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AMAD Rapport du Comité

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Sommaire

 

En 2014, le gouvernement du Québec a adopté la Loi concernant les soins de fin de vie, qui comprend des règlements relatifs à « l’aide médicale à mourir ». En 2015, la Cour suprême du Canada a déclaré dans l’affaire Carter c. Canada (Procureur général)[1] que les dispositions du Code criminel (le Code) qui interdisaient l’aide à mourir portaient atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés. En juin 2016, le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir) a reçu la sanction royale. Les modifications au Code permettent à une personne âgée de 18 ans et plus affectée par des problèmes de santé graves et irrémédiables et dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible d’avoir accès à l’aide médicale à mourir (AMM), sous réserve de respecter certaines exigences additionnelles.

En 2021, la loi sur l’AMM a fait l’objet de modifications prévues par le projet de loi C‑ 7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir). Par suite de ces modifications, les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible peuvent demander l’AMM, mais la loi précisé que, jusqu’en mars 2023, une personne ne pourra pas présenter de demande d’AMM lorsque son seul problème médical sera un trouble mental. Ces modifications ont été apportées en réaction au jugement de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Truchon c. Procureur général du Canada[2]. Dans ce jugement, la Cour a statué que le critère de la mort raisonnablement prévisible en vertu du Code et l’exigence de fin de vie de la loi québécoise étaient contraires à la Charte. Les nouvelles modifications comportent deux « voies » pour les demandes d’AMM : la « voie un », pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, et la « voie deux », pour celles dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible. Les personnes dont la demande est présentée au titre de la voie un n’ont pas à observer de période d’attente. Les gens qui font une demande en vertu de la voie deux ont une période d’attente de 90 jours, qui peut être levée s’il y a perte imminente de leur capacité de consentir à l’AMM.

Dans le projet de loi C-7, il était exigé qu’un groupe d’experts se penche sur diverses questions relatives à l’AMM lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué (AMM TM-SPMI). Le Groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale a été créé en août 2021 et a publié le Rapport final du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale en mai 2022.

Dans le projet de loi C-7, il était exigé qu’un comité parlementaire examine la loi. Selon le projet de loi C-14, il fallait aussi un examen par un comité parlementaire, mais l’examen en question n’a pas eu lieu avant la présentation du projet de loi C-7. Selon ce dernier, l’examen devait englober les cinq questions suivantes :

  • la situation des soins palliatifs au Canada;
  • la protection des Canadiens handicapés;
  • l’AMM TM-SPMI;
  • l’AMM pour les mineurs matures;
  • les demandes anticipées d’AMM.

Un comité spécial de la Chambre des communes et du Sénat a vu le jour à cette fin (le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir), et il a commencé son étude de la loi sur l’aide médicale à mourir en mai 2021. Les élections fédérales ont toutefois interrompu l’étude. En avril 2022, les membres du Comité ont commencé à tenir de nouveau des réunions. Ils ont publié un rapport provisoire sur l’AMM TM-SPMI en juin 2022, avant de continuer d’entendre des témoins à l’automne 2022.

Au total, le Comité a tenu 36 réunions et entendu près de 150 témoins. Le Comité a également reçu plus de 350 mémoires et autres correspondances, ce qui démontre le niveau d’engagement à l’égard de cette question.

L’importance du matériel de formation sur l’aide médicale à mourir destiné aux professionnels de la santé est un thème commun à de nombreux sujets étudiés par le Comité. Ce matériel de formation, qu’élabore actuellement l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM, aidera à normaliser à l’échelle nationale les méthodes d’évaluation relative à l’AMM. Le Comité a aussi entendu dire que les peuples et communautés autochtones ainsi que les personnes handicapées devaient participer davantage aux discussions sur l’AMM, y compris l’AMM pour les mineurs matures et l’AMM TM-SPMI.

Au sujet des soins palliatifs, le Comité a appris que tout le monde n’avait pas accès à des soins palliatifs, et que cet accès pouvait dépendre de l’endroit où l’on vit. Des témoins ont parlé de la nécessité de fournir des soins palliatifs plus tôt, et pas seulement en fin de vie.

Au sujet des personnes handicapées, le Comité a appris qu’il fallait offrir un plus grand soutien financier aux personnes handicapées afin que celles-ci ne vivent pas dans la pauvreté. Il faut un meilleur accès par ces personnes aux soutiens sociaux, aux services de soutien aux personnes handicapées et aux soins de santé. Des témoins ont indiqué que, sans cet accès, ces personnes pourraient voir l’aide médicale à mourir comme une façon d’alléger leur souffrance due à la pauvreté et au manque de services. À moins que sa mort naturelle ne soit raisonnablement prévisible, une personne qui demande l’AMM parce que son handicap constitue un problème de santé grave et irrémédiable le ferait dans le cadre de la deuxième voie. On a beaucoup parlé de la manière d’établir un juste équilibre entre la protection des personnes vulnérables et l’autorisation de l’AMM pour celles qui veulent y avoir accès. En juin 2022, un projet de loi visant à établir une prestation fédérale pour les personnes handicapées a été présenté[3], et, en octobre 2022, le gouvernement fédéral a publié le Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap du Canada, 2022. Le Comité recommande, en plus d’un soutien continu aux personnes handicapées, l’examen du libellé des dispositions du Code criminel, afin de veiller à ce qu’elles n’alimentent pas la stigmatisation.

Mars 2023 devait marquer le début de l’accès à l’AMM TM‑SPMI. Une demande d’AMM TM-SPMI relèverait aussi de la deuxième voie. Comme il est mentionné ci‑dessus, en juin 2022, le Comité a publié un rapport provisoire sur les troubles mentaux, dans lequel il discute des questions liées à l’AMM TM-SPMI. Le Comité a entendu des préoccupations quant au fait qu’il faudrait plus de temps pour veiller à ce que des normes soient en place avant que l’on ait la possibilité de présenter une demande d’AMM TM‑SPMI. Le 15 décembre 2022, on a annoncé que le gouvernement fédéral entendait « collaborer avec nos collègues parlementaires à la Chambre des communes et au Sénat afin de négocier un report de la date d’admissibilité (17 mars 2023) » à l’AMM TM-SPMI. Le Comité appuie une telle prolongation. Le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir) a été déposé à la Chambre des communes le 2 février 2023; il propose de repousser d’un an la date d’admissibilité à l’AMM TM-SPMI.

En ce qui concerne l’AMM et les mineurs matures, le Comité a entendu diverses opinions sur la question de savoir si des personnes de moins de 18 ans devraient pouvoir demander l’AMM. De nombreux témoins estiment que l’âge n’est pas le seul facteur dont dépend la capacité d’une personne de consentir à l’aide médicale à mourir. En même moment, il a été recommandé de procéder avec prudence, d’autant plus que les données à ce sujet provenant des jeunes eux‑mêmes sont limitées. La plupart des témoins ont recommandé, si cette aide était permise pour les mineurs matures, qu’elle ne le soit que dans le cadre de la première voie (mort naturelle raisonnablement prévisible). Le Comité recommande que les mineurs matures aient accès à l’aide médicale à mourir en vertu de la voie un. Il recommande également que les jeunes soient consultés sur la question des mineurs matures et l’AMM.

Enfin, le Comité a appris qu’il y avait un appui important parmi les Canadiens au fait d’être en mesure de présenter une demande anticipée d’AMM. Une exigence clé de celle-ci est que le demandeur ait la capacité de consentir à sa prestation. Quand une personne recevrait un diagnostic qui suppose une future perte de la capacité décisionnelle, comme celui de démence, une demande anticipée lui permettrait d’indiquer dans quelles conditions elle demande que l’aide médicale à mourir lui soit fournie. Il faudrait que la demande anticipée soit présentée lorsque la personne en a encore la capacité décisionnelle. Le Comité a entendu des explications quant à ce que la demande anticipée devrait contenir et sur le fait que celle-ci devrait être revue périodiquement. Bien que la plupart des détails liés aux demandes anticipées relèvent des gouvernements des provinces et des territoires, puisque ceux-ci sont responsables au premier chef des services de santé, il faudrait tout de même modifier le Code criminel de façon à pouvoir permettre les demandes anticipées, et le Comité prône sa modification de cette façon.


[1]              Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5.

[2]              Truchon c. Procureur général du Canada, 2019 QCCS 3792.