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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 octobre 1997

• 0917

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): Nous reprenons les audiences du Comité spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Il nous fait plaisir de recevoir le Rassemblement arabe à Montréal représenté par son président, M. Mohamed Mahmoud, et un autre membre du conseil, M. Ali Daher. Bienvenue à tous.

[Traduction]

Voici les règles que nous allons suivre: vous pourrez présenter un court exposé ne dépassant pas huit à dix minutes. Après ça, nous passerons aux questions des membres du comité.

Je ne sais pas qui va présenter l'exposé.

M. Mohamed Mahmoud (président, Rassemblement arabe à Montréal): C'est moi qui vais le faire.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Allez-y, monsieur Mahmoud, nous vous écoutons.

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Merci, monsieur le président.

• 0920

Madame la présidente, monsieur le président, honorables députés et sénateurs, le Rassemblement arabe à Montréal est un organisme oeuvrant auprès des communautés arabes dans le Grand-Montréal. Nous sommes sur le terrain de manière informelle depuis quatre ans. C'est notre première année d'existence en tant qu'organisme incorporé. Le RAM, comme on l'appelle, ce qui n'a rien à voir avec la mémoire vive de l'ordinateur, regroupe des citoyens canadiens venus de plusieurs pays arabes aussi bien que des citoyens québécois et canadiens.

Notre travail est axé essentiellement sur le culturel, l'échange civilisationnel et l'intégration réussie de nouveaux immigrants au Canada. Nous sommes des chercheurs, des professeurs, des étudiants, des femmes et des hommes qui croient profondément dans l'avenir de cette société que nous avons choisie, une société qu'on cherche à enrichir, une société moderne et pluraliste.

Comme je viens de le dire, l'intégration réussie est un de nos principaux objectifs au Rassemblement arabe à Montréal. Or, nous croyons fermement que l'intégration réussie repose essentiellement sur deux bases : l'école et le travail. Comme on n'est pas ici ce matin pour parler de travail, mais plutôt d'écoles, mettons une fois pour toutes les bouchées doubles. Nous croyons qu'une éducation équilibrée est le chemin le plus sûr et le plus court vers le marché de l'emploi. Cela se complète. En effet, un parcours scolaire réussi, dans un système scolaire moderne et égalitaire, qui donne les mêmes chances à tous et à toutes, est la première garantie pour un meilleur avenir et une réussite professionnelle qu'individus et société souhaitent vivement.

L'année dernière, nous avons représenté les communautés arabes lors des États généraux sur l'éducation organisés par le gouvernement du Québec et nous avons tenu le même discours. Nous avons été agréablement surpris d'entendre le large consensus autour de la nécessité de réformer le système scolaire au Québec. La plupart des intervenants ont présenté des opinions partagées par la majorité des parents, des organisations et des institutions. Notre joie a été encore plus grande lorsque les membres de l'Assemblée nationale ont adopté à l'unanimité une résolution politique dans cette direction. Cette résolution, votée par les députés de la majorité et de l'opposition, nous a rassurés à plus d'un égard.

Le contexte et l'esprit dans lesquels la Loi constitutionnelle de 1867 a été élaborée ont changé. L'évolution est le chemin le plus court de la société pour un meilleur avenir. À l'époque, il fallait rassurer au maximum les membres des deux religions présentes sur le sol canadien. Ces assurances passaient inévitablement par la protection des acquis de chaque religion: catholicisme et protestantisme. Quelque 130 années plus tard, l'ensemble des contextes a changé. Le Canada est devenu un pays plus riche, et la coexistence multiraciale et multiculturelle de ses habitants constitue une des caractéristiques propres du Canada.

Le contexte historique de la Loi constitutionnelle de 1867, dans son chapitre sur l'éducation, a changé. Rien ne justifie la présence contraignante de telles dispositions qui conduiraient à la superposition de plusieurs niveaux dans le système scolaire du Québec. En d'autres termes, il pourrait y avoir jusqu'à six niveaux d'éducation au Québec.

Le contexte sociodémographique a, de son côté, aussi changé. On ne trouve plus cette dichotomie catholiques et protestants qui présidait lors de l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867. Compte tenu de l'évolution des mentalités et de l'immigration, notre société a évolué vers une acceptation du libre choix en matière de liberté et des croyances religieuses de chacun. La présence d'adeptes d'autres religions et celle de gens ne se réclamant d'aucune croyance religieuse sont de nouvelles réalités qu'il faut prendre en considération dans une société ouverte et démocratique comme la nôtre. Afin d'illustrer ce changement, nous tenons à rappeler que la moitié des élèves du système scolaire au Québec se disent adeptes d'autres religions ou disent n'adhérer à aucune religion. Trente-quatre pour cent sont des adeptes d'autres religions et 12,5 p. 100 disent n'appartenir à aucune religion, ce qui, tout compte fait, donne 50 p. 100.

• 0925

Ajoutons à cela l'absence de correspondance entre les protestants et les anglophones, puisqu'un pourcentage important d'élèves ou la majorité de ce secteur anglophone sont des adeptes de religions autres que le protestantisme. La parfaite illustration de ceci se trouve à Montréal. On y trouve des élèves qui viennent du sous-continent indien qui sont anglophones et qui ne sont ni protestants ni catholiques. À eux seuls, ils représentent quelque 40 p. 100 de l'ensemble du secteur anglophone au Québec.

Le contexte intellectuel n'est plus le même. Depuis l'entrée en vigueur de la Charte des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne, il s'est créé une tendance nouvelle vers l'acceptation de l'égalité de tous et du droit à la différence. Ce principe d'égalité universelle, sur lequel se fondent les sociétés modernes, semble nous indiquer le chemin à suivre pour nos générations futures en matière d'éducation.

Ces trois contextes nous amènent à croire que les fondements mêmes des écoles séparées ne sont plus valables dans nos sociétés modernes. Dans la société du Québec d'aujourd'hui, force est de constater qu'il y a un consensus consolidé quant à la nécessité d'opérer un changement du système scolaire.

Le système scolaire est le premier moteur de l'évolution d'une société. Le système scolaire du Québec a fait ses preuves jusqu'à présent. Cependant, il nous est demandé de prendre des mesures courageuses afin d'adapter notre système scolaire aux réalités nouvelles et futures.

En effet, les enjeux futurs de notre société ne sont pas les mêmes que ceux d'hier. Il faut donc changer le système scolaire afin qu'il reflète la situation actuelle de la société contemporaine du Québec dans la perspective d'un meilleur avenir pour nos générations. Dans les deux centres urbains les plus importants au Québec, Montréal et Québec, on assiste depuis deux décennies à une nouvelle donnée: la montée en flèche des élèves n'appartenant ni au catholicisme ni au protestantisme.

On ne peut en aucun cas oublier la dimension spirituelle de chaque société. Cependant, la dichotomie que nous trouvons actuellement dans le système scolaire au Québec porte atteinte aux principes d'égalité et de pluralisme. Alors que les deux religions sont légalement reconnues et privilégiées, on en ignore d'autres qui ont tout autant droit de cité.

Une élève de première secondaire qui adhère à une religion autre que le catholicisme ou le protestantisme ne comprend pas pour quelles raisons les croyances d'un autre élève valent plus que les siennes. Ne faut-il pas, au nom des droits et de l'égalité de tous, changer notre système scolaire afin de mettre tout le monde sur un pied d'égalité?

Vous avez entendu et vous allez entendre des personnes ayant des opinions différentes des nôtres et des opinions convergentes. Nous respectons autant les uns que les autres. On ne peut que le faire dans une société démocratique et juste. Je m'adresse à vous autant qu'à elles et, en même temps, à nous-mêmes.

Nous avons besoin d'un système scolaire plus ouvert, juste et équilibré, qui rapproche les citoyens au lieu de les éloigner. Nous avons besoin d'un système juste qui rapproche les citoyens les uns des autres au lieu de les éloigner en les marquant dès leur enfance. Nous avons besoin d'un système scolaire moderne et adapté aux réalités de notre société actuelle et future, un système scolaire ouvert sur l'autre et non pas un système fermé sur ses propres valeurs.

Il est temps que le Québec, et probablement un jour le Canada, ait un système scolaire prêt pour les enjeux économiques et sociétaires du prochain siècle, dans une mondialisation qui réduit notre planète à un grand village. Il est temps d'accorder à la société du Québec ce choix qui ouvrira à nos générations montantes les portes d'un avenir plus brillant et plus promoteur.

Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Mahmoud. Nous allons passer immédiatement à la période de questions. Val Meredith.

[Traduction]

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Je vous remercie monsieur le président.

• 0930

Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui et je vous sais gré des commentaires que vous avez bien voulu faire dans le mémoire. Je comprends votre inquiétude à l'égard de cette disposition de l'article 93 qui, d'après vous, semble ne protéger que les droits religieux de deux confessions à l'exclusion des autres. Certaines personnes craignent, malgré tout, d'après ce que j'ai pu comprendre à l'audition des déclarations de certains témoins, étant donné que la Constitution reconnaît les droits des Protestants et des Catholiques du Québec de jouir d'une éducation subventionnée par l'État, que les changements apportés au niveau provincial n'entraînent l'élimination des subventions accordées aux groupes minoritaires. Étant donné que vous êtes déjà une minorité dans la société pluraliste du Québec, pensez-vous que cette inquiétude de la communauté protestante soit justifiée?

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Personnellement, je crois qu'un système scolaire à plusieurs vitesses n'est pas une bonne chose pour une société qui se veut égalitaire et ouverte.

En ce qui a trait à la question des finances, si la minorité à laquelle j'appartiens avait—parce qu'elle ne l'a pas pour le moment—un système scolaire indépendant ou reconnu en tant que tel, je souhaiterais personnellement, pour l'avenir de ce pays, que ce système favorisant ma communauté disparaisse, quitte à ce qu'on perde le financement.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Donc, si je comprends bien, il se pourrait bien qu'un de ces jours vous décidiez d'avoir votre propre école. Est-ce qu'une école musulmane s'intégrerait dans le système d'éducation publique? Pensez-vous que cela serait permis dans le système d'éducation publique du Québec?

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Je crois que je me suis mal exprimé. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je ne suis pas pour une école musulmane, pour une école juive ou pour une école catholique. Je suis pour une école seule, unique pour tous les élèves au Québec.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Très bien. Je pose cette question parce que dans la région de la Colombie-Britannique, que je représente, il existe une école musulmane. Je ne sais pas exactement dans quelle structure elle fonctionne parce que cette protection constitutionnelle ne vise pas le système d'éducation publique et je ne suis pas sûre qu'elle soit subventionnée par le contribuable canadien. Je vous pose cette question parce que le financement de l'éducation est un sujet qui intéresse beaucoup les parents. Je me demande s'il n'existe pas de meilleures façons de garantir cette subvention, peut-être par l'intermédiaire de crédits d'impôt, ou d'autres moyens, plutôt que par le biais de la protection constitutionnelle.

En fait, je me demande s'il existe d'autres façons de garantir aux parents qu'ils ne vont perdre quelque chose en abandonnant la protection constitutionnelle.

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Madame la présidente, avec votre permission, je demanderais à mon collègue, Ali Daher, de vous répondre. Il est spécialiste de la question.

M. Ali Daher (membre du conseil, Rassemblement arabe à Montréal): D'abord, je dois préciser que nous ne représentons pas ici les musulmans. Nous sommes des Arabes. Nous ne parlons pas de confession ou de religion. Nous parlons au nom des Arabes. C'est quelque chose qui est linguistique plutôt que religieux. Nous ne sommes pas contre la religion ou les religions, mais avec les religions. Chaque religion doit avoir les mêmes avantages que les autres, et cela ne se fait pas en séparant la religion et l'école.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Vous dites à la dernière page de votre mémoire, et je suis tout à fait d'accord avec vous:

    Une élève de secondaire un qui adhère à une religion autre que le catholicisme ou le protestantisme, ne comprend pas pour quelle raison les croyances d'un autre élève valent plus que les siennes. Ne faut-il pas au nom des droits et de l'égalité de tous changer notre système scolaire afin de mettre tout le monde sur un pied d'égalité?

Je suis d'accord sur cela et, comme je le disais hier, si on opte pour la thèse des droits confessionnels, il faut mettre tous les groupes confessionnels sur le même pied; sans cela on a un système injuste. Et, comme je le disais hier, je suis favorable à l'amendement à l'article 93, parce que les deux derniers paragraphes, dans notre système judiciaire actuel, font un peu XIXe siècle, alors que les deux premiers protègent les groupes catholiques et les groupes protestants seulement.

• 0935

Je pense qu'on ne peut accepter cela, parce que tous les groupes sont sur le même pied. On ne doit favoriser aucun groupe religieux. Ce sont donc les deux thèses: ou bien on modifie 93 pour l'étendre aux autres groupes religieux, mais ce n'est pas ma thèse, ou bien on le modifie et on laisse à l'État, c'est-à-dire au Québec, le soin de légiférer sur l'enseignement de la religion dans les écoles. Cependant, c'est une solution législative et non une solution constitutionnelle. Est-ce ce que vous voulez?

M. Mohamed Mahmoud: Oui, c'est en quelque sorte ce que je souhaite voir. Nous, on ne peut décider. Mon souhait personnel est une école laïque pour tous et toutes. Cependant, c'est au peuple de choisir. C'est donc à vous de modifier la Constitution et de laisser au Québec le soin de faire la suite. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je n'ai pas d'autres questions à poser.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Bonjour, messieurs Mahmoud et Daher. Merci beaucoup pour votre présentation et de vous être déplacés pour venir témoigner devant nous.

Je trouve votre mémoire et votre position sur la question de l'amendement à l'article 93 particulièrement intéressants et, comme le sénateur Beaudoin, je suis d'accord sur l'amendement. Vous avez soulevé un point qui va au coeur du sujet à la page 3 de votre mémoire:

    Le Canada est devenu un pays plus riche où la coexistence multiraciale et multiculturelle de ses habitants constitue une de ses caractéristiques propres.

Pour respecter ces caractéristiques propres au Canada, le système scolaire doit être modernisé et ouvert. Toutefois, je veux revenir au point que Mme Meredith tentait d'exposer. Il y a peut-être eu un malentendu.

Nous avons reçu des mémoires d'autres groupes qui voudraient qu'on leur garantisse de quelque manière que s'ils veulent mettre sur pied une école et décider de la confessionnalité de cette école, ils pourront le faire. Il est évident qu'avec la modification à l'article 93 demandée par l'Assemblée nationale du Québec, il n'y aurait pas de garantie constitutionnelle.

Il y aurait peut-être des garanties quasi constitutionnelles en vertu de la Charte québécoise et des garanties législatives. Comme plusieurs l'ont signalé, lorsqu'on parle de garanties législatives, la législature de n'importe quelle province peut toujours modifier ce cadre législatif. Quand on parle d'écoles juives, d'écoles grecques orthodoxes ou d'écoles d'autres religions, si je ne me trompe pas, au Québec, ce sont des écoles privées qui reçoivent, comme toute autre école privée, confessionnelle ou non, des subventions du gouvernement. Ai-je raison?

M. Mohamed Mahmoud: Vous avez tout à fait raison.

Mme Marlene Jennings: On ne parle pas de système public parce que, dans le système scolaire public actuel, au Québec, les seules écoles confessionnelles qui existent sont celles des deux religions, le catholicisme et le protestantisme, qui sont protégées actuellement par les dispositions de l'article 93. J'aimerais entendre vos commentaires sur cela.

M. Ali Daher: Comme citoyens canadiens vivant au Québec, nous payons deux fois. Si j'envoie mon fils à une école confessionnelle, par exemple à une école maronite, je paie pour cette école maronite et je paie pour aider les catholiques ou les protestants à enseigner à leurs élèves. Donc, je paie deux fois.

• 0940

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Plusieurs groupes ont douté du consensus. On vient ici pour nous dire qu'il y a eu peu de consensus. Certains sont même venus nous dire qu'ils n'avaient pas été entendus dans le cadre de la Loi 109 sur l'instruction publique, ce qui n'est pas le cas, parce que j'ai devant moi des listes d'associations qui ont été entendues lors de la commission et qui ont été entendues ici aussi, même si elles nous ont dit le contraire. Vous dites que vous avez perçu un consensus lors des audiences. Aux États généraux, 2 000 mémoires ont été présentés. Certains groupes nous ont dit qu'ils n'avaient pu présenter leur point de vue au Québec, ce qui est tout à fait faux, parce qu'on a la liste des gens qui ont présenté leur mémoire. Vous dites que vous avez perçu, lors de votre comparution devant la Commission sur l'instruction publique ou encore sur les états généraux, un certain consensus, mais qu'il y avait des opinions partagées. J'aimerais que vous nous rassuriez quant au consensus que vous avez pu percevoir lors de ces consultations.

M. Mohamed Mahmoud: Merci de cette question. Cela me donne le plaisir ou l'occasion d'en parler. J'aurais voulu en parler plusieurs fois, mais c'est la première fois que l'occasion m'en est donnée.

Je suis allé comparaître aux États généraux pour représenter la communauté arabe dans le cadre des comités culturels vivant au Québec. On est partis du principe qu'il y avait peu de consensus sur l'affaire ou la question d'une école laïque et ouverte à tous en dehors du système privé. On ne parle pas du système privé. Le système privé, madame Meredith, c'est vraiment à côté de tout cela.

On croyait qu'il y avait vraiment peu de Québécois qui voulaient une école ouverte laïque pour tous. On a été plus qu'agréablement surpris par le nombre et la qualité des interventions de Québécois de souche qui allaient dans le même sens que nous, citoyens venus au Canada en tant qu'immigrants. Nous souhaitons une école pour nos enfants qui ont quitté des pays où la confessionnalité est une question quasi permanente ou quasi quotidienne, qui sème parfois le désordre ou la discorde et même la guerre dans certains pays. Donc, on a été agréablement surpris par les Québécois de souche qui demandaient une seule école, une école laïque pour tous et toutes afin de mettre tout le monde sur un pied d'égalité.

Ce consensus s'est répercuté par la suite à l'Assemblée nationale qui a adopté à l'unanimité, chose rare dans l'histoire des assemblées élues, une résolution en ce sens. Si les représentants des Québécois ont adopté cette résolution à l'unanimité, c'est qu'il y a consensus derrière eux; autrement, ils risqueraient leur siège aux prochaines élections.

Donc, j'ai parlé avec des Québécois qui m'ont dit et répété qu'ils étaient pour une école laïque, une école pour tous les Québécois et toutes les Québécoises.

Mme Christiane Gagnon: Vous savez ce qu'on est en train de proposer au Québec. Si la majorité des parents voulaient que l'école reste confessionnelle, catholique ou protestante, et que d'autres religions étaient enseignées à l'école, seriez-vous à l'aise face à cela? Comment pourriez-vous vivre une situation différente de ce qui se vit aujourd'hui?

M. Mohamed Mahmoud: Je ne serais pas à l'aise, et je vous le dis de vive voix. Actuellement, je ne suis pas à l'aise, mais je n'ai rien contre la religion de quiconque, comme je n'ai rien contre une personne qui n'a pas de croyance religieuse. Je me demande pourquoi mon enfant de cinq ans et demi ou six ans devrait revenir à la maison avec une chanson ayant une connotation religieuse.

Je respecte les croyances de tout le monde sans exception. C'est quelque chose que j'ai appris chez moi à la maison quand j'étais tout petit. J'ai vécu dans une société multireligieuse, multiculturelle et multiconfessionnelle, et cela ne me dérange pas.

• 0945

Cependant, j'aimerais que mon enfant grandisse dans une école libre, ouverte à tous. Actuellement, quand ses copains catholiques vont en classe de catéchèse, il s'en va dans une classe de morale où il n'apprend presque rien sur les valeurs morales. Donc, je ne suis pas à l'aise dans ce système.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Grafstein, vous avez la parole.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein (Grand Toronto, Lib.): Je voudrais remercier les témoins de nous avoir présenté ce mémoire qui nous est très utile. Nous avons eu l'occasion, eux et moi, d'échanger nos points de vue à l'occasion d'autres comités parlementaires et je pense que, dans le cadre de celui-ci, nous avons au moins quelques principes fondamentaux communs.

Tout d'abord, il nous serait très utile d'obtenir les statistiques mentionnées dans le mémoire. En d'autres termes, je pense que jusqu'à maintenant nous avons eu des discussions générales sur les minorités à l'intérieur des minorités, mais les statistiques que nous apporte ce témoin sont très intéressantes. Je ne m'étais pas rendu compte de l'évolution démographique en matière d'éducation au Québec.

Je sais qu'à Toronto, par exemple, au cours des quinze dernières années, la composition démographique de la ville a complètement changé.

Un témoin: C'est la même chose à Montréal.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Il nous serait donc très utile d'obtenir, dans le cadre de notre étude, au moins l'analyse statistique des religions, des origines, etc. Je voudrais remercier le témoin d'avoir attiré notre attention là-dessus. C'est le premier à l'avoir fait.

Pourriez-vous nous faire mieux comprendre le traitement des écoles arabes, maronites et musulmanes? En d'autres termes, quels sont les choix qui s'offrent à un parent catholique ou musulman venant d'un pays arabe à Montréal, par exemple, par rapport aux régions rurales du Québec? Quels choix sont proposés à ce parent? Autrement dit, vous nous avez dit que vous choisissez un système d'éducation libre pour votre enfant mais si vous êtes maronite ou musulman et que vous venez d'un pays arabe, de quels choix disposez-vous, en matière d'éducation confessionnelle en vertu du système d'éducation actuel, et qui paie la facture?

[Français]

M. Ali Daher: Je peux dire que le choix est minime. Au Québec, selon les statistiques, il y a à peu près 45 000 musulmans, mais selon les chefs religieux, il y en aurait à peu près une centaine de milliers. Les musulmans ont beaucoup d'enfants. On a seulement deux écoles musulmanes au Québec; donc, le choix est minime. À ma connaissance, il n'y a qu'une seule école qui est subventionnée par le gouvernement, mais pas comme les écoles protestantes et les écoles catholiques, parce que c'est une école privée.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Donc, si la modification adoptée, si l'article 93 est intégré dans le contexte plus large des droits, que pensez-vous qu'il va arriver aux parents des communautés que vous représentez qui veulent envoyer leurs enfants dans une école religieuse? À votre avis que va-t-il se passer? À l'heure actuelle, vous dites qu'il n'y a pratiquement aucun choix. À votre avis que va-t-il se passer?

[Français]

M. Ali Daher: Je suis en relation avec quelques enseignants et représentants de la communauté musulmane au Québec et ils me disent que leurs enfants sont toujours obligés d'aller à une école catholique ou protestante. Il y a un autre choix qui s'offre aux parents. Certains d'entre eux ne veulent plus rester au Québec, par exemple. Il y en a quelques-uns qui ont manifesté une telle intention.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Le gouvernement du Québec propose de passer d'un système confessionnel à un système linguistique que votre mémoire appuie. Si je comprends bien, vous êtes en faveur d'un système libre basé sur une structure linguistique plutôt que sur une structure confessionnelle linguistique. C'est en tout cas ce que j'ai retenu de votre mémoire.

• 0950

Que prévoit le système linguistique proposé à l'intention des parents qui désirent que leurs enfants continuent à parler la langue arabe? Comment les parents d'enfants qui parlent l'arabe et les enfants qui désirent le parler seront-ils traités dans le cadre du nouveau système proposé?

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Monsieur le sénateur, ils ont le même choix que les parents juifs qui conservent le yiddish.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: C'est-à-dire?

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Envoyer leurs enfants à une école privée.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Donc le choix qui s'offre à ces parents, d'après vous, consiste à envoyer leurs enfants dans une école privée payante tout en continuant à payer leur écot au système public ou confessionnel. Ai-je bien compris?

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Oui, c'est exact.

M. Ali Daher: Mais vous mettez la religion et la langue sur un même pied, et il y a une grande différence entre ces deux choses.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Pour l'instant, je m'intéresse à la question de la langue.

[Français]

M. Ali Daher: La question de la langue n'est pas comme la question de la religion. Il y a une grande différence. On peut même oublier notre langue, ne pas parler l'arabe, ou le français ou le juif, mais on ne peut oublier la religion. Dans la société en général, la religion est plus enracinée chez les enfants et chez les parents.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Goldring, vous avez la parole.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Je vous remercie beaucoup.

Il a été dit que, jusqu'à présent, aucune demande de modification visant à diminuer les droits des minorités n'a été présentée mais que, néanmoins, réduire la portée de l'article 93 porte atteinte aux droits des minorités. Ne pensez-vous pas qu'il serait possible d'améliorer le système d'éducation dans la province du Québec pour mieux refléter l'aspect multiculturel de cette province en apportant des aménagements à l'article 93 sans l'abroger, comme le prévoit cette demande? En d'autres termes, ne serait-il pas préférable de faire fond sur la Constitution et de la modifier, afin de mieux refléter le caractère multiculturel de l'éducation dispensée au Québec.

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Pour choisir entre l'abrogation et la modification, je m'en remettrais à la sagesse des membres du Sénat et de la Chambre des communes. Cependant, mon souhait n'est pas que les minorités gagnent plus de droits, alors que l'accent est mis sur le fait d'avoir une société à une seule vitesse et non pas une société à deux vitesses. Je ne cherche pas, pour la minorité arabe ou la minorité pakistanaise ou indienne, des institutions qui lui sont propres, ce qui augmenterait, dans ce cas, la ghettoïsation des citoyens alors qu'on cherche à avoir une société unie dans sa différence, mais unie au moins au niveau scolaire.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Oui, mais vous avez déclaré que certains membres de votre groupe aimeraient avoir des écoles privées ou envoient leurs enfants dans des écoles privées. La question que je pose est celle-ci: s'il existait un système de bons pour l'éducation des enfants ou de crédits fiscaux par étudiant, est-ce que cela n'apaiserait pas vos inquiétudes à l'égard des contribuables finançant un système d'éducation qui n'est pas le leur? Ceci ne constituerait en fait qu'une amélioration de la Constitution.

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Si je comprends bien, vous dites que j'ai dit que je représentais des gens qui envoient leurs enfants dans des écoles privées.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Vous avez dit que vous représentez environ 100 000 personnes. Nous nous demandions si les membres de votre communauté mettraient sur pied des écoles privées si la communauté juive établissait des écoles privées. J'ai cru comprendre qu'il existe un certain pourcentage de personnes dans votre communauté qui enverrait leurs enfants dans des écoles privées. Il me semble qu'un système de bons d'études ou de crédits fiscaux permettrait d'équilibrer les choses en matière d'éducation pour les membres de votre communauté, afin qu'au moins au point de vue financement ils soient tous sur un pied d'égalité.

• 0955

[Français]

M. Mohamed Mahmoud: Je crois que la modification en ce sens de l'article 93 ne serait pas une bonne chose pour les positions que je défends, à savoir une société égale, libre et ouverte à tous, et une école à l'image de cette société. Je crois que les dispositions financières dont vous parlez, monsieur, ne vont pas dans le sens de ce que j'ai dit et ne régleront pas le problème par la suite.

Si, par exemple, il est question d'abroger l'article 93 pour avoir une école plus libre et plus ouverte à tous, j'applaudirai cela. Je ne sais pas s'il en est question. À ma connaissance, il est plutôt question d'amendement. Si vous allez dans le sens de l'abrogation de l'article, tant mieux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Mahmoud. Madame la sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): J'aimerais que vous me précisiez où vous avez pris vos données à la page 3 de votre mémoire, où vous dites:

    ...nous tenons à rappeler que la moitié des élèves du système scolaire au Québec se disent adeptes d'autres religions ou ne sont pas adhérents à aucune religion.

Où avez-vous pris cette donnée-là, à savoir que la moitié des élèves du Québec appartiennent à l'une ou l'autre? C'est vous qui avez écrit ceci.

M. Mohamed Mahmoud: Quand je dis la moitié, cela veut dire 37 p. 100 des Québécois qui ne sont ni catholiques ni protestants et 12 p. 100 qui ne sont adeptes d'aucune religion, qui se disent athées en quelque sorte.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous avez fait l'addition des deux?

M. Mohamed Mahmoud: Oui.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous avez fait cela assez librement.

M. Mohamed Mahmoud: Non, ce n'est pas fait librement. C'est l'étude en annexe au rapport de la Commission Parent, je crois. Ce n'est pas moi qui ai...

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: La Commission Parent?

M. Mohamed Mahmoud: Non, plutôt une commission scolaire. J'ai lu cela. Plus tôt, M. le sénateur...

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: La Commission Parent, cela remonte à 1960.

M. Mohamed Mahmoud: Un instant, s'il vous plaît. Plus tôt, M. le sénateur m'a demandé des chiffres. Je me ferai un plaisir et un devoir de vous les envoyer dès mon arrivée à Montréal pour vous donner cela en détail ainsi que les sources où je suis allé puiser cela.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous avez dit que vous aviez été agréablement surpris ou...

M. Mohamed Mahmoud: Très agréablement.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: ...très agréablement surpris quand vous avez vu, durant les États généraux, que la majorité, sinon l'ensemble des gens qui avaient présenté des mémoires étaient pour une école ouverte, uniforme pour tout le monde, etc.

Je trouve que cela contredit un peu, à moins que je ne me trompe et vous pourrez me corriger, madame et monsieur les présidents, M. Caldwell qui, lorsqu'il est venu hier ou avant-hier, a dit...

M. Mohamed Mahmoud: Pas avant-hier.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Ah oui, avant-hier, c'était dimanche. Ce n'est pas parce qu'il n'ont pas voulu nous faire siéger le dimanche, mais en tout cas, vous avez raison. Donc, quand il est venu, il a dit que d'après les États généraux, la majorité... Je déteste le terme «de souche». Il n'y a pas de Québécois «de souche»; tout le monde est mélangé, que vous le vouliez ou non, non pas avec des anglophones, mais avec des Amérindiens. Heureusement qu'on a été un peu mélangés. Il ne faut pas s'en offusquer. Sans cela, on serait peut-être... je ne dirai pas quoi. On n'était pas nombreux quand la France nous a abandonnés. Elle en a laissé 35 000 ici.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Non, non, 60 000.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: On ne se chicanera pas. Quand vous parlez de tout le monde, vous vous contredisez puisque vous parliez plus tôt d'une très grande majorité. Donc, il faudra faire un examen plus rigoureux de cela.

Une autre chose me déconcerte un peu, pas seulement chez vous mais aussi chez d'autres. Je pense qu'il est justifié que vous ayez un traitement correct pour les enfants d'origine arabe, comme d'autres viennent nous le demander pour d'autres communautés, par exemple les juifs pour les enfants de foi juive, etc. Mais il faut que tout le monde soit pareil. Que faites-vous si vous voulez parler des Québécois de souche? Il y a une tradition dans la communauté québécoise qui est l'enseignement religieux catholique, et protestant aussi, mais probablement davantage catholique depuis plus longtemps. Je suppose que cela doit remonter à ce qu'on appelait dans le temps la domination française.

Je trouve qu'on fait fi un peu rapidement de cela. Pour vous, cela n'a pas d'importance, en autant qu'on entre dans le système et que tout le monde soit pareil. Eh bien, de la même façon que vous êtes justifiés de demander qu'on respecte les croyances de vos enfants et qu'on leur donne même une chance de se développer...

• 1000

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice, pourriez-vous poser une question, s'il vous plaît?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je l'ai posée, ma question, et je vais arrêter de parler pour qu'il réponde.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord. Monsieur Mahmoud.

M. Mohamed Mahmoud: J'apprécie que vous soyez revenue à l'expression «Québécois de souche» pour parler de catholicisme. Je suis encore agréablement surpris, d'une manière positive, parce qu'il y a une réalité et qu'on ne peut la nier. En passant, pour différencier la chose, parmi les Arabes, il y a des musulmans et des chrétiens; parmi les chrétiens, il y a différentes confessions, et parmi les musulmans aussi.

Je ne demande pas de traitement de faveur pour aucune de ces communautés. Je ne demande pas cela. En ce qui a trait au contexte ou au background, je ne suis pas ici pour nier le fait catholique au Québec. Au contraire, cela a apporté quelque chose au Québec et cela continue de le faire. Personne n'est en droit de nier cela. Cependant, je dis que, pour le Québec futur, pour une société ouverte, pour une société de droit, madame la sénatrice, il nous faut une école libre, égale et égalitaire.

On n'est pas là pour nier ou pour faire venir une autre religion; on est là seulement pour avoir plus d'ouverture sur cet autre qui est avec nous. Moi, je suis pour la culture catholique dans la mesure où elle n'interfère pas avec d'autres cultures. Je suis pour l'acculturation de plusieurs cultures entre elles. Cependant, je ne suis pas pour la superposition de plusieurs systèmes scolaires au Québec qui dérangeraient la structure du système scolaire.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Mahmoud, monsieur Daher, au nom de tous les membres du comité, permettez-moi de vous remercier sincèrement pour votre présentation.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: J'aurais une dernière remarque courte.

Je vous entends parler d'une école libre, ouverte et égalitaire. Tout le monde est pour la vertu, et on se rencontrera dans 15 jours. Vous avez des écoles privées. Je ne parle pas des musulmans en particulier, et je pourrais dire la même chose des catholiques ou des protestants. Dans un tel cas, où est-elle, l'école égalitaire? Il y a des écoles privées qui sont souvent beaucoup plus propices au développement des enfants, beaucoup plus larges au plan culturel, etc. Donc, quand vous utilisez le mot «égalitaire» en parlant des écoles, je vous assure qu'on a des croûtes à manger.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci pour votre commentaire.

Nous allons suspendre pour deux minutes, le temps de permettre au prochain groupe de prendre place.

• 1004




• 1007

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): J'aimerais simplement dire aux membres du comité que, pendant la présentation, ils vont recevoir une copie des résumés des mémoires que nous avons reçus la semaine dernière. Cela les aidera.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons les auditions du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1868 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Il nous fait plaisir de recevoir la Fédération des commissions scolaires du Québec, représentée par M. André Caron, premier vice-président; M. Gilles Taillon, directeur général; et M. Guy Beaudin, conseiller. Bienvenue à vous tous.

J'imagine que c'est M. Caron qui fera la présentation.

M. André Caron (premier vice-président, Fédération des commissions scolaires du Québec): Tout à fait.

Le coprésident (M. Denis Paradis): On vous écoute, monsieur Caron.

M. André Caron: La Fédération des commissions scolaires du Québec remercie les membres du Comité mixte spécial de lui fournir l'occasion de présenter son point de vue au sujet de la demande du gouvernement québécois visant à modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

La Fédération des commissions scolaires du Québec regroupe 136 des 156 commissions scolaires actuelles, soit 131 commissions scolaires pour catholiques, les deux commissions scolaires confessionnelles catholiques, les deux commissions scolaires dissidentes catholiques et une des trois commissions scolaires à statut particulier.

Les commissions scolaires membres de la Fédération offrent des services éducatifs à plus d'un million d'élèves, soit 90 p. 100 de la population scolaire québécoise, primaire et secondaire.

Fondée en 1947, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec poursuit le double objectif de faire avancer la cause de l'éducation au Québec et de défendre les intérêts de ses membres.

• 1010

Au cours des 20 dernières années, la Fédération a été présente dans tous les débats sur les projets de restructuration scolaire préconisés par les divers gouvernements qui se sont succédé et elle est également intervenue devant les tribunaux pour faire valoir son point de vue sur la portée de la protection constitutionnelle de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Depuis la fin des années 1960, il y a eu au Québec un débat animé sur le type de commissions scolaires qui conviendrait le mieux aux Québécois. Il s'est aussi établi, depuis plusieurs années, un consensus au Québec. Le type de commission scolaire qui existe actuellement ne répond plus aux besoins de la société actuelle et les commissions scolaires structurées sur une base linguistique devraient être instaurées.

Le gouvernement québécois n'a jamais interprété de façon restrictive les dispositions de l'article 93. Il ne s'est pas non plus limité à mettre en place des commissions scolaires communes en dehors des villes de Montréal et de Québec et des commissions scolaires dissidentes là où la majorité religieuse le réclamait.

Depuis plus de 25 ans, deux réseaux complets de commissions scolaires couvrent le Québec: un réseau de commissions scolaires pour catholiques et un réseau de commissions scolaires pour protestants. La société québécoise a cependant changé. Elle est devenue pluraliste au plan religieux à la suite de la venue au Canada et au Québec de citoyens provenant de pays où la religion, la race, la langue et la culture étaient bien souvent différentes de ce qui prévalait.

La protection de la langue est devenue un objectif très important pour de larges secteurs de la population et les structures scolaires, des outils incontournables pour atteindre cet objectif.

Pour la communauté minoritaire anglophone, le contrôle de la gestion de la commission scolaire protestante a constitué, dans les faits, un moyen efficace pour protéger et développer ses intérêts culturels et linguistiques.

Par ailleurs, la faible densité de la clientèle scolaire protestante de langue française dans plusieurs régions du Québec et la faible densité de la clientèle scolaire catholique de langue anglaise dans ces mêmes milieux ont suscité des collaborations entre les deux commissions scolaires confessionnelles dans le même territoire.

Pour suppléer à la carence des structures confessionnelles actuelles, on a utilisé un mécanisme exceptionnel, comme le recours à des ententes de services. L'exception est maintenant devenue la règle.

C'est ainsi que, dans plusieurs régions du Québec, les commissions scolaires pour catholiques sont devenues, de fait, francophones et les élèves catholiques et protestants fréquentent les mêmes écoles. La même situation se retrouve dans certaines commissions scolaires protestantes qui sont, de fait, anglophones.

Sur les 153 commissions scolaires confessionnelles québécoises, 104 sont, de fait, francophones et cinq commissions scolaires offrent des services uniquement en anglais. Il y a même une commission scolaire dissidente protestante où la majorité des élèves est catholique de langue anglaise.

Dans les milieux où la minorité linguistique anglophone est numériquement plus importante, la situation est cependant différente. Ces commissions scolaires pour protestants acceptent une clientèle anglophone et une clientèle francophone. Elles sont habituellement gérées en harmonie avec la communauté anglophone du milieu et dans un environnement anglophone.

Depuis quelques années, on assiste à une modification significative du type de clientèle qui fréquente les écoles de ces commissions scolaires protestantes. Les élèves scolarisés en français sont de plus en plus nombreux et risquent même de devenir majoritaires dans certaines de ces commissions scolaires d'ici peu de temps. La réforme préconisée par le gouvernement du Québec vise particulièrement à corriger cette situation.

L'amendement à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, acceptée le 15 avril 1997 par tous les députés de l'Assemblée nationale du Québec, nous apparaît tout à fait appropriée pour mettre en place un système de commissions scolaires répondant aux besoins de la société québécoise actuelle.

Il faut savoir que, depuis une quinzaine d'années, les formules mises de l'avant par les divers gouvernements du Québec pour transformer le système actuel de commissions scolaires en commissions scolaires linguistiques étaient complexes et obligeaient le législateur à faire de multiples contorsions pour éviter les contestations judiciaires.

La décision de la Cour suprême du Canada de juin 1993 sur la validité de la Loi sur l'instruction publique, adoptée en 1988, a démontré de façon éloquente la complexité de la transformation des commissions scolaires actuelles en commissions scolaires linguistiques dans le cadre constitutionnel actuel. On pouvait y retrouver jusqu'à six commissions scolaires superposées sur un même territoire. C'est socialement inacceptable.

• 1015

Pour bien mesurer la complexité du système à mettre en place pour se conformer à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, il ne faut qu'examiner les dispositions de la Loi 109, sanctionnée le 19 juin 1997, portant sur le régime provisoire; cela couvre les articles 493 à 508.42.

La Fédération des commissions scolaires du Québec a déjà indiqué, à la Commission parlementaire chargée d'entendre les points de vue sur le projet de loi 109 sur la création de commissions scolaires linguistiques, qu'elle était d'avis qu'à cause de la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, l'approche actuelle est plus simple et la loi qui en résultera devrait être moins attaquable devant les tribunaux.

Au-delà des structures, il y a cependant une autre question qui apparaît fondamentale à la Fédération des commissions scolaires du Québec: c'est le droit à l'enseignement religieux et à la reconnaissance du statut confessionnel d'une école. La réforme du système québécois d'éducation ne remet nullement en cause ce droit. Quant à la reconnaissance du statut confessionnel de l'école, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec a toujours soutenu qu'il appartenait aux parents d'en décider.

Les dispositions de la Loi 109, particulièrement les articles 21 et 36, et celles relatives au droit à l'enseignement religieux garanti par l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec nous apparaissent suffisantes à cet égard.

Tout au long du débat sur la Loi 109, nous avons fait valoir nos craintes quant à la possibilité que la modification constitutionnelle à l'article 93 ne soit pas adoptée avant décembre 1997. D'une part, l'échéancier déjà serré prévu pour l'implantation des commissions scolaires linguistiques sera encore plus difficile à respecter, car il faudra alors faire en même temps le nécessaire pour la mise en place des commissions scolaires dissidentes pour le 1er juillet 1998.

Il y a toute une série d'étapes à franchir avant de déterminer qu'il y aura une commission scolaire dissidente. Dans les faits, cela signifie que les conseils provisoires chargés d'implanter les commissions scolaires linguistiques n'auront que six mois au lieu de dix mois pour réaliser toutes les tâches qui leur sont confiées, soit l'admission des élèves, l'organisation d'un réseau d'écoles, les inscriptions des élèves dans les établissements, le transport scolaire, le transfert et l'intégration des personnels, la répartition des équipements, l'organisation des élections scolaires, le budget, etc.

Par ailleurs, la superposition de structures linguistiques et confessionnelles rendrait extrêmement complexes et lourdes les activités annuelles relatives à l'admission des élèves, à l'affectation du personnel, à la répartition des ressources, à l'établissement des listes électorales et au partage de l'assiette fiscale.

En terminant, pour éviter les difficultés reliées à l'implantation et à la gestion des commissions scolaires linguistiques, il nous apparaît très important que l'amendement constitutionnel soit mis en vigueur le plus tôt possible, soit avant le 31 décembre 1997.

L'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaît la responsabilité exclusive des provinces dans le domaine de l'éducation. La restriction inscrite à l'article 93 traduisait bien la réalité de cette époque. Aujourd'hui, le défi est de se montrer suffisamment visionnaire pour répondre aux besoins de la société actuelle et de commencer à modeler la société de demain.

Une décision positive du Parlement canadien à la requête de l'Assemblée nationale du Québec avant le 31 décembre 1997 permettrait à la société québécoise de moderniser ses structures scolaires pour le plus grand bénéfice des citoyens québécois et dans le respect des valeurs de chacun des groupes qui la composent.

Voilà, monsieur le président. Maintenant, s'il y a des questions sur le mémoire, j'y répondrai.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Caron, merci de votre présentation. On va passer immédiatement à la période de questions. La première question sera posée par Peter Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, monsieur Caron, pour votre exposé.

Votre groupe a-t-il exploré le concept ou l'approche visant à modifier en profondeur l'article 93—en d'autres termes, a-t-il évalué la possibilité de modifier ou d'améliorer l'article 93 afin de mieux refléter la société québécoise et les inquiétudes exprimées par certains en matière d'éducation? Avez-vous exploré cet aspect, par opposition à cette demande, qui vise à soustraire la province du Québec à l'application de l'article 93?

[Français]

M. André Caron: L'abrogation de l'article 93, dans le fond, c'est dans sa plus simple expression. Pour nous, si on se limite à l'introduction qui donne l'exclusivité du champ de l'éducation aux provinces, cela nous suffit pour mettre en place des commissions scolaires linguistiques d'une façon acceptable.

• 1020

[Traduction]

M. Peter Goldring: Supposons que la demande présentée par l'Assemblée nationale du Québec fasse référence à cet article de la Loi constitutionnelle de 1982 et déclare la nullité de cette loi dans la même demande. En d'autres termes, elle ne la reconnaît pas. Ne pensez-vous pas qu'en plus de cette demande de modification de l'article 93, il devrait y avoir une déclaration selon laquelle la province du Québec accepte maintenant l'alinéa 23(1)a) dans la Loi constitutionnelle de 1982, de même que cette loi dans son ensemble. Ne pensez-vous pas qu'il serait prudent d'assortir cette demande d'une telle déclaration?

[Français]

M. André Caron: Je demanderai à M. Beaudin de répondre parce que votre question au sujet des articles de la Loi constitutionnelle de 1982 est très technique.

M. Guy Beaudin (conseiller en recherche et développement, Fédération des commissions scolaires du Québec): Monsieur le président, la question du membre du comité nous reporte à une disposition qui a trait davantage à des caractéristiques linguistiques, alors que l'article 93 n'a trait qu'à la question religieuse. Je pense que c'est fausser le débat.

Ce qui est en jeu ici, c'est uniquement la question de la protection religieuse qui existait en 1867 et qui apparaît aux quatre paragraphes de l'article 93. Il s'agit uniquement de ces paragraphes. Ce n'est pas parce que c'est devenu un instrument pour les groupes linguistiques qu'il faut faire le débat à ce niveau-là. Je vous suggérerais peut-être d'autres endroits pour faire le débat. Ici, c'est davantage au plan religieux qu'on s'est placés.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Je m'excuse, mais à mon avis l'article 93 traite des droits des minorités. Je pense que ceci cadre avec la demande.

[Français]

M. Guy Beaudin: Au plan religieux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis très content de ce débat, parce que cela fait une semaine qu'on relie les articles 93 et 23 et que je pense que c'est une erreur. Si on veut amender l'article 23, ce n'est pas la bonne formule d'amendement; mais si on veut amender l'article 93, c'est la bonne formule d'amendement. J'espère que le débat va arrêter de déraper. Par exemple, on se dit disposé à accepter l'amendement à condition qu'on amende l'article 23. Oui, mais l'article 23 porte sur les droits linguistiques et les droits à l'instruction. L'article 93 traite de droits religieux, de droits confessionnels.

D'après moi, c'est oui ou c'est non pour les droits confessionnels. Je pense qu'on ne peut pas mélanger les deux amendements, au risque de s'en aller dans un cul-de-sac, d'autant plus que la formule pour amender l'article 23 n'est pas la même que celle pour amender l'article 93. Je pense qu'à cet égard, il faudrait être bien sûr de ne pas faire déraper le débat.

Voici ce que je veux savoir de vous. Vous dites vouloir conserver le premier paragraphe de l'article 93, affirmant que l'éducation est de compétence provinciale, point à la ligne. Est-ce exact? Bon. Le contexte de 1867 a changé. On écarte les paragraphes (1), (2), (3) et (4).

M. André Caron: Tout à fait.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est clair. Puis, pour ce qui est de l'enseignement dans les écoles, vous vous en remettez à l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec?

M. André Caron: Oui, à cet article qui donne le privilège à chacune des écoles de décider de sa confessionnalité.

M. Gilles Taillon (directeur général, Fédération des commissions scolaires du Québec): On se reporte à l'article 41 de la Charte québécoise et particulièrement aux articles 26 et 31 de la Loi 109 qui donnent des garanties du choix confessionnel dans chacune des écoles.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Bon. Et ceci vous satisfait?

M. André Caron: Oui, cela nous satisfait.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je n'ai pas d'autres questions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin. Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, c'est un mémoire qui se veut une forme de synthèse extrêmement éclairée de ce que sont les enjeux.

Vous devez savoir qu'on vit deux difficultés à ce comité. Le sénateur Beaudoin en a soulevé une. Je comprends que vous êtes très solidaires de l'amendement, et vous avez bien fait ressortir les enjeux. Vous êtes aussi des témoins privilégiés de ce qui s'est fait au Québec en matière scolaire au cours des dernières années et savez jusqu'à quel point toutes ces questions ont été débattues.

Je voudrais, monsieur le président, profiter de la présence des témoins pour déposer officiellement un document qui fait un peu la recension de toutes les consultations qui ont eu lieu sur cette question. J'en ai fait tirer des exemplaires pour mes collègues. Je demande aux témoins de nous rappeler jusqu'à quel point ce débat a des racines extrêmement profondes dans la société québécoise et de témoigner des quatre consultations majeures qui ont porté sur ces enjeux. D'abord, il y a eu le rapport Kenniff, deuxièmement, les consultations...

• 1025

Le coprésident (M. Denis Paradis): Est-ce que vous êtes en train de faire la description de votre document?

M. Réal Ménard: Non, non.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Qu'est-ce que c'est, votre document?

M. Réal Ménard: C'est tout ce qui s'est fait comme consultations au Québec sur les enjeux des commissions scolaires linguistiques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord.

M. Réal Ménard: Je voudrais que chacun des membres du comité puisse le savoir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord, poursuivez.

M. Réal Ménard: Il y a également les groupes qui ont été entendus à Québec et à Ottawa. Je poserai ma question parce que je sens que je ne dois plus tarder.

Est-ce que vous pouvez témoigner qu'il y a eu quatre consultations majeures sur ces questions au cours des dernières années: le rapport Kenniff, les consultation que la ministre Marois a faites elle-même, ainsi que les projets de loi 107 et 109? Pouvez-vous nous rappeler l'ampleur du consensus qui existe au Québec?

M. André Caron: Monsieur Ménard, on ne peut que témoigner du fait qu'il y a eu des consultations. Vous venez de les décrire et je ne les reprendrai pas. Ce qu'on vous dit, c'est que parmi nos membres et à l'Assemblée nationale, il y a effectivement consensus pour tendre vers une abrogation de l'article 93; c'est ce qu'on sous-tend. On sent que le consensus est fort, assez fort pour permettre cette abrogation; c'est ce qu'on demande.

M. Réal Ménard: Excellent.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci d'être venus.

J'ai une question très précise. Vous avez dit qu'il était important qu'au niveau de chaque école on ait la possibilité de choisir un enseignement religieux. Mais, que vous aimiez cela ou non, vous êtes régis par la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi constitutionnelle de 1982.

Pourrais-je vous demander si vous êtes assez certains, au sens juridique, de pouvoir possiblement défendre votre point de vue auprès de la Cour suprême? Croyez-vous que les dispositions de la Loi 107, de la Loi 109 et de l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec représentent une protection suffisante pour vous assurer qu'ils ne soient pas contestés par la Cour suprême, qui se baserait sur les articles 2 et 15 de la Charte canadienne et vous dirait que c'est discriminatoire? Je crois qu'il est important que vous vous assuriez que le droit d'expression et la non-discrimination dans la société seront protégés et que oui, il est souhaitable de se diriger vers les écoles linguistiques anglophones et francophones. Je suis complètement d'accord, mais est-ce que les droits acquis et l'assurance qu'on saura répondre aux parents dans le meilleur intérêt de leurs enfants seront assez bien protégés si on choisit ce chemin?

M. André Caron: Effectivement, il nous semble que les articles 21, 36 et 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec offrent une protection suffisante pour combler le besoin qui existe. Je demanderai peut-être à M. Taillon de compléter ma réponse.

M. Gilles Taillon: Je voudrais souligner que nous ne sommes pas malheureux avec la Charte canadienne.

L'hon. Sheila Finestone: Tant mieux, tant mieux. Un homme éveillé.

M. Gilles Taillon: À la Fédération des commissions scolaires, nous sommes confiants qu'avec les droits contenus dans la Charte québécoise et dans la Loi 109, le droit au choix de l'enseignement religieux pour chacune des écoles est garanti, et nous n'avons pas besoin de la protection constitutionnelle pour ce faire. Nous sommes confiants dans ce sens-là, et nous le sommes autant que l'est le cardinal-archevêque de Montréal. Nous sommes aussi confiants que lui que les droits religieux seront respectés avec les lois du Québec.

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Taillon, vous êtes certainement bien au courant de ce qui se passe et vous avez l'air satisfait.

• 1030

Hier, des témoins ont discuté du cas de mennonites qui avaient leur propre école, l'école Elgin en Ontario, laquelle ne représentait pas un système scolaire. La Cour suprême avait statué qu'ils n'avaient pas le droit d'éduquer leurs enfants dans une forme de protestantisme. C'est pourquoi cette question me revient souvent. Je la pose en toute sincérité.

M. Guy Beaudin: On offre telle solution et on se sent confiants face à cette solution pour la raison qu'on vient de mentionner, mais il y en a une autre. Il y a quand même 130 ans qu'on vit avec cette la protection constitutionnelle, mais aussi avec une assemblée législative, qui est devenue l'Assemblée nationale. Quand on examine ces 130 années et qu'on regarde la façon dont les droits religieux, les droits de la minorité ainsi que les droits linguistiques ont été protégés et la façon dont ces lois ont été administrées, on se dit que dans le fond, on peut faire confiance à nos institutions et à l'Assemblée nationale pour prendre les bonnes décisions au moment opportun. Nous croyons dans les institutions politiques, et pas seulement dans la Constitution, pour prendre des décisions les plus appropriées le moment venu. Cet élément fait aussi partie de notre point de vue, cette confiance dans nos institutions politiques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Beaudin. Sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il me fait plaisir de vous voir. Avez-vous noyé votre présidente?

M. Gilles Taillon: Elle était dans l'impossibilité de venir.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: D'accord. C'est toujours Mme Drouin?

Le coprésident (M. Denis Paradis): C'est toujours Mme Drouin.

M. Gilles Taillon: C'est toujours Mme Drouin.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Ils n'ont pas souvent eu une femme comme présidente et je m'inquiétais.

M. André Caron: Et elle est excellente.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Bon. Tout le monde parle de toutes sortes de garanties. Ne pensez-vous pas que ces garanties sont un peu plus aléatoires, en ce sens que c'est plus facile pour le législateur de décider de les modifier?

M. André Caron: C'est peut-être vrai au niveau de la Loi 109, mais non pas au niveau de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec qui serait beaucoup plus difficile à modifier. Cela, elle le garantit très formellement.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: J'entends toujours les gens dire que la Loi 109 garantit ceci et cela; selon vous, c'est davantage la Charte qui garantit les droits?

M. André Caron: C'est un peu ça, oui.

M. Gilles Taillon: S'il n'y avait que la Loi 109, on serait peut-être un petit peu plus inquiets. L'article 41 de la Charte des droits du Québec nous rassure. La combinaison des deux nous satisfait.

M. André Caron: C'est ça.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous parliez des commissions scolaires protestantes et j'apprends quelque chose ce matin. Je ne savais pas que les commissions protestantes relevaient de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

M. André Caron: On en a quelques-unes.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous en avez quelques-unes.

M. André Caron: Oui.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: N'y a-t-il pas une fédération des commissions scolaires protestantes?

M. André Caron: Oui, une association.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous en avez englobé quelques-unes en cours de route.

M. André Caron: Peut-être me suis-je mal fait comprendre. Monsieur Beaudin, quel est le décompte exact?

M. Guy Beaudin: On n'a que des commissions scolaires pour les catholiques, plus une dont le statut est particulier, qui n'est pas une commission scolaire linguistique ou confessionnelle. On ne regroupe que les commissions scolaires pour catholiques.

M. André Caron: Alors, je me suis mal exprimé.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Maintenant, que pensez-vous de la Commission scolaire dissidente de Greenfield Park qui a fait valoir que l'abolition de l'article 93 se traduirait par la disparition de son droit à la dissidence? Quelle importance accordez-vous à la possibilité de commissions scolaires dissidentes? Comment pourrait-on les protéger tout en ayant des commissions scolaires linguistiques, ce sur quoi je suis d'accord depuis fort longtemps d'ailleurs?

M. André Caron: Vous voulez dire protéger Greenfield Park?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Pas seulement Greenfield Park, puisque cela pourrait se présenter ailleurs.

M. André Caron: Je crois que Greenfield Park est la plus grande commission scolaire dissidente.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui.

M. André Caron: Les autres sont de petites commissions scolaires. Nous représentons l'ensemble des 137 commissions scolaires et la majorité de nos membres font consensus quant aux commissions scolaires linguistiques.

• 1035

Il y a aussi l'organisation, à partir du 1er janvier 1998, si l'article 93 n'est pas abrogé, la difficulté de mettre en place toutes ces commissions scolaires-là. Cela nous apparaît une dépense d'énergie futile pour aboutir aux commissions scolaires linguistiques.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Alors vous êtes contre les commissions scolaires dissidentes?

M. André Caron: Pas nécessairement contre les commissions scolaires dissidentes. S'il faut qu'il y en ait, il y en aura, mais cela nous semble...

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, mais là non plus personne ne va être protégé.

M. Gilles Taillon: C'est évident. Il nous apparaît clair que s'il n'y a plus d'article 93, il ne devra plus y avoir de dissidence. Il y aura des choix confessionnels à l'école, mais les structures scolaires, les structures intermédiaires ne seront plus confessionnelles; elles vont être linguistiques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénatrice Lavoie-Roux.

Nous allons passer au prochain intervenant, Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur Caron, dans la Fédération, il y a 136 commissions scolaires. Quelle est l'étendue du consensus et comment l'avez-vous dégagé?

M. André Caron: Le consensus est très, très large, parce qu'on parle de commissions scolaires linguistiques depuis une dizaine d'années. On sent qu'il y a un mouvement d'appui. Je ne vous cacherai pas que ce n'est pas à 100 p. 100, mais une très forte proportion de nos membres appuient une éventuelle structure de commissions scolaires linguistiques au Québec.

M. Mauril Bélanger: Pour commencer, pourriez-vous être un peu précis? Qu'entendez-vous par «large»?

M. Gilles Taillon: À l'occasion des États généraux, nous avons fait une consultation en assemblée générale de l'ensemble de nos membres, qui se sont prononcés quasi unanimement en faveur de mesures pour faire en sorte qu'on ait des commissions scolaires linguistiques au Québec. Donc, c'est une position d'assemblée générale ferme.

Il y avait quelques réserves.

M. Mauril Bélanger: Excusez-moi de vous interrompre. Sur cela, c'est clair.

M. Gilles Taillon: C'est clair.

M. Mauril Bélanger: Il y a presque l'unanimité sur la formation de commissions scolaires linguistiques.

M. Gilles Taillon: Oui.

M. Mauril Bélanger: Je parle ici de la demande qui est devant nous, soit d'abroger les paragraphes (1) à (4) de l'article 93.

M. Gilles Taillon: Parmi nos membres?

M. Mauril Bélanger: Parmi vos membres, oui.

M. Gilles Taillon: Je peux répondre. Écoutez, nous nous sommes présentés en commission parlementaire sur le projet de loi 109, nous avons exposé le point de vue que nous exposons ici et nous n'avons reçu aucune résolution de commissions scolaires nous disant que nous nous étions trompés. Nous avons senti une large adhésion de nos membres à cette position-là.

M. Mauril Bélanger: Vous avez consulté vos membres?

M. Gilles Taillon: Pas formellement.

M. André Caron: Pas sur cette question précise.

M. Gilles Taillon: Nous pensions que nous détenions un mandat puisque notre ligne de pensée élaborée au moment des États généraux avait été validée. De plus, le mémoire sur le projet de loi 109 a été envoyé à l'ensemble de nos membres. Aucun commentaire. Nous pensions avoir un mandat clair et, comme il n'y a pas eu de réaction, nous sommes sûrs que nous avions un mandat clair.

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, une dernière question.

J'aimerais avoir plus de précisions sur la question des territoires affectés, soit Montréal et Québec, par l'abrogation des dispositions de la loi. En particulier, j'aimerais que vous commentiez, s'il vous plaît, la prise de position de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui a comparu devant nous hier et qui n'est pas favorable à l'abrogation des paragraphes de l'article 93. Selon vous, quel est le niveau du consensus sur les deux territoires visés et comment expliquez-vous la position de la Commission des écoles catholiques de Montréal?

M. André Caron: Pour ce qui est de la position exposée hier par la Commission des écoles catholiques de Montréal, c'est très frais. Je n'ai pas vu tous les détails techniques, mais il ne m'a pas semblé qu'ils étaient opposés; ils semblaient plutôt tièdes.

Pour ce qui est du territoire de Québec, je pense que la situation est complètement différente. Monsieur Beaudin.

M. Guy Beaudin: Effectivement, notre position est passablement différente de celle du mouvement qui dirige la CECM, mais je ne pense pas que la CECM, comme organisme, ait pris position. Si j'ai bien lu le mémoire, c'était au nom d'un mouvement qu'on écrivait. Il n'y a pas eu de prise de position officielle de la commission scolaire à cet égard-là, je pense.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Je m'intéresse à la même question que mon collègue.

Nous avons entendu hier les dépositions de deux groupes dont l'un était la Commission des écoles catholiques de Montréal qui, je suppose, est affiliée à votre organisation. Nous avons également entendu un représentant de la Ligue catholique des droits civils, qui nous a dit de façon bien précise que l'un des obstacles que nous devons surmonter en tant que comité parlementaire consiste à nous assurer qu'il existe un grand consensus en ce qui concerne les parents dont les droits sont réduits ou abolis.

• 1040

Déclarez-vous au comité en termes clairs et sans ambiguïté aucune que vous n'êtes pas perturbé par le fait qu'une grande majorité de parents, qui sont à la base de votre organisation, des parents qui envoient un million...? Vous dites que vous représentez un million d'étudiants et je suppose que cela correspond à environ deux millions de parents. Estimez-vous que la grande majorité des parents représentés dans vos commissions scolaires sont en faveur de la modification de l'article 93? Est-ce bien cela que vous nous dites?

[Français]

M. André Caron: À mon avis, oui, la protection est suffisante. Les parents vont pouvoir créer des écoles de la confession de leur choix. Les garanties de la Loi 109 et de la Charte des droits nous paraissent suffisantes pour que les parents puissent exercer ce privilège au niveau de leurs écoles.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: Je ne voudrais pas parler au nom de la Fédération des comités de parents. Toutefois, nous avons perçu, au cours des discussions que nous avons eues avec eux, entre autres quand nous avons travaillé ensemble à l'élaboration des consultations sur la Loi 109, qu'en autant que leur était garanti le droit de choisir le caractère confessionnel de l'école, ils étaient satisfaits et acceptaient que l'article 93 soit amendé.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup.

La parole est à Mme Val Meredith.

Mme Val Meredith: Merci.

Je voudrais revenir sur une déclaration de M. André Caron, je pense, selon lequel la modification de l'article 93 aurait pour résultat d'éliminer les écoles dissidentes. Les choix à faire seraient de nature confessionnelle.

Lorsque j'examine les chiffres que vous nous avez cités, vous représentez la majorité. Vous avez fourni deux chiffres, 136 ou 137 commissions scolaires au Québec. Cent trente et une d'entre elles sont des commissions scolaires catholiques, donc il s'agit bien d'une majorité. Deux sont des écoles confessionnelles et deux autres sont des commissions dissidentes, c'est-à-dire des commissions scolaires protestantes, si j'ai bien compris. En fait, vous ne parlez que d'un petit nombre de commissions scolaires que vous représentez et que l'on peut considérer comme la minorité dans cette situation.

Je pense que les inquiétudes exprimées par les personnes qui représentent ces groupes reposent justement sur le fait qu'ils constitueraient évidemment une minorité et donc, si leur protection en vertu de la Constitution leur était retirée, ils cesseraient d'avoir droit à des subventions publiques. Même si des choix confessionnels devront être faits, il n'existe aucune garantie dans la législation provinciale ou dans n'importe quelle autre loi en vertu de laquelle des subventions continueraient à être versées à ces écoles dissidentes, qui constitueraient des écoles minoritaires dans le futur.

[Français]

M. André Caron: Il faut bien s'entendre; il ne s'agit pas d'écoles dissidentes, mais de commissions scolaires dissidentes. Je demanderais à M. Beaudin de répondre à votre question, madame.

M. Guy Beaudin: S'il y a si peu de commissions scolaires dissidentes au Québec, cela s'explique par ce que nous avons dit au début, à savoir que le gouvernement du Québec a mis sur pied, au cours des 25 dernières années, un réseau complet de commissions scolaires confessionnelles, à la fois protestantes et catholiques. Cela veut dire que certains groupes n'ont plus à se déclarer dissidents sur le plan religieux, ou encore que la création d'une commission scolaire confessionnelle n'était plus nécessaire. Pourquoi? Parce que l'Assemblée nationale avait pris les devants en généralisant l'accès à des services éducatifs selon la confession religieuse. C'était au début des années 1970.

Depuis ce temps, on assiste à une transformation graduelle qui fait que les commissions scolaires sont très souvent devenues, dans les faits, des commissions scolaires linguistiques. C'est le cas, par exemple, de la Commission scolaire dissidente protestante de Baie-Comeau qui est en majorité catholique, mais uniquement de langue anglaise.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Mais cela se produit déjà. La question est de savoir pourquoi il nous faut recourir à une modification constitutionnelle pour permettre que cela se produise.

• 1045

Ma seconde question porte sur les chiffres que vous m'avez fournis: vous avez déclaré que 131 sur 136 ou 137 commissions sont des commissions scolaires catholiques. Je voudrais savoir si vous représentez toutes les commissions scolaires du Québec ou juste une partie d'entre elles. Ces chiffres reflètent-ils l'ensemble de la situation ou simplement une partie?

[Français]

M. André Caron: Nous représentons 136 des 156 commissions scolaires du Québec.

M. Gilles Taillon: En fait, madame, nous ne représentons pas les commissions scolaires protestantes ou de protestants; nous représentons les commissions scolaires de catholiques. Ces dernières représentent 90 p. 100 de la clientèle des élèves du Québec. Nous représentons donc 90 p. 100 de la clientèle. C'est la situation concrète.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Meredith? Non?

[Français]

Le prochain intervenant sera M. Nick Discepola.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci et félicitations pour votre mémoire. Il a éclairci beaucoup de points pour moi. Je vous en félicite parce qu'il était très clair et très bien présenté. Je vais le relire une autre fois.

Il demeure que nous avons, en tant que membres du Parlement, à faire un geste, à prendre une décision historique. En effet, nonobstant les événements du passé, nous sommes appelés à amender la Constitution et ainsi à retirer des droits à des minorités. C'est une responsabilité que je prends au sérieux.

Vous avez sans aucun doute bien plaidé votre cause et j'accepte ce que vous dites, bien que j'aie essayé de lire attentivement le projet de loi 109 qui fait référence au projet de loi 107; c'est presque incompréhensible.

J'aimerais arriver à mieux démêler la situation suivante. Comment des parents minoritaires sur le plan religieux seront-ils protégés dans une école où le choix de l'enseignement confessionnel est décidé par le comité des parents? Par exemple, si un groupe qui représente 10 p. 100 ou 20 p. 100 des parents professe une religion donnée et désire un enseignement de cette même religion pour ses enfants dans cette école, comment se trouvera-t-il protégé par le biais du projet de loi 109? Cette protection devrait-elle être renouvelée à tous les deux ou trois ans, selon la bonne volonté du comité des parents?

M. André Caron: Les articles de loi actuels nous semblent suffisants pour protéger ce type de minorité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Poursuivez, M. Caron.

M. André Caron: Je suis sûr qu'au niveau de l'école, c'est la majorité qui va décider de la confession de l'école.

M. Nick Discepola: Alors, répondez à ma question, s'il vous plaît.

M. André Caron: Comment la minorité à l'intérieur d'une école peut-elle être protégée? Est-ce que certaines personnes pourraient m'aider sur ce point? Je ne le sais pas.

M. Nick Discepola: C'est là tout mon problème. Selon moi, éventuellement, la décision serait telle qu'on n'aurait plus d'écoles confessionnelles au Québec à cause de cela. On va peut-être regrouper des protestants, des catholiques et d'autres et, éventuellement, le comité des parents va décider que, dans l'intérêt de la majorité, on n'enseigne plus la religion dans cette école.

M. Guy Beaudin: Moi, je pense qu'il faut établir certaines distinctions. En fait, on fonctionne à trois niveaux et c'est ce qui rend la chose un peu complexe. Par exemple, au premier niveau, on a la commission scolaire, qui est confessionnelle ou non. Cela concerne la structure.

Au deuxième niveau, nous avons l'école. Est-ce que l'école est déclarée catholique ou protestante? C'est un niveau de plus.

Et au troisième niveau, on a l'enseignement religieux comme tel. À ce niveau, avec le type de modalité qui existe présentement et qui... Prenons l'exemple de la Commission des écoles catholiques de Montréal où, actuellement, toutes les écoles sont catholiques. Il se trouve pourtant des musulmans à l'intérieur de la Commission des écoles catholiques, parce qu'en plus d'être confessionnelle, elle est aussi publique.

Actuellement, c'est la même chose dans chacune des écoles du Québec. Dans une commission scolaire pour catholiques ou protestants, d'autres religions sont représentées dans les écoles. Notre système va continuer d'exister; il n'y a aucune raison pour que ça change.

Je pense qu'en ce qui concerne la protection de l'enseignement religieux, parce que c'est ce dont on parle, l'article 41 de la Charte protège suffisamment le droit à l'enseignement religieux.

• 1050

M. Nick Discepola: Je ne suis pas d'accord et je vous donne un exemple. Vous m'avez répondu qu'il était certain que mes groupes minoritaires n'auraient pas de protection. En plus, ils devront être à la merci du comité des parents, à tous les deux ans, pour savoir si, à l'avenir, ils pourront...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Caron.

M. André Caron: Je pourrais peut-être essayer de vous rassurer par un exemple qu'on vit actuellement. On a des écoles confessionnelles catholiques. Il y a des cours de morale qui se donnent dans nos écoles à statut confessionnel catholique et cela va très très bien. Il n'y a pas de bataille là-dessus et cela fonctionne.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Robichaud.

Le sénateur Fernand Robichaud (Nouveau-Brunswick, Lib.): Vous parlez de l'enseignement religieux. Si je suis d'une minorité qui n'est pas catholique ou protestante et que je suis dans une école qui est neutre et que je veux de l'enseignement dans la religion que je pratique, dois-je m'inquiéter?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: Je pense qu'il n'y a pas d'inquiétude à y avoir puisque, dans le régime actuel, en vertu de l'article 41, il y a des écoles où il y a des programmes d'enseignement religieux pour des minorités. Donc, cela va continuer, puisque l'article 41 continue. Il y a ce type de programmes. Il y a, bien sûr, des programmes d'enseignement religieux, catholique ou protestant, mais il y a aussi des programmes auxiliaires d'enseignement religieux pour des minorités, là où il y en a.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sur le même point, Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings: Si j'ai bien compris les dispositions des lois 107 et 109, à la suite d'une modification de l'article 93, les parents auront à décider tous les deux ans du statut confessionnel de leur école.

Nous savons très bien que le gouvernement du Québec, depuis de nombreuses années, a une politique de régionalisation pour les immigrants qui n'a pas bien fonctionné jusqu'à maintenant, parce qu'au-delà de 90 p. 100 des nouveaux arrivants s'installent dans la grande région métropolitaine de Montréal.

Mais supposons que dans un avenir rapproché, cette politique commence à porter fruit et que nous ayons de nouveaux immigrants qui s'installent en Abitibi, à Sept-Îles, dans la Beauce, etc. Je vais juste ouvrir une petite parenthèse pour dire que j'appuie la demande de l'Assemblée nationale du Québec. L'article 93 serait modifié, les parents décideraient tous les deux ans du statut confessionnel de leur école, et on commencerait à voir des immigrants s'installer, immigrants qui, au bout de trois ou quatre ans, deviendraient des citoyens canadiens qui seraient de confession autre que protestante ou catholique. Il y aurait possiblement, à un moment donné, une école où la majorité des élèves seraient de confession autre que protestante ou catholique et les parents pourraient bien décider que le statut confessionnel serait musulman, grecque orthodoxe, chiite ou hindou. Toutefois, il y aurait également la situation de mon collègue, M. Discepola, où les parents seraient minoritaires.

Ils verraient le statut de leur religion sur un pied autre qu'égal, parce que la majorité déciderait que le statut confessionnel serait, par exemple, catholique. L'école pourrait desservir 600 élèves au primaire, dont 200 seraient de religion autre et ces parents ne verraient que des programme auxiliaires d'instruction religieuse, mais le statut confessionnel même de l'école serait celui de la majorité.

J'ai soulevé cela parce que c'est justement ce point—et je ne veux pas non plus mettre en doute le consensus majoritaire qui existe au Québec—qui inquiète beaucoup de groupes qui sont de confession autre que catholique ou protestante ou même certains qui sont de confession catholique ou protestante. Ces gens-là voient qu'actuellement, ils sont la majorité et qu'ils vont pouvoir continuer à garantir le statut confessionnel de leur école.

• 1055

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Jennings, si vous le voulez, on va entendre les commentaires de M. Caron.

Monsieur Caron.

M. André Caron: Je peux comprendre cette inquiétude, et je pense que vous la vivez aussi. On doit travailler avec la majorité, mais il arrivera parfois que le temps fera basculer la majorité. Si une minorité devenait majoritaire, à ce moment-là, on changerait le statut confessionnel de l'école pour refléter le besoin de l'heure. Mais ce serait craindre des choses qui pourraient peut-être se présenter à quelques endroits au Québec. Cela ne suffit pas pour priver le système québécois d'une restructuration importante et l'empêcher d'avancer vers le futur.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Robichaud, rapidement.

Le sénateur Fernand Robichaud: Cela n'a aucun rapport avec ce qui pourrait se passer, parce que cela touche uniquement les protestants et les catholiques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Exactement.

Le sénateur Fernand Robichaud: Effectivement.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pourrais-je redonner la parole à mon collègue, le sénateur Grafstein?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, j'avais demandé la parole il y a longtemps.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Encore une fois, pour reprendre l'exemple de parents dont les enfants fréquentent une école qui choisit une affiliation confessionnelle, catholique ou protestante—cela n'a pas d'importance pour le moment—supposons que 25 p. 100 des enfants fréquentant cette école soient musulmans parce qu'ils vivent dans la région. Qu'arrive-t-il à ces étudiants musulmans ou à ces étudiants non catholiques ou non protestants, qui sont également inscrits dans cette école? Leur propose-t-on des cours de remplacement ou sont-ils forcés de suivre tous les cours dispensés par cette école confessionnelle? Comment cela se passe-t- il?

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Caron.

M. André Caron: Je reprends mon exemple de plus tôt. Il y a de l'enseignement catholique dans nos institutions et des cours d'enseignement moral pour ceux qui le désirent. Je pense que cela pourrait facilement être organisé, à ce moment-là, pour un groupe professant une religion particulière dans une école confessionnelle autre.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Christiane Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: C'est le droit à la dissidence qui est donné dans le cas des catholiques et des protestants, mais ce n'est pas donné dans le cas d'autres minorités. Il est important de faire cette démarcation.

Plusieurs porte-parole de groupes nous ont dit qu'ils étaient inquiets parce que cela allait créer un précédent quant à la diversité de la gestion entre les provinces. On sait très bien que différentes provinces ont appliqué d'autres règlements et d'autres gestions religieuses.

Savez-vous, par exemple, qu'au Manitoba et à Terre-Neuve, selon les dispositions qui ont déterminé leur entrée dans la Constitution, et même en Ontario... Au Québec, on semble faire quelque chose d'unique, mais on sait qu'on a adopté certaines mesures selon les réalités de différentes provinces. Pourriez-vous nous en parler? Il faut rassurer ce comité sur le précédent que cela crée, sur le consensus qui semble être un petit peu mis en doute et sur la stabilité de l'enseignement religieux dans les écoles. Ce sont trois variables auxquelles nous sommes confrontés.

M. André Caron: Je serais porté à vous demander de vous reporter à la situation qu'on a décrite dans le mémoire. Dans le fond, on dit qu'avec l'abrogation de l'article 93, on va officialiser ce qu'on vit au Québec depuis 25 ans. Si on a des commissions scolaires confessionnelles, dans les faits, ce sont des commissions scolaires linguistiques dans la très grande majorité des cas.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Caron. Je vais accepter deux très courtes interventions avant de terminer, une première de Sheila Finestone et une deuxième de Mme Lavoie-Roux.

Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Je suis très satisfaite d'entendre que c'est un contact direct avec les parents qui vous a mis sur ce chemin. C'est ce que vous avez répondu au sénateur Grafstein.

On n'a jamais pris en considération, avec 41 et les Lois 107 et 109, le fait que tout cela dépend de la clause nonobstant. Si vous ne gardez pas la clause nonobstant, l'article 103, tout cela va tomber. Vous êtes encore à l'aise, et je veux revenir là-dessus. Je veux m'assurer que vous êtes d'accord que le gouvernement en place aura l'obligation de s'assurer que vos écoles ne seront pas mises en péril.

• 1100

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: C'était ma question. Je l'ai posée.

M. André Caron: Vous êtes inquiète au sujet des parents minoritaires. C'est bien ce que je dois comprendre?

L'hon. Sheila Finestone: Oui.

M. André Caron: Je pense qu'on a couvert cela.

L'hon. Sheila Finestone: C'est l'application des projets de loi 107 et 109, parce que cela dépend de la clause nonobstant.

M. André Caron: On n'a pas cette inquiétude-là. Nous, on est très à l'aise.

L'hon. Sheila Finestone: Ça va. Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Brièvement, madame la sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Est-ce que j'ai entendu l'un de vous deux dire qu'il y avait dans des commissions scolaires quelques écoles où, mis à part la confessionnalité officielle de l'école, soit catholique ou protestante, mais on parlait surtout des catholiques, il y avait d'autres religions qui étaient enseignées?

Comme cela fait longtemps que je suis partie du système scolaire, je ne suis probablement plus à jour, mais il y avait à l'époque un enseignement moral, qui était une alternative pour les parents qui ne voulaient pas d'enseignement catholique. Vous avez parlé de religion. Pouvez-vous me dire où c'est et de quelle religion il s'agit?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: Je pense que Mme Lavoie-Roux a raison. Les parents et les élèves ont le choix de ne pas suivre de cours d'enseignement religieux, qu'ils soient catholiques ou protestants. Ils prennent donc l'enseignement moral. Mais on sait qu'actuellement, dans certaines commissions scolaires, il y a de l'enseignement religieux de confessionnalité autre que protestante et catholique. Je pourrais vous envoyer la liste.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous ne pouvez pas me dire...

M. Gilles Taillon: Je ne l'ai pas par coeur, mais je sais qu'à Montréal, il y a des coins où il y a des écoles...

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Cela m'intéresserait.

M. Gilles Taillon: On a la liste des programmes locaux. Je pourrai vous envoyer cela, madame Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: D'accord. Merci bien.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Au nom de tous les membres du comité, merci beaucoup, messieurs Caron, Beaudin et Taillon, pour votre présentation de ce matin.

M. André Caron: C'est nous qui vous remercions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons suspendre pour deux minutes de façon à permettre au prochain groupe de prendre place.

• 1102




• 1105

Le coprésident (M. Denis Paradis): À l'ordre. Veuillez reprendre vos places, s'il vous plaît. Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Nous avons le plaisir de recevoir Mme Marie-Claude Sarrazin de la Fédération étudiante universitaire du Québec, qui parlera au nom de la Fédération collégiale du Québec. Je vous souhaite la bienvenue, madame Sarrazin.

Mme Lavoie-Roux a une question.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Cela fait histoire, parce que je n'ai jamais vu cela, une fédération d'étudiants représentée par une femme non entourée d'hommes.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pas entourée d'hommes. Ah, ah!

Des députés: Ah, ah!

Le coprésident (M. Denis Paradis): Bienvenue. Nous vous écoutons.

Mme Marie-Claude Sarrazin (Fédération étudiante universitaire du Québec; Fédération collégiale du Québec): Ma présentation se limitera essentiellement à ce que vous avez reçu sur papier. Pour ceux qui sont plus à l'aise en anglais, j'imagine que ma présentation vous éclairera.

L'article 93 est, selon nous, indigne d'un État moderne. Notre fédération, qui représente plus de 135 000 étudiants du Québec, regroupe 15 associations étudiantes universitaires. Nous tenons essentiellement à affirmer trois choses.

Premièrement, la modification constitutionnelle demandée par le Québec fait l'objet d'un très large consensus dans la société québécoise. L'ampleur des organismes membres de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire—43 organismes, dont la FEUQ, qui représentent 2 millions de personnes—en témoigne, en plus de l'unanimité exprimée à l'Assemblée nationale.

Dans un deuxième temps, la demande du Québec vise essentiellement à moderniser notre système scolaire. L'un des aspects de cette modernisation est de faire primer le principe de l'égalité, tel que précisé par les Chartes canadienne et québécoise, sur celui des droits et privilèges consentis à une autre époque à deux confessions religieuses, cela afin de ne plus diviser les clientèles scolaires selon des critères religieux.

Finalement, la Fédération est d'avis que la longue tradition québécoise de respect de la tradition éducative anglophone et l'actuelle volonté gouvernementale d'accorder le plein contrôle des commissions scolaires anglophones aux communautés anglophones présentent une garantie suffisante pour que l'on puisse affirmer que les minorités ne seront pas brimées par une telle restructuration scolaire. Bien au contraire, elles auront enfin le plein contrôle de leurs institutions, peu importe leur confessionnalité.

Les commissions scolaires linguistiques sont essentielles. Pour la jeunesse québécoise et surtout montréalaise, l'existence même de commissions scolaires confessionnelles est un anachronisme aux effets sociaux désastreux. En effet, la majorité des francophones nés au Québec se retrouvent dans le réseau scolaire franco-catholique, pendant que les allophones se retrouvent en majorité dans le réseau franco-protestant. Cela ralentit l'intégration des immigrants, qui se retrouvent dans de véritables ghettos scolaires, et ne fait rien pour encourager la majorité francophone à adopter une attitude de tolérance et d'ouverture face aux nouveaux venus.

Quant à la communauté anglophone, elle se retrouve sous le contrôle de la majorité francophone au sein des commissions scolaires catholiques; dans les commissions scolaires protestantes, elle doit gérer des écoles françaises, bien malgré elle. Nous sommes d'avis que la création de commissions scolaires linguistiques assurerait, dans le respect des dispositions législatives québécoises, la consolidation de son réseau scolaire.

Cette situation nuisible aux communautés anglophones et francophones nous est imposée par la Constitution canadienne, par l'article 93 d'une Constitution adoptée à une autre époque.

Sur quelles bases peut-on s'opposer à la modernité? Seuls les plus réactionnaires pourraient s'opposer à cette volonté que les enfants grandissent ensemble, peu importe leur religion ou la religion de leurs parents. Nous avons appris avec stupéfaction les prises de positions de certains parlementaires dans ce dossier.

Peut-être les opposants à notre projet sont-ils en accord avec les ghettos ethniques? Peut-être les opposants à notre projet sont-ils en accord avec la ségrégation scolaire telle qu'elle est actuellement pratiquée à Montréal? Ou peut-être les opposants à notre projet sont-ils simplement manipulés par certains ténors fédéralistes prompts à voir l'oppression des anglophones du Québec derrière tout projet consensuel?

• 1110

Nous aimerions simplement rappeler aux opposants de notre projet que la laïcité de l'État est un principe largement appliqué par les États modernes. Les commissions scolaires, tout comme les écoles elles-mêmes, ne doivent afficher aucune confessionnalité particulière. La laïcité de l'État n'empêche aucun citoyen de pratiquer la religion de son choix. Nous croyons tout simplement que l'organisation scolaire sur des bases confessionnelles date d'une autre époque.

Il y aurait deux conséquences à un refus fédéral. En terminant, nous aimerions aussi souligner que le consensus québécois inclut la majeure partie de la communauté anglophone, notamment les associations d'enseignants protestants ou catholiques anglophones ainsi que des associations étudiantes anglophones. Si le gouvernement du Québec refuse d'adopter l'amendement proposé, cela aura deux conséquences, l'une déplorable, l'autre réjouissante.

Premièrement, le gouvernement du Québec se retrouverait obligé de respecter l'article 93 tel qu'actuellement rédigé. Il s'est déjà engagé à maintenir l'enseignement religieux, mais il devrait en plus assurer la protection des droits confessionnels catholiques et protestants au sein de ses commissions scolaires linguistiques par la création de comités confessionnels, véritables «polices de la religion» dignes des États les plus rétrogrades.

Dans un deuxième temps, le Parti québécois pourrait utiliser cette bourde fédérale comme un argument supplémentaire en faveur de la souveraineté du Québec. Bien que nous soyons souverainistes, nous sommes prêts à améliorer le fonctionnement de la fédération canadienne pour le bien-être des enfants du Québec et surtout de Montréal. Si vous tenez absolument à appliquer la politique du pire et à empêcher le Québec de se moderniser, vous nous fournirez une argument supplémentaire pour prouver votre incapacité à comprendre quoi que ce soit à la réalité québécoise.

Notre génération n'a rien à faire des structures confessionnelles. C'est une évidence. Les droits des anglophones se retrouvent renforcés par l'établissement de commissions scolaires linguistiques. C'est une autre évidence.

Le Québec a longtemps vécu sous le joug du clergé. Nos parents sont fiers de la révolution tranquille, sont fiers d'avoir consacré la séparation de l'Église et de l'État. Le travail n'est pas terminé. L'article 93 représente un des vestiges du contrôle de la religion sur la société. Nous aimerions que la Constitution s'adapte à la réalité et non le contraire.

Messieurs, mesdames, pour le bien de la jeunesse québécoise, tant anglophone que francophone, et pour le bien des nouveaux arrivants qui ont droit à une intégration harmonieuse, nous vous demandons de ne pas vous laisser convaincre par le lobby anti-Québec et de modifier l'article 93 de la Constitution canadienne dans le respect du consensus québécois.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, mademoiselle Sarrazin. Je suis sûr que votre texte va provoquer des questions chez nos collègues.

Sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Merci, monsieur le président.

Nous devons bientôt partir pour assister à notre réunion de caucus, mais comme je voulais vraiment être présent pour la présentation de ce mémoire, je remercie mes collègues du comité de nous avoir permis de poser nos questions en premier cette fois-là.

Pourriez-vous me dire, parmi les étudiants que vous représentez, quel pourcentage sont catholiques, quel pourcentage sont protestants et quel pourcentage sont d'une confession autre que protestante ou catholique, si vous êtes en mesure de me répondre.

[Français]

Mme Marie-Claude Sarrazin: Pour être bien franche, on n'a jamais mené de sondage sur ces thèmes-là. À l'heure actuelle, la confession des membres de notre fédération n'influence en rien nos prises de position. C'est peut-être là une preuve que les étudiants prennent position sur le système scolaire en fonction de leurs aspirations face à leur société, à leur système scolaire et non en fonction de leurs valeurs religieuses.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une question additionnelle, monsieur Grafstein?

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Juste à titre de complément d'information, une des obligations qui nous sont faites lorsque nous traitons des droits ou des droits collectifs—peu importe le nom qu'on leur donne—consiste à nous assurer que les minorités qui jouissent de ces privilèges ou de ces droits sont consultées et qu'elles donnent leur accord. Comment peut-on, d'après les exemples que vous nous donnez, établir qu'une majorité d'étudiants catholiques, une majorité d'étudiants protestants et une majorité d'étudiants d'autres confessions appuient votre position? Où est-ce qu'il s'agit juste d'une position prise par votre conseil d'administration?

• 1115

[Français]

Mme Marie-Claude Sarrazin: Je ne croyais pas avoir à convaincre les membres du comité de la légitimité de notre prise de position, mais si je dois le faire, je vais le faire.

Lors des États généraux sur l'éducation, qui se sont tenus au Québec tout dernièrement, la Fédération étudiante a fait plusieurs comités de réflexion à ce sujet-là avec différents membres, dont quelques-uns anglophones.

Par la suite, avant le dépôt de notre mémoire aux assises nationales, une assemblée étudiante du Québec a été tenue afin d'assurer une bonne représentation de tous les étudiants membres de notre fédération. C'est lors de cette même assemblée que notre position sur les commissions scolaires linguistiques a été reconfirmée.

Donc, comme je vous l'ai dit plus tôt, les positions de la Fédération ne sont pas prises en fonction des critères religieux de nos membres, mais bien en fonction des aspirations de nos membres face à leur système scolaire. Nous sommes d'avis que, pour répondre aux critères de notre société moderne, les commissions scolaires doivent être basées sur un critère linguistique et non confessionnel.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Sarrazin.

Sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'était évident, dès le départ, que vous étiez souverainiste, mais au moins vous êtes honnête: vous nous l'annoncez officiellement à la fin de votre mémoire.

La position de la Fédération ne me surprend pas. D'ailleurs, il faut bien que vous sachiez qu'en dépit des oppositions de la dernière semaine ou des 10 derniers jours, les gens sont d'accord sur le principe même de la division linguistique. C'est surtout en parlant de l'abolition de l'article 93 que bien les gens disent qu'on fait tomber des garanties.

J'aurais une question à vous poser en ce qui a trait au dernier paragraphe de la page 2 de votre mémoire. Êtes-vous contre la confessionnalité des écoles ou êtes-vous pour une laïcisation totale du système scolaire? Je sais que parmi les membres souverainistes, et peut-être aussi parmi les fédéralistes, il y a des gens qui sont pour la laïcisation totale.

Quand on a parlé de commissions scolaires linguistiques, j'ai été la première à les recommander officiellement au Québec en 1976. Donc, ce n'est pas que je sois contre, mais la question de la confessionnalité et de la laïcité ne se posait pas d'une façon aussi aiguë qu'aujourd'hui.

Dois-je comprendre que, dans le fond, ce que vous visez, à moyen et long terme, c'est une laïcisation totale du système scolaire?

Mme Marie-Claude Sarrazin: En effet.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'est cela.

Mme Marie-Claude Sarrazin: C'est ce qu'on vise: une laïcisation totale.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous êtes trop jeune pour vous en souvenir, mais le mouvement scolaire laïque de langue française remonte à... Je pense que je n'avais que vingt et quelques années dans le temps. Cela fait longtemps. Le principal obstacle, aujourd'hui, c'est l'article 93, parce que c'est cela qui les empêche de se battre encore plus ouvertement contre la confessionnalité et pour la laïcisation.

Je pense qu'il faut que les gens aient le choix, que ce soit ouvert ou, comme les gens nous le disent, qu'on ne fasse pas de discrimination. Mais je ne suis pas sûre que dans une société où les valeurs s'effritent—il n'y en a presque plus, la famille est tombée—, on doive faire sauter par-dessus bord toutes les valeurs spirituelles. Cela m'inquiète un peu.

Vous, cela ne vous inquiète pas?

Mme Marie-Claude Sarrazin: En effet, le vide des valeurs nous inquiète dans la société québécoise actuelle. Par contre, on ne croit pas que c'est par le maintien de structures confessionnelles au sein du système scolaire qu'on va arriver à recamper ces valeurs-là, à reconstruire la famille, etc.

C'est plutôt par l'enseignement d'une histoire des religions qu'on va arriver à le faire, pour que les jeunes soient à même de décider eux-mêmes des valeurs qu'ils décideront d'adopter.

À l'heure actuelle, on a le choix entre deux confessions: catholique confessionnelle ou enseignement morale, comme les participants l'ont mentionné plus tôt. C'est ce que j'ai vécu, moi aussi, au primaire et au secondaire, et je pense que cela n'a pas donné les résultats voulus à la suite de la révolution tranquille.

Il faut adapter notre système scolaire à la réalité actuelle. Nous devons trouver d'autres structures pour inviter nos jeunes étudiants à se forger leur propre système de valeurs. Je crois que c'est par un enseignement autre, que ce soit un enseignement civique, un enseignement de l'histoire des religions, on un enseignement de l'histoire de notre société, qu'on va y arriver, et non pas en maintenant un système confessionnel.

• 1120

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: De toute façon, c'est clair: c'est bien la laïcisation que vous souhaitez, à moyen et à long terme. Vous dites, en page 3, que le gouvernement du Québec se verrait obligé de respecter l'article 93 tel qu'actuellement rédigé. Il s'est déjà engagé à maintenir l'enseignement religieux.

Vous dites cela pour rassurer les gens, mais vous ne mettez pas de côté la possibilité qu'éventuellement, cela disparaisse et que les gens créent leur propre...

Mme Marie-Claude Sarrazin: Cela sera peut-être un débat qu'on aura à amorcer un petit peu plus tard mais, selon nous, modifier l'article 93 de manière qu'il s'applique au Québec est un pas dans la bonne direction. On est conscients que des modifications faites à une constitution doivent résulter de longs débats et de larges consensus, ce qui est le cas à l'heure actuelle, et on croit que les garanties que le Québec donne sont conformes au consensus actuel.

Maintenant, pour ce qui est de nos aspirations à nous, en tant qu'étudiants mais aussi futurs parents, ce sera à nous d'amorcer le débat, peut-être dans quelques années, en vue d'une législation complète.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Lavoie-Roux.

Sénateur Beaudoin, brièvement.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je ne veux pas lui couper la parole.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Lavoie-Roux, avez-vous une précision additionnelle?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non, j'en ai assez de me faire bâillonner.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je ne vous bâillonne pas du tout. Si vous voulez une question additionnelle, je vous l'offre. Si vous n'en voulez pas, on va passer au sénateur Beaudoin.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Ce que je voulais vous dire en ce qui a trait à la création de ghettos ethniques, etc., c'est qu'il faut bien comprendre que ce n'est pas strictement la religion qui est en cause. La religion a été un élément, mais les ghettos culturels ont aussi été créés par un tas d'attitudes qui existent encore dans la communauté francophone. Dans ce sens-là, je pense aussi qu'il est plus normal que les nouveaux immigrants soient intégrés au secteur francophone, ce qui leur permet une meilleure francisation, une francisation plus normale. Cela, je l'ai dit en 1976. Donc, vous ne m'apprenez rien.

Il ne faut pas tout mettre sur le dos de la religion en ce qui concerne la ghettoïsation. Vous êtes jeune. Il y a eu toutes sortes d'autres facteurs qui se sont ajoutés et ils ont peut-être été plus importants dans la ghettoïsation. Comment se fait-il qu'à un moment donné, on a essayé de répartir les immigrants à travers le Québec mais que, finalement, ils se sont tous retrouvés à Montréal? Là aussi, il y a plusieurs facteurs, mais c'est peut-être aussi la capacité d'accueil qui est en cause.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Brièvement, sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Sur la question du consensus, évidemment, le vote de l'Assemblée nationale est unanime. Mais y a-t-il d'autres facteurs qui jouent en faveur du consensus, d'après vous?

Mme Marie-Claude Sarrazin: Je crois que la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, qui représente 2 millions de personnes, apporte un autre argument en faveur du consensus. Si la société civile s'est mobilisée en si grand nombre pour demander la déconfessionnalisation et que, dans un deuxième temps, les parlementaires qui nous représentent en tant que citoyens québécois au Parlement le demandent de façon unanime, je pense qu'il est clair qu'on est en face d'un consensus.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Le chiffre de 2 millions vient d'où?

Mme Marie-Claude Sarrazin: De l'addition des membres représentés par chacun des organismes membres de la Coalition. Je crois que la Coalition va venir vous présenter un mémoire. Elle sera peut-être plus à même d'expliquer son calcul.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Il faudrait peut-être préciser aussi, madame Sarrazin, que vous êtes représentée à deux endroits. Vous êtes aussi représentée par des Québécois au Parlement canadien.

Votre mémoire est intitulé: «L'article 93, indigne d'un État moderne». J'apporte cette précision, parce que l'article 93, c'est l'article qui traite de l'éducation, champ de compétence des provinces. Donc, vous voulez sûrement parler des paragraphes (1), (2), (3) et (4) de l'article 93.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Bien entendu, il s'agit d'un titre qui se veut un peu choquant. C'est ainsi que la jeunesse bouleverse les moeurs pour mieux faire entendre son discours. En effet, on parle des points de l'article 93 qui visent la confessionnalité des écoles.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Rapidement, sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Là-dessus, j'invoque le Règlement. Quand même, vous ne vous objectez pas à ce qu'à l'article 93 de la Constitution canadienne dise que l'éducation relève exclusivement des provinces. Cela n'est certainement pas indigne d'un État moderne.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Je comprends qu'on peut...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je comprends pour les quatre premiers paragraphes, car c'est votre thèse, et je respecte toutes les opinions, mais vous ne vous objectez pas à ce que l'éducation demeure de compétence provinciale.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Certainement pas.

• 1125

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je cède la parole à M. Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Je vous remercie pour votre exposé.

Étant donné vos tendances séparatistes, cherchez-vous, en réclamant l'abrogation de l'article 93 de la Constitution, davantage à prendre vos distances par rapport à la Constitution canadienne ou votre groupe a-t-il réellement examiné la possibilité de modifier l'article 93 afin de répondre plus adéquatement aux inquiétudes des Québécois en matière d'éducation? Avez-vous réellement exploré la possibilité de l'améliorer ou cherchez-vous simplement à prendre congé de la Constitution canadienne en abrogeant cet article en ce qui concerne le Québec?

[Français]

Mme Marie-Claude Sarrazin: Je crois l'avoir dit durant ma présentation. Oui, en effet, nous avons énoncé que nous sommes souverainistes par souci de rigueur envers les intervenants qui sont ici aujourd'hui. C'est bien de fixer les règles du jeu.

Du même souffle, comme nous l'avons dit, nous sommes prêts à améliorer la fédération canadienne, nonobstant notre position souverainiste, pour qu'elle réponde aux critères.

Pour ce qui est de votre question particulière, nous croyons que c'est par l'abrogation des quatre premiers paragraphes que passe une modification constitutionnelle qui s'adapterait aux principes modernes de la société québécoise et non pas par leur bonification.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une question supplémentaire, monsieur Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Ma question est la suivante: Avez-vous examiné la possibilité d'améliorer l'article 93; en d'autres termes, serait-il possible de conserver les alinéas 93(1) à 93(4) pour le Québec en les modifiant et en les améliorant, au lieu de les abroger? Avez-vous exploré la possibilité de les améliorer?

[Français]

Mme Marie-Claude Sarrazin: De ce que j'en sais, dans tous ces débats, la seule option envisagée par notre fédération était l'abrogation et non pas la bonification de cet article.

Le coprésident (M. Denis Paradis): L'intervenant suivant sera M. Ménard.

M. Réal Ménard: Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est un mémoire qui me plaît énormément, pas seulement en raison de sa conclusion, mais aussi de toutes les prémisses. Votre mémoire, dans le fond, dit clairement trois choses. Vous dites—et je voudrais que vous élaboriez là-dessus—que si cet amendement est accepté, une des grandes conséquences pour le système scolaire québécois sera de lui permettre de consolider le réseau anglophone, étant entendu, et je sais que vous lisez beaucoup, que le rapport Chambers avait dit qu'on ne pouvait parler de réseau scolaire anglophone à l'instant où on se parle. Vous avez des écoles, mais tout cela s'effrite, et l'amendement fera en sorte que le réseau scolaire sera consolidé. Je pense que vous devriez nous en parler.

Deuxièmement, vous laissez clairement entendre que ce que vous revendiquez—et vous avez le droit de le revendiquer et de déranger, parce que vous représentez 135 000 personnes qui sont au coeur du système scolaire québécois—, c'est une école qui sera inclusive. Il y aura une école commune, et les nouveaux arrivants—et on souhaite en avoir, car il y en a 35 000 qui viennent au Québec et 90 p. 100 d'entre eux viennent à Montréal—participeront à un projet de culture commune, parce qu'ils vont être dans un réseau d'intégration scolaire qui favorisera cela. C'est ce que dit votre mémoire.

Le troisième aspect est celui sur lequel je suis peut-être moins d'accord. C'est à la page 3.

Des députés: Ah, ah!

M. Réal Ménard: Comme vous le voyez, il règne un climat de franche camaraderie entre tous les parlementaires. Ce que nos collègues doivent savoir, c'est qu'ici, tout le monde souhaite, j'en suis convaincu, que l'amendement soit adopté.

De toute façon, les commissions scolaires linguistiques vont voir le jour parce que, dans la loi 109, il y a des dispositions à cet effet. Si ce n'était pas le cas, il y aurait la coexistence des commissions scolaires linguistiques et des commissions scolaires confessionnelles. Personne ne le souhaite, parce que, pour Montréal, cela veut dire six commissions scolaires. Cela ne sert pas bien le contribuable.

Vous dites à la dernière page:

    Il s'est déjà engagé à maintenir l'enseignement religieux, mais il devrait en plus assurer la protection des «droits confessionnels» catholiques et protestants au sein de ces commissions scolaires linguistiques par la création de «comités confessionnels»...

Vous faites allusion à la solution Woehrling, le célèbre professeur d'université qui, je crois, viendra devant le comité, solution qui est une véritable police de la religion. Il faudrait que vous me disiez si la «police de la religion» n'est pas une expression que seule la fougue de vos 20 ans peut autoriser.

• 1130

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Sarrazin.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Tout d'abord, pour ce qui est de consolider le réseau scolaire anglophone, les chiffres parlent d'eux-mêmes. La situation dans le réseau scolaire confessionnel ne règle en rien le problème de la consolidation du réseau francophone et anglophone.

Selon les chiffres de la Coalition, au Québec, chez les gens de langue maternelle anglaise, il y a 34,32 p. 100 de catholiques, 33,24 p. 100 d'autres religions ou sans religion, alors que seulement 32,44 p. 100 de ces étudiants de langue maternelle anglaise sont protestants. C'est donc dire que la structure confessionnelle actuelle ne répond plus au besoin premier, qui est de regrouper les étudiants protestants entre eux.

Donc, donnons-leur les pleins pouvoirs pour structurer leur réseau scolaire en fonction d'une prémisse, qui est au coeur des volontés de tout le monde, basée sur la langue. Le Québec a deux langues officielles: le français et l'anglais... Excusez-moi. Il y a deux langues qui cohabitent.

Le système scolaire est un des très bons outils pour consolider l'apprentissage de cette langue. C'est pour cela que les commissions scolaires doivent s'adapter à cette façon de faire. Quelle était votre deuxième question?

M. Réal Ménard: Ma deuxième question a trait à tout le vibrant plaidoyer que vous avez fait pour l'intégration des néo-Québécois, qui sera possible, finalement et particulièrement à Montréal, parce que tel est l'enjeu d'une école commune et inclusive. C'est le projet auquel vous adhérez comme fédération.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Oui, parce qu'il nous apparaît qu'à l'heure actuelle, la façon dont sont réparties les clientèles étudiantes ghettoïse ou sépare les catholiques francophones des néo-Québécois. Ces gens-là doivent pouvoir cohabiter ensemble dans une même école, apprendre à vivre ensemble, que ce soit par le jeu ou l'apprentissage de ces choses-là, à respecter leurs différences culturelles, à les intégrer. La ville de Montréal et le Québec en entier ne seront qu'enrichis par ces apports culturels.

Pour ce qui est de la police de la religion, c'est peut-être la fougue de nos 20 ans qui nous permet de dire cela, mais la révolution tranquille a consacré la séparation de l'État et de la religion. On le voit dans d'autres aspects de notre vie de citoyens, entre autres le mariage.

L'Église avait imposé ses conditions de formation, ses effets, ses causes de nullité, et l'Assemblée nationale du Québec a tenu à adopter ces mêmes règles dans son Code civil pour consacrer un acte de notre vie de citoyen au niveau civil; si on fait le choix de le faire à un niveau religieux, on suit les règles de l'Église. Je pense qu'il serait temps de le faire pour nos institutions scolaires aussi.

On nous apprend aussi dans nos cours de droit constitutionnel à l'université que la Constitution canadienne doit s'adapter aux nouvelles tendances. Les auteurs le disent et Jacques-Yvan Morin le répète en introduction de son livre sur l'évolution constitutionnelle du Québec et du Canada.

M. Réal Ménard: Peut-être que les membres du comité le veulent?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Continuez, madame Sarrazin.

Mme Marie-Claude Sarrazin: M. Morin nous dit à nous, étudiants en droit: Nous serions tentés de croire que notre Constitution est immuable, mais dites-vous bien qu'elle s'est façonnée au cours du temps, par la volonté des citoyens qui vivent régis par cette même Constitution.

M. Réal Ménard: M. Morin contribue à votre formation.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings: Bonjour, mademoiselle Sarrazin. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. Cela m'a fait beaucoup rire. Cela m'a rappelé, moi aussi, les années de ma vingtaine, quand je voyais les choses en noir et blanc. Il n'y avait pas de teinte de gris ni de couleur. Avec quelques années de plus, j'ai tendance aujourd'hui à voir les choses plus en couleur. Mais je vous félicite quand même. C'est un beau mémoire. Je ne partage pas tout ce que vous dites, mais je partage votre conclusion, c'est-à-dire l'appui à la modification demandée par l'Assemblée nationale.

• 1135

J'aimerais entendre votre commentaires ou une réponse sur deux choses.

À la page 3, à l'avant-dernière ligne du dernier paragraphe, vous nous dites de ne pas nous laisser convaincre par le lobby anti-Québec. Je pense qu'il est très important que je vous souligne que les Québécois et Québécoises qui sont venus ici pour nous conseiller de ne pas appuyer cette modification regroupent toutes les couleurs politiques qui existent au Québec. Cela veut dire qu'il y avait des souverainistes parmi eux, des indépendantistes, des nationalistes, des fédéralistes, des marxistes-léninistes peut-être, des socialistes, des sociaux-démocrates.

Donc, je pense que c'est un peu grossier que de dire cela et je suis certaine que ce n'était pas ce que vous vouliez dire. Le fait de ne pas appuyer la résolution adoptée par l'Assemblée nationale ne veut pas dire que la personne est anti-Québec et qu'elle est contre le projet de société que prône le Parti québécois.

J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

Mme Marie-Claude Sarrazin: La raison pour laquelle on a ajouté cette phrase-là dans notre présentation est qu'on se dit qu'il y a à l'heure actuelle, au Québec, un consensus qui regroupe des francophones et des anglophones.

Mme Marlene Jennings: Oui, effectivement.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Sur quelle base pourrait-on refuser une modification constitutionnelle qui répond à un consensus, soit l'unanimité de l'Assemblée nationale et un consensus de la société civile qui se mobilise pour la demander? Je peux comprendre qu'on ne peut demander l'unanimité de tous les concitoyens et les concitoyennes du Québec. Par contre, on fonctionne dans un système démocratique. Je crois que la majorité se fait entendre largement et c'est au nom de cela qu'on...

Mme Marlene Jennings: Avant ce paragraphe, vous dites justement que la Fédération appuie le projet de souveraineté du Québec. Vous admettrez que de la façon dont c'est formulé, les gens qui liraient cette avant-dernière phrase de votre mémoire pourraient l'interpréter comme voulant dire qu'ils sont anti-Québec, anti-projet souverainiste. Je pense que l'appui ou le refus de cette modification de l'article 93 de la Constitution de 1867 n'a rien à voir avec un projet souverainiste ou autre.

C'est plutôt une question de s'adapter à une société moderne où il y a séparation de l'État et de l'Église. On a déjà vu cela au Québec, avec la révolution tranquille, heureusement. Pour continuer dans cette évolution de la modernisation, on parle maintenant de mettre sur pied des commissions scolaires linguistiques qui, tôt ou tard, deviendront peut-être même laïques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Jennings.

Mme Marie-Claude Sarrazin: C'est peut-être un lien de cause à effet qui est suggéré par notre texte, mais qui n'est pas à la base de notre argumentation.

Quand nous disons que nous sommes souverainistes, c'est tout simplement pour dire que bien que nous soyons souverainistes, nous sommes prêts à modifier la Constitution canadienne pour adapter la... On veut que la fédération continue de fonctionner. On a un objet ultime, un but ultime, mais il faut que la fédération canadienne continue de fonctionner entre-temps.

Pour ce qui est du lobby anti-Québec, comme je vous l'ai dit, c'était le lien entre un consensus québécois fort et un refus de la part des parlementaires fédéraux.

Mme Marlene Jennings: Vous avez dit que votre fédération n'avait pas de données sur l'appartenance religieuse de ses membres. Cependant, avez-vous des données sur l'origine linguistique de vos membres?

Mme Marie-Claude Sarrazin: En majorité, nos membres sont francophones. Nous avons une association étudiante majoritairement anglophone, qui est le campus Macdonald de l'Université McGill. Par contre, notre fédération travaille en étroite collaboration avec les associations étudiantes de l'Université McGill et de l'Université Concordia. C'est une question d'apprivoisement entre la Fédération et ces associations qui ne sont pas membres. C'est en train de se faire d'ailleurs.

• 1140

Le coprésident (M. Denis Paradis): Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: J'aurais quelques courts commentaires avant de poser une question.

Premièrement, cela me rassure de constater que l'irrévérence est toujours de rigueur dans les fédérations étudiantes, comme du temps où j'y militais. Je suis parfaitement d'accord: c'est comme cela que ce devrait être.

Deuxièmement, je voudrais faire un commentaire sur une remarque, une question que vous posez dans votre mémoire:

    Ou peut-être les opposants à notre projet ne sont-ils simplement que manipulés par certains ténors fédéralistes, prompts à voir l'oppression des anglophones du Québec derrière tout projet consensuel?

Il ne faudrait pas oublier que sont venus ici au moins quatre groupes d'anglophones, deux professeurs de l'Université McGill, ainsi qu'Alliance Québec, qui ne s'est pas prononcée contre, soit dit en passant. Si on sait lire entre lignes, je pense même qu'ils penchent du côté de l'abrogation des paragraphe (1) à (4) de l'article 93. Il y a aussi Forum Action Québec, un groupe que j'ai découvert, et la Provincial Association of Catholic Teachers of Quebec. Au moins ces quatre-là disent oui. Donc, il ne faudrait pas penser qu'il y a une question d'oppression par des ténors fédéralistes ici. Il y a même un argument très fort, à mon avis, de la population anglophone de Québec qui milite en faveur de l'amendement à l'article 93.

Selon vous, madame Sarrazin, et je reviens un peu sur les questions de Mme Jennings, est-il possible d'être à la fois contre la séparation du Québec et d'aimer le Québec?

Mme Marie-Claude Sarrazin: Bien sûr.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Nous avons beaucoup apprécié votre présentation. Vous êtes une femme très habile. Vous pourrez dire à votre professeur qu'il aura une politicienne devant lui bientôt.

Vous croyez que vous avez été le plus jeune, mais vous allez être dépassée par Mlle Sarrazin.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Il est déjà dépassé.

L'hon. Sheila Finestone: Mademoiselle Sarrazin, c'est vous qui avez soulevé la question du groupe de travail Chambers lors de votre présentation et j'ai trouvé cela assez intéressant. Vous dites aussi qu'il faut avoir un consensus assez bien établi, qu'il faut vivre dans l'harmonie et que la restructuration scolaire ne brimera pas les minorités.

Si on s'en va, et j'espère que c'est le cas, vers l'acceptation des écoles linguistiques, mais que les néo-Québécois, auxquels vous avez fait allusion à plusieurs reprises pendant votre présentation, viennent des États-Unis, de l'Angleterre, de l'Australie, de Hong Kong, où la langue parlée est l'anglais, croyez-vous que ces personnes devront être incluses dans le système linguistique d'écoles?

Mme Marie-Claude Sarrazin: S'ils devraient entrer dans le système linguistique, étant donné que leur langue maternelle est l'anglais?

L'hon. Sheila Finestone: Oui.

Mme Marie-Claude Sarrazin: Je pense que s'ils arrivent à Montréal à une époque où on aura des commissions scolaires linguistiques, leur premier apprentissage devra être celui du français, bien que leur langue maternelle soit l'anglais. Ils pourront se débrouiller à ce moment-là, mais je pense que pour s'adapter correctement au Québec, un apprentissage en français est de rigueur.

L'hon. Sheila Finestone: Rien n'empêche l'apprentissage en français. Tous mes enfants sont allés dans les écoles anglaises, mais ils parlent français aussi bien que vous, mademoiselle. Il n'y a rien à faire avec l'apprentissage d'une langue. Vous pouvez apprendre plusieurs langues, mais vous avez une culture. C'est un pays avec une culture commune, mais pas une religion commune.

Vous avez déjà étudié la question de de l'alinéa 23(1)a).

Mme Marie-Claude Sarrazin: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: L'article 23 de la Charte, vous l'avez déjà étudié?

Mme Marie-Claude Sarrazin: Pas en détail, mais je le connais un peu.

• 1145

L'hon. Sheila Finestone: Je pense qu'il vaut la peine d'examiner encore une fois l'aspect social, la vie culturelle et la langue, et de se demander si c'est du pareil au même ou s'il y a une particularité dans la différence entre la langue française et la langue anglaise.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup.

Le prochain et dernier intervenant sera M. Nick Discepola.

M. Nick Discepola: Je voudrais revenir sur vos commentaires quant aux consensus et clarifier une chose. Il existe un consensus sur la création de commissions scolaires sur une base linguistique. Je dirais qu'il existe même une unanimité. Je vous lance le défi de nommer un parlementaire qui s'est prononcé contre ce consensus-là.

Par contre, il n'existe pas une unanimité ou un consensus sur la modalité. C'est bien différent.

Je voudrais également vous dire qu'une constitution n'existe pas pour la protection de la majorité, comme vous l'avez soulevé à plusieurs reprises. Une constitution existe pour la protection de la minorité et je pense que c'est important de dire que lorsqu'on change une constitution, il faut également aller chercher un consensus de la minorité affectée.

C'étaient mes seuls commentaires, monsieur le président.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Des commentaires additionnels, madame Sarrazin?

Mme Marie-Claude Sarrazin: La minorité affectée, selon vous, c'est les gens qui désirent continuer à avoir un enseignement confessionnel dans les institutions scolaires ou la minorité anglophone? Si c'est la minorité anglophone, comment peut-on leur assurer des commissions scolaires basées sur les critères qu'ils veulent préserver, par exemple la langue anglaise? C'est discriminatoire envers les populations anglophones. C'est cela que j'aimerais comprendre des gens qui s'opposent à l'heure actuelle.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: À ce sujet, il est très important que Mme Sarrazin comprenne que l'appréciation de la culture constitue également un élément très important de l'apprentissage d'une langue. L'anglais n'est pas seulement une langue, c'est aussi un héritage culturel, tout comme le français comporte un héritage culturel. Les deux langues reflètent des héritages merveilleusement riches, mais vous ne parlez pas d'assimilation d'une population, j'espère; vous parlez plutôt d'intégration.

Il existe une grande différence entre l'intégration et l'assimilation, et il existe une grande différence entre la culture anglaise et la culture française. C'est, je crois, ce à quoi mon collègue Nick faisait allusion.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Sarrazin, je vous remercie au nom des membres du comité.

Vous dites dans votre texte: «Nous sommes prêts à améliorer le fonctionnement de la fédération canadienne.» Alors, bienvenue ici. Merci beaucoup pour la présentation que vous avez faite aujourd'hui.

Nous ajournons nos audiences jusqu'à cet après-midi, 15 h 30.