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Une délégation de la Section canadienne de l’Association parlementaire du Commonwealth a effectué une visite à Chypre et à Malte du 14 au 22 mars 2009.  Le député Russ Hiebert, président de la Section canadienne, dirigeait la délégation, qui se composait des députés Guy André, Patricia Davidson, Irene Mathyssen, Alexandra Mendès, Yasmin Ratansi et Bev Shipley.  Carol Chafe, secrétaire administrative de la Section, aidait la délégation.

La constitution de l’APC favorise les visites entre pays membres destinées à permettre aux parlementaires d’échanger des vues et de discuter de questions d’intérêt commun en matière de relations bilatérales et des enjeux intéressant l’organisation internationale du Commonwealth. Comme au cours des dernières années, le Comité exécutif de la Section canadienne a constaté le sentiment croissant de désaccord au sein de l’Association parlementaire du Commonwealth quant à l’orientation future de l’organisation. Il considère la participation à ces visites bilatérales comme un excellent moyen d’établir une approche consensuelle de la résolution de ces problèmes préalablement aux conférences annuelles. Ces visites fournissent en outre une occasion idéale de rencontrer des collègues parlementaires du Commonwealth pour échanger des pratiques exemplaires en matière de résolution de problèmes procéduraux et parlementaires et de discuter de sujets d’intérêt mutuel pour les parlementaires canadiens, chypriotes et maltais.  Parmi les sujets abordés au cours de cette visite figuraient la traite des femmes et des enfants; les questions de sécurité frontalière; les réformes électorales et les mesures conjointes aux Nations Unies et au Parlement européen.

À leur arrivée à Chypre, le dimanche 15 mars, les délégués ont été accueillis par Mme Marta Moszczenska, ambassadrice du Canada en Roumanie, également responsable de Chypre. Celle-ci leur a donné une séance d’information détaillée sur la situation actuelle à Chypre et sur les efforts que poursuivent les Nations Unies pour regrouper les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs dans un État réunifié apte à fonctionner. Elle a signalé la longue histoire de la présence des Canadiens à Chypre en tant que membres de l’une des premières équipes de gardiens de la paix de l’ONU, et le respect continu des deux camps pour le travail des Forces armées canadiennes. Cette histoire est intervenue dans le cas de l’aide humanitaire apportée par Chypre pendant la crise de 2006 au Liban, lorsque 13 000 Canadiens en visite dans ce pays ou qui y résidaient ont été évacués par pont aérien à Chypre en attendant d’être rapatriés au Canada.  Cette coopération se poursuit aujourd’hui par la prestation d’installations à l’intention des membres des Forces canadiennes qui reviennent d’Afghanistan, notamment dans le cadre du programme de décompression préalable à leur retour au Canada. Ce programme facilite la réintégration des militaires dans leurs familles et offre un diagnostic et un traitement initiaux à ceux qui sont peut-être atteints de troubles de stress post-traumatique liés à leur affectation en Afghanistan et à leur réadaptation à la vie hors d’une zone de guerre.

La haute-commissaire Moszczenka a également renseigné les délégués sur la position de Chypre touchant plusieurs dossiers de l’Union européenne (UE) intéressant le Canada, dont le nouveau règlement régissant l’importation de produits dérivés du phoque du Canada; les sièges vacants au Conseil de sécurité de l’ONU et les trois candidats (Canada, Portugal et Allemagne); l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada, et la mise en œuvre de l’accord Ciel ouvert pour permettre les vols directs entre Chypre et le Canada. Elle a par ailleurs signalé la participation apparente d’immigrants russes à Chypre au commerce illégal de la drogue, au blanchiment d’argent et à la traite des personnes. Cette séance d’information a permis aux délégués de mieux comprendre la situation à laquelle Chypre est actuellement confrontée et les retombées de son adhésion à l’UE.

Le lundi 16 mars, la délégation a rencontré M. Taye-Brook Zerihoun, représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies (ONU), au bureau du chef de mission de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP). M. Zerihoun a parlé de l’état actuel des négociations visant à trouver une solution politique à la situation à Chypre. Il a signalé que le président actuel de Chypre, M. Demetris Christofias (Chypriote grec), et le leader chypriote turc, M. Mehmet Ali Talat, se sont tous deux engagés à trouver une solution constitutionnelle viable. Toutefois, il a déclaré s’inquiéter de ce que M. Talat n’éprouve des difficultés à se faire réélire lors des prochaines élections dans les secteurs de l’île sous contrôle turc.

Il a mentionné que les Chypriotes tant grecs que turcs considèrent Chypre comme leur patrie. Toutefois, les années de séparation physique entre les populations, alliées à la présence d’un grand nombre de soldats turcs dans le nord de l’île et à l’attitude militariste d’Ankara, font qu’on n’a pas l’impression que  les Chypriotes turcs aspirent à un règlement pacifique du conflit.

Il a en outre mentionné que le rôle des Nations Unies consiste non pas à imposer une solution pacifique à l’île, mais à encourager et aider les deux camps à trouver une solution acceptable et réalisable aux nombreux problèmes découlant des années d’instabilité. L’une des solutions proposées par le président Christofias (Chypriote grec) et le leader chypriote turc, M. Talat, serait d’établir une île composée de deux zones coexistant paisiblement. Cette solution n’est pas parfaite, et elle exigerait que les deux camps coopèrent pour résoudre divers problèmes de longue date résultant du mouvement massif de Chypriotes turcs, qui résidaient autrefois dans le sud de l’île, vers le nord, et du mouvement concomitant de Chypriotes grecs du nord au sud de l’île. Ce problème a été aggravé par l’immigration de plusieurs milliers de Turcs dans les secteurs du nord de l’île autrefois habités par les Chypriotes grecs. Beaucoup de Chypriotes estiment qu’aucun règlement ne sera possible avant que ces milliers d’immigrants turcs ne retournent en Turquie. Les Chypriotes grecs semblent disposés à négocier avec les Chypriotes turcs, mais sans la pression qu’ajoute la population d’immigrants turcs qui réside dans la partie nord de l’île.

Cette solution possible a compliqué la question majeure de la propriété des terres et de la façon d’assurer une restitution juste et équitable aux anciens propriétaires dans tout règlement futur du conflit de l’île. Les Chypriotes turcs du nord ne disposent pas de fonds suffisants pour offrir une juste valeur marchande aux anciens propriétaires qui résident maintenant dans le sud. De plus, 37 p. 100 de toute la masse terrestre de l’île sont actuellement sous contrôle turc dans la partie nord de Chypre. L’importante population d’immigrants turcs établis dans le nord est considérée comme un facteur qui limite la réélection de M. Talat. On sait que cette portion de la population chypriote turque suit l’orientation vers une ligne dure, appuyée par Ankara, consistant à créer deux États au lieu de l’État en deux zones favorisé par MM. Christofias et Talat.  En raison du conflit, beaucoup de Chypriotes turcs ont quitté Chypre pour aller s’établir dans d’autres pays de la Méditerranée.

M. Zerihoun a expliqué que le règlement du conflit exigera que les deux populations reconnaissent et adoptent des solutions acceptables en matière de gouvernance et de partage des pouvoirs. Or, la question de l’interprétation de ces deux notions se révèle difficile à résoudre. Les Chypriotes turcs qui restent dans le nord ont le sentiment que la réunification constitue pour eux le seul moyen de profiter de l’appartenance de Chypre à l’Union européenne. Ils ne sont pas convaincus que la candidature de la Turquie à l’UE a des chances de succès à court terme, et ils constatent les avantages économiques que retire la partie sud de l’île. 

Les délégués ont discuté avec M. Zerihoun des possibilités de paix à Chypre et de la question de savoir si le Canada pourrait être appelé à apporter son aide à la mise en œuvre du plan de paix. Beaucoup de choses dépendront des résultats des prochaines élections dans la partie chypriote turque de l’île ainsi que de la réélection éventuelle de M. Talat et de sa capacité de continuer à travailler pour engager des négociations avec le président de la République de Chypre. Toutefois, le représentant spécial a souligné l’influence positive que les gardiens de la paix canadiens avaient eue par le passé et le fait que, comme ils sont toujours tenus en haute estime par les deux parties au conflit, le Canada pourrait être appelé de nouveau à aider les Nations Unies à appliquer toute solution à l’avenir. Fait à signaler, l’appartenance de Chypre à l’UE empêche tout autre pays européen de participer à une force de maintien de la paix dans l’île.

Après la réunion, les délégués ont pu visiter le monument commémoratif dédié aux militaires canadiens morts pendant leur affectation à Chypre. Le seul soldat canadien encore affecté à l’UNIFCYP, le capitaine Michael Solonenko, et sa femme, Lisa, ont dirigé une visite à pied de la base à l’intention des délégués et leur ont relaté plusieurs faits relatifs à la participation des Canadiens aux activités de maintien de la paix dans l’île au cours des 30 dernières années. Les délégués ont en outre pu rencontrer certains membres britanniques de la force de maintien de la paix de l’ONU qui ont pris la relève des militaires canadiens aux postes de contrôle entre le nord et le sud. 

La délégation s’est ensuite rendue à l’un des postes de contrôle les plus passants de Nicosie, soit « Checkpoint Charlie ».  On a mentionné que, même si celui-ci, qui sépare le nord chypriote turc du sud chypriote grec, est l’un des points de passage les plus animés de Chypre, le mouvement de part et d’autre de la frontière s’effectue avec un minimum de dérangement. La majeure partie de la circulation semblait être dans le sens nord-sud, la plupart des gens venant à pied pour faire leurs emplettes hebdomadaires à Nicosie, où ils achètent des biens qui sont devenus rares ou impossibles à obtenir dans les secteurs du nord sous contrôle turc.

Les délégués ont pu participer à un déjeuner de travail en compagnie de membres du Comité parlementaire des affaires étrangères de Chypre, que préside le député Averof Neofytou. Cela leur a permis de discuter de deux questions importantes pour les députés canadiens, soit l’interdiction de l’UE visant tous les produits du phoque canadiens, et le prochain scrutin destiné à remplir deux vacances au Conseil de sécurité des Nations Unies. Tout en se montrant compatissants quant aux effets qu’aura la mise en œuvre de la mesure législative interdisant l’importation de tout produit canadien dérivé du phoque sur la population autochtone de l’Arctique canadien et sur les Provinces maritimes, les membres du Comité parlementaire des affaires étrangères n’estimaient pas qu’ils pourraient persuader leurs collègues de l’UE de retarder la mise en œuvre du règlement ou d’y instituer une dérogation en attendant que des experts canadiens puissent fournir la preuve irréfutable que la chasse se fait sans cruauté et satisfait à tous les règlements de l’UE. En tant que représentants d’un État insulaire, ils étaient tout disposés à entendre les arguments du Canada, mais ils restaient convaincus que la décision de l’UE d’interdire les produits de la chasse au phoque se fondait sur les sentiments plutôt que sur des preuves scientifiques solides.

En ce qui touche la question d’appuyer la candidature du Canada au Conseil de sécurité de l’ONU, les députés chypriotes hésitaient manifestement à donner l’impression de voter contre leurs homologues de l’UE (Portugal et Allemagne). Au cours du déjeuner, les délégués canadiens ont avancé de nombreux arguments pour encourager les parlementaires chypriotes à soutenir la candidature du Canada à l’un des deux postes. Un argument solide a consisté à leur faire valoir qu’au lieu de voter en faveur de l’accession de deux pays d’Europe au Conseil de sécurité, ils pourraient appuyer simultanément l’un de ces pays et le Canada, et ainsi équilibrer le vote. On leur a en outre rappelé que le vote serait secret et que leur décision d’appuyer le Canada ne serait pas considérée comme un rejet flagrant de leurs homologues européens.  Les parlementaires chypriotes ont accepté provisoirement cette idée, mais ils étaient peu disposés à indiquer de façon définitive comment ils voteraient sur cette question à l’ONU.

Une discussion animée s’est ensuite engagée sur l’avenir des négociations visant à instaurer un règlement pacifique de la situation actuelle à Chypre; les délégués canadiens se sont alors vu exposer les obstacles émotifs et politiques à l’atteinte de cet objectif. On a signalé que les Chypriotes grecs se sentent proches de leurs voisins chypriotes turcs, avec qui ils partagent l’île depuis des siècles. Toutefois, la présence constante et les actes du gouvernement d’Ankara ainsi que la présence continue de plusieurs milliers de soldats turcs dans la partie nord de l’île ont créé une atmosphère de méfiance et, jusqu’à un certain point, de peur. Certains des parlementaires chypriotes ont expliqué que leur réticence à faire confiance aux négociateurs turcs est accrue par la forte possibilité que le leader chypriote turc, M. Talat, soit battu lors des prochaines élections en raison de l’afflux des immigrants turcs dans le nord, car ce groupe appuie davantage une ligne dure à l’égard de toute proposition de paix ne comprenant pas la division physique de l’île en deux États distincts.

On a également mentionné que, malgré les efforts déployés par la Turquie au cours des années afin de satisfaire aux exigences rigoureuses imposées par l’Union européenne pour adhérer à celle-ci, et la possibilité d’utiliser l’appartenance à l’UE comme levier dans les négociations relatives à Chypre, le gouvernement turc semble adopter l’attitude selon laquelle « l’UE a plus besoin de la Turquie que la Turquie a besoin de l’UE. » Toutefois, cette attitude pourrait changer si l’économie turque commence à souffrir sévèrement pendant la récession mondiale actuelle.

À la suite de cette réunion avec les membres du Comité des affaires étrangères, les délégués ont rencontré plusieurs membres de la Section chypriote de l’APC pour s’entretenir de diverses questions liées directement à l’état actuel de l’Association au niveau international.  Ils ont également discuté de solutions possibles qui pourraient être mises en train à la réunion de l’EXCO (Comité exécutif international), au milieu de l’année, ainsi qu’à la 55e Conférence annuelle de l’Association parlementaire du Commonwealth, qui doit se tenir à Arusha (Tanzanie), à la fin de septembre. L’une des propositions discutées consistait à examiner la possibilité de remplacer le processus actuel d’élection des cadres supérieurs de l’Association, qui est complètement ouvert, par une formule de roulement strict entre les neuf régions du Commonwealth. Aucune décision n’a été prise; toutefois, ces questions seront peut-être discutées à fond lors de la conférence régionale des Îles britanniques et de la Méditerranée, qui doit se tenir à Guernsey, en juillet. Le Canada a été invité à y déléguer deux observateurs, dont l’un viendra de la Section canadienne et l’autre, de la région.

Le mardi 17 mars, les délégués ont rencontré M. Charilaos Stavrakis, député et ministre des Finances. Celui-ci leur a exprimé ses remerciements personnels pour l’appui soutenu apporté par le Canada à son pays depuis nombre d’années, après quoi il leur a donné un bref aperçu de la situation politique et économique actuelle à Chypre.

Comme lors de toutes les réunions auxquelles la délégation a participé à Chypre, une bonne partie de la discussion a été axée sur l’avenir des négociations visant à résoudre la situation à Chypre, qui est au point mort. M. Stavrakis a répondu aux questions des délégués concernant qui, selon lui, avait le pouvoir de négocier au nom de la population chypriote turque : M. Talat, en sa qualité de leader des Chypriotes turcs, ou le gouvernement d’Ankara. Il avait l’impression que, malgré les nombreux efforts déployés par M. Talat, les autorités turques d’Ankara bloquaient toutes les tentatives de résoudre la situation qui ne prévoyaient pas la création de deux États distincts dans l’île.

Plus tard, on a abordé l’incidence de la récession mondiale actuelle sur l’économie de Chypre. M. Stavrakis a signalé que, pour l’instant, le PIB de Chypre affiche encore une croissance modeste, grâce en grande partie à son appartenance à l’UE et aux avantages que celle-ci peut apporter aux petits pays. Chypre s’est par ailleurs appliquée très activement à mettre en œuvre un taux d’impôt sur le revenu des sociétés de 10 p. 100, celui-ci étant le plus bas dans toute l’UE. La situation de Chypre comme point d’entrée des produits russes en Union européenne, alliée aux traités conclus avec la Russie en vue d’éviter la double imposition,   entraîne un accroissement des investissements russes dans l’île. Plusieurs entreprises pétrolières et gazières canadiennes actives dans l’industrie du pétrole et du gaz de la Russie se sont aussi établies à Chypre pour profiter du bas taux d’impôt sur le revenu des sociétés et de l’absence de double imposition.  Cela aide également à amortir l’effet de la récession sur l’économie.  

En sa qualité de petit pays et de membre de l’UE, Chypre peut offrir aux investisseurs éventuels un contexte d’affaires plus souple, dont de bas taux d’imposition, une main-d’œuvre qualifiée, un secteur économique solide fondé sur les principes anglo-saxons, et un système bancaire conforme aux exigences de l’OCDE. Les banques de Chypre ont toujours fait preuve de prudence dans leurs opérations et ont pu éviter d’être entraînées dans l’effondrement de l’industrie bancaire survenu aux États-Unis et en Europe en n’achetant pas les produits toxiques qui ont mené à la situation actuelle. Le ministre a souligné que la situation pourrait changer à l’avenir si la récession économique mondiale devait se poursuivre pendant quelques années, mais que, pour l’instant, elle reste relativement stable et s’accompagne d’une croissance modeste.

On a également discuté des coûts de la réunification de l’île et de l’incidence que celle-ci pourrait avoir sur l’économie. Le ministre a avoué franchement que la réunification serait coûteuse pour Chypre, mais que, si elle réussit, la paix qu’elle apportera, l’accroissement du tourisme et l’ouverture du marché chypriote turc et du marché continental compenseraient nombre des coûts. En réponse à d’autres questions à ce sujet, il a par ailleurs mentionné que la stabilité découlant de la réunification encouragerait les investissements de l’extérieur dans tous les domaines de l’économie de l’île.

Au cours des discussions, le président de la Section canadienne, M. Russ Hiebert, a soulevé la question du projet de loi de l’UE visant à interdire l’importation de tous les produits dérivés du phoque, et celle de l’appui possible de Chypre pour la candidature du Canada à un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. M. Stavrakis a déclaré que Chypre pouvait faire peu pour bloquer le projet de loi visant la chasse au phoque au Canada, car les membres de l’UE considèrent cette question comme lourdement chargée d’émotion et sont peu susceptibles de changer d’avis ou de modifier leurs votes. Il était prêt à discuter de la possibilité d’appuyer la candidature du Canada au Conseil de sécurité de l’ONU avec ses collègues du Cabinet, mais il ne pouvait faire aucune promesse ni offrir de garanties quant à la façon dont Chypre allait voter. 

Vers la fin de la matinée, les délégués ont rencontré le président de la Chambre des représentants, l’honorable Marios Garoyian. M. Hiebert l’a remercié de l’hospitalité de la Chambre des représentants et de l’aide qu’elle avait apportée à l’organisation de la visite.

M. Garoyian a souhaité la bienvenue à la délégation et parlé avec affection du rôle joué par les gardiens de la paix canadiens à Chypre pendant nombre d’années. Il a ensuite donné un bref aperçu de la situation politique actuelle à Chypre et du fonctionnement de la Chambre des représentants dans un État de coalition. Les parlementaires et le président se sont ensuite entretenus des similitudes et des différences entre les opérations procédurales de la Chambre des représentants de Chypre et celles du Parlement canadien. Les différences sont évidentes du fait que Chypre a actuellement un gouvernement de coalition, ce qui influe sur la composition du Cabinet et sur le fonctionnement quotidien de l’assemblée législative. M. Garoyian a étonné les délégués lorsqu’il leur a dit que son élection à la présidence par tous les partis représentés à la Chambre, après une très brève carrière à titre de politicien élu, l’avait stupéfait et qu’il était encore en pleine période d’apprentissage.

Il a signalé que la Chambre siège les jeudis seulement et que, le reste de la semaine, les députés traitent diverses questions au sein des comités. Ceux-ci sont très visibles à Chypre, et leurs délibérations ont été télévisées pendant plusieurs années; toutefois, cette pratique a été interrompue à la suite d’une évaluation qui a révélé qu’elle avait un effet nuisible sur les travaux du Parlement.  Cette décision a été appuyée par tous les partis représentés à la Chambre. En ce qui concerne l’adoption des lois, M. Garoyian a mentionné que toutes les mesures législatives font l’objet de consultations auprès de tous les partis avant leur dépôt à la Chambre. Il a expliqué que l’on s’efforce de tenir compte de toutes les préoccupations exprimées et, dans la mesure du possible, de les intégrer dans les projets de loi avant de les déposer.

Il a par ailleurs mentionné que la plupart des parlementaires sont élus pour deux mandats de cinq ans, mais que, comme au Canada, certains ne siègent que pendant un mandat, tandis que d’autres sont réélus trois ou quatre fois au cours de leur carrière. De plus, en conséquence de l’évolution démographique à Chypre, l’âge moyen des parlementaires chypriotes est inférieur à 45 ans. Les femmes élues députées sont peu nombreuses, mais beaucoup occupent la présidence de comités.

Comme lors des autres réunions, la discussion s’est ensuite orientée vers la situation actuelle à Chypre. M. Garoyian a mentionné que le désir de la Turquie d’être considérée comme garante du processus de paix à Chypre était inacceptable pour le sud, car cela donnerait à la Turquie un motif de maintenir ses troupes dans l’île. Cette proposition ne fera que retarder le progrès des négociations. Il a par ailleurs signalé que la Turquie cherche actuellement  à persuader certains membres de l’Union européenne de faire pression sur Chypre pour qu’elle accepte la solution proposée par la Turquie, soit créer deux États, laquelle est inacceptable pour la République de Chypre, qui ne veut pas voir l’île divisée.

Plus tard dans la journée, les délégués ont rencontré le maire de Famagusta, l’honorable Alexis Galanos. Celui-ci se trouve dans une situation quelque peu unique, car Famagusta est occupée par les troupes turques et est essentiellement une ville fantôme. Tous les anciens citoyens chypriotes l’ont quittée, et il n’y reste que quelques Chypriotes turcs et plusieurs milliers de soldats. M. Galanos a été élu maire par les citoyens déplacés de Famagusta, qui se sont enfuis à Limassol et à Larnaka en 2004 et pour lesquels il fait fonction d’ambassadeur. Ces derniers l’ont élu en 2007 et lui ont confié le mandat exprès de restituer la ville à ses anciens résidents. À partir des tribunes d’observation, on pouvait apercevoir la ville et certains des soldats turcs qui se déplaçaient dans les parages. Le maire est convaincu que, une fois que les troupes se seront retirées et que les citoyens seront autorisés à retourner dans leurs foyers, Famagusta pourra revenir rapidement à l’état normal.

Le mercredi 18 mars, les délégués ont fait le voyage en avion de Chypre à Malte pour poursuivre leur visite bilatérale dans la région.

À leur arrivée à La Valette, les délégués ont été breffés par M. Alex Himmelfarb, ambassadeur du Canada en Italie et simultanément haut-commissaire à Malte. Celui-ci leur a donné une séance d’information succincte et instructive sur la situation politique actuelle à Malte et sur les liens historiques entre Malte et le Canada, et il a signalé l’avantage accessoire de leur visite à Malte pour les objectifs des relations étrangères du Canada. En tant que membre relativement nouveau de l’Union européenne, Malte a grandement bénéficié de ses partenariats avec celle-ci et étendu son influence dans la région. Le principal sujet discuté a été le problème continu posé par les migrants et les demandeurs d’asile à Malte et la pression qu’il exerce sur la société et sur l’économie maltaises. M. Himmelfarb a par ailleurs signalé le ferme appui de Malte pour les négociations qui ont mené à un partenariat économique plus étroit entre le Canada et l’Union européenne, et le travail en cours en vue d’obtenir l’appui de Malte pour la prévention de l’interdiction complète des produits du phoque canadiens en Union européenne.

Cette séance d’information a été suivie d’une réception donnée conjointement par la délégation et par le haut-commissaire Himmelfarb à l’intention de personnalités représentant les parlementaires et gens d’affaires maltais et les hauts fonctionnaires du gouvernement maltais. Parmi les invités figuraient le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, l’honorable Tonio Borg; le ministre chargé de la Politique sociale, l’honorable John Dalli; le ministre de l’Infrastructure, des Transports et des Communications, l’honorable Austin Gatt, et le ministre de l’Environnement, l’honorable George Pullicino, ainsi que plusieurs parlementaires supérieurs, dont le président de la Chambre, l’honorable Louis Galea. Grâce aux bons offices du consul honoraire du Canada, M. Joe Demajo, président du Groupe Demajo à Malte, les délégués ont en outre pu rencontrer le vérificateur général et le procureur général de Malte, le représentant du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Malte et le commandant des Forces armées de Malte. La réception a fourni à tous l’occasion de s’entretenir officieusement de questions intéressant tant les parlementaires canadiens que les représentants maltais.

La réunion officielle de la délégation avec le président de la Chambre, l’honorable Louis Galea, a coïncidé avec la première conférence annuelle du « jour de la Méditerranée », qui se tenait au Parlement maltais. Au cours de cette réunion, le président a parlé des liens étroits entre Malte et le Canada et du grand nombre de citoyens maltais qui ont immigré au Canada pendant les dernières décennies. L’un des délégués a mentionné qu’une ancienne présidente de la Section canadienne de l’APC, l’honorable Sue Barnes, C.P., offrait un bon exemple de la réussite de ces immigrants au Canada. Le président Galea a en outre souligné l’importance de l’APC pour réunir les États à la fois nombreux et divers du Commonwealth dans un dialogue communautaire sur diverses questions d’intérêt mondial. Le rôle des technologies de l’information et des communications pour combler le « fossé numérique » entre les pays industrialisés et les pays en développement revêt une grande importance pour le gouvernement maltais actuel. 

Le président avait pris des dispositions pour permettre à la délégation d’assister,  après la réunion, à la cérémonie d’ouverture officielle du « jour de la Méditerranée », destiné à célébrer les relations de Malte avec les pays d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient riverains de la Méditerranée. Malte attache une grande importance aux bonnes relations avec ses voisins du bassin de la Méditerranée, car elle les considère comme le prolongement de ses riches liens historiques et culturels avec ces pays. Elle espère utiliser cette conférence pour encourager les jeunes de la région à nouer des relations de travail étroites les uns avec les autres pour l’avenir.

Les délégués ont ensuite rencontré plusieurs parlementaires maltais qui sont membres actifs de la Section maltaise de l’APC et qui souhaitent vivement établir des liens plus étroits avec le Canada pour ce qui est d’obtenir de l’aide afin de résoudre le problème posé par le nombre sans cesse croissant des immigrants illégaux et des réfugiés économiques en provenance d’Afrique du Nord. Parmi les participants figuraient l’honorable Carmelo Mifsud Bonnici, ministre de la Justice et des Affaires intérieures; l’honorable David Agius, whip du gouvernement; le député Francis Zammit Dimteh, président de la Section maltaise de l’APC; le député Charles Mangion, président du Comité des comptes publics;  le député José Herrera, porte-parole de l’opposition pour les affaires intérieures, et le député Luciano Busuttil, porte-parole de l’opposition pour les affaires européennes.

On a signalé que le problème des immigrants illégaux et des demandeurs d’asile qui débarquent sur les rives de l’île pose un défi énorme à la société et au gouvernement maltais. Selon les chiffres actuels, plus de 3 400 personnes arrivent au cours d’une année, ce qui représente près de 10 p. 100 de la population totale de l’île; sur ce nombre, près de 98 p. 100 demandent l’asile. Nombre de ces personnes croient être arrivées en Italie plutôt que dans l’île de Malte, mais elles demandent quand même l’asile, car elles espèrent pouvoir se rendre finalement dans un des pays de l’Europe continentale. Malgré le fait que la plupart souhaitent quitter Malte, les règlements de l’UE les obligent à y rester jusqu’à ce qu’un pays membre de l’Union soit disposé à les accepter comme demandeurs d’asile, réfugiés ou immigrants reçus.

Cette situation saigne massivement les ressources du gouvernement maltais. Les parlementaires présents à la réunion ont souligné que cette question est indépendante de toute partisanerie. Depuis quelques années, le gouvernement de Malte presse ses collègues de l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, le Canada et d’autres pays de l’aider à résoudre le problème en acceptant ces réfugiés. On a mentionné au cours de la discussion que le gouvernement canadien est lent à répondre, malgré le fait que les réfugiés ont été examinés par l’UNHCR, qu’ils sont incapables de retourner dans leurs pays d’origine et que, dans la plupart des cas, ceux d’entre eux qui le désirent reçoivent une formation en anglais afin d’accroître leurs compétences et leur acceptabilité comme immigrants potentiels au Canada et aux États-Unis. Les parlementaires maltais ont fortement insisté pour que le Canada réexamine la possibilité d’accueillir certains de ces réfugiés afin d’atténuer les pressions qui s’exercent sur les quelques installations disponibles pour loger le nombre croissant des réfugiés et des travailleurs migrants illégaux. À la suite d’une discussion très animée, les délégués canadiens ont convenu de soulever cette question auprès des responsables du gouvernement canadien à leur retour à Ottawa. 

Parmi les autres questions discutées lors de la réunion figurait la possibilité de renforcer l’Accord entre Malte et le Canada visant à éviter les doubles impositions, ce qui entraînerait un accroissement des investissements à Malte au profit des deux pays. On a fait remarquer que Malte est non plus un « créneau », mais plutôt un « centre » de services financiers dans la région, ce qui résulte directement de la prudence et de la solidité de son industrie bancaire, comme le prouve le fait qu’elle reste en bonne posture pendant la crise économique actuelle qui touche la plupart de ses partenaires européens.

Avant la fin de la réunion, les parlementaires canadiens ont soulevé deux questions importantes pour le Canada, soit le projet de loi de l’Union européenne visant à interdire l’importation de produits du phoque canadiens et la candidature du Canada à l’un des deux sièges à pourvoir au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les représentants de Malte ont mentionné qu’il était très peu probable qu’ils puissent arrêter l’adoption de la mesure législative interdisant les produits du phoque canadiens en Union européenne, mais ils ont convenu d’envisager la possibilité de proposer une dérogation au règlement lors des réunions du Conseil de l’Europe.

En ce qui concerne la candidature du Canada à l’un des deux sièges vacants au Conseil de sécurité de l’ONU, les délégués ont rappelé à leurs homologues maltais que les votes aux Nations Unies sont secrets et que, comme les deux autres candidats sont européens, l’élection du Canada contribuerait à équilibrer la représentation. Les parlementaires maltais ont convenu d’envisager les conséquences d’un vote pour le Canada lors des prochaines élections visant à pourvoir les sièges en question.

Finalement, l’un des parlementaires maltais a exprimé ses préoccupations au sujet de l’incidence des changements climatiques et de la montée du niveau des mers, et signalé que Malte et les autres îles de la Méditerranée seraient durement touchées par toute hausse majeure du niveau des mers. Il a réitéré la nécessité de trouver des formes d’énergie de remplacement afin d’atténuer les changements climatiques. À ce propos, il a signalé que Malte envisage d’utiliser des turbines éoliennes en mer, des systèmes d’énergie photovoltaïque et des usines de dessalement pour contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction du carbone.

Les délégués ont ensuite visité l’aéroport et le principal port de mer de Malte pour discuter de la sécurité frontalière, des contrôles d’immigration et des opérations de sécurité avec le commissaire adjoint de la Police de Malte, M. Andrew Seychell. Ces visites et les séances d’information connexes les ont grandement aidés à comprendre les préoccupations pratiques concernant le nombre croissant de travailleurs migrants illégaux et de réfugiés réels qui débarquent sur les littoraux de Malte.

Pendant les visites, M. Seychell et son agent supérieur ont fourni des renseignements détaillés sur les contrôles en place pour vérifier les arrivées et les départs dans les îles, dont l’utilisation de matériel technique de pointe pour la vérification des passeports et la sécurité personnelle aux deux endroits. En tant que membre de l’Union européenne, Malte utilise aussi nombre des procédures en place dans le reste de l’Europe pour répartir les voyageurs selon qu’ils sont titulaires de passeports européens valides ou de passeports non européens. De plus, Malte étant une île, on utilise des hélicoptères, des aéronefs à ailes fixes et des bateaux à grande vitesse pour les aspects opérationnels de la sécurité frontalière. Grâce à ces équipements, les autorités peuvent repérer plus tôt les bateaux en provenance de l’Afrique du Nord soupçonnés de transporter des immigrants illégaux et des réfugiés et les rejoindre facilement lorsqu’ils risquent de couler et/ou avant qu’ils n’atteignent les côtes de l’île. M. Seychell a par ailleurs fait mention de l’étroite collaboration passée avec les formateurs de la police canadienne et déclaré qu’il a hâte de travailler avec les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada et de la Gendarmerie royale du Canada en poste à l’ambassade du Canada à Rome pour apporter d’autres améliorations à ces contrôles et opérations.

Pour conclure, les membres de la délégation tiennent à exprimer leurs sincères remerciements à l’honorable Marios Garoyian, président de la Chambre des représentants de Chypre; à l’honorable Louis Galea, président de la Chambre des représentants de Malte, ainsi qu’aux parlementaires et au personnel des parlements de Chypre et de Malte pour leur participation active à l’élaboration et à la mise en œuvre du programme et leur généreuse hospitalité pendant la visite. Ils remercient en outre vivement Mme Marta Moszczenska, ambassadrice du Canada en Roumanie, également responsable de Chypre; M. Alex Himmelfarb, ambassadeur du Canada en Italie, également responsable de Malte, et M. Peter Egyed, conseiller aux affaires publiques et politiques à l’ambassade du Canada en Italie, de leur aide inestimable au cours de cette visite bilatérale.

 

Respectueusement soumis,

 

Russ Hiebert, député, président de la Section canadienne
de l’Association parlementaire du Commonwealth (APC)

 

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