus resserrée, et elles ont apporté des contributions indéniables aux politiques internationales et à l’action normative. Toutefois, cette croissance rapide s’est produite en l’absence de tout mécanisme efficace visant à les obliger à rendre des comptes. Il convient de réparer cette lacune, afin de prévenir et atténuer toute menace ou violation des droits de l’homme par les actions, les opérations ou les politiques d’une organisation internationale et, le cas échéant, de faire rendre des comptes.

La situation actuelle n’est pas sans risques. Elle menace la crédibilité des organisations internationales et risque de fragiliser leurs actions positives; elle réduit à néant les efforts de la communauté internationale pour mettre un terme à l’impunité et assurer la prééminence du droit. Comme l’a souligné Thomas Hammarberg, ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, une carence en matière d’obligation de rendre compte n’est bonne pour personne et certainement pas pour les populations locales. Personne – pas même les organisations internationales – ne peut se prétendre au-dessus des lois.

Dans son rapport très impressionnant, le rapporteur a étudié avec soin les différentes options qui s’offrent aux États et aux organisations internationales dont ils font partie pour accroître leur obligation de répondre de leurs actes. Parmi ces différentes options, je note en particulier le rôle que pourraient jouer les tribunaux nationaux pour limiter l’ampleur de l’immunité dont bénéficient actuellement les organisations internationales. Il faut s’attaquer à cette immunité juridictionnelle tout en tenant dûment compte de la capacité que doivent avoir les organisations internationales à exercer leur fonction et à bénéficier d’une autonomie à l’égard des États. Cette autonomie ne doit pas donner lieu à une impunité générale au regard des violations des droits de l’homme et ne doit pas non plus constituer un obstacle – particulièrement un obstacle financier ou bureaucratique – lorsqu’une victime se met en quête de justice. En tant que parlementaires, nous avons un rôle important à jouer au niveau institutionnel pour que les organisations que nos États soutiennent soient responsables de leurs actes. Mais surtout, sur un plan pratique, nous devons veiller à ce qu’une victime puisse avoir accès au système judiciaire en vue d’obtenir réparation en cas de violation des droits de l’homme, et ce en temps opportun, car, comme nous le savons, justice différée est justice refusée.

Dans notre rôle en tant que législateurs et représentants, nous pouvons veiller à limiter l’immunité dont bénéficient actuellement les organisations internationales pour les questions qui relèvent strictement de leur fonction. Cela signifie que l’on ne peut pas revendiquer une immunité contre des poursuites lorsque les droits de l’homme ont été violés. Nous devons inviter nos gouvernements à veiller à ce que les organisations internationales mettent en œuvre et appliquent des mécanismes internes de reddition de comptes beaucoup plus stricts qui incluent un contrôle judiciaire.

Notre objectif commun de défense et de promotion des droits de l’homme inclut à l’évidence l’élimination de l’impunité pour quiconque et où que ce soit. Je remercie les membres de l’Assemblée d’avoir attiré notre attention sur cette question importante.

Mme Stella Ambler a elle aussi traité de cette question :

Je voudrais remercier l’Assemblée de me donner l’occasion de m’exprimer sur la responsabilité des organisations internationales en cas de violations des droits de l’homme. Il s’agit d’une question importante pour le Canada, l’Europe et le reste du monde.

Au cours du siècle dernier, les organisations internationales ont joué un rôle croissant dans la vie de beaucoup d’individus. Pour certains, ce sont des employeurs, pour d’autres des financeurs de projets, pour d’autres encore, ce sont elles qui leur permettent d’avoir un abri ou de recevoir une aide alimentaire. Elles jouent de nombreux rôles dans la vie moderne. Je veux parler plus particulièrement aujourd’hui de la question de la responsabilité de la violation des droits humains des femmes, étant donné leurs vulnérabilités particulières. Nous savons qu’il y a des agressions sexuelles et des viols qui sont commis par des soldats faisant partie des missions de maintien de l’ordre international. Or, ces soldats ne sont pas poursuivis. Les tribunaux locaux ne peuvent pas les poursuivre, car leur immunité est garantie lorsqu’ils travaillent pour une organisation internationale et de nombreux pays d’origine ne les poursuivent pas à leur retour. Ces coupables peuvent agir impunément.

Par ailleurs, de plus en plus de femmes travaillant dans ou pour des organisations internationales peuvent être victimes de harcèlement sexuel et de discrimination, comme elles peuvent l’être dans d’autres milieux de travail. Ces femmes sont alors privées de recours, simplement parce que leur harceleur fait partie d’une organisation internationale. La résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies et les résolutions ultérieures sur les femmes, la paix et la sécurité traitent, entre autres, de l’importance de faire participer les femmes à la prise de décisions à tous les niveaux pour garantir une paix et une sécurité durables dans le monde entier.

Pour permettre une participation importante des femmes, il faut assurer une protection de leurs droits à tous les niveaux, y compris dans leurs interactions avec des organisations internationales. Il ne suffit pas de reconnaître les droits des femmes en théorie, il faut mettre en place des mécanismes qui permettent de rendre responsables ceux qui violent ces droits. Nous devons travailler au sein de nos propres États, de même qu’à l’échelle internationale, pour faire en sorte que personne ne puisse jouir de l’impunité. Au Canada, par exemple, le droit pénal permet d’intenter des poursuites au Canada contre des citoyens canadiens ou des résidents permanents pour certains crimes sexuels commis à l’étranger. Notre gouvernement a récemment ajouté un certain nombre de nouvelles infractions d’ordre sexuel contre les enfants à la liste de telles infractions. On peut avoir recours à ces dispositions pour tenir les Canadiens qui travaillent à l’étranger pour des organisations internationales responsables de leurs actes, même lorsque les systèmes de justice locaux ne peuvent pas les poursuivre.

Comme il est indiqué dans le rapport du rapporteur, divers mécanismes sont mis au point pour s’assurer que les institutions internationales répondent de leurs actes en cas de violations des droits de l’homme. Renforçons et étendons et donc les mécanismes de responsabilité pour qu’il y ait une possibilité de poursuivre les auteurs de violations des droits de l’homme, quels qu’ils soient et où que celles-ci se produisent. Je remercie les membres de l’Assemblée pour l’attention qu’ils portent à cette importante question aujourd’hui.

Respectueusement soumis,

 

 

M. David Tilson, député
Président
Association parlementaire Canada-Europe

 



[1]       Pour une liste complète des traités du Conseil de l’Europe, voir : http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CM=8&CL=FRE.

[3]       Il faut préciser que l’UE a choisi, jusqu’à maintenant, de ne pas inclure la Bulgarie et la Roumanie dans la « zone Schengen » qui permet les déplacements sans visa dans la majorité des pays de l’UE (et certains pays non membres de l’UE), offrant ainsi un appui supplémentaire à la position du Canada.

[4]       La Loi prévoit aussi un processus d’appel accéléré, si les demandes de statut de réfugié des ressortissants sont déboutées. Voir J. Béchard et S. Elgersma, Résumé législatif du projet de loi C-31 : Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, la Loi sur la sûreté du transport maritime et la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, Bibliothèque du Parlement, version révisée le 4 juin 2012 : http://www.parl.gc.ca/About/Parliament/LegislativeSummaries/bills_ls.asp?ls=c31&Parl=41&Ses=1&Language=F#a11.

[5]       Un fait récent est la proposition de la Commission européenne d’apporter un amendement au Règlement (CE) no 539/2001 du Conseil contenant la liste des pays tiers dont les ressortissants doivent avoir un visa pour franchir les frontières extérieures de l’UE et les pays dont les ressortissants sont exempts de cette exigence.

[6]       Parlement européen, Résolution législative du 12 septembre 2013 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le Règlement (CE) no 539/2001 du Conseil fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation.

[7]       Vous trouverez une liste des États membres de la zone Schengen sur la page Web Home Affairs de la Commission européenne.

[8]       Le Parlement européen a exercé ce pouvoir pour rejeter l’Accord commercial relatif à la contrefaçon (ACRC) dont le Canada est signataire (la ratification n’a pas encore eu lieu). De la sorte, l’Union européenne ne sera pas partie à cet accord lorsqu’il entrera en vigueur après avoir été ratifié par un nombre suffisant de signataires (six). Les négociations concernant l’ACRC se sont terminées en octobre 2010. Voir Information sur les traités du Canada http://www.treaty-accord.gc.ca/index.aspx?lang=fre 

 

[9]       L’accord initial a été signé en 2006. Les négociations ont pour but de modifier l’accord. Le projet d’accord est actuellement dans l’attente de la signature du Conseil. Le Parlement européen devra également donner son consentement. Entre-temps, l’accord de 2006 demeure en vigueur. Voir Home Affairs de la Commission européenne, pour un aperçu de l’accord proposé.

[10]     Voir Organisation mondiale du commerce, Affaire WT/DS 401. Le titre complet de ce rapport est : « Communautés européennes — Mesures prohibant l’importation et la commercialisation de produits dérivés du phoque » (WT/DS400 et WT/DS401).

[11]     Le 24 janvier 2014, le Canada et la Norvège ont déposé une déclaration d’appel à l’encontre du rapport du groupe spécial. Voir Communiqué de presse de l'OMC, 24 janvier 2014. Des copies des arguments de l’appel sont disponibles sur le site Web. L’appel a été entendu du 17 au 19 mars 2014. 

[13]     Le Conseil se compose de représentants des gouvernements des États membres de l’UE, habituellement des ministres au sein du gouvernement de l’État membre qui assume la présidence. Il y a neuf configurations différentes du Conseil, commandant des représentants différents du pays de présidence, selon les questions à l’étude, y compris le Conseil Affaires générales et relations extérieures et le Conseil Affaires économiques et financières. La présidence du Conseil change aux six mois au sein de chaque État membre. Chaque présidence coordonne un programme de travail avec les deux présidences suivantes, et il est valide pendant 18 mois. Voir L'ABC du droit de l'Union européenne, de Klaus-Dieter Borchardt, Publications du Bureau de l’Union européenne, 2010, pp. 59-60.

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