Du 24 au 28 juin 2013, une délégation de 20
parlementaires de 12 Etats membres de l’OTAN et de la Suède, membre associé,
s’est rendue à Austin et dans le Bassin permien autour de Midland, au Texas. Le
principal objet de la visite consistait à étudier le boom de la production de
pétrole et de gaz non conventionnels aux Etats-Unis dans leur ensemble et au
Texas en particulier. Non seulement ce boom modifie radicalement les
perspectives énergétiques aux Etats-Unis, mais il promet également de redéfinir
leur approche stratégique, ce qui aura une myriade d’implications pour les
relations économiques voire sécuritaires transatlantiques. La délégation des
Sous-commissions sur les relations économiques transatlantiques et sur la
sécurité en matière d’énergie et d’environnement de l’Assemblée parlementaire
(AP) de l’OTAN était conjointement conduite par Léon Benoit (Canada) et
Philippe Vitel (France).
Au cours de sa visite, la délégation a rencontré
différentes personnes aux idées très divergentes sur le boom de l’énergie non
conventionnelle, sur les potentialités qu’il génère pour l’économie des
Etats-Unis et sur ses risques éventuels, en particulier pour l’environnement.
La visite a offert aux parlementaires l’occasion d’aller au-delà d’une vue
d’ensemble de la situation, d’examiner de près les avancées technologiques
rendant ce boom possible et de communiquer avec des gens affectés par les
événements sur le terrain. Les enseignements de la visite ont été intégrés au
rapport 2013 de la Commission de l’économie et de la sécurité portant sur
l'impact économique et stratégique de la révolution des pétrole et gaz non
conventionnels [150 ESC 13 F].
Durant son séjour au Texas, la délégation a
également mené un dialogue entre ses membres et avec des experts spécialisés
sur des sujets présentant un intérêt particulier pour les deux
Sous-commissions. Parmi les thèmes abordés figuraient d’autres sujets liés à la
sécurité énergétique et environnementale, dont le rôle des énergies
renouvelables au Texas ; les pressions du stress hydrique dans le
sud-ouest des Etats-Unis et les initiatives énergétique de nature
militaire ; les politiques de défense et de sécurité des Etats-Unis ;
l'état du relations transatlantiques ; l'avenir de la puissance aérienne militaire
; de même que la manière dont les innovations technologiques stimulent la
croissance économique à Austin.
II. LA REVOLUTION DU PETROLE ET DU GAZ NON
CONVENTIONNELS
Le premier jour, la délégation a suivi des exposés
qui ont préparé le terrain pour la suite de la visite à la Lyndon B. Johnson
School of Public Affairs de l’Université du Texas à Austin (UT-Austin). Le professeur
Varun Rai, chargé de cours sur les affaires publiques à l’UT-Austin, et le
docteur Fred Beach, attaché de recherche auprès du Center for
International Energy and Environmental Policy (Jackson School of
Geosciences) et du Webber Energy Group (Département du génie
mécanique) de l’UT-Austin, ont proposé à la délégation un aperçu général de la
situation aux Etats-Unis en matière de sécurité et d’efficacité énergétiques.
Ces exposés ont conduit à un débat sur les implications géostratégiques du boom
énergétique non conventionnel et sur la manière dont il pourrait transformer
l’économie des Etats-Unis et dont les Américains considèrent le reste du monde.
Le professeur Rai a commencé par attirer
l’attention sur un paradoxe, à savoir l’accent mis par les Etats-Unis sur la
sécurité énergétique : comparés à nombreux de leurs grands alliés, ils
sont beaucoup moins dépendants de l’énergie provenant de l’étranger. Alors que
l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Japon s’approvisionnent à des
sources extérieures, les importations nettes des Etats-Unis n’ont couvert que
22 % de leurs besoins en énergie en 2010. D’après l’Energy Information
Administration EIA (Agence d'Information sur l'Energie américaine), ce
pourcentage devrait tomber à 13 % en 2035. Le docteur Beach a en outre fait
valoir que les chiffres de l’EIA sont beaucoup trop prudents car ils
surestiment les tendances en matière de consommation ; d’après lui,
actuellement déjà, ce pourcentage n’atteint plus que 12,9 %. Il a admis que
l’on ignore encore si les Etats-Unis deviendront un exportateur net d’énergie à
l’avenir, mais – d’après certains scénarios – cela s’avère tout à fait
possible.
Le professeur Rai a déclaré à la délégation qu’il
est étrange que le gaz de schiste suscite une telle attention de la part des
médias et du monde politique, alors que le boom de la production d’huile de
schiste revêt bien plus d’importance aux Etats-Unis. Depuis les années 1970, la
production pétrolière américaine était en déclin, le creux de la vague ayant
été atteint en 2005/2006. Actuellement cependant, le pays est déjà le troisième
producteur de pétrole en importance et il est d’avis que – dans cinq ans
environ – il pourrait dépasser l’Arabie saoudite et être le principal
producteur de pétrole au monde.
Les deux experts en énergie ont ensuite expliqué
la révolution du pétrole et du gaz non conventionnels de manière plus
détaillée, sous l’angle technologique et économique. A leurs yeux, cette
révolution n’en est qu’à ses débuts. L’une des perspectives importantes qu’ils
ont présentée réside dans l’ouverture de terminaux d’exportation de gaz naturel
liquéfié (GNL) le long du golfe du Mexique. A l’heure actuelle, le prix du gaz
naturel est fort bas aux Etats-Unis (entre 3,79 et 4,42 dollars pour mille
pieds cubes en mai 2013), mais élevé dans d’autres parties du monde (plus de 10
dollars en Europe et de 14 dollars en Asie pour mille pieds cubes), ce qui
génère d’importantes possibilités d’exportation. Alors que de nombreux
obstacles réglementaires subsistent, les deux orateurs pensent que ces
terminaux recevront très probablement le feu vert des autorités. Cela prendra
cinq à dix ans et coûtera beaucoup d’argent, mais les compagnies énergétiques
croient aux bénéfices potentiels à retirer de l’exportation de GNL. L’EIA
estime d’ailleurs qu’en 2035, les exportations nettes de gaz naturel par les
Etats-Unis pourraient atteindre 5 %.
S’intéressant ensuite aux tendances en matière
d’efficacité énergétique, qualifiée de « cinquième carburant », ils
ont cité des exemples de domaines dans lesquels les efforts d’efficience
énergétique s’avèrent payants aux Etats-Unis. A Austin, la construction d’une
centrale électrique de 500 MW a pu être évitée grâce aux mesures en
matière d’économie d’énergie. La Californie offre un autre bon exemple :
les initiatives politiques initiées dans les années 1970 ont permis
d’importantes améliorations de l’efficacité énergétique. Ils ont en outre
déclaré que le Federal Weather Assistance Program, qui finance la
rénovation de foyers modestes, affiche des résultats très encourageants. Il
existe toutefois une énigme autour des mesures en matière d’efficacité
énergétique : celles-ci sont très bon marché et génèrent même des bénéfices peu
après que les investissements aient été effectués. Pourtant, le niveau des
investissements reste faible. Elles pourraient dans une certaine mesure
s’expliquer par des défaillances du marché et des questions de comportement.
Les orateurs ont expliqué que des solutions commencent à apparaître, sous la
forme par exemple de systèmes d’information à grande échelle, qui sont très
utiles dans les grandes organisations, de mécanismes de rétro-information pour
les clients et les producteurs, tels que des compteurs intelligents, et de
révision des normes sociales. Ils ont également expliqué que les normes
destinées à accroître l’économie de carburant des voitures édictées par le
président Barack Obama auront un impact sur l’efficacité énergétique aux
Etats-Unis.
Hoxie Smith,
directeurdu Petroleum Professional Development Center du Midland
College, a expliqué à la délégation le rôle que jouent selon lui le Midland
College et le centre qu’il dirige dans le boum pétrolier et gazier dans le
Bassin permien, tout en fournissant un large aperçu du paysage énergétique
mondial et américain, ainsi que de la révolution en matière d’extraction de
l’huile et du gaz de schiste aux Etats-Unis dans leur ensemble et dans le
Bassin permien en particulier.
Hoxie Smith a expliqué aux délégués qu’à long
terme, le monde dépendra moins du carburant fossile et davantage des énergies
renouvelables et du nucléaire, mais qu’à l’heure actuelle, le pétrole et le gaz
naturel représentent une part très importante du bouquet énergétique mondial.
C’est pourquoi le renouveau de la production pétrolière et gazière américaine
représente une tendance très importante.
Aux Etats-Unis, les propriétaires fonciers
détiennent les droits miniers associés à leurs terrains ce qui est radicalement
diffèrent de ce qui se passe en Europe. En raison de cet état de fait, ils ont
le plus grand intérêt à ce que l’extraction de ces ressources soit assurée. En
Amérique du Sud, en Australie et en Chine, les opinions publiques et les
autorités sont très intéressées par l’exploitation des gisements non
conventionnels. En Europe par contre, l’attitude de l’opinion publique et des
autorités face à l’extraction des ressources pétrolières et gazières non
conventionnelles est pour le moins mitigée, en raison principalement de
considérations environnementales. Enfin, la Russie et les pays du Golfe enfin
n’éprouvent guère d’intérêt pour le pétrole et le gaz non conventionnels, en
raison de l’abondance de gisements pétroliers et gaziers traditionnels dans ces
parties du monde.
La principale raison de l’actuel boom non
conventionnel réside dans les progrès technologiques, à savoir les techniques
de forage horizontal et de fracturation hydraulique. Ces nouvelles techniques
confèrent un second souffle à des gisements pétroliers qui avaient été
abandonnés. C’est ainsi, par exemple, que dans le
Bassin permien, le gisement de Sprayberry était jadis
qualifié de « plus grand gisement pétrolier non rentable au
monde » ; il pourrait aujourd’hui devenir le deuxième principal champ
pétrolifère au monde.
Hoxie Smith réfute les affirmations des opposants
aux nouvelles techniques suivant lesquelles elles représentent une menace pour
les eaux souterraines. La fracturation hydraulique est pratiquée depuis six
décennies et il a fait remarquer qu’aucune contamination d’eaux potables
souterraines résultant du processus de fracturation, qui survient à des
milliers de pieds sous les nappes aquifères, n’a jamais été signalée dans la
région. Les puits sont en outre gainés de deux couches de ciment et deux
enveloppes métalliques qui renforcent la protection contre la dispersion
accidentelle de produits polluants dans les formations rocheuses moins
profondes. Qui plus est, si le fluide de fracturation contient effectivement
certains agents chimiques nocifs, la plupart des substances injectées dans les
formations rocheuses peuvent être comparées à des produits de nettoyage
courants tels que le savon. Pour accroître la transparence, de nombreuses
compagnies américaines révèlent sur Internet les produits chimiques utilisés
(fracfocus.org). Hoxie Smith réfute également l’affirmation suivant laquelle le
boom est purement spéculatif. Il a assuré aux délégués
que ce qui se produit dans les vastes gisements pétrolifères de la région se
fonde sur la promesse d’un formidable accroissement de la production de
pétrole. Hoxie Smith a également répondu aux craintes suivant lesquelles les
nouvelles techniques entraîneront une surexploitation des nappes phréatiques
d’une région déjà confrontée à un stress hydrique, en raison des quantités
d’eau importantes exigées par la fracturation hydraulique. Il a expliqué que
les compagnies utilisent de plus en plus des eaux saumâtres plutôt que de l’eau
douce pour la fracturation. Il a poursuivi en déclarant qu’il est très
improbable que la fracturation hydraulique puisse provoquer de dangereux
séismes. Des tremblements de terre et des séismes mineurs sont certainement
possibles et ont effectivement lieu, mais ils ne représentent aucun danger pour
les infrastructures. Il a souligné que les compagnies énergétiques ont tout
intérêt à ce que leurs activités d’exploitation non conventionnelles soient les
plus sûres possibles, car elles ne veulent pas être poursuivies pour des
dommages éventuels. Hoxie Smith a expliqué que de nombreux renseignements
erronés sur ces techniques circulent dans le public et que beaucoup de leurs
opposants sont en partie motivés par leur crainte de la nouveauté.
Le Bassin permien, qui s’étend sur une superficie
d’environ 400 x 500 kilomètres, est la région des Etats-Unis où le plus de
forages ont actuellement lieu. Les puits pratiqués dans ce bassin représentent
27 % des nouveaux forages dans l’ensemble du pays. Le Texas dans son ensemble
abrite 24,3 % des réserves pétrolières et 29,5 % des réserves en gaz naturel
des Etats‑Unis. Son histoire en tant que région productrice de pétrole a
débuté en 1921. Plus de 1 300 gisements
pétroliers et 30 zones pétrolières en formation ont été détectés. Quelque
500 installations de forage sont actuellement en activité. Hoxie Smith a
indiqué avec force détails où se trouvent les ressources pétrolières et
gazières dans le Bassin permien et expliqué les conditions géologiques qui en
ont fait une zone d’une telle richesse, ainsi que les techniques nécessaires
pour l’extraction de ces ressources.
Au Midland College, la délégation a également eu
l’occasion d’entendre Willie Taylor, chef de la direction de la Permian
Basin Workforce Development Board. Hoxie Smith et Willie Taylor ont
expliqué la difficulté de répondre aux considérables exigences en main-d’œuvre
d’une économie en plein essor et le rôle très particulier que les Community
Colleges (Institut universitaire de technologie) jouent dans ce processus.
Hoxie Smith a précisé que des établissements d’enseignement tels que le Midland
College travaillent main dans la main avec les employeurs locaux, pour veiller
à ce que les compétences qu’ils dispensent répondent aux exigences des
entreprises. Cela fonctionne particulièrement bien dans les secteurs pétrolier
et gazier, car de nombreuses compagnies pétrolières ont éliminé leurs sections
de formation après le dernier effondrement du prix du pétrole. Ces entreprises
collaborent désormais avec les Community Colleges à la mise en place de
programmes de formation spécialisés pour leur personnel.
La population totale du Bassin permien avoisine
les 420 000 habitants. A Midland, 29 % de la population active est directement
employée dans les secteurs minier, de l’exploitation forestière et de la
construction, mais naturellement une part très importante des quelque 120 000
habitants profite indirectement du boom de l’extraction pétrolière et gazière.
D’après Willie Taylor, Midland a connu un certain nombre de périodes de
prospérité dans le passé, mais le boom actuel est sans précédent. Il admet que,
du point de vue du développement de la main-d’œuvre, il est incontrôlable. La
région n’était pas préparée à un tel boom. Avant qu’il survienne, aucun nouvel
appartement n’avait été construit en vingt ans, ce qui a entraîné une pénurie
massive de logements, qui n’est toujours pas entièrement résolue.
Afin de stimuler la formation de la main-d’œuvre
recherchée, la Permian Basin Workforce Development Board a établi une
liste de professions ciblées qu’elle a envoyée aux écoles secondaires et aux
institutions d’enseignement supérieur de la région. S’intéressant aux listes de
postes vacants dans la région de Midland et d’Odessa (une ville voisine
d’environ 100 000 habitants), Willie Taylor a déclaré que les emplois les plus
recherchés sont ceux de camionneur, de responsable de personnel de vente au
détail, ainsi que de spécialiste de l’entretien et des réparations. Dans ces
emplois, la rémunération peut être très importante. En dépit des salaires
élevés, il demeure néanmoins difficile d’attirer des gens à Midland, en raison
de son éloignement, du caractère peu attrayant de l’environnement et d’un
climat relativement torride, aux tempêtes de sable fréquentes. Les employeurs
peuvent certes engager des travailleurs d’autres régions des Etats-Unis, mais
il est difficile d’attirer de la main-d’œuvre d’autres pays, à la différence du
Canada par exemple, où de nombreux étrangers travaillent dans les secteurs
pétrolier et gazier dans des régions en plein essor telles que l’Alberta.
La délégation a rencontré d’autres administrateurs
et membres de la faculté du Midland College, dont le doyen, Stephen Thomas,
qui a décrit en termes généraux le rôle des Community Colleges dans le
système éducatif américain et le rôle bien particulier que sa propre
institution joue dans l’économie de la région de Midland. Il a souligné la
contribution essentielle du Midland College dans la formation de travailleurs
pour l’économie locale et fait remarquer que son rôle devient d’autant plus
important que certaines entreprises n’offrent plus de formation de base. Il y a
peu de temps encore, le « college » ne comptait que 600
étudiants ; il en accueille désormais 7 000. Des programmes de
formation sans crédits scolaires, focalisés sur le développement des
compétences, sont également proposés.
Hoxie Smith a expliqué les relations spécifiques
qui existent entre les secteurs pétrolier et gazier et le Midland College,
ainsi que le rôle joué par son Petroleum Development Program. Celui-ci
est conçu pour fournir des formations très spécifiques adaptées aux besoins du
secteur local de l’énergie. Ce programme forme des économistes, comptables,
camionneurs, managers, développeurs informatiques, gestionnaires de l’eau,
géologues et ingénieurs, tous spécialisés dans le secteur pétrolier et
indispensables aux activités de ce dernier. Les nouvelles techniques de
fracturation hydraulique sont elles aussi enseignées, tandis que tout un
éventail de cours de gestion de l’environnement est dispensé. Des efforts sont
consentis pour mettre en contact les plus grands talents du secteur et ces
étudiants. Le programme collabore en outre avec l’industrie de l’énergie pour
concevoir des séminaires spécifiques, sans crédits scolaires, qui aident les
entreprises locales à satisfaire les exigences en formation des membres de leur
personnel.
La délégation a également eu l’occasion de visiter
un centre de formation de Chevron dans le Bassin permien. Ce centre est utilisé
pour former les membres du personnel récemment embauchés appelés à travailler
sur le terrain. La division Formation compte 27 bureaux sur le terrain et a
recours à des modules de pointe pour la formation assistée par ordinateur, afin
de veiller à ce que les travailleurs soient parfaitement préparés à appliquer
procédures et méthodes. La délégation a effectué une visite détaillée du centre
de formation, qui abrite la maquette d’un puits de pétrole montrant la manière
dont fonctionne son système de pompage. La délégation a en outre rencontré des
dirigeants de la Cadre Proppants Company à Brady, au Texas. Des entreprises comme Cadre produisent
les mélanges de sable qui sont injectés dans les roches soumises à la
fracturation hydraulique. Ces agents de soutènement maintiennent littéralement
ouvertes les roches, ce qui facilite le dégagement du pétrole et du gaz
prisonniers. Il s’agit-là d’un élément critique pour les activités pétrolières
et gazières modernes, et des entreprises comme Cadre connaissent une
explosion de la demande pour leurs produits, essentiels dans le processus de
fracturation.
La délégation a de surcroît visité le Musée du
pétrole du Bassin permien à Midland. La directrice du musée, Kathy Shannon,
a retracé l’histoire de l’industrie pétrolière dans la région et expliqué le
rôle joué par les prospecteurs/spéculateurs forant des « puits
sauvages » dans le développement des champs pétrolifères autour de Midland
dans les années 1920. Ces wildcatters (prospecteurs/spéculateurs)
prenaient d’énormes risques en forant des puits et beaucoup d’entre eux
devenaient extraordinairement riches si et quand ils trouvaient du pétrole. Kathy
Shannon a également fait remarquer que l’économie de la région est extrêmement
liée au sort de l’industrie pétrolière ; lorsque le prix du pétrole
diminue, l’économie de la région est inévitablement en difficulté. Cela a été
le cas lors de la Grande dépression, époque à laquelle le Texas était le
principal producteur de pétrole et de gaz aux Etats-Unis. La Deuxième Guerre
mondiale a entraîné une envolée des prix de l’énergie et la région s’est
rapidement redressée après le malaise des années 1930. Sa richesse n’a fait que
croître durant les années 1950, au même rythme que la croissance des
Etats-Unis, car la révolution du transport reposant sur l’automobile et la
prospérité nationale ont entraîné une explosion de la demande de pétrole.
Etant donné que l’Université du Texas détient les
droits locatifs sur une part importante des champs pétrolifères, elle connaît
une véritable manne financière qui lui permet d’apporter des améliorations
majeures à son système d’enseignement. Celui-ci est ainsi devenu un vecteur de
développement économique dans toute une série d’autres domaines. Durant les
premières années, la majeure partie du gaz produit par le processus de forage
faisait l’objet d’un torchage plutôt que d’être récupéré et vendu. La situation
a évolué et, désormais, le Texas dispose des infrastructures pour capturer et
vendre le gaz produit par le processus de forage. Le cartel de l’Organisation
du pays exportateurs de pétrole (OPEP) a contribué à l’envol du prix mondial du
pétrole dans les années 1970, ce qui a manifestement accru les revenus de la
région.
Steven H. Pruett, président-directeur général d’Elevation Resources LLC a
expliqué ce qui pousse un investisseur à opérer dans le Bassin permien. Ayant
son siège à Midland, au Texas, son
entreprise est une compagnie indépendante active dans le secteur du pétrole et
du gaz naturel, dont la mission consiste à
exploiter les ressources énergétiques du Bassin permien de manière rentable,
durable et extensible. Il a d’abord fait remarquer que certains des gisements
exploités dans les années 1930 continuent à produire du pétrole et que la
technologie de la fracturation leur confère un second souffle. Il a ensuite
expliqué qu’en elles-mêmes, les techniques de fracturation ne sont pas
nouvelles, puisqu’elles ont été utilisées dès 1947. Les techniques de forage se
sont toutefois radicalement améliorées. C’est la troisième fois qu’une
évolution technologique entraîne une forte augmentation de la production dans
la région du Bassin permien.
Le forage d’un puits vertical peut coûter deux
millions de dollars, tandis que celui d’un puits horizontal peut atteindre dix
millions de dollars. Tous ces forages exigent des quantités énormes
d’infrastructures logistiques, telles que des oléoducs et gazoducs, des
installations de stockage, des équipements de transport, etc. et les industries
périphériques connaissent un véritable boom dans l’Ouest du Texas. Dans la
région du Bassin permien, les rémunérations sont montées en flèche : le
salaire moyen d’un ingénieur approche désormais les 300 000 dollars par an,
tandis qu’un camionneur gagne plus de 100 000 dollars. Face à une telle
structure salariale, il est très difficile d’imaginer que la région réussisse à
diversifier sa base industrielle. En d’autres mots, la structure des coûts est
déjà trop élevée pour que des entreprises non énergétiques choisissent de
s’implanter dans la région du Bassin permien. En conséquence, celle-ci
demeurera probablement vulnérable aux cycles d’expansion et de récession du
genre de ceux qui caractérisent depuis longtemps l’économie locale.
La situation dans l’Ouest du Texas est très
différente de celle qui prévaut dans d’autres parties du monde susceptibles
d’exploiter des ressources en pétrole et gaz non conventionnels.
L’environnement économique et réglementaire dans le Bassin encourage la prise
de risques et le développement rapide du secteur. Cela n’est pas le cas dans
beaucoup d’autres parties du monde. A cela vient s’ajouter une concentration de
travailleurs qualifiés et de cadres expérimentés qui rendent ces gisements très
concurrentiels. En comparaison, l’environnement économique au Mexique et en
Argentine est beaucoup moins dynamique et, dans ces deux pays, l’Etat est
beaucoup plus interventionniste et pesant. Ce genre de problèmes - s’ajoutant à
des questions liées à la densité de la population, ainsi qu’à des conditions
hydrologiques et du couvert végétal - entrave ailleurs le développement des
industries pétrolière et gazière non conventionnelles.
Des prix plus élevés et les nouvelles techniques
de forage constituent les principaux incitants à l’accroissement de la
production. Le monde des affaires est convaincu que la production de brut
terrestre continuera à augmenter. La formation de Bakken dans le Dakota du Nord
produit une énorme quantité d’or noir grâce à la mise en œuvre de technologies
de forage horizontal qui le rendent accessible. Le défi consiste à acheminer ce
pétrole jusqu’au marché. Le pétrole de Bakken est actuellement expédié par rail
et de nouveaux oléoducs seraient nécessaires pour réduire les coûts. Les
autorités des Etats-Unis n’ont pas encore donné leur accord pour la
construction de l’oléoduc Keystone XL pour l’acheminement du pétrole brut de
l’Alberta jusqu’aux raffineries texanes. Il est sûr que cet oléoduc
renforcerait la sécurité énergétique américaine, mais il concurrencerait
également le pétrole de l’Ouest du Texas. L’acheminement du pétrole par oléoduc
est plus sûr et généralement moins cher que par rail.
Les autorités des Etats-Unis interdisent aux
producteurs américains d’exporter du pétrole brut, même si quelque 145 000
barils ont été exportés au Canada l’an dernier. Ces mêmes autorités autorisent
toutefois l’exportation de produits raffinés. Le Texas et la Louisiane
accueillent l’essentiel des infrastructures de raffinage américaine et il est
probable que le raffinage du GNL viendra compléter le bouquet. A l’heure
actuelle, le prix du gaz naturel est tellement bas que l’activité du secteur
gazier se ralentit. L’augmentation du prix, qui pourrait résulter de la
construction d’installations d’exportation de GNL, encouragerait probablement
l’exploitation de beaucoup plus de gisements gaziers.
M. Pruett a expliqué que le secteur a toutes les
raisons de protéger les ressources en eau limitées de la région et il a fait
remarquer qu’il n’existe aucun exemple d’activité de fracturation hydraulique
ayant contaminé une nappe aquifère de la région. Un incident bien connu survenu
dans le Nord des Etats-Unis s’explique par la rupture de la paroi mal cimentée
d’un puits. Depuis lors, les réglementations sont devenues beaucoup plus
strictes. M. Pruett a souligné que de tels incidents sont hautement
improbables aujourd’hui, tout en reconnaissant que les parois de puits très
anciennes pouvaient poser problème et qu’il convient de remédier à la
situation.
III. LA SECURITE ENERGETIQUE ET ENVIRONNEMENTALE
AU TEXAS ET AUX ÉTAS-UNIS EN GENERAL
B. J. Stanbery,
Président de la Texas Renewable Energy Industries Association (TREIA), a
exposé les perspectives en matière d’énergies renouvelables au Texas. Il a
attiré l’attention sur le fait que le Texas est un leader en matière de
développement des technologies photovoltaïques et que d’énormes efforts sont
consentis pour accroître le potentiel solaire de l’Etat. La TREIA collabore
avec des entreprises actives dans les secteurs des énergies solaire, éolienne,
verte, géothermique et hydrolienne au Texas, soutient leur développement et les
aide à contribuer à la production énergétique de l’Etat. Au nom de ces
entreprises, elle fait pression sur l’Etat et travaille en étroite
collaboration avec les responsables des services publics et de leur régulation.
Le Texas dispose d’un réseau électrique autonome, tandis que les deux autres
réseaux américains sont réglementés par les autorités fédérales. La TREIA doit
accorder une attention particulière au pouvoir législatif et aux autorités
régulatrices texans s'agissant de toutes les questions relatives au réseau de
l’Etat, bien qu’elle traite également avec le Congrès américain, l’Agence pour
la protection de l’environnement et le Federal Electricity Reliability
Council.
La loi exigeant qu’une fraction de la capacité
énergétique totale soit générée par le biais d’énergies renouvelables est très
utile pour le secteur. La politique du Texas en matière d'énergies
renouvelables s'appuie sur une approche axée sur le marché : elle se base
principalement sur les signaux du marché et la levée des obstacles
administratifs. Selon ses adeptes, cette approche récompense la performance et
développe des marchés compétitifs. Le Texas a recours aux signaux du marché pour
orienter sa politique, aux fins d'améliorer la performance et d'assurer le
développement de marchés efficients en matière d'énergies renouvelables.
L’Ouest du Texas est devenu un producteur essentiel d’énergie éolienne, mais
des efforts doivent encore être accomplis pour étendre le réseau et construire
davantage de lignes de transmission de l’électricité. La TREIA estime que cela
coûtera 6,85 milliards de dollars. Au Texas, les clients peuvent choisir la
source de leur électricité.
La délégation a eu l’occasion de visiter l’une des
plus grandes fermes solaires du Texas, à Weberville. Cette exploitation est
connectée au réseau électrique. La délégation a été informée des mécanismes
réglementaires et de fixation du prix qui en assurent la rentabilité et permettent
à l’exploitation de contribuer au profil de consommation énergétique de la
région d’une manière qui minimise son empreinte environnementale. L’énergie
solaire voit son coût diminuer sans cesse grâce aux améliorations
technologiques; à long terme, elle rivalisera sur le plan des coûts avec les
autres carburants utilisés pour produire de l’électricité.
Kevin Gresham,
vice-président pour les Affaires extérieures de E.ON Climate &
Renewables North America, a expliqué que les décideurs politiques texans
ont fait preuve d’énormément de clairvoyance en contribuant à faire entrer les
énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l’Etat. E.ON est
un intervenant incontournable pour les parcs d’éoliennes aux Etats-Unis et le
Texas constitue le principal producteur d’énergie éolienne du pays. Il y a
beaucoup de vent dans cet Etat. Qui plus est, l’Ouest du Texas et la côte du
Golfe du Mexique présentent des configurations des vents différentes, ce qui
atténue le problème de l’intermittence et permet d’équilibrer plus efficacement
les charges d’énergie éolienne. E.ON estime que le Texas pourra produire
beaucoup plus d’énergie de ce type si des investissements suffisants sont
consentis dans le réseau de distribution. Le secteur éolien emploie
actuellement 26 000 personnes, dont la plupart vivent en région rurale.
Peter L. Pfeiffer,
dirigeant de Barley & Pfeiffer Architects, a pour sa part décrit les
nombreuses manières dont les maisons d’habitation et les immeubles peuvent être
construits ou modernisés de façon à réduire fortement la consommation
d’énergie. Il a fait remarquer qu’au niveau de la politique publique, il est essentiel
de favoriser la construction d’immeubles « verts », qui consomment
moins d’énergie et moins d’eau que les maisons traditionnelles. A grande
échelle, cela peut réduire la demande de nouvelles centrales électriques et
l’empreinte environnementale des propriétaires d’habitations. Peter L. Pfeiffer
est persuadé qu’il peut être beaucoup plus efficace d'axer focaliser les
efforts en matière d’économie d’énergie sur les foyers plutôt que sur les
centrales énergétiques. Des adaptations élémentaires sur le plan de la
conception peuvent accroître l’efficience thermique, améliorer la santé,
abaisser la consommation d’énergie et réduire l’empreinte environnementale
d’agglomérations entières. L’on peut accomplir bien plus pour accroître
l’efficacité énergétique en limitant la taille des maisons, en veillant à ce
qu’elle soient bien isolées et orientées par rapport au soleil, en utilisant la
végétation naturelle pour la protection solaire, en cultivant des plantes de
jardin n’exigeant que peu d’eau et en ayant recours à un éclairage et à des
appareils électriques efficients, qu’en utilisant des panneaux solaires. Ces
solutions sont en outre souvent bon marché.
Danny D. Reible de Environmental Health Engineering et directeur du Center
for Research in Water Resources de l’Université du Texas à Austin
(UT-Austin), s’est quant à lui intéressé au rapport entre énergie et
développement économique d’une part, et stress hydrique de l’autre. Il a
constaté que l’eau est fondamentalement sous-tarifée, car sa rareté se reflète
rarement dans le prix payé par le consommateur. Il s’agit-là d’un facteur
fondamental face à l’actuelle crise de l’eau dans l'ouest de Texas. Au Texas,
58 % de la demande en eau émane du secteur agricole, lequel ne représente dans
son ensemble qu’environ 0,6 % de l’économie. Cette situation n’est pas viable
économiquement. Le stress hydrique est désormais aggravé par l’essor de la
fracturation hydraulique. La formation Eagle Ford est devenue la
référence par excellence pour la bataille de l’eau au Texas. En bref, l’eau y
est pompée dans la nappe aquifère à un débit insoutenable, une situation encore
aggravée par la persistance d’une grave sécheresse dans l’Etat.
La solution à ce problème complexe sera
nécessairement multidimensionnelle. Dans le domaine agricole, le Texas pourrait
devoir renoncer à des cultures qui exigent énormément d’eau. Il est en outre
important de prendre une série de mesures de conservation, surtout en raison de
l’augmentation de la population. Des installations de traitement de l’eau sont
nécessaires. Un traitement permettant la désalinisation de certaines sources
d’eau souterraine offre une autre alternative pour remédier à la pénurie.
John King de RideScout,
a parlé des efforts entrepris par l’armée américaine pour parvenir à une plus
grande efficacité énergétique. Le président Obama a décrété qu’en 2025, 25 % de
l’énergie utilisée par le département de la Défense devrait provenir de sources
renouvelables. John King a signalé que cela suscite certaines préoccupations
dans le département, bien que cela soit secondaire par rapport à la sécurité et
à l’efficacité opérationnelle des troupes américaines. De nombreuses
améliorations sont néanmoins possibles. Si le département de la Défense était
un pays, il se classerait 58e au monde en matière de consommation
énergétique et 34e en termes de consommation d’eau. Dix-huit
pourcent des pertes américaines lors des conflits récents sont liées à des
efforts visant à réapprovisionner en carburant et en eau des troupes engagées
dans des opérations offensives. L’approvisionnement en énergie et en eau met
ainsi en danger les forces américaines et la question a donc des implications
directes et indirectes non seulement en matière de sécurité, mais également de
budget et d’environnement.
Il existe un certain nombre de projets visant à
conférer une plus grande efficacité énergétique aux installations militaires, y
compris dans les zones de théâtre. Le point essentiel est toutefois que ces
projets ne peuvent en aucun cas entraver les opérations. La marine est
fortement impliquée dans l’utilisation de biocarburants, tandis que l’armée de
l’air cherche à obtenir des aéronefs plus légers, pour réduire la consommation
en carburant.
IV. RENCONTRE AVEC DES ASSOCIATIONS
ENVIRINNEMENTALES ET DES ADVERSAIRES DU SECTEUR PETROLIER
La délégation a eu
l’occasion de s'entretenir avec plusieurs adversaires de la fracturation
hydraulique. Dewayne Quertermous, à la tête de l’initiative Beyond
Natural Gas du Sierra Club, a décrit le travail de ce dernier. Il a
expliqué que l’un des objectifs de l’organisation consiste à faire que
l’économie nationale cesse d'avoir recours aux carburants fossiles. Dewayne
Quertermous a fait valoir que si la combustion du gaz naturel est plus propre
que celle du charbon, il ne s’agit pas en soi d’une technologie propre. Il a
souligné que le méthane, un sous-produit de la production du gaz naturel, a des
effets importants sur le réchauffement climatique. Une étude récente de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et
de l’Université du Colorado à Boulder estime que, dans la région du bassin de
Denver-Julesburg, les producteurs de gaz naturel dissipent environ 4 % de leur
gaz dans l’atmosphère. Comme le méthane piège 25 fois plus de chaleur dans
l’atmosphère que le dioxyde de carbone, des émissions de cette ampleur
pourraient neutraliser l’avantage environnemental que le gaz naturel est censé
avoir sur les carburants fossiles. Dewayne Quertermous a indiqué qu’en
conséquence, le GNL a une quantité d’effets sur le climat et que la technologie
de fracturation utilisée pour la remontée du gaz affecte la qualité de l’eau,
ce que les représentants du secteur démentent formellement. Il a ajouté qu’en
moyenne, un puits de fracturation utilise de 11 à 19 millions de litres d’eau
et que la majeure partie de cette eau est prélevée sur les cycles hydrologiques
ou devient une source de pollution.
Dewayne Quertermous a déclaré à la délégation que les estimations actuelles
concernant les réserves de gaz aux Etats-Unis sont considérablement surévaluées
et qu’elles ne tiennent pas compte du taux rapide d’épuisement. D’après lui,
les projections ont tendance à ne prendre en compte que des hypothèses idéales,
ce qui fausse les estimations à la hausse. Pour lui, plutôt que de focaliser
les ressources politiques et économiques sur le développement des gisements
pétroliers et gaziers non conventionnels, il vaudrait mieux cibler les
financements sur le développement et la commercialisation des énergies
renouvelables.
Deborah Rogers,
directrice exécutive de l’Energy Policy Forum, s’est livrée à une critique
économique des promesses liées au pétrole et au gaz non conventionnels. Elle a
expliqué qu’une grande partie du battage médiatique concernant le secteur ne
sert qu’à dissimuler ce qu’elle qualifie d’accaparement des terres. Pour
Deborah Rogers, ceux qui sont impliqués dans des baux fonciers dans les régions
productrices de pétrole et de gaz ont tout intérêt à surévaluer les réserves,
car cela confère une plus grande valeur aux surfaces baillées. Comme le gaz est
actuellement très bon marché, une grande partie de l’attention économique porte
sur le marché du bail d’exploitation. Elle a ajouté qu’il est improbable que la
production gazière et pétrolière non conventionnelle soit très profitable à
long terme et que le coût des externalités n’est pas compris dans le prix
final. Au nombre des externalités, elle a cité la dégradation du réseau
routier, qui – d’après elle – coûte davantage à l’Etat du Texas que les revenus
qu’il retire du secteur. Elle a fait valoir que cela est également vrai dans
l’Arkansas et en Pennsylvanie. Elle a en outre signalé que, dans certaines
parties des Etats-Unis, le pétrole est transporté par train, ce qui coûte trois
fois plus cher que l’utilisation d’oléoducs. Elle s'est demandée ouvertement
pourquoi il n’y avait pas davantage de nouveaux oléoducs en construction et a
estimé que cela pourrait refléter un manque de confiance dans les perspectives
à long terme offertes par le secteur. Deborah Rogers a relevé que la production
des puits a tendance à être très importante au départ, mais qu’elle s’amenuise
rapidement, ce qui contraint les producteurs à procéder à des forages
constants. Elle pense que la production dans la région de Baaken a culminé en
juin 2010 et que cela pourrait être le reflet d’une tendance générale dans le
secteur. Il s’agit ici encore d’une affirmation rejetée par les représentants
de celui-ci.
Sharon Wilson,
organisatrice du projet de responsabilisation des producteurs de pétrole et de
gaz EARTHWORKS, s’est également montrée critique à l’encontre du secteur. Elle
a d’abord indiqué que la quantité d’eau utilisée par le secteur pétrolier et
gazier non conventionnel était sous‑estimée. Elle pense que les
affirmations suivant lesquelles l’eau est recyclée sont fausses, car une partie
de l’eau est pompée trop profondément sous la surface et devient irrécupérable.
Son principal grief a toutefois porté sur les conséquences alléguées pour la
santé publique dont le secteur est accusé et en particulier sur les produits
chimiques que le secteur déverserait dans l'environnement. Sharon Wilson a
indiqué que l’exposition aux produits chimiques utilisés par le secteur
entraîne des problèmes de peau persistants, une fatigue généralisée et d’autres
maux.
Elle s’est également penchée sur le coût social
lié à l’essor de l’industrie pétrolière et gazière au Texas. L’afflux massif et
soudain de travailleurs dans les régions productrices surcharge les services
sociaux, le marché des habitations et les écoles. On constate une forte
augmentation des maladies sexuellement transmissibles et des arrestations pour
des affaires de drogue dans les communautés rurales, une situation que l’on
retrouve dans d’autres communautés du pays où l’exploitation du pétrole et du
gaz non conventionnels est pratiquée. Elle a enfin parlé de la manière dont les
contentieux portant sur ces problèmes sont traités. Le secteur a tendance à
étouffer les plaintes par le biais de « motions de bâillon », qui
empêchent l’information du public sur les cas en question. Cela a tendance à
limiter les débats publics sur les conséquences pour l’environnement des
activités du secteur et bafoue le droit à l’information des communautés qui
examinent des demandes d’autorisation de forage présentées par le secteur.
D’après Sharon Wilson et EARTHWORKS, cela complique considérablement les
efforts pour récolter des données sur l’impact que du secteur sur la santé
publique et l’environnement.
V. LA POLITIQUE DE DEFENSE ET DE SECURITE DES
ETATS-UNIS
La visite à la Lyndon B. Johnson School of Public
Affairs a offert à la délégation l’occasion de discuter de l’actuelle
politique de défense et de sécurité des Etats-Unis, et notamment de la manière
de renforcer les liens transatlantiques, avec l’ambassadeur Robert Hutchings,
le doyen de l’Ecole, qui – au cours de sa carrière diplomatique – a notamment
rempli les fonctions de président du National Intelligence Council et de
directeur pour les Affaires européennes du National Security Council.
Le professeurEugene Gholz,
professeur agrégé à l’Ecole, a parlé des acquisitions de matériel militaire à
l’ère des restrictions budgétaires. Dès le début 2010, alors que le professeur
Gholz travaillait pour le Pentagone, Robert Gates, le secrétaire à la Défense
de l’époque, a commencé à s’inquiéter des futures réductions budgétaires. Le
secrétaire Gates a donc lancé deux initiatives – l’« Efficiency
Initiative » et « Better Buying Power » – destinées à
mieux supporter ces réductions. Dans le cadre de celles-ci, le département de
la Défense (DOD) pouvait dépenser de l’argent économisé ailleurs pour procéder
à des acquisitions plus pressantes. En 2011, toutefois, il a été procédé à des
coupes en douceur d’environ 50 milliards de dollars dans le cadre des dépenses
projetées. Depuis lors, un grand compromis sur le budget américain de la
défense ne s’est toujours pas matérialisé et la « séquestration » a
frappé en 2013, un instrument budgétaire qui, pour le professeur Gholz, revient
à « découper de la viande à la hache ». Cette séquestration double plus
ou moins les réductions décidées.
Le professeur Gholz a rejeté l’affirmation souvent
alléguée par les politiciens suivant laquelle le budget de la défense protège
des emplois. Il a expliqué que « les dépenses de défense constituent une
manière extrêmement inefficace de soutenir l’emploi » et que le DOD
lui-même n’aime pas cette affirmation, notamment parce qu’elle constitue une
insulte à la fierté professionnelle : « L’armée n’a pas pour vocation
de promouvoir les emplois, mais de défendre la sécurité nationale. » Qui
plus est, les produits liés à la défense sont très gourmands en capitaux et en
technologie, ce qui limite l’effet pour les emplois des dollars consacrés à la
défense, en comparaison de nombreuses autres dépenses publiques. Eugene Gholz a
en revanche soutenu que de petits investissements ciblés dans certains segments
de la chaîne d’approvisionnement du système de la défense sont justifiés afin
de protéger les emplois pour lesquels une requalification des travailleurs
reviendrait très cher à l'avenir et prendrait beaucoup de temps. Il est
illogique de poursuivre un programme complet parce que l’on veut protéger l’une
de ces parties cruciales, a-t-il expliqué, qualifiant cette approche de
« solution d’un milliard de dollars à un problème d’un million de dollars ».
Il a cité en exemple la volonté réitérée du Congrès de poursuivre le programme
des véhicules de combat Bradley, bien qu’ils ne soient pas nécessaires. Le DOD
préfère cibler des investissements s’adressant à des usines « de taille
adéquate » et actualiser les techniques de fabrication, en préservant les
compétences qui seront nécessaires pour produire de nouvelles plates-formes,
telles que des véhicules de combat, si le besoin s’en faisait sentir.
Pour fournir des exemples de la complexité
actuelle des chaînes d’approvisionnement de plates-formes pour la défense, le
professeur Gholz a présenté un certain nombre de cas concrets. Des milliers
d’unités de production sont souvent impliquées et il n’est pas rare que des
usines étrangères assurent plus de 10 % des chaînes d’approvisionnement. Pour
assurer la protection des emplois essentiels dans le secteur de la défense, il
est capital que les entreprises qui visent principalement des contrats avec
l’armée soient encouragées à accroître leurs activités commerciales. Si cela
n’est pas possible, les autorités doivent veiller à ce que ces entreprises,
souvent des PME, soient chargées de la réalisation de petites commandes
ciblées.
Autre problème crucial lié à la réduction des
dépenses de défense via la suppression de programmes : comme les chaînes
d’approvisionnement entre systèmes sont désormais interconnectées, les coûts
d’autres programmes sont appelés à augmenter de manière exponentielle et le DOD
ne disposera donc pas de tout l’argent sur lequel il comptait. Cela exige une
analyse approfondie et la « séquestration » ne constitue pas un outil
qui favorisera une telle analyse.
Comme l’a expliqué
le professeur Gholz, les acquisitions de matériel militaire sont relativement
mondialisées. En effet, les marchés de la défense du Canada et des Etats-Unis
sont largement intégrés, tandis que de nombreux sous-traitants mexicains et
européens fournissent de multiples services aux programmes américains. Même des
sous-traitants asiatiques se partagent une partie du gâteau, bien que, le plus
souvent, par le biais de produits commerciaux. Par ailleurs, il est fréquent
que les unités de production aux Etats-Unis appartiennent à des intérêts
étrangers.
En conclusion, pour
le professeur Gholz les dépenses de défense peuvent diminuer et elles le
feront, mais ces diminutions doivent s’effectuer avec prudence et non pas par
le biais d’instruments aveugles tels que la « séquestration ».
Le professeur Jeremi Suri, titulaire de la
chaire Mack Brown de leadership dans les affaires mondiales à la Lyndon B.
Johnson School, a abordé les dilemmes de la politique étrangère qui
résultent des actuelles menaces diffuses et de ressources limitées.
Les recherches du professeur Suri se focalisent
sur l’évolution de la manière dont les Américains perçoivent la sécurité et la
politique étrangère au fil du temps et sur la façon dont les perceptions
anciennes influencent les idées d’aujourd’hui. En matière de dépenses de
défense, la perception de l’opinion publique américaine est traditionnellement
très influencée par la dette publique en pourcentage du PIB: lorsque la dette
publique est modeste, il semble y avoir davantage d’argent à consacrer au
budget de la défense et de la sécurité. Alors que Jeremi Suri ne considère pas
qu’il s’agisse là du meilleur moyen d’envisager le niveau des dépenses de
sécurité et de défense, ces perceptions sont souvent à l’origine des budgets
américains. Il craint qu’à l’avenir il y ait moins de ressources disponibles
pour ces postes. Les budgets du département d’Etat et de l’aide extérieure
seront en outre plus rabotés que le budget de l’armée, bien que – d’après lui –
cette approche soit à courte vue. Selon Jeremi Suri, un tel comportement ne
concerne pas uniquement la politique étrangère américaine, mais est
malheureusement très répandu.
En sus de ces préoccupations en matière de
ressources, il est clair que les menaces deviennent plus diffuses depuis
l’époque de la Guerre froide. Il n’y a plus de menace unique, comme celle jadis
représentée par l’Union soviétique. Jeremi Suri a fait valoir que,
paradoxalement, les Etats-Unis sont plus en sécurité aujourd’hui qu’à toute
autre époque de leur histoire, mais le plus large éventail de menaces par
ailleurs plus réduites complique l’évaluation de ces dernières, alors que les
ressources sont limitées. La Chine, la Péninsule coréenne, l’Iran, la Syrie, la
cybersécurité et le terrorisme sont autant de défis qui doivent être relevés au
travers de la politique étrangère, mais l’orateur se demande dans quelle mesure
ils se distinguent entre eux et quels sont les problèmes de sécurité qui
exigent qu’on leur consacre davantage de ressources. Aucune réponse claire
n’est apportée à ces questions. En conséquence, pour le professeur Suri,
l’establishment politique et l’opinion publique américains doivent débattre en
profondeur : a) des objectifs et priorités de la politique étrangères, b) de la
quantité de ressources à consacrer aux objectifs et priorités; et c) de la
manière dont les progrès doivent être mesurés. Les Etats-Unis n’ont pas mené un
tel débat depuis plus de 50 ans. Jeremi Suri a ajouté qu’il ne s’agit pas de
questions partisanes. Comme il l’a expliqué aux parlementaires, le problème
essentiel consiste à trouver un nouveau mode de pensée face à ces questions et,
à cet égard, l’apport des Alliés pourrait s’avérer vital.
Les délégués ont interrogé le professeur Suri sur
le « pivot » américain en Asie-Pacifique, la révolution qui ébranle
les marchés du pétrole et du gaz, l’équilibre adéquat entre puissance douce et
puissance dure, ainsi que le partage des charges au sein de l’Alliance. Le
professeur Suri a expliqué que les relations entre la Chine et les Etats-Unis
ne sont pas de pur endiguement et que le pivot s’appuie sur des relations
multilatérales bien réelles. Répondant à la question de savoir si le monde a
besoin de davantage d’analystes qualifiés, le professeur Suri a déclaré que
l’on ne manque pas de bons analystes politiques capables de répondre aux
questions stratégiques actuelles, mais qu’il pense que les politiciens ne les
écoutent pas toujours. Il a mentionné Dwight D. Eisenhower comme un excellent
exemple de président à l’écoute de ses conseillers politiques et acceptant de
débattre avec eux. Il a enfin instamment demandé que le personnel engagé par
les institutions publiques américaines soit plus nombreux et mieux formé, car
les défis actuels sont sans aucun doute très complexes.
VI. L’AVENIR DES FORCES AERIENNES AMERICAINES
A Austin, les Sous-commissions ont tenu une table
ronde sur l’avenir des forces aériennes avec trois sociétés de l’aérospatiale
et de la défense – Boeing, Lockheed-Martin et Sikorsky Innovations –, dans le
but notamment de recueillir des informations pour un Rapport spécial 2013 de la
Commission des sciences et des technologies sur « L’avenir de l’avion de combat :
vers une 6e génération ? ».
Richard S. McCrary,
en charge du développement des affaires internationales de Boeing Military
Aircraft, a exposé son point de vue sur la manière dont les forces aériennes se
sont transformées depuis la fin de la Guerre froide et sur la façon dont l’OTAN
et le secteur interagissent depuis lors. Après l’effondrement de l’Union
soviétique, les Etats membres voulaient récolter les « dividendes de la
paix », alors que – parallèlement – l’Alliance s’impliquait davantage dans
des missions de maintien de la paix. Au fil du temps, cela a conduit à des
approches novatrices de partage des ressources opérationnelles, en ce qui
concerne par exemple les AWACS et les C‑17 de l’OTAN, de même que la
mission de police aérienne Baltic Quick Reaction Alert. Richard S. McCrary a
expliqué qu’actuellement, il existe dans l'Alliance des turbulences imposées
par la situation économique mondiale et les préoccupations américaines
relatives au partage inéquitable des charges.
D’après Richard S. McCrary, ce contexte affecte
gravement le secteur de la défense aérospatiale, surtout au niveau de la
production des chasseurs, qui a fortement chuté après1990. A cette époque, sept
des neuf avionneurs pouvaient produire des chasseurs aux Etats-Unis, alors qu’ils
ne sont plus que deux aujourd’hui. L'intervenant a expliqué que, dans les
circonstances actuelles, les cycles de développement sont trop longs, trop
coûteux et déphasés par rapport à l’évolution des menaces. Il a déclaré aux
délégués que, dans le monde d’aujourd’hui, la « demi‑vie » de
la technologie se raccourcit : le temps qu’il faut pour contrer efficacement
les nouveaux systèmes aérospatiaux est considérablement plus court, ce qui
pourrait déstabiliser l’environnement stratégique mondial.
Pour l'orateur, les forces armées et l’industrie
sont confrontées à des défis similaires. Il a expliqué que les systèmes de
haute technologie donnent l’impression aux autorités qu’il faut moins d’avions
et de sorties, et moins d’entraînement. Or, la quantité constitue un facteur
que l’on ne peut négliger. Trop peu d’avions sont construits et achetés
aujourd’hui. Il en appelle à une meilleure analyse des menaces, afin que le
financement adéquat des forces aériennes militaires soit assuré. L’époque de la
Guerre froide était sans équivoque à cet égard, en raison de la focalisation
exclusive sur le Pacte de Varsovie. Il a ajouté que les similarités des futurs
systèmes sont certes importantes, mais qu’elles ne garantissent pas
nécessairement l’interopérabilité. Enfin, d’après lui, il convient de trouver
un juste équilibre entre besoins de l’Alliance et besoins nationaux.
Steve Williams,
président régional pour l’Europe continentale, Lockheed Martin’s Corporate
International Business Development Unit, a déclaré que les Etats membres de
l’OTAN doivent s’attendre à tout moment à des surprises stratégiques et a cité
comme exemple la menace représentée par les engins explosifs improvisés (EEI),
qui ont pris l’Alliance au dépourvu. Il pense que, dans le domaine aérien, des
surprises similaires pourraient attendre les Alliés, en raison notamment des
progrès des systèmes de défense aérienne. Il a ainsi expliqué que l’Alliance ne
pourrait déjà plus mener une opération en Syrie similaire à celle effectuée en
Libye. Il a affirmé qu’il est essentiel que les futurs aéronefs présentent
trois caractéristiques ils doivent être bon marché, capables de survivre et
différents de ce qui existe aujourd’hui.
Steve Williams a fait valoir que la situation des
pays alliés est nettement meilleure lorsqu’ils agissent de concert. Le
programme F-35 traduit ce désir. Alors que le F-16 a été développé uniquement
par les Etats-Unis et que les pays de l’Alliance n’en ont été équipés
qu’ultérieurement, l’idée pour le F-35 a consisté dès l’abord à assurer son développement
en commun. L'intervenant considère que ce genre d’approche multinationale doit
être renforcé. Pour l’avenir immédiat, il constate toutefois l’existence d’un
certain nombre d’obstacles à la solidité de la défense et de la sécurité. Le
débat sur le partage des charges doit aboutir pour permettre à l’OTAN d’aller
de l’avant et, malgré les importantes économies budgétaires, les forces armées
américaines doivent éviter de se muer en « coquille vide ».
Chris VanBuiten,
vice-président de Sikorsky Innovations, a exposé son point de vue sur l’avenir
des forces aériennes et sur le rôle que le giravion est appelé à jouer. Il a
contesté l’affirmation suivant laquelle les futures forces aériennes
demeureront articulées autour du chasseur, symbole de la puissance aérienne
tout au long de la Guerre froide. Les conflits récents ont montré que la
destruction des défenses aériennes et la prise des aéroports sont plus
représentatives du type de puissance aérienne émergente et que les giravions se
prêtent idéalement à ces tâches. Chris VanBuiten a fait valoir que les
giravions prouvent ce dont ils sont capables lors des conflits asymétriques
actuels, ainsi que leur utilité dans le monde civil. Les hélicoptères servent
au transport de troupes, aux opérations en zone urbaine, aux évacuations
sanitaires, à la recherche et au sauvetage, ainsi qu’à l’acheminement des
secours en cas de catastrophe. Ils conserveront leur valeur inestimable à
l’avenir.
En ce qui concerne les technologies futures,
Sikorsky Innovtations et le secteur des giravions en général cherchent à rendre
les hélicoptères plus indépendants encore des infrastructures. L'orateur a
expliqué que souvent, les zones de conflit potentielles ne disposent pas de
pistes adéquates permettant aux aéronefs à voilure fixe d’atterrir. Il a
cependant cité le F-35 à décollage et atterrissage vertical (VTOL) comme une
variante très intéressante pour de telles missions, tout en ajoutant que les
futurs systèmes aériens seront également plus souples qu’actuellement. Chris
VanBuiten a cité comme exemple le Blackhawk multi-rôle interarmées, puisqu’il
remplit 22 missions différentes pour les trois armes des forces américaines.
L’approche basée sur un seul « système de systèmes » gagnera, elle
aussi, en importance. A l’instar des poupées russes, les avions cargo pourront
transporter des hélicoptères jusqu’aux zones de combat et ceux-ci pourront à
leur tour transporter de petits véhicules aériens sans pilote (UAV). La
mobilité jouera également un plus grand rôle, car l’absence d’infrastructures
et la menace des EEI exigeront l’acheminement des équipements et des troupes
par voie aérienne d’une zone à une autre sur des théâtres souvent très étendus.
Les hélicoptères seront plus rapides, car Boeing et Sikorsky Innovations
collaborent au développement d’un remplaçant du Blackhawk et de l’Apache deux
fois plus rapide. Ils seront en outre capables de voler plus près du sol.
Ainsi, alors que les chasseurs, même furtifs, deviendront de plus en plus
vulnérables aux défenses aériennes, de tels hélicoptères pourront éviter plus
facilement ces dernières et disposeront d’une puissance de feu supérieure. Les
rotors en cours de développement pourront changer de forme pour adopter
différents profils, ce qui optimisera la consommation en carburant, le niveau
de bruit, la vitesse, etc., et les rendront donc plus adaptables. D’après Chris
VanBuiten, en prenant comme point de départ l’environnement économique et
budgétaire actuel, les giravions deviendront par ailleurs, selon lui, plus
abordables. Grâce à l’interconnexion de toutes les composantes du système, les
coûts pourront être dominés car les techniciens sauront exactement quand il
convient de remplacer certaines pièces. Pour l'intervenant, les UAV joueront un
rôle de plus en plus important, car ils pourront par exemple être lancés
d’hélicoptères pour servir d’éclaireurs. Les hélicoptères de l’avenir seront
également moins gourmands en carburant et Sikorsky Innovations effectue déjà
des tests sur des moteurs d’hélicoptère électriques.
Lors du débat entre les experts du secteur et les
délégués, de nombreux sujets ont été abordée, dont les progrès du programme
F-35 et la manière d’éviter à l’avenir toute erreur dans le processus. MM.
Williams et VanBuiten ont été tous les deux d’avis qu’une plus grande coopération
internationale sur des projets de défense était à fait envisageable. Chris
VanBuiten a souligné que durant la période de coupes budgétaires à venir, les
entreprises travaillant pour la défense pourront préserver le savoir-faire de
leur main-d’œuvre en accroissant leurs revenus commerciaux et en allant de
l’avant avec des démonstrateurs technologiques, indépendamment des actuelles
exigences des autorités. Richard S. McCrary a abordé également la question de
l’équilibre adéquat entre la discrétion et la vélocité des futurs avions à
réaction. Pendant la Guerre froide, a expliqué l'intervenant, on s’est rendu
compte qu’il était de moins en moins pratique de développer des avions à
réactions encore plus rapides. Il a affirmé que le niveau de furtivité des
futurs chasseurs atteindra également un point d’équilibre, car accroître ce
niveau n’est guère envisageable, en raison – par exemple – de l’augmentation
des coûts et des exigences accrues au niveau de la maintenance. MM. McCrary et
VanBuiten sont tombés d’accord avec certains délégués pour considérer que le
Grand Nord posera de considérables défis à l’avenir, en raison de la fonte des
glaces dans l’Arctique. Ce qui engendre, pour les aéronefs à voilure fixe ou
tournante, des problèmes particuliers que le secteur cherche à résoudre.
VII. AUSTIN: LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE AU MOYEN DE
L’INOVATION TECHNOLOGIQUE
La délégation a rencontré plusieurs universitaires
et responsables politiques de la ville d'Austin pour discuter du rôle important
joué par l’université dans l’économie de l'agglomération et du Texas dans son
ensemble. Austin est l’un des principaux centres d’innovation aux Etats-Unis,
en raison notamment de l’implantation au cœur de la ville d’une université dont
les recherches suscitent l’intérêt du monde entier. D’importantes initiatives
publiques et privées tirent profit de l’emplacement de l’université, des
recherches qu’elle effectue et du type de personnes que la ville attire pour
cette raison.
Juan Sanchez,
vice-président en charge de la recherche, a signalé que l’Université du Texas
compte 50 000 étudiants, dont 12 000 qui travaillent à l’obtention d’un Master
ou d’un doctorat. Les membres de la faculté et les étudiants proviennent du
monde entier. Le budget annuel de l’université atteint 2,2 milliards de
dollars. Quatre mille huit cents projets de recherche sont actuellement
financés et se répartissent en plus de 150 unités séparées. Le financement de
la recherche a représenté 620 millions de dollars au total en 2012.
L’Université du Texas à Austin détient plus de 800 brevets résultant de ces
recherches. Elle considère que sa mission consiste à éduquer, à générer des
connaissances et à diffuser le savoir.
La commercialisation de ce savoir suscite en outre
un intérêt croissant, qui débouche sur des partenariats innovants avec le
secteur privé. Une grande partie des recherches s’effectue dans les domaines de
l’ingénierie, de la physique et de la biologie. La majeure partie des
financements est destinée à l’ingénierie, aux études informatiques et à la recherche
biomédicale, mais l’université est également réputée pour les recherches
qu’elle mène dans les secteurs du pétrole et de la géologie. Au cours des six
dernières années, le montant du financement de la recherche émanant du secteur
privé a doublé, bien que les autorités fédérales demeurent le principal
bailleur de fonds dans ce domaine. L’Université du Texas, à l’instar des autres
grandes universités américaines de recherche, redoute que d’importantes
réductions du soutien fédéral à la recherche fondamentale ralentissent, voire
entraînent l’abandon d’une multitude de projets auxquels le secteur privé ne
s’intéressera jamais. Celui-ci a en effet plutôt tendance à soutenir la
recherche appliquée et non pas la recherche fondamentale.
L’Université du Texas figure parmi les 15
premières universités des Etats-Unis pour l’importance des sommes récoltées par
l’octroi de licences technologiques liées aux brevets qu’elle détient. Elle
possède le sixième ordinateur le plus rapide au monde et celui-ci constitue un
outil essentiel pour certaines recherches de pointe en cours. UT-Austin a
réalisé des avancées importantes au niveau des petits accélérateurs de
particules et créé une entreprise chargée de vendre des appareils de ce type.
L’université a reçu 20 millions de dollars en royalties en 2012 et un certain
nombre de membres de la faculté étoffent leur rémunération en réalisant des
recherches dont les résultats sont susceptibles d’être commercialisés.
Lauren McKinney, du Bureau de la petite entreprise du gouverneur Rick Perry, a
expliqué que l’économie du Texas est mondialement intégrée et que l’Etat
profite énormément des systèmes de libre-échange. Il tire des avantages de
l’ALENA et ses milieux d’affaires accueilleraient favorablement la création
d’une zone de libre-échange transatlantique. Au Texas, le soutien au
libre-échange est général et l’Etat est extrêmement bien situé pour pleinement
profiter d’un système commercial libéral. Il se trouve en effet en bordure du
cœur des Etats-Unis, du Mexique et du golfe du Mexique. Sa réglementation
économique est très propice aux échanges commerciaux ; les taxes et les
pesanteurs administratives sont faibles et le coût de la vie est très
concurrentiel. Dix-huit pourcent de la production de l’Etat font l’objet d’échanges
commerciaux, contre 9,8 % pour les Etats-Unis dans leur ensemble. La population
texane s’accroît rapidement et est jeune. Austin constitue le centre de
l’industrie de haute technologie de l’Etat et celui-ci compte près de
4 500 entreprises travaillant dans ce secteur, lesquelles représentent 14
% du total des emplois. De nombreuses entreprises d’autres Etats américains
viennent en outre s’implanter au Texas. Il n’est pas surprenant qu’Austin ait
été la dernière grande ville à connaître la récession et la première à en
sortir.
Ben Ramirez III, en
charge du développement économique à l’Austin Economic Growth and Redevelopment
Services Office, a pour sa part expliqué que 40 % des habitants de la ville
sont titulaires d’un baccalauréat ès arts (quatre années d’études) et que
nombre d’autres jeunes citadins viennent d’autres régions des Etats-Unis. La
ville soutient tout un éventail de projets pour promouvoir la formation de la
main-d’œuvre. Elle collabore étroitement avec le secteur privé pour veiller à
ce que les compétences dont celui-ci a besoin soient en adéquation avec celles
de la population. Austin se soucie fortement d’attirer la diversité et les
talents, tout en veillant à une haute qualité de vie pour que les personnes
compétentes aient envie d'y rester. L’Université du Texas joue un rôle central
dans tous ces domaines. Ses incubateurs de haute technologie dans tout un
éventail de secteurs contribuent à générer une approche très holistique pour
répondre à tous les besoins. La ville collabore avec huit universités locales
sur ces projets. Le conseil communal a créé un Telecom Emerging Technology
Council (Conseil technologique des activités de télécommunication en émergence)
et la ville consent de nombreux efforts pour faciliter son réseautage et son
marketing. Elle dispose également d’un petit programme de développement
commercial, pour aider les jeunes entreprises. Austin a fourni du terrain dans
son centre-ville pour la mise en place d’une communauté de recherche sur les
réseaux intelligents, afin de contribuer à la conception des systèmes
énergétiques de l’avenir. Certaines entreprises qui se sont engagées à investir
dans la région bénéficient d’un remboursement d’impôts si elles parviennent à
créer un certain nombre d’emplois.
John Butler, à la
tête de l’IC² Institute de l’Université du Texas, a parlé du rôle de cet
institut dans la transformation d'Austin en une véritable cité des sciences et
de l’innovation. L’intuition de base consistait à placer les sciences et
technologies au cœur même de la planification du développement urbain. D’autres
cas, dont le MIT de Boston et Stanford dans la Silicon Valley, ont été étudiés,
ce qui a contribué à définir la marche à suivre par l’Université du Texas et
les planificateurs. L’Austin Technology Incubator Program constitue un
indubitable succès sur le plan de la création d’un certain nombre de liens
entre l’université et le secteur privé dans la région d’Austin. L’un des
résultats de cette étroite collaboration entre l’université, la ville, les
acteurs commerciaux privés et le monde financier se situe au niveau de la
réduction et de la gestion des risques pour les futurs entrepreneurs. Cela
contribue à la promotion de la commercialisation de la recherche fondamentale
et a même conduit l’université à créer une maîtrise en commercialisation des
sciences et technologies, qui permet aux étudiants de mieux comprendre comment
faire sortir la science des laboratoires et l’intégrer au processus de création
de richesses. L’université a commencé à collaborer avec la Russie, la
République de Corée, la Pologne et le Mexique sur des projets similaires. Des
réseaux d’investisseurs « Angel » ont fait leur apparition dans tout
le Texas et apportent des capitaux indispensables aux jeunes entreprises
technologiques, qui ne peuvent pas obtenir de manière traditionnelle auprès des
banques l’argent dont elles ont besoin. Il s’agit-là d’un élément essentiel du
processus d’incubation. De telles initiatives ont contribué à faire d’Austin la
troisième ville des Etats-Unis eu égard au nombre d’entreprises de haute
technologie, après la Silicon Valley, liée à Stanford, et Route 128 autour de
Boston, liée au MIT.
Respectueusement soumis,
Mme Cheryl Gallant, députée, présidente, Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP
OTAN)