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Rapport

 

L’Association parlementaire Canada-Afrique était représentée par l’honorable Mauril Bélanger, C.P., député, coprésident de l’Association; Mme Lois Brown, députée, vice-présidente de l’Association; l’honorable Paul Massicotte, sénateur, directeur de l’Association; et M. Robert Carrier, député, directeur de l’Association. La délégation était accompagnée de M. Maxime Ricard, secrétaire de l’Association, et de M. Michael Dewing, analyste pour l’Association.

OBJECTIFS

L’Association parlementaire Canada-Afrique a effectué des visites bilatérales à Cotonou, au Bénin, et à Ouagadougou, au Burkina Faso, du 5 au 12 septembre 2010. Les visites visaient les objectifs suivants : 

·        renforcer les relations bilatérales et la coopération parlementaire;

·        inciter les parlementaires à dialoguer à propos de la démocratie, de la gouvernance, des enjeux économiques et du rôle des médias;

·        renforcer les relations avec les organisations régionales, tout particulièrement la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO); et

·        faire connaître aux délégués la situation dans chacun des pays et l’activité du Canada dans la région, au moyen de contacts avec des parlementaires, des responsables gouvernementaux, des organismes de la société civile et des entreprises.

Pour atteindre ces objectifs, la délégation a rencontré des parlementaires et responsables gouvernementaux béninois et burkinabè, des représentants de partis politiques, des représentants canadiens, des représentants d’entreprises, des journalistes et des membres d’organisations non gouvernementales. Elle a également fait des visites sur le terrain.

Questions clés

Le Bénin est une démocratie relativement stable. On y trouve de nombreux partis politiques, ainsi qu’une vigoureuse société civile. Selon l’indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique, le Bénin est un des pays le mieux gouvernés d’Afrique[1]. Parallèlement, le Bénin est gravement sous-développé. L’Indicateur de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)  en 2009 lui donne une mauvaise note (161e rang sur 182 pays[2]). La corruption y demeure un problème et, en 2009, Transparency International a indiqué que le Bénin avait reculé sur son indice annuel de perceptions de la corruption. Au même moment, le Bénin compte une presse vivante, comportant une combinaison d’entités étatiques et privées.

Le Burkina Faso est un des pays les plus pauvres du monde. L’Indicateur de développement humain du PNUD, en 2009, le classe au 177e rang sur 182 pays[3]. Peu de gens ont été scolarisés en bonne et due forme, et plus de 80 % de la population sont tributaires de l’agriculture de subsistance. Politiquement, le Burkina Faso est relativement stable. La démocratie a été rétablie en 1991 et bien que les partis d’opposition demeurent faibles et désorganisés, l’Indice Ibrahim de gouvernance en Afrique place le Burkina Faso parmi les 20 premiers pays[4]. Le président Blaise Compaoré a remporté toutes les élections tenues depuis qu’il a accédé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État en 1987. La presse est indépendante et les médias privés critiquent fréquemment le gouvernement.

Le Bénin et le Burkina Faso sont confrontés à des défis similaires sur le plan du développement. Les deux pays dépendent des exportations de coton et sont vulnérables aux chocs extérieurs. De plus, leurs économies ne sont pas diversifiées, les services de base laissent à désirer et les infrastructures ne sont pas fiables. Les deux pays ont des plans pour surmonter ces problèmes. Le Bénin projette de diversifier son économie en mettant l’accent sur l’artisanat, la logistique et l’agroalimentaire. Il souhaiterait également tirer parti de son accès à la mer et améliorer l’infrastructure des transports vers le Burkina Faso et le Niger. Pour sa part, le Burkina Faso entend développer ses ressources minérales, améliorer ses infrastructures et accroître la productivité de ses secteurs de l’agriculture et du bétail. 

Tant le Bénin que le Burkina Faso œuvrent au sein de plusieurs organisations panafricaines et régionales. Ils sont membres du Parlement panafricain (PAP), de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD). Le PAP est un organe de l’Union africaine. La CEDEAO est une communauté économique régionale comptant 15 pays, qui a pour mission de promouvoir l’intégration économique. L’UEMAO se compose de huit membres francophones de la CEDEAO et elle fait la promotion de la convergence monétaire et économique régionale. La CEN-SAD est une organisation régionale comptant 23 membres qui promeut également l’intégration régionale.

Le Canada a des liens historiques avec le Bénin et le Burkina Faso par l’intermédiaire de la Francophonie. Au Bénin, le Canada est représenté par son ambassade d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, et il a un consul honoraire à Cotonou, lequel dispense des services consulaires, à l’exception des services ordinaires de passeport. Le Canada a une ambassade au Burkina Faso.

L’aide canadienne au développement a commencé peu après l’accession des deux pays à l’indépendance en 1960. Au Bénin, les programmes de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) sont centrés sur l’assainissement urbain, tandis qu’au Burkina Faso, ils sont principalement axés sur l’éducation de base et le développement économique local. Aucun des deux pays ne figure actuellement sur la liste des pays ciblés par l’ACDI.

L’Association souhaite que les parlementaires et d’autres participants au processus politique s’expriment sur des questions comme les élections, la liberté de la presse et la santé. Elle explore également les possibilités d’un renforcement des échanges du Canada avec ces deux pays. Comme cela a été le cas à l’occasion de voyages antérieurs en Afrique de l’Est, en Afrique du Nord et dans la région de la Communauté de développement de l’Afrique australe, la délégation souhaite aussi voir comment le Bénin et le Burkina Faso coopèrent avec leurs partenaires régionaux par l’entremise d’organisations comme la CEDEAO et l’UEMOA.

BÉNIN

A.   Contexte

La République du Bénin est située entre le Togo et le Nigéria sur la côte de l’Afrique du l’Ouest. Elle a une population de 9 millions d’habitants. Anciennement la colonie française du Dahomey, elle a obtenu son indépendance en 1960. Le pays a connu par alternance des gouvernements civils et des pouvoirs militaires jusqu’en 1972, date à laquelle Mathieu Kérékou a établi une dictature militaire qui allait durer 17 ans. 

En 1991, le Bénin est devenu le premier pays d’Afrique qui a réussi la transition de la dictature à la démocratie. Nicéphore Soglo a été élu président et les partis qui le soutenaient ont remporté le plus de sièges à l’Assemblée nationale. En 1994, un organisme indépendant de supervision des élections – la Commission électorale nationale autonome (CENA) – a été établi. M. Kérékou a regagné le pouvoir en 1996 et, conformément à la Constitution, il a démissionné à la fin de son second mandat dix années plus tard. 

L’élection parlementaire de 2006 a été remportée par Boni Yayi, un indépendant. Le président Yayi a promis de combattre la corruption et il a présenté des réformes du système électoral, dont une liste électorale informatisée permanente, appelée la Liste électorale permanente informatisée (LEPI). En 2008, un certain nombre de députés à l’Assemblée nationale ont retiré leur soutien au président Yayi, l’accusant d’agir unilatéralement. Toutefois, les partis d’opposition ne sont pas parvenus à coordonner leur action, et certains d’entre eux ont fréquemment voté avec le gouvernement. En 2010, plusieurs partis ont formé une coalition et ont choisi Adrien Houngbédji pour être leur candidat à l’élection présidentielle en 2011.

Comme cela est mentionné plus haut, l’économie du Bénin est fondée sur le secteur agricole, principalement le coton, et sur le commerce de transit avec le Nigéria. L’économie n’est pas diversifiée et est vulnérable aux chocs extérieurs. La croissance économique intervenue au cours de la dernière décennie s’est traduite par de modestes augmentations du revenu par habitant et par des améliorations du développement humain, mais cette croissance a ralenti en 2009 du fait du recul de l’économie mondiale[5]. Le Bénin compte un taux de pauvreté très élevé et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) estime que pendant la période allant de 2002 à 2007, 75,3 % des habitants vivaient avec moins de 2 $ par jour[6]. Dans le secteur de la santé, malgré les récentes améliorations, la mortalité infantile et maternelle demeure très forte[7], Selon l’UNICEF, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est passé de 183 pour 1000 en 1990 à 121 en 2008. Le risque à vie de mortalité maternelle est d’environ une mère sur vingt[8].

Avec sa bonne réputation de démocratie stable et de pays actif dans des opérations internationales de maintien de la paix, le Bénin a bonifié son prestige sur la scène internationale. Le Bénin entretient ses plus importantes relations étrangères avec le Nigéria voisin, principale puissance régionale. Le Bénin est tributaire dans une large mesure de ses exportations vers ce voisin et les deux pays coopèrent en matière de sécurité. Les autres relations importantes du Bénin sont dirigées vers ses voisins francophones – le Burkina Faso, le Niger et le Togo.

À l’étranger, la France, l’ancienne puissance coloniale, demeure l’allié clé du Bénin, son principal partenaire sur le plan de l’aide et un important partenaire commercial. Les entreprises françaises ont une grande présence au Bénin, mais la Chine est devenue une grande source des importations du pays, faisant retomber la France au troisième rang, derrière les États-Unis. Le Bénin est un membre actif de la Francophonie. Il a joué un rôle de médiateur dans les crises politiques au Libéria, en Guinée-Bissau et au Togo, et il a fourni une contribution à la force de l’ONU en Haïti. Le Bénin a également rempli le rôle de porte-parole d’autres pays d’Afrique de l’Ouest producteurs de coton, par exemple, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad.

La Chine a une présence importante au Bénin et elle a participé à divers grands projets d’infrastructure. Plus du tiers des importations du Bénin, dont la valeur s’élève à 1,6 milliard de dollars, viennent de la Chine. En outre, environ 13 % des exportations du Bénin, d’un montant total de 1 milliard de dollars américains, sont écoulées en Chine, qui est ainsi le deuxième pays de destination des exportations du Bénin, après l’Inde, dont la part s’établit à 20 %[9].

Les relations du Canada avec le Bénin se fondent principalement sur l’appartenance des deux pays à la Francophonie, sur la coopération, et sur des préoccupations partagées à propos de la gouvernance et de la sécurité en Afrique. Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est faible (9,1 millions de dollars en 2009) et les investissements canadiens au Bénin, qui sont limités, se situent principalement dans les secteurs pétrolier, des infrastructures portuaires et de l’environnement[10].

L’aide canadienne au développement du Bénin a débuté peu de temps après l’accession de ce pays à l’indépendance en 1960. De nos jours, les projets bilatéraux de l’ACDI dans ce pays sont destinés en priorité au secteur de l’assainissement urbain. En 2008-2009, la valeur des décaissements au Bénin a atteint 10,79 millions de dollars[11].

Comme indiqué plus haut, le Canada a un consulat honoraire à Cotonou. Le consul honoraire, M. Joseph-Louis Hounton, a accompagné la délégation pendant toute sa visite. La délégation a bénéficié de sa connaissance du Bénin et de son large éventail de contacts; elle le remercie de son chaleureux accueil.

B.   Rencontres et visites

1.    Visite d’un projet de recyclage des déchets et d’un projet de compostage

La délégation visite deux projets de développement gérés par Oxfam-Québec, qui sont tous deux axés sur la récupération et la réutilisation de déchets domestiques solides. Cotonou, ville d’un million d’habitants, ne dispose pas d’un service organisé de collecte des déchets, ni d’une décharge municipale, et l’élimination des déchets pose un problème de grande envergure. Le premier projet portait sur la récupération de bouteilles et d’autres contenants par des femmes sur le marché de Dantokpa, tandis que le second est un projet de compostage qui transforme les déchets organiques ménagers en un compost dont on se sert pour cultiver des légumes destinés au marché.

Le marché de Dantokpa est un des plus grands en Afrique de l’Ouest. Il s’étend sur 24 hectares dans le centre de Cotonou; environ 26 000 personnes y travaillent. Les petits commerçants – des femmes, pour la plupart – font le négoce de toutes sortes d’articles, dont des fruits et légumes frais, des textiles, des biens électroniques, des articles domestiques et des bijoux.   

Au projet de recyclage des déchets, environ 400 femmes gagnent leur vie en récupérant des bouteilles, en les nettoyant et en les revendant. De plus, afin de soutenir la collecte des bouteilles, on a construit un centre de récupération (Centre de récupération de bouteilles du Marché Dantokpa) après que le centre initial eut été détruit par un incendie, de même qu’un lieu de rencontre pour l’association des femmes. De plus, dans le cadre du projet, on enseigne aux femmes à lire et à écrire. 

La délégation est accueillie par un grand groupe de femmes, qui exécutent des danses et un sketch. Elle peut observer comment les bouteilles sont réutilisées et elle fait une tournée des installations et d’une partie du marché.

La délégation visite ensuite un projet de compostage s’étendant sur 15 hectares situé sur des terres à proximité de l’aéroport de Cotonou, terres qui, pour des raisons de sécurité, ne peuvent servir à d’autres fins. La délégation rencontre le Comité de gestion du compost. Le Comité explique comment on composte les déchets domestiques, en ajoutant que le compost sert comme engrais dans les cultures de légumes, qui sont ensuite vendus. D’ailleurs, les légumes sont en demande dans les restaurants de Cotonou. Grâce au succès du projet, qui est maintenant autosuffisant, les maraîchers du marché gagnent maintenant suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille.

2.    Rencontre avec des organismes de la société civile

La délégation donne une réception pour des représentants de divers organismes de la société civile, dont Social Watch, Nouvelle Éthique, Women in Law and Development in Africa (WiLDAF)/Gender, Dignité Féminine, et l’Amicale des anciens du Canada. Ils ont des discussions franches et animées sur l’action que mènent ces organismes pour améliorer la gouvernance et les droits de la personne. Les interventions comprennent la sensibilisation des femmes à leurs droits, la lutte contre la corruption et la surveillance des engagements souscrits par le gouvernement quant à la réalisation des Objectifs de développement du millénaire (ODM), dans le but d’assurer la reddition de comptes et la transparence. Une bonne partie de la discussion porte sur des questions liées aux relations hommes-femmes, comme les mariages forcés, les mutilations génitales féminines, l’éducation des fillettes et la participation des femmes à la vie politique. Les organismes font remarquer que même si des lois interdisent des pratiques discriminatoires dans ces domaines, le défi consiste à faire connaître et respecter ces lois dans ce qui demeure une société très traditionnelle. Les organismes parlent également des modalités de coopération les uns avec les autres.

3.    Rencontre avec le Président de l’Assemblée nationale

La délégation se rend à Porto Novo, la capitale du Bénin, située à environ une demi-heure de Cotonou. Elle visite l’Assemblée nationale, installée dans un édifice historique d’architecture portugaise. Sur sa route, elle croise le nouvel édifice de l’Assemblée nationale, qui est en construction.

L’Assemblée nationale est une chambre unicamérale composée de 83 députés, qui sont élus par suffrage direct dans un système proportionnel de liste. Les dernières élections ont eu lieu en 2007 et la coalition connue sous le nom de Forces Cauris pour un Bénin émergent (FCBE) a remporté le plus grand nombre de sièges. Depuis, toutefois, des divisions sont apparues au sein de la coalition FCBE, mais les partis d’opposition sont également sujets à l’instabilité et à des renversements d’alliances. 

Après avoir visité la Chambre, la délégation rencontre le Président de l’Assemblée nationale, M. Mathurin Nago. Dans un premier temps, il évoque les bonnes relations entre le Canada et le Bénin sur le plan bilatéral, à l’échelle parlementaire et par l’intermédiaire d’associations interparlementaires comme l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) et l’Union interparlementaire (UIP). Il déclare que le Canada est apprécié pour la qualité de son système d’éducation, raison pour laquelle de nombreux étudiants béninois se rendent au Canada, et pour sa politique d’immigration accueillante. 

En réponse à une question sur l’existence ou nom de points de friction dans ces relations, le Président indique que l’obtention de visas de séjour au Canada pose un problème de taille. Les citoyens béninois doivent se rendre à l’ambassade du Canada à Accra, au Ghana, voyage de 680 kilomètres aller-retour, pendant lequel il faut traverser le Togo. Les heures de passage de la frontière sont limitées et les traversées, elles-mêmes, demandent beaucoup de temps. De plus, le Ghana est anglophone, ce qui pose des défis supplémentaires aux Béninois, qui sont francophones. Le Président a souligné que cela avait causé des problèmes à des députés béninois désireux d’assister à une conférence de l’APF au Canada.  Il a également fait observer que bien qu’Abidjan, en Côte d’Ivoire – où est située l’ambassade canadienne accréditée au Bénin – se trouve dans un pays francophone, elle est encore plus éloignée.

4.    Rencontre avec la présidente d’un comité et des députés

La délégation rencontre la présidente de la Commission des lois, de l'administration et des droits de l'homme), Mme Hélène Keke Aholou, ainsi que les députés Mme Amissétou Affo Djobo Oloude, M. Dénis Oba Chabi, M. Augustin Ahouanvoebla, M. Moussa Soule Sabi, M. Donatien Wohou et M. Amadou Taïo. Le Président Nago dirige la rencontre.

Le président Nago donne un aperçu de la structure administrative du Bénin, de son système de partis politiques et du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Il signale qu’étant donné que des élections se tiendront en 2011, les députés sont en mode pré-électoral. Il présente également les contours de l’économie béninoise, qualifiant de défis la forte dépendance à l’égard du secteur agricole, la congestion dans le port de Cotonou et des problèmes de sécurité au marché de Dantokpa. Il fait remarquer que les femmes mènent à bien une grande partie de l’activité économique dans le secteur du commerce.

En réponse à des questions, le Président et les députés évoquent l’importance du microcrédit pour les petites entreprises, la popularité du système d’éducation canadien au Bénin, les ressources attribuées aux députés et le budget de l'Assemblée nationale. Au cours de la poursuite de la discussion sur cette dernière question, les députés disent avoir besoin d’aide financière pour la transcription et la publication des débats. Une fois de plus, la question de l’obtention de visas est soulevée.

5.    Rencontre avec le ministre chargé des technologies de l’information et de la communication

La délégation rencontre le ministre délégué auprès du Président de la République, chargé des technologies de l’information et de la communication, M. Désiré Adadja.  Il commence par signaler qu’il a obtenu son diplôme en génie de l’École Polytechnique à Montréal. 

Dans le cadre de la discussion sur les relations entre le Bénin et le Canada, le ministre Adadja affirme que des progrès ont été accomplis, mais qu’il existe des possibilités de faire beaucoup plus. Il fait remarquer que le Canada et le Bénin ont tous deux des populations qui sont concentrées dans des agglomérations urbaines, tout en comptant de vastes régions éloignées qui ont besoin de services. Les deux pays doivent recourir à la technologie pour relever ces défis. Il parle également des quelque 100 étudiants béninois qui fréquentent actuellement des établissements d’enseignement au Canada.

Lorsqu’on lui demande s’il y a des pommes de discorde dans les relations entre les deux pays, le ministre Adadja mentionne la déception que lui inspire le fait que le Bénin a été retiré de la liste des ciblés par l’ACDI et il exprime son espoir que son pays retrouvera ce statut le plus tôt possible. Il fait observer que le Bénin, qui n’est démocratique que depuis seulement 20 ans, apprend de manière empirique, mais souhaiterait que le Canada l’accompagne dans sa démarche d’édification de sa démocratie. Il estime que le Canada pourrait renforcer la relation en faisant du Bénin un pays ciblé et en accueillant une visite officielle du président du Bénin. Il fait état de la nécessité de se rendre au Ghana pour obtenir un visa.

La réunion se termine par une discussion sur les élections. Le ministre Adadja fait remarquer qu’après chacune des élections, la Commission électorale nationale autonome (CENA) est reconstituée et que des lois spéciales doivent être adoptées pour chacune des élections. Il s’ensuit que les élections sont onéreuses. Il mentionne qu’au Canada, il existe un organisme indépendant permanent qui s’occupe de la tenue des élections – Élections Canada. Le ministre déclare qu’il serait heureux d’obtenir de l’aide d’Élections Canada.

6.    Rencontre avec le ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’homme

La délégation rencontre le ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’homme, Grégoire Akofodji, et des membres de son personnel. Il donne un aperçu du travail de son ministère et attire l’attention sur les défis découlant d’un manque de ressources. Parmi ces défis, son ministère n’est pas en mesure de préparer le second rapport du Bénin au Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies sur la mise en œuvre des droits aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En ce qui concerne la Commission béninoise des droits de l’Homme, il informe la délégation du fait que cette commission doit être revitalisée pour être conforme aux normes internationales.

La délégation entend également un aperçu des conditions dans les prisons, où il y a surpeuplement et propagation de maladies. On lui parle aussi de solutions de rechange à l’internement, par exemple, des centres de rééducation pour les jeunes contrevenants. La délégation apprend en outre que de 1999 à 2001, il y avait eu une coopération avec le Service correctionnel du Canada (SCC). Il y a eu des échanges de visites à cette époque, mais il n’y a pas en ce moment de projets conjoints entre le SCC et le Bénin[12]. Le ministre Akofodji exprime son désir d’une relance de la coopération avec le SCC.

Dans la discussion avec la délégation, le ministre Akofodji parle d’une libération rapide de la prison, de l’aide juridique, de l’éducation à l’intention des prisonniers, autant de projets limités en raison du manque de ressources. La discussion porte aussi sur les rapports du Ministère, qui sont publics et ont une réputation de grande qualité.

7.    Réception en présence du ministre des Affaires étrangères

La délégation donne une réception à la Fondation Zinsou, galerie d’art à Cotonou. Y assistent divers ministres, parlementaires et membres de la société civile. Pendant la réception, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine, de la Francophonie et des Béninois à l’étranger, Jean-Marie Ehouzou, aborde diverses questions qui se posent dans les relations bilatérales bénino‑canadiennes. Figurent parmi elles le statut de l’aide canadienne au développement du Bénin, la nécessité de se rendre au Ghana pour obtenir un visa et la réduction du nombre de bourses offertes à des étudiants béninois. Il renvoie également aux promesses faites par le Canada dans le domaine de sa santé maternelle et infantile, et dit espérer que ces promesses seront tenues.

8.    Rencontre avec le ministre de la Santé

Le ministre de la Santé, le DIssifou Takpara, fait d’abord observer qu’il a étudié la médecine à Montréal. Il fait ensuite état des voies par lesquelles le Canada et le Bénin coopèrent dans le domaine de la santé. En guise d’exemple, il existe des contacts avec l'Alliance de santé communautaire Canada-Afrique (ASCCA), organisation humanitaire ayant son siège à l’Université d’Ottawa, qui s’emploie à améliorer les soins et l’éducation visant le VIH/sida dans des collectivités africaines isolées[13].

Le ministre Takpara expose les défis auxquels le Bénin est confronté, dont la pénurie de produits pharmaceutiques et le fait que de nombreux médecins béninois travaillent à l’étranger. En réponse à des questions, il donne des détails sur le plan ayant pour but de développer le réseau de santé à partir de centres de santé à l’échelle locale et d’hôpitaux dans les zones et les régions. 

Le ministre affirme que l’initiative du Canada visant à améliorer la santé des femmes et des enfants dans les régions du monde, initiative présentée au Sommet du G8 de cette année, a été un signal positif et a donné des indications des moyens par lesquels le Bénin pourrait bénéficier de l’expérience canadienne de prestation de soins de santé. Il présente ensuite le programme béninois visant à réduire la mortalité maternelle et infantile, qui comprend le suivi de femmes qui ont subi une césarienne, et le traitement d’hémorragies et d’infections.

Au cours de la discussion qui suit, le ministre Takpara et la délégation poursuivent leurs échanges sur le rôle du Canada pour ce qui est de la promotion de l’initiative de santé maternelle et infantile auprès de ses partenaires au sein du G8. Ils discutent aussi de l’établissement de réseaux de santé communautaire, du rôle des soins de santé publics et privés, et des relations du ministre avec l’Assemblée nationale. 

9.    Rencontre avec le ministre d’État chargé de la prospective et du développement

La délégation rencontre le ministre d’État chargé de la prospective, du développement et de l’évaluation de l’action publique, Pascal Koupaki. Il donne un aperçu du cadre stratégique du développement du Bénin, lequel s’attaque principalement à deux défis : amélioration de la productivité à l’échelle mondiale et éradication de la pauvreté. 

Le ministre Koupaki décrit le contexte au Bénin. Si le climat politique est stable, le contexte social est difficile, caractérisé par un taux élevé de croissance démographique, la jeunesse de la population et l’allongement de l’espérance de vie. Il faut améliorer le contexte économique. Le Bénin est vulnérable à des chocs extérieurs dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation et des finances. Sur le plan intérieur, il y a des résistances aux réformes.

Le ministre Koupaki fait ressortir un certain nombre de succès, dont l’accès universel à l’enseignement primaire, la baisse des taux de mortalité infantile, le renforcement de l’indépendance des femmes, ainsi que les services de santé destinés aux enfants. Il cerne aussi des problèmes de santé, dont le paludisme, les infections respiratoires et les infections transmises sexuellement – en définissant les moyens par lesquels le Bénin s’y attaque. Dans le domaine de la sécurité, il indique que le vol d’informations, les drogues illicites et le blanchiment d’argent sont les principaux problèmes préoccupants. En ce qui concerne la réforme, le ministre Koupaki commente les défis de la gestion de la relation entre l’exécutif et le législatif, particulièrement pendant une période pré-électorale.

En réponse à des questions, le ministre Koupaki donne des détails sur la stratégie du Bénin visant à tirer parti de son accès à la mer et à développer des grappes reposant sur l’artisanat, la logistique ou l’agroalimentaire. Il évoque également l’amélioration de l’infrastructure des transports vers le Niger et le Burkina Faso. Sans le développement, avertit-il, le Bénin risque une explosion sociale, en raison de son pourcentage élevé de jeunes. 

La délégation et le ministre discutent en outre du rôle de l’Assemblée nationale dans le développement économique, au moyen de l’examen du budget et par l’entreprise des commissions. Ils échangent aussi sur les rôles des partis politiques dans l’instauration de la stabilité institutionnelle nécessaire pour favoriser le développement.

10. Rencontre avec des journalistes

La délégation tient une table ronde avec quatre journalistes : M. Vincent Foly, rédacteur en chef de La Nouvelle Tribune; le frère André Quenum, rédacteur en chef de La Croix; M. Jérôme Carlos, directeur de la radio CAPP‑FM, et M. André Dossa, directeur de la chaîne de télévision Canal 3 Bénin.

Les journalistes décrivent leur travail. La Croix est un hebdomadaire catholique qui fait fonction de chien de garde indépendant. CAPP (Centre africain de la pensée positive) est une station de radio commerciale privée. La Nouvelle Tribune est un journal indépendant. Canal 3 Bénin fait partie du groupe Fraternité, qui comprend un quotidien et une station de radio, groupe qui appartient à Issa Salifou, chef du parti politique connu sous le nom d'Union pour la relève (UPR)[14].

Les quatre journalistes disent rendre compte de la vérité, plutôt que de prendre des positions politiques. Tant M. Carlos que M. Foly ont suivi une formation en journalisme au Canada par l’intermédiaire de l’ACDI. M. Dossa souligne que bien qu’il appartienne au chef d’un parti politique, Canal 3 Bénin critique parfois ce parti.

Les journalistes retracent l’évolution de la liberté de la presse et mentionnent les difficultés liées à l’exercice d’un journalisme critique. M. Carlos fait remarquer qu’il a passé 22 années en exil à cause de son activité journalistique, mais il ajoute que la liberté de la presse existe maintenant au Bénin. Il signale que lorsque Radio France Internationale (RFI) a été suspendue récemment en raison de sa couverture d’un scandale financier, elle est revenue à l’antenne en l’espace de quelques heures[15]. Les journalistes estiment aussi que la qualité des journalistes s’améliore. L’amélioration de la formation et de meilleurs salaires se traduisent par un plus grand professionnalisme journalistique.

11.  Rencontre avec le Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome

La délégation rencontre Laurent Okiki Idossou, gestionnaire adjoint au Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome (CENA), ainsi que d’autres membres du personnel.

Le Secrétariat administratif permanent dispense le soutien administratif entre les élections. Le personnel donne un aperçu de la façon dont les élections sont gérées. Une nouvelle CENA est désignée par l’Assemblée nationale avant chacune des élections, et quatre techniciens forment le personnel permanent. Parmi les problèmes que ce processus pose, mentionnons la compétence des membres de la CENA et l’absence d’une liste informatisée des électeurs. En fait, la moitié du coût des élections est attribuable à la mise à jour de la liste électorale. La Liste électorale permanente informatisée (LEPI), qui a fait l’objet de beaucoup de débats, permettrait des économies d’échelle, mais les administrateurs ne savaient pas si elle serait prête pour les prochaines élections. Les administrateurs évoquent également les problèmes entourant les cartes d’identité des électeurs, compte tenu du fait qu’environ 70 % des paysans n’ont pas de papier d’identité.

Bien que les lois relatives aux prochaines élections n’aient pas encore été adoptées, les administrateurs se préparent. Ils disent être d’avis que l’existence d’une loi électorale permanente, ainsi que d’une CENA permanente, faciliteraient leur travail. Enfin, les administrateurs indiquent qu’ils souhaiteraient que des partenaires internationaux les aident à acheter de l’équipement de bureau et à louer des bureaux de meilleure qualité. En ce moment, leurs bureaux sont tellement exigus qu’on ne peut pas y tenir des réunions en bonne et due forme, et il leur faut fréquemment se réunir ailleurs. De plus, la délégation a constaté un certain degré de confusion entourant sa visite.

12.  Rencontre avec le coordonnateur adjoint des nations Unies

La délégation rencontre Agbodji Jacques Houensou, le directeur de l’équipe de gouvernance du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Il donne un aperçu du rôle du PNUD pour ce qui est de la gestion de la constitution d’une liste des électeurs permanents. Affirmant que la situation s’est améliorée au Bénin depuis le rétablissement de la démocratie, il dit espérer que les prochaines élections donnent un résultat crédible.

Le PNUD dirige le processus de constitution de la LEPI. Quoique le PNUD soit neutre dans le débat sur la LEPI, M. Houensou estime que l’établissement d’une liste électorale crédible sur la base du consensus est essentiel à la mise en place des conditions d’élections pacifiques.

S’agissant de l’identification, M. signale que bien que toutes les naissances n’aient pas été consignées, un recensement a eu lieu afin d’identifier tous les enfants dans le pays. Une fois que tous les électeurs auront été inscrits avec une pièce d’identité assortie d’une photo, la liste électorale sera constituée. Il affirme que les travaux avancent conformément au calendrier établi et que la liste devrait être prête d’ici le mois de décembre.

M. Houensou réaffirme que la LEPI est un projet à long terme, et que des partis à la fois de la majorité et de l’opposition participent aux consultations. Il aborde aussi la question des contributions que des partenaires internationaux font en vue de son financement  En guise de conclusion, il souligne que les menaces de violence sont des menaces contre la démocratie. Le PNUD s’efforce d’éviter la violence, mais si on ne fait rien, cela présente aussi des risques.

BURKINA FASO

A.   Contexte

Le Burkina Faso est un pays enclavé d’Afrique de l’Ouest. Il a pour voisins le Mali, le Niger, le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire. Il a une population de 16 millions d’habitants. Originellement dominé par la tribu des Mossis, il est devenu la colonie française de la Haute-Volta en 1919. Après avoir obtenu son indépendance en 1960, le pays est gouverné par une série de dictatures militaires. En 1983, un gouvernement marxiste-léniniste dirigé par Thomas Sankara arrive au pouvoir, et le nom du pays est remplacé par Burkina Faso, qui veut dire « pays des hommes intègres »” 

En 1987, le capitaine Blaise Compaoré prend le pouvoir et entreprend d’inverser les politiques gouvernementales. En 1991, une constitution démocratique est approuvée. Campaoré remporte l’élection présidentielle de 1991 sans opposition, mais aux élections législatives tenues l’année suivante, 10 partis obtiennent des sièges. En 1998, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est formée et, plus tard cette année-là, Compaoré est réélu pour un second mandat présidentiel de sept ans. 

En 2000, un système de représentation proportionnelle est mis en place et la durée du mandat présidentiel est réduite de sept à cinq ans, renouvelable une fois. Toutefois, il est décidé que ces limitations des mandats n’entreraient en vigueur qu’après les élections suivantes, ce qui veut dire que le président Campaoré pourra être candidat aux élections présidentielles de 2005 et 2010. Il gagne l’élection de 2005 avec plus de 80 % des suffrages. En 2009, des membres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) – le parti présidentiel et le plus important parti à l’Assemblée nationale – commencent à réclamer des amendements de la limite de deux mandats présidentiels. Si les limites, qui sont prévues à l’article 37 de la Constitution, sont levées, le président Compaoré pourra à nouveau être candidat à sa réélection en 2015. La délégation observe que dans les quotidiens, l’opposition à la levée des limites s’exprime ouvertement.

L’économie du Burkina Faso est fortement tributaire de l’exportation du coton. Elle est vulnérable à des chocs extérieurs, comme les fluctuations du prix du coton et les changements climatiques. De 1998 à 2006, le taux de croissance économique a dépassé la moyenne de 5 % par année, mais en 2009, ce taux est tombé à environ 3 % par suite des changements climatiques, de la crise énergétique, de la fluctuation des cours des produits de base et de la crise financière mondiale. On a estimé que divers secteurs offrent un potentiel de diversification des exportations.  Figurent parmi eux, ceux du cheptel, des fruits et légumes, et de l’exploitation minière. Effectivement, en 2009, la production aura dépassé celle du coton comme principale source de recettes à l’exportation[16]

Le Burkina Faso a un taux de pauvreté très élevé et le PNUD estime qu’au cours de la période allant de 2002 à 2007, 81,2 % de la population vivait avec moins de 2 $ par jour[17]. Grâce aux efforts faits dans le domaine de la santé infantile et maternelle, des améliorations sensibles ont été réalisées, la mortalité infantile reculant de 107 décès pour 1000 naissances en 1995 à 81 en 2008[18]. Le taux de natalité est très élevé et la population croît rapidement.

Depuis le début des années 2000, le Burkina Faso a acquis la réputation de médiateur régional. La crise en Côte d’Ivoire voisine a préoccupé le Burkina Faso, puisqu’un nombre de ressortissants burkinabè pouvant atteindre les trois millions résident dans ce pays. En 2007, le président Compaoré a contribué à la conclusion d’un accord de paix entre le gouvernement et les rebelles. Le Burkina Faso a également joué un rôle de médiation dans des conflits au Libéria, au Togo et en Guinée. Il a également participé à des négociations sur la libération d’otages avec le groupe terroriste régional connu sous le nom d’Al‑Qaïda au Maghreb islamique, y compris à celles concernant les diplomates canadiens Robert Fowler et Louis Guay en 2009.

Sur la scène internationale, la France, l’ancienne puissance coloniale, demeure le principal allié, prestataire d’aide et partenaire commercial du Burkina Faso. Celui-ci entretient aussi d’excellentes relations avec des donateurs d’aide européens, ainsi qu’avec la Libye et Taïwan. La France et l’Union européenne fournissent un volume d’aide considérable. Les relations avec les États-Unis sont excellentes, aussi, et les liens militaires entre les deux pays se renforcent. Les relations avec la République populaire de Chine sont limitées en raison des liens du Burkina Faso avec Taïwan.

Le Canada et le Burkina Faso ont établi des relations diplomatiques en 1962, et leurs relations bilatérales se fondent dans une large mesure sur la coopération au développement et l’appartenance à la Francophonie.[19] En 2009, les échanges commerciaux dans les deux sens s’élevaient à environ 54 millions de dollars, et plusieurs entreprises minières canadiennes ont des opérations de grande ampleur au Burkina Faso. Le programme de coopération du Canada avec le Burkina Faso a commencé en 1965. Aujourd’hui, ce programme est axé sur l’éducation de base et le développement économique local. En 2008-2009, les décaissements relatifs à des projets et des initiatives se sont élevés à 28,83 millions de dollars[20].

B.   Rencontres et visites

1.    Rencontre avec le Président de l’Assemblée nationale

Le Président Roch Marc Christian Kaboré commence par évoquer l’évolution de l’Assemblée nationale. Il explique le système de partis et de coalitions et, à la faveur d’un échange avec la délégation, il explique plus en détail le processus permettant à un député de changer d’allégeance politique. La discussion passe ensuite à la mesure dans laquelle la culture démocratique s’est enracinée au Burkina Faso. Le Président Kaboré indique que le débat démocratique se tient au sein de l’élite, mais que l’attention d’une grande partie de la population est accaparée par les besoins fondamentaux de la vie au quotidien. À son avis, il faut que le degré d’éducation se relève pour que la plus grande partie de la population puisse participer à des débats démocratiques.

Le Président Kaboré souligne que le Burkina Faso a choisi la voie de la liberté, et que les libertés d’expression et de la presse, ainsi que les droits de la personne, y sont respectés. En ce qui concerne les élections, dit-il, il faut que le vote soit transparent, ce qui veut dire qu’il faudra détenir une carte d’identité pour être habilité à voter. 

Sur le front économique, il fait état de la réduction de la pauvreté au moyen de la stratégie d’accélération de la croissance, et fait remarquer qu’il s’agit là d’un champ d’action où le Canada pourrait devenir un acteur. Au cours d’un échange avec la délégation, le Président commente les questions de la santé, de l’éducation, du développement humain et des changements climatiques. Il ajoute que son pays fait des efforts pour veiller à ce que la primauté du droit garantisse la stabilité de l’activité commerciale des investisseurs étrangers.

2.    Rencontre avec le président du Burkina Faso

La délégation rencontre le président Blaise Compaoré. Elle présente ses condoléances pour le décès d’un employé de l’ambassade du Burkina Faso à Ottawa. Elle relève l’efficacité de l’ambassadrice du Burkina Faso au Canada, S.E. Juliette Bonkoungou, et remercie le président de son action de médiation dans des conflits en Afrique de l’Ouest et particulièrement de son aide pour la négociation de la libération de deux diplomates canadiens.

Le président Compaoré remercie la délégation de sa visite et affirme que le Burkina Faso et le Canada ont des relations fructueuses et trouvent des moyens d’agir de concert. Il fait état de l’implication du Canada au Burkina Faso et il exprime l’opinion selon laquelle les deux pays devraient mieux se connaître.

Le président Compaoré fait remarquer que le Burkina Faso a été l’un des derniers pays d’Afrique à connaître la colonisation, et qu’il a eu une histoire coloniale de seulement 50 ans. Il signale que la population de son pays est en grande partie rurale et que, du fait de l’absence de ressources pétrolières, le Burkina Faso doit s’en remettre à ses ressources humaines. De ce fait, il investit dans la santé, l’alimentation et l’éducation. Il souligne l’importance de la liberté, d’un bon comportement citoyen et de la décentralisation comme clés de la modernisation du pays. 

Le président Compaoré aborde également l’importance de la stabilité régionale. Il fait remarquer que la région était intégrée avant l’ère coloniale et qu’il y a toujours eu un brassage de populations. À propos de la CEDEAO, il affirme qu’elle s’emploie à rehausser son efficacité. Il fait remarquer que les personnes ont la liberté de se déplacer d’un pays à l’autre. Il ajoute que des mécanismes sont en voie de mise en place afin de sanctionner les pays qui ne respectent pas les normes de gouvernance. Cette organisation compte également deux brigades de maintien de la paix. Il attire l’attention sur le fait que si divers pays membres de la CEDEAO utilisent la même monnaie, celle-ci n’a pas été acceptée par tous les pays.

Au cours de la discussion avec la délégation, le président Compaoré fait mention des efforts déployés par le Burkina Faso pour améliorer l’éducation, qui subit le contrecoup de la pénurie d’enseignants. Il signale qu’un grand nombre de Burkinabè ont fait des études au Canada et qu’un grand nombre de Canadiens vivent au Burkina Faso.

S’agissant de la primauté du droit et du contexte commercial, le président Compaoré fait remarquer que selon le projet Doing Business, le Burkina Faso est un pays qui a engagé un grand nombre de réformes[21].  Il souligne que la société canadienne IAMGOLD, qui a fait un investissement d’une valeur de 450 millions de dollars, a jugé les conditions appropriées. Il ajoute que les procédures ont été assainies et qu’un cadre visant à encourager l’investissement a été mis en place. 

Pour ce qui est de la stratégie de développement du Burkina Faso, le président Compaoré indique que la lutte contre l’analphabétisme et de faibles niveaux d’éducation constitue la première des priorités. Le rehaussement de la productivité agricole revêt également de l’importance. Une fois que les gens auront atteint un niveau d’éducation plus élevé, ils pourront participer à la prise de décisions à l’échelle locale et la décentralisation s’en trouvera renforcée. Il évoque aussi la nécessité de l’investissement et de l’accroissement des exportations. Il reconnaît la nécessité d’être sensible aux impressions que beaucoup de gens dans le monde industriel ont sur l’Afrique et il dit espérer que la délégation contribuera à faire connaître les efforts qui se font.

Au terme de la rencontre, la délégation répond aux questions des médias.

3.    Rencontre avec la Commission électorale nationale indépendante

La délégation rencontre le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), M. Moussa Michel Tapsoba, ainsi que M. Idrissou Kouanda, un des deux vice-présidents de cet organisme, les rapporteurs, M. Saidou Ouedraogo et M. Mousbila Sankara, et des membres du personnel. M. Tapsoba brosse un bref tableau de la structure de la CENI. Ses 15 membres sont choisis par la société civile – communautés religieuses, sociétés traditionnelles et organisation de défense des droits de la personne – et sont nommés par décret présidentiel. Deux des membres sont des femmes.

Dans la discussion avec la délégation, M. Tapsoba aborde la question de la carte d’identité des électeurs, de la liste électorale permanente, de la mise à jour de la liste pour les prochaines élections, du financement de la CENI et du rôle des rapporteurs. Un rapporteur s’adresse également à la délégation et il cerne des problèmes, par exemple, l’absence d’un budget prédéterminé, la réduction du financement entre les élections et le manque de véhicules. 

À propos de l’éducation des électeurs, M. Tapsoba indique que la CENI s’en remet aux médias d’information pour qu’ils transmettent ses messages dans les langues locales. Il décrit le rôle de la CENI dans la constitution d’une liste d’observateurs internationaux des élections, mais précise qu’elle ne fournit pas un soutien à ces observateurs.

Les participants se tournent ensuite vers la question du financement des partis. Aucune loi ne régit le financement privé des partis politiques. Il existe des dispositions relatives au financement public, dont peuvent bénéficier les partis ayant obtenu 3 % des suffrages. Il n’y a pas de limitation des dépenses pendant une campagne électorale. M. Tapsoba fait remarquer que la démocratie au Burkina Faso en est encore à ses débuts et il affirme que les problèmes seront réglés au fur et à mesure qu’ils se présenteront.

Les participants traitent de la question de la participation des femmes. Un quota exige que chacun des deux sexes soit représenté par au moins 30 % des candidats. Toutefois, la loi ne se prononce pas sur la place des candidats sur les listes dans le cadre du système de représentation proportionnelle. Il appartient aux partis de définir l’ordre des candidats.

La délégation apprécie la franchise des échanges pendant la rencontre. Par la suite, elle répond aux questions des médias.

4.    Rencontre avec le Conseil supérieur de la communication

La délégation rencontre Mme Béatrice Damiba, présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC), ainsi que des membres de son personnel. Elle donne un aperçu du CSC, l’organisme chargé de réglementer les communications électroniques et de promouvoir la liberté de la presse ayant des pratiques professionnelles responsables[22].

Mme Damiba présente brièvement le CSC et son rôle dans la surveillance de l’éthique professionnelle des journalistes en vue de garantir le respect des droits des citoyens. Elle s’emploie aussi à empêcher des journalistes d’offenser des personnes, particulièrement les autorités. À ces fins, le CSC surveille les émissions de radio et de télévision. Mme Damiba décrit également les règles spéciales qui s’appliquent pendant les périodes électorales, dont le but est de faire en sorte que tous les candidats et tous les partis soient traités sur un pied d’égalité.

Au cours de la discussion, Mme Damiba décrit la structure du système de radiodiffusion de son pays. En ce qui a trait à la réglementation d’Internet, elle affirme que les médias devraient s’autoréglementer et devraient éviter les abus que peuvent commettre les gens qui affichent des commentaires sur leurs sites. Pour ce qui est de la presse écrite, elle signale que certains types de publicités – par exemple, pour de l’alcool ou des produits pharmaceutiques – sont interdits. 

5.    Rencontre avec des députés de la coalition majoritaire

La délégation tient deux rencontres avec les députés – une avec des membres de la coalition majoritaire et une avec des membres de l’opposition.

Assistent à la rencontre avec les députés de la majorité M. Tiémoko Konate, M. Mahma Sawadogo et M. Dieudonné Maurice Bonanet (Congrès pour la démocratie et le progrès, ou CDP); M. Lallo Hamado Bamogo, M. Yakouba Savadogo et M. Boureima Ouedraogo (Alliance pour la démocratie et la Fédération/Rassemblement démocratique africain oo ADF/RDA); et M. Amadou Diemdioda Dicko et M. Issa Sanogo (Convention des forces républicaines, ou CFR).

Les députés expliquent le système des partis au Burkina Faso. La coalition de la majorité est une alliance de plusieurs partis politiques qui soutiennent le programme présidentiel. Bien que ces partis aient tendance à voter ensemble sur des questions importantes, ils ne votent pas toujours de la même façon. Le CDP est le leader de la coalition.

Lorsqu’on leur demande pourquoi il y a tant de partis, les députés répondent que le nombre de partis n’est pas limité et qu‘à condition de recueillir 3 % des suffrages, ils sont admissibles à un financement public. Toutefois, ils ajoutent qu’au fur et à mesure que le système va évoluer, le nombre de partis devrait diminuer.

Au cours de la discussion, la délégation explique le mode de fonctionnement d’un Parlement minoritaire au Canada, où les votes se tiennent question par question et où le gouvernement peut obtenir le soutien d’un parti sur une question et d’un autre parti sur une autre question. Au Burkina Faso, en revanche, si un parti vote avec le gouvernement, il ne fait plus partie de l’opposition. Le statut des partis est défini dans la loi.

6.    Rencontre avec des députés de l’opposition

Assistent à la rencontre avec des députés de l’opposition trois membres de l’Alternance Démocratie Justice (ADJ), coalition de sept partis qui compte 12 des 111 députés à l’Assemblée nationale. Ces députés sont M. Batio Nestor Bassiere, M. Salfo Théodore Ouedraogo et M. Ibrahima Koné.

Les députés commentent les obstacles qui se posent aux parlementaires qui s’opposent au gouvernement.  Ils affirment qu’ils risquent notamment une arrestation, une incarcération ou la perte de leur emploi de fonctionnaire, le cas échéant. À leur avis, les gens ne sont pas habitués à l’idée de prendre position contre le régime au pouvoir. Ils rappellent comment les 7 partis de leur coalition se sont rassemblés pour détenir au minimum les 10 sièges nécessaires pour être reconnus comme groupe parlementaire.

En réponse à des questions, les députés font valoir qu’il n’existe pas de transparence dans le financement privé des partis politiques. Ils affirment que compte tenu des obstacles, il n’y a guère d’espoir d’alternance au pouvoir.

Lorsqu’on leur pose une question sur la liberté de la presse, ils répondent qu’elle connaît certaines limites. Par exemple, les ministères gouvernementaux ne sont pas abonnés à certains journaux. Ils soutiennent qu’il existe des limites à l’expression d’idées. Les partis d’opposition doivent souvent payer des médias pour obtenir une couverture, alors que les annonces du gouvernement bénéficient d’une couverture systématique. Les députés en concluent qu’ils travaillent dans l’obscurité. 

S’agissant de la rémunération des députés, les interlocuteurs de la délégation font remarquer qu’ils ont des obligations sociales, alors que les députés favorables au gouvernement ont accès aux ressources de l’État. Ils indiquent aussi qu’ils ne reçoivent plus de soutien financier de partis politiques étrangers.

7.    Rencontres avec des ministres

La délégation entend des présentations de cinq ministres :

·        Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale

·        Le ministre de l’Économie et des Finances

·        Le ministre des Mines, des Carrières et de l’Énergie

·        Le ministre de la Santé

·        La ministre de la Promotion de la femme. 

La délégation est honorée que tant de ministres prennent le temps de la rencontrer en dépit de leur emploi du temps chargé.

A.   Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, Son Excellence M. Bédouma Alain Yoda

Le ministre Yoda décrit la participation du Burkina Faso à l’Union africaine, à la CEDEAO et à l’UEMOA, autant d’organisations qui sont importantes pour le pays. En particulier, il aborde le rôle de la CEDEAO face aux crises qui surviennent dans la région, sa promotion de la bonne gouvernance et sa contribution à la paix et à la stabilité. Par exemple, elle a empêché des États membres d’apporter des modifications importantes de leur législation électorale dans un délai de six mois précédant des élections.

S’agissant des relations bilatérales avec le Canada, le ministre Yoda estime qu’elles sont excellentes, mais que le Canada pourrait accroître son aide au Burkina Faso. À son avis, le Canada pourrait aider son pays à mettre en valeur son capital humain. Il demande également que le Burkina Faso soit réintégré sur la liste des pays ciblés par l’ACDI. Faisant remarquer que le Burkina Faso est un pays stable où existent la liberté de la presse et un système politique multipartite, il dit ne pas comprendre pourquoi il a été supprimé de la liste. Le ministre Yoda demande aussi une augmentation de l’aide au développement économique.

En réponse à des questions de la délégation, le ministre Yoda donne des détails sur la législation électorale de son pays (laquelle, précise-t-il, ne peut pas être modifiée au cours d’une campagne électorale), sur la suspension du Niger de la CEDEAO parce qu’il a dissous son Assemblée nationale et sur la libération des diplomates canadiens. Au sujet de l’éducation et des bourses, il indique que le Burkina Faso avait auparavant l’habitude de se tourner vers la France pour les études supérieures, mais que le Canada présente l’avantage d’offrir une formation à la fois en français et en anglais. Il formule l’espoir que les échanges en matière d’éducation rapprocheront les deux pays.

B.   Le ministre de l’Économie et des Finances, Son Excellence M. Lucien Marie Noël Bembamba

Le ministre Bembamba donne un aperçu de la stratégie économique et de développement du Burkina Faso. Après avoir passé en revue l’histoire économique de son pays depuis l’indépendance, il expose les principaux objectifs de la stratégie actuelle – une croissance fondée sur l’égalité, un accès garanti aux services sociaux, la création d’emplois et la promotion de la bonne gouvernance. Il donne des exemples de succès, par exemple, la progression de la scolarisation de 45 % en 2001 à 72 % aujourd’hui et l’augmentation du pourcentage de la population qui a accès à des professionnels de la santé, lequel est passé de 45 % en 2000 à 70 % en 2009. 

Le ministre Bembamba cerne également les contraintes, dont le taux de pauvreté monétaire, qui demeure à 40 % de la population, et la vulnérabilité de l’économie à des chocs extérieurs. Il énumère les grands défis auxquels le pays est confronté, à savoir le taux élevé de croissance démographique, le manque d’écoles, la question de l’égalité entre les sexes et les changements climatiques. Pour s’attaquer à ces enjeux, le Burkina Faso s’attaquera en priorité à l’identification de secteurs de croissance, développera ses infrastructures, investira dans les services sociaux et fera la promotion du développement durable. À ces fins, il adopte une approche participative comportant des consultations avec des élus, la société civile et des entreprises privées.

En réponse à des questions, le ministre Bembamba indique que le taux de croissance démographique étant d’environ 3 % par année, le Burkina Faso doit connaître au moins le même taux de croissance économique. En ce qui concerne la crise économique, il fait observer que son pays a été frappé par des répercussions secondaires, dont le recul de la demande de coton. Le Burkina Faso cherche à remédier à ces répercussions en prodiguant une aide au secteur agricole, en aidant les entreprises en difficulté à éviter la faillite et en développant les infrastructures. Il indique aussi que le Burkina Faso coopère avec les pays voisins afin d’être mieux intégré dans l’économie mondiale, d’élaborer une politique monétaire commune et d’appliquer une politique de discipline budgétaire.

C.   Le ministre des Mines, des Carrières et de l’Énergie, Son Excellence M. Abdoulaye Abdoulkader Cissé

Le ministre Cissé indique que le secteur minéral a été libéralisé en 2003 et qu’il est devenu le plus important secteur économique. Alors qu’il a émis 12 permis dans le secteur des mines en 2000, il en délivre 430 aujourd’hui. Les entreprises canadiennes occupent le premier rang avec15 permis et 7 mines en exploitation. 

Au cours de la discussion avec la délégation, le ministre Cissé précise que les permis de prospection sont généralement émis pour une période de trois ans. Il donne des détails sur la Loi sur les mines de son pays et évoque l’accord minier standard que les entreprises signent avec le gouvernement. Normalement, le gouvernement a une participation de 10 %. En outre, en vertu de la structure des redevances et des impôts, environ la moitié des bénéfices est versée au gouvernement du Burkina Faso.

D.   Le ministre de la Santé, Son Excellence M. Seydou Bouda

Le ministre Bouda donne un aperçu des défis qui se posent au Burkina Faso en matière de santé, lesquels comprennent le VIH/sida, le paludisme et la santé maternelle. Il brosse un tableau de certains des succès remportés dans le relèvement de ces défis, y compris la hausse de la sensibilisation au VIH/sida, la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant et l’établissement de centres de dépistage.

Le ministre Bouda indique que le paludisme est la principale cause de morbidité et de mortalité; en 2009, on a recensé environ 4,5 millions de cas et 7 982 décès.  La lutte contre cette maladie nécessite une détection et un traitement rapides, la prévention des piqûres d’insectes et l’élimination des insectes. La stratégie de lutte contre le paludisme comprend la modification des comportements de la population, l’accès à des médicaments et la fourniture de moustiquaires pour les lits.

Dans le domaine de la santé maternelle, le nombre de décès de mères a reculé de 484 pour 100 000 en 1998 à 307 pour 100 000 en 2006, tandis que le nombre des décès de jeunes enfants avant l’âge de cinq ans est passé de 184 pour 1000 en 2003 à 141,9 pour 1000 en 2006. 

En conclusion, le ministre Bouda estime que le Burkina Faso est bien organisé dans la lutte contre le VIH/sida, que la lutte contre le paludisme progresse, mais que la mortalité maternelle et infantile demeure préoccupante. En réponse à des questions, il fait état de la difficulté de retenir les médecins et donne des informations complémentaires sur les méthodes de lutte contre le paludisme, contre lequel il n’existe pas de vaccin à ce jour.

E.   La ministre de la Promotion de la femme, Son Excellence Mme Céline Yoda

La ministre Yoda commence par faire remarquer qu’aucune stratégie de développement ne peut réussir sans le développement de la femme. Elle présente son ministère, lequel, précise-t-elle, a un rôle de surveillance, et ses plans d’action. Elle indique que si des progrès ont été accomplis sur le plan des services sociaux de base, comme la santé et l’éducation, de nombreux défis demeurent. Figurent parmi eux la persistance des inégalités et la nécessité de consolider les avancées.

La ministre Yoda attire l’attention sur l’objectif de l’élimination des mutilations génitales féminines d’ici 2015 et sur la lutte visant la réduction de la violence faite aux femmes. Elle évoque d’autres défis, par exemple, que les femmes représentent 30 % des candidats aux élections, la promotion du microcrédit et l’augmentation du nombre des femmes dans l’armée, la police et les professions.

En conclusion, la ministre Yoda affirme que les mesures prises par le gouvernement ont permis aux femmes de prendre conscience de leur rôle dans le développement du Burkina Faso. Le gouvernement se donne pour objectif de modifier les mentalités, de façon à ce que les femmes puissent jouer pleinement leur rôle dans le développement du pays. Au cours d’échanges avec la délégation, elle donne d’autres informations sur l’éducation des jeunes filles et sur les défis liés à l’élimination des mutilations génitales féminines.

8.    Séance d’information sur l’Assemblée nationale

La délégation assiste à une séance d’information sur l’Assemblée nationale présentée par M. Kanidoua Naboho, député, 1er vice-président de l’Assemblée nationale. Il décrit son évolution et sa structure actuelle. Selon lui, les défis qui se posent tiennent à la relative jeunesse de l’institution, à son taux de roulement élevé et à la limitation de ses ressources. Pour ce qui est de ce dernier enjeu, les députés n’ont ni adjoints, ni bureaux. De plus, l’infrastructure dépassée ne permet pas la tenue en public de séances des comités, faute de place. Il indique que l’Assemblée nationale souhaiterait se doter d’un service de diffusion de ses délibérations à la radio.

9.    Séance d’information sur le rôle de l’Assemblée nationale dans les organisations régionales

La délégation assiste à une séance d’information sur la participation de l’Assemblée nationale aux organisations interparlementaires suivantes :

·        L’Union interparlementaire (UIP)

·        L’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF)

·        Assemblée parlementaire paritaire Afrique-Caraïbes-Pacifique-Union européenne (ACP-EU);

·        L’Union parlementaire africaine (UPA)

·        Le Parlement de la CEDEAO

·        Le Comité interparlementaire de l'UEMOA (CIP-UEMOA)

·        Union parlementaire des États membres de l’Organisation de la Conférence islamique (UPCI).

Un député membre de chacune de ces organisations en donne un aperçu et donne des informations sur la participation de députés du Burkina Faso. 

On fait remarquer que pour que l’intégration régionale réussisse, le facteur humain est essentiel. Au moyen de la participation à ces organisations, les parlementaires d’Afrique de l’Ouest apprennent à se connaître et créent une vision partagée du développement de la région. À la faveur d’un échange avec la délégation, les députés précisent le mode de sélection des participants à chacune des organisations.

10. Rencontre avec des journalistes

La légation rencontre une douzaine de journalistes de la Presse de l’Assemblée nationale, de la Radio-Télévision du Burkina, Le Pays, Sidwaya et L’Observateur Paalga.

La délégation donne un aperçu sur les médias au Canada. Au cours de la discussion qui suit, on parle de la liberté de la presse au Burkina Faso. Un journaliste du journal indépendant Le Pays affirme que celui-ci accueille toutes les opinions politiques. Il considère que la presse est relativement libre, tout en reconnaissant l’influence du pouvoir économique. Il ajoute que si son journal publie des informations provenant de tous les horizons, la situation est différente pendant les périodes électorales, où une préférence est accordée à l’opposition.

On aborde la question de la propriété publique et privée, et un interlocuteur indique à la délégation que la presse privée reçoit une subvention. En outre, les taxes sur le matériel informatique ont été supprimées pour les publications privées. Répondant à une question sur les répercussions du taux élevé d’analphabétisme, les journalistes signalent que leurs reportages sont lus à l’antenne de stations de radio dans les diverses langues locales.

En réponse à une question sur la capacité de critiquer le gouvernement, on reconnaît qu’il existe un certain degré d’autocensure. Malgré cela, on affirme que la presse est vigoureuse. La situation au Burkina Faso est comparée à celle du Tchad, où les bureaux de journalistes ont été saccagés.

En conclusion, la délégation aborde le rôle des journalistes pour ce qui est d’aider la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à éduquer les électeurs et les exhorte à encourager les citoyens à exercer leur droit de vote.

11. Rencontre avec des représentants de la société civile

La délégation rencontre neuf représentants d’organisations de la société civile, à savoir l’Association des femmes juristes du Burkina Faso, la Coalition Fimba pour le genre, le Conseil national de la jeunesse, Association Inter-États des jeunes du Liptako-Gourma/Réseau international des acteurs et partenaires de développement (AILG/RIAD), la Ligue des consommateurs du Burkina, le Réseau national de lutte contre la corruption (REN-LAC), le Réseau Afrique jeunesse et le Secrétariat permanent des ONG (SPONG) – coalition de 88 ONG.

La discussion porte d’abord sur la question de l’encouragement des femmes à devenir actives en politique. Si les lois françaises que le Burkina Faso a héritées prévoient l’égalité, les organisations de la société civile estiment qu’il leur faut œuvrer pour sensibiliser les femmes à leur droit de participer. L’analphabétisme est un obstacle et elles s’emploient à traduire les lois dans les langues locales. Elles cherchent aussi à éduquer les gens à la nécessité d’un quota pour les sexes parmi les candidats. Le principal défi est de faire en sorte que les dispositions actuellement en vigueur donnent des résultats.

Les organisations de la société civile discutent de leur financement. Bien qu’elles ne reçoivent pas de subventions de l’État, elles bénéficient de subventions indirectes, par exemple, le fait de ne pas payer d’impôts. Certaines reçoivent un soutien de l’étranger. Toutefois, certaines organisations, comme la Ligue des consommateurs, affirment ne pas disposer de ressources suffisantes.

En ce qui concerne la lutte contre la corruption, les représentants du Réseau national de lutte contre la corruption soutiennent qu’il s’agit là d’un problème grave, particulièrement chez les fonctionnaires aux échelons inférieurs, par exemple, les douaniers et les policiers. 

La discussion se déplace ensuite sur la question de la responsabilité sociale des entreprises et les organisations insistent sur la nécessité d’assurer la transparence des entreprises extractives. Les représentants parlent également du problème du chômage chez les jeunes. 

En conclusion, un consensus se dégage sur le fait que les choses s’améliorent et que le gouvernement a adopté une attitude plus positive à l’égard des organismes de la société civile et de leurs propositions.

12. Visite à la mine d’IAMGOLD à Essakane

La délégation a fait un trajet d’environ 330 kilomètres par la route pour visiter la mine d’or Essakane, dans le Nord-Est du pays. À Dori, la délégation a été accueillie par le gouverneur de la région du Sahel, puis a poursuivi sa route vers la mine. La mine appartient dans une proportion de 90 % à IAMGOLD, entreprise minière canadienne, la tranche résiduelle de 10 % étant la propriété du gouvernement du Burkina Faso. La région du Sahel est limitrophe du Sahara, au Nord. La population de la région a de faibles taux d’alphabétisation et d’éducation. 

La mine d’Essakane est la plus grande du Burkina Faso et l’investissement de 450 millions de dollars est le plus important qui ait jamais été fait dans le pays. Des mineurs artisanaux (orpailleurs) ont découvert de l’or dans cette région en 1985. Un certain nombre d’entreprises ont mené à bien des études dans le secteur et IAMGOLD a acquis le projet en 2009. Les installations de la mine ont été construites en 18 mois et la production commerciale s’est amorcée en juillet 2010[23].

La délégation fait une tournée des lieux sous la direction du directeur des opérations de la mine, M. Langis St-Pierre. On prévoit que la mine produira 12 tonnes d’or par année pendant son cycle de vie d’une durée minimale de 10 ans. Il est expliqué à la délégation que la mine est conforme aux normes canadiennes. La protection de l’environnement est une priorité, et l’entreprise recycle l’eau et assure la rétention des résidus de la mine. Il y existe un programme de santé et de sécurité au travail et l’exploitant a pour objectif l’absence totale d’accidents sur le lieu de travail. De plus, un plan est déjà en place en vue de la fermeture de la mine lorsque les opérations prendront fin. Pour ce qui est du partage des bénéfices tirés de la mine, la Loi sur les mines prévoit que la moitié des bénéfices sera versée au gouvernement par l’entremise de divers impôts et redevances.

IAMGOLD a une approche du développement durable qui comporte également des aspects sociaux. La mine a un effectif d’environ 1 800 travailleurs à contrat et elle embauche en priorité du personnel local. Plus de 1 000 jeunes ont suivi une formation dans des domaines comme la construction, la charpenterie, la soudure et la plomberie. M. St-Pierre fait remarquer que, par suite de la demande de travailleurs qualifiés dans le secteur minier, les salaires sont supérieurs à la moyenne nationale. Alors que le salaire moyen au Burkina Faso est de 1 200 $, les travailleurs à la mine touchent un revenu variant entre 4 000 et 30 000 $, selon leur métier. En outre, l’entreprise offre aux résidants locaux des programmes d’alphabétisation et de sensibilisation au VIH/sida et au paludisme. Elle les aide à entretenir des jardins communautaires et ensemence de poissons les cours d’eau locaux.

La délégation visite le nouveau village situé à proximité de la mine. Il a été construit au moment où plusieurs petits villages ont été déplacés pour faire place à la mine. La population locale a été consultée pendant le processus de construction afin que le nouveau village lui convienne bien. Le village abrite environ 12 000 personnes et comprend 1 666 habitations, 165 magasins, 2 églises, 1 mosquée, ainsi que deux écoles. Le système d’adduction d’eau, en particulier, représente une amélioration importante. Au lieu d’une seule borne‑fontaine publique, comme auparavant, le village en compte maintenant 14, ainsi que 7 canalisations alimentant les édifices publics.

13. Visite d’un projet de développement agricole

La délégation visite une ferme laitière appuyée par l’ACDI en périphérie de Ouagadougou. La ferme Kiswendsida & Frères est en activité depuis 1980 et elle compte aujourd’hui 38 vaches. L’agriculteur a étudié à Saint-Hyacinthe, au Québec, afin de connaître les techniques modernes. Grâce au croisement de races locales et nord-américaines, et en améliorant le régime alimentaire des vaches, l’agriculteur a accru la production quotidienne moyenne de lait, qui était d’environ 1,5 litre par vache, la portant à une fourchette allant de 16 à 20 litres. Ce rendement est supérieur de 25 % à celui qu’obtiennent d’autres exploitants commerciaux au Burkina Faso. La délégation a vu des tiges de maïs être mécaniquement broyées pour produire de l’ensilage, qui servira de fourrage pour les vaches.  

La délégation est impressionnée par les pratiques agricoles relativement modernes employées sur la ferme laitière et elle est encouragée de voir que le transfert de technologies de base peut permettre d’accroître considérablement la production. On peut également partager ce savoir-faire.

14. Rencontre avec le Réseau des caisses populaires du Burkina et la Confédération des réseaux de caisses populaires

La délégation rencontre le directeur général du Réseau des caisses populaires du Burkina (RCPB), M. Daouda Sawadogo, et le directeur général de la Confédération des institutions financières de l’Afrique de l’Ouest, M. Alpha Ouedraogo. Le RCPB est décrit comme étant un exemple marquant de coopération. Lancé en 1972, le RCPB a reçu une aide de l’ACDI au moment de sa création, et il fonctionne maintenant de manière indépendante. Toutefois, l’ACDI continue de prodiguer une assistance pour concourir au règlement de problèmes particuliers.

Le RCPB est un chef de file en matière de microcrédit au Burkina Faso, grâce à ses quelque 158 succursales; il est présent dans 43 des 45 provinces et compte 673 000 membres. M. Sawadogo décrit la mission du RCPB, qui est de fournir du crédit aux populations qui n’ont pas accès aux services financiers conventionnels. Figurent parmi ces populations des agriculteurs, des artisans et des entrepreneurs. Le RCPB dispense des services destinés expressément à des femmes. Parmi les défis auxquels le RCPB s’attaque, mentionnons le renforcement des capacités professionnelles de ses clients, la mise au point de nouveaux produits et services, et la garantie d’une gestion financière judicieuse.

Au cours d’une discussion avec la délégation, M. Sawadogo communique des informations au sujet des taux d’intérêt (qui se situent entre 8,75 et 9,75 % pour les prêts), des dividendes (qui sont reversés à la collectivité plutôt qu’aux membres pris individuellement), et de la nécessité d’accroître la capitalisation.  Il fait l’éloge de l’aide reçue de l’ACDI, qui a contribué à la création d’institutions autonomes. Il fait remarquer, toutefois, que les Canadiens ont tendance à faire preuve de timidité pour ce qui est de revendiquer leurs succès.

Au cours d’une discussion sur la possibilité d’offrir des hypothèques, M. Sawadogo fait observer qu’étant donné que les dépôts dans les caisses populaires sont à court terme, il serait risqué d’offrir des prêts à plus long terme, par exemple, des hypothèques. Il estime que pour pouvoir le faire, les caisses auraient besoin d’un financement stable de l’État. Cette remarque est prise en note par les parlementaires burkinabè présents, qui indiquent avoir besoin de temps pour étudier la question. Les parlementaires soulèvent ultérieurement la question avec le Président de l’Assemblée nationale.

15. Déjeuner de travail avec des entreprises canadiennes

La délégation tient un déjeuner de travail avec des représentants d’entreprises canadiennes : GENIVAR, IAMGOLD, SEMAFO, Compagnie canadienne des billets de banque, et AECOM Tecsult Inc. Les représentants des entreprises décrivent leur activité au Burkina Faso, ainsi que certains des défis qu’elle pose. Parmi ces derniers, on fait remarquer que certains ministères n’ont pas la capacité de bien s’acquitter de leur mandat, et on estime que la formation des fonctionnaires permettrait en partie de remédier à cette situation. Ils discutent aussi de l’inexistence d’une convention sur l’impôt sur le revenu pour éliminer la double imposition et l’absence d’un Accord de promotion et de protection des investissements étrangers (APIE). Les représentants, de plus, se disent satisfaits de ce que le Burkina Faso a revu son Code du travail. 

Les représentants considèrent, en général, que le Burkina Faso est un bon pays pour faire des affaires : il y a peu de corruption et le secteur privé peut y mener à bien ses opérations dans une relative stabilité.

RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

La délégation assiste à des séances d’information animées par des fonctionnaires canadiens à la fois à Cotonou et à Ouagadougou.

Au début de sa visite au Burkina Faso, la délégation assiste à une réunion avec le Groupe d’amitié parlementaire Burkina Faso-Canada. Elle est accueillie par le président du Groupe, M. Tiémoko Konate, député, qui présente l’Assemblée nationale et la structure des partis politiques. À la fin de la visite, la délégation assiste à une réunion avec le Président de l’Assemblée nationale pour lui donner une rétroaction. La délégation et le Groupe d’amitié parlementaire Burkina Faso‑Canada publient également un communiqué de presse conjoint (voir l’annexe).

La délégation assiste aussi à un déjeuner donné par l’Assemblée nationale du Bénin, à un dîner offert par le Président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, et à un dîner présidé par l’ambassadeur du Canada au Burkina Faso.

CONCLUSION

Bien que le Bénin et le Burkina Faso soient différents d’un point de vue géographique – le premier est situé sur la côte et est voisin d’une puissance régionale, tandis que le second est un pays enclavé entouré de plusieurs voisins instables –, les deux sont confrontés à des défis similaires sur le plan du développement. Comptant de faibles niveaux de développement, des infrastructures de mauvaise qualité et des économies non diversifiées vulnérables aux chocs extérieurs, ils sont aux prises avec de redoutables défis à un moment où ils cherchent à s’intégrer à l’économie mondiale. Heureusement, même s’ils n’ont fait la transition vers la démocratie qu’en 1991, aussi bien le Bénin que le Burkina Faso sont des démocraties stables et relativement bien gouvernées. La délégation est d’avis que le maintien de cette stabilité revêtira une importance cruciale pour que les stratégies de développement puissent réussir.

Au Bénin, la délégation est impressionnée par le dynamisme de Cotonou et par le grand nombre de petites échoppes et d’entreprises. Parallèlement, elle constate l’état de dilapidation des infrastructures. On fait état devant elle de la crise économique mondiale, qui a eu des répercussions sur le Bénin. La délégation se réjouit d’avoir pu mieux connaître la stratégie du gouvernement béninois face aux défis qui se posent à lui en matière de développement. 

La délégation trouve un motif d’encouragement dans l’ouverture des Béninois et du fait qu’ils se montrent disposés à discuter de la situation économique, sociale et politique. La délégation est impressionnée par l’engagement que les représentants de la société civile manifestent envers leurs causes et par leur intention de demander des comptes au gouvernement en mesurant l’écart entre les dépenses prévues et les dépenses réelles. Elle apprécie la discussion franche qu’elle a eue avec eux. 

La délégation se réjouit aussi d’entendre des journalistes qui se servent de leur organe de presse pour mettre en question les politiques gouvernementales. Bien que la liberté de la presse soit encore en évolution au Bénin, la délégation est encouragée par le fait que les journalistes qu’elle a rencontrés font de leur mieux pour pratiquer le journalisme d’une manière caractéristique d’une société démocratique. La délégation fait état de son intention de continuer à suivre la question de la liberté de la presse dans le pays.

La délégation est frappée par l’animation de la scène politique au Bénin, qui comprend une multitude de partis qui se font la lutte au cours de la période précédant l’élection présidentielle et les élections législatives de mars 2011. Parallèlement, elle s’inquiète de l’administration des élections. On lui a appris que des lois doivent être votées pour chacune des élections et qu’il faut aussi reconstituer chaque fois la Commission électorale nationale autonome (CENA).  La délégation prend note également du manque de ressources à la disposition du Secrétariat administratif permanent de la CENA. Enfin, la délégation prend acte des préoccupations exprimées par le fonctionnaire du PNUD, qui a déclaré que le PNUD s’emploie à dresser une liste électorale permanente et fait ce qui est en son pouvoir pour assurer des résultats crédibles des élections afin d’éviter la violence. La délégation considère que le Bénin bénéficierait d’une assistance dans le domaine de l’élaboration de lois électorales permanentes et du renforcement des capacités en matière d’administration d’élections.

En ce qui concerne les relations bilatérales avec le Canada, des interlocuteurs ont déclaré devant elle que ces relations sont bonnes, mais qu’il y a matière à amélioration. Les perceptions du Canada sont bonnes et on apprécie son attitude d’accueil et son système d’éducation. Les Béninois qui ont déjà fait un séjour au Canada signalent qu’il présente l’avantage d’offrir l’expérience nord‑américaine en français.

Au cours de discussions avec des fonctionnaires béninois, il est fait état de quelques points de friction dans les relations bilatérales, ainsi que d’espoirs d’un resserrement de la coopération dans divers domaines.

La pomme de discorde mentionnée le plus souvent concerne la nécessité de se rendre au Ghana pour obtenir un visa du Canada. Le voyage de 680 kilomètres aller-retour comprend le franchissement de deux frontières; en outre, le Ghana est un pays anglophone, ce qui pose des problèmes aux Béninois, qui sont francophones. La délégation est d’avis que l’amélioration de la situation contribuerait beaucoup à l’amélioration des relations entre les deux pays, et elle s’engage à écrire aux responsables canadiens concernés. 

La deuxième grande pomme de discorde tient au fait que le Bénin ne figure pas sur la liste des pays ciblés par l’ACDI. Les ministres ont exprimé leur déception, compte tenu du fait que le Bénin a besoin d’aide pour développer sa démocratie. Ils ne sont pas certains de la situation dans laquelle cet état de fait laisse le Bénin. Ils formulent l’espoir que le Bénin figurera sur la liste lorsqu’elle sera révisée. Ils espèrent aussi que le Canada accueillera une visite du président du Bénin dans un proche avenir.

S’agissant du renforcement de la coopération, le Bénin aimerait recevoir une aide d’Élections Canada en vue d’améliorer l’administration de ses élections. Le Bénin indique également qu’il souhaiterait relancer avec le Service correctionnel du Canada la coopération qui a été menée à bien entre 1999 et 2001. Enfin, le Bénin fait savoir qu’il serait heureux de recevoir une aide dans le domaine de la santé infantile et maternelle. Dans chacun des domaines évoqués, la délégation indique qu’elle fera suivre ces demandes d’aide.

Au Burkina Faso, la délégation estime qu’en dépit de défis évidents, le pays est sur la bonne voie. Plusieurs de ses interlocuteurs ont fait état du fait que la population est disposée à travailler fort et est vivement désireuse d’apprendre. Elle est également encouragée par la stabilité du pays et par les efforts qu’il fait pour élaborer des lois et règlements instaurant un contexte prévisible pour l’investissement. On indique à la délégation que les entreprises actives dans le pays sont confrontées à relativement peu d’obstacles dans leur activité commerciale. 

La délégation est très impressionnée par la mine d’IAMGOLD à Essakane, à la fois par les installations proprement dites et par les efforts que l’entreprise a déployés en vue de la préservation de l’environnement et du bien-être des résidants locaux. Ce deuxième volet comprend l’embauche de populations locales, la construction d’un nouveau village pour accueillir les personnes déplacées, ainsi que l’établissement de programmes visant l’amélioration des pratiques sanitaires, éducatives et agricoles. 

La délégation est d’avis que la stratégie de développement du Burkina Faso prend honnêtement en compte les défis auxquels le pays est confronté. Elle prend note du fait qu’une grande partie du travail doit être accompli aux échelons les plus fondamentaux – fournir des services adéquats d’éducation, de santé et d’alimentation à la population. Elle est particulièrement frappée par la mesure dans laquelle le paludisme est un grave problème de santé et par le pourcentage élevé d’enfants qui meurent avant d’avoir atteint l’âge de cinq ans.

En ce qui concerne l’état de la démocratie, la délégation est consciente du fait que le Burkina Faso est une très jeune démocratie et qu’une grande partie de la population aura besoin de davantage d’éducation avant d’être en mesure de participer pleinement. Parallèlement, la délégation s’inquiète de la pénurie des ressources mises à la disposition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ce qui empêche cette dernière de remplir son mandat, qui est d’éduquer la population à propos de ses droits liés au vote. Elle prend note, aussi, des préoccupations formulées par les députés d’opposition, qui décrivent les obstacles à la participation à l’action des partis d’opposition.

À propos de la liberté de la presse, la délégation a constaté que le Conseil supérieur de la communication joue un rôle actif de réglementation de ce qui peut être dit par la presse électronique. Même si les journalistes que la délégation rencontre décrivent une presse relativement libre, au sein de laquelle des publications commentent ouvertement les politiques gouvernementales, il est clair, aussi, qu’il existe un certain degré d’autocensure, particulièrement parmi les médias du secteur public.

La délégation est encouragée d’entendre des organismes de la société civile lui dire que leur situation s’améliore et que l’attitude du gouvernement à leur égard se fait plus positive. Ces organismes semblent pouvoir accomplir librement leur travail.

Quant au rôle du Burkina Faso dans la région, la délégation apprend avec intérêt les modalités de la promotion de la stabilité régionale, que le Burkina Faso considère nécessaire au développement de la région. On signale aussi à la délégation que si la CEDEAO est en train d’accroître son efficacité, il y a encore du travail à faire dans ce domaine. Elle a enregistré certains succès en matière de promotion de la libre circulation des personnes, de standardisation de ses règles relatives à la modification des lois électorales et d’imposition de sanctions aux pays membres qui ne respectent pas les normes de gouvernance. Par ailleurs, on fait remarquer qu’alors que certains pays membres utilisent la même monnaie, d’autres pays membres ne le font pas.

Les relations bilatérales avec le Canada sont qualifiées de fructueuses et on exprime l’espoir que les deux pays trouveront des moyens supplémentaires de coopérer entre eux. On fait l’éloge du système d’enseignement supérieur du Canada et on fait remarquer qu’il offre une formation à la fois en français et en anglais. La délégation se réjouit aussi de la présentation qui lui est faite de programmes de développement fructueux dans les domaines de l’agriculture et de l’établissement de caisses populaires.

Des ministres expriment l’espoir que le Canada prodiguera une aide supplémentaire dans les domaines de la mise en valeur du capital humain et de la réduction de la pauvreté. Comme au Bénin, des ministres manifestent leur déception devant le fait que leur pays ne figure pas sur la liste des pays ciblés par l’ACDI. 

Aussi bien au Bénin qu’au Burkina Faso, la délégation trouve remarquable qu’un aussi grand nombre de responsables de haut niveau qu’elle rencontre ont un lien ou un autre avec le Canada. Ils y ont étudié, ont des enfants qui y étudient ou ont des parents qui y vivent.

Les perceptions du Canada sont positives et les deux pays se réjouiraient d’un resserrement des rapports avec le Canada. Les deux pays se disent déçus de ce que leur pays ne figure pas sur la liste des pays ciblés par l’ACDI.  La délégation se demande si la liste reflète exactement l’état de l’engagement du Canada envers ces pays et considère que la liste, en elle-même, est peut-être devenue une distraction dans les rapports bilatéraux.

Dans les deux pays, la délégation est encouragée par la présence d’organes de presse qui commentent les politiques gouvernementales. Parallèlement, elle considère que la liberté de la presse se trouve encore à un stade embryonnaire et elle exprime son espoir que la presse continuera de se développer. De même, la délégation est impressionnée par les efforts que déploient des organismes de la société civile pour promouvoir les droits de la personne et la bonne gouvernance. 

Tant au Bénin qu’au Burkina Faso, la délégation constate le manque de ressources mises à la disposition de l’Assemblée nationale et des députés. Elle s’inquiète particulièrement du manque de ressources attribuées aux commissions électorales.

S’agissant de l’intégration régionale, aussi bien le Bénin que le Burkina Faso sont des acteurs actifs dans la région. Ils attendent d’organisations comme la CEDEAO qu’elles préservent la stabilité régionale au moyen de l’élaboration d’approches communes des questions de gouvernance. Les parlementaires jouent un rôle dans l’intégration régionale par l’intermédiaire de leur participation à des instances économiques régionales.

En conclusion, le Bénin et le Burkina Faso sont des pays stables possédant un potentiel de croissance, et leur engagement envers un gouvernement démocratique fait d’eux des partenaires attrayants pour le Canada. Celui-ci jouit d’une bonne réputation et de nombreuses personnes occupant des postes influents ont des liens personnels avec le Canada. Tant le Bénin que le Burkina Faso se réjouiraient d’un resserrement des relations avec le Canada, ce à quoi l’Association est favorable. 

REMERCIEMENTS

Pour leur concours au succès de la visite au Bénin, la délégation souhaite remercier l’ambassadrice canadienne, S.E. Mme Isabelle Massip; le consul honoraire du Canada, M. Joseph-Louis Hounton; le Président de l’Assemblée nationale, Mathurin Nago; M. Salah Bendaoud, conseiller auprès de l’ambassade du Canada; M. Pierre Fortin, directeur, Unité d’appui à la coopération canadienne, M. Serge Dansou, directeur adjoint, Unité d’appui à la coopération canadienne, et M. Laurent Gauthier, directeur de projet, Oxfam-Québec.

Pour leur aide afin que le volet burkinabè de la visite soit couronné de succès, la délégation souhaite remercier l’ambassadeur du Canada, S.E. M. Jules Savaria; le Président de l’Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré; M. Tiémoko Konate, député; M. Lallo dit Hamado Bamogo, député; M. Amadou Diemdioda  Dicko, député; M. Adama Soro, délégué commercial à l’ambassade du Canada; M. Bernard Foucher, directeur, Unité d’appui au programme de coopération Canada-Burkina Faso; M. Richard Pelletier, chef de la Coopération canadienne et M. Langis St-Pierre, directeur des opérations, mine d’Essakane.

Respectueusement soumis,

 

Respectueusement soumis,

 

L’honorable Mauril Bélanger, C.P., député, Coprésident

Association parlementaire Canada‑Afrique

L’honorable Raynell Andreychuk, sénatrice, Coprésidente

Association parlementaire Canada‑Afrique

 



[1] Voir la Fondation Mo Ibrahim, « L’Indice Ibrahim »,  http://www.moibrahimfoundation.org/fr/section/the-ibrahim-index, consulté le 4 octobre 2010.

[2] Voir le Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport sur le développement humain 2009 – Classements IDH, http://hdr.undp.org/fr/statistiques, consulté le 7 octobre 2010.

[3] Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport sur le développement humain 2009 – Classements IDH,  op. cit.

[4] Voir la Fondation Mo Ibrahim, « L’Indice », op. cit.

[5] Banque mondiale, Bénin, septembre 2010,  http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/BENININFRENCHEXTN/0,,menuPK:462807~pagePK:141159~piPK:55000052~theSitePK:462534,00.html, consulté le 22 septembre 2010.

[6] Programme des Nations Unies pour le développement, « Population living below $2 a day (%) », [Population avant avec moins de 2 $ par jour (%)], (Rapport sur le développement humain 2009, http://hdrstats.undp.org/fr/indicators/103.html, consulté le 22 septembre 2010.

[7] Banque mondiale, Bénin, septembre 2010, op. cit.

[8] UNICEF : « Benin: Statistics », http://www.unicef.org/infobycountry/benin_statistics.html, consulté le 12 octobre 2010.

[9] Central Intelligence Agency, The World Factbook, https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/bn.html.

[10] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, « Relations Canada-Benin », août 2008, http://www.canadainternational.gc.ca/cotedivoire/bilateral_relations_bilaterales/canada_benin.aspx?lang=fra&highlights_file=&left_menu_en=&left_menu_fr=&mission= .

[11] Agence canadienne de développement international,  « Bénin », http://www.acdi-cida.gc.ca/acdi-cida/acdi-cida.nsf/fra/NIC-1124134038-PWF.

[12] Service correctionnel Canada, « Projets d’assistance technique : Bénin », http://www.csc-scc.gc.ca/text/intlforum/tap/benin-fra.shtml, consulté le 24 septembre 2010.

[13] L'Alliance de santé communautaire Canada-Afrique, « Le Coeur de L'ASCCA, » http://ascca.ca/lecoeur, consulté le 24 septembre 2010.

[15] « RFI off the air in Benin, correspondent interrogated », Radio France Internationale, 3 août 2010, http://allafrica.com/stories/201008031073.html.

[16] Banque mondiale, « Burkina Faso », http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/BURKINAFASOINFRENCHEXTN/0,,menuPK:463510~pagePK:141159~piPK:55000052~theSitePK:463455,00.html, consulté le 27 septembre 2010.

[17] Programme des Nations Unies pour le développement,  Programme des Nations Unies pour le développement, « Population living below $2 a day (%) », Rapport sur le développement humain 2009, http://hdrstats.undp.org/en/indicators/103.html, consulté le 22 septembre 2010.

[18] Banque mondiale, « Burkina Faso », op. cit.

[19] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, « Relations Canada-Burkina Faso », juillet 2009, http://www.canadainternational.gc.ca/burkinafaso/bilateral_relations_bilaterales/index.aspx?lang=fra&highlights_file=&left_menu_en=&left_menu_fr=&mission= , consulté le 27 septembre 2010.

[20] Agence canadienne de développement international, « Burkina Faso », http://www.acdi-cida.gc.ca/acdi-cida/acdi-cida.nsf/fra/JUD-124131655-PFM, consulté le 27 septembre 2010.

[21] Voir Doing Business, http://francais.doingbusiness.org/default.aspx.

[22] Voir Conseil supérieur de la communication, « Présentation », http://www.csi.bf/conseil/presentation.htm, consulté le 29 septembre 2010.

[23] IAMGOLD, « Mine d’or Essakane, Burkina Faso – Vue d’ensemble », http://www.iamgold.com/English/Operations/Operating-Mines/Essakane/Overview/default.aspx, consulté le 1er octobre 2010.

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