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Rapport

I. Introduction

Du 24 au 28 juin 2013, une délégation de 20 parlementaires de 12 Etats membres de l’OTAN et de la Suède, membre associé, s’est rendue à Austin et dans le Bassin permien autour de Midland, au Texas. Le principal objet de la visite consistait à étudier le boom de la production de pétrole et de gaz non conventionnels aux Etats-Unis dans leur ensemble et au Texas en particulier. Non seulement ce boom modifie radicalement les perspectives énergétiques aux Etats-Unis, mais il promet également de redéfinir leur approche stratégique, ce qui aura une myriade d’implications pour les relations économiques voire sécuritaires transatlantiques. La délégation des Sous-commissions sur les relations économiques transatlantiques et sur la sécurité en matière d’énergie et d’environnement de l’Assemblée parlementaire (AP) de l’OTAN était conjointement conduite par Léon Benoit (Canada) et Philippe Vitel (France).

Au cours de sa visite, la délégation a rencontré différentes personnes aux idées très divergentes sur le boom de l’énergie non conventionnelle, sur les potentialités qu’il génère pour l’économie des Etats-Unis et sur ses risques éventuels, en particulier pour l’environnement. La visite a offert aux parlementaires l’occasion d’aller au-delà d’une vue d’ensemble de la situation, d’examiner de près les avancées technologiques rendant ce boom possible et de communiquer avec des gens affectés par les événements sur le terrain. Les enseignements de la visite ont été intégrés au rapport 2013 de la Commission de l’économie et de la sécurité portant sur l'impact économique et stratégique de la révolution des pétrole et gaz non conventionnels [150 ESC 13 F].

Durant son séjour au Texas, la délégation a également mené un dialogue entre ses membres et avec des experts spécialisés sur des sujets présentant un intérêt particulier pour les deux Sous-commissions. Parmi les thèmes abordés figuraient d’autres sujets liés à la sécurité énergétique et environnementale, dont le rôle des énergies renouvelables au Texas ; les pressions du stress hydrique dans le sud-ouest des Etats-Unis et les initiatives énergétique de nature militaire ; les politiques de défense et de sécurité des Etats-Unis ; l'état du relations transatlantiques ; l'avenir de la puissance aérienne militaire ; de même que la manière dont les innovations technologiques stimulent la croissance économique à Austin.

II. LA REVOLUTION DU PETROLE ET DU GAZ NON CONVENTIONNELS

Le premier jour, la délégation a suivi des exposés qui ont préparé le terrain pour la suite de la visite à la Lyndon B. Johnson School of Public Affairs de l’Université du Texas à Austin (UT-Austin). Le professeur Varun Rai, chargé de cours sur les affaires publiques à l’UT-Austin, et le docteur Fred Beach, attaché de recherche auprès du Center for International Energy and Environmental Policy (Jackson School of Geosciences) et du Webber Energy Group (Département du génie mécanique) de l’UT-Austin, ont proposé à la délégation un aperçu général de la situation aux Etats-Unis en matière de sécurité et d’efficacité énergétiques. Ces exposés ont conduit à un débat sur les implications géostratégiques du boom énergétique non conventionnel et sur la manière dont il pourrait transformer l’économie des Etats-Unis et dont les Américains considèrent le reste du monde.

Le professeur Rai a commencé par attirer l’attention sur un paradoxe, à savoir l’accent mis par les Etats-Unis sur la sécurité énergétique : comparés à nombreux de leurs grands alliés, ils sont beaucoup moins dépendants de l’énergie provenant de l’étranger. Alors que l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Japon s’approvisionnent à des sources extérieures, les importations nettes des Etats-Unis n’ont couvert que 22 % de leurs besoins en énergie en 2010. D’après l’Energy Information Administration EIA (Agence d'Information sur l'Energie américaine), ce pourcentage devrait tomber à 13 % en 2035. Le docteur Beach a en outre fait valoir que les chiffres de l’EIA sont beaucoup trop prudents car ils surestiment les tendances en matière de consommation ; d’après lui, actuellement déjà, ce pourcentage n’atteint plus que 12,9 %. Il a admis que l’on ignore encore si les Etats-Unis deviendront un exportateur net d’énergie à l’avenir, mais – d’après certains scénarios – cela s’avère tout à fait possible.

Le professeur Rai a déclaré à la délégation qu’il est étrange que le gaz de schiste suscite une telle attention de la part des médias et du monde politique, alors que le boom de la production d’huile de schiste revêt bien plus d’importance aux Etats-Unis. Depuis les années 1970, la production pétrolière américaine était en déclin, le creux de la vague ayant été atteint en 2005/2006. Actuellement cependant, le pays est déjà le troisième producteur de pétrole en importance et il est d’avis que – dans cinq ans environ – il pourrait dépasser l’Arabie saoudite et être le principal producteur de pétrole au monde.

Les deux experts en énergie ont ensuite expliqué la révolution du pétrole et du gaz non conventionnels de manière plus détaillée, sous l’angle technologique et économique. A leurs yeux, cette révolution n’en est qu’à ses débuts. L’une des perspectives importantes qu’ils ont présentée réside dans l’ouverture de terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) le long du golfe du Mexique. A l’heure actuelle, le prix du gaz naturel est fort bas aux Etats-Unis (entre 3,79 et 4,42 dollars pour mille pieds cubes en mai 2013), mais élevé dans d’autres parties du monde (plus de 10 dollars en Europe et de 14 dollars en Asie pour mille pieds cubes), ce qui génère d’importantes possibilités d’exportation. Alors que de nombreux obstacles réglementaires subsistent, les deux orateurs pensent que ces terminaux recevront très probablement le feu vert des autorités. Cela prendra cinq à dix ans et coûtera beaucoup d’argent, mais les compagnies énergétiques croient aux bénéfices potentiels à retirer de l’exportation de GNL. L’EIA estime d’ailleurs qu’en 2035, les exportations nettes de gaz naturel par les Etats-Unis pourraient atteindre 5 %.

S’intéressant ensuite aux tendances en matière d’efficacité énergétique, qualifiée de « cinquième carburant », ils ont cité des exemples de domaines dans lesquels les efforts d’efficience énergétique s’avèrent payants aux Etats-Unis. A Austin, la construction d’une centrale électrique de 500 MW a pu être évitée grâce aux mesures en matière d’économie d’énergie. La Californie offre un autre bon exemple : les initiatives politiques initiées dans les années 1970 ont permis d’importantes améliorations de l’efficacité énergétique. Ils ont en outre déclaré que le Federal Weather Assistance Program, qui finance la rénovation de foyers modestes, affiche des résultats très encourageants. Il existe toutefois une énigme autour des mesures en matière d’efficacité énergétique : celles-ci sont très bon marché et génèrent même des bénéfices peu après que les investissements aient été effectués. Pourtant, le niveau des investissements reste faible. Elles pourraient dans une certaine mesure s’expliquer par des défaillances du marché et des questions de comportement. Les orateurs ont expliqué que des solutions commencent à apparaître, sous la forme par exemple de systèmes d’information à grande échelle, qui sont très utiles dans les grandes organisations, de mécanismes de rétro-information pour les clients et les producteurs, tels que des compteurs intelligents, et de révision des normes sociales. Ils ont également expliqué que les normes destinées à accroître l’économie de carburant des voitures édictées par le président Barack Obama auront un impact sur l’efficacité énergétique aux Etats-Unis.

Hoxie Smith, directeur du Petroleum Professional Development Center du Midland College, a expliqué à la délégation le rôle que jouent selon lui le Midland College et le centre qu’il dirige dans le boum pétrolier et gazier dans le Bassin permien, tout en fournissant un large aperçu du paysage énergétique mondial et américain, ainsi que de la révolution en matière d’extraction de l’huile et du gaz de schiste aux Etats-Unis dans leur ensemble et dans le Bassin permien en particulier.

Hoxie Smith a expliqué aux délégués qu’à long terme, le monde dépendra moins du carburant fossile et davantage des énergies renouvelables et du nucléaire, mais qu’à l’heure actuelle, le pétrole et le gaz naturel représentent une part très importante du bouquet énergétique mondial. C’est pourquoi le renouveau de la production pétrolière et gazière américaine représente une tendance très importante.

Aux Etats-Unis, les propriétaires fonciers détiennent les droits miniers associés à leurs terrains ce qui est radicalement diffèrent de ce qui se passe en Europe. En raison de cet état de fait, ils ont le plus grand intérêt à ce que l’extraction de ces ressources soit assurée. En Amérique du Sud, en Australie et en Chine, les opinions publiques et les autorités sont très intéressées par l’exploitation des gisements non conventionnels. En Europe par contre, l’attitude de l’opinion publique et des autorités face à l’extraction des ressources pétrolières et gazières non conventionnelles est pour le moins mitigée, en raison principalement de considérations environnementales. Enfin, la Russie et les pays du Golfe enfin n’éprouvent guère d’intérêt pour le pétrole et le gaz non conventionnels, en raison de l’abondance de gisements pétroliers et gaziers traditionnels dans ces parties du monde.

La principale raison de l’actuel boom non conventionnel réside dans les progrès technologiques, à savoir les techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique. Ces nouvelles techniques confèrent un second souffle à des gisements pétroliers qui avaient été abandonnés. C’est ainsi, par exemple, que dans le Bassin permien, le gisement de Sprayberry était jadis qualifié de « plus grand gisement pétrolier non rentable au monde » ; il pourrait aujourd’hui devenir le deuxième principal champ pétrolifère au monde.

Hoxie Smith réfute les affirmations des opposants aux nouvelles techniques suivant lesquelles elles représentent une menace pour les eaux souterraines. La fracturation hydraulique est pratiquée depuis six décennies et il a fait remarquer qu’aucune contamination d’eaux potables souterraines résultant du processus de fracturation, qui survient à des milliers de pieds sous les nappes aquifères, n’a jamais été signalée dans la région. Les puits sont en outre gainés de deux couches de ciment et deux enveloppes métalliques qui renforcent la protection contre la dispersion accidentelle de produits polluants dans les formations rocheuses moins profondes. Qui plus est, si le fluide de fracturation contient effectivement certains agents chimiques nocifs, la plupart des substances injectées dans les formations rocheuses peuvent être comparées à des produits de nettoyage courants tels que le savon. Pour accroître la transparence, de nombreuses compagnies américaines révèlent sur Internet les produits chimiques utilisés (fracfocus.org). Hoxie Smith réfute également l’affirmation suivant laquelle le boom est purement spéculatif. Il a assuré aux délégués que ce qui se produit dans les vastes gisements pétrolifères de la région se fonde sur la promesse d’un formidable accroissement de la production de pétrole. Hoxie Smith a également répondu aux craintes suivant lesquelles les nouvelles techniques entraîneront une surexploitation des nappes phréatiques d’une région déjà confrontée à un stress hydrique, en raison des quantités d’eau importantes exigées par la fracturation hydraulique. Il a expliqué que les compagnies utilisent de plus en plus des eaux saumâtres plutôt que de l’eau douce pour la fracturation. Il a poursuivi en déclarant qu’il est très improbable que la fracturation hydraulique puisse provoquer de dangereux séismes. Des tremblements de terre et des séismes mineurs sont certainement possibles et ont effectivement lieu, mais ils ne représentent aucun danger pour les infrastructures. Il a souligné que les compagnies énergétiques ont tout intérêt à ce que leurs activités d’exploitation non conventionnelles soient les plus sûres possibles, car elles ne veulent pas être poursuivies pour des dommages éventuels. Hoxie Smith a expliqué que de nombreux renseignements erronés sur ces techniques circulent dans le public et que beaucoup de leurs opposants sont en partie motivés par leur crainte de la nouveauté.

Le Bassin permien, qui s’étend sur une superficie d’environ 400 x 500 kilomètres, est la région des Etats-Unis où le plus de forages ont actuellement lieu. Les puits pratiqués dans ce bassin représentent 27 % des nouveaux forages dans l’ensemble du pays. Le Texas dans son ensemble abrite 24,3 % des réserves pétrolières et 29,5 % des réserves en gaz naturel des Etats‑Unis. Son histoire en tant que région productrice de pétrole a débuté en 1921. Plus de 1 300 gisements pétroliers et 30 zones pétrolières en formation ont été détectés. Quelque 500 installations de forage sont actuellement en activité. Hoxie Smith a indiqué avec force détails où se trouvent les ressources pétrolières et gazières dans le Bassin permien et expliqué les conditions géologiques qui en ont fait une zone d’une telle richesse, ainsi que les techniques nécessaires pour l’extraction de ces ressources.

Au Midland College, la délégation a également eu l’occasion d’entendre Willie Taylor, chef de la direction de la Permian Basin Workforce Development Board. Hoxie Smith et Willie Taylor ont expliqué la difficulté de répondre aux considérables exigences en main-d’œuvre d’une économie en plein essor et le rôle très particulier que les Community Colleges (Institut universitaire de technologie) jouent dans ce processus. Hoxie Smith a précisé que des établissements d’enseignement tels que le Midland College travaillent main dans la main avec les employeurs locaux, pour veiller à ce que les compétences qu’ils dispensent répondent aux exigences des entreprises. Cela fonctionne particulièrement bien dans les secteurs pétrolier et gazier, car de nombreuses compagnies pétrolières ont éliminé leurs sections de formation après le dernier effondrement du prix du pétrole. Ces entreprises collaborent désormais avec les Community Colleges à la mise en place de programmes de formation spécialisés pour leur personnel.

La population totale du Bassin permien avoisine les 420 000 habitants. A Midland, 29 % de la population active est directement employée dans les secteurs minier, de l’exploitation forestière et de la construction, mais naturellement une part très importante des quelque 120 000 habitants profite indirectement du boom de l’extraction pétrolière et gazière. D’après Willie Taylor, Midland a connu un certain nombre de périodes de prospérité dans le passé, mais le boom actuel est sans précédent. Il admet que, du point de vue du développement de la main-d’œuvre, il est incontrôlable. La région n’était pas préparée à un tel boom. Avant qu’il survienne, aucun nouvel appartement n’avait été construit en vingt ans, ce qui a entraîné une pénurie massive de logements, qui n’est toujours pas entièrement résolue.

Afin de stimuler la formation de la main-d’œuvre recherchée, la Permian Basin Workforce Development Board a établi une liste de professions ciblées qu’elle a envoyée aux écoles secondaires et aux institutions d’enseignement supérieur de la région. S’intéressant aux listes de postes vacants dans la région de Midland et d’Odessa (une ville voisine d’environ 100 000 habitants), Willie Taylor a déclaré que les emplois les plus recherchés sont ceux de camionneur, de responsable de personnel de vente au détail, ainsi que de spécialiste de l’entretien et des réparations. Dans ces emplois, la rémunération peut être très importante. En dépit des salaires élevés, il demeure néanmoins difficile d’attirer des gens à Midland, en raison de son éloignement, du caractère peu attrayant de l’environnement et d’un climat relativement torride, aux tempêtes de sable fréquentes. Les employeurs peuvent certes engager des travailleurs d’autres régions des Etats-Unis, mais il est difficile d’attirer de la main-d’œuvre d’autres pays, à la différence du Canada par exemple, où de nombreux étrangers travaillent dans les secteurs pétrolier et gazier dans des régions en plein essor telles que l’Alberta.

La délégation a rencontré d’autres administrateurs et membres de la faculté du Midland College, dont le doyen, Stephen Thomas, qui a décrit en termes généraux le rôle des Community Colleges dans le système éducatif américain et le rôle bien particulier que sa propre institution joue dans l’économie de la région de Midland. Il a souligné la contribution essentielle du Midland College dans la formation de travailleurs pour l’économie locale et fait remarquer que son rôle devient d’autant plus important que certaines entreprises n’offrent plus de formation de base. Il y a peu de temps encore, le « college » ne comptait que 600 étudiants ; il en accueille désormais 7 000. Des programmes de formation sans crédits scolaires, focalisés sur le développement des compétences, sont également proposés.

Hoxie Smith a expliqué les relations spécifiques qui existent entre les secteurs pétrolier et gazier et le Midland College, ainsi que le rôle joué par son Petroleum Development Program. Celui-ci est conçu pour fournir des formations très spécifiques adaptées aux besoins du secteur local de l’énergie. Ce programme forme des économistes, comptables, camionneurs, managers, développeurs informatiques, gestionnaires de l’eau, géologues et ingénieurs, tous spécialisés dans le secteur pétrolier et indispensables aux activités de ce dernier. Les nouvelles techniques de fracturation hydraulique sont elles aussi enseignées, tandis que tout un éventail de cours de gestion de l’environnement est dispensé. Des efforts sont consentis pour mettre en contact les plus grands talents du secteur et ces étudiants. Le programme collabore en outre avec l’industrie de l’énergie pour concevoir des séminaires spécifiques, sans crédits scolaires, qui aident les entreprises locales à satisfaire les exigences en formation des membres de leur personnel.

La délégation a également eu l’occasion de visiter un centre de formation de Chevron dans le Bassin permien. Ce centre est utilisé pour former les membres du personnel récemment embauchés appelés à travailler sur le terrain. La division Formation compte 27 bureaux sur le terrain et a recours à des modules de pointe pour la formation assistée par ordinateur, afin de veiller à ce que les travailleurs soient parfaitement préparés à appliquer procédures et méthodes. La délégation a effectué une visite détaillée du centre de formation, qui abrite la maquette d’un puits de pétrole montrant la manière dont fonctionne son système de pompage. La délégation a en outre rencontré des dirigeants de la Cadre Proppants Company à Brady, au Texas. Des entreprises comme Cadre produisent les mélanges de sable qui sont injectés dans les roches soumises à la fracturation hydraulique. Ces agents de soutènement maintiennent littéralement ouvertes les roches, ce qui facilite le dégagement du pétrole et du gaz prisonniers. Il s’agit-là d’un élément critique pour les activités pétrolières et gazières modernes, et des entreprises comme Cadre connaissent une explosion de la demande pour leurs produits, essentiels dans le processus de fracturation.

La délégation a de surcroît visité le Musée du pétrole du Bassin permien à Midland. La directrice du musée, Kathy Shannon, a retracé l’histoire de l’industrie pétrolière dans la région et expliqué le rôle joué par les prospecteurs/spéculateurs forant des « puits sauvages » dans le développement des champs pétrolifères autour de Midland dans les années 1920. Ces wildcatters (prospecteurs/spéculateurs) prenaient d’énormes risques en forant des puits et beaucoup d’entre eux devenaient extraordinairement riches si et quand ils trouvaient du pétrole. Kathy Shannon a également fait remarquer que l’économie de la région est extrêmement liée au sort de l’industrie pétrolière ; lorsque le prix du pétrole diminue, l’économie de la région est inévitablement en difficulté. Cela a été le cas lors de la Grande dépression, époque à laquelle le Texas était le principal producteur de pétrole et de gaz aux Etats-Unis. La Deuxième Guerre mondiale a entraîné une envolée des prix de l’énergie et la région s’est rapidement redressée après le malaise des années 1930. Sa richesse n’a fait que croître durant les années 1950, au même rythme que la croissance des Etats-Unis, car la révolution du transport reposant sur l’automobile et la prospérité nationale ont entraîné une explosion de la demande de pétrole.

Etant donné que l’Université du Texas détient les droits locatifs sur une part importante des champs pétrolifères, elle connaît une véritable manne financière qui lui permet d’apporter des améliorations majeures à son système d’enseignement. Celui-ci est ainsi devenu un vecteur de développement économique dans toute une série d’autres domaines. Durant les premières années, la majeure partie du gaz produit par le processus de forage faisait l’objet d’un torchage plutôt que d’être récupéré et vendu. La situation a évolué et, désormais, le Texas dispose des infrastructures pour capturer et vendre le gaz produit par le processus de forage. Le cartel de l’Organisation du pays exportateurs de pétrole (OPEP) a contribué à l’envol du prix mondial du pétrole dans les années 1970, ce qui a manifestement accru les revenus de la région.

Steven H. Pruett, président-directeur général d’Elevation Resources LLC a expliqué ce qui pousse un investisseur à opérer dans le Bassin permien. Ayant son siège à Midland, au Texas, son entreprise est une compagnie indépendante active dans le secteur du pétrole et du gaz naturel, dont la mission consiste à exploiter les ressources énergétiques du Bassin permien de manière rentable, durable et extensible. Il a d’abord fait remarquer que certains des gisements exploités dans les années 1930 continuent à produire du pétrole et que la technologie de la fracturation leur confère un second souffle. Il a ensuite expliqué qu’en elles-mêmes, les techniques de fracturation ne sont pas nouvelles, puisqu’elles ont été utilisées dès 1947. Les techniques de forage se sont toutefois radicalement améliorées. C’est la troisième fois qu’une évolution technologique entraîne une forte augmentation de la production dans la région du Bassin permien.

Le forage d’un puits vertical peut coûter deux millions de dollars, tandis que celui d’un puits horizontal peut atteindre dix millions de dollars. Tous ces forages exigent des quantités énormes d’infrastructures logistiques, telles que des oléoducs et gazoducs, des installations de stockage, des équipements de transport, etc. et les industries périphériques connaissent un véritable boom dans l’Ouest du Texas. Dans la région du Bassin permien, les rémunérations sont montées en flèche : le salaire moyen d’un ingénieur approche désormais les 300 000 dollars par an, tandis qu’un camionneur gagne plus de 100 000 dollars. Face à une telle structure salariale, il est très difficile d’imaginer que la région réussisse à diversifier sa base industrielle. En d’autres mots, la structure des coûts est déjà trop élevée pour que des entreprises non énergétiques choisissent de s’implanter dans la région du Bassin permien. En conséquence, celle-ci demeurera probablement vulnérable aux cycles d’expansion et de récession du genre de ceux qui caractérisent depuis longtemps l’économie locale.

La situation dans l’Ouest du Texas est très différente de celle qui prévaut dans d’autres parties du monde susceptibles d’exploiter des ressources en pétrole et gaz non conventionnels. L’environnement économique et réglementaire dans le Bassin encourage la prise de risques et le développement rapide du secteur. Cela n’est pas le cas dans beaucoup d’autres parties du monde. A cela vient s’ajouter une concentration de travailleurs qualifiés et de cadres expérimentés qui rendent ces gisements très concurrentiels. En comparaison, l’environnement économique au Mexique et en Argentine est beaucoup moins dynamique et, dans ces deux pays, l’Etat est beaucoup plus interventionniste et pesant. Ce genre de problèmes - s’ajoutant à des questions liées à la densité de la population, ainsi qu’à des conditions hydrologiques et du couvert végétal - entrave ailleurs le développement des industries pétrolière et gazière non conventionnelles.

Des prix plus élevés et les nouvelles techniques de forage constituent les principaux incitants à l’accroissement de la production. Le monde des affaires est convaincu que la production de brut terrestre continuera à augmenter. La formation de Bakken dans le Dakota du Nord produit une énorme quantité d’or noir grâce à la mise en œuvre de technologies de forage horizontal qui le rendent accessible. Le défi consiste à acheminer ce pétrole jusqu’au marché. Le pétrole de Bakken est actuellement expédié par rail et de nouveaux oléoducs seraient nécessaires pour réduire les coûts. Les autorités des Etats-Unis n’ont pas encore donné leur accord pour la construction de l’oléoduc Keystone XL pour l’acheminement du pétrole brut de l’Alberta jusqu’aux raffineries texanes. Il est sûr que cet oléoduc renforcerait la sécurité énergétique américaine, mais il concurrencerait également le pétrole de l’Ouest du Texas. L’acheminement du pétrole par oléoduc est plus sûr et généralement moins cher que par rail.

Les autorités des Etats-Unis interdisent aux producteurs américains d’exporter du pétrole brut, même si quelque 145 000 barils ont été exportés au Canada l’an dernier. Ces mêmes autorités autorisent toutefois l’exportation de produits raffinés. Le Texas et la Louisiane accueillent l’essentiel des infrastructures de raffinage américaine et il est probable que le raffinage du GNL viendra compléter le bouquet. A l’heure actuelle, le prix du gaz naturel est tellement bas que l’activité du secteur gazier se ralentit. L’augmentation du prix, qui pourrait résulter de la construction d’installations d’exportation de GNL, encouragerait probablement l’exploitation de beaucoup plus de gisements gaziers.

M. Pruett a expliqué que le secteur a toutes les raisons de protéger les ressources en eau limitées de la région et il a fait remarquer qu’il n’existe aucun exemple d’activité de fracturation hydraulique ayant contaminé une nappe aquifère de la région. Un incident bien connu survenu dans le Nord des Etats-Unis s’explique par la rupture de la paroi mal cimentée d’un puits. Depuis lors, les réglementations sont devenues beaucoup plus strictes. M. Pruett a souligné que de tels incidents sont hautement improbables aujourd’hui, tout en reconnaissant que les parois de puits très anciennes pouvaient poser problème et qu’il convient de remédier à la situation.

III. LA SECURITE ENERGETIQUE ET ENVIRONNEMENTALE AU TEXAS ET AUX ÉTAS-UNIS EN GENERAL

B. J. Stanbery, Président de la Texas Renewable Energy Industries Association (TREIA), a exposé les perspectives en matière d’énergies renouvelables au Texas. Il a attiré l’attention sur le fait que le Texas est un leader en matière de développement des technologies photovoltaïques et que d’énormes efforts sont consentis pour accroître le potentiel solaire de l’Etat. La TREIA collabore avec des entreprises actives dans les secteurs des énergies solaire, éolienne, verte, géothermique et hydrolienne au Texas, soutient leur développement et les aide à contribuer à la production énergétique de l’Etat. Au nom de ces entreprises, elle fait pression sur l’Etat et travaille en étroite collaboration avec les responsables des services publics et de leur régulation. Le Texas dispose d’un réseau électrique autonome, tandis que les deux autres réseaux américains sont réglementés par les autorités fédérales. La TREIA doit accorder une attention particulière au pouvoir législatif et aux autorités régulatrices texans s'agissant de toutes les questions relatives au réseau de l’Etat, bien qu’elle traite également avec le Congrès américain, l’Agence pour la protection de l’environnement et le Federal Electricity Reliability Council.

La loi exigeant qu’une fraction de la capacité énergétique totale soit générée par le biais d’énergies renouvelables est très utile pour le secteur. La politique du Texas en matière d'énergies renouvelables s'appuie sur une approche axée sur le marché : elle se base principalement sur les signaux du marché et la levée des obstacles administratifs. Selon ses adeptes, cette approche récompense la performance et développe des marchés compétitifs. Le Texas a recours aux signaux du marché pour orienter sa politique, aux fins d'améliorer la performance et d'assurer le développement de marchés efficients en matière d'énergies renouvelables. L’Ouest du Texas est devenu un producteur essentiel d’énergie éolienne, mais des efforts doivent encore être accomplis pour étendre le réseau et construire davantage de lignes de transmission de l’électricité. La TREIA estime que cela coûtera 6,85 milliards de dollars. Au Texas, les clients peuvent choisir la source de leur électricité.

La délégation a eu l’occasion de visiter l’une des plus grandes fermes solaires du Texas, à Weberville. Cette exploitation est connectée au réseau électrique. La délégation a été informée des mécanismes réglementaires et de fixation du prix qui en assurent la rentabilité et permettent à l’exploitation de contribuer au profil de consommation énergétique de la région d’une manière qui minimise son empreinte environnementale. L’énergie solaire voit son coût diminuer sans cesse grâce aux améliorations technologiques; à long terme, elle rivalisera sur le plan des coûts avec les autres carburants utilisés pour produire de l’électricité.

Kevin Gresham, vice-président pour les Affaires extérieures de E.ON Climate & Renewables North America, a expliqué que les décideurs politiques texans ont fait preuve d’énormément de clairvoyance en contribuant à faire entrer les énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l’Etat. E.ON est un intervenant incontournable pour les parcs d’éoliennes aux Etats-Unis et le Texas constitue le principal producteur d’énergie éolienne du pays. Il y a beaucoup de vent dans cet Etat. Qui plus est, l’Ouest du Texas et la côte du Golfe du Mexique présentent des configurations des vents différentes, ce qui atténue le problème de l’intermittence et permet d’équilibrer plus efficacement les charges d’énergie éolienne. E.ON estime que le Texas pourra produire beaucoup plus d’énergie de ce type si des investissements suffisants sont consentis dans le réseau de distribution. Le secteur éolien emploie actuellement 26 000 personnes, dont la plupart vivent en région rurale.

Peter L. Pfeiffer, dirigeant de Barley & Pfeiffer Architects, a pour sa part décrit les nombreuses manières dont les maisons d’habitation et les immeubles peuvent être construits ou modernisés de façon à réduire fortement la consommation d’énergie. Il a fait remarquer qu’au niveau de la politique publique, il est essentiel de favoriser la construction d’immeubles « verts », qui consomment moins d’énergie et moins d’eau que les maisons traditionnelles. A grande échelle, cela peut réduire la demande de nouvelles centrales électriques et l’empreinte environnementale des propriétaires d’habitations. Peter L. Pfeiffer est persuadé qu’il peut être beaucoup plus efficace d'axer focaliser les efforts en matière d’économie d’énergie sur les foyers plutôt que sur les centrales énergétiques. Des adaptations élémentaires sur le plan de la conception peuvent accroître l’efficience thermique, améliorer la santé, abaisser la consommation d’énergie et réduire l’empreinte environnementale d’agglomérations entières. L’on peut accomplir bien plus pour accroître l’efficacité énergétique en limitant la taille des maisons, en veillant à ce qu’elle soient bien isolées et orientées par rapport au soleil, en utilisant la végétation naturelle pour la protection solaire, en cultivant des plantes de jardin n’exigeant que peu d’eau et en ayant recours à un éclairage et à des appareils électriques efficients, qu’en utilisant des panneaux solaires. Ces solutions sont en outre souvent bon marché.

Danny D. Reible de Environmental Health Engineering et directeur du Center for Research in Water Resources de l’Université du Texas à Austin (UT-Austin), s’est quant à lui intéressé au rapport entre énergie et développement économique d’une part, et stress hydrique de l’autre. Il a constaté que l’eau est fondamentalement sous-tarifée, car sa rareté se reflète rarement dans le prix payé par le consommateur. Il s’agit-là d’un facteur fondamental face à l’actuelle crise de l’eau dans l'ouest de Texas. Au Texas, 58 % de la demande en eau émane du secteur agricole, lequel ne représente dans son ensemble qu’environ 0,6 % de l’économie. Cette situation n’est pas viable économiquement. Le stress hydrique est désormais aggravé par l’essor de la fracturation hydraulique. La formation Eagle Ford est devenue la référence par excellence pour la bataille de l’eau au Texas. En bref, l’eau y est pompée dans la nappe aquifère à un débit insoutenable, une situation encore aggravée par la persistance d’une grave sécheresse dans l’Etat.

La solution à ce problème complexe sera nécessairement multidimensionnelle. Dans le domaine agricole, le Texas pourrait devoir renoncer à des cultures qui exigent énormément d’eau. Il est en outre important de prendre une série de mesures de conservation, surtout en raison de l’augmentation de la population. Des installations de traitement de l’eau sont nécessaires. Un traitement permettant la désalinisation de certaines sources d’eau souterraine offre une autre alternative pour remédier à la pénurie.

John King de RideScout, a parlé des efforts entrepris par l’armée américaine pour parvenir à une plus grande efficacité énergétique. Le président Obama a décrété qu’en 2025, 25 % de l’énergie utilisée par le département de la Défense devrait provenir de sources renouvelables. John King a signalé que cela suscite certaines préoccupations dans le département, bien que cela soit secondaire par rapport à la sécurité et à l’efficacité opérationnelle des troupes américaines. De nombreuses améliorations sont néanmoins possibles. Si le département de la Défense était un pays, il se classerait 58e au monde en matière de consommation énergétique et 34e en termes de consommation d’eau. Dix-huit pourcent des pertes américaines lors des conflits récents sont liées à des efforts visant à réapprovisionner en carburant et en eau des troupes engagées dans des opérations offensives. L’approvisionnement en énergie et en eau met ainsi en danger les forces américaines et la question a donc des implications directes et indirectes non seulement en matière de sécurité, mais également de budget et d’environnement.

Il existe un certain nombre de projets visant à conférer une plus grande efficacité énergétique aux installations militaires, y compris dans les zones de théâtre. Le point essentiel est toutefois que ces projets ne peuvent en aucun cas entraver les opérations. La marine est fortement impliquée dans l’utilisation de biocarburants, tandis que l’armée de l’air cherche à obtenir des aéronefs plus légers, pour réduire la consommation en carburant.

IV. RENCONTRE AVEC DES ASSOCIATIONS ENVIRINNEMENTALES ET DES ADVERSAIRES DU SECTEUR PETROLIER

La délégation a eu l’occasion de s'entretenir avec plusieurs adversaires de la fracturation hydraulique. Dewayne Quertermous, à la tête de l’initiative Beyond Natural Gas du Sierra Club, a décrit le travail de ce dernier. Il a expliqué que l’un des objectifs de l’organisation consiste à faire que l’économie nationale cesse d'avoir recours aux carburants fossiles. Dewayne Quertermous a fait valoir que si la combustion du gaz naturel est plus propre que celle du charbon, il ne s’agit pas en soi d’une technologie propre. Il a souligné que le méthane, un sous-produit de la production du gaz naturel, a des effets importants sur le réchauffement climatique. Une étude récente de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et de l’Université du Colorado à Boulder estime que, dans la région du bassin de Denver-Julesburg, les producteurs de gaz naturel dissipent environ 4 % de leur gaz dans l’atmosphère. Comme le méthane piège 25 fois plus de chaleur dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone, des émissions de cette ampleur pourraient neutraliser l’avantage environnemental que le gaz naturel est censé avoir sur les carburants fossiles. Dewayne Quertermous a indiqué qu’en conséquence, le GNL a une quantité d’effets sur le climat et que la technologie de fracturation utilisée pour la remontée du gaz affecte la qualité de l’eau, ce que les représentants du secteur démentent formellement. Il a ajouté qu’en moyenne, un puits de fracturation utilise de 11 à 19 millions de litres d’eau et que la majeure partie de cette eau est prélevée sur les cycles hydrologiques ou devient une source de pollution.

Dewayne Quertermous a déclaré à la délégation que les estimations actuelles concernant les réserves de gaz aux Etats-Unis sont considérablement surévaluées et qu’elles ne tiennent pas compte du taux rapide d’épuisement. D’après lui, les projections ont tendance à ne prendre en compte que des hypothèses idéales, ce qui fausse les estimations à la hausse. Pour lui, plutôt que de focaliser les ressources politiques et économiques sur le développement des gisements pétroliers et gaziers non conventionnels, il vaudrait mieux cibler les financements sur le développement et la commercialisation des énergies renouvelables.

Deborah Rogers, directrice exécutive de l’Energy Policy Forum, s’est livrée à une critique économique des promesses liées au pétrole et au gaz non conventionnels. Elle a expliqué qu’une grande partie du battage médiatique concernant le secteur ne sert qu’à dissimuler ce qu’elle qualifie d’accaparement des terres. Pour Deborah Rogers, ceux qui sont impliqués dans des baux fonciers dans les régions productrices de pétrole et de gaz ont tout intérêt à surévaluer les réserves, car cela confère une plus grande valeur aux surfaces baillées. Comme le gaz est actuellement très bon marché, une grande partie de l’attention économique porte sur le marché du bail d’exploitation. Elle a ajouté qu’il est improbable que la production gazière et pétrolière non conventionnelle soit très profitable à long terme et que le coût des externalités n’est pas compris dans le prix final. Au nombre des externalités, elle a cité la dégradation du réseau routier, qui – d’après elle – coûte davantage à l’Etat du Texas que les revenus qu’il retire du secteur. Elle a fait valoir que cela est également vrai dans l’Arkansas et en Pennsylvanie. Elle a en outre signalé que, dans certaines parties des Etats-Unis, le pétrole est transporté par train, ce qui coûte trois fois plus cher que l’utilisation d’oléoducs. Elle s'est demandée ouvertement pourquoi il n’y avait pas davantage de nouveaux oléoducs en construction et a estimé que cela pourrait refléter un manque de confiance dans les perspectives à long terme offertes par le secteur. Deborah Rogers a relevé que la production des puits a tendance à être très importante au départ, mais qu’elle s’amenuise rapidement, ce qui contraint les producteurs à procéder à des forages constants. Elle pense que la production dans la région de Baaken a culminé en juin 2010 et que cela pourrait être le reflet d’une tendance générale dans le secteur. Il s’agit ici encore d’une affirmation rejetée par les représentants de celui-ci.

Sharon Wilson, organisatrice du projet de responsabilisation des producteurs de pétrole et de gaz EARTHWORKS, s’est également montrée critique à l’encontre du secteur. Elle a d’abord indiqué que la quantité d’eau utilisée par le secteur pétrolier et gazier non conventionnel était sous‑estimée. Elle pense que les affirmations suivant lesquelles l’eau est recyclée sont fausses, car une partie de l’eau est pompée trop profondément sous la surface et devient irrécupérable. Son principal grief a toutefois porté sur les conséquences alléguées pour la santé publique dont le secteur est accusé et en particulier sur les produits chimiques que le secteur déverserait dans l'environnement. Sharon Wilson a indiqué que l’exposition aux produits chimiques utilisés par le secteur entraîne des problèmes de peau persistants, une fatigue généralisée et d’autres maux.

Elle s’est également penchée sur le coût social lié à l’essor de l’industrie pétrolière et gazière au Texas. L’afflux massif et soudain de travailleurs dans les régions productrices surcharge les services sociaux, le marché des habitations et les écoles. On constate une forte augmentation des maladies sexuellement transmissibles et des arrestations pour des affaires de drogue dans les communautés rurales, une situation que l’on retrouve dans d’autres communautés du pays où l’exploitation du pétrole et du gaz non conventionnels est pratiquée. Elle a enfin parlé de la manière dont les contentieux portant sur ces problèmes sont traités. Le secteur a tendance à étouffer les plaintes par le biais de « motions de bâillon », qui empêchent l’information du public sur les cas en question. Cela a tendance à limiter les débats publics sur les conséquences pour l’environnement des activités du secteur et bafoue le droit à l’information des communautés qui examinent des demandes d’autorisation de forage présentées par le secteur. D’après Sharon Wilson et EARTHWORKS, cela complique considérablement les efforts pour récolter des données sur l’impact que du secteur sur la santé publique et l’environnement.

V. LA POLITIQUE DE DEFENSE ET DE SECURITE DES ETATS-UNIS

La visite à la Lyndon B. Johnson School of Public Affairs a offert à la délégation l’occasion de discuter de l’actuelle politique de défense et de sécurité des Etats-Unis, et notamment de la manière de renforcer les liens transatlantiques, avec l’ambassadeur Robert Hutchings, le doyen de l’Ecole, qui – au cours de sa carrière diplomatique – a notamment rempli les fonctions de président du National Intelligence Council et de directeur pour les Affaires européennes du National Security Council.

Le professeur Eugene Gholz, professeur agrégé à l’Ecole, a parlé des acquisitions de matériel militaire à l’ère des restrictions budgétaires. Dès le début 2010, alors que le professeur Gholz travaillait pour le Pentagone, Robert Gates, le secrétaire à la Défense de l’époque, a commencé à s’inquiéter des futures réductions budgétaires. Le secrétaire Gates a donc lancé deux initiatives – l’« Efficiency Initiative » et « Better Buying Power » – destinées à mieux supporter ces réductions. Dans le cadre de celles-ci, le département de la Défense (DOD) pouvait dépenser de l’argent économisé ailleurs pour procéder à des acquisitions plus pressantes. En 2011, toutefois, il a été procédé à des coupes en douceur d’environ 50 milliards de dollars dans le cadre des dépenses projetées. Depuis lors, un grand compromis sur le budget américain de la défense ne s’est toujours pas matérialisé et la « séquestration » a frappé en 2013, un instrument budgétaire qui, pour le professeur Gholz, revient à « découper de la viande à la hache ». Cette séquestration double plus ou moins les réductions décidées.

Le professeur Gholz a rejeté l’affirmation souvent alléguée par les politiciens suivant laquelle le budget de la défense protège des emplois. Il a expliqué que « les dépenses de défense constituent une manière extrêmement inefficace de soutenir l’emploi » et que le DOD lui-même n’aime pas cette affirmation, notamment parce qu’elle constitue une insulte à la fierté professionnelle : « L’armée n’a pas pour vocation de promouvoir les emplois, mais de défendre la sécurité nationale. » Qui plus est, les produits liés à la défense sont très gourmands en capitaux et en technologie, ce qui limite l’effet pour les emplois des dollars consacrés à la défense, en comparaison de nombreuses autres dépenses publiques. Eugene Gholz a en revanche soutenu que de petits investissements ciblés dans certains segments de la chaîne d’approvisionnement du système de la défense sont justifiés afin de protéger les emplois pour lesquels une requalification des travailleurs reviendrait très cher à l'avenir et prendrait beaucoup de temps. Il est illogique de poursuivre un programme complet parce que l’on veut protéger l’une de ces parties cruciales, a-t-il expliqué, qualifiant cette approche de « solution d’un milliard de dollars à un problème d’un million de dollars ». Il a cité en exemple la volonté réitérée du Congrès de poursuivre le programme des véhicules de combat Bradley, bien qu’ils ne soient pas nécessaires. Le DOD préfère cibler des investissements s’adressant à des usines « de taille adéquate » et actualiser les techniques de fabrication, en préservant les compétences qui seront nécessaires pour produire de nouvelles plates-formes, telles que des véhicules de combat, si le besoin s’en faisait sentir.

Pour fournir des exemples de la complexité actuelle des chaînes d’approvisionnement de plates-formes pour la défense, le professeur Gholz a présenté un certain nombre de cas concrets. Des milliers d’unités de production sont souvent impliquées et il n’est pas rare que des usines étrangères assurent plus de 10 % des chaînes d’approvisionnement. Pour assurer la protection des emplois essentiels dans le secteur de la défense, il est capital que les entreprises qui visent principalement des contrats avec l’armée soient encouragées à accroître leurs activités commerciales. Si cela n’est pas possible, les autorités doivent veiller à ce que ces entreprises, souvent des PME, soient chargées de la réalisation de petites commandes ciblées.

Autre problème crucial lié à la réduction des dépenses de défense via la suppression de programmes : comme les chaînes d’approvisionnement entre systèmes sont désormais interconnectées, les coûts d’autres programmes sont appelés à augmenter de manière exponentielle et le DOD ne disposera donc pas de tout l’argent sur lequel il comptait. Cela exige une analyse approfondie et la « séquestration » ne constitue pas un outil qui favorisera une telle analyse.

Comme l’a expliqué le professeur Gholz, les acquisitions de matériel militaire sont relativement mondialisées. En effet, les marchés de la défense du Canada et des Etats-Unis sont largement intégrés, tandis que de nombreux sous-traitants mexicains et européens fournissent de multiples services aux programmes américains. Même des sous-traitants asiatiques se partagent une partie du gâteau, bien que, le plus souvent, par le biais de produits commerciaux. Par ailleurs, il est fréquent que les unités de production aux Etats-Unis appartiennent à des intérêts étrangers.

En conclusion, pour le professeur Gholz les dépenses de défense peuvent diminuer et elles le feront, mais ces diminutions doivent s’effectuer avec prudence et non pas par le biais d’instruments aveugles tels que la « séquestration ».

Le professeur Jeremi Suri, titulaire de la chaire Mack Brown de leadership dans les affaires mondiales à la Lyndon B. Johnson School, a abordé les dilemmes de la politique étrangère qui résultent des actuelles menaces diffuses et de ressources limitées.

Les recherches du professeur Suri se focalisent sur l’évolution de la manière dont les Américains perçoivent la sécurité et la politique étrangère au fil du temps et sur la façon dont les perceptions anciennes influencent les idées d’aujourd’hui. En matière de dépenses de défense, la perception de l’opinion publique américaine est traditionnellement très influencée par la dette publique en pourcentage du PIB: lorsque la dette publique est modeste, il semble y avoir davantage d’argent à consacrer au budget de la défense et de la sécurité. Alors que Jeremi Suri ne considère pas qu’il s’agisse là du meilleur moyen d’envisager le niveau des dépenses de sécurité et de défense, ces perceptions sont souvent à l’origine des budgets américains. Il craint qu’à l’avenir il y ait moins de ressources disponibles pour ces postes. Les budgets du département d’Etat et de l’aide extérieure seront en outre plus rabotés que le budget de l’armée, bien que – d’après lui – cette approche soit à courte vue. Selon Jeremi Suri, un tel comportement ne concerne pas uniquement la politique étrangère américaine, mais est malheureusement très répandu.

En sus de ces préoccupations en matière de ressources, il est clair que les menaces deviennent plus diffuses depuis l’époque de la Guerre froide. Il n’y a plus de menace unique, comme celle jadis représentée par l’Union soviétique. Jeremi Suri a fait valoir que, paradoxalement, les Etats-Unis sont plus en sécurité aujourd’hui qu’à toute autre époque de leur histoire, mais le plus large éventail de menaces par ailleurs plus réduites complique l’évaluation de ces dernières, alors que les ressources sont limitées. La Chine, la Péninsule coréenne, l’Iran, la Syrie, la cybersécurité et le terrorisme sont autant de défis qui doivent être relevés au travers de la politique étrangère, mais l’orateur se demande dans quelle mesure ils se distinguent entre eux et quels sont les problèmes de sécurité qui exigent qu’on leur consacre davantage de ressources. Aucune réponse claire n’est apportée à ces questions. En conséquence, pour le professeur Suri, l’establishment politique et l’opinion publique américains doivent débattre en profondeur : a) des objectifs et priorités de la politique étrangères, b) de la quantité de ressources à consacrer aux objectifs et priorités; et c) de la manière dont les progrès doivent être mesurés. Les Etats-Unis n’ont pas mené un tel débat depuis plus de 50 ans. Jeremi Suri a ajouté qu’il ne s’agit pas de questions partisanes. Comme il l’a expliqué aux parlementaires, le problème essentiel consiste à trouver un nouveau mode de pensée face à ces questions et, à cet égard, l’apport des Alliés pourrait s’avérer vital.

Les délégués ont interrogé le professeur Suri sur le « pivot » américain en Asie-Pacifique, la révolution qui ébranle les marchés du pétrole et du gaz, l’équilibre adéquat entre puissance douce et puissance dure, ainsi que le partage des charges au sein de l’Alliance. Le professeur Suri a expliqué que les relations entre la Chine et les Etats-Unis ne sont pas de pur endiguement et que le pivot s’appuie sur des relations multilatérales bien réelles. Répondant à la question de savoir si le monde a besoin de davantage d’analystes qualifiés, le professeur Suri a déclaré que l’on ne manque pas de bons analystes politiques capables de répondre aux questions stratégiques actuelles, mais qu’il pense que les politiciens ne les écoutent pas toujours. Il a mentionné Dwight D. Eisenhower comme un excellent exemple de président à l’écoute de ses conseillers politiques et acceptant de débattre avec eux. Il a enfin instamment demandé que le personnel engagé par les institutions publiques américaines soit plus nombreux et mieux formé, car les défis actuels sont sans aucun doute très complexes.

VI. L’AVENIR DES FORCES AERIENNES AMERICAINES

A Austin, les Sous-commissions ont tenu une table ronde sur l’avenir des forces aériennes avec trois sociétés de l’aérospatiale et de la défense – Boeing, Lockheed-Martin et Sikorsky Innovations –, dans le but notamment de recueillir des informations pour un Rapport spécial 2013 de la Commission des sciences et des technologies sur « L’avenir de l’avion de combat : vers une 6e génération ? ».

Richard S. McCrary, en charge du développement des affaires internationales de Boeing Military Aircraft, a exposé son point de vue sur la manière dont les forces aériennes se sont transformées depuis la fin de la Guerre froide et sur la façon dont l’OTAN et le secteur interagissent depuis lors. Après l’effondrement de l’Union soviétique, les Etats membres voulaient récolter les « dividendes de la paix », alors que – parallèlement – l’Alliance s’impliquait davantage dans des missions de maintien de la paix. Au fil du temps, cela a conduit à des approches novatrices de partage des ressources opérationnelles, en ce qui concerne par exemple les AWACS et les C‑17 de l’OTAN, de même que la mission de police aérienne Baltic Quick Reaction Alert. Richard S. McCrary a expliqué qu’actuellement, il existe dans l'Alliance des turbulences imposées par la situation économique mondiale et les préoccupations américaines relatives au partage inéquitable des charges.

D’après Richard S. McCrary, ce contexte affecte gravement le secteur de la défense aérospatiale, surtout au niveau de la production des chasseurs, qui a fortement chuté après1990. A cette époque, sept des neuf avionneurs pouvaient produire des chasseurs aux Etats-Unis, alors qu’ils ne sont plus que deux aujourd’hui. L'intervenant a expliqué que, dans les circonstances actuelles, les cycles de développement sont trop longs, trop coûteux et déphasés par rapport à l’évolution des menaces. Il a déclaré aux délégués que, dans le monde d’aujourd’hui, la « demi‑vie » de la technologie se raccourcit : le temps qu’il faut pour contrer efficacement les nouveaux systèmes aérospatiaux est considérablement plus court, ce qui pourrait déstabiliser l’environnement stratégique mondial.

Pour l'orateur, les forces armées et l’industrie sont confrontées à des défis similaires. Il a expliqué que les systèmes de haute technologie donnent l’impression aux autorités qu’il faut moins d’avions et de sorties, et moins d’entraînement. Or, la quantité constitue un facteur que l’on ne peut négliger. Trop peu d’avions sont construits et achetés aujourd’hui. Il en appelle à une meilleure analyse des menaces, afin que le financement adéquat des forces aériennes militaires soit assuré. L’époque de la Guerre froide était sans équivoque à cet égard, en raison de la focalisation exclusive sur le Pacte de Varsovie. Il a ajouté que les similarités des futurs systèmes sont certes importantes, mais qu’elles ne garantissent pas nécessairement l’interopérabilité. Enfin, d’après lui, il convient de trouver un juste équilibre entre besoins de l’Alliance et besoins nationaux.

Steve Williams, président régional pour l’Europe continentale, Lockheed Martin’s Corporate International Business Development Unit, a déclaré que les Etats membres de l’OTAN doivent s’attendre à tout moment à des surprises stratégiques et a cité comme exemple la menace représentée par les engins explosifs improvisés (EEI), qui ont pris l’Alliance au dépourvu. Il pense que, dans le domaine aérien, des surprises similaires pourraient attendre les Alliés, en raison notamment des progrès des systèmes de défense aérienne. Il a ainsi expliqué que l’Alliance ne pourrait déjà plus mener une opération en Syrie similaire à celle effectuée en Libye. Il a affirmé qu’il est essentiel que les futurs aéronefs présentent trois caractéristiques ils doivent être bon marché, capables de survivre et différents de ce qui existe aujourd’hui.

Steve Williams a fait valoir que la situation des pays alliés est nettement meilleure lorsqu’ils agissent de concert. Le programme F-35 traduit ce désir. Alors que le F-16 a été développé uniquement par les Etats-Unis et que les pays de l’Alliance n’en ont été équipés qu’ultérieurement, l’idée pour le F-35 a consisté dès l’abord à assurer son développement en commun. L'intervenant considère que ce genre d’approche multinationale doit être renforcé. Pour l’avenir immédiat, il constate toutefois l’existence d’un certain nombre d’obstacles à la solidité de la défense et de la sécurité. Le débat sur le partage des charges doit aboutir pour permettre à l’OTAN d’aller de l’avant et, malgré les importantes économies budgétaires, les forces armées américaines doivent éviter de se muer en « coquille vide ».

Chris VanBuiten, vice-président de Sikorsky Innovations, a exposé son point de vue sur l’avenir des forces aériennes et sur le rôle que le giravion est appelé à jouer. Il a contesté l’affirmation suivant laquelle les futures forces aériennes demeureront articulées autour du chasseur, symbole de la puissance aérienne tout au long de la Guerre froide. Les conflits récents ont montré que la destruction des défenses aériennes et la prise des aéroports sont plus représentatives du type de puissance aérienne émergente et que les giravions se prêtent idéalement à ces tâches. Chris VanBuiten a fait valoir que les giravions prouvent ce dont ils sont capables lors des conflits asymétriques actuels, ainsi que leur utilité dans le monde civil. Les hélicoptères servent au transport de troupes, aux opérations en zone urbaine, aux évacuations sanitaires, à la recherche et au sauvetage, ainsi qu’à l’acheminement des secours en cas de catastrophe. Ils conserveront leur valeur inestimable à l’avenir.

En ce qui concerne les technologies futures, Sikorsky Innovtations et le secteur des giravions en général cherchent à rendre les hélicoptères plus indépendants encore des infrastructures. L'orateur a expliqué que souvent, les zones de conflit potentielles ne disposent pas de pistes adéquates permettant aux aéronefs à voilure fixe d’atterrir. Il a cependant cité le F-35 à décollage et atterrissage vertical (VTOL) comme une variante très intéressante pour de telles missions, tout en ajoutant que les futurs systèmes aériens seront également plus souples qu’actuellement. Chris VanBuiten a cité comme exemple le Blackhawk multi-rôle interarmées, puisqu’il remplit 22 missions différentes pour les trois armes des forces américaines. L’approche basée sur un seul « système de systèmes » gagnera, elle aussi, en importance. A l’instar des poupées russes, les avions cargo pourront transporter des hélicoptères jusqu’aux zones de combat et ceux-ci pourront à leur tour transporter de petits véhicules aériens sans pilote (UAV). La mobilité jouera également un plus grand rôle, car l’absence d’infrastructures et la menace des EEI exigeront l’acheminement des équipements et des troupes par voie aérienne d’une zone à une autre sur des théâtres souvent très étendus. Les hélicoptères seront plus rapides, car Boeing et Sikorsky Innovations collaborent au développement d’un remplaçant du Blackhawk et de l’Apache deux fois plus rapide. Ils seront en outre capables de voler plus près du sol. Ainsi, alors que les chasseurs, même furtifs, deviendront de plus en plus vulnérables aux défenses aériennes, de tels hélicoptères pourront éviter plus facilement ces dernières et disposeront d’une puissance de feu supérieure. Les rotors en cours de développement pourront changer de forme pour adopter différents profils, ce qui optimisera la consommation en carburant, le niveau de bruit, la vitesse, etc., et les rendront donc plus adaptables. D’après Chris VanBuiten, en prenant comme point de départ l’environnement économique et budgétaire actuel, les giravions deviendront par ailleurs, selon lui, plus abordables. Grâce à l’interconnexion de toutes les composantes du système, les coûts pourront être dominés car les techniciens sauront exactement quand il convient de remplacer certaines pièces. Pour l'intervenant, les UAV joueront un rôle de plus en plus important, car ils pourront par exemple être lancés d’hélicoptères pour servir d’éclaireurs. Les hélicoptères de l’avenir seront également moins gourmands en carburant et Sikorsky Innovations effectue déjà des tests sur des moteurs d’hélicoptère électriques.

Lors du débat entre les experts du secteur et les délégués, de nombreux sujets ont été abordée, dont les progrès du programme F-35 et la manière d’éviter à l’avenir toute erreur dans le processus. MM. Williams et VanBuiten ont été tous les deux d’avis qu’une plus grande coopération internationale sur des projets de défense était à fait envisageable. Chris VanBuiten a souligné que durant la période de coupes budgétaires à venir, les entreprises travaillant pour la défense pourront préserver le savoir-faire de leur main-d’œuvre en accroissant leurs revenus commerciaux et en allant de l’avant avec des démonstrateurs technologiques, indépendamment des actuelles exigences des autorités. Richard S. McCrary a abordé également la question de l’équilibre adéquat entre la discrétion et la vélocité des futurs avions à réaction. Pendant la Guerre froide, a expliqué l'intervenant, on s’est rendu compte qu’il était de moins en moins pratique de développer des avions à réactions encore plus rapides. Il a affirmé que le niveau de furtivité des futurs chasseurs atteindra également un point d’équilibre, car accroître ce niveau n’est guère envisageable, en raison – par exemple – de l’augmentation des coûts et des exigences accrues au niveau de la maintenance. MM. McCrary et VanBuiten sont tombés d’accord avec certains délégués pour considérer que le Grand Nord posera de considérables défis à l’avenir, en raison de la fonte des glaces dans l’Arctique. Ce qui engendre, pour les aéronefs à voilure fixe ou tournante, des problèmes particuliers que le secteur cherche à résoudre.

VII. AUSTIN: LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE AU MOYEN DE L’INOVATION TECHNOLOGIQUE

La délégation a rencontré plusieurs universitaires et responsables politiques de la ville d'Austin pour discuter du rôle important joué par l’université dans l’économie de l'agglomération et du Texas dans son ensemble. Austin est l’un des principaux centres d’innovation aux Etats-Unis, en raison notamment de l’implantation au cœur de la ville d’une université dont les recherches suscitent l’intérêt du monde entier. D’importantes initiatives publiques et privées tirent profit de l’emplacement de l’université, des recherches qu’elle effectue et du type de personnes que la ville attire pour cette raison.

Juan Sanchez, vice-président en charge de la recherche, a signalé que l’Université du Texas compte 50 000 étudiants, dont 12 000 qui travaillent à l’obtention d’un Master ou d’un doctorat. Les membres de la faculté et les étudiants proviennent du monde entier. Le budget annuel de l’université atteint 2,2 milliards de dollars. Quatre mille huit cents projets de recherche sont actuellement financés et se répartissent en plus de 150 unités séparées. Le financement de la recherche a représenté 620 millions de dollars au total en 2012. L’Université du Texas à Austin détient plus de 800 brevets résultant de ces recherches. Elle considère que sa mission consiste à éduquer, à générer des connaissances et à diffuser le savoir.

La commercialisation de ce savoir suscite en outre un intérêt croissant, qui débouche sur des partenariats innovants avec le secteur privé. Une grande partie des recherches s’effectue dans les domaines de l’ingénierie, de la physique et de la biologie. La majeure partie des financements est destinée à l’ingénierie, aux études informatiques et à la recherche biomédicale, mais l’université est également réputée pour les recherches qu’elle mène dans les secteurs du pétrole et de la géologie. Au cours des six dernières années, le montant du financement de la recherche émanant du secteur privé a doublé, bien que les autorités fédérales demeurent le principal bailleur de fonds dans ce domaine. L’Université du Texas, à l’instar des autres grandes universités américaines de recherche, redoute que d’importantes réductions du soutien fédéral à la recherche fondamentale ralentissent, voire entraînent l’abandon d’une multitude de projets auxquels le secteur privé ne s’intéressera jamais. Celui-ci a en effet plutôt tendance à soutenir la recherche appliquée et non pas la recherche fondamentale.

L’Université du Texas figure parmi les 15 premières universités des Etats-Unis pour l’importance des sommes récoltées par l’octroi de licences technologiques liées aux brevets qu’elle détient. Elle possède le sixième ordinateur le plus rapide au monde et celui-ci constitue un outil essentiel pour certaines recherches de pointe en cours. UT-Austin a réalisé des avancées importantes au niveau des petits accélérateurs de particules et créé une entreprise chargée de vendre des appareils de ce type. L’université a reçu 20 millions de dollars en royalties en 2012 et un certain nombre de membres de la faculté étoffent leur rémunération en réalisant des recherches dont les résultats sont susceptibles d’être commercialisés.

Lauren McKinney, du Bureau de la petite entreprise du gouverneur Rick Perry, a expliqué que l’économie du Texas est mondialement intégrée et que l’Etat profite énormément des systèmes de libre-échange. Il tire des avantages de l’ALENA et ses milieux d’affaires accueilleraient favorablement la création d’une zone de libre-échange transatlantique. Au Texas, le soutien au libre-échange est général et l’Etat est extrêmement bien situé pour pleinement profiter d’un système commercial libéral. Il se trouve en effet en bordure du cœur des Etats-Unis, du Mexique et du golfe du Mexique. Sa réglementation économique est très propice aux échanges commerciaux ; les taxes et les pesanteurs administratives sont faibles et le coût de la vie est très concurrentiel. Dix-huit pourcent de la production de l’Etat font l’objet d’échanges commerciaux, contre 9,8 % pour les Etats-Unis dans leur ensemble. La population texane s’accroît rapidement et est jeune. Austin constitue le centre de l’industrie de haute technologie de l’Etat et celui-ci compte près de 4 500 entreprises travaillant dans ce secteur, lesquelles représentent 14 % du total des emplois. De nombreuses entreprises d’autres Etats américains viennent en outre s’implanter au Texas. Il n’est pas surprenant qu’Austin ait été la dernière grande ville à connaître la récession et la première à en sortir.

Ben Ramirez III, en charge du développement économique à l’Austin Economic Growth and Redevelopment Services Office, a pour sa part expliqué que 40 % des habitants de la ville sont titulaires d’un baccalauréat ès arts (quatre années d’études) et que nombre d’autres jeunes citadins viennent d’autres régions des Etats-Unis. La ville soutient tout un éventail de projets pour promouvoir la formation de la main-d’œuvre. Elle collabore étroitement avec le secteur privé pour veiller à ce que les compétences dont celui-ci a besoin soient en adéquation avec celles de la population. Austin se soucie fortement d’attirer la diversité et les talents, tout en veillant à une haute qualité de vie pour que les personnes compétentes aient envie d'y rester. L’Université du Texas joue un rôle central dans tous ces domaines. Ses incubateurs de haute technologie dans tout un éventail de secteurs contribuent à générer une approche très holistique pour répondre à tous les besoins. La ville collabore avec huit universités locales sur ces projets. Le conseil communal a créé un Telecom Emerging Technology Council (Conseil technologique des activités de télécommunication en émergence) et la ville consent de nombreux efforts pour faciliter son réseautage et son marketing. Elle dispose également d’un petit programme de développement commercial, pour aider les jeunes entreprises. Austin a fourni du terrain dans son centre-ville pour la mise en place d’une communauté de recherche sur les réseaux intelligents, afin de contribuer à la conception des systèmes énergétiques de l’avenir. Certaines entreprises qui se sont engagées à investir dans la région bénéficient d’un remboursement d’impôts si elles parviennent à créer un certain nombre d’emplois.

John Butler, à la tête de l’IC² Institute de l’Université du Texas, a parlé du rôle de cet institut dans la transformation d'Austin en une véritable cité des sciences et de l’innovation. L’intuition de base consistait à placer les sciences et technologies au cœur même de la planification du développement urbain. D’autres cas, dont le MIT de Boston et Stanford dans la Silicon Valley, ont été étudiés, ce qui a contribué à définir la marche à suivre par l’Université du Texas et les planificateurs. L’Austin Technology Incubator Program constitue un indubitable succès sur le plan de la création d’un certain nombre de liens entre l’université et le secteur privé dans la région d’Austin. L’un des résultats de cette étroite collaboration entre l’université, la ville, les acteurs commerciaux privés et le monde financier se situe au niveau de la réduction et de la gestion des risques pour les futurs entrepreneurs. Cela contribue à la promotion de la commercialisation de la recherche fondamentale et a même conduit l’université à créer une maîtrise en commercialisation des sciences et technologies, qui permet aux étudiants de mieux comprendre comment faire sortir la science des laboratoires et l’intégrer au processus de création de richesses. L’université a commencé à collaborer avec la Russie, la République de Corée, la Pologne et le Mexique sur des projets similaires. Des réseaux d’investisseurs « Angel » ont fait leur apparition dans tout le Texas et apportent des capitaux indispensables aux jeunes entreprises technologiques, qui ne peuvent pas obtenir de manière traditionnelle auprès des banques l’argent dont elles ont besoin. Il s’agit-là d’un élément essentiel du processus d’incubation. De telles initiatives ont contribué à faire d’Austin la troisième ville des Etats-Unis eu égard au nombre d’entreprises de haute technologie, après la Silicon Valley, liée à Stanford, et Route 128 autour de Boston, liée au MIT.

Respectueusement soumis,

Mme Cheryl Gallant, députée, présidente,
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)

 

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