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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 octobre 1997

• 1531

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): Nous poursuivons la séance

[Traduction]

du comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Nous allons commencer cet après-midi par entendre REAL Women of Canada, qui est représentée par Mme Gwendolyn Landolt, la vice-présidente, par Sophie Joannou, membre du comité de direction et par Diane Watts, recherchiste.

Je vous souhaite la bienvenue.

Je vais dire quelques mots des règles. Vous disposez de huit à dix minutes pour présenter votre exposé et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.

Je crois savoir que c'est vous qui allez présenter l'exposé, madame Landolt. Vous pouvez commencer.

Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, REAL Women of Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Notre organisme est un organisme interconfessionnel qui existe depuis 1983 et nos membres sont de religion protestante, catholique, et autres. Nous nous intéressons sérieusement au projet de modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle parce que nous pensons que cette modification va avoir des répercussions dans l'avenir pour nos membres et les familles canadiennes dans l'ensemble du pays, et non seulement dans la province de Québec.

En fait, en mai dernier, lors de notre assemblée annuelle que nous avons tenue à North Bay, nous avons adopté une résolution au sujet de l'article 93, parce que nous estimons qu'il s'agit là d'un changement important pour le Canada qui ne devrait pouvoir être adopté par l'application de la formule de modification de l'article 43 mais plutôt de celle de l'article 36, qui parle de sept provinces et de la moitié de la population.

Je reviendrai plus tard sur les raisons à la base de cette affirmation mais Mme Watts représente le Québec et souhaiterait formuler maintenant quelques commentaires. Je reviendrai ensuite présenter quelques remarques et vous pourrez ensuite nous poser des questions. Mme Watts souhaite faire connaître son point de vue, celui d'un parent qui vit au Québec.

[Français]

Mme Diane Watts (recherchiste, REAL Women of Canada): Honorables sénateurs et députés, nous vous remercions de cette invitation qui nous donne l'heureuse occasion de partager notre affirmation de l'importance de la famille.

Au Québec, 80 p. 100 des parents choisissent de façon démocratique l'enseignement moral et religieux au lieu de l'enseignement moral séculier pour leurs enfants à l'école.

Ces statistiques démontrent que le gouvernement du Québec n'a pas le mandat du peuple pour affaiblir les droits des Québécois et Québécoises à l'éducation confessionnelle.

Quatre-vingt-quinze pour cent des 2 500 écoles du Québec ont un statut confessionnel du fait du choix des parents.

Imposer l'idéologie séculière d'une élite politique contre le choix des mères et des pères serait une action à caractère totalitaire plutôt que démocratique.

• 1535

Si les parents catholiques et protestants ne peuvent pas avoir confiance en la stabilité de leurs droits constitutionnels au niveau de l'éducation de leurs enfants, comment peut-on avoir confiance que les moins nombreuses minorités religieuses et ethniques au Québec et au Canada verront leurs droits respectés à l'avenir?

Dans un pays qui se définit comme pluraliste, cet amendement d'une importante section de la Constitution est un dangereux précédent. Nous constatons que l'élimination de la protection fédérale des droits des mères, des pères, des familles et des enfants affaiblirait notre démocratie au Québec et probablement dans les autres provinces.

Cette résolution attaque les droits de la majorité des parents catholiques et les droits des minorités protestantes au Québec. Elle risque d'ouvrir la porte à d'autres amendements qui pourraient affaiblir les droits minoritaires catholiques en Ontario et éventuellement au Manitoba, au Saskatchewan et en Alberta. Souvent, ce seront les droits d'une minorité francophone.

Quelques députés se demandaient quels étaient les intérêts de notre organisation, Vraies femmes du Canada, dans cette controverse. Pour nous, c'est évident que les parents du Québec et du Canada s'intéressent à l'éducation de leurs enfants. En tant qu'organisation, nous avons pour buts de réaffirmer les droits prioritaires de la famille et de promouvoir, assurer et défendre toute législation qui maintient les valeurs judéo-chrétiennes du mariage et de la vie familiale.

Les droits des parents à l'appui des écoles confessionnelles nous semblent très importants. Nos valeurs devraient faire partie de l'éducation de nos enfants dans un cadre compréhensif reconnu par la loi, c'est-à-dire dans la famille, dans la société et dans les écoles.

Dans les grandes discussions sur l'éducation, nous avons tendance à prendre note des intérêts du gouvernement, des syndicats et des commissions scolaires, mais à oublier les intérêts prioritaires des parents et de leurs enfants.

Souvent, nos institutions ignorent les inquiétudes des parents, des mères, des pères et des grands-parents. Ce qui s'est passé au Québec ces derniers mois en est un exemple classique. Les législateurs et les ministres de l'Éducation semblent penser que c'est à eux seuls de contrôler l'éducation que les enfants reçoivent, alors que l'orientation devrait vraiment être l'affaire des parents.

C'est surtout la famille qui souffre des conséquences d'une éducation morale et religieuse inadéquate et qui tire profit d'une éducation complète, tout comme la société. Ce sont les familles qui bâtissent l'avenir du pays, et ce sont les mères et les pères qui se dévouent à l'éducation de leurs enfants, dont l'école s'occupe en partie. Ce sont ces enfants qui formeront la prochaine génération de citoyens.

Il y a évidemment un sérieux manque de compréhension envers la famille, qui est l'unité la plus importante de la société. Nous espérons que les échanges entre parents et les membres de ce comité mèneront à une meilleure compréhension de la vraie fonction de la famille dans notre société.

Nous constatons que les conséquences de cette demande d'amendement se répandront à travers le pays pour renforcer la société et nos droits si l'amendement est rejeté ou pour les affaiblir si cet amendement est accepté.

Nous espérons que vous, honorables sénateurs et députés, qui êtes directement responsables envers le peuple et non envers le gouvernement provincial, agirez pour protéger les droits des parents en ce qui concerne l'éducation globale de leurs enfants.

Nous espérons que vous nous protégerez contre toute action antidémocratique, anticonstitutionnelle et antifamille.

Merci de votre attention.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

[Traduction]

Mme Gwendolyn Landolt: Ce qui nous préoccupe du point de vue juridique, c'est que, comme nous le savons tous, l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 protège les écoles séparées telles qu'elles étaient à l'époque de la Confédération. À cette époque, cet article ne s'appliquait bien entendu qu'à deux provinces, le Québec et l'Ontario.

Selon la formule de modification de l'article 43, il faut une résolution de toutes les provinces concernées. Cela devrait viser également la province de l'Ontario qui n'a pourtant pas été consultée sur cette question. C'est ce que dit l'article 43, dont le sens est tout à fait clair.

• 1540

De la même façon, les lois de 1905 et de 1870 qui permettaient à l'Alberta et à la Saskatchewan de se joindre à la Confédération et celle de 1870 pour le Manitoba faisaient également référence à la protection des écoles séparées. Ces provinces sont également touchées par cette modification mais elles n'ont pas été consultées aux termes de l'article 43.

Nous estimons qu'il est tout à fait clair que la formule de modification de l'article 43 n'est pas applicable ici parce que si on lit l'article 43, on constate qu'il traite des frontières provinciales et des droits linguistiques dans une province. Ici, il ne s'agit absolument pas de droits linguistiques; il s'agit d'une question tout à fait différente, savoir le droit à une éducation dispensée par des écoles confessionnelles. Il en résulte que l'article 43 ne s'applique pas pour diverses raisons. Les autres provinces touchées par l'article 93 tel que prévu à l'article 43 de la Charte n'ont pas présentées de résolution et elles n'ont pas non plus donné leur consentement à cette modification.

Il y a encore plus grave, en disant que la modification proposée par l'Assemblée nationale du Québec ne concerne qu'une question provinciale touchant uniquement le Québec, nous supprimons du même coup les droits constitutionnels de toutes les autres provinces. Comme la Cour suprême du Canada l'a déclaré, les écoles séparées représentaient un élément essentiel du pacte à l'origine de la Confédération; c'est ce qu'elle a déclaré dans une décision de 1987. Nous disons qu'avec cette résolution, les écoles séparées ne seront plus protégées par la Constitution et deviendront une question privée qui intéresse uniquement la province qui adopte la résolution et le gouvernement fédéral.

Si nous procédons de cette façon et supprimons la protection constitutionnelle accordée aux écoles confessionnelles en adoptant une modification selon la formule de l'article 43 de la Charte, qu'est-ce qui nous dit qu'on ne procédera pas à toutes sortes de changements constitutionnels, en affirmant que ces changements concernent uniquement des questions privées avec une province donnée auxquels s'applique l'article 43?

Nous craignons que l'adoption de la résolution québécoise selon la formule de modification de l'article 43 ne crée un précédent reconnaissant à cette province le droit de décider seule de maintenir ou de supprimer la protection constitutionnelle dont bénéficient des écoles confessionnelles; il est certain que cette résolution aura un effet boule de neige qui se fera sentir sur l'Ontario, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, qui sont également touchées par l'article 93.

Comme l'a déclaré Mme la juge Bertha Wilson dans un arrêt de la Cour suprême du Canada de 1987 en matière d'éducation, nous estimons que la protection qu'accorde la Constitution aux droits confessionnels et éducatifs constitue un élément fondamental du pacte d'union. C'est le principe essentiel qui a amené le Canada à créer la Confédération. C'est un des grands principes. Les droits linguistiques sont de nature constitutionnelle. Les droits religieux dans le domaine de l'éducation constituaient un des grands principes qui sont à la base de la Confédération. Et tout d'un coup, ce principe est mis de côté parce que l'Assemblée nationale et le gouvernement fédéral ont adopté une résolution privée et cela aura un effet boule de neige dans l'ensemble du pays.

Inévitablement, lorsque l'on dit qu'une province peut adopter une loi supprimant une protection constitutionnelle—une province, sans le consentement des autres provinces concernées—cela nous laisse avec la disposition de la Charte des droits qui reconnaît, et cela est très important, la liberté en matière d'éducation et la liberté de religion, c'est l'article 2. C'est de là que vient le problème.

La Cour d'appel de l'Ontario a déclaré à deux reprises que la seule disposition qui protégeait l'éducation religieuse en Ontario était en fait l'article 93. La Cour d'appel de l'Ontario a déclaré dans deux décisions que si l'on supprimait la protection constitutionnelle qu'offre l'article 93, il n'y aurait plus d'éducation religieuse dans les écoles publiques.

Autrement dit, que va-t-il se passer si l'on permet au Québec de supprimer la protection constitutionnelle dont bénéficient les écoles confessionnelles? Cela entraînerait des répercussions dans les autres provinces et nous savons qu'inévitablement, comme l'indiquent les décisions de la Cour d'appel de l'Ontario, la Charte va s'appliquer et supprimer toutes ces protections.

Je sais que la province de Québec a déclaré qu'elle continuerait à fournir une éducation religieuse mais elle n'y parviendra peut-être pas parce qu'il est tout à fait évident qu'une fois supprimées les protections qu'offre l'article 93, l'article 2 de la Charte s'applique, ce qui interdit au gouvernement de financer les écoles confessionnelles et même les écoles privées religieuses. Cela touche l'Alberta. Le gouvernement de l'Alberta finance à la fois les écoles reconnues par la Charte et les écoles religieuses.

• 1545

En d'autres termes, cela veut dire qu'il y aura un système scolaire public dans l'ensemble du Canada. Cela constitue un changement tellement fondamental à notre vision du Canada qu'il ne peut être adopté qu'en vertu de la formule de modification de l'article 38. J'ai parlé tout à l'heure de l'article 36; je voulais dire la formule de modification de l'article 38 qui prévoit que les changements constitutionnels doivent être approuvés par sept provinces et 50 p. 100 de la population.

Avec la modification proposée, si le gouvernement fédéral l'approuve, le Canada va être fondamentalement modifié, tout comme l'ensemble du système. Lorsqu'on souhaite changer complètement la vision du Canada, il faut utiliser la formule de modification de l'article 38. Il n'est pas possible de régler cette question privée de nature provinciale aux termes de l'article 43, qui n'est pas applicable dans ce cas, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. C'est ce qui nous inquiète.

Nous sommes au bord d'un précipice. Si nous adoptons cette résolution, cela revient à dire qu'il nous importe peu que les écoles confessionnelles soient protégées ou non par la Constitution. C'est pourquoi nous demandons au comité mixte d'examiner très soigneusement cette question du point de vue constitutionnel, parce que, selon les termes clairs de la Charte, cette mesure va sonner le glas du Canada, tel que nous le connaissons.

Nous sommes prêts à faire des compromis—nous voulons effectivement que le Québec demeure dans la Confédération—mais nous ne pouvons parvenir à ce but en utilisant une méthode irrégulière. Cela est trop important. Et si nous faisons face aujourd'hui à des difficultés constitutionnelles, imaginez ce qui va se passer si l'on modifie l'ensemble du système scolaire.

Merci beaucoup. Nous sommes prêtes à répondre à vos questions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Landolt.

Nous allons maintenant passer à la période des questions, en commençant par le premier intervenant, Jason Kenney.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

Permettez-moi de vous remercier, mesdames, de nous avoir présenté cet exposé.

J'aimerais tout d'abord vous poser une question théorique. Les partisans de la modification soutiennent qu'il est nécessaire à une époque de pluralisme religieux et social, de supprimer les privilèges spéciaux accordés à certains groupes confessionnels particuliers. Je crois toutefois savoir que, dans le système d'éducation québécois, les minorités dissidentes ont d'une façon générale accès à l'heure actuelle aux droits à l'éducation. Pensez-vous que la suppression de l'article 93 serve les intérêts du pluralisme social et religieux ou pensez-vous qu'en réalité, l'article 93 protège ce pluralisme?

Mme Gwendolyn Landolt: Il nous paraît incontestable que l'article 93 protège effectivement le pluralisme religieux mais ce qui rend un pays dynamique, c'est la coexistence d'opinions différentes, de perspectives différentes et de confessions différentes. L'article 93 a été adopté pour justement protéger ce pluralisme et ces différences—pour leur accorder une garantie constitutionnelle, ce qui n'est pas rien. Il ne devrait pas être possible de supprimer des droits constitutionnels en adoptant une décision majoritaire. Si nous voulons conserver un pays pluraliste et dynamique, nous devons conserver l'article 93.

M. Jason Kenney: Ma question supplémentaire concerne l'argument qu'a présenté le gouvernement du Québec et le ministre Dion selon lequel la modification de l'article 93 n'aura pas pour effet de réduire l'accès des parents à l'éducation confessionnelle parce que le projet de loi 109 modifiant la Loi sur l'éducation prévoit le maintien de l'accès aux écoles confessionnelles ainsi qu'à l'éducation religieuse ou morale au sein du système scolaire public. Selon cet argument, les dispositions prévoyant l'instruction confessionnelle sont protégées de l'application de la Charte par le recours à la clause nonobstant à l'égard du projet de loi 109.

Autrement dit, l'argument que vous avez mis de l'avant, que les deux décisions ontariennes—l'affaire Zylberberg et l'affaire des libertés civiles—constituent en quelque sorte une menace à l'éducation confessionnelle... Eh bien, le gouvernement du Québec affirme à ce sujet qu'il est disposé à utiliser la clause nonobstant pour que la Charte n'ait pas pour effet de réduire les droits confessionnels reconnus par les lois québécoises.

Pensez-vous que la protection législative accordée à l'éducation confessionnelle est suffisante, compte tenu du recours prévu à la clause nonobstant?

• 1550

Mme Gwendolyn Landolt: Non, cela est tout à fait insuffisant.

Ce qui va se produire, c'est que malgré toutes ses bonnes intentions et ses promesses de conserver les écoles confessionnelles, les droits religieux dans le domaine de l'éducation, le Québec ne sera pas en mesure de le faire. S'il invoque la clause nonobstant, il va falloir qu'il la renouvelle tous les cinq ans parce que l'effet de cette clause est temporaire. Il va falloir qu'elle soit renouvelée selon ce que souhaite la majorité de l'Assemblée nationale. Là encore, cela revient à supprimer la protection constitutionnelle accordée aux droits de la minorité et il est très dangereux d'invoquer la clause nonobstant parce que cela veut dire que c'est la volonté de la majorité qui l'emporte encore une fois sur les droits constitutionnels.

M. Jason Kenney: Certains affirment que c'est l'appui de la majorité qui constitue finalement la meilleure protection pour l'éducation confessionnelle au Québec. Les témoins qui ont comparu devant le comité, tout comme vous d'ailleurs, ont signalé qu'au Québec, une forte majorité de parents choisissaient l'éducation religieuse lorsque cette possibilité leur était offerte. Ils soutiennent que cette majorité politique va en quelque sorte obliger l'Assemblée nationale à renouveler le recours à la clause nonobstant et donc, la protection qu'offre cette clause.

Ne pensez-vous pas que la protection qu'offre cette majorité politique qui représente au Québec un consensus général en faveur de l'éducation confessionnelle soit suffisante? Si c'est bien le cas, pourquoi ajouter une protection constitutionnelle à celle qu'offre la majorité qui appuie l'éducation confessionnelle?

Mme Gwendolyn Landolt: Cette majorité politique me paraît tout à fait insuffisante... parce que l'intérêt d'avoir une protection constitutionnelle, c'est qu'elle empêche que la volonté de la majorité puisse l'emporter sur celle de la minorité. Les droits des minorités sont protégés par la Constitution et il serait très insuffisant que les droits des minorités dépendent de la volonté de la majorité.

Cela est tout à fait contraire à notre conception du Canada et aux grands principes qui sont à l'origine de notre pays. Nous hésiterions beaucoup à suivre ce raisonnement et nous ne pourrons jamais souscrire à cet argument.

Nous avons trop vu les partis politiques imposer leurs décisions. Nous avons vu, même au Québec aujourd'hui, que les intéressés, c'est-à-dire les parents, n'ont pas été vraiment consultés et qu'ils peuvent facilement perdre leurs droits.

La seule façon de préserver les droits des minorités est de leur accorder une protection constitutionnelle.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Landolt.

[Français]

On va maintenant entendre madame la sénatrice Lavoie-Roux.

[Traduction]

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): Merci beaucoup d'être venue.

Pensez-vous qu'au Québec depuis longtemps...? Pas depuis longtemps. De tous les témoins que nous avons entendus, même ceux qui craignaient beaucoup que la protection accordée aux écoles confessionnelles soit insuffisante... Je dirais que la grande majorité des témoins que nous avons entendus nous ont déclaré être favorables à une structure linguistique plutôt que confessionnelle. Est-ce ce que vous pensez également?

Mme Gwendolyn Landolt: Non, je crois que les gens veulent à la fois une structure linguistique et une structure confessionnelle. Je crois que près de 63 p. 100 des mémoires présentés aux états généraux de 1996 étaient favorables aux écoles confessionnelles. Il est important que la Cour suprême du Canada ait elle aussi déclaré que les écoles linguistiques peuvent coexister avec les écoles confessionnelles. Je pense que les Québécois veulent en fait conserver ces deux catégories.

Les mémoires préparés par les groupes du Québec que j'ai lus sont favorables au maintien de ces deux catégories. Nous sommes très heureux d'avoir des écoles en fonction de la langue et la cour a dit que nous pouvions avoir les deux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Nous avons entendu un groupe ce matin—je crois que c'était la Fédération des commissions scolaires du Québec—et ces représentants ont dit que la population avait été largement consultée. Je crois que c'est eux qui ont déclaré ceci. Ils ont distribué une liste des consultations qui ont été tenues—malheureusement, je ne la retrouve pas pour le moment—et qui indiquait qu'il y avait eu des consultations. Elles ne portaient peut-être pas sur l'article 93, parce que je ne crois pas que les gens soient généralement au courant de cette disposition, à moins qu'ils n'aient vraiment étudié la question.

Estimez-vous que la population a été consultée? C'est ce qu'on nous dit.

Mme Gwendolyn Landolt: Pas du tout.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Pas du tout.

Mme Gwendolyn Landolt: Bien au contraire. Il n'y a pas eu de consultations publiques.

Il y a aussi le fait que la résolution de l'Assemblée nationale traitait des droits linguistiques; elle ne portait pas sur la question de la suppression des écoles confessionnelles. Cette question n'a pas été abordée directement. Mais spontanément, au cours des états généraux, les gens ont déclaré qu'ils voulaient conserver les écoles confessionnelles.

• 1555

Mme Watts vient du Québec et elle est peut-être mieux placée que moi pour répondre à cette question.

[Français]

Mme Diane Watts: Oui, le problème a été traité au niveau linguistique, mais on n'a pas expliqué le danger de perdre des droits qui ont été les nôtres dans ce pays depuis plus de 100 ans.

Je crois qu'au Québec, les parents comptent sur l'ensemble des acteurs en éducation: la famille, la pastorale, les Églises et les écoles, tout cela ensemble sans qu'il y ait de conflits. Je sais qu'au Québec, les parents veulent une éducation morale et religieuse. Ils le disent quand ils votent pour l'instruction morale et religieuse au lieu de voter pour l'éducation morale et séculière. Ils votent pour cela tous les ans dans les écoles.

C'est le choix des parents et c'est un choix démocratique.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous savez que l'on parle depuis longtemps au Québec d'une division linguistique plutôt que d'une division confessionnelle dans la structure scolaire, et c'est pour deux raisons particulières. D'une part, c'est pour consolider les ressources pour les anglophones qui sont maintenant partagés entre le secteur catholique anglais et le secteur protestant anglais, et il en va de même pour les francophones, surtout les francophones protestants qui constituent un petit groupe. D'autre part, la Loi 101, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, tout comme la Loi 22 qui avait été passée par le gouvernement libéral du moment, prévoyaient l'intégration des immigrants à l'école française. À l'heure actuelle, on voit cela de moins en moins, évidemment, mais il reste que bon nombre d'entre eux ont été obligés d'aller à l'école anglaise protestante parce qu'on avait cette division confessionnelle entre catholiques et protestants.

Est-ce que vous ne trouvez pas légitime qu'en tant que société, on ait pensé que l'intégration des immigrants était une bonne chose? Êtes-vous de Montréal, madame?

Mme Diane Watts: J'étais à Montréal. Je ne suis plus dans cette région maintenant.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais vous savez qu'à Montréal, il y a eu une intégration massive des immigrants non francophones à l'école anglaise. Il y avait toutes sortes de raisons pour ça. Puis, à un moment donné, non seulement un gouvernement, mais deux gouvernements ont voulu un peu changer le cours des choses.

Alors, ne croyez-vous pas qu'il peut être légitime de désirer avoir une division scolaire linguistique plutôt que confessionnelle puisque, d'une part, on vise une consolidation des ressources pédagogiques et que, d'autre part, on vise une intégration plus facile des immigrants à l'école française? Trouvez-vous cela légitime ou non?

Mme Diane Watts: Je crois qu'il faut faire attention de ne pas dire qu'il faut l'un ou l'autre. On peut avoir les deux.

Depuis la Loi 109, il y a eu une décentralisation dans les commissions scolaires, qui permet maintenant une plus grande diversité et une variété de choix pour les parents. Mais nous dire qu'il faut choisir l'un ou l'autre, un système linguistique ou confessionnel, il me semble que cela nous limite et que c'est très restrictif. Je ne voudrais pas dire que c'est totalitaire, mais on va dans cette direction. De plus, je crois que ce serait inacceptable pour les Québécois.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: D'un autre côté, on nous a dit aussi que la Loi 109 contenait des garanties suffisantes pour assurer la survie de l'enseignement religieux, ou même pour qu'une école, à la suite d'une décision des parents, se déclare confessionnelle. Ça ne vous suffit pas?

Mme Diane Watts: Non. Et certainement pas si on enlève les protections constitutionnelles.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): Merci, sénatrice Lavoie-Roux.

[Traduction]

Mme Gwendolyn Landolt: Aux termes de l'article 2, qui traite de la liberté de religion, la Charte des droits interdit aux gouvernements de financer l'éducation religieuse dans les écoles. Cela remonte à l'arrêt qu'a prononcé la Cour suprême du Canada en 1985 dans l'affaire Big M où elle a déclaré que la liberté de religion interdisait que l'on accorde la priorité à une confession donnée et qu'il fallait placer toutes les religions sur un pied d'égalité. Cela revient à reconnaître la liberté des religions.

• 1600

Cela remonte à 1985. Nous sommes maintenant en 1997, et nous avons deux décisions de la Cour d'appel de l'Ontario sur ce point. Il n'y aurait pas de protection. Quelles que soient les bonnes intentions du gouvernement du Québec, il lui serait interdit d'utiliser des fonds publics pour faire cela, une fois supprimée la protection constitutionnelle qu'offre l'article 93.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénatrice Lavoie-Roux. Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Je crois que c'était Mme Landolt qui a parlé de l'utilisation de l'article 43 pour effectuer cette modification? Si j'ai bien compris, le comité a entendu des témoins et des spécialistes parler du mécanisme de modification approprié et je crois que nous allons en entendre davantage sur ce sujet.

Je tiens uniquement à vérifier si j'ai bien compris votre commentaire. Vous disiez que puisque cette proposition ne concernait pas les frontières des provinces ou l'utilisation du français et de l'anglais tel que prévu à l'article 93—c'est-à-dire, il s'agit ici des droits confessionnels—vous estimez que l'article 43 n'est pas celui qu'il faut appliquer.

Mme Gwendolyn Landolt: Oui, c'est une des raisons. La deuxième est que l'article 43 énonce également que les assemblées législatives de toutes les provinces concernées doivent approuver la résolution, et cela n'a pas été fait non plus.

M. Paul DeVillers: Je crois que la deuxième raison peut se discuter. Mais pour ce qui est de la première, l'article 43 énonce:

    Les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement

Et les deux exemples qui suivent ne sont que des exemples. Cela est valable pour n'importe quelle disposition.

Mme Gwendolyn Landolt: Oui, mais il s'agit d'un aspect aussi vaste et aussi fondamental... Tel qu'il est rédigé, l'article 43 permet de prendre rapidement certaines mesures... Je comprends ce que dit l'article 43. Il figure dans la Charte pour exiger que les autres provinces concernées approuvent la modification proposée.

M. Paul DeVillers: Très bien.

Mme Gwendolyn Landolt: Mais en fait, cela revient à modifier complètement la Constitution du Canada et il faut donc s'en remettre à la formule de modification prévue à l'article 38. L'article 43 permet uniquement de régler une question mineure, dans ce cas-ci, une question privée concernant une province.

M. Paul DeVillers: Vous vous basez donc sur la deuxième partie de votre argument. Vous reconnaissez que, lorsque l'article mentionne «les dispositions de la Constitution du Canada... notamment», d'après le sens clair de ces termes,...

Mme Gwendolyn Landolt: Non. Je ne dirais pas cela. Je crois que l'on peut parfaitement soutenir les deux volets de cet argument.

M. Paul DeVillers: C'est le deuxième volet de votre argument.

Mme Gwendolyn Landolt: En particulier, mais je crois que le fait qu'il s'agisse d'un droit constitutionnel fondamental, celui des droits confessionnels en matière d'éducation... même si cet article ne contient que deux exemples, il ne devait pas s'appliquer à une restructuration aussi profonde et aussi fondamentale de notre Constitution. Cet article devait uniquement s'appliquer à des questions privées.

M. Paul DeVillers: Pourquoi alors avoir utilisé les termes «les dispositions»?

Mme Gwendolyn Landolt: Comme je l'ai dit, l'article 43 vise uniquement les questions privées provinciales—toute disposition qui traite d'une question privée provinciale. Les rédacteurs de la Charte n'auraient jamais imaginé que l'on puisse supprimer de cette façon un droit constitutionnel, un des grands principes de l'État canadien.

M. Paul DeVillers: Je comprends cela.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Beaudoin, vous êtes le prochain intervenant.

[Traduction]

Le sénateur Gérald A. Beaudoin (Rigaud, PC): J'aurais deux questions. La première porte sur l'article 43. Vous dites que cet article n'est pas applicable.

Mme Gwendolyn Landolt: Cette formule de modification n'est pas applicable aux circonstances présentes. Il faudrait utiliser l'article 38.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: C'est la première fois que j'entends cet argument. Il s'agit de savoir si aux termes de l'article 43, la modification demandée est bilatérale ou trilatérale à cause de la présence de l'Ontario. Nous allons entendre de nombreux spécialistes qui vont nous parler de l'article 43 et je n'irai pas plus loin pour le moment. Mais vous dites qu'il ne s'applique pas à cette modification.

Mme Gwendolyn Landolt: J'affirme de façon absolue et irrévocable qu'il ne s'applique pas et j'estime que le choix de la formule de modification est tellement important qu'il faudrait le confier à la Cour suprême du Canada.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Je suis d'accord avec vous. Il est possible de conserver l'article 93 tel qu'il est et d'y ajouter une superstructure composée d'écoles françaises et anglaises. Personne ne le conteste. La décision de la Cour suprême était très claire sur ce sujet. La difficulté provient du fait que le Québec a choisi une autre méthode et que la résolution qui nous est présentée vise à supprimer les paragraphes 93(1), (2), (3) et (4).

• 1605

Si nous voulons protéger les droits confessionnels, je crois qu'il faut le faire de façon équitable et accorder les droits confessionnels à toutes les religions. Il faudra de toute façon modifier l'article 93 parce qu'il accorde à l'heure actuelle une situation privilégiée aux catholiques et aux protestants. Bien sûr, le Québec peut accorder les mêmes droits à d'autres religions. Cela ne soulève aucun problème. Cela pourrait se faire demain. Cela se fait déjà dans une grande mesure. La difficulté est que si nous invoquons la Constitution et les droits confessionnels, si nous suivons votre raisonnement, il faudrait modifier l'article 93 et le faire pour les autres religions.

Mme Gwendolyn Landolt: Tout d'abord, nous savons qu'il s'agit des catholiques et des protestants puisque ces religions existaient au moment de la Confédération ainsi que dans les autres provinces. Par contre, si vous supprimez ce droit, je pense qu'en raison de l'article 2 de la Charte, et des décisions déjà rendues par la Cour d'appel de l'Ontario et la Cour suprême du Canada dans l'affaire Big M, les tribunaux diraient qu'il n'est pas possible de financer quelque religion que ce soit parce que cette disposition interdit de le faire. La Cour d'appel de l'Ontario a été tout à fait claire sur ce point puisqu'elle a déclaré qu'il n'y aurait pas d'éducation religieuse, on ne pourrait pas dire de prières dans les écoles si l'article 93 n'existait pas.

Par exemple, l'Alberta finance déjà des écoles chrétiennes privées. Cette province finance également les écoles visées par la Charte; elles pourraient être musulmanes ou de n'importe quelle autre religion. Les provinces sont libres de le faire. Par contre, si l'on supprime l'article 93, il devient interdit d'utiliser des fonds publics à des fins religieuses. C'est ce que nous craignons qu'il se passe.

Si l'on veut donc conserver ce pluralisme, qui est un élément fort et dynamique de notre identité nationale, il faut protéger les droits confessionnels et l'éducation religieuse.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénateur Beaudoin.

[Traduction]

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, mais le problème demeure entier. Si vous conservez l'article 93 pour protéger les droits confessionnels, en toute justice, il faudrait le faire pour tous les groupes religieux et non pas uniquement pour ces deux-là.

Mme Gwendolyn Landolt: Cela dépend de ce que veut faire le gouvernement. Le gouvernement de l'Alberta a décidé qu'il financerait les écoles visées par la Charte si le nombre des élèves le justifiait. L'Ontario ne peut le faire mais l'Î.-P.-É. peut dire qu'elle ne dispose pas de fonds suffisants pour le faire.

Je sais que vous êtes un constitutionnaliste émérite mais nous savons qu'il faut respecter la Constitution. Nous ne pouvons pas dire que cela n'est pas équitable en 1997. Si nous voulons modifier cet aspect de notre Constitution de 1867, il faut alors suivre la formule de modification prévue à l'article 38. Nous pourrons alors tous examiner cette question et peut-être en conclure que cela n'est pas équitable mais cela ne peut se faire par un accord bilatéral. Il s'agit en effet d'un changement très important.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénateur Beaudoin. Monsieur Mauril Bélanger.

[Traduction]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, madame la présidente et madame Landolt.

Tout d'abord, je tiens à réfuter votre argument catégorique selon lequel l'article 43 ne s'applique pas, parce qu'il s'applique uniquement à des questions mineures. Pensez-vous que la protection constitutionnelle accordée aux droits des francophones au Nouveau-Brunswick est une question mineure?

Mme Gwendolyn Landolt: Bien sûr, je ne le pense pas, mais c'est parce que l'on s'entend uniquement avec une province.

M. Mauril Bélanger: Cela s'applique uniquement au Québec mais ce n'est pas une question mineure. Nous sommes d'accord pour dire que l'article 43 ne s'applique pas uniquement à des questions mineures.

Mme Gwendolyn Landolt: Non, je ne dirais pas cela.

M. Mauril Bélanger: Eh bien, moi oui.

Mme Gwendolyn Landolt: J'ai peut-être mal choisi mes mots, monsieur Bélanger. J'aurais peut-être dû parler de questions qui concernent une seule province.

M. Mauril Bélanger: Très bien.

Mme Gwendolyn Landolt: Ils ont donné deux exemples. Ce n'est pas une question mineure. Bien sûr, je ne prétends pas que les droits linguistiques...

M. Mauril Bélanger: Vous avez utilisé l'expression «question mineure», madame, et c'est à cela que je voulais réagir.

Mme Gwendolyn Landolt: Je suis désolée, mais je me suis peut-être mal exprimée.

Je tiens à indiquer clairement que nous voulons conserver les droits linguistiques et qu'en supprimant l'article 93, on diminue l'importance accordée aux droits linguistiques.

M. Mauril Bélanger: Examinons cette affirmation. Vous voulez préserver les droits linguistiques. Indiquez-moi quels sont les termes de l'article 93 qui traitent des droits linguistiques.

Mme Gwendolyn Landolt: J'affirme que si l'on peut supprimer le droit à l'éducation et les droits religieux dans le domaine de l'éducation lorsqu'il y a entente entre le gouvernement fédéral et un gouvernement provincial, je ne vois pas ce qui empêcherait la Saskatchewan ou la Colombie-Britannique de s'appuyer sur ce précédent pour supprimer les droits linguistiques dans ces provinces.

M. Mauril Bélanger: Les droits linguistiques?

Mme Gwendolyn Landolt: Ou le Nouveau-Brunswick ou même...

M. Mauril Bélanger: Attention, vous mélangez langue et religion.

• 1610

Mme Gwendolyn Landolt: Non, ce n'est pas ce que je fais. Je dis que si l'on utilise l'article 43 pour supprimer la protection constitutionnelle accordée en matière d'éducation, cela va constituer un précédent qui pourra s'appliquer ensuite à d'autres droits au Canada.

M. Mauril Bélanger: L'article 43 interdit expressément d'utiliser cette formule—il s'agit d'une entente bilatérale ou multilatérale dans le cas de deux provinces qui s'entendent sur une modification de leurs frontières, par exemple—pour les questions linguistiques. Vous soulevez une question pour le seul plaisir de le faire.

Mme Gwendolyn Landolt: Je suis désolée mais je ne suis pas d'accord. Les termes mêmes de l'article 43 indiquent qu'il n'est pas possible d'utiliser cette disposition... Il prévoit une solution pratique pour régler une question privée qui concerne une province.

Mais il ne s'agit pas ici d'une question de nature privée; il s'agit d'une modification profonde et durable du Canada.

M. Mauril Bélanger: Je constate que je ne vais pas obtenir ce que je veux de cette façon.

Une dernière question, si vous permettez. Quels sont les droits de la minorité que vous souhaitez défendre ici?

Mme Gwendolyn Landolt: Les droits de toutes les confessions en matière d'éducation—toutes. Avec la Constitution telle qu'elle est rédigée actuellement, il y a les catholiques et les protestants et en Alberta, il y a d'autres confessions.

Si vous supprimez l'article 93, je prétends qu'en se basant sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, il sera impossible de protéger quelque confession que ce soit, qu'il s'agisse de la confession musulmane, hindoue, catholique, protestante ou juive. C'est parce qu'il sera alors interdit d'utiliser des fonds publics pour financer l'éducation religieuse.

Si l'on se fonde sur la jurisprudence, à moins que les juristes canadiens ne changent tout à fait d'idée sur cette question, ce qui, je crois, ne se produira pas, la tendance est très claire: c'est ce qui va se passer. Cela est particulièrement vrai si l'on pense au fait que la Cour suprême du Canada a déjà interprété l'expression liberté de religion, qui veut dire en fait liberté des religions mais sans financement public.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci.

Mme Finestone veut poser une question supplémentaire, pour donner suite à la question du sénateur Beaudoin.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Bienvenue. J'aimerais aborder deux sujets avec vous, madame Landolt. Tout d'abord, l'article 93 n'est pas supprimé, ce sont les paragraphes (1) à (4) qui le sont. L'article 93 énonce:

    Dans chaque province, la législature pourra exclusivement décréter des lois relatives à l'éducation

Cela ne changera donc pas.

Deuxièmement, la Cour suprême du Canada a déclaré que la Constitution n'oblige pas les provinces à fournir une éducation religieuse mais qu'elles peuvent le faire si elles le souhaitent.

Vous venez de parler de l'Alberta et du fait que cette province a choisi d'exercer ses pouvoirs dans la province. Avec les projets de loi 107 et 109, et à l'aide de l'article 41 de sa Charte des droits de la personne et des libertés, le Québec a décidé de protéger non seulement l'éducation catholique romaine et protestante dans le système scolaire mais également d'élargir cette protection à toutes les autres confessions aux termes de l'article 41. Le système scolaire sera donc séculier pour ce qui est de la langue mais chaque conseil scolaire pourra décider d'offrir une éducation religieuse.

Lorsque je lis l'introduction de votre mémoire, je trouve que vous êtes vraiment trop catégorique. Vous affirmez:

    Attendu que l'art. 93 de l'AANB protège les écoles confessionnelles du Canada eu égard à la reconnaissance des droits des minorités religieuses...

C'est vrai dans un sens très respectif comme l'a fait remarquer le sénateur Beaudoin. C'est pourquoi je voulais poser ma question après la sienne.

Deuxièmement, vous dites:

    Attendu que la protection des écoles confessionnelles est une question qui a des répercussions graves pour tous les Canadiens puisqu'elle concerne la protection de tous les droits confessionnels des minorités au Canada...

Eh bien, je ne suis pas d'accord. Je crois ce que je viens de lire: l'article 93 demeure sauf les paragraphes (1) à (4) et la décision de la Cour suprême du Canada selon laquelle ce sont les provinces qui ont l'obligation d'assurer l'administration de ces écoles.

Avec ce projet de loi, le Québec démontre qu'il souhaite veiller à ce que ce soit les parents qui décident, dans l'intérêt de leurs enfants, du genre d'enseignement qui sera donné dans leur école.

Pensez-vous que l'analyse que je viens de faire—et je sais que vous aimez les analyses—soit fausse?

• 1615

Mme Gwendolyn Landolt: Oui, si vous me permettez, je dirais que la question n'est pas tout à fait là. Il s'agit de la protection constitutionnelle accordée aux écoles confessionnelles au Canada. Avec l'article 93, ces écoles doivent être protégées. Si l'on supprime l'article 93, les provinces ne sont plus tenues de le faire.

Si l'on supprime cette protection constitutionnelle, il sera alors interdit aux provinces, comme l'indique la jurisprudence, de dépenser des fonds publics pour offrir des cours d'éducation religieuse au sein du système scolaire public. Même avec l'article 41 de la Charte des libertés et droits de la personne du Québec, la Charte canadienne des droits et libertés va tout de même continuer à s'appliquer, que cela plaise ou non, et donc, la façon dont la Cour suprême du Canada en a interprété les dispositions.

J'affirme que si l'on ne peut... Le Québec est tout simplement en train de supprimer...

L'hon. Sheila Finestone: Madame Landolt, je tiens à vous faire remarquer que la Cour suprême du Canada...

Mme Gwendolyn Landolt: ... tous les droits confessionnels dans le domaine de l'éducation pour se limiter au seul aspect linguistique.

Le Québec peut faire les deux, rien ne l'en empêche. Il peut faire les deux. La Cour suprême du Canada a déclaré que ces deux catégories pouvaient coexister. C'est ce que nous disons.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Il nous reste encore trois intervenants: le sénateur Grafstein, Mme Meredith et M. Godin.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (Grand Toronto, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci de nous avoir donné ce témoignage.

Je vais aborder la question de l'article 43 et la notion d'égalité et celle de l'article 93 examiné sous l'aspect de l'égalité. Si vous me permettez, je vais conserver l'exemple qui a déjà été cité, celui de l'Alberta. Nous savons que l'article 93 va demeurer, ce qui veut dire que chaque province aura le droit exclusif de légiférer en matière d'éducation dans son territoire, ce qui est son droit historique.

Venons-en maintenant à la question que vous soulevez à propos de l'article 2 et de ce qui se passe dans cette province. Je vais vous proposer un exemple. Prenons, si vous voulez, l'Alberta. Disons que l'Alberta décide, dans le cadre de ses pouvoirs en matière d'éducation—pouvoirs exclusifs, sous réserve de l'article 93 qui conserve sa pleine portée—de créer un système dans lequel chaque confession a droit, lorsque les nombres le justifient, à des fonds égaux à ceux qui sont accordés aux autres. Dites-moi quel tribunal canadien pourrait invalider un tel système?

Mme Gwendolyn Landolt: Il est effectivement possible qu'aucun tribunal ne soit prêt à le faire ou qu'aucune province ne souhaite le faire mais aucune province ne serait obligée de le faire. Par exemple, l'Alberta le fait mais même s'il finance les autres écoles, cette province est encore obligée, à cause des termes de son admission dans la Confédération, de préserver les écoles catholiques et protestantes. C'est là où nous voulons en venir.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Non, je comprends cela, mais je voudrais maintenant passer au Québec et au système québécois. Je prends pour acquis que vous avez sérieusement préparé votre mémoire mais lorsque vous dites... et je cite un passage de la page 7:

    Il ne s'agit donc pas d'une simple affaire privée entre une province (le Québec) et le gouvernement fédéral...

Il ne s'agit pas ici, madame Landolt, d'une affaire privée. Cette résolution ne concerne pas une affaire privée. Il s'agit d'une résolution qui a été adoptée à l'unanimité par une province officielle du Canada. C'est une résolution qui doit s'accompagner d'une résolution du Parlement du Canada. Ce n'est pas une affaire privée entre ces deux assemblées législatives. C'est une question publique mais de nature bilatérale.

Par conséquent, lorsque vous dites qu'il s'agit d'une affaire privée, je crois que vous rabaissez le mécanisme utilisé. Je vous dirais très franchement que nous sommes ici pour examiner les aspects que le Québec n'a pas étudié, à savoir la question du consensus, du droit et des droits subjectifs. Mais affirmer qu'il s'agit là d'une affaire privée est injuste, aussi bien pour le Parlement du Canada que pour la province de Québec.

Ce principe posé, je veux revenir sur cette question. Nous savons que vous représentez des femmes mais nous avons entendu des organismes qui représentent les deux sexes. Il y a l'association des enseignants catholiques qui regroupe 3 000 professeurs. J'imagine que la plupart de ces professeurs sont des femmes. Les fédérations des écoles catholiques représentent 136 conseils scolaires sur 159, ce qui veut dire, du moins je le crois, une majorité ou une forte pluralité de femmes. Nous avons entendu les représentants d'une fédération étudiante qui compte 2 millions d'étudiants—leur représentant était une jeune femme—et je crois que, parmi ces étudiants, il y avait une pluralité ou une forte majorité de femmes. Nous avons entendu les représentants de l'association arabe qui, à ce qu'il me semble, représentent les personnes de sexe masculin et de sexe féminin et nous avons entendu les archevêques, qui est le seul groupe qui ne représente pas, sur le plan individuel, les hommes comme les femmes, mais certainement en tant que représentant religieux, il transmet les valeurs spirituelles de l'église catholique.

• 1620

Tous ces groupes, ce qui représente un consensus généralisé—ce n'est pas un consensus minoritaire—ont déclaré, pour une raison ou une autre, être favorables à l'article 93 ou du moins qu'ils ne s'y opposaient pas. Vous venez comparaître devant nous—et je respecte vos opinions—pour représenter REAL Women alors que nous venons d'entendre des Québécoises qui nous ont dit qu'elles étaient en faveur de ce changement. Qui devons-nous écouter, votre organisme ou ceux que je viens de mentionner?

Mme Gwendolyn Landolt: REAL Women fait partie d'un front commun, comme vous le savez sans doute, qui représente l'ensemble du Canada. Nous sommes une partie d'une grande organisation qui représente le front commun des gens que cette question inquiète et qui ne pensent pas qu'il existe un consensus dans la province de Québec, pour la simple raison que les intéressés, c'est-à-dire les parents et les enfants...

Vous pouvez dire que la résolution a été adoptée par l'Assemblée nationale mais ce n'est pas une question qui se limite au Québec. C'est là l'essentiel de notre position. Tous les Canadiens vont être touchés par cette décision, parce qu'elle va constituer un précédent.

Nous prétendons que ce consensus n'existe pas. Des organismes l'ont dit mais pas les intéressés.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Mais madame, je leur ai posé moi-même la question.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Un bref commentaire.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: J'ai posé cette question aux enseignants, à la fédération scolaire, à la fédération étudiante et au groupe arabe. Je leur ai demandé cela représente-t-il l'opinion des parents et des étudiants qui font partie de votre organisme? Personne n'a répondu que non. Bien au contraire, les enseignants ont déclaré qu'ils avaient communiqué avec les étudiants et les parents. La fédération des écoles catholiques a dit exactement la même chose. L'organisation étudiante nous a déclaré avoir établi des liens... Ils ont examiné cette question et affirmé qu'il existe, dans la province du Québec, un consensus très fort sur cette question.

Mme Gwendolyn Landolt: Mais vous avez également entendu d'autres personnes et d'autres organismes du Québec et nous avons aussi examiné leurs mémoires, monsieur le sénateur, qui disent exactement le contraire, qui ont affirmé qu'il n'y avait pas de consensus, qu'il n'y avait pas eu de consultation publique sur cette question et que les questions en jeu n'avaient pas été clairement expliquées. Vous pouvez être d'accord avec un organisme ou un autre mais il y en a beaucoup qui ne pensent pas qu'il y avait consensus. Il ne s'agit pas simplement de nous, une organisation nationale mais d'organismes québécois.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Madame la présidente, je voudrais mentionner pour terminer que nous avons constaté ici qu'il y avait consensus. En fait, nous tenons des audiences publiques pour faire ce que la province du Québec n'a pas fait, je ne sais pas pourquoi, à savoir, écouter divers groupes venant de la province de Québec. Nous les avons entendus ici.

Mme Gwendolyn Landolt: J'espère que vous ne prétendez pas que l'appui est absolument unanime, qu'il y a un consensus parfait au Québec.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Non, je n'ai pas dit cela.

Mme Gwendolyn Landolt: La question du consensus est très controversée, monsieur le sénateur.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je trouve intéressant que vous soyez le premier groupe à aborder la véritable question que soulève ce débat, et que j'ai déjà soulevée; il s'agit en fait du financement public de l'éducation. Je voudrais toutefois savoir si vous estimez, en 1997, que les Canadiens pensent que le financement public des écoles religieuses devrait être garanti par la Constitution.

Mme Gwendolyn Landolt: Je vous répondrai que oui. Il me semble que c'est ce que souhaite la population. Il y a des divergences mais je crois que la plupart des parents—et c'est certainement ce que nos membres nous ont fait savoir, sans aucune équivoque—souhaitent que le gouvernement finance l'éducation religieuse. Il y a des personnes qui souhaitent que leurs enfants reçoivent une instruction religieuse à l'école.

Mme Val Meredith: La question n'est pas de savoir si cette instruction devrait être offerte mais s'il est nécessaire que la Constitution garantisse le financement public des écoles religieuses?

• 1625

Mme Gwendolyn Landolt: La réponse est oui, cela devrait être garanti et nous allons perdre cette garantie si nous adoptons cette modification. Comme vous l'avez dit, la population souhaite que le financement public des écoles religieuses soit garanti par la Constitution et nous allons perdre cette garantie si nous introduisons ce changement.

Mme Val Meredith: Si c'est là ce que pensent, d'après vous, les Canadiens, il faudrait alors supprimer dans l'article 93 la référence aux confessions pour lui substituer une référence aux religions. Je ne connais pas la réponse parce que nous n'avons jamais posé la question aux Canadiens mais je me demande si les Canadiens veulent vraiment que le système scolaire finance l'enseignement religieux, quelle que soit la religion considérée.

Mme Gwendolyn Landolt: Je suis heureuse que vous ayez soulevé cette question parce que c'est sans doute la véritable question que nous essayons de poser. Cela concerne l'ensemble du Canada et si l'on doit se demander si cette disposition vise uniquement la religion catholique ou protestante ou toutes les religions—sikh ou juive ou n'importe laquelle—il faudrait en parler franchement et utiliser la formule de modification de l'article 38, ce qui veut dire sept des provinces et 50 p. 100 de la population. Il ne faut pas établir un précédent en se basant uniquement sur le cas du Québec. Cette question appelle un débat national parce que ce à quoi vous faites allusions changerait également la structure constitutionnelle du Canada. C'est pourquoi il ne faut pas adopter cette modification à la hâte et établir ainsi le précédent de l'article 43. Il faut examiner l'ensemble de la question.

Mme Val Meredith: Est-ce que REAL Women of Canada serait d'accord pour que l'on supprime de l'article 93 les mots «catholique» et «protestant» pour les remplacer par «tous les organismes religieux»?

Mme Gwendolyn Landolt: Je n'en ai aucune idée. Nous n'avons jamais abordé cette question parce qu'elle ne s'est jamais posée. Cela n'a jamais été porté à l'attention de notre organisme mais je peux néanmoins vous dire que nous pensons que l'éducation doit comporter des droits religieux. Je ne sais pas si nos membres souhaiteraient que l'on supprime la référence aux protestants et aux catholiques parce que nos membres sont d'origines très variées.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): J'aimerais rapidement faire un commentaire. Vous avez parlé du syndicat qui était d'accord pour éliminer l'article 93. Le syndicat n'est pas une machine; il est constitué de personnes, d'êtres humains. Pour ma part, j'ai beaucoup de respect pour les syndicats qui ont fait quelque chose de si grand pour notre pays. Ce sont des gens, des parents, des hommes et des femmes qui travaillent dans un syndicat. Aujourd'hui, alors qu'ils font une recommandation... On ne voit personne dans la rue, au Québec, en train de dire aux syndicats qu'ils ont fait le mauvais geste.

Ce qui est difficile aussi, lorsque vous voyez ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale... Normalement, l'opposition aime bien critiquer le gouvernement. Or, dans ce cas-ci, tout le monde dit la même chose. C'est drôle à voir. Il a fallu qu'il y ait consultation de quelque façon.

C'est vrai qu'il y a eu des gens qui sont venus ici dire qu'il n'y avait pas eu de consultation. Pourtant, il y a des gens qui ont eu l'occasion, qui ont été certainement en mesure de dire ce qu'ils avaient à dire. Ces personnes qui ont pris de telles responsabilités ou des décisions auront à se représenter devant d'autres personnes pour se faire élire à nouveau. Ils auraient donc tous mis leur carrière en jeu sur une seule question.

C'est là le commentaire que je voulais faire. D'un côté, cela m'inquiète et m'amène à réfléchir. Qu'une assemblée nationale au complet abonde dans le même sens, c'est rare. Au moins, ils auraient pu être deux à s'opposer, deux qui auraient voulu se faire du capital politique. Mais il n'y a même pas eu cela. Cela me pose un problème, un problème qui concerne le Québec.

Vous dites aussi que le changement causera un problème au Québec, qui va s'étendre à la grandeur du pays. Mais nous, du Nouveau-Brunswick, nous le connaissons déjà. Nous n'avons pas été protégés par l'article 93 ou par la Constitution, car nous n'avons pas d'écoles confessionnelles. Il me semble que j'ai raison quand je fais cette déclaration.

Si la Constitution est là pour protéger les minorités, ce que nous étions sûrement au Nouveau-Brunswick, comme il y en a d'autres ailleurs au pays... Il n'y en que six qui sont protégées par l'article 93. La Constitution n'a pas protégé tout ce monde-là. Où a-t-on fait de la discrimination? Est-ce dans quatre des provinces du Canada et dans les Territoires?

Ce sont là les questions que je me pose, moi.

[Traduction]

Mme Gwendolyn Landolt: Si vous me permettez, je mentionnerai que pour ce qui est des syndicats, je ne pense pas qu'ils aient tenu un vote sur cette question. C'est une décision qui a été prise par les dirigeants syndicaux, sans consultation de la base. Cela modifie donc quelque peu la perspective.

Pour ce qui est du Nouveau-Brunswick, comme vous le savez, il est entré dans la Confédération en 1867, avec l'Ontario, le Québec et une autre province. À l'époque, il n'existait pas d'écoles séparées au Nouveau-Brunswick et l'article 93 ne pouvait donc protéger ces écoles à l'époque dans cette province.

• 1630

Là encore, il y a le fait que ce ne sont pas des droits religieux et éducatifs protégés par la Constitution parce qu'à l'époque de la Confédération, la situation était différente. C'est pourquoi je n'ai pas mentionné le Nouveau-Brunswick. J'ai uniquement mentionné les provinces qui étaient concernées par l'article 93 au moment où elles sont entrées dans la Confédération.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je vais vous demander d'être brefs, sénateur Beaudoin et sénatrice Lavoie-Roux. Ensuite, ce sera terminé.

[Traduction]

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Il s'agit uniquement du nombre des provinces concernées. J'estime que l'article 38 ne peut trouver ici application parce qu'il n'y a que six provinces qui soient visées par l'article 93: le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse—et il y a bien sûr la question des écoles confessionnelles mais c'est une autre chose—la Colombie-Britannique et l'Île-du-Prince-Édouard. C'est pourquoi je ne vois pas comment l'on pourrait exiger sept provinces. Pour Terre-Neuve, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, on a utilisé une formulation différente. C'est pourquoi nous en sommes tous venus à la conclusion que l'article 43 s'appliquait manifestement ici. La seule question est celle de savoir s'il y a deux ou trois parties. Je pense qu'il y en a deux dans ce cas-ci, Québec et Ottawa, mais certains affirment qu'il y en a trois. Mais même en augmentant le nombre des parties, ce nombre ne peut être supérieur à six, parce qu'il y a seulement six provinces pour lesquelles on a utilisé la même formulation.

De toute façon, je ne pense pas que...

Mme Gwendolyn Landolt: Sénateur Beaudoin, je pense qu'au moment de la Confédération, l'article 93 s'appliquait uniquement au Québec et à l'Ontario parce que c'était les seules provinces où il existait des écoles séparées. L'article 93 s'appliquait uniquement aux écoles qui existaient à l'époque.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, mais l'article 93 n'a pas changé.

Mme Gwendolyn Landolt: Mais si vous examinez le texte de la Loi sur l'Alberta, et celui de la Loi sur la Saskatchewan, lorsque ces provinces sont entrées dans la Confédération, vous constaterez que ces lois mentionnent le fait que l'article 93 s'applique. C'est là la différence. Lorsque Terre-Neuve est entrée à son tour conformément aux conditions de l'Union, l'article 93 n'a pas été mentionné. C'est ce qui place Terre-Neuve dans une situation tout à fait particulière.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Ce n'est pas mon opinion mais seriez-vous d'accord pour étendre à d'autres groupes les droits confessionnels?

Mme Gwendolyn Landolt: Notre organisme, comme je l'ai déjà mentionné...

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Je veux dire constitutionnellement.

Mme Gwendolyn Landolt: Je ne sais pas. Nous n'avons jamais discuté directement de cette question. Le temps est peut-être venu de le faire mais je crois qu'il faudrait tenir un débat national parce que cela modifierait de façon fondamentale la structure du Canada. Mais je ne saurais dire si notre organisme serait favorable ou non à une telle extension. Nous n'y avons jamais réfléchi.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, madame Landolt. Sénatrice Lavoie-Roux, est-ce fini?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Le sénateur Beaudoin a posé mes questions.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): C'est très bien. Madame Landolt, madame Watts et madame Joannou, je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Merci beaucoup.

• 1633




• 1636

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Nous poursuivons nos travaux et nous accueillons maintenant les représentants de l'Association pour l'éducation interculturelle du Québec, Mme Fabienne Desroches et Mme Rachida Azdouz. Madame Desroches, je vous donne la parole.

Mme Fabienne Desroches (présidente ex-officio, Association pour l'éducation interculturelle du Québec): Madame la présidente, nous sommes venues à deux et nous ferons la présentation en alternance, Mme Azdouz et moi-même. Étant donné que Mme Azdouz est la présidente de l'APEIQ, elle commencera la présentation.

Mme Rachida Azdouz (présidente, Association pour l'éducation interculturelle du Québec): D'entrée de jeu, je tiens à souligner que l'APEIQ souscrit entièrement au principe du droit à la pratique religieuse dans la sphère privée. Ce n'est donc pas le propos du présent débat ni du présent mémoire, puisque le débat porte sur la place de la confessionnalité dans la sphère publique.

Tout d'abord, je voudrais parler brièvement de l'association que Mme Desroches et moi représentons. L'Association pour l'éducation interculturelle du Québec et le projet Éducation dans une perspective planétaire se sont regroupés afin de présenter leur point de vue sur la pertinence de l'amendement de l'article 93.

L'APEIQ, une association non gouvernementale vouée au rapprochement entre les Québécois de toutes origines, dans cet esprit, travaille à la sensibilisation et à la formation des intervenants en milieu organisationnel. Le projet EPP regroupe cinq universités francophones et travaille à l'infusion du concept de citoyenneté responsable à l'intérieur des programmes de formation initiale des maîtres.

Soulignons que pour ces deux organismes, il existe une grande différence entre l'enseignement confessionnel et l'enseignement moral ou religieux. Le premier a trait à l'enseignement des croyances et des rites d'un groupe confessionnel bien particulier, alors que le second a trait à l'enseignement de la spiritualité, de l'histoire et de la culture des divers groupes religieux.

C'est pourquoi ce que nous préconisons ici devant vous, ce n'est pas de sortir la religion des écoles mais de substituer à l'enseignement de la foi religieuse un enseignement culturel du fait religieux qui se ferait au bénéfice de l'ensemble des élèves et ne serait pas réservé exclusivement aux élèves appartenant à l'un ou l'autre des deux groupes religieux que l'on connaît, catholiques et protestants.

C'est dans ce sens que l'amendement de l'article 93 de la Constitution canadienne prend toute sa signification dans la société moderne et pluraliste dans laquelle nous vivons. Dans ce monde en mutation constante, le secteur de l'éducation a un rôle de premier plan à jouer, l'école étant le lieu par excellence d'intégration et de l'éducation à l'égalité.

C'est un rôle important à jouer si nous voulons que notre société reflète nos valeurs démocratiques et le respect des loi. Dans ce sens, l'école est le reflet de la société et le premier niveau d'intégration sociale. Elle est souvent le seul lieu de contact entre l'ensemble des étudiants, toutes origines et toutes confessions religieuses confondues.

• 1640

Si nous voulons développer une cohésion sociale et un sentiment d'appartenance et une volonté de participation à la société dans laquelle nous vivons, il nous semble bien important de ne pas tendre vers une séparation des groupes confessionnels et d'amender l'article 93 de l'AANB. Nous tenterons, dans le présent mémoire, d'expliquer les raisons qui étoffent cette affirmation.

La volonté des groupes de maintenir l'article 93 peut s'expliquer dans un contexte historique de peuples fondateurs qui regroupaient seulement deux grandes confessions. Cependant, dans le contexte moderne d'une société en constante mutation, qui a perdu l'homogénéité qui faisait la légitimité de cette mesure d'exception ou de ce privilège, cet article suscite des effets pervers en ce sens qu'il légitime d'autres demandes et qu'il va à l'encontre du contexte de modernité et des valeurs actuelles, entre autres, valeur de la modernité bien connue, la neutralité religieuse de l'espace public.

Nous vous présentons ici un bref aperçu de divers effets pervers qui résulteraient du maintien de l'article 93. Selon nous, cet article ne reflète pas les valeurs de respect des droits de notre société démocratique puisqu'il ne garantit des droits, pour ce qui concerne le système public d'éducation, qu'aux seuls groupes catholique et protestant. Cet état de fait entraîne des conséquences qui vont à l'encontre des valeurs démocratiques et du respect des droits de notre société.

Cet état de fait va à l'encontre d'un principe qui nous est très cher: le principe d'équité, qui nous est aussi cher que le principe que j'énonçais au début de mon exposé, à savoir le respect du droit à la pratique religieuse dans la sphère privée.

Donc, ce principe d'équité nous est très cher en ce sens que ces mesures d'exception réservées aux deux groupes religieux, malgré leur légitimité historique, sont difficilement défendables aujourd'hui dans notre nouveau contexte social marqué par le pluralisme culturel et religieux et par la nécessité de faire de l'école un lieu d'intégration et d'apprentissage à l'égalité des droits.

Qu'arrivera-t-il à nos sociétés modernes lorsque chacun des autres groupes confessionnels revendiquera lui aussi son école particulière étant donné que cet article incite les autres groupes confessionnels à se regrouper entre eux et à demander des subventions pour pouvoir s'offrir un enseignement confessionnel qui est conforme à leurs croyances?

Ceci entraînera la multiplication des écoles dites ethniques et la mort de l'école de quartier qui est ce lieu d'apprentissage du «vivre ensemble» et du «vouloir vivre ensemble».

Qu'arrivera-t-il donc si chacun des autres groupes revendique aussi une école particulière—et cette revendication est, somme toute, légitime si on reconnaît sa légitimité pour les deux autres groupes—et les mêmes services que ceux offerts aux catholiques et aux protestants?

En plus, il ne faut pas penser ici qu'aux seuls groupes ethnoculturels qui immigrent au pays. C'est une sensibilité que l'on a parce que nous sommes une association interculturelle, mais ça ne s'applique pas qu'aux groupes ethnoculturels. Il y a aussi toutes les sectes dont le nombre augmente à une vitesse vertigineuse. Il y a plus de 600 sectes répertoriées actuellement au Québec. À partir de quelle logique leur refuserait-on ce dont seuls les groupes majoritaires bénéficient?

Qui subventionnera ces écoles? Où trouverons-nous les établissements pour localiser ces écoles? Les personnes d'un groupe confessionnel spécifique viendront s'établir dans le quartier où sera localisée leur école, ce qui augmentera le phénomène de ghettos ethniques ou ethnoconfessionnels.

Qu'arrivera-t-il alors à l'école de quartier? Tous les sondages ont démontré que les parents tiennent d'abord et avant tout à ce que leur enfant fréquente l'école du quartier qu'ils habitent. Si cette réalité ne peut pas se concrétiser à cause de cet éclatement des lieux d'enseignement, il sera difficile de créer et de maintenir un climat d'échange et d'accueil pour les nouveaux arrivants. Ceci retardera l'intégration harmonieuse de l'ensemble des citoyens entre eux.

Mme Fabienne Desroches: Je continue.

Ensuite, cet article fait en sorte que les facultés universitaires de formation initiale des maîtres que représente le projet Éducation dans une perspective planétaire, qui cosigne notre mémoire, offrent une formation à l'enseignement confessionnel qui monopolise neuf crédits.

Cette formation est dispensée à des personnes souvent non pratiquantes mais qui désirent augmenter leurs chances d'embauche auprès de futurs employeurs qui leur demanderont d'enseigner cette matière. Cette formation coûte plusieurs millions par année et ne sert que la clientèle catholique pour ce qui est des centres de formation francophones.

• 1645

Qui paie pour cette formation? Est-ce l'ensemble de la population ou les groupes bénéficiaires? Nous savons tous que ce sont les taxes publiques qui assument les coûts de cette formation. Est-ce vraiment équitable pour les autres groupes confessionnels? Cependant, dans l'éventualité du maintien de l'article 93, aurions-nous la capacité financière d'assumer l'ensemble de la formation initiale en regard de la didactique de chacune des religions qui en feraient la demande? Nous en doutons fort.

Encore une fois, l'amendement de l'article permettrait de résoudre ce problème. De plus, cet article ne respecte pas l'esprit des chartes en regard des groupes minoritaires puisqu'il protège les seuls droits des groupes majoritaires, francophone et anglophone, et oblige les autres groupes minoritaires confessionnels à assumer le coût afférent à cet état de fait: formation universitaire, comité confessionnel, temps de la grille horaire, matériel pédagogique.

Enfin, soulignons que cet amendement ne vise nullement l'abandon de l'enseignement des valeurs de la spiritualité, de la culture religieuse ou de l'enseignement moral. En plus, il aura pour conséquence de permettre la valorisation des parents dans le rôle de premiers responsables de l'éducation confessionnelle de leurs propres enfants. Dans ce sens, le dernier sondage du groupe Léger & Léger, portant sur l'évolution des 36 cordes sensibles des Québécois, a permis de démontrer que le clergé n'avait plus autant d'impact qu'auparavant, mais que si les Québécois ne pratiquaient presque plus leur confession, ils avaient cependant la foi, donc la spiritualité. Cela faisait dire à M. Léger que nous vivions une évolution de la confessionnalité vers la spiritualité.

Rappelons également le statut non confessionnel du réseau collégial au Québec. Cet état de fait ne suscite aucune revendication de la part d'aucun groupe de quelque confession religieuse que ce soit. Il reste à penser que les niveaux primaire et secondaire pourraient sans doute, eux aussi, fonctionner sur cette même base de neutralité confessionnelle.

Finalement, l'enseignement confessionnel relève, selon nous, davantage du domaine privé que du domaine public. Si nous désirons faire du Québec une société harmonieuse, il est impératif de considérer le frein que représente l'article 93 et d'accepter son amendement le plus rapidement possible.

Comme nous venons de vous le démontrer, c'est le rôle de socialisation de l'école qui se trouve menacé par l'application de cet article. C'est l'ensemble des élèves du Québec qui deviendront alors habiles et capables d'échanger et de travailler avec des représentants de plusieurs diversités, qu'elles soient religieuses, ethniques, sociales, sexuelles ou autres.

En conclusion, l'amendement de l'article 93 serait un pas vers la création d'un espace laïque préconisant l'enseignement de la spiritualité, des valeurs morales et de l'histoire et de la culture des diverses religions. Au contraire, le maintien de l'article 93 risque de provoquer la multiplication des écoles ethniques et de retarder le contact et l'intégration de ces groupes à la société québécoise.

Cet amendement ne signifie nullement que les écoles se ferment à toute forme de spiritualité. Au contraire, nous refusons le modèle d'une laïcité négative, mais préconisons l'enseignement culturel des valeurs religieuses. Nous visons l'acquisition de connaissances sur l'histoire et le comportement des premières civilisations qui ont composé ce monde.

Cependant, nous croyons également qu'il relève du domaine privé de voir à la confessionnalisation de ses ouailles. Pour ce faire, les établissements scolaires laïques pourraient éventuellement rendre disponibles certains de leurs locaux qui serviraient à cet effet et les représentants de chaque groupe se partageraient ces locaux.

De même, une grille horaire extracurriculaire pourrait être établie en fonction des différentes demandes qui seraient présentées. Les contenus de ces enseignements confessionnels seraient hors programme ministériel. C'est dans cet esprit que l'APEIQ soumet ce mémoire. C'est afin de mieux situer les membres du comité que nous vous présentons un bref aperçu de notre association.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, madame.

Mme Rachida Azdouz: Je vais m'appliquer à le faire assez rapidement.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Oui, s'il vous plaît.

Mme Rachida Azdouz: Je vais présenter brièvement l'APEIQ. Nous tenons à préciser que l'APEIQ est une association apolitique. J'ai failli dire «apocalyptique», car on est en pleine religion.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Rapidement, s'il vous plaît.

Mme Rachida Azdouz: Oui. Mon jupon judéo-chrétien dépasse.

L'APEIQ est une association apolitique et refuse de s'identifier ou d'adhérer officiellement à un parti politique. Notre association tient à conserver cette orientation afin de respecter sa nature même d'association non gouvernementale. C'est aussi une des rares associations à promouvoir le modèle interculturel qui préconise l'interaction entre les différentes composantes culturelles d'une société pour permettre l'émergence d'un modèle de société démocratique et pluraliste commun.

• 1650

L'APEIQ a été créée en 1982 dans le but de faciliter le rapprochement entre les différents groupes mis en présence et afin de préserver une cohésion sociale.

L'APEIQ est une organisation qui est convaincue que le Québec est une société foncièrement démocratique. Donc, nous préconisons les valeurs de la démocratie et une laïcité pleine. Une laïcité qui n'est pas antireligieuse est une des valeurs que nous préconisons.

Notre système démocratique repose sur la liberté, l'égalité et la pleine participation de tous les citoyens. L'école est un des lieux d'apprentissage et d'exercice de cette démocratie-là et elle doit en respecter les valeurs fondamentales, l'équité entre autres. Dans ce sens, tous les Québécois ont la responsabilité de respecter les valeurs fondamentales qui sont énoncées dans la Charte canadienne des droits et des libertés, tant au fédéral qu'au provincial, de même que dans les autres lois.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant procéder à la période de questions. Je vais demander à M. Goldring de commencer.

[Traduction]

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je tiens à vous remercier, mesdames, pour les exposés que vous nous avez présentés.

Certains ont pensé que lorsque l'Assemblée nationale a adopté cette motion ou cette résolution, par un vote unanime, que cette résolution avait été adoptée sur le plan politique. Par exemple, je ne pense pas que toutes les personnes qui se trouvent dans cette salle soient d'accord avec cette résolution. Mais l'Assemblée nationale l'a adoptée à l'unanimité.

Au sujet du consensus dont nous avons parlé tout à l'heure, le sénateur Grafstein a cité des chiffres mentionnés par un autre groupe d'après lequel ce consensus comprendrait 2 millions de personnes. C'est un groupe qui a comparu ici plus tôt et qui a fourni deux séries de chiffres. Le premier parlait de 135 000 étudiants et un autre de 2 millions. Certaines personnes ici présentes pensent peut-être que ce consensus portera sur 20 millions de personnes lorsque nous aurons terminé nos audiences.

C'est pourquoi je vous demande à vous, mesdames, combien de personnes votre organisme représente-t-il?

[Français]

Mme Fabienne Desroches: Avant de répondre à votre question de façon quantitative, je vais vous dire que l'Assemblée nationale a été élue démocratiquement par les citoyens qui ont bien voulu faire leur devoir de citoyens et que nous ne remettons pas en question la légitimité de nos instances gouvernementales. C'est le premier point.

Deuxièmement, nous représentons ici des membres de notre association et les personnes que nous touchons à l'intérieur de chacun des comités, ainsi que cinq facultés d'éducation de cinq universités différentes et 24 collèges du système collégial.

Nous n'avons pas fait le total pour savoir combien nous représentons d'étudiants ou de personnes. Nous avons des conseils d'administration, et c'est par un processus de représentation démocratique que nous nous positionnons ici aujourd'hui.

Je ne saurais donc pas vous dire combien il y a de milliers de personnes dans les collèges et les facultés d'éducation. À l'APEIQ, nous avons 200 formateurs qui travaillent directement avec nous et qui touchent plusieurs centaines de personnes chaque année.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Votre groupe a-t-il participé aux discussions qui ont porté sur cette question avant que l'Assemblée nationale n'adopte cette résolution? Votre groupe a-t-il été appelé à participer à l'examen de cette réforme?

[Français]

Mme Fabienne Desroches: Nous avons participé aux États généraux sur l'éducation, qui ont traité de la confessionnalité dans 10 ou 11 chapitres. Nous avons été entendus. Nous avons soumis un mémoire pour chacun des projets et nous travaillons avec la Coalition pour la déconfessionnalisaton depuis cinq ans.

Mme Rachida Azdouz: Si vous permettez, je voudrais ajouter quelque chose. Ce que nous avons amené dans le cadre du débat sur les États généraux, c'est non seulement le point de vue de nos membres, mais également le point de vue de centaines d'intervenants dans le milieu de l'éducation qui ont à composer quotidiennement avec la diversité culturelle et religieuse.

C'est cette sensibilité-là également que nous représentons, qui n'est peut-être pas quantifiable mais qui est extrêmement représentative de ce qui se vit dans le quotidien dans nos écoles et de l'urgence de déconfessionnaliser l'espace public.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Beaudoin, vous avez la parole.

• 1655

Le sénateur Gérald Beaudoin: Votre exposé est très clair en ce qui concerne les droits confessionnels et l'article 93. Je ne vous interrogerai donc pas là-dessus, car ce n'est pas nécessaire.

Mais quand vous parlez d'enseignement religieux, qu'entendez-vous par enseignement religieux dans les écoles ou ailleurs que dans les écoles? Je pense que toute société a des valeurs. Je plains les sociétés qui n'en ont pas. En général, toute société a ses valeurs. On a des valeurs démocratiques, culturelles, linguistiques, etc. Mais il y a tout de même une composante à un moment donné. Les religions en général ont des valeurs. Alors, pouvez-vous nous dire ce que vous mettez dans le vocable «enseignement religieux»?

Mme Rachida Azdouz: Voulez-vous que nous différenciions le fait culturel du fait religieux?

Le sénateur Gérald Beaudoin: Tout va bien en ce qui concerne les valeurs culturelles, linguistiques et juridiques. Nous voudrions vous entendre sur les valeurs religieuses. Est-ce que c'est un enseignement historique, philosophique des grandes religions? Ou bien allez-vous un peu plus loin dans l'enseignement de ces valeurs religieuses?

Mme Rachida Azdouz: Nous pensons que l'enseignement de la foi religieuse n'a pas le monopole du questionnement existentiel. Nous prônons et préconisons une école qui soit plus qu'une école utilitariste, donc socialisante etc., mais aussi une école signifiante.

Vous savez comme moi qu'actuellement l'école est traversée, comme toutes les institutions, par une crise du sens. C'est dans cet esprit que nous ne nions pas le rôle de la spiritualité à l'école. Mais la spiritualité est un des nombreux éléments de réponse au questionnement existentiel des jeunes. C'en est un parmi d'autres. Je ne sais pas si je suis claire.

Mme Fabienne Desroches: Puis-je ajouter quelques mots? Merci.

Lorsque nous parlons d'enseignement du fait religieux, nous le distinguons du fait confessionnel. Ce n'est pas l'enseignement des rites que nous avons connu et avec lesquels j'ai vécu dans l'école confessionnelle.

C'est l'enseignement non seulement de l'histoire de ces religions, mais des impacts sur les civilisations. Il s'agit aussi de reconnaître les valeurs qu'elles ont transcendées et amenées tout au long de l'histoire et d'analyser toutes ces tendances qui font en sorte que les différences sont peut-être beaucoup moins grandes qu'on pourrait se l'imaginer. C'est la compréhension de toute l'évolution du fait religieux dans nos civilisations pour mieux comprendre pourquoi on en est rendu aujourd'hui à prôner ces valeurs.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Ménard, vous avez la parole.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Je voudrais mentionner que ce mémoire m'a beaucoup plu. Certains peuvent peut-être penser que, sous des allures un peu robustes, je n'ai pas réfléchi sur le fait religieux. Je vous dis que ces gens-là se trompent.

Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait qu'il faut distinguer l'enseignement religieux et un enseignement sur les valeurs auxquelles peut nous mener la religion. En effet, j'ai eu un professeur qui m'a influencé et qui définissait la religion de la façon suivante: il disait qu'une personne qui a un sentiment religieux, c'est quelqu'un qui croit que les mystères existent, et qu'une personne qui voit des problèmes là où il y a des mystères pourrait être qualifiée de superstitieuse et non pas religieuse.

Je vous avoue que j'étais assez fier d'avoir suivi ce cours et que cela m'a beaucoup apporté sur le plan de la compréhension de la religion.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Est-ce que c'est un dominicain qui vous a raconté cela?

M. Réal Ménard: Non, madame la sénatrice, c'était une femme.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Était-ce une femme dominicaine?

M. Réal Ménard: Une femme que vous auriez appréciée vous-même, sénatrice Lavoie-Roux.

Je voudrais vous poser une question. Nous avons mis très clairement dans la balance que, parmi un ensemble de valeurs culturelles, il peut y avoir des valeurs religieuses et qu'il ne doit pas y avoir hégémonie de la part des protestants et des catholiques. C'est bien ce que vous nous dites cet après-midi, n'est-ce pas?

Est-ce que vous pourriez nous démontrer comment une ville comme Montréal gagnerait à adopter dans ses institutions scolaires une réflexion du type de celle que vous nous proposez? Vous savez que, pour beaucoup, l'amendement ne concerne que Québec et Montréal; pas exclusivement, mais vous allez être d'accord avec moi pour dire qu'il y a une problématique très particulière à Montréal.

Mme Fabienne Desroches: J'aimerais tout d'abord réaffirmer que, lorsqu'on parle de confessionnalisation, on parle toujours de Québec et Montréal.

J'aimerais attirer votre attention—et c'est mentionné dans notre mémoire—sur le fait que le phénomène des sectes religieuses est beaucoup plus présent en région que dans les grandes villes. De toutes les sectes, la plus active dans le monde scolaire est celle des témoins de Jéhovah qui nous inonde de demandes d'amendement confessionnel. Ce ne sont pas les musulmans ou d'autres groupes qui nous font ces demandes.

• 1700

Il y a aussi les demandes d'amendement par les pentecôtistes et les évangélistes. Et on peut constater que tous les drames religieux qui se passent actuellement aux États-Unis et au Canada n'émanent pas des grandes religions que nous avons connues.

M. Réal Ménard: Comment définissez-vous une secte?

Mme Fabienne Desroches: Une secte, c'est très difficile à définir. Au niveau de la Commission des droits de la personne et au niveau des chartes, on a voulu savoir si les sectes étaient des religions.

M. Réal Ménard: Je ne vous dirai pas ce que ma collègue...

Mme Fabienne Desroches: Les études ont montré que la tendance était de reconnaître les sectes comme des mouvements religieux dans le même sens qu'on reconnaît les religions, et le dernier mémoire de la Commission des droits de la personne du Québec est allée dans ce sens-là.

Je pense que la société civile vit déjà le modèle que nous préconisons dans ce mémoire, puisque l'éducation est le dernier bastion confessionnel à l'intérieur d'un état laïque, et que si nous voulons persister dans la confessionnalisation du système scolaire, nous verrons de plus en plus—et cela a déjà commencé—des demandes de confessionnalisation au travail, à savoir des demandes d'accommodement religieux dans les horaires et les lieux de prière. Je voudrais préciser que je parle ici du Québec et non des autres réalités que je ne connais pas.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Un instant, monsieur Ménard. Madame Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je vais commencer par m'excuser de n'avoir pu assister au début de votre présentation. J'ai quand même pu, pendant la deuxième partie de votre présentation, prendre connaissance de votre mémoire qui m'a beaucoup intéressée et sur lequel je suis, comme M. Ménard, d'accord sur de nombreux points.

Vous avez dit, en parlant de la laïcisation du système scolaire, que ce serait un système neutre.

Mme Fabienne Desroches: La laïcisation négative.

Mme Marlene Jennings: C'est cela. Ce n'est pas négatif. Un système scolaire laïque peut et doit quand même transmettre les valeurs de spiritualité d'une part, et d'autre part les valeurs qui sont enchâssées dans nos chartes et qui sont des valeurs d'égalité, d'équité et de non-discrimination. Vous avez dit aussi que, même dans un système scolaire laïque, les parents et les groupes religieux qui voudraient continuer à dispenser l'éducation religieuse pourraient certainement trouver des accommodements avec les écoles pour avoir les espaces nécessaires et, au besoin, avoir des programmes supplémentaires.

Pouvez-vous nous dire si vous avez déjà vu ce genre d'accommodements, si cela existe déjà, peut-être dans d'autres pays ou dans d'autres sociétés?

Mme Rachida Azdouz: Pour répondre au premier volet de votre question, notre position est très claire: nous ne prônons pas une laïcité qui s'inscrit en faux contre toute forme d'expression religieuse ou même d'enseignement religieux, cela pour deux raisons.

Tout d'abord, il y a une raison pédagogique, une raison de culture générale: il faut comprendre les grandes civilisations qui ont façonné le monde et il faut connaître les grandes religions. La deuxième raison est qu'il faut respecter les fonctions de l'école: l'école n'est pas seulement un lieu où on nous transmet du savoir-faire, mais aussi un savoir-être, et la spiritualité est une des avenues pour l'apprentissage du savoir-être.

Pour ce qui est des autres lieux de la société civile qui pourraient relayer l'école, je ne peux pas vraiment évoquer de situation où ça se fait, mais il faut redonner aux paroisses et aux parents, qui sont le premier bastion de la vie privée, le rôle qui leur revient. Il nous semble que c'est possible.

Il y a d'autres raisons qui sont tout simplement des raisons de limites, et vous le savez comme moi, surtout dans une région comme la région montréalaise. L'école ne peut pas tout faire. On entend déjà, ici et là, des gens nous dire qu'il faut qu'on leur enseigne, qu'on les éduque, qu'on les aide et qu'on les aime. Et maintenant, il faudrait en plus qu'on donne un sens à leur existence.

Il y a donc les limites inhérentes à la nature même de l'école et des intervenants scolaires. Nous pensons qu'il y a certainement d'autres lieux de la société civile où le relais pourrait être pris.

Mme Marlene Jennings: Merci.

• 1705

Mme Fabienne Desroches: J'aimerais ajouter un commentaire et dire simplement que les modèles qui existent ne sont ni catholiques ni protestants. Actuellement, au Québec, tous les autres groupes confessionnels qui doivent transmettre leurs croyances à l'extérieur de la grille horaire scolaire utilisent des locaux différents et se font eux-mêmes des programmes.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci. Je cède la parole à la sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je trouve intéressant qu'il y ait une association pour l'éducation interculturelle au Québec. Je ne connaissais pas ça, et je trouve que c'est une bonne initiative.

J'ai une première question. Vous dites dans votre mémoire que le projet EPP regroupe cinq universités francophones qui travaillent à l'infusion du concept de citoyenneté responsable. Avez-vous approché des universités anglophones ou bien êtes-vous strictement francophones? Il me semble pourtant que votre association vise l'intégration interculturelle.

Mme Fabienne Desroches: Ici, le projet est actuellement francophone, car le projet anglophone était sur la côte ouest du Canada. C'est un projet pancanadien et on préconisait des valeurs pancanadiennes. Le projet EPP a été structuré et il englobe l'Université de Moncton dans les Maritimes francophones. Le projet anglophone regroupe les universités de Victoria, Vancouver et Simon Fraser et Malaspina.

Par contre, le projet collégial anglophone a cessé d'exister parce que les fonds n'étaient pas très importants. Personnellement, j'ai accepté de travailler à mi-temps sur ce projet francophone avec les fonds dont nous disposions. C'est ainsi que le projet francophone continue d'exister.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Si je comprends bien, vous reconnaissez une valeur de spiritualité, mais ce que vous préconisez dans le fond, c'est un enseignement neutre. Vous ne voulez pas d'enseignement religieux, mais un enseignement neutre où la spiritualité serait une valeur parmi d'autres. Est-ce que je me trompe?

Mme Fabienne Desroches: Nous ne voulons pas d'enseignement confessionnel. Pour nous, la confession est une chose et le fait religieux, autre chose. Les valeurs religieuses sont à dissocier—on le dit d'entrée de jeu—des valeurs de l'enseignement confessionnel.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Bon, ça reste un peu embrouillé, mais...

Mme Fabienne Desroches: Et nous refusons la laïcité négative. Pour nous, la laïcité négative consiste à refuser de parler d'un fait religieux. On ne peut pas ne pas parler d'un fait religieux quand on parle de civilisation. Il faut bien reconnaître que, depuis le siècle dernier, cela a été présent et cela a teinté fortement l'histoire du Canada et du Québec. On ne veut pas de cette laïcité-là. Il y a le fait spirituel, mais il y a aussi le fait religieux dont on devra tenir compte.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: On remplacerait l'enseignement confessionnel par l'enseignement religieux qui est à la base de la spiritualité que, historiquement, les Québécois ont eue. Évidemment, ils ont développé des valeurs spirituelles, mais ils en avaient peut-être même avant d'entrer à l'école.

Il y a un autre point que je voudrais soulever. Comment vous financez-vous? Il me semble que vous êtes plus riches que les anglais de l'Ouest.

Mme Fabienne Desroches: Ah, non, non. Mais on est plus persistants.

Mme Rachida Azdouz: Nous sommes financés en partie par Patrimoine Canada et en partie par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'est le ministère de M. Boisclair.

Mme Rachida Azdouz: Il y a aussi de l'autofinancement.

J'aimerais ajouter quelque chose par rapport à la laïcité que nous préconisons. Notre interprétation de la laïcité n'est pas celle d'une laïcité à la façon républicaine française. On ne veut pas transposer le modèle républicain chez nous parce que nous n'avons pas la même histoire.

Nous éprouvons aussi le besoin de faire en sorte que l'enseignement culturel du fait religieux se fasse au bénéfice de tous les élèves et qu'il ne s'adresse pas uniquement aux élèves qui sont, à l'origine, de pratique religieuse catholique ou protestante. On voudrait que cet enseignement se fasse au bénéfice de tous les élèves. Il ne faut pas qu'il se fasse, bien entendu, avec une forme quelconque ou une apparence de prosélytisme.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je dois vous dire que je connais des écoles privées religieuses dirigées par des religieuses à Montréal, où il y a des enfants de diverses communautés, des enfants musulmans, juifs, catholiques et protestants, qui ont comme projet que les Fêtes religieuses de chacun soient observées. On profite de la période d'enseignement soi-disant religieux pour que chacun fasse connaître le contenu de sa religion. Cela existe à Montréal dans des écoles religieuse menées par des soeurs.

Mme Fabienne Desroches: Des gens ouverts, il y en a partout.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'est ça. J'ai une dernière question qui sera très courte.

Vous dites qu'on monopolise beaucoup d'argent pour former les enseignants. Si j'avais cela devant moi, je ne trahirais pas du tout votre pensée. On monopolise beaucoup d'argent pour former les enseignants. J'ai le renseignement ici, au bas de la page 4. Cela coûte au-delà d'un million de dollars, etc. Vous incluez évidemment des facultés d'éducation, des universités, etc.

• 1710

En premier lieu, on reproche déjà aux universités de faire peu d'enseignement religieux ou de faire peu de préparation à la formation religieuse, si bien que les Dames de la Congrégation, je pense, ont fondé une école, ou plutôt un institut catholique un peu du genre de celui qui existe à Paris. Donc, quand vous avancez que l'enseignement religieux absorbe tous les millions, soyez bien sûres de vos chiffres et de vos faits.

Mme Fabienne Desroches: Je vais vous répondre. Vous ne l'interprétez pas dans le sens où nous l'avons écrit.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non? Alors, qu'est-ce que vous dites, vous?

Mme Fabienne Desroches: Je dis que cela coûte plusieurs millions de dollars de donner un tel enseignement. Je ne dis pas que cet enseignement requiert tous les millions de l'enseignement. Je dis qu'il y a plusieurs millions de dollars qui sont consacrés à un seul groupe au détriment des autres. On accorde neuf crédits pour l'enseignement religieux, ce qui est plus du tiers de tous les crédits attribués à la formation didactique que nos enseignants reçoivent au détriment de l'enseignement des mathématiques, du français, des sciences et des sciences humaines. Il y en a 9 sur 30 qui sont consacrés à l'enseignement religieux. Toute la formation didactique qu'un professeur peut recevoir dans les autres matières est comprimée dans les 21 crédits qui restent.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Bon. Je vais vérifier à l'Université de Montréal.

Mme Fabienne Desroches: Je parle de la formation didactique. Je suis professeur à l'Université de Montréal.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je vais aller voir cela.

Je vous remercie de votre mémoire, mais je trouve que vous ne faites pas beaucoup de place à l'enseignement confessionnel ou à l'enseignement religieux.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénatrice Lavoie-Roux. Madame Azdouz, ainsi que madame Desroches, nous vous remercions de votre excellente présentation. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous ajournons pendant quelques minutes afin de permettre au groupe suivant de prendre place.

• 1712




• 1715

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous poursuivons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Il nous fait plaisir de recevoir le MÉMO, soit le Mouvement pour une école moderne et ouverte, représenté ici par sa présidente, Diane De Courcy, et par Robert Cadotte, au nom des élus du comité de direction. Je vous souhaite la bienvenue.

Est-ce Mme De Courcy qui fera la présentation?

M. Réal Ménard: Les députés de la Chambre des communes vont devoir aller voter. Serait-il possible de donner d'abord la parole aux députés de la Chambre des communes? Je crois que le vote se tiendra à 17 h 40. Comme nous avons tenu compte, avec bienveillance, d'un caucus auquel devaient participer les sénateurs, peut-être pourrait-on...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons donner d'abord la parole aux députés de la Chambre. Nous vous écoutons, madame De Courcy.

Mme Diane De Courcy (présidente, Mouvement pour une école moderne et ouverte): Je voudrais d'abord remercier les membres du comité de nous recevoir et nous excuser auprès d'eux de l'expédition tardive de notre mémoire. Malheureusement, nous l'avons, nous aussi, reçu tardivement. Nous allons donc vous aider à en prendre connaissance par notre présentation.

Vous avez reçu deux documents. Celui-ci, pour le sénateur Beaudoin, est notre mémoire proprement dit. L'autre s'intitule «Chapitre 9, Régime provisoire des droits confessionnels». Nous vous faisons bénéficier d'un travail que le Mouvement pour une école moderne et ouverte a fait; nous avons colligé les modifications que la Loi 109 apporte à la Loi 107.

Ce document qui vous a été remis, «Régime provisoire des droits confessionnels», fera l'objet de la discussion que nous aurons avec vous. Le texte de ce document se trouve contenu dans la Loi 107 telle qu'amendée par le projet de loi 109 et adoptée par l'Assemblée nationale au mois de juin dernier. Cela vous aidera sans doute à mieux comprendre notre intervention et à savoir ce qui se passe actuellement au Québec.

M. Robert Cadotte m'accompagne; il fera une partie de notre présentation. M. Cadotte est commissaire scolaire à la CECM dans le quartier Hochelaga—Maisonneuve. Il est aussi membre du comité directeur du Mouvement pour une école moderne et ouverte. Je suis aussi commissaire scolaire à la CECM dans le quartier Ahuntsic.

Avant de soumettre aux membres du Comité mixte notre point de vue sur les modifications de l'article 93 demandées par le gouvernement du Québec, permettez-nous de vous rappeler brièvement ce qu'est le MÉMO.

Le Mouvement pour une école moderne et ouverte est un parti politique dûment structuré qui oeuvre sur la scène scolaire montréalaise depuis 1987, le seul à Montréal et vraisemblablement au Québec. Nous fêterons cette année nos 10 ans d'existence. Cette longévité constitue à elle seule un fait sans précédent au Québec. En effet, la jeune histoire de la démocratie scolaire est faite d'expériences, d'organisations ou de regroupements créés à l'occasion d'une élection scolaire et disparus au lendemain de cette dernière.

Nous sommes résolument montréalais, et la raison de notre présence ici aujourd'hui est de vous présenter un point de vue résolument montréalais sur cette demande qui vous est adressée.

Le MÉMO est fortement préoccupé par l'intégration des nouveaux citoyens québécois. Cet intérêt l'a d'ailleurs amené à présenter, lors des élections scolaires de 1994, une équipe de candidats constituée pour le tiers de représentants issus de différentes communautés culturelles.

Actuellement, neuf commissaires MÉMO siègent à la Commission des écoles catholiques de Montréal, soit le même nombre que ceux du Regroupement scolaire confessionnel que vous avez entendus hier. Rappelons que la CECM est la plus grosse commission scolaire du Québec. Elle regroupe quelque 90 000 élèves jeunes et couvre la quasi-totalité de la ville de Montréal.

Voici les enjeux réels de l'amendement constitutionnel, d'après nous, bien sûr. Une bonne partie des présentations qui ont été faites jusqu'ici devant le comité mixte indiquent, à notre avis, une grande confusion quant aux enjeux réels de la décision que doit prendre Ottawa en réponse à la demande présentée par le gouvernement du Québec d'amender l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. L'enjeu réel n'est en effet aucunement linguistique.

Advenant un refus d'Ottawa d'amender l'article 93, les actuelles commissions scolaires protestantes et catholiques seront de toute façon transformées en commissions scolaires linguistiques en juin prochain.

• 1720

Je vous signale d'ailleurs que les conseils provisoires, c'est-à-dire l'instance qui doit organiser ces commissions scolaires linguistiques, sont déjà formés et ont déjà commencé à siéger.

Le jugement de la Cour suprême de 1993 est très clair quant à la capacité de Québec d'abolir les commissions scolaires protestantes et catholiques à Montréal. L'article 93 ne protège pas ces commissions scolaires. Il ne protège que la religion catholique et la religion protestante.

Après bien des tête-à-queue, le gouvernement a finalement décidé de s'aligner sur ce jugement. Il a donc choisi, tel que le reconnaît la Cour suprême, d'abolir les commissions scolaires confessionnelles. Il tient par ailleurs compte de la protection religieuse spéciale accordée à Montréal et Québec en créant un mécanisme de surveillance contrôlé par les religieux à l'intérieur des nouvelles commissions scolaires linguistiques.

Tous les arguments qui visent à convaincre le comité mixte qu'il faut refuser l'amendement constitutionnel pour protéger les droits des anglophones sont donc hors d'ordre dans le débat actuel. Un refus d'amender l'article 93 n'empêchera pas Québec d'instaurer des commissions scolaires linguistiques. C'est le jugement de la Cour suprême qui le lui permet.

Bien sûr, il est toujours possible que des groupes ou des individus continuent de faire semblant que l'enjeu porte sur l'écrasement des droits linguistiques des anglophones du Québec. Cependant, maintenir artificiellement le débat sur l'aspect linguistique ne ferait rien d'autre qu'envenimer encore plus les relations entre francophones et anglophones. Les seuls perdants de cette stratégie politicarde seraient les enfants de Montréal.

En fait, la seule et unique question qui se pose au comité mixte est de savoir si Ottawa imposera à Montréal une structure scolaire religieuse qui n'existera nulle part ailleurs au Québec.

En juin prochain, toutes les commissions scolaires du Québec—et je le répète, ce sera effectif en juin prochain, c'est adopté, c'est en route—, à l'exception de trois, auront le même statut; elles seront linguistiques. Dans l'ensemble des écoles, les cours de religion optionnels et les services de pastorale seront maintenus. Ce statut universel s'appliquera aussi à deux des cinq commissions linguistiques de l'île de Montréal, soit la commission anglophone de l'ouest et la commission francophone de l'ouest. En effet, les territoires de ces deux commissions scolaires ne touchent pas du tout au territoire de Montréal qui, lui, est protégé par l'article 93.

Trois commissions scolaires échapperont en partie à ce statut universel. Ce sont celles qui recouvrent une portion du territoire de Montréal, soit la commission scolaire anglophone de l'est ainsi que les commissions scolaires francophones de l'est et du centre. Ces trois commissions scolaires seront linguistiques comme le permet le jugement de la Cour suprême, mais elles seront également dotées de comités de surveillance contrôlés par des adeptes des religions catholique et protestante.

Ce n'est que sur ce dernier point que la décision d'Ottawa peut avoir une influence. Bref, ces trois commissions scolaires pourront-elles avoir la même neutralité religieuse que toutes les autres ou seront-elles soumises à un statut religieux particulier en ayant l'obligation de créer des conseils de surveillance confessionnels?

C'est sur ces conseils de surveillance confessionnels que portera notre argumentation.

Je cède la parole à mon collègue, Robert Cadotte, qui va vous en parler.

M. Robert Cadotte (membre du comité de direction, MÉMO): Nous aimerions maintenant vous expliquer pourquoi le refus de voter un amendement à l'article 93 aura des effets néfastes sur le climat social de Montréal, principalement sur ses jeunes.

Comme nous l'avons déjà dit, ce refus aura pour conséquence de maintenir le statut particulier de Montréal, religieux s'entend. Ce statut particulier prend la forme de conseils confessionnels, les comités de surveillance en somme.

Ces comités ont le pouvoir d'isoler les enfants catholiques et protestants des enfants d'autres croyances. Dans les faits, ce sont les catholiques, tant anglophones que francophones, qui choisiront cette solution. Très rares sont les protestants qui cherchent des écoles séparées. À court terme, Montréal se retrouvera donc avec un réseau d'écoles catholiques et un réseau d'écoles neutres où on dispensera également des cours de religion.

La première conséquence, aussi surprenante soit-elle, sera de s'attaquer au tissu urbain de Montréal et d'encourager l'exode vers les banlieues. En effet, en regroupant les enfants catholiques dans certaines écoles étiquetées «pour catholiques», on se trouve à morceler le réseau des écoles de quartier. Les déplacements en autobus augmenteront considérablement. Une école de quartier qui ferme ou n'est plus accessible, c'est automatiquement un cinquantaine de familles qui migrent. L'école de quartier est vue comme un immense avantage à Montréal.

• 1725

La deuxième conséquence est plus explosive encore. En organisant systématiquement des écoles catholiques, on se trouve à concentrer dans certaines écoles l'ensemble des immigrants non catholiques. C'est un apartheid religieux encore plus important qu'on s'apprête à provoquer à Montréal. Un tel apartheid ne peut qu'entraîner une augmentation de l'intolérance entre les catholiques et les autres groupes ethnoreligieux.

L'intégration des nouveaux arrivants dans les écoles communes est essentielle à leur insertion harmonieuse dans la société montréalaise. Ce n'est qu'ainsi que divers groupes pourront aplanir leurs différences. La solution retenue pour l'ensemble du Québec, à l'exclusion de Montréal—et Québec, on n'en parle pas parce que la situation n'est pas vraiment la même—, permet cette cohabitation tout en respectant les privilèges acquis par les catholiques et les protestants.

Cela étant dit, le refus d'Ottawa d'entériner une entente avant le 31 décembre serait manifestement la politique du pire.

La politique du pire, c'est de provoquer volontairement une exacerbation des tensions religieuses et ethniques à Montréal. Certains peuvent peut-être s'en réjouir. Mais le jugement de l'histoire sera sans compromis pour le comité mixte et le gouvernement canadien si jamais vous choisissiez, en toute connaissance de cause, d'exacerber ces tensions en refusant d'éliminer les fameux conseils confessionnels.

Ce refus n'aiderait en rien les droits des anglophones. Il satisferait uniquement l'infime minorité d'ultra-conservateurs au pouvoir à la CECM et issus du mouvement scolaire confessionnel. N'oublions pas que les évêques ont été très clairs sur le sujet. Ils ont même eu un commentaire ironique envers le premier ministre du Canada qui tentait de faire dévier leur message. Vous vous souviendrez sans doute de leur remarque: «Que de sollicitude!» Quand des groupuscules catholiques s'opposent à l'ensemble des évêques, on peut parler non seulement d'une infime minorité mais carrément de secte.

En terminant, nous insistons pour dire que les enfants de Montréal ne méritent pas d'être élevés dans le sectarisme qui semble particulièrement à la mode ces jours-ci. On ne joue pas impunément avec le sectarisme et l'intolérance.

Nous vous remercions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Cadotte. Nous allons passer à la période des questions.

[Traduction]

La première intervention sera celle de M. Peter Goldring.

M. Peter Goldring: Merci pour votre exposé.

Il demeure certaines questions au sujet du consensus et des droits des minorités et sur leurs répercussions sur les droits autochtones, sur les droits confessionnels, et sur la possibilité de supprimer de cette façon les droits des minorités. Compte tenu de tous cela, ne serait-il pas souhaitable de soumettre cette opinion aux tribunaux du Canada?

[Français]

M. Robert Cadotte: Nous vous signalons que la Cour suprême, en 1993, répondait aux nombreuses questions qui lui étaient posées concernant la structure. Ce dont on parle aujourd'hui, c'est uniquement de structure religieuse. Ce n'est pas des cours de religion dans les écoles. Il n'en est pas question dans la décision que vous allez prendre. Il est uniquement question de savoir si vous allez permettre d'instaurer des commissions linguistiques qui auront le même statut partout. On s'entend. Il y aura des commissions linguistiques, même à Montréal, mais elles n'auront pas le même statut parce que les droits religieux sont ce qui est protégé à Montréal et à Québec. À Québec, la question se pose très peu; c'est vraiment à Montréal qu'est le problème. Donc, ce sont les droits religieux qui sont protégés. Ce ne sont pas les droits linguistiques.

D'ailleurs, ce qui est assez surprenant et dont on s'étonne, c'est qu'on n'en discute pas ici. Le problème, à Montréal, se pose vraiment en rapport avec la coupure religieuse. Ce sont les anglo-catholiques de la CECM qui tiennent à ne pas être rattachés à la commission scolaire protestante.

Il y a eu un énorme débat là-dessus. Ils ont fait toutes les tentatives imaginables pour être isolées des protestants, c'est-à-dire des écoles plutôt neutres car, dans les faits, les écoles protestantes sont à peu près ce qu'on appelle des écoles neutres.

Du côté des francophones, ce sont les ultra-conservateurs qui sont au pouvoir à la CECM... Si vous suivez ce qui s'écrit dans les journaux de Montréal de temps à autre depuis quelques années, vous savez ce dont on parle.

Ce n'est pas les droits des anglophones qui sont en cause. C'est le même problème des deux côtés, anglophone et francophone. C'est le fait qu'on va séparer les religions qui causera un problème.

• 1730

Est-ce que cela répond à votre question?

[Traduction]

M. Peter Goldring: Je vais répéter ce que je viens de dire. Certaines personnes ont affirmé que cela touchait d'autres droits—on a parlé des droits à l'éducation pour les Autochtones, des droits à l'éducation dans d'autres domaines—je vous repose la question, ne pensez-vous pas qu'il serait prudent de demander aux tribunaux de se prononcer sur cette question? Ne serait-il pas souhaitable de procéder de cette façon?

[Français]

Mme Diane De Courcy: Les tribunaux ont tranché sur la capacité du Québec de faire des changements et lui ont dit qu'il pourrait procéder relativement à la question des structures des commissions scolaires et qu'il n'y avait pas de problème. C'est pourquoi l'Assemblée nationale du Québec a amendé la Loi 107. Il y aura donc en juin des commissions scolaires francophones et des commissions scolaires anglophones. La Cour suprême a déjà réglé cette question.

La question qui était en suspens, et c'est à notre avis l'objet de votre travail, c'est d'établir maintenant si cette protection historique, pour toutes les raisons que vous connaissez très bien, doit demeurer sur le plan de la religion. À cet égard, nous disons que ce qui est important maintenant, c'est de permettre que tout le Québec soit égal avec lui-même. Si l'on ne modifie pas l'article 93, cette protection s'appliquera partout au Québec, sauf à Montréal et à Québec. N'oubliez pas que vous êtes questionnés, non pas pour l'ensemble du Québec, mais pour Montréal et Québec, là où l'article 93 a juridiction. Alors, en ce qui nous concerne, la question des tribunaux, c'est tranché. C'est maintenant quelque chose qui appartient au gouvernement canadien.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

M. Réal Ménard: C'est vraiment un mémoire dont nous avions besoin. Vous apportez un point de vue extrêmement éclairant et je voudrais revenir sur deux aspects.

Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que, quelle que soit l'issue des travaux et des événements futurs, il y aura à Montréal des commissions scolaire linguistiques. Tous les membres du comité doivent comprendre cela; on a voté à cet égard et l'Assemblée nationale s'est prononcée là-dessus.

Ce qu'on risque de vivre dans l'éventualité où l'amendement constitutionnel serait rejeté, c'est la coexistence de deux structures. On retrouverait des commissions scolaires linguistiques avec le droit à la dissidence, parce que si l'article 93 s'applique, le droit à la dissidence pour les comités catholiques et protestants sera en vigueur. Cela voudra dire une multiplication de structures sur les territoires de Montréal et de Québec.

Est-ce que vous êtes d'accord sur cette interprétation?

Mme Diane De Courcy: Je préférerais ne pas aborder sous cet angle l'exercice du droit à la dissidence, qui est un phénomène très compliqué actuellement. Je crois que oui, vous avez raison dans votre première affirmation, c'est-à-dire qu'il y aura des commissions scolaires linguistiques.

Pour ce qui est de votre deuxième affirmation, le danger réel, c'est que, de par l'obligation que l'article 93 nous fait de mettre en place de conseils confessionnels et de par la mécanique prévue, on divise les enfants sur la base de la religion. Dans le régime provisoire des droits confessionnels, vous avez toutes les obligations et tout ce que le comité confessionnel doit surveiller. Vous allez vous rendre compte rapidement à la lecture que, dans les faits, il y aura une commission scolaire confessionnelle dans la commission scolaire linguistique. Alors, finalement, on n'arrivera à rien sur le territoire des villes de Montréal et de Québec.

M. Réal Ménard: Madame De Courcy, selon l'expertise que l'on a eue d'un certain nombre de témoins, on aura six commissions scolaires à Montréal; vous, vous dites que ce n'est pas tant les commissions scolaires. Vous êtes d'accord que le droit à la dissidence va s'exercer, mais ce sera à l'intérieur de comités confessionnels, ce que déjà, depuis le mois d'octobre, certaines commissions scolaires ont demandé. Mais on y reviendra dans d'autres lieux.

Ce que je voudrais faire ressortir de votre témoignage, c'est la première conséquence dont vous parlez à la page 3. Vous êtes le premier témoin qui nous parle concrètement de ce que ça peut vouloir dire pour les quartiers. Je voudrais que vous reveniez sur toute la question du tissu urbain parce qu'après tout, les commissions scolaires devraient être le premier lien avec la communauté. Les écoles et tout ça, c'est le premier lien avec la communauté.

Donc, parlez-nous des conséquences pour le tissu urbain et pour les quartiers.

• 1735

Mme Diane De Courcy: Avant de céder la parole à mon collègue, Robert Cadotte, pour expliquer cette conséquence, je voudrais vous dire que sur le territoire de la ville de Montréal, il n'y a pas possibilité de ceci ou de cela en termes de nombre de commissions scolaires; ceci est maintenant fixé. Il y aura cinq commissions scolaires sur le territoire de l'île de Montréal: trois commissions scolaires francophones, divisant l'île en trois, et deux commissions scolaires anglophones, divisant l'île en deux. Ceci est réglé, voté, en place, en conseil provisoire et sera en opération dès le mois de juin. D'ailleurs, nos élections scolaires se dérouleront sur ce territoire, qu'il y ait eu amendement à l'article 93 ou pas. Je tiens vraiment à vous le préciser à nouveau.

Monsieur Cadotte.

M. Robert Cadotte: Concrètement parlant, en juin, nous nous retrouverons avec un conseil provisoire. Ce qui se produira alors, c'est qu'à l'intérieur même de la commission scolaire, nous aurons deux réseaux d'écoles francophones, ce qui n'est pas le cas actuellement. Actuellement, les immigrants, musulmans ou autres, qui fréquentent l'école française viennent aussi à l'école catholique. Malgré la direction politique de la CECM, le régime actuel est relativement tolérant. Les enseignants de ces écoles savent très bien que lorsque 20 ou 30 jeunes musulmans fréquentent une école... Par exemple, à St-Pascal Baylon, la clientèle scolaire est composée de 90 p. 100 d'ethnies autres que québécoise française. Les gens s'y sont habitués. Il s'agit donc d'une école qu'on pourrait appeler commune. En fait, le cas de St-Pascal Baylon est un cas extrême.

Avec de nouveaux conseils scolaires confessionnels, nous aurons, en plus du conseil des commissaires qui adopte des politiques dans l'ensemble, un conseil qui constatera qu'il y a des parents qui ont choisi d'être catholiques et qu'il faudra établir des écoles à statut catholique. On se retrouvera donc avec une foule d'écoles un peu partout. Là où on retrouve une plus forte concentration catholique, le projet catholique va augmenter. Nous serons légitimés de par la loi de recourir à toutes sortes de trucs qui sont plus catholiques: on pourra mettre du catholicisme dans le français, du catholicisme dans les sciences ou du catholicisme là où on veut. Ce sera un projet d'école et ce sont les projets d'école qui vont décider cela.

Bien sûr, cela aura pour effet immédiat que nos jeunes musulmans se retrouveront dans d'autres écoles, des écoles neutres. Tel est l'effet qu'auront ces deux réseaux à Montréal. Nous aurons moins d'écoles de quartier. Chez nous, par exemple, dans Hochelaga—Maisonneuve, l'école Baril sera catholique, tandis que l'école Hochelaga, qui est à côté, sera neutre. Les élèves se déplaceront en autobus ou comme ils le pourront. Ce sera une vraie catastrophe pour Montréal.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Cadotte, j'ai un message à l'intention des députés: le vote aura lieu dans quelques minutes.

Monsieur Godin, une question rapidement.

M. Yvon Godin: Le vote m'attend; je serai donc rapide.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Allez-y!

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Après cela, on va partir avec les sénateurs.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Non, ça va continuer avec les sénateurs.

M. Yvon Godin: Est-ce qu'on parle de la commission scolaire linguistique ou de l'ensemble au complet?

Mme Diane De Courcy: À notre avis, une seule inquiétude subsiste, puisque pour nous, deux question sont réglées. La question qui porte sur les questions de langues, francophone ou anglophone, pour la mise en place de commissions scolaires est réglée. La question de l'enseignement religieux à l'école est aussi réglée. C'est en débat actuellement au Québec, à savoir que le gouvernement du Québec a mis en place des comités, mais ce n'est pas votre objet, d'autant plus que la question de l'enseignement dans les écoles n'est pas de juridiction fédérale, mais provinciale.

Ce qui reste, c'est un cadre, un carcan qui demeure avec l'article 93, et on est obligé de créer par le côté des comités de surveillance des écoles et, par le fait même, de poser des questions à chacun des élèves, ce qui n'a plus sa place au Québec des années 1990. Et ce n'est même pas partout au Québec que ces questions sont posées; c'est seulement aux enfants de Montréal et de Québec. Nous considérons que vous devez régler la question de Montréal et de Québec pour permettre à ces deux villes d'être au même rythme que l'ensemble du Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Parfait. Les députés sont appelés au vote et Mme la coprésidente va poursuivre avec les sénateurs.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il y a une position qui ne m'apparaît pas très claire. Êtes-vous pour ou contre la Loi 109?

• 1740

M. Robert Cadotte: La Loi 109 a déjà été adoptée et nous sommes intervenus de toutes sortes de façons sur la Loi 109.

Pour vous donner un exemple..

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je ne voudrais pas entendre un développement d'une demi-heure.

M. Robert Cadotte: Nous aurions souhaité que certains aspects de la loi soient différents, mais la loi a déjà été adoptée. Alors, tout ce qu'on peut dire, c'est que nous devrons fonctionner selon les dispositions qu'elle prévoit. En d'autres mots, nous sommes maintenant un conseil provisoire. D'ailleurs, Mme De Courcy et moi-même siégeons à un conseil provisoire. On n'a pas le choix, on fonctionne comme ça.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Qu'est-ce que ça veut dire, on n'a pas le choix? Un instant! On a devant nous une résolution pour amender la Constitution.

M. Robert Cadotte: Non, ça n'a pas rapport. C'est que les conseils provisoires...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ça n'a pas rapport!

M. Robert Cadotte: Non, parce que...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Mais qu'est-ce qu'on fait ici?

M. Robert Cadotte: Nous avons entendu ici des discussions au sujet du partage des responsabilités et au sujet de l'article 93 lui-même qui n'ont pas lieu d'être débattues ici.

Lorsqu'on dit que les commissions linguistiques seront là en juin, votre comité mixte et le Parlement n'y peuvent rien. Par contre, ils peuvent accomplir quelque chose qui est très important: permettre que Montréal ait le même genre de commissions linguistiques que les autres régions du Québec. C'est la seule chose que vous pouvez permettre. Est-ce que Montréal aura des commissions scolaires linguistiques comme celles des autres régions? Nous aurons des commissions scolaires linguistiques à Montréal, et nous aurons des commissions scolaires linguistiques conformément à l'article 93 et des comités confessionnels, s'ils subsistent, qui obligeront les parents à faire un choix au niveau des écoles de quartier.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, mais je veux que le débat reste sur les rails. On discute pour savoir si la confessionnalité demeure ou non.

Mme Diane De Courcy: Sénateur, on ne se racontera pas d'histoires. La Loi 107, telle qu'amendée par le projet de loi 109, c'était pour contourner l'article 93.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui.

Mme Diane De Courcy: Vous êtes d'accord avec moi.

La mise en place des conseils confessionnels dans les commissions scolaires francophones et anglophones et certaines garanties au niveau des services de pastorale visaient à contourner l'article 93. Donc, l'objet, c'est ça. Parce qu'en dehors de ça, on ne changera rien à la Loi 107.

Le sénateur Gérald Beaudoin: La Cour suprême vous a dit que vous pouviez, si vous le vouliez, conserver l'article 93 et avoir des structures linguistiques en plus, avec les structures confessionnelles qui existent depuis 130 ans. C'est ce que la cour a dit. C'est bien beau, mais il faut...

M. Robert Cadotte: Monsieur le sénateur, je pense qu'on ne se comprend pas. Vous parlez de structures linguistiques avec les structures qui étaient là il y a 130 ans.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Non, non. Je dis que, depuis 130, on a un système où les structures sont confessionnelles. On a dit à la Cour suprême qu'on voulait changer cela et avoir un système de commissions scolaires linguistiques françaises et anglaises. La Cour suprême a dit que c'était possible de le faire en conservant l'article 93 tel quel et en respectant certaines conditions qu'elle a énoncées. Le jugement est très bien fait; il est très clair.

Manifestement, le Québec n'est pas d'accord et ne veut pas perpétuer ce système. Québec dit qu'il veut avoir des structures non confessionnelles, mais plutôt des structures linguistiques. L'enseignement religieux aura lieu dans les écoles; c'est prévu dans l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Tout ça est très clair. Mais vous, qu'est-ce que vous voulez?

Mme Diane De Courcy: Je vais vous le répéter, sénateur. Ce qu'on veut, c'est l'abolition des dispositions de la Loi 107 en concordance avec l'article 93. On ne veut pas de conseils confessionnels dans la commission scolaire francophone ou anglophone.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Alors, à ce moment-là, vous êtes d'accord sur la résolution.

Mme Diane De Courcy: Mais bien sûr, nous sommes d'accord sur la résolution du Québec.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Alors, c'est très clair.

Mme Diane De Courcy: Bien sûr.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ce n'était pas si clair que ça dans votre exposé au début.

Mme Diane De Courcy: J'en suis désolée. Maintenant, vous nous l'avez fait préciser.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Alors, vous voulez que l'on appuie cette résolution et, à ce moment-là, l'article 93 dit que l'éducation est de compétence provinciale. Ça finit là. C'est réglé. L'enseignement religieux sera donné dans les écoles, tel que prévu à l'article 41 de la Charte québécoise.

Mme Diane De Courcy: Et dans la Loi 107.

Le sénateur Gérald Beaudoin: À ce moment-là, on n'a plus rien à discuter.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame la sénatrice Lavoie-Roux, s'il vous plaît.

• 1745

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je n'ai rien à ajouter. D'ailleurs, vous savez que j'ai toujours été en faveur de ces commissions linguistiques et que j'ai même été la première à les proposer en 1976, alors que tous les gens de votre appartenance étaient pour les commissions scolaires unifiées ou pour le statu quo, pour d'autres commissions confessionnelles. Là-dessus, il n'y a pas de problème.

Par contre, je suis aussi pour le maintien de l'enseignement confessionnel, tout comme vous.

Mme Diane De Courcy: Sûrement.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Alors, il n'y a pas de problème. Je vous remercie, parce qu'il y a longtemps que je voulais comprendre. Les structures s'empilaient les unes par-dessus les autres et ça finissait par en faire six ou huit. Là, vous m'avez apporté les arguments qu'il me fallait sur le régime provisoire des droits confessionnels. Je vous en remercie. Vous désiriez ajouter un commentaire? Je pourrais encore modifier mon point de vue.

M. Robert Cadotte: Non, non. La façon dont on voit la situation, c'est qu'à Montréal se retrouvent un très grand nombre d'immigrants et qu'on a quand même beaucoup de problèmes potentiels et de problèmes réels. La solution que le MÉMO recherche, et qui est permise par ce qui est sur la table, c'est qu'il faut absolument qu'il y ait cohabitation de tout ce beau monde, avec la tolérance religieuse qui s'y rattache. Ainsi, les petits catholiques peuvent avoir l'enseignement religieux catholique. Si les autres groupes ont les moyens de s'organiser, nous n'y voyons aucun problème. Ce qui est important, c'est qu'ils cohabitent dans leurs cours de mathématiques, de français, etc.

Ce qu'on vous dit finalement, c'est que les dispositions de l'article 93 se traduiront très certainement par une diminution de cette cohabitation, en créant deux réseaux d'écoles dans la même commission scolaire francophone.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais d'un autre côté, il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les immigrants sont allés à l'école anglaise. J'ai été la première à dire que ceux qui n'étaient pas de langue anglaise devaient fréquenter l'école française. La Loi 101 est allée un peu trop loin à mon point de vue à cet égard. Elle dit aux anglophones, qu'ils soient Américains, Anglais ou Néo-Zélandais, qu'ils n'ont pas le droit à l'école anglaise. On voit des enfants qui ont une école anglaise au coin de leur rue, mais qui sont obligés d'aller je ne sais trop où pour aller à l'école française. Mais ceci est un autre problème.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, madame Lavoie-Roux. On peut passer au prochain intervenant?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, je reviendrai par la suite.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Robichaud.

Le sénateur Fernand Robichaud (Nouveau-Brunswick, Lib.): Si je comprends bien, dans votre esprit, les parents qui choisiront pour leurs enfants une éducation religieuse pourront obtenir cette instruction dans les écoles.

Mme Diane De Courcy: Certainement.

Le sénateur Fernand Robichaud: Vous croyez que la loi et la Charte vous procurent assez de garanties pour que ces droits qui leur reviennent soient respectés.

Mme Diane De Courcy: On ne demande pas un saut de 300 ans; on prendra les bouchées une à la fois. Le débat nous apparaît, puisque cela fait 10 ans aussi qu'on y travaille, très clair au sujet des structures déconfessionnalisées. Les résidus de structures à déconfessionnaliser, comme les conseils confessionnels, il faut abandonner cela.

Quant à la question de la place de la religion à l'école, ce débat doit se faire au Québec, mais il se ferait avec, contre ou malgré nous. Ce sont des débats de société normaux que la société québécoise fera en temps voulu, quel que soit le résultat de cet amendement. Mais actuellement, les garanties sont fortes: la loi, la tradition et la Charte aussi.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénateur.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: À la page 3 ou 4 de votre mémoire, vous parlez de sectarisme et d'intolérance dans les écoles à l'heure actuelle. Je ne peux pas être d'accord avec vous.

Mme Diane De Courcy: Non, non, madame la sénatrice.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Laissez-moi finir.

Mme Diane De Courcy: On ne dit pas cela, madame la sénatrice.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: J'étais à la CECM. Dans les écoles catholiques, il y avait des enfants d'autres confessions et d'autres origines culturelles et tout le monde s'entendait bien.

M. Robert Cadotte: C'est ce qu'on dit.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui? Bon, tant mieux. On s'entend alors. Il n'y a pas de problème.

M. Robert Cadotte: Ce qu'on dit, c'est qu'ils sont actuellement dans le mêmes écoles et on voit que c'est beaucoup mieux. Mais si la réforme nous oblige à établir des conseils confessionnels, on va les séparer.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui. Ces fameux conseils, je ne les comprends pas très bien, et c'est pourquoi je me propose de lire votre autre document.

• 1750

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame De Courcy, monsieur Cadotte, je voudrais vous remercier, au nom de tous les membres du comité, pour votre présentation.

Je suis désolée que certains de nos membres aient dû quitter pour aller voter, mais je peux vous assurer que nous avons tous pris bien connaissance de votre mémoire. Votre présentation était si claire qu'on sait exactement ce que vous nous demandez. Merci bien.

• 1751




• 1839

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons les auditions du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire du Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

• 1840

J'aimerais expliquer un peu comment nous allons procéder. Les cinq premiers témoins auront cinq minutes pour faire leur présentation. Ensuite, on entendra l'autre groupe de cinq témoins et, par la suite, on passera à une période de questions.

Étant donné que vous êtes nombreux à vous faire entendre ce soir, je vous demanderais de vous limiter à cinq minutes chacun pour votre exposé.

Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Gérard Picard.

Monsieur Picard, à vous la parole.

M. Gérard Picard (témoigne à titre personnel): Bonsoir. Voici mes raisons de vous demander, sénateurs et députés d'Ottawa, de ne pas modifier l'article 93 de la Constitution canadienne tel que demandé par l'Assemblée nationale du Québec.

La majorité des parents du Québec veulent garder les écoles confessionnelles. Le peuple du Québec n'a pas eu la chance de se prononcer sur ce sujet. Une pétition de plus de 200 000 signatures n'a produit aucun effet. La très grande majorité de la population du Québec est constituée de chrétiens et de chrétiennes baptisés qui ont droit à un minimum de respect.

Les lois civiles du Québec et tous les règlements naturels doivent suivre la foi du peuple et non la précéder ou la combattre. Les pouvoirs civils et religieux doivent vivre en parallèle et en harmonie.

Les élèves de foi catholique ne doivent pas s'adapter au temps de l'athéisme pratique d'aujourd'hui, qui mène à la désespérance et au suicide de nos jeunes. On doit être dans le monde et non pas vivre comme le monde. Dernièrement, quatre jeunes se sont suicidés à Longueuil, près de chez moi.

L'école catholique prône la vertu, la tolérance et le respect des autres croyances, ce qui ne sera pas toujours le cas dans les écoles publiques linguistiques, à la discrétion d'un directeur d'école.

Les écoles confessionnelles font le bonheur d'un grand nombre de parents. Alors, pourquoi les dirigeants politiques veulent-ils les abolir? Parce que nous vivons le mal du siècle. L'ennemi qu'il faut combattre, c'est l'athéisme pratique sans Dieu dans la société et dans nos écoles. La morale chrétienne saute et tout devient permis. C'est un drame que nos dirigeants ne semblent pas voir.

Pour servir le dieu de l'Argent, toutes les accommodations sont possibles et l'on multiplie même les services personnalisés, alors que l'on veut faire passer le plus grand trésor, la foi de tout un peuple, par un guichet unique imposé à tous.

La présence religieuse est très importante dans les écoles parce qu'elle prévient ce déclin moral et spirituel de nos enfants, parce que les jeunes désespèrent devant un avenir sans amour vrai et sans Dieu. C'est l'amour faux de tous les vices et le mauvais exemple des adultes qui font que plusieurs désespèrent.

Les dirigeants du Québec ont décidé, eux, serviteurs démocrates du peuple, d'abolir les écoles catholiques de Jésus-Christ. Les écoles catholiques découlent de l'Église catholique qui a comme tête Jésus-Christ. Dieu ne veut sûrement pas que quiconque touche à ses écoles, mais plutôt qu'on les protège et les fasse grandir, surtout si les dirigeants sont eux-mêmes des chrétiens. C'est même un devoir.

• 1845

Des députés et des sénateurs ne peuvent unilatéralement s'arroger des pouvoirs de propriété, alors qu'ils sont les bons ou les mauvais gérants des biens et des personnes que le Maître leur a confiés. Je ne crois pas qu'on puisse forcer quelqu'un à vivre et à être éduqué dans un environnement païen où il ne lui est pas possible d'affirmer sa foi librement au moment où il le veut.

De plus, nous ignorons le contenu de l'enseignement religieux catholique qui sera autorisé dans les écoles linguistiques. Pourrons-nous y faire de la pastorale catholique? Quel temps sera accordé à l'enseignement religieux? Je crains que ce ne soit un enseignement uniformisé qui ne satisfasse aucune des dénominations religieuses.

Je vous aime et je vais continuer à vous aimer et à prier pour vous tous. Peu importe la décision que vous allez prendre, vous savez qu'à la fin, le plus important, c'est le salut de toutes nos âmes. Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup pour votre présentation, monsieur Picard. L'intervenant suivant est M. Charles Ward.

[Traduction]

M. Charles Ward (à titre individuel): Merci.

Je vais vous offrir un autre point de vue, tout en reconnaissant le rôle difficile que joue le Parlement à l'égard des modifications constitutionnelles et des perceptions au Québec, ma province d'origine. J'accorde une grande importance au système politique et judiciaire de notre pays ainsi qu'à la façon dont ces systèmes touchent les individus ou les sujets.

Lorsqu'on veut renforcer la solidarité sociale, il faut utiliser un processus qui favorise la participation de la population. Il faut prendre une décision de façon démocratique si l'on veut que la population ait le sentiment de l'avoir approuvé par son vote. Vous, en tant qu'hommes politiques, dans votre groupe parlementaire et dans vos fonctions politiques, vous vous attendez à ce que l'on vous consulte. Pourquoi les électeurs seraient-ils différents?

Le processus utilisé n'a pas prévu la consultation des citoyens, ce qui a donc eu pour effet d'abroger certains droits. Manifestement, il n'est pas possible de comparer cette demande à celle présentée par Terre-Neuve qui avait tenu deux référendums. Les modifications de 1982 n'ont pas été approuvées par un vote national, ce qui a créé des dissensions. L'Accord du lac Meech représente une initiative autocratique, limitée aux dirigeants, elle a été suivie par les mini-référendums tenus dans le cas de l'accord de Charlottetown qui ont donné à la population la possibilité de se prononcer, ce qui a créé un précédent.

Les Québécois veulent que leurs gouvernements fassent preuve de leadership et prennent des mesures efficaces. Ils veulent que l'on protège leur langue, leur culture et leur liberté démocratique—il y a délégation mais non pas abdication. Les francophones veulent que l'on respecte la notion d'égalité. Ils veulent que leur langue offre des possibilités identiques. Ils ont dû se battre pour l'obtenir mais de cette lutte est sortie un groupe de personnes qui se servent de la langue pour créer des divisions et justifier le recours à des processus non démocratiques.

Pourquoi est-ce que Mme Marois n'est pas venue nous représenter ici? Est-ce que les rêves des Québécois sont présentés d'une façon qui respecte leurs souhaits? Non. Votre comité doit s'interroger, au nom des électeurs québécois, sur les intentions du gouvernement du Québec.

Québécois, regardez ceux qui vous dirigent. C'est ce qu'ils veulent.

Québec a réfléchi à ce qu'il fallait faire pour apaiser le parti d'opposition et les commissions scolaires et il a adopté un projet de loi déclarant qu'il existait dans cette province un consensus suffisant pour que l'on modifie la Constitution. Si vous me pardonnez ce jeu de mots, je vous demanderais qu'est-ce qui constitue un consensus? Comment peut-on parler de consensus alors qu'on a sollicité l'opinion d'un très faible pourcentage de plus de cinq millions d'électeurs?

Suis-je avocat? Non. Je suis un homme d'affaires et à ce titre, je discute constamment de contrats. Il ne faut pas oublier que l'article 93 parle de sujets et de catégories de personnes, ce qui accorde des droits à la population—le droit de donner son consentement à cette mesure.

Si l'on veut satisfaire tous les intéressés, il faut une bonne communication. Les dirigeants actuels du Québec n'ont pas adopté ce principe; pensons, par exemple, au théâtre Centaur. Il existe de nombreux exemples qui expliquent pourquoi les Québécois ne peuvent faire confiance à leur gouvernement.

Il y a un principe essentiel en matière de formation au leadership: il est possible de prédire l'avenir en se fondant sur le passé. La mauvaise foi dont le PQ a fait preuve dans le passé indique qu'il risque d'être encore de mauvaise foi à l'avenir et qu'il ne faut donc pas lui faire confiance. Si les Canadiens du Québec ne peuvent s'attendre à être protégés contre la fraude électorale ou avoir le droit démocratique de débattre des modifications constitutionnelles et de les approuver par un vote, nous en sommes réduits à utiliser des processus non démocratiques qui débouchent sur des institutions non démocratiques. Stéphane Dion a dit non à ces institutions.

Il ne faut pas abroger l'article 93; il faut le modifier en élargissant ou en redéfinissant la catégorie des personnes visées par cette disposition.

• 1850

Pour respecter l'égalité de statut qu'accorde la Constitution à l'anglais et au français, le comité devrait tenter d'élaborer une norme fédérale en matière d'éducation qui garantirait ce droit à la dualité linguistique dans tous les systèmes scolaires des provinces. Grâce à votre imagination, à votre bon sens et à votre volonté, votre comité a l'occasion de mettre en place des systèmes scolaires améliorés qui prévoiraient une éducation bilingue dans toutes les provinces canadiennes, annonçant ainsi l'arrivée d'une nouvelle ère pour les Canadiens qui tienne compte de leur compréhension mutuelle, de leur sentiment d'appartenir à un grand pays et du sentiment de fierté que leur communique le fait d'être des membres vraiment égaux d'une nation bilingue d'un océan à l'autre.

Vous risquez par contre de diviser gravement la population entre démocrates et non démocrates, entre fédéralistes et séparatistes, en vous basant sur l'élément émotif de la langue. Le véritable débat doit porter sur les droits, sur la représentation, sur l'espoir et sur la confiance. Nous pouvons nous servir de la langue et de l'éducation pour renforcer notre pays ou pour le détruire. C'est maintenant à vous de décider.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Ward.

Avez-vous une copie de votre exposé? Je vous demanderais à tous d'en laisser une auprès de notre greffière.

Nous allons maintenant donner la parole à Mme Brenda Donnelly.

Mme Brenda Donnelly (à titre individuel): Je dirais que ce comité est ce qu'il est, un comité. La Chambre et le Sénat abusent de leurs pouvoirs pour supprimer une fois de plus nos droits constitutionnels, en utilisant cette fois l'article 93 de l'AANB. Vous savez que cette disposition se combine avec les autres articles.

Le gouvernement fédéral et la Chambre des communes sont en train de tromper et d'abuser les institutions démocratiques pour rendre légal ce qui est légalement inacceptable. Vous faites passer la volonté politique avant les principes démocratiques sur lesquels a été fondé notre pays.

Le comité est-il en train de dire à la population du Canada qu'il est possible de supprimer nos droits constitutionnels dès qu'un gouvernement politique le souhaite ou dès qu'il existe la volonté de le faire, en ayant recours à des moyens détournés et au «fédéralisme flexible»? Les sénateurs et les députés auraient-ils l'arrogance de violer nos droits et d'adopter cette modification? Votre comité fait-il toujours ce qu'on lui demande? Je crois que c'est le cas. Vous allez tous retourner au Sénat et à la Chambre des communes et vous allez faire ce que vous demande de faire votre parti.

Si je vivais dans un pays non démocratique comme Cuba, je ne serais pas surprise qu'un comité agisse de cette façon mais je vis au Canada. Vivons-nous dans une société juste? Est-ce moi le projet pilote de ces 25 dernières années; il faut faire ce qu'on nous dit sinon le gouvernement, qu'il soit provincial ou fédéral, va encore nous supprimer des droits?

La Constitution dont il s'agit aujourd'hui en est l'exemple. Est-ce parce qu'il y a des gens comme moi qui ont écrit à M. Dion en qualité de citoyen et de parent et qui se sont déclarés prêts à défendre les droits de leurs enfants et qu'ils lui ont demandé de nous protéger en invoquant l'AANB...? Eh bien, M. Dion a comparu devant votre comité et il vous a dit qu'il y avait la Charte des droits, et ce n'est pas vrai. Du bureau du premier ministre au solliciteur général du Canada au ministre de la Justice, les deux langues officielles et le tribunal législatif... Je vous amène tout cela. Le gouvernement fédéral a refusé de respecter la Charte des droits, tout comme les autres droits qui sont les miens. Il ne faut pas utiliser la formule de modification pour supprimer les droits des citoyens et contourner la Constitution. Vous êtes en train d'introduire une nouvelle Constitution sans que la population s'en aperçoive.

Je suis tellement convaincue de ce que je vous dis que je me suis plainte verbalement au bureau du solliciteur général du Canada. Ils m'ont affirmé aujourd'hui, lorsque je suis arrivée de Montréal, que je pouvais déposer une plainte par écrit. J'ai déjà déposé des plaintes contre ce gouvernement. Lorsque j'y ai été, ils demandaient une autorisation et m'ont déclaré que je n'en avais pas. J'ai même apporté mon étude. Le Conseil privé a vérifié d'où je venais. C'est pourquoi je me suis rendue devant le ministre de la Justice et j'ai porté plainte.

J'affirme que vous êtes en train de violer votre serment d'office qui vous demande de protéger la Constitution. Où est la responsabilité morale, juridique et éthique que vous devez assumer envers le pays? Quand allez-vous cesser de nous harceler?

Nous en avons assez. Si vous ne défendez pas nos droits, qui le fera? Je vais donc déposer une plainte contre vous et demander une enquête pénale, parce qu'il y a eu atteinte à mes droits.

Vous n'avez pas le droit de faire ce que vous faites. C'est un pays démocratique mais vous l'avez oublié.

Le Québec? Eh bien, je suis Québécoise depuis 14 générations.

J'ai travaillé dans le système scolaire. Voulez-vous savoir ce que l'on fait à certains enfants? Dans ma propre collectivité, j'ai comparu devant la commission scolaire catholique il y a plusieurs années. J'ai été voir mes députés provinciaux et mes députés fédéraux. Dans Sainte-Catherine-de-Sienne, dans une garderie, il y a un parent qui est venu me voir... il y avait une vitre sans tain, qui est toujours là je crois et ils ont mis du sparadrap sur la bouche d'un enfant de quatre ans parce qu'il parlait anglais.

• 1855

Cela se fait encore. Il y a beaucoup d'autres histoires de ce genre. Je peux vous en raconter si vous le souhaitez.

Vous parlez des syndicats. À quoi servent les syndicats? Les syndicats sont là pour leur travail. Vous savez de quoi il retourne? On veut interdire aux parents francophones d'envoyer leurs enfants dans le secteur protestant français qui relève d'une commission scolaire protestante anglaise. On va les retirer. J'ai écouté ce qui se disait devant le comité...

Mon plus jeune a 32 ans. Je mène ce combat depuis le règlement 6. C'est seulement les enfants des immigrants; eh bien, c'est dommage, non. De quel droit venez-vous nous dire quelle culture il faut choisir, quelle école il faut choisir? De quel droit faites-vous ces choix pour nous? Connaissez-vous le nombre des jeunes qui décrochent? Savez-vous ce qui arrive aux enfants? Vous les privez d'éducation, vous leur refusez des études universitaires pour qu'ils ne prennent pas votre place.

Je vous le dis, ce que vous faites est illégal. Si vous voulez savoir comment cela va modifier le système scolaire, ici dans la poursuite—et nous allons intenter des poursuites, vous pouvez me croire—savez-vous ce que vous êtes en train de faire? Cela s'appelle un génocide culturel sous une forme pacifique. Il y a une loi qui interdit cela au Canada.

Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Donnelly.

Nous allons maintenant entendre Elizabeth La Prairie.

Mme Elizabeth La Prairie (à titre individuel): Je vais remettre ceci au représentant du Parti réformiste parce que, personnellement, je ne fais confiance à personne d'autre.

Est-ce que tout le monde a mon mémoire?

Avant de déclencher le chronomètre, je voudrais vous signaler que j'ai malheureusement oublié de mettre des accents sur les mots français qui figurent dans mon texte anglais et je vous demande de m'en excuser.

Je vais maintenant commencer mon exposé, monsieur le président.

On entend tellement souvent de nos jours le mot «démocratie» et le supposé large consensus existant au Québec en faveur des commissions scolaires linguistiques. J'ai l'intention de vous présenter des faits qui démontrent que l'on fait fi de la démocratie et combien trompeuses ont été certaines déclarations en faveur de l'élimination des commissions scolaires confessionnelles.

Cette situation me préoccupe depuis le rapport Parent des années 60, quand le gouvernement du Québec a retardé la publication du volume 5, traitant de la religion, jusqu'après une élection. Ils avaient peur que la population réagisse défavorablement à certaines recommandations.

La majorité des mémoires invitaient la Commission Parent à maintenir notre système d'écoles confessionnelles. En dépit de cela, au cours des années, et surtout dans les coulisses, on a tenté de miner nos écoles confessionnelles. On a déployé des efforts implacables pour tout séculariser.

Le recensement de 1991 a révélé que 82 p. 100 de la population s'est déclarée être des chrétiens et qu'une petite fraction de Canadiens a indiqué ne pas avoir d'affiliation religieuse.

Kathleen Toth, fondatrice de «Femmes pour la vie, la foi et la famille», déclare:

    [...] nous surpassons les non-croyants par une marge de 23 à 1 [...] c'est pourtant la minorité de non-croyants qui s'est emparé de notre système politique, de notre système juridique, de notre système de communication, de notre système d'éducation et même de notre héritage culturel.

Pour illustrer plus précisément le manque délibéré de consultation auprès de la population du Québec et les déclarations fausses et souvent répétées qu'il existe un large consensus je présenterais les points suivants.

Don MacPherson, dans un article exceptionnel publié dans la Gazette de Montréal du 17 avril 1997, intitulé «PQ plays fast and loose with democracy» (Le PQ joue avec la démocratie) écrit:

    Il n'y a pas un seul des députés actuels qui a été élu après avoir présenté un programme qui mentionnait la possibilité que l'on modifie la Constitution pour abroger la protection accordée aux commissions scolaires protestantes et catholiques [...] Il n'y a pas eu non plus de référendum [sur cette proposition].

Le plus révélateur de tout, c'est que l'Assemblée nationale a refusé d'accepter, avant le vote, une pétition comptant 235 000 noms de citoyens opposés à la modification constitutionnelle. Quelle détermination de la part de nos politiciens à faire passer à tout prix leur proposition? Le premier ministre Bouchard a exercé des pressions sur le gouvernement fédéral pour que le Parlement adopte cette proposition avant les élections.

À leur grand déshonneur, tant le premier ministre Chrétien que le ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, ont annoncé immédiatement qu'ils appuyaient la modification proposée, car il paraissait y avoir, ont-ils prétendu, un large consensus au Québec sur ce point.

• 1900

Un éditorial dans la Gazette du 23 septembre 1997 intitulé «Don't Weaken School Rights» (N'affaiblissez pas les droits scolaires) accuse M. Dion d'avoir commis plusieurs erreurs dans sa hâte d'accorder au Québec une modification constitutionnelle. Premièrement «en prenant une décision avant la tenue d'audiences publiques» et ensuite «Il prétend qu'il y a un consensus sur la question, quand il n'y en a pas.» L'éditorial ajoute «C'était vraiment troublant d'entendre M. Dion déclarer la semaine dernière que les audiences publiques ne l'empêcheront pas de procéder.»

M. Dion admet que tout cela n'est qu'une façade.

En ce qui concerne le soi-disant «large consensus» mentionné par M. Dion, par le sénateur Jacques Hébert, par le député Réal Ménard et par d'autres, plusieurs organisations et groupes, tant catholiques que protestants, seraient en faveur des commissions scolaires linguistiques, mais combien de leurs membres a-t-on consulté?

Les dirigeants syndicaux appuient souvent publiquement des changements sans avoir consulté leurs membres.

Le ministre Dion a également mentionné que les états généraux de l'éducation tenus en 1996 étaient également favorables aux commissions scolaires linguistiques mais il oublie de mentionner que la majorité des mémoires présentés à ces états généraux étaient favorables aux écoles confessionnelles.

Louis Lecomte de Beaconsfield écrit dans une lettre envoyée dans la revue Catholic Insight du mois de mars 1997: «Le gouvernement péquiste s'attaque à la confessionnalité dans nos écoles.» Il affirme «La devise du Québec "Je me souviens" devrait être remplacée par "Je préfère oublier mon passé, mes ancêtres, mes traditions, etc."»

On rapporte que le taux de suicide chez les adolescents québécois est un des plus élevés au monde. Ne devrait-on pas plutôt tenter de renforcer les valeurs morales et spirituelles plutôt que de faire le contraire?

Dans une lettre que j'ai écrite au premier ministre Brian Tobin au mois de mai, après ce qu'il avait dit à Bouchard à la télévision,

[Français]

«à mon ami Lucien, bonne chance avec ton amendement»,

[Traduction]

J'ai mentionné qu'à l'émission de Mike Duffy au réseau CTV, on avait lu la lettre de quelqu'un qui s'exprimait sur «les gouvernements qui font faillite sur le plan spirituel» et j'ai signalé une entrevue présentée au poste CBC à l'émission «The House» dans laquelle le professeur Roger Gibbons, de l'Université de Calgary, parlait de changements constitutionnels ayant lieu entre gouvernements, par-dessus la tête des citoyens les plus directement concernés par ces changements.

N'est-ce pas ce qui se passe entre Québec et Ottawa? Il est difficile d'être moins démocratique.

Je vous supplie de dénoncer dans votre rapport les fausses déclarations qui parlent d'un large consensus et de tenir compte du fait qu'on n'a pas véritablement consulté les Québécois.

Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame LaPrairie.

Denise LeMay.

[Français]

Mme Denise LeMay (témoigne à titre personnel): Je vais vous faire partager mon expérience avec mon engagement dans l'école de mes enfants et l'engagement de mon mari au comité d'école. D'abord, je vais vous faire partager aussi notre expérience avec les États généraux sur l'éducation.

J'ai participé à l'atelier sur la confessionnalité scolaire où j'ai senti à quelques reprises qu'il y avait de la discrimination et qu'on essayait de nous enlever la possibilité d'exprimer notre opinion et que cette opinion soit remise au commissaire. De la façon dont cela était organisé, cela ne se rendait pas au commissaire. Il fallait, dans les ateliers, qu'on ait un consensus de personnes catholiques, protestantes et athées pour que cela se rende au commissaire et au ministre. C'était une mission à peu près impossible.

Cette expérience des États généraux m'a beaucoup découragée et m'a fait perdre confiance dans le gouvernement. J'ai compris que le gouvernement faisait des consultations comme cela pour donner l'impression à la population qu'il voulait la consulter, que son opinion était importante. Évidemment, ici ce soir, je me rends compte que je suis encore en train de partager mon opinion et je voudrais vous dire que je sens une sincérité de votre part. Je vous remercie pour ce que vous faites, je vous sens très sincères et cela me touche beaucoup.

Maintenant, je demeure très inquiète des conséquences de ce comité-ci, parce que le ministre Dion a bien affirmé qu'il avait l'intention d'approuver la demande du gouvernement du Québec. Je me demande un peu à quoi sert le comité, à ce moment-là.

• 1905

Je vais maintenant partager avec vous mon expérience avec l'école. Sachant qu'il y avait une rencontre publique d'organisée pour informer la population sur les enjeux réels de 93, mon mari a demandé au comité d'école qu'une publicité soit distribuée à tous les parents de l'école pour les inviter à cette soirée-là, parce qu'on croyait qu'ils avaient le droit d'être bien informés.

La direction a accepté de distribuer l'invitation, mais à la condition de retirer des paragraphes qui étaient assez explicites sur la situation réelle, les enjeux réels. Donc, on devait enlever ces paragraphes-là et garder seulement l'information ayant trait au lieu, à l'endroit, à l'heure, etc., et dire que cela concernait l'amendement à l'article 93.

Le mois suivant, 11 jours avant la réunion du comité d'école, j'ai demandé à la direction de l'école, au nom de mon mari, la permission d'inclure des articles très éclairants sur la question de l'amendement à l'article 93, pour que ce soit remis aux membres du comité d'école pour la prochaine réunion, afin que ces parent-là soient bien informés.

Naturellement, cela a été une autre saga, parce que j'ai eu à faire face à de la résistance de la part de la direction. Étant donné que le président du comité n'avait pas eu accès à ces articles-là, il ne pouvait décider, il serait fâché, etc. J'ai été obligée de faire des pieds et des mains pour réussir à intercepter les enveloppes et y faire insérer mes textes destinés aux membres du comité d'école.

Ce sont des choses comme celle-là qu'on vit régulièrement. C'est à peu près comme si c'était votre voisin qui s'occupait de votre budget et que, quand vous avez besoin d'une paire de bas, vous deviez aller le voir et lui dire: «Excuse-moi, j'ai des trous dans mes bas; pourrais-tu me passer de l'argent pour que j'aille m'acheter une paire de bas?» Lui répondrait: «Non, je m'excuse, ce n'est pas dans ton budget. Tu as eu des dépenses imprévues et il ne te reste plus d'argent. Il va falloir que tu te trouves autre chose.»

C'est à peu près ce que vivent les catholiques dans notre système scolaire au Québec.

Le mois suivant, j'ai assisté à titre de parent observateur à la réunion du comité d'école et j'ai eu trois minutes pour expliquer les enjeux réels de l'amendement à l'article 93.

J'ai eu droit à la réaction d'un parent du comité, qui m'a intimidée et qui s'est arrangé pour que le sujet en finisse là. Les autres parents étaient tellement... Cela a créé de la tension dans le comité et personne n'aurait osé intervenir, dire quelque chose. À ce comité-là, il y a la marraine de mon fils et un parent qui récite son chapelet tous les jours avec ses enfants. Ils n'ont pas dit un mot pour nous appuyer.

C'est cela qui se vit dans nos comités d'école. Il y a de l'intimidation qui se fait de la part de certains parents très politisés et qui sont prêts à utiliser n'importe quels moyens pour arriver à leurs fins.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame LeMay, pour votre témoignage.

Mme Denise LeMay: Je n'ai pas terminé. Pourrais-je avoir encore quelques minutes? C'est très important.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame LeMay, je doit être équitable.

Mme Denise LeMay: Est-ce que j'ai la permission de...

Le coprésident (M. Denis Paradis): On attend un autre groupe. Bon. Allez-y pour une minute.

Mme Denise LeMay: Je voudrais vous laisser savoir que vous n'avez pas le droit... Il n'appartient à personne de décider si on doit garder 93 ou l'enlever. La question ne se pose même pas. C'est un droit acquis, c'est tout, ça finit là. C'est dommage de vous dire cela, parce que vous y mettez tellement d'efforts et d'énergie, mais la réalité est celle-là.

Cette question ne se pose pas. Retirer notre protection constitutionnelle serait un crime et nous arracherait un droit vital pour l'âme des citoyens de notre pays. On veut faire mourir l'âme de notre peuple en modifiant 93. Il y aurait des conséquences très graves. Si on retire 93, il faudra changer notre hymne national car on dit bien: «Et ta valeur, de foi trempée, protégera nos foyers et nos droits.»

Cela veut-il dire qu'on va perdre la protection de nos foyers si on perd la protection de nos droits? Si les tenants des commissions scolaires linguistiques s'inquiètent de l'effritement du système scolaire, ils n'ont pas besoin d'aller aussi loin. L'effritement du tissu social est devant nos yeux.

• 1910

Les projets du gouvernement du Québec ne sont que source de division dans les familles, les couples et la société. Cela fait des semaines que je fais face à cela. Les parrains et marraines de mes enfants, mes voisins, la famille, la parenté ne m'appuient pas dans ce que je fais, parce qu'à la télévision, dans tous les médias, les curés, les prêtres, les agents de pastorale sont d'accord pour dire que nos droits et la catéchèse dans nos écoles ne sont pas menacés, que nos cours de religion ne sont pas menacés.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame LeMay, par souci d'équité pour tout le monde, je vous remercie.

Puis-je demander à ceux du premier groupe de se retirer et de laisser les autres prendre place? À la fin, je vous demanderai tous de revenir. Ne quittez pas, parce que certains membres du comité voudront vous poser des questions. Si vous pouvez prendre place à l'arrière, on vous fera revenir plus tard.

Je demande à Carole Gosselin, Johanne Nolet, Marie-Anne Hotte, Roland Paradis, Marie Gibeault, Marie-Thérèse Roy et Brian Jewitt de s'approcher.

• 1911




• 1912

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Carole Gosselin, s'il vous plaît.

Mme Carole Gosselin (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je suis une mère de deux enfants du primaire. Je crois que la religion est la base de la vie. Elle nous a été transmise par nos parents, et on doit la garder de génération en génération. L'article 93 est un droit acquis, et un droit acquis ne peut être aboli. C'est pour la vie. De même, nous aimerions, nous les parents, vous enlever un poids sur les épaules. Nous réitérons notre demande de laisser l'article 93 intact, afin de nous donner la meilleure protection possible pour nous assurer le droit de garder nos écoles catholiques.

Considérant que nos enfants sont ce que nous avons de plus précieux au monde, il est normal, comme parents, de rechercher ce qu'il y a de meilleur pour eux. Il me semble que notre demande est raisonnable et que le fait de s'acharner à vouloir changer l'article 93 pour diminuer nos droits catholiques n'est pas justifiable. Donc, soyez réalistes. Ne touchez pas à nos droits acquis, car c'est trop important. Merci de m'avoir écoutée.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Gosselin. Nous allons passer à l'intervenante suivante, Johanne Nolet.

Mme Johanne Nolet (témoigne à titre personnel): Moi, je n'ai rien préparé. Je voulais juste vous dire que je suis une mère de 12 enfants; l'aîné a 17 ans et le bébé, 9 mois. J'ai dit 12 enfants; c'est 10 plus 2. Pour moi, c'est très important, l'enseignement religieux catholique, parce que c'est une valeur importante dans notre famille.

• 1915

Ce que je trouve difficile, c'est que parfois, dans nos écoles catholiques, on doit se buter à... Nos enfants reçoivent des valeurs qui sont contraires à celles qu'on voudrait leur donner, que ce soit au niveau de l'éducation sexuelle ou au niveau d'autres choses. Je sais qu'il y a des endroits où des professeurs font même adorer le soleil aux enfants; cela s'est déjà vu.

Pour moi, ce sont des histoires d'horreur. Je dois constamment revenir face à mes enfants pour remettre les choses à leur place.

Je considère que Dieu, dans la vie des gens, c'est important. Je sais qu'on ne peut forcer les gens à croire en Dieu. Si j'ai 12 enfants aujourd'hui, c'est parce que j'ai expérimenté l'amour de Dieu dans ma vie. Je sais que la vie, c'est important. Lorsque j'étais adolescente, j'ai vécu les valeurs que le monde préconise dans les écoles, la liberté, la liberté sexuelle, la liberté de choix, la liberté de toutes sortes et je me suis retrouvée à 19 ans avec une vie complètement détruite.

Je sais aujourd'hui que mes enfants ont besoin de connaître l'amour de Dieu dans leur vie. Je sais aussi que les enfants du monde entier ont besoin de savoir que Dieu les aime, que tout être vivant sur terre a besoin de savoir que Dieu l'aime et, pour le bien de la société, je suis convaincue qu'il faut continuer à garder nos écoles confessionnelles, parce que les enfants ont besoin de savoir que Dieu existe.

Je ne suis pas psychologue ou sociologue. Je n'ai qu'un diplôme d'études secondaires, mais je sais par expérience qu'on a besoin de quelqu'un pour nous aider à porter nos souffrances.

Avec mes 12 enfants, je ne suis pas une femme extraordinaire. Je suis une femme comme tout le monde. Les soucis et les tracas de tous les jours, si j'arrive à les vivre, c'est parce que je sais que Dieu est là. Je sais que cela peut paraître de la foutaise, mais je ne suis pas toute seule avec mes problèmes. Il y a quelqu'un qui m'aide.

Si les jeunes d'aujourd'hui savaient qu'ils ne sont pas tout seuls dans leurs souffrances, que ce soit la séparation des parents ou quoi que ce soit d'autre, que Dieu est là pour les aider, il y aurait peut-être moins de suicides aujourd'hui. Il y aurait peut-être moins de décrochage scolaire aussi, parce que les jeunes pourraient mieux faire face à leur vie, à leur réalité.

Ce que j'aimerais pour mes enfants, ce sont des écoles où on ne leur enseignerait pas des choses contraires à mes valeurs à moi ou aux valeurs de l'Église catholique. C'est ce que j'aimerais. En tout cas, il me semble important qu'on garantisse aux enfants le droit d'avoir des écoles où ils vont avoir des valeurs qui se tiennent debout. C'est ce que je vous demande. Je prie pour cela tous les jours et je vais continuer parce que pour moi, c'est important.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci beaucoup, madame.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Nolet.

Intervention suivante, Marie-Anne Hotte.

Mme Marie-Anne Hotte (témoigne à titre personnel): Bonsoir. Le glossaire juridique ne m'est pas familier et je ne tenterai pas de vous faire un exposé en règle sur le bien-fondé du maintien intégral de l'article 93; d'autres spécialistes en la matière s'en sont chargés. On en a entendu et vous en avez entendu certainement.

Tout simplement, veuillez entendre mes doléances de citoyenne canadienne et québécoise, d'enseignante pendant 40 ans et de mère de 10 enfants, inquiète et insécure, qui réclame votre intervention pour la sauvegarde des droits religieux acquis en éducation et garantis par la Constitution.

Connaissant la précarité de la Loi sur l'instruction publique au Québec, je désire fortement me prévaloir de la protection constitutionnelle de l'article 93, craignant d'être à la merci des gouvernements élus ultérieurement.

• 1920

Je ne vous apprends rien en vous disant qu'indépendamment des partis politiques en place, depuis le rapport Parent, on assiste à une véritable conspiration pour détruire le système confessionnel actuel. On a qu'à feuilleter ce rapport Parent pour s'en convaincre. Je dirais même qu'on assiste, depuis le rapport Parent, à une conspiration qui réussit. Cette conspiration est faite par un groupe d'intellectuels et, malheureusement, d'ecclésiastiques.

C'est pour cela qu'on vient vous demander du secours. On en est rendu là. Je regrette, mais c'est cela. Considérant que la déconfessionnalisation de l'enseignement n'affectera pas uniquement l'enseignement catéchitique, je m'interroge. Qu'adviendra-t-il du choix des manuels pour les cours de philosophie, de psychologie, d'histoire et de théologie? On dirait que c'est de la «démonologie».

Est-ce que ce ne sera pas la porte ouverte à toutes les permissions? Un chèque en blanc, quoi? Fini le droit de regard et de dissension. Une véritable dictature s'ensuivra. Je suis allée à Moscou il y a une quinzaine d'années et je me suis fait arrêter parce que j'avais un cahier à dessin biblique que j'avais apporté parce qu'on devait visiter une école. On vit des choses comme cela. On va vivre des choses comme cela.

De plus, je vois mal qu'on invoque à toutes les sauces le respect des diversités, la pluralité des religions au pays, la tolérance à tout prix pour priver les peuples fondateurs de l'exercice de leurs droits acquis en éducation. Où doivent s'arrêter les concessions des pionniers? La liberté de s'étirer ne finit-elle pas là où commence le nez de son voisin?

La première préoccupation d'un gouvernement doit être l'instauration d'un système d'éducation capable d'inculquer des valeurs aptes à former des citoyens responsables pour une société paisible. Je vous répète des paroles qu'on voit dans le rapport Parent, mais les moyens pour le faire ne sont pas ceux qu'on pense.

En l'occurrence, mesdames et messieurs, vous avez maintenant l'occasion d'exercer votre autorité par une intervention favorable à la transmission, aux générations futures, des valeurs dont vous avez vous-mêmes bénéficié. Recevez en hommage toute ma confiance. Je réitère mon appel: s'il vous plaît, au nom de Dieu, au nom de l'amour du prochain, s'il vous plaît, prononcez-vous, parce que nos évêques nous ont trahis.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci pour votre présentation, madame Hotte.

Nous allons passer à l'intervenant suivant, M. Roland Paradis.

M. Roland Paradis (témoigne à titre personnel): Bonsoir. Je suis accompagné de mon épouse Pierrette et d'amis pour vous faire part brièvement de notre point de vue en ce qui a trait à la possibilité de modifier l'article 93. Pierrette et moi sommes les parents de quatre enfants, dont deux au secondaire et un au primaire. Nous sommes ici parce que nous ne voulons pas perdre notre droit constitutionnel aux écoles confessionnelles.

Nous avons toujours compris que l'éducation des enfants, y compris celle scolaire, est la responsabilité première des parents et non des différents gouvernements. Cette éducation des enfants débute dès leur naissance. Dès lors, on leur enseigne les rudiments de leur foi en commençant par leur baptême. Cependant, nous avons du mal à poursuivre cette responsabilité durant leur enseignement scolaire.

Malgré nos efforts, à la maison, pour transmettre les valeurs chrétiennes aux enfants durant leur vécu préscolaire, l'école donne difficilement suite à nos responsabilités de parents à cet égard. Ainsi, non seulement il devient de plus en plus difficile de s'assurer du cheminement de leur foi à travers l'éducation scolaire, voilà qu'en plus on veut enlever les écoles catholiques du système d'éducation.

Pourquoi devons-nous perdre nos droits à l'éducation des enfants dans la foi catholique? Cette foi est la base, le fondement de nos pensées et de nos attitudes; perdre nos écoles catholiques au nom de quoi, de qui? Qu'en est-il du fait que l'éducation des enfants est la responsabilité première des parents? Il revient à ces derniers de décider et non à d'autres. Nous disons non à un changement qui risque de faire en sorte que nos enfants seront éduqués dans un système scolaire sans valeurs chrétiennes.

Ce pays a été bâti sous la propagation de la religion catholique et nous voulons que nos enfants grandissent avec un vécu catholique, tant dans leur éducation scolaire que dans leur quotidien. L'école catholique est, sous cet aspect, un instrument primordial pour donner suite à cette responsabilité première des parents.

• 1925

Le changement recherché à l'article 93 va-t-il nous assurer la continuité d'une éducation dans la foi catholique? Certains pourront en faire une promesse électorale, mais une fois le changement voté, on oubliera vite cette promesse et la majorité silencieuse demeurera encore silencieuse. L'école catholique ne sera qu'une affaire d'élite, tout comme les écoles privées actuellement.

Pourquoi tant de tracas? S'il est besoin d'avoir une école de plus fonctionnant dans une telle ou telle autre langue, eh bien, empressons-nous de la construire. Non, merci pour la modification. En tant que parents, nous n'en voulons pas. Laissez-nous nos écoles confessionnelles afin que nos enfants puissent, à travers toute l'évolution technologique et matérialiste, continuer à vivre et à renforcer leur foi de par elle.

Merci, mesdames et messieurs, de prendre le temps d'entendre et de considérer le point de vue des parents.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Paradis.

Intervention suivante, Marie-Thérèse Roy.

Mme Marie-Thérèse Roy (témoigne à titre personnel): Je vais commencer par vous remercier, parce que c'est à la toute dernière minute que j'ai décidé de faire partie des intervenants.

Je suis une mère de famille de deux enfants et une enseignante, et la question de l'éducation m'a toujours intéressée.

Est-ce que cela vous dit quelque chose, A mari usque ad mare? J'ai cherché dans les 100 premiers psaumes aujourd'hui parce que cette devise canadienne, qui nous a été donnée par nos pères de la Confédération, a été tirée des psaumes, preuve que c'est un témoignage du respect et de la foi de nos fondateurs, pour notre héritage judéo-chrétien.

Vous savez, nos écoles confessionnelles ne sont pas d'hier. Elles ont commencé avec le pays en Neuve-France, la Nouvelle-France, en 1608, avec Champlain. Il y a eu, avec Marguerite Bourgeoys, la première école, au XVIIe siècle. Les fondateurs de la Nouvelle-France, jusqu'à nos jours, ont toujours eu un souci, un respect de cet héritage culturel et chrétien qui a été le nôtre depuis la fondation de notre pays, bien avant la Confédération.

Maintenant, ce n'est un secret pour personne que des personnages de marque comme M. Lamontagne et Pierre Elliott Trudeau, entre autres, sont sortis des meilleures institutions d'enseignement conduites par des ecclésiastiques. Le Collège des Jésuites à Montréal nous a donné les meilleures figures de marque, et vous en connaissez encore plus que moi.

Des personnes de nos communautés religieuses, autant masculines que féminines, autant religieuses qu'ecclésiastiques, ont jalonné notre histoire des plus excellentes institutions d'enseignement, au primaire, au secondaire, au collégial et à l'universitaire. On en a une, à deux pas d'ici: l'Université d'Ottawa. Si on n'avait pas eu les religieux et les religieuses, les ecclésiastiques, je ne sais pas ce qu'aurait été notre système d'éducation au pays, tant du côté anglais que français.

Donc, je m'explique mal cette intervention d'une minorité qui veut imposer à la majorité ses buts. Je vous mets en garde si j'en ai le droit. Ne touchez à l'article 93, qui garantit notre droit à la confessionnalité, qui garantit le respect de notre héritage judéo-chrétien. Si vous le changez, vous risquez de créer un dangereux précédent et de mettre des armes dans les mains d'une minorité qui va saper les libertés de la majorité. Ce n'est un secret pour personne. Vous avez entendu des gens pendant des jours qui vous ont dit: «Attention, attention, on est en train de réduire au silence la majorité.»

• 1930

Toucher à l'article 93, c'est comme aller chercher grand-papa parce que le petit a besoin d'être changé. Autrement dit, les gens qui veulent en arriver à ce dont ils ont besoin n'ont pas besoin de toucher à l'article 93, qui est un droit acquis et qui doit rester acquis. Je vous en supplie, ne créez pas de dangereux précédents.

Cet article 93 est fondé sur une stabilité juridique qui nous garantit notre droit et nos libertés.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Roy.

Mme Marie-Thérèse Roy: Une dernière phrase, s'il vous plaît. Un peuple dont les dirigeants foulent aux pieds les valeurs reçues de leur ancêtres se voit privé des assises indispensables pour édifier un avenir valable.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Roy.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant entendre un autre témoin. Brian Jewitt.

M. Brian Jewitt (à titre individuel): Merci.

[Français]

Je suis anglophone, mais je peux m'exprimer un peu en français, si cela ne vous dérange pas ou si cela ne vous écorche pas les oreilles.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Utilisez la langue qui vous convient.

[Français]

M. Brian Jewitt: Je m'excuse.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous disposons de services d'interprétation.

[Français]

M. Brian Jewitt: Il y a 17 ans, je demeurais en Nouvelle-Zélande et j'ai pensé, avec ma femme, rentrer au Canada pour réclamer un des héritages toujours valables au Canada, l'héritage français, parce que l'héritage anglais est devenu, selon moi, l'héritage américain. Quand j'ai dû me faire inscrire pour fins d'impôts, le monsieur m'a demandé de quelle religion j'étais. Je lui ai répondu que j'étais athée. Il m'a dit qu'il n'y avait pas d'espace pour «athée», qu'il fallait choisir entre «athée catholique» et «athée protestant». J'ai dit: Dans ce cas-là, je suis athée catholique. Je voulais que mes enfants profitent de la culture française. J'ai deux enfants, Marissa qui a 15 ans et qui fréquente la polyvalente L'Érablière, à Gatineau, et mon fils Ulysse, qui fréquente l'école Massé.

Cela veut dire 15 années collectives de français au Québec. J'ai fait partie du comité d'orientation de l'école pour aider un peu, pour faire ce que je pouvais faire pour aider. Cependant, au fil du temps, j'ai remarqué que je n'aimais pas l'éducation religieuse dans les écoles. J'étais contribuable athée catholique. Je me suis rendu compte que dans l'Outaouais, nous avons produit des enfants hors du mariage. Il y a là le taux de naissance hors mariage le plus élevé au Canada. La violence s'accroît et le taux de décrochage y est le plus élevé du monde occidental. Le taux de suicide, sauf chez la population autochtone, y est le plus élevé au Canada. En plus, dans l'Outaouais, nous avons la consommation de mazout la plus élevée en Amérique du Nord et la production de vidanges la plus élevée du monde occidental.

Cela, c'est un témoignage de l'éducation religieuse. En plus, l'Outaouais compte les gens les plus chiches au monde, mais avec 12 $ per capita en dons. Cela se compare à Terre-Neuve.

• 1935

De plus, je me suis rendu compte qu'il n'y avait que 12 p. 100 des catholiques qui assistaient à la messe le dimanche. Où sont les autres 88 p. 100? Je vous le demande. Pourquoi vous acharnez-vous à enseigner des choses à mes enfants, à nos enfants, alors que le reste du monde boude l'Église, sauf pour les funérailles et les noces?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Et les baptêmes aussi.

M. Brian Jewitt: Ce qui m'a agacé le plus, c'est l'article du 22 mai dernier, dans l'Ottawa Citizen—pas dans Le Droit parce que c'est un journal bien sage et catholique qui n'en a pas fait mention—en ce qui a trait au cardinal Pio Laghi. Le cardinal Laghi est le prélat qui préside à toutes les écoles catholiques à travers le monde et est recherché par les femmes, en Argentine, pour avoir assisté au meurtre de 30 000 intellectuels, madame.

Les prêtres militaires du cardinal Laghi sont montés à bord des avions, d'après le New York Times du mois de mai 1995, pour aider les bourreaux qui poussaient les intellectuels dans le vide, madame. Et les prêtres étaient là pour offrir leurs consolations aux bourreaux qui poussaient les intellectuels, les activistes sociaux dans le vide. Ce monsieur, c'est le cardinal, le prélat qui préside à mon école Massé et à mon école L'Érablière, que fréquentent mes enfants.

Je me fous de cette révision. Ce qui nous a causé autant de tort est le produit du système catholique et du système protestant. Quand je suis arrivé ici, j'ai vu les autobus des protestants et des catholiques et je me suis demandé: Est-ce que je suis rendu à l'âge médiéval, à l'âge noir? C'est quoi, un protestant, un catholique, en plein XXe siècle? Je m'en fous.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Jewitt, merci pour votre présentation.

Madame Gibeault.

Mme Marie Gibeault (témoigne à titre personnel): Honorables sénateurs et distingués députés,

[Traduction]

honorables sénateurs et distingués députés, je suis venue vous parler du fond du coeur de mes inquiétudes. Je souhaite également vous expliquer la perspective qui est la mienne en tant que parent catholique, ancien professeur et citoyenne intéressée par la question qui nous occupe, à savoir le projet de modification de l'article 93 de la Constitution canadienne.

[Français]

Mère de trois enfants encore aux études, j'ai occupé une position d'enseignante à plusieurs niveaux dans les deux provinces du Québec et de l'Ontario pendant quelques années. J'ai aussi travaillé comme membre bénévole sur des comités d'écoles et dans plusieurs autres domaines. Je sais que le mois d'octobre sera un mois très lourd pour les Canadiens et, particulièrement, pour les Québécois.

Toute la question de l'article 93 met en grave danger l'avenir des générations de nos futurs citoyens, actuellement impuissants à faire entendre leur voix et incapables d'exercer ou même encore de sauvegarder leurs droits, si les efforts des gens qui s'opposent à la modification prévue à l'article 93 ne réussissent pas à vous ouvrir les yeux au danger voilé.

Nos dirigeants les plus instruits ne pourront pas prévoir tous les guets-apens dissimulés derrière cette affaire. J'aimerais toucher votre coeur pour que vous compreniez l'importance de garder le statu quo en ce qui a trait à l'article 93.

• 1940

Si on en venait à faire un changement, il serait trop tard pour revenir en arrière. Comment donc proposeriez-vous de remettre de l'ordre et de l'unité dans notre législature après avoir signé un pacte qui mène au chaos et à la ruine commune de tout un pays et qui le mène vers un avenir incertain?

J'avoue comprendre votre dilemme. Personnellement, j'ai déjà fait partie du camp de ceux qui sont pour le changement. En 1977, il y avait l'histoire du Livre vert, au Québec, et j'ai été très active dans ce dossier. Mais, sur ma route, j'ai rencontré des personnes qui m'ont ouvert les yeux sur les beautés de ce qu'il y avait dans nos écoles catholiques et protestantes. C'est petit à petit que j'ai compris l'importance de garder l'article 93 sans qu'il y ait de changement.

J'essaie de sauter aux points les plus importants. Vous avez en main un document et vous pourrez reprendre les parties que je sauterai. Certaines choses ont déjà été dites et j'essaie de ne pas les répéter.

Dans l'histoire canadienne, il y a eu un grand héros qui n'est pas tellement bien connu. J'ai découvert un bijou aux Archives nationales. Il s'agit de la dernière lettre de Louis Riel à sa femme et à ses enfants. Vous en prendrez connaissance. Cela m'a mis la puce à l'oreille. Je vais lire le texte parce que c'est trop important. Il disait:

    Ma Bonne Chère Marguerite,

    Je t'écris ce bon matin. Il est à peu près une heure. C'est aujourd'hui le 16: un jour bien remarquable.

    Je t'envoie mon bon souvenir. Je te conseille aujourd'hui selon ta charité que tu m'as connue à ton égard. Aie bien soin de tes petits enfants. Tes enfants sont encore plus à Dieu qu'à toi. Efforce-toi de leur donner les soins les plus conformes à la religion; fais-les prier pour moi. Écris souvent à ton Bon Papa. Dis-lui que je ne l'oublie pas un seul jour. Qu'el (quelle) épreuve courage. La vie paraît triste parfois. Mais dans le temps où elle nous semble plus triste c'est quelquefois la même qu'elle est plus agréable à Dieu.

    Louis «David» Riel. Ton mari qui t'aime en Notre-Seigneur.

    J'écris un mot de charité sur le Bon Dieu, à mon petit, petit, Jean. Un mot de charité, de tendresse. Aussi à ma petite, petite Marie-Angélique.

    Prenez courage. Je vous bénis. Votre Père Louis David Riel.

Donc, l'éducation confessionnelle, pour lui, était un droit constitutionnel acquis suite à des libérations quasi sanglantes. Aurait-il abandonné cet article 93?

Il est reconnu que, sans la foi, la vie est un non-sens. Alors, pourquoi préserver la foi dans les écoles? Pourquoi maintenir l'article 93 intact? Les réponses suivantes sont de prime importance pour les gens de bonne foi et même pour les autres. Peut-être que ces explications vous aideront à mieux saisir les devoirs des chrétiens envers leur famille, leur patrie et l'Église.

Les fidèles ne peuvent s'abstenir de veiller sur l'une et sur l'autre, puisque la pensée chrétienne englobe tous les aspects de leur vie 24 heures par jour et partout où ils se trouvent. Ils se penchent sur des sujets d'actualité pour tenter de trouver des solutions afin de venir en aide à ceux qui souffrent.

Je vous ai remis des outils de travail pour vous donner l'occasion de réfléchir, en groupe ou individuellement. Je me rends compte qu'il y a des personnes qui ont changé leur fusil d'épaule, un peu comme moi depuis 1977. Je pense à William Coulson, qui était pour la théorie de la clarification des valeurs et qui a reconnu le tort qu'il était en train de semer à travers le monde. Il y en a aussi plusieurs sur le plan politique.

• 1945

Dans le catéchisme, il y a des règles à suivre pour nous aider à diriger l'éducation. Vous avez les numéros qui vous concernent là-dessus et il y a aussi la lettre encyclique du pape Pie XI. Je vous prie d'en prendre connaissance.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Gibeault, pour votre présentation. Nous allons suspendre pour deux minutes pour que les gens puissent s'approcher.

• 1945




• 1947

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant passer à une période de questions.

Monsieur Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier des exposés que vous avez présentés. Tout cela est excellent.

J'aimerais poser cette question à Elizabeth LaPrairie parce qu'elle en a parlé dans son mémoire. J'ai le sentiment qu'il demeure certaines interrogations sur la façon dont le consensus s'est formé. Tous les députés provinciaux ont voté de façon unanime à Québec en ce sens et je crois que l'on peut prétendre que c'est un vote à saveur politique. Lorsque j'examine votre mémoire, je me pose vraiment des questions. Lorsqu'on présente une pétition contenant 235 000 noms à l'assemblée législative du Québec et qu'il en résulte un vote unanime, je crois que l'on peut se demander s'il n'y avait pas une motivation politique derrière tout cela.

En outre, on mentionne dans le rapport qu'il y avait consensus et on nomme les groupes et les individus comme Alliance Québec—Alliance Québec est également venu ici. Ses représentants ont dit qu'ils ne pensaient pas qu'il soit nécessaire de supprimer ces dispositions constitutionnelles, ce qui semble également contraire au rapport.

Je vous demande de me parler un peu de tout cela. Pensez-vous qu'il n'a pas été démontré qu'il y avait consensus au sujet de cette demande?

• 1950

Mme Elizabeth LaPrairie: Ce n'est certainement pas le cas. Il n'y a pas eu d'audiences publiques et ils ont refusé que l'on présente cette pétition avant le vote. Autrement dit, ils voulaient adopter cette proposition à la hâte et donner l'impression... Au moins, à Terre-Neuve, il y avait eu deux référendums. Il n'y en a pas eu un seul au Québec. Ils nous ont volé nos droits.

M. Dion affirme qu'il est en faveur de cette modification, tout comme notre premier ministre... avant même que les audiences publiques aient commencé. M. Dion affirme qu'il va faire adopter cette modification. Il est évident que tout cela n'est qu'une façade. Le rapport disant qu'ils sont d'accord est-il déjà écrit? Tout cela n'est-il qu'une façade? Tout cela est si peu démocratique que j'en suis malade.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Je ne voudrais pas contrevenir à vos règles. Je n'ai pas une question pour un témoin en particulier, mais plutôt le goût d'échanger rapidement un petit peu sur la façon dont je me sens face à l'exercice qu'on vit ce soir.

Je suis très heureux des témoignages que Mme LeMay et Mme Nolet ont faits, mais pour le reste, j'ai une déception que je voudrais partager. Je crois qu'il y a quelque chose de sacré et que je suis prêt à reconnaître comme citoyen, et cela s'appelle les convictions religieuses des gens.

Ce avec quoi j'ai plus de difficulté, c'est quand on pense que sa religion à soi est supérieure. Quand vous vous présentez devant nous, que vous parlez de génocide culturel, que vous dites qu'on n'est pas responsables, qu'on fait mal notre travail et que vous questionnez la légitimité des gens qui sont élus, je ne trouve pas que c'est faire preuve d'une grande ouverture d'esprit et je me demande en quoi c'est conforme aux principes de vie que, comme chrétiens, vous pensez appliquer dans vos vies.

En terminant, je veux vous dire trois choses. Chacun, dans la vie, a le droit d'avoir ses convictions religieuses, et je n'ai jamais remis cela en cause. Il y a eu, au Québec, une consultation qui, à quatre reprises, a permis à différents groupes, dont un certain nombre de vos représentants, de se faire entendre. Non seulement il y a eu une consultation, mais il y a une coalition, à laquelle vous êtes libre de ne pas adhérer, et des gens qui se sont présentés devant nous, au cours de nos travaux, qui représentent 2 millions d'individus.

Quant aux droits des minorités, je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Cela ne peut être conditionnel au poids de la majorité. J'aurais aimé ce soir que vous m'expliquiez en quoi... Ce n'est pas vrai qu'un droit acquis est un argument parce que, dans la Constitution de 1867, les femmes n'existaient pas. Il y a plein d'anachronismes, car les sociétés et les constitutions évoluent.

S'il y en a parmi vous ce soir qui, au-delà de l'argument du droit acquis, pensent que leur bon Dieu est supérieur au mien, qui sont capables de me convaincre de refuser de l'amendement, je suis prêt à les écouter. Mais je prétends qu'au niveau de cet exercice-là, un certain nombre d'entre vous sont passés à côté. Je le dis en toute amitié.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ménard.

La sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je vous remercie pour les témoignages que vous avez rendus ce soir. Je sais que c'est d'autant plus difficile que, dans le monde aux convictions assez chambranlantes qui nous entoure, il faut avoir des convictions profondes pour s'affirmer comme vous l'avez fait.

Je voudrais vous poser une question. Je suis certaine que ce n'est pas hier ou aujourd'hui que vous avez pensé à vos présentations. Vous avez l'impression de ne pas avoir été consultés. Je vois que pour le député d'Hochelaga—Maisonneuve, M. Ménard, les 2 millions auxquels il a fait allusion sont les étudiants.

M. Réal Ménard: C'est la coalition. Les 43 groupes représentent 2 millions de personnes.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Lavoie-Roux, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Plus concrètement, je veux vous demander si, en préparant votre mémoire ou lors de discussions que vous avez eues entre vous, des prêtres vous ont aidés dans votre réflexion. Est-ce qu'ils ont pris position dans vos paroisses respectives ou s'ils sont, comme on dit en Québécois, totalement absents du portrait?

• 1955

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Lavoie-Roux, pourriez-vous indiquer à qui vous adressez votre question?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je pense qu'elle s'adresse à qui voudra répondre.

[Traduction]

Mme Brenda Donnelly: Je le ferai. Personne ne m'a aidé à préparer mon mémoire. Je suis venue ici parce que ce que vous faites n'est pas bien.

Le jeune homme qui est assis un peu plus loin à la table l'a dit—lorsqu'on donne le vote aux femmes, cela ne change pas par la suite.

Pourquoi sommes-nous ici? C'est un droit inhérent.

[Français]

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mon collègue d'Hochelaga—Maisonneuve a dit que les femmes n'existaient pas juridiquement en 1867, mais quand on les a fait entrer juridiquement, on n'a rien enlevé aux hommes. Mais là, il est fort possible qu'on enlève quelque chose au plan confessionnel.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Un instant. M. Paradis va répondre.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Paradis.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: On enlève les garanties, on enlève les garanties.

M. Roland Paradis: Je suis un peu déçu. Je ne me sens pas du tout dans un pays démocratique actuellement, parce que M. le député m'accuse, sans que j'aie le droit de répondre, de prétendre que ma religion est supérieure à la sienne ou à n'importe quelle autre. C'est très faux. Je n'ai jamais dit cela et je ne le dirai jamais.

Je suis venu au monde dans cette religion-là, avec des bons principes, des bonnes valeurs. J'ai des défauts et je suis certain que j'ai déjà péché, mais j'ai vécu dans différents pays, j'ai côtoyé des religions, des gens différents et, dans ces pays-là, il nous est complètement interdit de pratiquer ouvertement notre religion, alors qu'ici

[Traduction]

nous avons fait beaucoup d'efforts

[Français]

pour plaire à tout le monde. Cela ne me dérange pas, mais quand on veut enlever ce pourquoi nos ancêtres ont travaillé, dans leur foi, dans leur espérance d'avoir une meilleure vie, un meilleur pays, sans nuire aux autres, sans détruire les autres, sans s'imposer aux autres, je ne l'accepte pas. Ce n'est pas démocratique.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci de votre précision.

Sénateur Beaudoin.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): M. Picard veut parler.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Brièvement, monsieur Picard.

M. Gérard Picard: Actuellement, et c'est le grand problème, on compare une société chrétienne globale, au Québec, à du paganisme, à une sorte d'athéisme pratique, d'où est issu, dans les années 1960—madame en a parlé plus tôt—le rapport Parent. J'ai entendu dire qu'on essayait d'aller chercher des professeurs en France et qu'on s'assurait qu'ils étaient bien athées avant de les engager. Je n'ai pas fait la recherche sur cela, mais on est passés de cette étape-là à cette histoire de paganisme.

Nos jeunes perdent le contact. Entre les grands-parents, les parents et les petits-enfants, le contact se perd. On disait qu'il y avait 8 p. 100 de pratique dans les églises. C'est vrai, c'est officiel, mais les jeunes de 20 à 35 ans ne sont plus là. La dissolution de notre société fait qu'on se retrouve avec des enfants qui, tout à coup, se retrouvent avec une clef ou qui se retrouvent, à 13 ou 14 ans, désespérés, et c'est le suicide. On vit cela tous les jours ou presque.

Dans mon milieu, tout près de chez moi, à Longueuil, il y a quatre jeunes qui sont partis l'autre jour, et cela va en s'accentuant.

De plus, du point de vue démographique, au Québec, on s'aperçoit que la démocratie a un peu une corde serrée au cou. Je viens de quitter Montréal et je n'ai pas le goût d'y retourner. J'aurais le goût d'aller prendre de l'air frais dans l'Ouest canadien, tellement cela commence à être étouffant au Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Picard.

Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ma question s'adresse à Mme Gibeault. Vous avez dit que vous aviez changé d'idée. Vous étiez pour telle école de pensée et, à un moment donné, vous avez changé d'idée. C'est intéressant et j'aimerais bien savoir pourquoi. Lorsque les gens défendent leurs idées, comme le droit de pratiquer une religion, etc., je pense qu'on est tous d'accord. C'est un droit sacré de pratiquer la religion de son choix ou de ne pas avoir de religion, parce que la Cour suprême a dit que les deux étaient dans la Constitution canadienne. J'aimerais savoir pourquoi vous avez changé d'idée.

• 2000

Mme Marie Gibeault: Dans les années 1970, l'accent était mis sur la formation des maîtres. On incitait les futurs parents—les professeurs étant souvent de futurs parents—à ne pas enseigner à leurs enfants à lire, à écrire ou à compter avant de les envoyer à l'école. Cela se passait à l'Université d'Ottawa. C'était un petit truc d'amis qu'on nous donnait.

Surtout, disait-on, ne leur montrez pas à prier, ne leur enseignez rien de religieux à la maison parce qu'ils vont se trouver tout chamboulés, une fois rendus à l'école. En 1977, étant donné le cheminement que j'avais fait, j'ai conservé cette mentalité.

Par contre, j'entendais aussi dire qu'on ne pouvait pas seulement établir des écoles françaises ou anglaises. Il y a une raison pour qu'existent des écoles catholiques et protestantes au Québec, des écoles séparées en Ontario, etc. Cela me mettait la puce à l'oreille et, à mesure qu'avançait ma formation personnelle, divers éléments entraient en jeu.

Je pourrais donner des exemples concrets, mais je ne voudrais pas que ce soit interprété comme de l'agressivité que je nourrirais contre une personne de telle nationalité ou de tel groupe ethnique. Je dirai plutôt qu'ici, au Canada, le christianisme a connu une importance telle qu'il a contribué à établir notre ordre social; c'est fondé sur l'amour.

Dans d'autres pays, c'est un autre principe qui dirige la société. Il y a des sociétés où c'est la haine qui mène, des sociétés où c'est le principe du «oeil pour oeil, dent pour dent» qui s'applique. Il existe différentes philosophies suivant les pays.

Le Canada s'est bâti autour de l'idée d'amour, du don de soi. Si on enlève l'article 93, j'ai peur de ne plus reconnaître mon pays. Je me demande alors où j'aimerais habiter si je ne sens plus que le Canada m'appartient.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Gibeault.

Mme Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: J'ai écouté assez attentivement les témoignages. J'ai même entendu ce qui était sous-entendu, soit ce que nous vivons tous une déstabilisation conséquente aux changements sociaux dramatiques qui se produisent, non seulement ici au Québec, mais partout sur la planète.

Il ne faut pas oublier que les changements qu'apporte la mondialisation, que le taux élevé de sans-emploi, l'impossibilité d'entrevoir et de rêver un avenir pour nos enfants comme on pouvait le faire auparavant, toute la nouvelle technologie, que tout cela a beaucoup bouleversé notre société.

Mesdames et messieurs, je vous comprends dans un certain sens; oui, la religion, la foi et l'existence de Dieu sont des concepts de la plus haute importance. Mais ils n'ont pas empêché qu'on ait plus de suicides, plus de divorces, de femmes non mariées, de personnes âgées laissées pour compte. Notre société est affectée par toutes sortes de maux, non seulement au Québec, mais partout sur la planète. Il n'en demeure pas moins que sur toute la planète entière, la meilleure place au monde, c'est ici au Canada.

Et j'ajouterai que ce n'est pas seulement au Québec. Quand je mentionne le Canada, cela inclut toutes les autres provinces. Ensemble, nous renvoyons l'image d'une bonne vie, du respect d'autrui, du respect de notre petit patelin. Je crois qu'il faut vraiment saisir ce qui sous-tend ce projet de loi qui évolue depuis 30 ans. Il faut comprendre, et j'espère que vous allez le comprendre, que tous ces changements ainsi que l'arrivée de réfugiés et d'immigrants ont fait énormément changer notre société.

Nous essayons de faire face à cette nouvelle société par toutes sortes de tentatives. L'une de ces tentatives est de regrouper les personnes en fonction de la langue, soit le français et ce qui vient dans son sillage, la culture et les expressions, Molière, etc., soit l'anglais qui est une autre culture, celle de Shakespeare, etc. On veut tenter de vivre convenablement ensemble en accordant un respect mutuel à nos différences.

En plus de cela...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Finestone, vous aviez une question?

L'hon. Sheila Finestone: Personnellement, j'ai beaucoup de respect pour tous ces gens. J'ai lu presque tous les documents avant et je les ai écoutés. Je veux qu'ils sachent que tout le monde autour de cette table est aussi inquiet qu'eux, que nous sommes aussi dans nos propres familles bousculés comme eux.

• 2005

Cependant, je ne crois pas que ce soit à cause de ce qui se passe sur le plan religieux dans les écoles. Les valeurs qu'on a, comme Canadiens et Canadiennes, sont exprimées dans la Charte, que ce soit celle du Québec ou celle du Canada. Là-dedans sont exprimées des valeurs de respect des différences, etc. Je crois qu'il faut avoir un peu plus confiance. Vos prêtres, les personnes qui enseignent la morale...

[Traduction]

Je crois que c'est la façon dont vous prononcez le mot moral. Est-ce bien le bon mot?

[Français]

Donc, ces gens veulent aussi servir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pourriez-vous accélérer un peu, madame, parce que d'autres personnes aimeraient aussi intervenir dans le débat.

L'hon. Sheila Finestone: Je le sais. Ce que je veux vous expliquer, c'est que le projet de loi ne porte pas sur la protection. Il ne touche que les petites minorités. L'article 93...

[Traduction]

Dites-le en français pour moi, s'il vous plaît. Dites-leur ce que cela ne protège pas.

Je voudrais que vous compreniez que si nous supprimons l'article 93, ce qui nous inquiète quelque peu... mais malgré l'article 93, les commissions scolaires ne sont pas protégées.

[*Français]

Ils ne sont pas protégés maintenant.

Language rights are not protected.

[Français]

Il n'y a pas de protection, ni pour l'anglais ni pour le français. J'ai de la peine quand j'écoute ces personnes...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Finestone.

Monsieur Yvon Godin.

M. Yvon Godin: Je vais essayer de m'en tenir à deux minutes. Premièrement, j'aimerais vous remercier de votre présence. C'est vrai que ce n'est pas facile. C'est vrai qu'on a l'impression que les décisions sont prises à l'avance. Ce n'est pas drôle pour vous. Tout à coup, on entend le ministre Dion définir notre mandat et déclarer que c'est ce qu'il veut faire. C'est vrai que ce n'est pas facile.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il a surtout dit qu'on allait tenir des audiences mais qu'il ne changerait pas d'idée.

M. Yvon Godin: Je voudrais exprimer mes préoccupations. Qu'on le veuille ou non, il faut que nous prenions une décision. Quand on doit prendre une décision, on doit dire oui ou non. C'est le pouvoir qu'on a. Nos recommandations ne sont pas encore faites, mais qu'elles soient suivies ou non, il faudra les voter quand même.

Qui est le mieux placé pour enseigner la religion à nos enfants? Est-ce que ce ne sont pas les familles elles-mêmes, avec l'aide de l'Église, plutôt qu'un professeur, qui n'est peut-être même pas intéressé? Nous ne pouvons même pas contrôler cela. Je vous déclare que je n'ai pas encore pris de décision à ce sujet. Je puis vous l'affirmer.

Je veux simplement vous dire que pour un individu, ce n'est pas facile, surtout quand on voit ce qui se passe aujourd'hui. Chez vous, au Québec, on enseigne la religion dans les écoles, et pourtant vous avez quatre personnes qui se sont suicidées, etc. Pourtant, la religion est présente.

En tout cas, c'est ainsi que je vois les choses et je voulais seulement en faire la réflexion.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Deux personnes vont intervenir sur ce point, Mme LeMay et Mme Nolet.

Madame LeMay je vous écoute.

Mme Denise LeMay: J'ai assisté à une conférence donnée par M. Guy Côté du Comité catholique au Conseil supérieur de l'éducation du Québec. Il nous a informés qu'en septembre 1996, un essai serait fait dans certaines écoles du Québec pour implanter un programme de religion culturelle qui pourrait être appliqué en septembre 1998.

On s'entend assurer, à la télévision et partout, que la religion n'est pas menacée, que si on enlève l'article 93, c'est pour permettre un beau cours de religion culturelle, ce qui semble rassurant. En effet, on pense que cette désignation signifie que la religion sera mise en rapport avec notre culture. Mais, en fait, ce qui se cache derrière cette innovation, c'est que l'enseignement va se pencher sur les autres religions du monde et sur leurs différences. Cela se fera à partir du primaire, s'il vous plaît. Il y a donc du non-dit et cette façon de procéder n'est pas honnête.

Toute la population des parents—vous êtes tous au courant—demande un enseignement religieux catholique à 82 p. 100 au Québec et ce sont eux les contribuables.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Nolet.

• 2010

Mme Johanne Nolet: Ce qui m'inquiète concernant l'éducation religieuse dans les écoles, c'est que déjà, alors que nous avons des écoles confessionnelles, on est constamment obligés—en tout cas moi je le suis—de se battre. Mes enfants reçoivent des valeurs contraires à celles que je veux leur transmettre, dans des écoles dites catholiques. Si on annule le statut d'école confessionnelle, quelles seront les valeurs transmises aux enfants?

Pour ma part, j'ai dû lutter avec une école, à un moment donné, parce que, le plan de l'éducation sexuelle, on enseignait des choses sur lesquelles je n'étais vraiment pas d'accord. J'ai pu m'appuyer, vis-à-vis du directeur de l'école, sur l'argument que l'école était catholique et qu'on ne pouvait y enseigner une chose qui allait contre l'enseignement de l'Église.

À ce moment-là, je ne sais pas quelle influence j'ai eue, mais mes enfants ont pu être exemptés de ce cours. Je ne vous dirai pas ce qu'il y avait là-dedans, mais ce n'était vraiment pas en accord avec les valeurs de l'Église, ni avec les miennes.

Si, actuellement, on ne peut plus dire qu'une école catholique ne peut pas enseigner telle chose, qu'est-ce qui va me rester à moi pour mes enfants? C'est cela, ma question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame. Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, peut-être que je ne devrais pas jeter mon alma mater dans le débat. Mais je me sens quand même une légère obligation, vis-à-vis de l'Université d'Ottawa, de rectifier un peu les choses, étant le produit de cette université.

Je ne partage aucunement les propos que j'ai entendus ce soir de la part d'un témoin à propos de l'université. Chacun a droit à sa propre opinion sur ce point. Je vais respecter la vôtre, mais je ne la partage pas. Je voulais en témoigner pour mon alma mater.

Eh oui, j'ai pris de mon temps, madame, parce que ma question est très courte. Elle s'adresse à Mme LeMay. En passant, madame LeMay, je vous remercie de vos commentaires sur la sincérité des membres du comité et je crois qu'on a pu percevoir de vous également une assez grande sincérité dans votre présentation.

Mme Denise LeMay: Merci.

M. Mauril Bélanger: Vous dites quelque chose qui pourrait être interprété d'une façon qui se retournerait contre vous ou contre ce que vous tentez de défendre. En fin de compte, ce qu'on tente de déterminer en partie, ici au comité, c'est s'il existe ou non un consensus au Québec sur cette motion pour amender l'article 93.

À la page 3 de votre présentation, au dernier paragraphe, vous dites que dans votre propre entourage, il existe une tension comme dans toute la société. Vos parrains, vos marraines, vos amis, les membres de votre famille, vos voisins ne partagent pas votre inquiétude. Avec tout le respect que je vous dois, cela m'indique qu'il y a des gens dans votre propre entourage qui partagent le consensus dont on essaie de nous convaincre.

Mme Denise LeMay: Ce que j'ai à répondre à cela, c'est qu'il existe une réelle conspiration dans tout le système d'éducation actuel. J'en ai été témoin lors de l'expérience que j'ai vécue au comité d'école. Il y a des personnes qui sont politisées, qui ont du pouvoir au niveau du gouvernement, des médias, et probablement de l'Église, à tous les niveaux de pouvoir dans notre société, qui utilisent leur pouvoir pour tromper la population, pour lui faire croire que la religion n'est pas menacée si on amende l'article 93.

En plus de cela, on tente de nous faire croire que l'opération concerne les commissions scolaires linguistiques, quand on sait très bien que ce n'est pas vrai. Il y a toutes sortes de choses qui se cachent derrière cette demande d'amendement-là, qu'on tente de nous faire croire et qui sont fausses.

La population du Québec a été complètement trompée, complètement tenue dans l'ombre, loin de la vérité. Quels espoirs nous reste-t-il de bâtir un monde meilleur pour nos enfants, quand il y a une réelle conspiration de nos dirigeants et de tous les gens qui ont du pouvoir, à plusieurs niveaux de notre société, quand toutes ces personnes utilisent leur pouvoir pour nous maintenir dans l'erreur et dans le mensonge?

M. Mauril Bélanger: Même chez les évêques?

Mme Denise LeMay: Je ne peux pas parler au nom des évêques. C'est à vous de juger.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Un commentaire additionnel de Brian Jewitt.

M. Brian Jewitt: Je voudrais prendre quelques secondes pour revenir sur ce que j'ai dit plus tôt. J'accuse les gens qui cherchent à conserver l'instruction religieuse dans les écoles d'être des voleurs.

• 2015

En effet, ils volent le temps de mes enfants et des enfants des autres. Pourquoi ne pas chercher à enseigner La critique de la raison pure d'Emmanuel Kant, comme ils le font en Norvège, où les gens peuvent, à l'âge de 18 ans, décider eux-mêmes s'ils veulent être religieux? Alors, ce sont des voleurs. C'est tout.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

Madame Hotte.

Mme Marie-Anne Hotte: Dans ce qu'on a dit, il y a du vrai. Moi, je suis pour l'évolution mais pas pour la démolition. Quand on nous dit que nos évêques ou d'autres personnes en autorité... C'est comme si on demandait à des enfants qui se promèneraient sur la rue, délaissés par leurs parents, ce qu'ils font là. C'est comme leur dire que leurs parents ne s'occupent pas d'eux. Ces pauvres enfants, que voulez-vous qu'ils répondent? Leurs parents ne s'en occupent pas. C'est bien assez, sans qu'on décide de ne pas aller à leur secours.

M. Mauril Bélanger: Je demande qu'on respecte les membres du comité aussi.

Mme Marie-Anne Hotte: On demande le secours du Sénat et de la Chambre des communes. On vous demande un secours. C'est parce que nous sommes abandonnés, et vous le savez. Je regrette, mais c'est cela, le phénomène.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Hotte.

Brenda Donnelly.

[Traduction]

Mme Brenda Donnelly: Deux choses. Je crois que Denise LeMay dit exactement la même chose que nous. Nos écoles sont en train d'être prises en main par le secteur politique jusqu'au palier régional, jusqu'aux groupes de parents, jusqu'à la région.

Nous sommes un comité qui regroupe des régions du Québec. Je sais. J'ai travaillé dans une école pendant 30 ans. C'est la première école qui ait décroché et l'année dernière c'était son dixième anniversaire et nous avons vu passer près de 10 000 enfants. J'ai donc lutté contre le système scolaire et je sais ce que c'est. Dans certaines écoles, il y a des groupes qui sont très politisés.

Mais je voudrais que l'honorable Sheila Finestone m'explique ce qu'elle veut dire lorsqu'elle affirme que cela fait 30 ans que cela se prépare, cette nouvelle chose qui touche la Charte des droits. Parlez-vous de l'accord de Charlottetown qui a été rejeté, de l'accord du lac Meech? Êtes-vous en train de faire la même chose?

L'hon. Sheila Finestone: Non. Je parlais de...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vais considérer cela comme un commentaire et passer à la prochaine intervention, celle de Marlene Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Bonsoir, tout le monde. Premièrement, j'aimerais m'excuser auprès de ceux et celles dont je n'ai pas pu entendre la présentation. Je peux toutefois vous dire que tous les mémoires qui ont été déposés par certains d'entre vous, je les ai lus et j'en ai pris connaissance.

Je dois vous saluer et souligner que vous êtes très courageux. C'est vraiment un acte de courage que de venir devant une instance parlementaire, un comité mixte du Sénat et de la Chambre qui relève du Parlement, afin d'y défendre vos idées. Vous êtes certainement des citoyens ordinaires et ce n'est pas une action que vous avez à faire tous les jours, contrairement à certains témoins que nous avons déjà eu le plaisir ou le non-plaisir d'entendre ici et qui ne font que des présentations devant des comités.

Toutefois, je dois dire à tous ceux dont j'ai lu le mémoire ou que j'ai eu l'occasion d'entendre, que je ne partage pas votre point de vue. Je dois vous dire que l'article 93 de la Constitution, même s'il était maintenu, ne serait pas une garantie religieuse pour la majorité. Cela a été très clairement dit ici par plusieurs experts. C'est une garantie religieuse sur le territoire de l'île de Montréal, pour la ville de Montréal, sur l'île, même pas pour toute l'île de Montréal, seulement sur le territoire de la ville de Montréal et celui de la ville de Québec.

Il existe actuellement et historiquement des commissions scolaires qui se disent catholiques, mais il n'y a rien dans notre Constitution, ni de 1867 ni de 1982, qui les protège, sauf dans la ville de Montréal et la ville de Québec. Il y a un droit à la dissidence dans les autres régions, qui ne s'appliquerait pas aux catholiques étant donné qu'il y sont majoritaires.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Jennings.

• 2020

Une dernière et courte intervention de la part de M. Peter Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Merci beaucoup.

J'aurais une question pour Charles Ward. Certains affirment que l'article 93 ne vise pas les droits des minorités, et pourtant cette disposition fait manifestement référence aux minorités et aux dissidences, ce qui veut dire une absence de majorité ou de minorité. J'ai examiné des clauses de contrats toute ma vie. Je ne suis pas avocat mais lorsque je vois des mots imprimés dans un document qui dit quelque chose et qui donne une certaine interprétation, je sais que ces mots ont un sens.

On m'affirme ici que c'est la première fois dans l'histoire du Canada qu'on modifie la Constitution pour réduire les droits des minorités. Je me demande si vous ne pensez pas qu'il serait préférable de mettre en place ces réformes dans le domaine de l'éducation en améliorant l'article 93, en le renforçant, comme l'ont fait les rédacteurs originaux. Ils ont élargi l'article 93. Ils ont rédigé la Constitution. Au lieu de supprimer les paragraphes (1) à (4), ne serait-il pas préférable d'étendre cet article et de le modifier? Est-ce bien ce que vous pensez?

M. Charles Ward: Oui.

Tout d'abord, je tiens à vous dire que je suis ici parce que j'ai été voir un commissaire d'école pour qu'il m'explique ce que voulaient dire ces changements. Il m'a dit que si je voulais le savoir il fallait que je vienne devant votre comité. Me voici donc. En fait, je n'ai pas beaucoup aimé son attitude.

Je pense que l'on devrait renforcer et améliorer l'article 93. L'article 93 parle clairement de «sujets». Les commissions scolaires sont des sujets. On y retrouve le mot «sujets». L'expression «classe de personnes» y figure. Il est possible de définir et d'élargir cette classe de personnes pour qu'elle soit aussi vaste que nous le souhaitons.

J'estime qu'il convient de renforcer l'article 93. Je ne pense pas que l'on puisse supprimer un droit comme celui de l'article 93 sans tenir un référendum, sans demander l'avis de la population. Nous avons ici un gouvernement qui a présenté un projet constitutionnel global il y a deux ans et qui a été rejeté par la population. On nous présente aujourd'hui un changement constitutionnel mais sans nous demander notre avis.

Personne n'est venu m'expliquer en détail ce projet. Je suis ici. J'ai entendu beaucoup de gens dire qu'ils représentaient 250 000 personnes, 150 000 personnes. Je représente plus de 5 millions de personnes. Ce sont les électeurs du Québec. Je ne représente pas un sous-ensemble des 250 000 personnes mentionnées par les autres groupes qui étaient ici. Ce sont eux qui sont des sous-ensembles du groupe de 5 millions que je représente.

M. Peter Goldring: Monsieur Ward, pensez-vous qu'il conviendrait peut-être de soumettre toute cette question constitutionnelle aux tribunaux du Canada; qu'il conviendrait de leur demander leur opinion?

M. Charles Ward: Franchement, je préférerais que l'on consulte la population. Il y a une chose que je pense... Si vous le permettez, je ne suis pas souvent d'accord, si vous voulez bien m'excuser, avec les séparatistes mais je suis d'accord avec eux lorsqu'ils disent que c'est la population et les assemblées législatives et non pas les tribunaux qui doivent prendre les décisions politiques.

J'aimerais que nos législateurs demandent l'avis de la population. Vous seriez peut-être surpris. Ils seraient peut-être d'accord avec vous.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ward. Je voudrais vous remercier toutes et tous pour votre présentation devant le comité. Merci à toutes et tous au nom de tous les membres du comité pour votre participation à la démocratie.

Nous allons recevoir le Congrès des peuples autochtones représenté par Harry Daniels. Merci beaucoup. Nous suspendons la séance pendant une minute, le temps que M. Daniels puisse s'installer.

• 2024




• 2027

Le coprésident (M. Denis Paradis): Votre attention, s'il vous plaît. Nous reprenons la séance du Comité mixte spécial suivant l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Suite à la présentation d'hier soir, nous avons reçu une demande du Congrès des peuples autochtones, représenté par M. Harry Daniels, pour compléter la présentation d'hier soir. On va tenter de le faire le plus rapidement possible, avec l'aide de M. Daniels et la vôtre, chers collègues.

Monsieur Daniels.

[Traduction]

M. Harry W. Daniels (président, Congrès des peuples autochtones): Je suis ici pour vous présenter l'opinion du Congrès des peuples autochtones.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pardon?

M. Harry Daniels: Je n'ai pas été ajouté à la liste des personnes d'hier soir, à M. Chalifoux. Je représente le Congrès des peuples autochtones.

Le coprésident (M. Denis Paradis): On nous a dit que vous vouliez ajouter certains éléments à ce qui nous avait été présenté hier soir.

M. Harry Daniels: Oui. Pour les appuyer.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oh, pour les appuyer. Très bien.

Pouvez-vous faire cela en cinq minutes? Cela donnera aux membres du comité la possibilité de vous poser des questions. Allez-y, monsieur Daniels.

M. Harry Daniels: Merci, monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du comité d'avoir bien voulu ajouter notre congrès à la liste des témoins et ce, avec un préavis très court. J'apprécie beaucoup que vous nous ayez offert cette possibilité malgré un horaire très chargé.

La dernière fois que je me trouvais dans cette salle, c'était pour rencontrer M. MacEachen et les députés libéraux. Ils ne nous ont pas donné ce que nous demandions à l'époque et nous avons été obligés d'occuper la salle. J'espère que nous n'aurons pas à le refaire.

Des voix: Oh, oh!

M. Harry Daniels: J'aimerais vous présenter M. Bob Groves, que vous avez rencontré hier soir et mon assistante, Lorraine Rochon.

Vous avez notre mémoire de six pages devant vous. Je vais parler de plusieurs aspects. J'ai dû prendre la parole un peu plus tôt et je vais donc être bref.

• 2030

Le Congrès des peuples autochtones est un organisme national qui représente plus de 800 000 Indiens et Métis qui vivent dans des centaines de collectivités du Yukon jusqu'à Terre-Neuve. Au Québec, le CPA représente à l'échelon national plus de 40 000 Indiens et Métis qui sont regroupés au sein de l'Alliance autochtone du Québec. Le CPA est en outre un des quatre organismes nationaux qui a le mandat et le pouvoir de représenter les Autochtones lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution ou de participer à des négociations intergouvernementales.

Pour vous donner un aperçu de l'activité constitutionnelle de nos organismes, je vous dirais que nous avons participé à six des neuf conférences des premiers ministres qui ont été tenues depuis 1982. Des progrès ont été réalisés au cours de six de ces conférences et une modification a été adoptée en 1983. Les trois conférences dont nous avons été exclus ont toutes abouti à un échec pour cette raison.

Le CPA s'oppose à ce que l'on abandonne le principe voulant que les Autochtones participent sur un pied d'égalité aux négociations constitutionnelles qui peuvent modifier leurs droits. Si ces modifications ne doivent pas modifier nos droits, il faut qu'elles le précisent et qu'elles le déclarent expressément. Prenons l'exemple du texte juridique de l'accord de Charlottetown—et je vais vous le lire dans un moment—vous voyez toutes les dispositions de non-dérogation qui figurent dans les modifications qui ne semblent pas concerner directement les Autochtones. Cet accord a été conclu il y a moins de cinq ans mais il a déjà été changé.

La peur de voir ces réformes avorter ont amené les gouvernements à mettre de côté les mécanismes prévus. Nous avons un gouvernement séparatiste à Québec qui essaie d'amener le Parlement à se retirer du domaine de l'éducation dans le but de faire un précédent et c'est un précédent très dangereux. Nous sommes d'accord avec les arguments présentés par l'Alliance autochtone du Québec au sujet des cinq problèmes qu'elle a signalés.

Nous estimons que la principale menace que pose cette modification est le recours à l'article 43. Cette inquiétude s'explique pour trois autres raisons. Tout d'abord, l'article 43 n'a pas été conçu pour modifier les pouvoirs du Parlement. Les pouvoirs du Parlement sont un sujet d'importance nationale. C'est une question qui intéresse de façon légitime tous les législateurs et c'est pourquoi il faut recourir à la formule générale de modification. Terre-Neuve n'est que l'exception qui confirme la règle. L'article 93 ne répond pas au critère de l'article 43.

Deuxièmement, les Indiens, quel que soit leur statut, possédaient des systèmes d'éducation au Québec au moment de l'union et ces écoles étaient confessionnelles. Il s'agissait d'écoles dont ils s'occupaient eux-mêmes ou d'écoles qui étaient tenues par divers ordres religieux en vertu d'ententes conclues avec le commissaire des Affaires indiennes ou avec la Compagnie de la Baie d'Hudson dans la terre de Rupert. Si la modification est adoptée telle quelle, sans disposition de non-dérogation, elle fera perdre aux Indiens leur droit de présenter des pétitions au Parlement.

Enfin, certains ont affirmé que l'article 35 et l'article 91.24 protègent tous les droits autochtones des répercussions que pourrait entraîner le retrait du Québec des paragraphes 93(1) à 93(4). Si cela est vrai, pourquoi le gouvernement fédéral ne le dit-il pas? Et si Ottawa ne le dit pas, vous allez être obligé d'ajouter une disposition de non-dérogation ou d'adopter une modification complémentaire.

Pour terminer, on vous a signalé des dangers graves et précis. Notre organisme affilié, l'Alliance autochtone du Québec, considère que les droits de ses membres vont être touchés. Vous pourriez au moins soumettre la question aux tribunaux. Québec cherche à obtenir un accord bilatéral qui constituera un précédent. C'est ce qui figure dans sa propre résolution; le Parlement devrait donc rectifier la situation.

Nous savons ce que recherche le gouvernement du Québec. La vraie question est celle des devoirs du Parlement dans ce domaine. Pour le CPA, vous avez trois choix: le premier, recourir à la procédure de l'article 38; deuxièmement, si vous invoquez l'article 43, il faut inclure une disposition de non-dérogation ou incorporer dans la résolution du Parlement une disposition précisant que la modification n'a aucun effet sur les droits des Autochtones et sur les pouvoirs du Parlement de les mettre en vigueur; troisièmement, adopter une modification complémentaire à la résolution du Québec.

• 2035

Quelle que soit la solution retenue, vous devez à tout le moins indiquer clairement que vous ne voulez pas causer quelque préjudice que ce soit. C'est pourquoi vous devez inclure dans la résolution une disposition indiquant que cette modification ne changera en rien les droits des Autochtones du Québec, que ce soit en matière de protection du droit aux écoles confessionnelles ou à d'autres droits, ou que le gouvernement fasse publiquement une déclaration dans ce sens.

Il convient de noter que, lorsqu'on a voulu apporter des changements importants à la Constitution, comme pour Meech Lake... le premier ministre et le gouvernement libéral de M. Bourassa ont tenu des audiences. Je crois savoir qu'il n'y a pas eu d'audiences au sujet de l'article 93 et que cela va modifier de façon importante la Constitution du Canada.

Je vais vous lire une clause de non-dérogation générale qui figurait dans le projet d'accord de Charlottetown et qui avait été acceptée par tous les gouvernements. On a ajouté ces dispositions de non-dérogation à la fin de la Constitution pour protéger les droits des Autochtones mais l'article 127—qui a été adopté après un vote—énonce:

    Pour plus de certitude, sauf dans la mesure où les peuples autochtones concernés y consentent, aucune disposition mentionnée au paragraphe (2), ni aucune entente conclue aux termes d'une disposition du paragraphe (2) n'a pour effet d'abroger ou de restreindre

      (a) le pouvoir législatif attribué au Parlement du Canada par la catégorie 24 de l'article 91, compte tenu de l'article 91A, tel que modifié par l'article 95E;

      (b) la responsabilité fiduciaire fédérale envers les peuples autochtones;

      (c) les droits et libertés autochtones, issus de traités ou autres qui concernent les peuples autochtones du Canada, y compris

        (i) les droits et libertés reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre 1763,

        (ii) les droits et libertés découlant des ententes relatives à des revendications foncières ou qui pourraient découler d'ententes futures;

        (iii) le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale mentionné dans l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 ainsi que les pouvoirs et les compétences énoncés dans les ententes relatives à l'autonomie gouvernementale, et

        (iv) les droits et libertés concernant l'exercice ou la protection de leurs langues, de leurs cultures ou de leurs traditions.

L'éducation n'a pas été abordée expressément mais on peut dire qu'elle fait partie de nos cultures.

    (2) Cet article s'applique aux dispositions suivantes:

      (a) l'alinéa c) de la clause 10 de l'article 92 et à la partie de l'article 92 qui suit la clause 16;

      (b) la classe 12A de l'article 92;

      (c) les articles 92B à 92D;

      (d) les articles 93A à 93D;

      (e) les articles 95A à 95D;

      (f) l'article 95E;

      (g) l'article 106A;

      (h) l'article 126A.

C'est pourquoi je demande au président et aux membres du comité s'ils pensent que ces gens ont agi de façon frivole? Non, parce qu'ils ont vu et compris que pour tenir compte de ce qui pourrait se produire à l'avenir, si l'on voulait protéger les peuples autochtones du Canada et préserver la responsabilité fiduciaire que le gouvernement a envers eux, il fallait inclure des dispositions de non-dérogation dans l'accord de Charlottetown aux endroits appropriés, lorsque les clauses de l'accord risquaient d'avoir un effet sur les droits ancestraux et issus des traités des autochtones du Canada.

En fait, l'article 93 et les changements proposés vont eux-mêmes être modifiés. Est-ce là un dangereux précédent pour le Québec dans la mesure où cela lui permet de se retirer de certains domaines? Si l'on établit ce précédent sur le dos des autres Québécois et, dans notre cas, sur celui des Autochtones, vous aurez rendu un mauvais service non seulement à notre peuple mais également au peuple du Québec et au système politique du Canada.

Merci beaucoup.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, monsieur Daniels. Monsieur Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Merci beaucoup, monsieur Daniels.

Pensez-vous que cette résolution une fois adoptée risque de porter atteinte aux droits que vous reconnaît la Charte et qu'il faudrait tenir une conférence constitutionnelle conformément...? Autrement dit, cette modification aurait-elle pour effet de déclencher l'alinéa 35 a) de la Charte et d'imposer la tenue d'une conférence constitutionnelle? Est-ce ce que vous pensez?

• 2040

M. Harry Daniels: Si l'on utilise la formule de modification de l'article 38, oui. Je suis en train de consulter mon assistante ici.

M. Peter Goldring: La suppression des paragraphes (1) à (4) de l'article 93. Merci.

M. Harry Daniels: Oui.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je me souviens que nous avons parlé de cela et d'autres propositions, je crois que c'était à l'époque du lac Meech. Je me souviens de cette discussion.

Il y a beaucoup d'avocats qui estiment que l'article 35 protège les droits des Autochtones et qu'à strictement parler, il n'est pas nécessaire d'insérer une disposition dérogatoire.

Votre message est très clair. Vous ne souhaitez prendre aucun risque et c'est par prudence que vous tenez à ce que l'on ajoute une modification complémentaire à la modification principale.

M. Harry Daniels: Nous avons toujours jugé bon, monsieur, de demander ce genre de protection, pour plus de certitude.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est exact.

M. Harry Daniels: Regardez ce qui s'est passé avec le Canada. Vous savez que nos droits ancestraux et issus de traités ont été abrogés, violés, supprimés de toutes sortes de façons.

Si l'on continue de cette façon—et cela semble peut-être sans danger—et que l'on nous dise que l'on va faire ceci, que ça ne touchera pas grand-chose alors que cela en fait touche beaucoup de choses. Cela établit de dangereux précédents pour la procédure parlementaire. Vous comprenez cela mieux que n'importe qui. Je sais que vous participez depuis des années aux discussions constitutionnelles.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, c'est ce que j'appellerais une disposition qui vise à introduire une plus grande certitude.

M. Harry Daniels: Oui.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Cela ne peut pas faire de mal.

Je crois que vous êtes de toute façon très bien protégés mais vous voulez une protection supplémentaire...

M. Harry Daniels: Pour plus de certitude.

Le sénateur Gérald Beaudoin: ... une disposition qui introduit une plus grande certitude.

M. Harry Daniels: M. Groves pourrait peut-être compléter ces remarques, si vous le permettez, à titre de réponse supplémentaire.

M. Robert Groves (Congrès des peuples autochtones): Sénateur Beaudoin, nous avons eu une discussion sur une question semblable hier soir et je crois que vous êtes très très près de comprendre exactement la nature de notre préoccupation; il s'agit d'obtenir davantage de certitude, en particulier si l'on utilise l'article 43.

Évidemment, si l'on n'utilisait pas l'article 43, nous ne réagirions pas si vivement. Mais si l'on utilise l'article 43, il faut s'assurer qu'il s'agit bien d'une modification qui permet d'utiliser l'article 43. Si c'est bien le cas, ajoutons-y une disposition de plus grande certitude.

Je faisais de la recherche aujourd'hui et j'ai parlé à vos anciens collègues de l'Université d'Ottawa—des historiens. J'ai fait la liste des personnes avec qui j'avais parlé et elle contient beaucoup de noms. Cornelius Jaenen est une des personnes à qui j'ai parlé du régime français et des lois en vigueur au Québec au moment de l'union.

Après avoir parlé à cinq ou six historiens et spécialistes des Affaires indiennes du gouvernement du Canada et de l'extérieur, nous avons rédigé un mémoire qui vous sera transmis demain, qui contiendra des références aux passages des paragraphes 93(3) et (4) qui intéressent des lois en vigueur de l'union, applicables à cette question et qui vous fourniront tous les éléments dont vous avez besoin pour conclure à l'existence d'un danger grave et actuel.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Groves.

Nous allons maintenant passer à Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Je suis très heureuse que le sénateur Beaudoin soit ici et que vous, messieurs Daniels et Groves, ayez précisé la façon dont, d'après vous, nous devrions régler cette question parce que je crains, ne connaissant pas suffisamment bien les droits des Indiens... La seule chose dont je sois sûre est le sens de l'article 31 et je sais qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds mis de côté pour le logement et les écoles dont vous aviez besoin dans les réserves, en raison des femmes qui avaient le droit de retourner dans les réserves et d'être traitées sur un pied d'égalité avec les hommes.

S'il faut insérer une clause de plus grande certitude, cela veut dire qu'il faudrait qu'elle accompagne la résolution ou qu'il faudrait lui ajouter? Comment cela se ferait-il?

M. Robert Groves: Si je peux vous répondre sur ce point, madame Finestone, si vous incorporez une disposition de plus grande certitude dans la résolution, cela constituerait l'équivalent de l'annexe trois du mémoire présenté hier soir—quelque chose du genre. Il suffirait de l'ajouter dans une annexe à la résolution. Cela comporte toutefois un prix politique. Il faudrait que la modification soit adoptée de nouveau par l'Assemblée nationale.

• 2045

L'hon. Sheila Finestone: C'est ce que je voulais...

M. Robert Groves: C'est la raison pour laquelle nous avons proposé hier soir que le Sénat et la Chambre des communes adoptent une résolution complémentaire, une résolution parallèle qui entrerait en vigueur au même moment. L'Assemblée nationale n'aurait pas à reprendre son vote initial. Il faudrait simplement que l'Assemblée nationale, et le Parlement bien entendu, adoptent une résolution complémentaire, une deuxième résolution, qui aiderait à préciser les choses.

L'hon. Sheila Finestone: Les consultations effectuées et l'appui accordés à la modification sont des aspects qui nous préoccupent beaucoup. Avez-vous eu l'occasion, à si brève échéance, de consulter les membres de la collectivité autochtone qui appuient les mesures que vous nous recommandez?

M. Harry Daniels: L'ANQ a fait certaines consultations. En tant qu'organisme national, nous n'avons pas des ressources qui nous permettent de le faire mais cela s'est fait dans la province de Québec.

L'hon. Sheila Finestone: Vous avez donc consulté les Cris, les Mohawks, les autres groupes autochtones, cela comprend-il les Inuits?

M. Robert Groves: L'essentiel de nos préoccupations a été transmis les jeudi et vendredi de la semaine dernière à tous les participants de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, ce qui comprend bien entendu les Cris. Nous avons également transmis ces éléments à Matthew Coon Come, le grand chef des Cris. Nous l'avons envoyé à Makivik, qui représente les Inuits du Nunavik et à d'autres groupes qui s'intéressent peut-être à cette question parce qu'ils ont des problèmes en raison de l'insuffisance des écoles dans les réserves pour leurs propres membres, qu'il s'agisse d'Indiens inscrits, ou dans le cas de l'ANQ, d'Indiens inscrits et non inscrits.

J'ai eu quelques discussions avec des représentants de Makivik. Ils appuient ce que nous essayons de faire. Ils ont toutefois noté que le gouvernement régional Katavik et la Commission scolaire crie sont protégés contre les répercussions possibles de ces modifications à cause de l'entente de revendication foncière qu'ils ont signée. C'est parce qu'ils ont signé un traité. Ce sont les seuls groupes du Québec à avoir signé un traité. Le territoire situé au sud des Cris Naskapi et des Inuits n'est pas visé par des traités.

Le seul aspect qui ne soit pas touché par l'article 93, ce sont les systèmes scolaires situés dans les réserves. C'est ce qui explique que, d'une façon générale, l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador ne s'inquiète guère de ces choses; ils représentent les Indiens vivant dans les réserves. Au risque d'être trop direct, je dirais que l'on s'occupe moins de s'opposer au gouvernement du Québec après que M. Bouchard ait déployé beaucoup d'efforts ces derniers mois pour essayer de démontrer qu'il est un allié précieux des Premières nations, tant sur le plan monétaire qu'autrement.

L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie de ces précisions. Cela m'a été fort utile.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup.

Paul DeVillers.

M. Paul DeVillers: Merci.

Monsieur Daniels, vous avez mentionné à quelques reprises au cours de votre exposé que le fait d'utiliser l'article 43 pouvait créer un dangereux précédent. Le comité a entendu beaucoup de témoignages, et va sans doute en entendre davantage par la suite, sur la possibilité d'utiliser l'article 43.

Pour ce qui est du terme «précédent», il existe des précédents juridiques et des précédents politiques—peut-être que M. Groves peut vous aider là-dessus—mais j'aimerais avoir certaines précisions sur ce qui vous préoccupe dans le cas où le recours à l'article 43 deviendrait un précédent dangereux.

Si j'ai bien compris la position du ministre Dion, il a dit en fait que, si une autre province présentait une demande semblable aux termes de l'article 43, le processus serait déjà rodé: le gouvernement déterminerait s'il s'agit d'une modification souhaitable, si elle est dans l'intérêt public et si les personnes dont les droits sont touchés y sont favorables. Compte tenu des garanties qui accompagneraient les demandes futures, pourquoi craignez-vous que cela devienne un dangereux précédent?

M. Robert Groves: Nous avons pensé à un certain nombre d'exemples. L'exemple le plus clair serait en fait celui qu'a soulevé un membre du Parti réformiste au sujet de la Charte.

L'article 35.1 fait référence à la tenue d'une conférence des premiers ministres à laquelle participeraient les Autochtones et c'est une disposition procédurale contenue dans la Charte. Il y a également une disposition d'interprétation, l'article 25, qui fait référence à la proclamation royale et aux autres droits et libertés. La proclamation royale ne fait pas véritablement partie de la Constitution, n'est-ce pas? On pourrait donc la modifier, on pourrait essayer. Si cela se produisait, le Québec ou une autre province pourrait alors déclarer que la proclamation royale ne s'applique plus au Québec. Cela reviendrait à une modification visée par l'article 43, si l'on établit ce précédent.

• 2050

La proclamation royale ne figure dans aucune disposition si ce n'est à l'article 25. On en fait simplement mention. C'est une disposition à laquelle il est fait référence dans la Constitution. À cause de sa nature, la proclamation royale s'applique de façon différente selon la province concernée. Elle ne s'applique pas dans certaines provinces mais s'applique dans d'autres. Québec pourrait simplement dire utilisons l'article 43 pour formuler la façon dont la proclamation royale s'applique à notre province. La proclamation royale contient, vous le savez, des protections relatives aux établissements créés par voie de traités.

M. Paul DeVillers: Mais je crois que le ministre a déclaré au comité que dans un tel cas, le gouvernement se demanderait s'il s'agit d'une modification souhaitable, et s'il est dans l'intérêt public de l'adopter? Si elle ne répond pas à ce critère, elle n'aura pas valeur de précédent.

M. Robert Groves: Les gouvernements disposent d'une certaine marge d'appréciation mais ils n'en ont pas lorsqu'il s'agit des obligations fiduciaires de la Couronne. C'est une chose qui relève des tribunaux.

Si vous voulez risquer cela, faites-le. Je pense que l'approche du sénateur Beaudoin est la bonne. Ne prenez pas de risque. Ajoutez une disposition de non-dérogation ou de plus grande certitude. N'essayez pas d'aller trop loin dans ce domaine. Franchement, je ne pense pas que M. Dion ou les auteurs de la modification aient vraiment compris la nature de l'article 93.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une dernière intervention, Peter Goldring.

M. Peter Goldring: Monsieur Groves, puisque cela semble toucher le transfert de la terre de Rupert, un élément auquel vous avez brièvement fait allusion, pourriez-vous peut-être nous en dire davantage là-dessus? Je sais que nous allons parler de cela dans un autre contexte mais la question de Terre-Neuve va se soulever très prochainement. Cela touche-t-il différemment le Labrador et Terre-Neuve? Est-ce que ces préoccupations valent également pour le transfert de la terre de Rupert? Y a-t-il une partie de ce territoire qui a été attribuée à Terre-Neuve et au Labrador?

M. Robert Groves: Je travaille pour des groupes autochtones tant à Terre-Neuve qu'au Labrador et c'est là une question fort intéressante.

L'extension des frontières de 1912, si vous regardez les documents du Québec, englobe l'ensemble du Labrador à l'exception d'une mince frange côtière. Si vous regardez les documents et les cartes du Canada, ce n'est pas ce qu'on voit. Le territoire est défini par l'altitude. Cette question n'a été résolue qu'en 1927, par la décision du Conseil privé. Le gouvernement du Québec soutient toujours, comme vous le savez, que le Labrador, à l'exception de la mince frange côtière, la ligne de partage—ce qu'ils appellent la ligne de partage est située à 12 milles à l'intérieur des terres du Cap Chidley à Blanc-Sablon—fait entièrement partie du territoire québécois à l'intérieur de la terre de Rupert.

De sorte que oui, cela dépend de la façon dont on interprète tout cela. Le Conseil privé est la dernière instance à s'être prononcée sur cette question. Elle pourrait toutefois être soulevée à nouveau. La Cour suprême a déjà infirmé certaines décisions du Conseil privé.

Quant à savoir si l'abrogation de l'article 93 aurait un effet sur les obligations fiduciaires conservées par le Parlement mais appliquées de façon très particulière au Québec, je dirais que oui cela aurait un effet, je crois, selon la façon dont on interprète la décision de 1927. Cela devrait s'appliquer au Labrador tout comme dans la partie nord du Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Groves.

Merci beaucoup, monsieur Daniels, de nous avoir parlé ce soir.

Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: J'aimerais simplement savoir quand nous allons entendre l'Association des parents catholiques du Québec. Ces personnes ont demandé à comparaître. Cela fait déjà quelques jours qu'elles ont fait cette demande.

[Français]

Cette association représente 900 paroisses au Québec.

[Traduction]

J'aimerais simplement que l'on me dise qu'elles vont pouvoir comparaître.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Franchement, je ne sais pas quand on pourrait les entendre.

L'hon. Sheila Finestone: Je regrette. Je sais que nous avons ajouté d'autres groupes et je ne vais pas commencer tout un débat.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous prenons note de votre intervention, madame Finestone.

La cogreffière du comité (Mme Martine Bresson): Qui est la personne en charge?

L'hon. Sheila Finestone: Je croyais que la sénatrice Dalia Wood vous en avait fait part vendredi dernier avant qu'elle ne soit malade.

La cogreffière (Mme Martine Bresson): Je crois que l'association a déjà été représentée par Mme St-Cyr, qui a comparu avec un autre groupe, ainsi que par M. Caldwell, lors de la même séance.

L'hon. Sheila Finestone: Qui prend la décision, monsieur Paradis?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Ce sont les coprésidents.

L'hon. Sheila Finestone: Les coprésidents.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous vous tiendrons informée à ce sujet. Nous prenons note de votre demande.

L'hon. Sheila Finestone: Et M. Gary Caldwell aussi.

Le coprésident (M. Denis Paradis): On a déjà entendu M. Caldwell. On prend note de votre demande.

Nous ajournons jusqu'à demain, 15 h 30, alors que nous entendrons deux experts.

• 2055

La séance est levée.