Une
délégation de la Section canadienne de l’Association parlementaire du
Commonwealth a effectué une visite à Chypre et à Malte du 14 au
22 mars 2009. Le député Russ Hiebert, président de la Section
canadienne, dirigeait la délégation, qui se composait des députés Guy André,
Patricia Davidson, Irene Mathyssen, Alexandra Mendès, Yasmin Ratansi et Bev
Shipley. Carol Chafe, secrétaire administrative de la Section, aidait la
délégation.
La
constitution de l’APC favorise les visites entre pays membres destinées à
permettre aux parlementaires d’échanger des vues et de discuter de questions
d’intérêt commun en matière de relations bilatérales et des enjeux intéressant
l’organisation internationale du Commonwealth. Comme au cours des dernières
années, le Comité exécutif de la Section canadienne a constaté le sentiment
croissant de désaccord au sein de l’Association parlementaire du Commonwealth
quant à l’orientation future de l’organisation. Il considère la participation à
ces visites bilatérales comme un excellent moyen d’établir une approche
consensuelle de la résolution de ces problèmes préalablement aux conférences
annuelles. Ces visites fournissent en outre une occasion idéale de rencontrer
des collègues parlementaires du Commonwealth pour échanger des pratiques
exemplaires en matière de résolution de problèmes procéduraux et parlementaires
et de discuter de sujets d’intérêt mutuel pour les parlementaires canadiens,
chypriotes et maltais. Parmi les sujets abordés au cours de cette visite
figuraient la traite des femmes et des enfants; les questions de sécurité
frontalière; les réformes électorales et les mesures conjointes aux Nations
Unies et au Parlement européen.
À leur
arrivée à Chypre, le dimanche 15 mars, les délégués ont été
accueillis par Mme Marta Moszczenska, ambassadrice du Canada en
Roumanie, également responsable de Chypre. Celle-ci leur a donné une séance
d’information détaillée sur la situation actuelle à Chypre et sur les efforts
que poursuivent les Nations Unies pour regrouper les Chypriotes grecs et les
Chypriotes turcs dans un État réunifié apte à fonctionner. Elle a signalé la
longue histoire de la présence des Canadiens à Chypre en tant que membres de
l’une des premières équipes de gardiens de la paix de l’ONU, et le respect
continu des deux camps pour le travail des Forces armées canadiennes. Cette
histoire est intervenue dans le cas de l’aide humanitaire apportée par Chypre
pendant la crise de 2006 au Liban, lorsque 13 000 Canadiens en visite
dans ce pays ou qui y résidaient ont été évacués par pont aérien à Chypre en
attendant d’être rapatriés au Canada. Cette coopération se poursuit
aujourd’hui par la prestation d’installations à l’intention des membres des
Forces canadiennes qui reviennent d’Afghanistan, notamment dans le cadre du
programme de décompression préalable à leur retour au Canada. Ce programme
facilite la réintégration des militaires dans leurs familles et offre un
diagnostic et un traitement initiaux à ceux qui sont peut-être atteints de
troubles de stress post-traumatique liés à leur affectation en Afghanistan et à
leur réadaptation à la vie hors d’une zone de guerre.
La
haute-commissaire Moszczenka a également renseigné les délégués sur la
position de Chypre touchant plusieurs dossiers de l’Union européenne (UE) intéressant
le Canada, dont le nouveau règlement régissant l’importation de produits
dérivés du phoque du Canada; les sièges vacants au Conseil de sécurité de l’ONU
et les trois candidats (Canada, Portugal et Allemagne); l’accord
commercial entre l’Union européenne et le Canada, et la mise en œuvre de
l’accord Ciel ouvert pour permettre les vols directs entre Chypre et le Canada.
Elle a par ailleurs signalé la participation apparente d’immigrants russes à
Chypre au commerce illégal de la drogue, au blanchiment d’argent et à la traite
des personnes. Cette séance d’information a permis aux délégués de mieux
comprendre la situation à laquelle Chypre est actuellement confrontée et les
retombées de son adhésion à l’UE.
Le
lundi 16 mars, la délégation a rencontré M. Taye-Brook Zerihoun,
représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies (ONU), au bureau
du chef de mission de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix
à Chypre (UNFICYP). M. Zerihoun a parlé de l’état actuel des négociations
visant à trouver une solution politique à la situation à Chypre. Il a signalé
que le président actuel de Chypre, M. Demetris Christofias (Chypriote
grec), et le leader chypriote turc, M. Mehmet Ali Talat, se sont tous deux
engagés à trouver une solution constitutionnelle viable. Toutefois, il a
déclaré s’inquiéter de ce que M. Talat n’éprouve des difficultés à se
faire réélire lors des prochaines élections dans les secteurs de l’île sous
contrôle turc.
Il a
mentionné que les Chypriotes tant grecs que turcs considèrent Chypre comme leur
patrie. Toutefois, les années de séparation physique entre les populations,
alliées à la présence d’un grand nombre de soldats turcs dans le nord de l’île
et à l’attitude militariste d’Ankara, font qu’on n’a pas l’impression que les
Chypriotes turcs aspirent à un règlement pacifique du conflit.
Il a en
outre mentionné que le rôle des Nations Unies consiste non pas à imposer une
solution pacifique à l’île, mais à encourager et aider les deux camps à trouver
une solution acceptable et réalisable aux nombreux problèmes découlant des
années d’instabilité. L’une des solutions proposées par le
président Christofias (Chypriote grec) et le leader chypriote turc,
M. Talat, serait d’établir une île composée de deux zones coexistant
paisiblement. Cette solution n’est pas parfaite, et elle exigerait que les
deux camps coopèrent pour résoudre divers problèmes de longue date
résultant du mouvement massif de Chypriotes turcs, qui résidaient autrefois
dans le sud de l’île, vers le nord, et du mouvement concomitant de Chypriotes
grecs du nord au sud de l’île. Ce problème a été aggravé par l’immigration de
plusieurs milliers de Turcs dans les secteurs du nord de l’île autrefois
habités par les Chypriotes grecs. Beaucoup de Chypriotes estiment qu’aucun
règlement ne sera possible avant que ces milliers d’immigrants turcs ne
retournent en Turquie. Les Chypriotes grecs semblent disposés à négocier avec
les Chypriotes turcs, mais sans la pression qu’ajoute la population
d’immigrants turcs qui réside dans la partie nord de l’île.
Cette
solution possible a compliqué la question majeure de la propriété des terres et
de la façon d’assurer une restitution juste et équitable aux anciens
propriétaires dans tout règlement futur du conflit de l’île. Les Chypriotes
turcs du nord ne disposent pas de fonds suffisants pour offrir une juste valeur
marchande aux anciens propriétaires qui résident maintenant dans le sud. De
plus, 37 p. 100 de toute la masse terrestre de l’île sont
actuellement sous contrôle turc dans la partie nord de Chypre. L’importante
population d’immigrants turcs établis dans le nord est considérée comme un
facteur qui limite la réélection de M. Talat. On sait que cette portion de
la population chypriote turque suit l’orientation vers une ligne dure, appuyée
par Ankara, consistant à créer deux États au lieu de l’État en
deux zones favorisé par MM. Christofias et Talat. En raison du
conflit, beaucoup de Chypriotes turcs ont quitté Chypre pour aller s’établir
dans d’autres pays de la Méditerranée.
M. Zerihoun
a expliqué que le règlement du conflit exigera que les deux populations
reconnaissent et adoptent des solutions acceptables en matière de gouvernance
et de partage des pouvoirs. Or, la question de l’interprétation de ces
deux notions se révèle difficile à résoudre. Les Chypriotes turcs qui
restent dans le nord ont le sentiment que la réunification constitue pour eux
le seul moyen de profiter de l’appartenance de Chypre à l’Union européenne. Ils
ne sont pas convaincus que la candidature de la Turquie à l’UE a des chances de
succès à court terme, et ils constatent les avantages économiques que retire la
partie sud de l’île.
Les délégués
ont discuté avec M. Zerihoun des possibilités de paix à Chypre et de la
question de savoir si le Canada pourrait être appelé à apporter son aide à la
mise en œuvre du plan de paix. Beaucoup de choses dépendront des résultats des
prochaines élections dans la partie chypriote turque de l’île ainsi que de la
réélection éventuelle de M. Talat et de sa capacité de continuer à
travailler pour engager des négociations avec le président de la République de
Chypre. Toutefois, le représentant spécial a souligné l’influence positive que
les gardiens de la paix canadiens avaient eue par le passé et le fait que,
comme ils sont toujours tenus en haute estime par les deux parties au conflit,
le Canada pourrait être appelé de nouveau à aider les Nations Unies à appliquer
toute solution à l’avenir. Fait à signaler, l’appartenance de Chypre à l’UE
empêche tout autre pays européen de participer à une force de maintien de la
paix dans l’île.
Après la
réunion, les délégués ont pu visiter le monument commémoratif dédié aux
militaires canadiens morts pendant leur affectation à Chypre. Le seul soldat
canadien encore affecté à l’UNIFCYP, le capitaine Michael Solonenko, et sa
femme, Lisa, ont dirigé une visite à pied de la base à l’intention des délégués
et leur ont relaté plusieurs faits relatifs à la participation des Canadiens
aux activités de maintien de la paix dans l’île au cours des 30 dernières
années. Les délégués ont en outre pu rencontrer certains membres britanniques
de la force de maintien de la paix de l’ONU qui ont pris la relève des
militaires canadiens aux postes de contrôle entre le nord et le sud.
La
délégation s’est ensuite rendue à l’un des postes de contrôle les plus passants
de Nicosie, soit « Checkpoint Charlie ». On a mentionné que, même si
celui-ci, qui sépare le nord chypriote turc du sud chypriote grec, est l’un des
points de passage les plus animés de Chypre, le mouvement de part et d’autre de
la frontière s’effectue avec un minimum de dérangement. La majeure partie de la
circulation semblait être dans le sens nord-sud, la plupart des gens venant à
pied pour faire leurs emplettes hebdomadaires à Nicosie, où ils achètent des
biens qui sont devenus rares ou impossibles à obtenir dans les secteurs du nord
sous contrôle turc.
Les délégués
ont pu participer à un déjeuner de travail en compagnie de membres du Comité
parlementaire des affaires étrangères de Chypre, que préside le député Averof
Neofytou. Cela leur a permis de discuter de deux questions importantes pour les
députés canadiens, soit l’interdiction de l’UE visant tous les produits du
phoque canadiens, et le prochain scrutin destiné à remplir deux vacances au
Conseil de sécurité des Nations Unies. Tout en se montrant compatissants quant
aux effets qu’aura la mise en œuvre de la mesure législative interdisant
l’importation de tout produit canadien dérivé du phoque sur la population
autochtone de l’Arctique canadien et sur les Provinces maritimes, les membres
du Comité parlementaire des affaires étrangères n’estimaient pas qu’ils
pourraient persuader leurs collègues de l’UE de retarder la mise en œuvre du
règlement ou d’y instituer une dérogation en attendant que des experts
canadiens puissent fournir la preuve irréfutable que la chasse se fait sans
cruauté et satisfait à tous les règlements de l’UE. En tant que représentants
d’un État insulaire, ils étaient tout disposés à entendre les arguments du
Canada, mais ils restaient convaincus que la décision de l’UE d’interdire les
produits de la chasse au phoque se fondait sur les sentiments plutôt que sur
des preuves scientifiques solides.
En ce qui
touche la question d’appuyer la candidature du Canada au Conseil de sécurité de
l’ONU, les députés chypriotes hésitaient manifestement à donner l’impression de
voter contre leurs homologues de l’UE (Portugal et Allemagne). Au cours du
déjeuner, les délégués canadiens ont avancé de nombreux arguments pour
encourager les parlementaires chypriotes à soutenir la candidature du Canada à
l’un des deux postes. Un argument solide a consisté à leur faire valoir
qu’au lieu de voter en faveur de l’accession de deux pays d’Europe au
Conseil de sécurité, ils pourraient appuyer simultanément l’un de ces pays et
le Canada, et ainsi équilibrer le vote. On leur a en outre rappelé que le vote
serait secret et que leur décision d’appuyer le Canada ne serait pas considérée
comme un rejet flagrant de leurs homologues européens. Les parlementaires
chypriotes ont accepté provisoirement cette idée, mais ils étaient peu disposés
à indiquer de façon définitive comment ils voteraient sur cette question à
l’ONU.
Une
discussion animée s’est ensuite engagée sur l’avenir des négociations visant à
instaurer un règlement pacifique de la situation actuelle à Chypre; les
délégués canadiens se sont alors vu exposer les obstacles émotifs et politiques
à l’atteinte de cet objectif. On a signalé que les Chypriotes grecs se sentent
proches de leurs voisins chypriotes turcs, avec qui ils partagent l’île depuis
des siècles. Toutefois, la présence constante et les actes du gouvernement
d’Ankara ainsi que la présence continue de plusieurs milliers de soldats turcs
dans la partie nord de l’île ont créé une atmosphère de méfiance et, jusqu’à un
certain point, de peur. Certains des parlementaires chypriotes ont expliqué que
leur réticence à faire confiance aux négociateurs turcs est accrue par la forte
possibilité que le leader chypriote turc, M. Talat, soit battu lors des
prochaines élections en raison de l’afflux des immigrants turcs dans le nord,
car ce groupe appuie davantage une ligne dure à l’égard de toute proposition de
paix ne comprenant pas la division physique de l’île en deux États
distincts.
On a
également mentionné que, malgré les efforts déployés par la Turquie au cours
des années afin de satisfaire aux exigences rigoureuses imposées par l’Union
européenne pour adhérer à celle-ci, et la possibilité d’utiliser l’appartenance
à l’UE comme levier dans les négociations relatives à Chypre, le gouvernement
turc semble adopter l’attitude selon laquelle « l’UE a plus besoin de
la Turquie que la Turquie a besoin de l’UE. » Toutefois, cette
attitude pourrait changer si l’économie turque commence à souffrir sévèrement
pendant la récession mondiale actuelle.
À la suite
de cette réunion avec les membres du Comité des affaires étrangères, les
délégués ont rencontré plusieurs membres de la Section chypriote de l’APC pour
s’entretenir de diverses questions liées directement à l’état actuel de
l’Association au niveau international. Ils ont également discuté de solutions
possibles qui pourraient être mises en train à la réunion de l’EXCO (Comité
exécutif international), au milieu de l’année, ainsi qu’à la 55e Conférence
annuelle de l’Association parlementaire du Commonwealth, qui doit se tenir à
Arusha (Tanzanie), à la fin de septembre. L’une des propositions discutées
consistait à examiner la possibilité de remplacer le processus actuel
d’élection des cadres supérieurs de l’Association, qui est complètement ouvert,
par une formule de roulement strict entre les neuf régions du
Commonwealth. Aucune décision n’a été prise; toutefois, ces questions seront
peut-être discutées à fond lors de la conférence régionale des Îles
britanniques et de la Méditerranée, qui doit se tenir à Guernsey, en juillet.
Le Canada a été invité à y déléguer deux observateurs, dont l’un viendra
de la Section canadienne et l’autre, de la région.
Le
mardi 17 mars, les délégués ont rencontré M. Charilaos
Stavrakis, député et ministre des Finances. Celui-ci leur a exprimé ses
remerciements personnels pour l’appui soutenu apporté par le Canada à son pays
depuis nombre d’années, après quoi il leur a donné un bref aperçu de la
situation politique et économique actuelle à Chypre.
Comme lors
de toutes les réunions auxquelles la délégation a participé à Chypre, une bonne
partie de la discussion a été axée sur l’avenir des négociations visant à
résoudre la situation à Chypre, qui est au point mort. M. Stavrakis a
répondu aux questions des délégués concernant qui, selon lui, avait le pouvoir
de négocier au nom de la population chypriote turque : M. Talat, en
sa qualité de leader des Chypriotes turcs, ou le gouvernement d’Ankara. Il
avait l’impression que, malgré les nombreux efforts déployés par M. Talat,
les autorités turques d’Ankara bloquaient toutes les tentatives de résoudre la
situation qui ne prévoyaient pas la création de deux États distincts dans
l’île.
Plus tard,
on a abordé l’incidence de la récession mondiale actuelle sur l’économie de
Chypre. M. Stavrakis a signalé que, pour l’instant, le PIB de Chypre
affiche encore une croissance modeste, grâce en grande partie à son
appartenance à l’UE et aux avantages que celle-ci peut apporter aux petits
pays. Chypre s’est par ailleurs appliquée très activement à mettre en œuvre un
taux d’impôt sur le revenu des sociétés de 10 p. 100, celui-ci étant
le plus bas dans toute l’UE. La situation de Chypre comme point d’entrée des
produits russes en Union européenne, alliée aux traités conclus avec la Russie
en vue d’éviter la double imposition, entraîne un accroissement des
investissements russes dans l’île. Plusieurs entreprises pétrolières et
gazières canadiennes actives dans l’industrie du pétrole et du gaz de la Russie
se sont aussi établies à Chypre pour profiter du bas taux d’impôt sur le revenu
des sociétés et de l’absence de double imposition. Cela aide également à
amortir l’effet de la récession sur l’économie.
En sa
qualité de petit pays et de membre de l’UE, Chypre peut offrir aux
investisseurs éventuels un contexte d’affaires plus souple, dont de bas taux
d’imposition, une main-d’œuvre qualifiée, un secteur économique solide fondé
sur les principes anglo-saxons, et un système bancaire conforme aux exigences
de l’OCDE. Les banques de Chypre ont toujours fait preuve de prudence dans
leurs opérations et ont pu éviter d’être entraînées dans l’effondrement de
l’industrie bancaire survenu aux États-Unis et en Europe en n’achetant pas les
produits toxiques qui ont mené à la situation actuelle. Le ministre a souligné
que la situation pourrait changer à l’avenir si la récession économique
mondiale devait se poursuivre pendant quelques années, mais que, pour
l’instant, elle reste relativement stable et s’accompagne d’une croissance modeste.
On a
également discuté des coûts de la réunification de l’île et de l’incidence que
celle-ci pourrait avoir sur l’économie. Le ministre a avoué franchement que la
réunification serait coûteuse pour Chypre, mais que, si elle réussit, la paix
qu’elle apportera, l’accroissement du tourisme et l’ouverture du marché
chypriote turc et du marché continental compenseraient nombre des coûts. En
réponse à d’autres questions à ce sujet, il a par ailleurs mentionné que la
stabilité découlant de la réunification encouragerait les investissements de
l’extérieur dans tous les domaines de l’économie de l’île.
Au cours des
discussions, le président de la Section canadienne, M. Russ Hiebert, a
soulevé la question du projet de loi de l’UE visant à interdire l’importation
de tous les produits dérivés du phoque, et celle de l’appui possible de Chypre
pour la candidature du Canada à un siège au Conseil de sécurité des Nations
Unies. M. Stavrakis a déclaré que Chypre pouvait faire peu pour bloquer le
projet de loi visant la chasse au phoque au Canada, car les membres de l’UE
considèrent cette question comme lourdement chargée d’émotion et sont peu
susceptibles de changer d’avis ou de modifier leurs votes. Il était prêt à
discuter de la possibilité d’appuyer la candidature du Canada au Conseil de
sécurité de l’ONU avec ses collègues du Cabinet, mais il ne pouvait faire
aucune promesse ni offrir de garanties quant à la façon dont Chypre allait
voter.
Vers la fin
de la matinée, les délégués ont rencontré le président de la Chambre des
représentants, l’honorable Marios Garoyian. M. Hiebert l’a remercié
de l’hospitalité de la Chambre des représentants et de l’aide qu’elle avait
apportée à l’organisation de la visite.
M. Garoyian
a souhaité la bienvenue à la délégation et parlé avec affection du rôle joué
par les gardiens de la paix canadiens à Chypre pendant nombre d’années. Il a
ensuite donné un bref aperçu de la situation politique actuelle à Chypre et du
fonctionnement de la Chambre des représentants dans un État de coalition. Les parlementaires
et le président se sont ensuite entretenus des similitudes et des différences
entre les opérations procédurales de la Chambre des représentants de Chypre et
celles du Parlement canadien. Les différences sont évidentes du fait que Chypre
a actuellement un gouvernement de coalition, ce qui influe sur la composition
du Cabinet et sur le fonctionnement quotidien de l’assemblée législative.
M. Garoyian a étonné les délégués lorsqu’il leur a dit que son élection à
la présidence par tous les partis représentés à la Chambre, après une très
brève carrière à titre de politicien élu, l’avait stupéfait et qu’il était
encore en pleine période d’apprentissage.
Il a signalé
que la Chambre siège les jeudis seulement et que, le reste de la semaine, les
députés traitent diverses questions au sein des comités. Ceux-ci sont très
visibles à Chypre, et leurs délibérations ont été télévisées pendant plusieurs
années; toutefois, cette pratique a été interrompue à la suite d’une évaluation
qui a révélé qu’elle avait un effet nuisible sur les travaux du Parlement.
Cette décision a été appuyée par tous les partis représentés à la Chambre. En
ce qui concerne l’adoption des lois, M. Garoyian a mentionné que toutes
les mesures législatives font l’objet de consultations auprès de tous les
partis avant leur dépôt à la Chambre. Il a expliqué que l’on s’efforce de tenir
compte de toutes les préoccupations exprimées et, dans la mesure du possible,
de les intégrer dans les projets de loi avant de les déposer.
Il a par
ailleurs mentionné que la plupart des parlementaires sont élus pour
deux mandats de cinq ans, mais que, comme au Canada, certains ne
siègent que pendant un mandat, tandis que d’autres sont réélus trois ou
quatre fois au cours de leur carrière. De plus, en conséquence de
l’évolution démographique à Chypre, l’âge moyen des parlementaires chypriotes
est inférieur à 45 ans. Les femmes élues députées sont peu nombreuses,
mais beaucoup occupent la présidence de comités.
Comme lors
des autres réunions, la discussion s’est ensuite orientée vers la situation
actuelle à Chypre. M. Garoyian a mentionné que le désir de la Turquie
d’être considérée comme garante du processus de paix à Chypre était
inacceptable pour le sud, car cela donnerait à la Turquie un motif de maintenir
ses troupes dans l’île. Cette proposition ne fera que retarder le progrès des
négociations. Il a par ailleurs signalé que la Turquie cherche actuellement à
persuader certains membres de l’Union européenne de faire pression sur Chypre
pour qu’elle accepte la solution proposée par la Turquie, soit créer
deux États, laquelle est inacceptable pour la République de Chypre, qui ne
veut pas voir l’île divisée.
Plus tard dans
la journée, les délégués ont rencontré le maire de Famagusta,
l’honorable Alexis Galanos. Celui-ci se trouve dans une situation quelque
peu unique, car Famagusta est occupée par les troupes turques et est
essentiellement une ville fantôme. Tous les anciens citoyens chypriotes l’ont
quittée, et il n’y reste que quelques Chypriotes turcs et plusieurs milliers de
soldats. M. Galanos a été élu maire par les citoyens déplacés de
Famagusta, qui se sont enfuis à Limassol et à Larnaka en 2004 et pour lesquels
il fait fonction d’ambassadeur. Ces derniers l’ont élu en 2007 et lui ont
confié le mandat exprès de restituer la ville à ses anciens résidents. À partir
des tribunes d’observation, on pouvait apercevoir la ville et certains des
soldats turcs qui se déplaçaient dans les parages. Le maire est convaincu que,
une fois que les troupes se seront retirées et que les citoyens seront
autorisés à retourner dans leurs foyers, Famagusta pourra revenir rapidement à
l’état normal.
Le
mercredi 18 mars, les délégués ont fait le voyage en avion de Chypre
à Malte pour poursuivre leur visite bilatérale dans la région.
À leur
arrivée à La Valette, les délégués ont été breffés par M. Alex
Himmelfarb, ambassadeur du Canada en Italie et simultanément haut-commissaire à
Malte. Celui-ci leur a donné une séance d’information succincte et instructive
sur la situation politique actuelle à Malte et sur les liens historiques entre
Malte et le Canada, et il a signalé l’avantage accessoire de leur visite à
Malte pour les objectifs des relations étrangères du Canada. En tant que membre
relativement nouveau de l’Union européenne, Malte a grandement bénéficié de ses
partenariats avec celle-ci et étendu son influence dans la région. Le principal
sujet discuté a été le problème continu posé par les migrants et les demandeurs
d’asile à Malte et la pression qu’il exerce sur la société et sur l’économie
maltaises. M. Himmelfarb a par ailleurs signalé le ferme appui de Malte
pour les négociations qui ont mené à un partenariat économique plus étroit entre
le Canada et l’Union européenne, et le travail en cours en vue d’obtenir
l’appui de Malte pour la prévention de l’interdiction complète des produits du
phoque canadiens en Union européenne.
Cette séance
d’information a été suivie d’une réception donnée conjointement par la
délégation et par le haut-commissaire Himmelfarb à l’intention de
personnalités représentant les parlementaires et gens d’affaires maltais et les
hauts fonctionnaires du gouvernement maltais. Parmi les invités figuraient le
vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères,
l’honorable Tonio Borg; le ministre chargé de la Politique sociale,
l’honorable John Dalli; le ministre de l’Infrastructure, des Transports et
des Communications, l’honorable Austin Gatt, et le ministre de l’Environnement,
l’honorable George Pullicino, ainsi que plusieurs parlementaires
supérieurs, dont le président de la Chambre, l’honorable Louis Galea.
Grâce aux bons offices du consul honoraire du Canada, M. Joe Demajo,
président du Groupe Demajo à Malte, les délégués ont en outre pu
rencontrer le vérificateur général et le procureur général de Malte, le
représentant du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Malte
et le commandant des Forces armées de Malte. La réception a fourni à tous l’occasion
de s’entretenir officieusement de questions intéressant tant les parlementaires
canadiens que les représentants maltais.
La réunion
officielle de la délégation avec le président de la Chambre,
l’honorable Louis Galea, a coïncidé avec la première conférence
annuelle du « jour de la Méditerranée », qui se tenait au Parlement
maltais. Au cours de cette réunion, le président a parlé des liens étroits
entre Malte et le Canada et du grand nombre de citoyens maltais qui ont immigré
au Canada pendant les dernières décennies. L’un des délégués a mentionné qu’une
ancienne présidente de la Section canadienne de l’APC, l’honorable Sue
Barnes, C.P., offrait un bon exemple de la réussite de ces immigrants au
Canada. Le président Galea a en outre souligné l’importance de l’APC pour
réunir les États à la fois nombreux et divers du Commonwealth dans un dialogue
communautaire sur diverses questions d’intérêt mondial. Le rôle des
technologies de l’information et des communications pour combler le
« fossé numérique » entre les pays industrialisés et les pays en
développement revêt une grande importance pour le gouvernement maltais actuel.
Le président
avait pris des dispositions pour permettre à la délégation d’assister, après
la réunion, à la cérémonie d’ouverture officielle du « jour de la
Méditerranée », destiné à célébrer les relations de Malte avec les pays
d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient riverains de la Méditerranée.
Malte attache une grande importance aux bonnes relations avec ses voisins du
bassin de la Méditerranée, car elle les considère comme le prolongement de ses
riches liens historiques et culturels avec ces pays. Elle espère utiliser cette
conférence pour encourager les jeunes de la région à nouer des relations de
travail étroites les uns avec les autres pour l’avenir.
Les délégués
ont ensuite rencontré plusieurs parlementaires maltais qui sont membres actifs
de la Section maltaise de l’APC et qui souhaitent vivement établir des liens
plus étroits avec le Canada pour ce qui est d’obtenir de l’aide afin de
résoudre le problème posé par le nombre sans cesse croissant des immigrants
illégaux et des réfugiés économiques en provenance d’Afrique du Nord. Parmi les
participants figuraient l’honorable Carmelo Mifsud Bonnici, ministre de la
Justice et des Affaires intérieures; l’honorable David Agius, whip du
gouvernement; le député Francis Zammit Dimteh, président de la Section
maltaise de l’APC; le député Charles Mangion, président du Comité des
comptes publics; le député José Herrera, porte-parole de l’opposition
pour les affaires intérieures, et le député Luciano Busuttil, porte-parole
de l’opposition pour les affaires européennes.
On a signalé
que le problème des immigrants illégaux et des demandeurs d’asile qui
débarquent sur les rives de l’île pose un défi énorme à la société et au
gouvernement maltais. Selon les chiffres actuels, plus de
3 400 personnes arrivent au cours d’une année, ce qui représente près
de 10 p. 100 de la population totale de l’île; sur ce nombre, près de
98 p. 100 demandent l’asile. Nombre de ces personnes croient être
arrivées en Italie plutôt que dans l’île de Malte, mais elles demandent quand
même l’asile, car elles espèrent pouvoir se rendre finalement dans un des pays
de l’Europe continentale. Malgré le fait que la plupart souhaitent quitter
Malte, les règlements de l’UE les obligent à y rester jusqu’à ce qu’un pays
membre de l’Union soit disposé à les accepter comme demandeurs d’asile,
réfugiés ou immigrants reçus.
Cette
situation saigne massivement les ressources du gouvernement maltais. Les
parlementaires présents à la réunion ont souligné que cette question est
indépendante de toute partisanerie. Depuis quelques années, le gouvernement de
Malte presse ses collègues de l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, le
Canada et d’autres pays de l’aider à résoudre le problème en acceptant ces
réfugiés. On a mentionné au cours de la discussion que le gouvernement canadien
est lent à répondre, malgré le fait que les réfugiés ont été examinés par
l’UNHCR, qu’ils sont incapables de retourner dans leurs pays d’origine et que,
dans la plupart des cas, ceux d’entre eux qui le désirent reçoivent une
formation en anglais afin d’accroître leurs compétences et leur acceptabilité
comme immigrants potentiels au Canada et aux États-Unis. Les parlementaires
maltais ont fortement insisté pour que le Canada réexamine la possibilité
d’accueillir certains de ces réfugiés afin d’atténuer les pressions qui
s’exercent sur les quelques installations disponibles pour loger le nombre
croissant des réfugiés et des travailleurs migrants illégaux. À la suite d’une
discussion très animée, les délégués canadiens ont convenu de soulever cette
question auprès des responsables du gouvernement canadien à leur retour à
Ottawa.
Parmi les
autres questions discutées lors de la réunion figurait la possibilité de
renforcer l’Accord entre Malte et le Canada visant à éviter les doubles
impositions, ce qui entraînerait un accroissement des investissements à Malte
au profit des deux pays. On a fait remarquer que Malte est non plus un
« créneau », mais plutôt un « centre » de services
financiers dans la région, ce qui résulte directement de la prudence et de la
solidité de son industrie bancaire, comme le prouve le fait qu’elle reste en
bonne posture pendant la crise économique actuelle qui touche la plupart de ses
partenaires européens.
Avant la fin
de la réunion, les parlementaires canadiens ont soulevé deux questions
importantes pour le Canada, soit le projet de loi de l’Union européenne visant
à interdire l’importation de produits du phoque canadiens et la candidature du
Canada à l’un des deux sièges à pourvoir au Conseil de sécurité des
Nations Unies.
Les
représentants de Malte ont mentionné qu’il était très peu probable qu’ils
puissent arrêter l’adoption de la mesure législative interdisant les produits
du phoque canadiens en Union européenne, mais ils ont convenu d’envisager la
possibilité de proposer une dérogation au règlement lors des réunions du
Conseil de l’Europe.
En ce qui
concerne la candidature du Canada à l’un des deux sièges vacants au
Conseil de sécurité de l’ONU, les délégués ont rappelé à leurs homologues
maltais que les votes aux Nations Unies sont secrets et que, comme les
deux autres candidats sont européens, l’élection du Canada contribuerait à
équilibrer la représentation. Les parlementaires maltais ont convenu
d’envisager les conséquences d’un vote pour le Canada lors des prochaines
élections visant à pourvoir les sièges en question.
Finalement,
l’un des parlementaires maltais a exprimé ses préoccupations au sujet de
l’incidence des changements climatiques et de la montée du niveau des mers, et
signalé que Malte et les autres îles de la Méditerranée seraient durement
touchées par toute hausse majeure du niveau des mers. Il a réitéré la nécessité
de trouver des formes d’énergie de remplacement afin d’atténuer les changements
climatiques. À ce propos, il a signalé que Malte envisage d’utiliser des
turbines éoliennes en mer, des systèmes d’énergie photovoltaïque et des usines
de dessalement pour contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction du
carbone.
Les délégués
ont ensuite visité l’aéroport et le principal port de mer de Malte pour
discuter de la sécurité frontalière, des contrôles d’immigration et des
opérations de sécurité avec le commissaire adjoint de la Police de Malte,
M. Andrew Seychell. Ces visites et les séances d’information connexes les
ont grandement aidés à comprendre les préoccupations pratiques concernant le
nombre croissant de travailleurs migrants illégaux et de réfugiés réels qui
débarquent sur les littoraux de Malte.
Pendant les
visites, M. Seychell et son agent supérieur ont fourni des renseignements
détaillés sur les contrôles en place pour vérifier les arrivées et les départs
dans les îles, dont l’utilisation de matériel technique de pointe pour la
vérification des passeports et la sécurité personnelle aux deux endroits.
En tant que membre de l’Union européenne, Malte utilise aussi nombre des
procédures en place dans le reste de l’Europe pour répartir les voyageurs selon
qu’ils sont titulaires de passeports européens valides ou de passeports non
européens. De plus, Malte étant une île, on utilise des hélicoptères, des
aéronefs à ailes fixes et des bateaux à grande vitesse pour les aspects
opérationnels de la sécurité frontalière. Grâce à ces équipements, les
autorités peuvent repérer plus tôt les bateaux en provenance de l’Afrique du
Nord soupçonnés de transporter des immigrants illégaux et des réfugiés et les
rejoindre facilement lorsqu’ils risquent de couler et/ou avant qu’ils
n’atteignent les côtes de l’île. M. Seychell a par ailleurs fait mention
de l’étroite collaboration passée avec les formateurs de la police canadienne
et déclaré qu’il a hâte de travailler avec les agents de l’Agence des services
frontaliers du Canada et de la Gendarmerie royale du Canada en poste à
l’ambassade du Canada à Rome pour apporter d’autres améliorations à ces
contrôles et opérations.
Pour
conclure, les membres de la délégation tiennent à exprimer leurs sincères
remerciements à l’honorable Marios Garoyian, président de la Chambre des
représentants de Chypre; à l’honorable Louis Galea, président de la
Chambre des représentants de Malte, ainsi qu’aux parlementaires et au personnel
des parlements de Chypre et de Malte pour leur participation active à
l’élaboration et à la mise en œuvre du programme et leur généreuse hospitalité
pendant la visite. Ils remercient en outre vivement Mme Marta
Moszczenska, ambassadrice du Canada en Roumanie, également responsable de
Chypre; M. Alex Himmelfarb, ambassadeur du Canada en Italie, également
responsable de Malte, et M. Peter Egyed, conseiller aux affaires publiques
et politiques à l’ambassade du Canada en Italie, de leur aide inestimable au
cours de cette visite bilatérale.
Respectueusement soumis,
Russ Hiebert, député,
président de la Section canadienne
de l’Association parlementaire du Commonwealth (APC)