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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 8 juin 1998

• 1533

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): La séance est ouverte. Je demanderais à Mme Morreau de bien vouloir prendre place à la table.

À titre d'annonce d'intérêt public, je dirai que la séance qui débute est la 36e séance du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes qui étudie la garde d'enfants et les droits de visite aux termes de la Loi sur le divorce.

Au cas où vous vous demanderiez pourquoi j'ai dit cela, madame Morreau, c'est que la séance d'aujourd'hui est télévisée.

Je suppose que vous savez que nous accordons généralement une demi-heure à chaque témoin. Nous vous demanderions par conséquent de limiter votre exposé à cinq minutes environ. Nous passerons ensuite à une période de questions. Vous pouvez donc commencer dès maintenant.

[Français]

Mme Louise Morreau (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup.

J'ai essayé de préparer une courte présentation de 5 à 10 minutes sur des recommandations que je pourrais vous faire en ce qui a trait à la garde des enfants.

• 1535

J'aimerais vous parler aujourd'hui de l'idée d'instaurer un programme d'éducation de parents et d'enfants de parents qui devront divorcer ou se séparer. Ce programme d'éducation a été inspiré des États-Unis, puisqu'il y a de ces programmes dans presque tous les États, et ajouter à cela quelques notes personnelles. Je vous le présente sans tarder.

C'est un programme d'éducation aux familles qui faciliterait la transition entre leur propre organisation personnelle, dans leur maison, à la vie qu'ils vivront après le divorce ou la séparation. On a une famille unie, une père, une mère et des enfants vivant dans la même maison. Après la séparation ou le divorce, on a deux maisons, tout est divisé en deux et l'enfant se retrouve perdu et surtout très perturbé.

Donc, je parle aussi d'éducation des enfants. Évidemment, pour les enfants, il faudrait limiter l'âge. On parle souvent d'enfants de 8 à 16 ans, jusqu'à ce qu'ils deviennent majeurs aux termes de la Loi sur le divorce.

Les objectifs seraient d'abord de reconnaître, autant pour les parents que les enfants, qu'un divorce fait vivre des émotions extrêmement difficiles et extrêmement intenses. Le fait de le reconnaître entraîne un gros changement dans les attitudes de chacun d'eux. Cela servirait également à identifier les besoins des enfants au cours du divorce.

On va parler beaucoup des besoins des parents, c'est-à-dire se faire représenter, connaître leurs droits, etc., mais j'insisterais plutôt, à cette étape, sur les besoins des enfants dans le cadre du divorce.

Troisièmement, il faudrait reconnaître l'impact de l'attitude des parents à court et à long terme sur les enfants. Je vous en parlerai un peu plus longuement en traitant des buts. Il a été démontré à tous les niveaux, autant chez les psychologues que chez les avocats et même chez les juges qui rencontrent les enfants, que l'attitude des parents détermine à un degré très élevé l'attitude des enfants. Qu'ils soit très perturbés ou non, cela dépend beaucoup de l'attitude des parents.

Quatrièmement, il faut analyser la base des conflits et essayer de discuter avec eux dans ce cours.

En dernier lieu, il faut parler aux parents de leurs propres enfants et de leurs besoins autres que financiers. On sait que la loi voit maintenant à leurs besoin financiers, car on a maintenant des barèmes qui sont très faciles à suivre, mais il faut aussi parler des autres besoins des enfants.

Les buts de ce système d'éducation de parents et d'enfants seraient les suivants.

Premièrement, on tenterait de faire en sorte que les parents comprennent pour eux-mêmes qu'il est normal de passer à travers une panoplie de sentiments qui ne sont parfois pas très religieux. À part la rage, on peut avoir de la hargne, du ressentiment, de la peur et ainsi de suite. On doit faire reconnaître aux parents qu'il est normal de ressentir tout cela.

Un autre but serait que les parents se rendent compte de ce qu'est un divorce du point de vue de l'enfant. Il a été prouvé à plusieurs reprises—et je ne suis sûrement pas la première à vous le dire—que la plupart des enfants considèrent que le divorce est de leur faute. C'est simple quand on y pense un peu. Ils ont souvent vu les parents se chicaner. Souvent, les parents se chicanent à cause des enfants et l'enfant peut se dire que quand il n'est pas là, ses parents ne se chicanent pas et que le divorce est donc sa faute. Il est important de faire comprendre cela aux parents qui, pour la plupart, n'y pensent même pas.

Dans un deuxième temps, les enfants subissent aussi beaucoup de changements. On peut penser à un déménagement possible. On change d'école, on change d'amis. On peut penser également à la famille, à la belle-famille, aux oncles, aux tantes, aux grands-parents qu'on voit moins souvent. Tout cela, pour les enfants, sont des choses qui arrivent en même temps.

Le troisième but que je suggère est que les parents soient mieux équipés et disponibles au plan émotif pour répondre aux questions des enfants. Par exemple, dans ce cours, on pourrait leur montrer comment communiquer avec les enfants, leur dire de quelle façon les enfants ont besoin de se faire rassurer, voire même leur donner des techniques: premièrement, on fait de l'écoute et, deuxièmement, on verbalise avec eux. On leur donne une marche à suivre.

Quatrièmement, il serait très important—pour moi, c'est un des points les plus importants—que les parents comprennent que certaines attitudes peuvent nuire à leurs enfants pour la vie. Tout le monde sait qu'un divorce n'est pas facile. C'est très, très difficile et cela marque pour longtemps. Les parents se chicanent parfois devant les enfants. Vous savez comme les émotions sont à vif en cas de divorce et vous connaissez l'effet des chicanes sur les enfants. Si on expliquait cela aux parents, je suis sûre et certaine qu'on pourrait diminuer cet effet de beaucoup.

• 1540

Ensuite, les parents qui ont de nouveaux conjoints ne devraient pas les présenter trop tôt aux enfants. Évidemment, dans tout ce que je vous dis, il y a des sous-questions selon l'âge et tout cela. J'essaie de me limiter aux grandes lignes.

Il faut éviter de parler contre l'autre parent. Combien de fois avons-nous tous et chacun vécu cela avec des gens qu'on connaît et qui sont séparés ou divorcés. Cela peut causer des séquelles pour la vie chez les enfants.

Pour le parent non gardien, il est important d'aller chercher les enfants à l'heure. On pourrait avoir une bande vidéo qui montrerait un enfant assis sur sa valise et qui attend papa qui n'a pas fini sa joute de quilles. L'enfant vit cela comme une rejet. Si on montrait cela à tout bon père de famille, je pense qu'il s'efforcerait de ne pas être en retard. C'est la même chose quand c'est l'heure de ramener les enfants à la maison. Si on les ramène à 19 heures et qu'on prend le repas du soir à 18 h 30, la mère est fâchée parce que l'enfant arrive trop tard, parce que le souper est froid. Tout cela fait un décalage d'émotion qu'il serait facile d'éviter si les parents étaient éduqués de façon adéquate.

Souvent, les parents utilisent les enfants comme informateurs: «Tu me diras ce que ton père a fait en fin de semaine, avec qui il était.» L'enfant sent qu'il trahit l'autre parent quand il fait cela. Je pense que les parents devraient s'abstenir de le faire.

Enfin, il arrive souvent que les parents confient à leurs enfants des responsabilités qui sont énormément lourdes pour eux. Par exemple, une mère dit: «Maintenant que ton père est parti, c'est toi, mon homme». L'homme a sept ans. Pour l'enfant, cela peut être trop. Certains parents disent: «Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Heureusement que tu es là avec tout ce que je vis.» Je pense que c'est trop lourd pour les enfants. Il serait bon d'enseigner aux parents les conséquences de telles choses chez les enfants.

Le cinquième but recherché serait que les parents développent des capacités d'écoute active. Il faut leur enseigner comment faire et les amener à trouver eux-mêmes des solutions.

Sixièmement, les parents doivent comprendre les besoins et les droits des enfants, mais on doit également les amener à comprendre comment l'autre parent peut se sentir. On n'y pense pas toujours parce qu'on a chacun sa peine quand on divorce ou qu'on se sépare. Si on est le parent qui s'est fait «laisser», il faut comprendre que son mari peut vivre telle et telle chose. Donc, il faut montrer l'autre côté de la médaille à chacun des deux parents.

En dernier lieu, il faut montrer que chacun des parents a l'obligation de contribuer financièrement au bien-être des enfants quand ils ont chacun un revenu. À défaut, le parent qui a un revenu a l'obligation de contribuer, du moins pendant un certain temps, aux besoins de l'autre époux.

Il y a beaucoup de questions autour de cela. La façon dont je vois cela, c'est qu'automatiquement, quand on divorcerait on qu'on amorcerait des procédures de divorce à la cour, on aurait l'obligation de suivre ces cours. Je pense qu'un tribunal ne devrait pas entendre la cause de divorce tant et aussi longtemps qu'il n'aurait pas la preuve que les parents et les enfants, s'ils sont âgés de 8 à 16 ans, ont participé à ce cours.

Combien d'heures durerait ce cours et combien y aurait-il de séances? Apparemment, il a été prouvé que moins il y a séances, plus on attire de gens. Une séance de quatre heures attire beaucoup plus de gens que deux séances de deux heures. Il faut y amener les gens, mais il faut aussi qu'ils écoutent. Cela peut se faire sous forme de jeux de rôles, sous forme de vidéo, sous forme d'information technique. Ce serait de l'enseignement libéral.

Devrait-il y avoir un coût? Oui, certainement, mais il ne devrait pas excéder 45 ou 50 $. Les gens qui n'ont pas la capacité de payer n'auraient qu'à remplir un affidavit ou une preuve d'indigence. Je pense qu'il pourrait y avoir un minimum de 2 ou 5 $, ce qui responsabiliserait les gens. Les gens se diraient: «J'ai payé et je vais aller chercher l'information.»

Est-ce que les parents devraient y aller ensemble ou pas? On disait plus tôt qu'aux États-Unis, ces programmes existaient dans 43 États. Dans neuf de ces États, ces cours sont obligatoires. Les parents n'ont pas le choix. Est-ce une bonne idée que d'y aller ensemble? Je n'en suis pas certaine car je ne suis pas psychologue. Ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question. C'est une question que je vous lance comme cela.

Quelle sorte d'éducateurs devrait-il y avoir? Je pense qu'il devrait certainement y avoir des experts, des psychologues qui, eux, savent comment prendre les gens. Il devrait également y avoir, à chaque séance de cours ou d'information, quelqu'un qui connaît le droit, autant dans le domaine du divorce que dans celui des enfants, pour expliquer les exigences de la loi. Il devrait y en avoir au moins un de chaque profession. Il devrait également y avoir une femme et un homme pour que les gens se sentent bien écoutés et bien compris.

• 1545

En gros, c'est le programme que j'aimerais vous recommander. Dans mon bureau, je suis une toute petite avocate. Je ne fais que du droit de la famille. En passant, je me sens très impressionnée d'être ici devant vous. Je peux vous dire qu'à mon bureau, il est très, très rare que je reçoive de méchantes personnes, mais souvent, comme parents, ces gens-là ont des réactions qui vont marquer leurs enfants pour le reste de leur vie.

Prenons l'exemple d'une mère. Si on disait à cette mère qu'il ne faut pas qu'elle dise à son enfant Frédéric qu'il est maintenant un petit homme parce qu'il se sentira trop responsable et qu'on lui montrait sur vidéo ce que cela peut faire, je suis sûre que cette personne-là ne le ferait plus. Elle ne le fait pas pour être méchante ou pour détruire, mais parce qu'elle vit une période très, très difficile de sa vie.

Donc, la plupart des gens sont de bonnes gens, mais quand on vit quelque chose de difficile comme un divorce, il faut reconnaître qu'on doit faire des changements non seulement pour les parents, mais surtout pour les enfants. Ils sont notre société de demain. C'est l'humble recommandation que je fais à ce comité.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Je sais qu'il y aura des questions. Nous allons commencer par M. Forseth.

[Traduction]

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup d'être venue témoigner devant notre comité aujourd'hui.

Je vois que vous préconisez nettement un programme d'éducation plutôt que la médiation en tant que telle, mais j'aimerais que vous nous décriviez ce programme en nous donnant un peu plus de détails. Je vous poserai plusieurs questions auxquelles vous pourrez répondre. De quel modèle américain s'inspire le programme que vous recommandez, quelle en est la durée en heures et qui paie la note?

Par ailleurs, quels incitatifs permettraient selon vous d'encourager la plupart des personnes en instance de divorce à participer effectivement au programme? Je croyais vous avoir entendu dire en quelque sorte que le programme devrait être une étape obligatoire que devraient franchir les parties au divorce avant de passer à l'étape suivante.

Je vous ai présenté plusieurs questions, et j'aimerais que vous y répondiez; j'aimerais surtout que vous nous disiez si vous avez réfléchi à la façon dont nous pourrions mettre en oeuvre ce que vous proposez dans le cadre de la procédure prévue en vertu de la Loi sur le divorce. Il y a divers scénarios possibles à cet égard.

Je voudrais donc que vous nous parliez un peu des origines du programme et que vous nous en décriviez certains des paramètres. En outre, comment parvenez-vous à convaincre les gens d'y participer? Envisagez-vous un règlement exécutoire quelconque?

Mme Louise Morreau: Merci. Pour ma part, j'estime effectivement, monsieur, que le programme devrait être obligatoire. S'il ne l'était pas, beaucoup de parents n'y participeraient malheureusement pas.

J'ai beaucoup lu sur ces programmes d'éducation qui nous viennent des États-Unis et je les ai étudiés à fond, mais celui qui me paraît le plus attrayant est celui du Massachusetts—pour différentes raisons, mais c'est celui qui m'a le plus attirée.

Voici comment j'envisagerais son application. Dès qu'une demande en divorce est présentée au tribunal, les parties auraient un certain nombre de jours—mettons, je ne sais pas, trois semaines—pour s'inscrire à un programme. Quand participeraient-elles à ce programme, quelle serait la durée du programme? J'estime qu'à moins de quatre heures, on n'accomplit pas grand-chose. Il faudrait que le programme soit donné en soirée et les fins de semaine, bien entendu, car les parents doivent travailler, comme nous tous.

J'estime par ailleurs qu'ils devraient avoir à payer pour le suivre. Ce serait un montant fixe pour la majorité des personnes, mais il faut aussi penser, bien sûr, à celles qui n'auraient pas les moyens de payer ce montant. Dans ce cas-là, je crois que chacune des parties devrait avoir à payer un droit minimum de 5 $, simplement pour qu'elle ait l'impression d'avoir versé son écot pour le programme et qu'elle se sente obligée de le suivre. Il me semble que c'est ainsi qu'on peut responsabiliser les gens. Voilà donc comment la note serait réglée.

Pour ce qui est du nombre d'heures, le programme devrait être de quatre heures. Si possible, il vaudrait mieux que les quatre heures soient consécutives, car il est difficile de faire revenir les gens pour une deuxième session. S'il était divisé en deux sessions de deux heures et que, pour une raison quelconque, la personne juge d'après les deux premières heures, que le programme ne l'intéresse pas—contrairement à ce que nous en aurions pensé ou du moins à ce que j'aurais pensé moi-même—il serait alors difficile de la faire revenir. L'idéal serait peut-être de tenir une session de quatre heures consécutives avec deux éducateurs.

Je crois bien avoir répondu à la majorité de vos questions. Si j'en ai oubliées...

M. Paul Forseth: Je veux simplement vous poser une question complémentaire. Bien souvent, la première étape pour les couples engagés dans un conflit est de s'adresser à la Cour supérieure qui accorde les divorces pour demander une ordonnance provisoire afin d'établir au moins les règles de base sur les modalités qui s'appliqueront dans l'intérim, jusqu'à ce que les parties puissent négocier, soit par l'entremise de leurs avocats, soit par quelque autre moyen, l'accord de séparation à long terme relativement au partage des biens et au testament; il se peut que la négociation relative à la garde des enfants se prolonge et qu'il y ait des questions sur lesquelles les parties ne s'entendent pas. Il se pourrait qu'une des parties ait quitté précipitamment le foyer et pris les enfants avec elle ou encore qu'une des parties souhaite avoir l'usage exclusif du foyer matrimonial. Bien souvent, ces questions sont réglées rapidement dans le cadre d'une ordonnance provisoire, et nous ne voudrions certainement pas qu'un programme d'éducation fasse obstacle à ce règlement rapide.

• 1550

D'après ce que je vois, vous recommandez que ce programme d'éducation vienne peut-être après les procédures provisoires. Je me demande comment, sur le plan technique, nous pourrions incorporer cela à la loi, au lieu de nous contenter peut-être de faire une recommandation générale aux provinces selon laquelle, dans le cadre de l'administration de la justice et dans le respect des règles, elles s'acquittent de cette responsabilité, sans qu'il soit nécessaire de l'inclure dans la loi.

Mme Louise Morreau: Pour ce qui est de l'ordonnance provisoire, vous avez en fait tout à fait raison, parce que ces ordonnances sont nécessaires. Il y a parfois urgence, la question est trop importante et on ne peut pas attendre.

C'est en fait quelque chose qui existe déjà au Québec, en raison de l'obligation d'aider les parties en les informant concernant les services de médiation. Si les parties n'ont pas ce que j'appelle leur passeport, le tribunal refusera de les entendre.

Je crois effectivement que les choses devraient se passer ainsi. S'il y avait urgence, il suffirait de se présenter devant le tribunal et d'expliquer au juge qu'il y a urgence. Il devrait être possible de faire une demande en ce sens au tribunal, étant donné l'urgence, et de suivre le programme après. Ou bien encore, les choses pourraient se passer comme cela se fait de plus en plus souvent déjà, c'est-à-dire qu'au lieu d'attendre trois semaines, on pourrait appeler les responsables du programme d'éducation, ou les responsables de la séance d'information comme c'est le cas à l'heure actuelle, et dire: «Pourriez-vous rencontrer nos clients demain?» C'est ainsi que les choses se passent à l'heure actuelle.

On aurait donc le choix.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice Pépin.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.

Madame Morreau, vous êtes une avocate et vous travaillez dans le droit de la famille depuis plusieurs années. Vous défendez aussi les pères, ce qui est intéressant pour nous parce qu'on a entendu plusieurs pères. Les pères nous disent souvent que la cour ne semble pas les appuyer et qu'ils savent au départ, lorsqu'ils se présentent devant la cour, qu'il y a peu de probabilités qu'ils obtiennent la garde de leurs enfants. Ils nous disent qu'ils sont victimes de discrimination au départ. Vu que vous travaillez dans ce domaine et que vous aidez très souvent les pères, connaissez-vous le pourcentage de pères qui demandent la garde des enfants? C'est une des choses qu'on entend le plus souvent et que plusieurs pères sont venus nous dire; ils veulent la garde de leurs enfants et ils savent au départ qu'ils ne l'obtiendront pas.

Mme Louise Morreau: Je trouve dommage d'entendre cette remarque, qu'on tienne pour acquis que la Cour supérieure est biaisée. Je ne partage pas du tout cette opinion. Au contraire, je pense que la Loi sur le divorce est faite en fonction, non pas de faire plaisir au père ou à la mère, mais de s'occuper de l'ultime intérêt de l'enfant. Actuellement, c'est ce que font nos cours supérieures. Elles entendent les causes de garde d'enfant et elles cherchent à savoir si l'intérêt de l'enfant serait mieux servi s'il demeurait avec le père ou avec la mère.

Dans ma pratique—je ne fais que du droit matrimonial—je représente un peu plus d'hommes que de femmes et je peux vous assurer que les pères qui demandent la garde ont une chance égale à celle de la femme qui demande la garde. Il est vrai qu'il fut un temps où les mères avaient beaucoup plus souvent la garde de leurs enfants, et même aujourd'hui, je suis certaine que les mères se voient attribuer plus souvent la garde des enfants.

Il y a 20 ans, c'était une question de disponibilité, à mon sens. Le père travaillait et la mère était à la maison toute la journée. À qui pensez-vous qu'on accordait la garde des enfants? En passant, je serais curieuse de savoir combien d'hommes l'ont demandée. Avec le respect que je leur dois, ils étaient les gagne-pain; il fallait qu'ils aillent travailler.

En 1998, alors que les deux parties travaillent dans la plupart des cas—je peux vous dire que peu des hommes que je représente demandent la garde—ceux qui la demandent ont une très bonne chance de l'obtenir ou, à défaut, d'obtenir la garde partagée.

• 1555

Je ne vous dis pas que je gagne toutes les causes. Je n'essaie pas de vous raconter des blagues, mais je pense que le tribunal entend aussi bien monsieur que madame. J'en suis même certaine.

La sénatrice Lucie Pépin: On entend aussi dire que les pères ont beaucoup de difficulté à obtenir des droits d'accès. Une des recommandations qu'on nous fait, c'est d'utiliser la loi pour sévir et faire comprendre au parent qui a la garde qu'il ne peut priver l'autre parent de l'accès.

Mme Louise Morreau: Vous parlez de priver l'autre parent du droit d'accès. C'est ce que vous dites?

La sénatrice Lucie Pépin: Les visites. C'est une des choses qu'on entend souvent dire. Ils ne sont pas capables de voir leurs enfants.

Mme Louise Morreau: Après le jugement, madame la sénatrice?

La sénatrice Lucie Pépin: Oui, oui. Disons qu'on a octroyé au père un droit de visite à tous les 15 jours ou le mercredi ou le jeudi. Les pères nous disent qu'ils ont beaucoup de difficulté et ne sont pas capables de faire respecter cette loi. Il y en a qui appellent les policiers et ces derniers leur disent: «Écoutez, on préférerait... On ne veut pas l'appliquer.» Encore la semaine dernière, des gens nous ont dit que les policiers ne voulaient pas faire cela. Ils sont très réticents.

Mme Louise Morreau: C'est vrai.

La sénatrice Lucie Pépin: Pourquoi?

Mme Louise Morreau: C'est vrai, et je pense que c'est une bonne idée. Je vois mal le policier arriver en plein milieu familial. La petite fille de quatre ans et demi est assise en arrière, et l'auto de police arrive avec les gyrophares. Dans ma tête à moi, ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant.

Par contre, madame la sénatrice, la Loi sur le divorce elle-même, au paragraphe 16(10), dit que c'est un des motifs. Je vais vous donner un exemple.

À capacité parentale égale du père et de la mère, le juge décide lequel des deux parents est le plus prêt à faciliter l'exercice du droit d'accès de l'autre parent. Nos tribunaux et même la Cour suprême du Canada ont à maintes reprises enlevé la garde à un parent gardien parce qu'il empêchait le parent non gardien d'exercer ses droits. Donc, l'article 16 dit très clairement qu'à cet égard, il y a des recours comme l'outrage au tribunal. Si c'était mon client, je lui dirais qu'il recevrait une tape sur les doigts de la part du juge, parce qu'à moins que ce soit très grave, on n'envoie pas ces gens-là en prison. Des parents, ce ne sont pas des gangsters. Excusez l'expression.

La sénatrice Lucie Pépin: Mais on nous a suggéré d'aller jusque-là. On disait que si l'accès était refusé, le parent gardien devait aller en prison. Il semble qu'ils aient beaucoup de difficulté à voir leurs enfants.

Mme Louise Morreau: Avec respect, mon opinion est que ces gens-là ne sont pas des bandits de grand chemin. Ce sont des parents. Ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant.

Deuxièmement, il y a une cause qui me vient à l'esprit. Vous avez probablement entendu parler, pour la plupart, de la petite Caroline Champagne. C'était dans mon coin, dans la province de Québec. Sa mère était partie avec elle pour la cacher et le juge a envoyé Mme Champagne en prison pendant plusieurs mois. Tous les deux mois ou toutes les six semaines—je ne me souviens pas et je n'ai pas la cause devant moi—le juge faisait sortir madame et lui demandait: «Madame, voulez-vous nous dire où est votre enfant?» Elle répondait non et retournait en prison. Le juge lui a dit: «C'est vous qui avez les clés de votre cellule, madame. Quand vous serez prête à nous le dire, on vous libérera.» Elle l'a finalement dit et elle a été libérée.

Par contre, c'est l'exception. À mon humble avis, il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant d'emprisonner le parent. Ce parent-là trouve des excuses: il y a une joute de hockey; il suit des cours; il a une otite; il ne ne se sent pas bien, etc. Finalement, au bout de plusieurs semaines, l'enfant n'a plus envie d'aller chez papa parce qu'il n'a plus de vie chez papa. Il en a une seulement chez maman.

Je crois que le paragraphe 16(10) de la Loi sur le divorce est très clair, autant que l'article 17. L'article 16 traite de l'attribution de la garde et l'article 17, des modifications. Nos tribunaux, madame la sénatrice, n'hésitent pas à enlever la garde au parent gardien pour la donner à l'autre parent si la preuve est faite qu'il empêche l'exercice des droits d'accès.

La sénatrice Lucie Pépin: Mais, comme vous le dites, cela coûte très cher.

Mme Louise Morreau: Cela coûte cher. Que voulez-vous que je vous dise? Malheureusement, les avocats doivent gagner leur vie comme le reste des gens, et on facture à l'heure. Si on travaille pendant 10 heures, c'est le taux horaire multiplié par 10. Si on travaille pendant 100 heures, c'est encore multiplié par 10, avec respect.

La sénatrice Lucie Pépin: Il y a une autre chose qu'on entend régulièrement. Cela a trait aux fausses accusations qui sont faites. Souvent, le père ou peut-être le beau-père sont accusés d'avoir été violents ou d'avoir commis certaines agressions vis-à-vis de leur enfant. Plusieurs pères sont venus nous dire: «On a maintenant de la difficulté à avoir accès à nos enfants parce que notre ex-épouse nous a accusés.»

• 1600

Quel pourcentage de ces accusations sont vraies, et comment peut-on aider ces gens-là? Ils disent aussi qu'ils ont bien de la difficulté à prouver le contraire. Comment peut-on faciliter tout cela pour que ce soit plus clair et plus accessible pour tout le monde?

Mme Louise Morreau: Je suis aussi vice-présidente d'un groupe de Québec qui s'appelle Les Familialistes, qui regroupe les avocats et avocates oeuvrant en droit de la famille. Je puis vous dire que c'est une minorité de mères qui portent de fausses accusations. Si ce que vous me dites est vrai, celles dont vous me parlez représentent un tout autre problème. Je ne peux pas dire qu'il n'y a jamais de fausses accusations. C'est fort malheureux, mais cela arrive.

Cela m'est arrivé personnellement. Un client est arrivé dans mon bureau en me disant: «Je veux retenir vos services pour aller chercher la garde de ma fille parce qu'on m'accuse, à la DPJ, d'abus sexuels sur ma fille.» Je l'ai d'abord dirigé vers Sainte-Anne-de-Beaupré, pensant que je ne pourrais pas accomplir ce miracle, mais après l'avoir entendu, j'ai débattu de la garde de son enfant et nous avons gagné en Cour supérieure. On en a appelé de ce jugement, et nous avons gagné en Cour d'appel. Tout ce dont vous me parlez tourne autour de ce qu'on appelle le syndrome d'aliénation parentale. Un parent fait tout pour que l'autre parent... Une fausse plainte d'abus sexuel, pour moi, c'est la cristallisation du syndrome d'aliénation parentale.

Un père accusé d'agression sexuelle sur sa fille ne la reverra plus. Donc, c'est l'idéal. Le but recherché, c'est que l'enfant ne voie plus l'autre parent. Il me fait plaisir de vous rassurer, sénatrice Pépin, en vous disant que cela n'arrive pas tous les jours ni même toutes les semaines. Ce sont des cas sur lesquels enquête le directeur de la Protection de jeunesse. Si la plainte n'est pas retenue, bonne chance devant la Cour supérieure. Donc, il s'agit d'une minorité.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Picard.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Bonjour, madame Morreau, et bienvenue à ce comité.

Comme on l'a dit plus tôt, vous avez plus de 10 ans de pratique en droit familial. J'aimerais vous dire que certains témoins qui se sont présentés devant ce comité ont mis en relief le régime juridique du Code civil du Québec qui s'applique notamment aux couples qui divorcent et aux conjoints de fait.

J'aimerais que vous nous parliez un peu de l'application du Code civil du Québec en ce qui a trait aux décisions prises en vertu du Code qui responsabilisent les parents quant à la garde des enfants.

Mme Louise Morreau: Dans un premier temps, la Loi sur le divorce s'applique à tout parent qui divorce. Ce n'est pas compliqué. Cela s'applique à tous les parents qui sont mariés et qui divorcent. Les parents qui sont mariés et qui se séparent sont régis par le Code civil du Québec, de même que les parents vivant en union de fait. Ils sont aussi, pour ce qui est des droits de garde, régis par le Code civil du Québec.

Je dois vous dire que la réglementation du Code civil du Québec, à ses articles 31 et suivants, surtout 32, 33, 34 et 35 surtout, nous dit que toute décision prise à l'égard de l'enfant doit l'être dans le cadre de son ultime intérêt. Encore là, on n'est pas là pour faire plaisir à maman ou à papa. On examine les besoins des enfants. C'est la seule preuve que le tribunal va chercher. Donc, tout ce qui a trait à la garde s'applique suivant ces principes.

L'article 34 énumère quatre choses qu'on doit faire pour décider quel est le meilleur intérêt de l'enfant. On s'occupe de son côté psychologique et du côté matériel; l'article définit tous les cas. Cela se rejoint beaucoup, vous savez. On n'applique pas la même loi, j'en conviens, mais cela se rejoint beaucoup. Si je plaidais le cas de parents qui ont vécu en union de fait et qui ont deux enfants, je n'hésiterais pas du tout à prendre la jurisprudence de la Loi sur le divorce quand je parlerais de l'intérêt de l'enfant et à l'appliquer au Code civil du Québec.

Je ne pense pas que des questions de procédurite vont brimer les droits de l'enfant et que le tribunal me laissera aller avec la même jurisprudence.

Mme Pauline Picard: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Dernière question, madame Bennett.

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett (St. Paul, Lib.): Merci beaucoup.

• 1605

Dans certains cas, l'un ou l'autre parent n'arrive pas à se résoudre à divorcer, et l'on sait que, de nos jours, cela peut se faire de façon unilatérale, mais je me demande si, du fait qu'il y aurait une étape obligatoire, une des parties en refusant de franchir cette étape, pourrait ralentir le processus et empêcher le règlement, ce qui en foi de compte nuit aux enfants.

Mme Louise Morreau: Vous avez bien raison, surtout quand on pense qu'il y a un parent qui a quitté l'autre. Je n'ai pas besoin de vous dire que la perception est différente, selon qu'on a laissé ou qu'on a été laissé.

Pour ce qui est du programme d'éducation que je recommande, il serait particulièrement important que la personne qui se sent blessée le suive. Au bout du compte, c'est l'intérêt des enfants qui est primordial. Le parent qui se sent blessé devrait donc être tenu de suivre le programme d'éducation. Le simple fait d'y participer apaiserait certes les esprits. Au lieu de continuer à pleurer devant les enfants—bien entendu, nous pleurons tous, mais vous comprenez que je parle de la personne qui ne fait que pleurer tout le temps—de ne pas préparer les repas et de rester en pyjama toute la journée, elle se rendrait compte de l'effet que son attitude a sur les enfants. Ce serait une excellente façon de se remonter le moral que d'aller suivre le programme et de se rendre compte que ses enfants souffrent de sa réaction. Je crois que les gens auraient tendance à y participer.

Si l'une ou l'autre partie refusait d'y participer, cela se passerait exactement comme c'est le cas à l'heure actuelle pour la séance d'information concernant la médiation. Si l'une ou l'autre partie refusait d'y aller, le tribunal peut intervenir. Il en serait ainsi pour le programme d'éducation. Bien entendu, surtout dans les affaires très conflictuelles, les premiers à payer sont les enfants. Je le vois sans cesse. Ce devrait donc être obligatoire, surtout dans ces cas-là.

Si les parties refusent, le juge a plus de pouvoir que moi. Il peut dire: «D'accord, votre pension alimentaire va doubler jusqu'à ce que vous y assistiez». Je ne sais pas trop ce qu'il faudrait prévoir comme mesure, mais il faudrait que ce soit quelque chose qui fasse mal. Si donc il s'agit de la femme, il en serait de même pour elle. Peu importe, il faut prendre les mesures pour que les parties suivent le programme, car je suis vraiment fermement convaincue que cela fera une énorme différence dans la vie de leurs enfants. Je le crois vraiment.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je tiens à vous remercier d'être venue ici aujourd'hui, madame Morreau. Cela vous intéressera peut-être de savoir que cette semaine sera peut-être notre dernière semaine de séance. Cet exposé que vous venez de nous présenter à la fin de nos audiences a été des plus intéressants. Nous voulons donc vous en remercier; il a été très instructif. Merci beaucoup.

Mme Louise Morreau: Quand nous plaidons, on nous dit que c'est «cool»... J'enseigne à la faculté de Droit, et je conseille à mes étudiants de commencer par quelque chose de frappant quand ils débutent leur plaidoyer et de finir aussi par quelque chose de frappant. Je me rends compte que ce n'est pas du tout ce que j'ai fait ici. J'espère simplement que mon témoignage vous sera utile.

Je vous remercie beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pour notre part, nous terminons en tout cas la semaine en beauté.

Nous accueillons M. Ross Finnie, de l'École de la politique publique, qui ne dispose malheureusement que d'une demi-heure. Nous commençons sans tarder. Je vous demanderai d'être aussi bref que possible.

M. Ross Finnie (École de la politique publique, Université Queen's): Je serai très bref, car je ne me considère pas du tout comme un spécialiste en matière de garde d'enfants ou de droit de visite. J'ai beaucoup écrit sur ce qui se passe au moment du divorce, sur les changements de revenus qui en résulte. J'ai écrit un ouvrage sur les lignes directrices en ce qui a trait aux pensions alimentaires. J'ai déjà eu l'honneur de témoigner devant votre comité, au sujet surtout de ces lignes directrices.

En ce qui a trait à la garde d'enfants et au droit de visite, je suis simplement d'avis, dans tout ce que je dis et que j'écris, que ces questions devraient être réglées dans le cadre d'une entente équilibrée qui tienne compte des problèmes qui se posent des deux côtés. Il y a plus de quatre ans, quand on a parlé des mesures à prendre à cet égard, on avait de sérieuses difficultés avec le calcul du montant de la pension alimentaire. La pension était-elle suffisante? Était-elle équitable? La solution a été d'élaborer un bon ensemble de lignes directrices relatives à la pension alimentaire.

Ces lignes directrices sont devenues lois. L'autre aspect du problème tient bien entendu à la garde des enfants et au droit de visite. Comme nous le savons tous, ces questions ne devraient pas être liées, mais elles le sont souvent. Dans tous mes écrits, je dis simplement: «Je m'y connais en matière de lignes directrices relatives aux pensions alimentaires. C'est la moitié du problème. Cet aspect-là devrait être réglé convenablement». Par ailleurs, les questions relatives à la garde des enfants et au droit de visite devraient être réglées comme un tout, d'autant plus que les deux questions sont souvent liées, et ce, depuis toujours. C'est un peu comme la poule et l'oeuf. Une des parties ne peut pas exercer son droit de visite parce qu'elle ne paie pas la pension alimentaire, ou bien elle ne paie pas la pension alimentaire parce qu'elle ne peut pas exercer son droit de visite. Où est l'origine du problème? Le plus souvent, on ne le sait pas.

• 1610

On a donc mis en place des lignes directrices relatives à la pension alimentaire. Vous vous attaquez maintenant aux questions relatives à la garde des enfants et au droit de visite. C'est louable. Tout ce que je voudrais en ce qui a trait aux lignes directrices, c'est que je suis toujours persuadé que celles qui ont été adoptées sont insuffisantes du fait qu'elles ne tiennent pas bien compte des modalités en place concernant la garde des enfants et le droit de visite.

Voilà ce sur quoi j'insiste depuis que j'ai commencé à écrire sur le sujet il y a plusieurs années, et c'est aussi ce sur quoi j'ai insisté quand j'ai témoigné devant votre comité il y a deux ans. Le fait de ne pas tenir compte du temps que l'enfant passe avec chacun des deux parents, à moins de dépasser le seuil de 40 p. 100, demeure à mon avis une des grandes lacunes des lignes directrices qui ont été adoptées. Je ne puis qu'espérer que votre comité, ou que les mécanismes qui seront établis comme conséquences du travail de votre comité, au sujet de la garde des enfants et du droit de visite, permettront de revenir sur la question pour que le régime d'indemnisation soit juste et équitable eu égard aux modalités sur lesquelles on finit par s'entendre en ce qui a trait à la garde des enfants et au droit de visite.

J'ai notamment été sensibilisé au problème par une personne particulièrement intéressante qui m'a contacté il y a près d'un an pour me parler de l'entente qu'il avait conclue. Il avait ses enfants environ 38 p. 100 du temps. Il paie le plein montant de la pension alimentaire. C'est là une des histoires d'horreur que j'aurais pu prédire et que j'avais prédite; j'avais dit qu'il y aurait des cas comme celui-là. Il paie le même montant que quelqu'un qui ne voit jamais ses enfants, même s'il les a presque 40 p. 100 du temps.

Je ne peux pas l'attester, mais il m'a dit que dans l'entente initiale—il n'avait pas fait le calcul, mais il y a certains rajustements qui avaient été faits vers la fin—son ex-conjointe avait demandé que certains matins d'école lui soient comptés. Pas de problème, avait-il pensé. C'est seulement après coup qu'il s'est rendu compte que cet arrangement le ramenait de 41 p. 100 ou 42 p. 100 environ à 38 p. 100, si bien que le montant était rajusté en conséquence. Cela voulait dire qu'il n'avait plus droit au rajustement de sa pension alimentaire.

Son cas à lui n'est qu'un cas parmi bien d'autres. Il songe à en appeler devant une instance supérieure. Il a demandé les conseils d'un avocat. Je me suis porté volontaire pour témoigner devant qui que ce soit et dire ce qu'il faudrait faire d'après mes recherches et d'après ce que je pense être approprié. Il y a donc des cas comme le sien.

Maintenant que vous vous attaquez à la question de la garde d'enfants et au droit de visite, ce serait bien, dans la mesure où cela pourrait se faire, que vous puissiez corriger ce que je considère comme une des grandes lacunes de la loi initiale qui, tout compte fait, constituait une percée sur le front des pensions alimentaires.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Nous commencerons par la sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Merci.

À ce propos, comme vous le savez, je faisais partie de ce comité, et je sais que nous avons étudié la question des pensions alimentaires.

M. Ross Finnie: Oui, je me souviens.

La sénatrice Mabel DeWare: Avez-vous témoigné devant le Comité de la politique sociale quand il étudiait les lignes directrices sur les pensions alimentaires il y a environ un mois?

M. Ross Finnie: Non.

La sénatrice Mabel DeWare: Vous n'avez pas témoigné devant le comité.

M. Ross Finnie: Non.

La sénatrice Mabel DeWare: C'est regrettable, car le comité avait été chargé de faire un suivi en ce qui concerne les lignes directrices. Les questions que vous venez de poser et les cas dont vous avez parlé auraient pu être soulevés devant ce comité. Je n'y étais pas, alors je n'en suis pas sure.

M. Ross Finnie: Je crois savoir qu'il s'agit d'un des domaines... D'après ce que j'entends des journalistes et d'autres, il semble que ce soit un des sujets de préoccupation, peut-être le principal, en ce qui a trait aux actuelles lignes directrices.

La sénatrice Mabel DeWare: Au cours des quelques mois depuis que nous avons entrepris notre étude sur cette question, bien des gens nous ont conseillé de considérer la garde d'enfants et le droit de visite comme appelant nécessairement un gagnant et un perdant et ils mettent en doute l'opportunité de les dissocier, de dissocier la garde du droit de visite, la garde signifiant que la partie qui a les enfants touche une pension alimentaire. Devrions-nous dissocier les deux et devrions-nous modifier la terminologie dont il est question, parler non pas de garde et de droit de visite, mais du rôle parental, du temps passé avec les parents, de l'exercice du rôle parental à domicile et le reste? Je pose la question, car, comme vous le savez, le mot «garde» est utilisé notamment dans le contexte de la Loi sur les jeunes contrevenants. Pensez-vous que les deux devraient être dissociés et croyez-vous qu'il faudra modifier la terminologie? Cela serait-il utile?

• 1615

M. Ross Finnie: Je n'ai pas d'opinion bien arrêtée sur la question, mais cela revient peut-être à toute cette idée selon laquelle la garde conjointe et la garde partagée sont très différentes, alors qu'en réalité... Il y a quelque chose de qualitatif ici, mais souvent, il s'agit simplement d'une différence quantitative dans le contexte d'un continuum. Peu importe, vous dites? Eh bien, oui, cela importe quand on fait une distinction entre une formule à 40 p. 100 et une autre à 39 p. 100 et que la loi est élaborée en conséquence. Les conséquences sont importantes.

La sénatrice Mabel DeWare: Vous parlez là des pensions alimentaires.

M. Ross Finnie: Oui.

La sénatrice Mabel DeWare: Nous, nous parlons uniquement des ordonnances attributives de droit de visite et le problème que nous avons est le suivant: ces ordonnances ne sont pas respectées. Il y a des pères et des mères qui n'arrivent pas à faire respecter ces ordonnances attributives de droit de visite. Ils ne semblent pas pourvoir les faire respecter au Canada. Les juges ne semblent pas vouloir en assurer le respect. Comment pouvons-nous régler ce problème?

Nous avons entendu un juge du Michigan nous dire que, là-bas, on fait respecter les ordonnances attributives de droit de visite. Les gens le savent, et ils n'ont pas les mêmes problèmes là-bas que nous avons ici.

M. Ross Finnie: Oui.

La sénatrice Mabel DeWare: Comment allons-nous pouvoir régler ce problème?

Enfin, si une ordonnance attributive de droit de visite a été rendue, comment pouvons-nous obliger quelqu'un... Comme le témoin qui vous a précédé, j'allais lui poser la question. Elle a dit que les parents devraient ramener les enfants à l'heure quand ils les prennent pour une visite. Je voulais lui dire que certains parents ne demanderaient pas mieux que d'avoir l'occasion de ramener les enfants à l'heure.

M. Ross Finnie: Oui.

Pour ce qui est de la façon de s'y prendre pour que les ordonnances soient respectées et qu'on se conforme aux règles, je ne suis pas spécialiste de ce domaine, alors je ne pense pas qu'il convienne que je... Je ne suis pas juriste; ce n'est pas là mon champ de compétence. Je suis économiste par contre, et nous, nous parlons notamment de prix, de coûts et de respect de diverses choses. Il me semble, en principe, que, si nous voulions faire respecter ces ordonnances, nous pourrions certainement le faire. Tout comme le gouvernement a pris des mesures pour veiller à ce que les pensions alimentaires soient payées—comme il se doit, bien sûr—pourquoi ne prend-il pas des mesures semblables pour garantir le respect du droit de visite? Si on peut refuser de délivrer un permis de conduire—je ne fais qu'évoquer cette possibilité, sans savoir si c'est vraiment ce qui se fait—s'il existe des sanctions...

La sénatrice Mabel DeWare: La loi existe pour protéger le droit en question.

M. Ross Finnie: ...nous pouvons aussi invoquer la loi pour y arriver, si nous le voulons.

Depuis toujours, depuis que j'ai commencé à écrire sur le sujet, je soutiens qu'il faut prévoir une solution qui soit équitable pour toutes les parties en cause. J'estime que la meilleure façon de régler ces questions, c'est de supposer qu'on ne sait pas qui aura la garde et qui ne l'aura pas. Il faudrait essayer d'établir un ensemble de règles sans savoir si on sera le parent gardien ou le parent non gardien. Ce serait une bonne façon de réfléchir à la question de façon objective, de tenter de faire abstraction de ses sentiments. Qu'est-ce qui serait équitable comme ensemble de règles? Je crois que la plupart d'entre nous diraient alors que la personne qui a la garde de l'enfant aurait besoin d'avoir l'assurance que la pension alimentaire serait payée et que, par ailleurs, le parent qui n'aurait que le droit de visite, aurait aussi l'assurance que ce droit serait respecté. Nous dirions: «Qu'on établisse les modalités qui définissent le rôle de chacun de façon que chacun sache qu'il est traité équitablement!»

La sénatrice Mabel DeWare: Il ne faut toutefois pas oublier de qui il est question ici. C'est de l'intérêt supérieur de l'enfant qu'il est censé être question.

M. Ross Finnie: Oui, tout à fait.

La sénatrice Mabel DeWare: Nous avons parfois tendance à l'oublier.

M. Ross Finnie: C'est sans doute que je parle de certaines hypothèses, car, je le répète, je ne suis pas spécialiste de la question de savoir combien de temps l'enfant devrait passer avec un parent plutôt qu'avec l'autre. Je crois qu'il y a toutes sortes de...

La sénatrice Mabel DeWare: L'âge est un facteur.

M. Ross Finnie: Tout est un facteur. Je pars du principe que les spécialistes, les tribunaux, sont arrivés à une décision équitable pour régler la situation et que la formule pour laquelle ils ont optée dans leur sagesse devrait être respectée. Il faudrait en assurer le respect tout comme il faudrait assurer le paiement de la pension alimentaire.

Enfin, il me semble qu'il y a toujours des parents qui, pour une raison quelconque, ne paient pas leur pension alimentaire. Nous devrions avoir un ensemble de règles équitables pour faire en sorte que le montant de la pension alimentaire soit acceptable et qu'il soit payé et aussi pour que le droit de visite soit acceptable et qu'il soit respecté. Si nous voulons le faire, nous pouvons le faire, il me semble. C'est une question... Bon, vous demandez comment. J'avais dit que certaines des mesures qui ont déjà été prises, semblent efficaces, qu'il s'agisse de passeports ou d'autres choses. Je crois que, dans la mesure où on veut...

La sénatrice Mabel DeWare: On peut.

M. Ross Finnie: ...on peut.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord, merci.

Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Le point que vous avez évoqué en dernier mérite d'être développé, il me semble. En ce qui a trait au droit de visite accordé par un tribunal, comment pensez-vous qu'il faudrait faire respecter ce droit de visite? Comment assurer le paiement de la pension alimentaire? Avez-vous des idées à ce sujet?

• 1620

M. Ross Finnie: Il s'agit là d'un sujet que je connais, auquel j'ai réfléchi. Permettez-moi de commencer par lui.

Les lignes directrices que j'avais recommandées étaient légèrement différentes de celles que je propose dans mes écrits. J'aurais préféré des lignes directrices plus simples. Mettons que les lignes directrices sont assez faciles à appliquer. J'opterais pour les retenues salariales comme moyen... Dès qu'il y a un doute, les retenues salariales sont une bonne solution. Il ne faut pas tomber dans l'excès coercitif. Le système de retenues salariales pose parfois des problèmes, je le sais, mais il faudrait corriger ces problèmes et avoir un système qui marche. Plus il est simple, plus le système des retenues salariales donnera de bons résultats.

Du côté de la perception, il me semble qu'on fait des progrès considérables. Mettons à profit ce qui a déjà été fait pour en faire encore plus.

Je le répète, pour ce qui est du droit de visite, je ne m'y connais pas assez dans ce domaine. Je suis économiste. Le droit de visite relève plutôt du champ de compétence, il me semble, des juristes, des sociologues, etc... Pour ce qui est du principe selon lequel le droit de visite du parent qui n'a pas la garde devrait être respecté quand il se présente pour prendre l'enfant, tout ce que je peux dire, c'est qu'il me semble que nous devrions pouvoir trouver une solution pour faire respecter ce droit.

Le problème tient au fait, selon moi, qu'on cherche rapidement à se rendre la pareille. Ainsi, par le passé, on refusait de payer la pension alimentaire. Cela se fait encore, malheureusement. C'est d'autant plus probable dans les cas où le parent, généralement celui qui n'a pas la garde, perçoit le système comme asymétrique, a l'impression que les mesures d'application favorisent uniquement l'autre partie et qu'on fait très peu pour lui assurer son droit de visite à lui. D'une certaine façon, la situation ne s'est donc pas vraiment améliorée, car l'antagonisme joue peut-être un rôle tout aussi important maintenant qu'auparavant.

Pour ce qui est de vous proposer de faire telle ou telle chose, je peux vous faire des propositions en ce qui a trait à la pension alimentaire, mais je n'ai malheureusement pas la compétence voulue pour vous en faire au sujet du droit de visite.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Je sais bien qu'il n'est pas question ici des lignes directrices en tant que telles, mais de garde d'enfants et de droit de visite, mais comme vous l'avez dit, monsieur Finnie, les deux sont liés, qu'on le veuille ou non.

Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus sur ce que vous avez appelé la grande lacune des lignes directrices. Je veux parler de la formule de 40 p. 100. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les remèdes à apporter ou aux solutions que nous devrions envisager à cet égard?

M. Ross Finnie: D'accord. Je me sens particulièrement à l'aise pour vous parler de ce sujet.

Depuis le début, depuis que j'ai commencé à écrire sur le sujet, à y réfléchir, il m'a toujours semblé qu'il faut, bien entendu, prévoir des modalités acceptables pour la garde et le droit de visite et qu'il devrait être tenu compte de ces modalités dont le soutien financier de l'enfant. C'est quelque chose que semblent reconnaître les profanes, les spécialistes, les personnes en cause.

En fait, les lignes directrices ont été élaborées... C'est là un sujet que je connais bien, puisque j'ai moi-même élaboré des lignes directrices et que j'ai travaillé à l'élaboration de lignes directrice avec le ministère de la Justice. D'après le document qui les accompagne, il est clair que les lignes directrices ont essentiellement été conçues à partir du principe que l'enfant passerait tout son temps avec un parent.

Puis, dans la loi, pour diverses raisons—je dirais qu'on a rationalisé, par souci de simplicité, etc., et par souci de ne pas pénaliser le parent gardien, etc.—on a précisé qu'il n'y aurait aucun rajustement à moins que l'enfant ne passe 40 p. 100 de son temps avec le parent non gardien.

Le problème, c'est qu'il y a deux éléments. D'un côté les dépenses diminuent, mais de l'autre côté, les dépenses augmentent. Certainement qu'il y a des coûts fixes. Les coûts du parent qui a la garde ne baissent pas de 40 p. 100. Le chauffage, le loyer, etc., tout cela reste inchangé. En fait, avec la garde partagée, ce qu'il en coûte au total pour élever un enfant augmente, mais c'est inévitable. Si les coûts augmentent parce qu'il y a plus de gardes partagées, c'est inévitable, et il faut partager ces coûts équitablement. Mais lorsque les coûts diminuent d'un côté et augmentent de l'autre et que dans l'ensemble il y a une légère augmentation, il n'est certes pas équitable de ne faire aucun ajustement. Reste donc à trouver des mécanismes relativement efficaces pour être justes dans l'ensemble.

• 1625

Effectivement, ce serait possible. Vous pourriez réfléchir et élaborer une formule. Les directives sont fondées sur des formules, des évaluations de coût lorsqu'un enfant vit avec un parent ou avec l'autre, etc. Voilà comment on élabore les directives. On pourrait effectuer une série de rajustements, c'est-à-dire une formule à l'intérieur d'une formule, qui permettrait d'effectuer des rajustements en tenant compte du fait que certains coûts passent d'un parent à l'autre et que dans l'ensemble il y a une légère augmentation.

Cela dit, vous proposez une formule sans y avoir réfléchi... Cela n'est pas nouveau pour moi, mais je ne suis pas venu aujourd'hui avec une formule à vous soumettre. Cela dit, j'y ai déjà beaucoup réfléchi, comme d'autres collègues, et j'ai réfléchi aux genres des rajustements ou de formules qui pourraient être utilisés avec facilité.

La sénatrice Erminie Cohen: Lorsque nous nous sommes, ou plutôt lorsque le gouvernement a accepté les formules qui existent aujourd'hui, nous n'avons pas pensé à la seconde famille qui a été mentionnée aujourd'hui. Du jour au lendemain, le mari... Supposons que le parent qui n'a pas la garde soit un homme, qu'il soit remarié, et qu'il ait une nouvelle petite famille à entretenir en plus de la pension alimentaire qu'il doit verser. S'il décide qu'il ne gagne pas suffisamment d'argent, apparemment si sa nouvelle femme travaille, une partie de son revenu peut servir à entretenir sa première famille.

Il y a un cas qu'on nous a cité, celui d'un homme qui a dû prendre un travail à temps partiel pour pouvoir entretenir sa famille. Sa première femme s'est aperçue qu'il travaillait à temps partiel, et elle a obtenu du tribunal qu'on lui adjuge la moitié de cet argent, ou du moins une partie de cet argent-là également. Ainsi, lorsque nous avons réfléchi jadis à ces problèmes, nous n'avons pas tenu compte des deuxièmes familles, ce qui est regrettable.

M. Ross Finnie: Je suis d'accord. J'ai toujours pensé que c'était une des lacunes des directives actuelles. Implicitement, la seconde famille, les seconds conjoints deviennent responsables de l'entretien d'un enfant de la première famille. Dans de telles circonstances, la démarcation n'est pas suffisante. Les comparaisons entre les niveaux de vie, tout cela est un domaine très dangereux. Et en voilà les conséquences.

La sénatrice Mabel DeWare: Exactement.

M. Ross Finnie: Exactement. Je ne voudrais pas me vanter, mais ce sont des complications que j'avais déjà prévues lorsque ces propositions ont été faites.

La sénatrice Erminie Cohen: Monsieur Finnie, est-ce que vos 40 p. 100 figuraient déjà dans cela?

M. Ross Finnie: Il y a un certain temps que je n'ai pas lu le document.

La sénatrice Erminie Cohen: C'est quelque chose qu'on nous a envoyé aujourd'hui.

M. Ross Finnie: Je suis l'un des auteurs, n'est-ce pas?

La sénatrice Erminie Cohen: Je le sais, mais j'aimerais le savoir car le comité pourrait alors s'y intéresser.

M. Ross Finnie: Les documents publiés officiellement par le ministère de la Justice, je ne me souviens pas... Il faut également que je fasse attention à ce que je révèle en public.

Eh bien, vous voyez, dans le livre et dans les articles que j'ai consacrés à ce sujet, je n'estimais pas qu'on devait fixer une limite à 40 p. 100, en fait, je ne prévoyais aucune limite. C'était resté vague. Dès que les dépenses commencent à s'accumuler, les augmentations deviennent importantes, et il faut en tenir compte. Dans mes écrits, je disais implicitement que toute tentative d'imposer une limite, qu'il s'agisse du tiers ou de 40 p. 100 risquait de se heurter au problèmes que nous avons vus. Prenons le cas de cet homme de Toronto qui a ses enfants pendant 38 p. 100 du temps, ses coûts ne sont pas très différents de ceux de son ancienne femme, étant donné les coûts fixes de part et d'autre. Voilà le résultat.

Maintenant, il reste à définir ce qui constitue une «différence importante», et peut-être faudrait-il imposer une sorte de minimum très minime, moins de 10 ou de 15 p. 100, ou encore tenir compte des situations où les enfants ne passent pas la nuit ou quand il n'y a pas de compte spécial, pas de dépense spéciale pour le logement. On pourrait finir par rédiger des règles prévoyant que dans un tel cas aucun rajustement n'est nécessaire. Cela pourrait être prévu.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

M. Ross Finnie: De rien.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

La sénatrice Cools a une question.

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Finnie. Peut-être pourriez-vous préciser deux observations que vous avez faites et que vous n'avez pas finies. Pour commencer, «ces dispositions sur le niveau de vie». Qu'est-ce que vous entendiez par là?

M. Ross Finnie: Oui. Dans les directives qui ont été publiées, certains ajustements étaient prévus sur la base d'une comparaison entre le niveau de vie des deux familles.

• 1630

Cela dit, cela venait seulement après une explication très claire selon laquelle les nouveaux conjoints et la seconde famille ne devait assumer aucune responsabilité en ce qui concerne l'entretien de la première famille. Toutefois, quand on se met à comparer les niveaux de vie, c'est implicitement ce que l'on fait.

Il faut avouer que cet énoncé était hypocrite, car d'une part on disait que cela ne devait pas être fait, et il est vrai que cela ne figure pas exactement dans la formule, mais d'un autre côté, les règles d'application de la formule—c'est-à-dire les sommes à verser—tiennent compte de ces circonstances. Ainsi, d'une part on essaie de promouvoir de grands principes et, d'autre part, on tolère indirectement ce genre de choses.

Cela fonctionne dans les deux sens. Ce n'est pas seulement en ce qui concerne le père qui se remarie et dont la nouvelle femme devient implicitement responsable de la pension alimentaire des enfants du premier mariage que verse son mari mais il y a aussi le point de vue de la mère qui a la garde et qui est plus ou moins pénalisée lorsqu'elle se remarie, et cela dépend de son revenu. Cette nouvelle personne n'a rien à voir avec la pension alimentaire de l'enfant du premier mariage.

En fait, je pense que la pension alimentaire devrait être la responsabilité de ses deux parents véritables et être fondée sur la capacité de paiement, c'est-à-dire sur le revenu de cette personne. C'est le plus simple et c'est de loin préférable. C'est le principe qui sert de base à toutes mes formules. J'ai toujours pensé qu'il fallait aller au plus simple, sans comparer les niveaux de vie, parce que, justement, cela mène à ce type de problème.

La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, j'aimerais étoffer un peu plus ma seconde question.

On nous a dit et répété que les conjoints qui touchent une pension alimentaire ne rendent pas suffisamment de comptes de la façon dont cette pension est utilisée. D'autre part, nous devons parler de «conjoints», on n'a plus le droit de parler de «parents». Il semble que les hommes et les femmes aient disparu complètement de la Loi sur le divorce.

Qu'est-ce que vous pensez des comptes à rendre sur l'argent reçu, c'est la première chose, et également, qu'est-ce que vous pensez des pensions alimentaires destinées aux enfants qu'on qualifie d'adultes lorsqu'ils font des études postsecondaires. Pourriez-vous développer ces idées.

M. Ross Finnie: Oui, je pourrais dire cela facilement.

Tout d'abord, quant à la question précise des comptes à rendre, j'estime que parfois pour le parent qui n'a pas la garde, celui qui verse la pension il est trop facile de dire: «Mon argent ne sert pas à l'enfant». Une des raisons pour lesquelles il nous faut des lignes directrices est qu'évidemment, cet argent va au foyer. C'est inévitable et il faut l'accepter. On ne peut pas s'attendre à ce que tout dollar versé se retrouve dans un nouveau manteau ou de l'alimentation sur la table. Cela sert à l'entretien de l'enfant. On ne peut donc pas envisager une comptabilité dollar par dollar aussi étroite, ce serait insensé.

Par contre, il faut reconnaître qu'il y a des cas extrêmes, que cela existe, ou l'argent ne va pas en fait à l'enfant comme il le devrait.

Entre ces deux extrêmes, ne devrions-nous pas avoir une série de règles, de principes, un énoncé de principes clair et un genre de procédure qui permette au moins une forme d'appel? Là encore, je ne suis pas spécialiste en la matière mais je crois que je pourrais citer mes propres articles dans divers bulletins sur le droit de la famille et mes autres ouvrages, etc, dans lesquels je dis que puisqu'il existe des mécanismes pour d'autres choses, nous pourrions en avoir aussi pour cela—des énoncés de principe et au moins des possibilités d'appel—si bien que dans les cas extrêmes, on puisse procéder aux enquêtes voulues et prendre les mesures nécessaires. Il faudrait au moins s'occuper de ces cas les plus extrêmes.

La sénatrice Anne Cools: Est-ce que je vous comprends bien? Dites-vous que ces lignes directrices devraient aussi inclure un énoncé de ce genre de principes?

M. Ross Finnie: Oui.

• 1635

Permettez-moi de vous lire ceci:

    Pour ce qui est du droit de visite et de l'utilisation des pensions alimentaires pour enfants, les initiatives prévues pourraient inclure certains énoncés de principes et le recours à des voies d'appel comparables à ce qui existe pour les parents ayant la garde dont les ex-partenaires ne font pas les versements prévus.

    De telles mesures communiqueraient le message voulu et offriraient aux parents qui n'ont pas la garde et s'inquiètent, certaines garanties qu'ils sont pris au sérieux et qu'il existe des recours. De telles mesures compléteraient le système de pension alimentaire pour enfants et le rendraient plus équilibré.

Ce sont des extraits d'articles parus dans le Family Law Quarterly en août 1997.

La sénatrice Anne Cools: Ce genre de problème semble se poser en particulier pour les enfants adultes. Évidemment, il semble un peu idiot de parler d'enfants adultes mais c'est surtout dans les cas d'études post-secondaires ou universitaires et donc d'enfants adultes où l'enfant est à l'université et ne profite pas beaucoup de cette pension.

Vous avez évidemment fait allusion à certains points particuliers puisque, comme vous nous l'avez dit, vous aviez à l'origine été consultés par le ministre de la Justice pour l'élaboration de ces lignes directrices. Ce ne sont pas celles que vous aviez proposées, parce qu'il y avait là d'autres problèmes, mais à l'époque, vous vous en souvenez sans doute, on nous avait dit, aussi souvent que nous voulions entendre, que ces lignes directrices devaient permettre de simplifier les choses et fournir des garanties.

Nombre d'avocats sur l'opinion desquels le ministère s'était fondé à l'époque pour nous exhorter à adopter ces lignes directrices, à adopter le projet de loi C-41, et nous disent maintenant que l'on nÂest pas forcément parvenu au résultat prévu. Que tout cela n'est pas si simple et que ces lignes directrices n'ont pas garanti grand-chose, quelles sont extrêmement complexes.

Nous avons entendu un témoin, à l'Île-du-Prince-Édouard, si je ne m'abuse, nous dire qu'en tant qu'avocat, il lui avait fallu quelque 50 heures pour essayer de comprendre et de maîtriser ces lignes directrices. Je crois que Carole Curtis a également dit quelque chose de similaire au Comité sénatorial des affaires sociales.

Je me demandais simplement si vous aviez un point de vue sur la question puisque ce qui était censé être si simple est devenu extrêmement complexe et si sûr est devenu extrêmement incertain.

M. Ross Finnie: Vous avez raison. À bien des égards, les lignes directrices qui ont été adoptées étaient sous bien des rapports compliquées alors qu'elles auraient dû être simples et trop simples à d'autres égards alors qu'elles auraient dû être un peu plus précises.

Qu'est-ce que cela veut dire? Par souci de simplicité, et pour diverses raisons, on ne tenait pas compte du temps que l'enfant passe avec l'autre parent. À l'époque, si on me l'avait demandé, j'aurais été ravi de dire, essayons de trouver une solution, une formule simple qui permettrait certains rajustements faciles à calculer.

La formule de lignes directrices que j'avais déjà proposée est essentiellement une série de pourcentages du revenu du parent qui n'a pas la garde, ce qui correspond à peu près à la ligne directrice de base. Je disais il y a un instant qu'on avait simplifié les choses là où cela aurait dû être un peu plus précis. D'un autre côté, lorsqu'on commence à introduire...

Dans les critiques que j'ai formulées sur les lignes directrices adoptées, j'insistais surtout sur les ajouts pour frais supplémentaires. Je disais à l'époque que, tout d'abord, ces frais sont déjà essentiellement inclus dans les montants prévus dans les lignes directrices, si bien que tout rajustement à la hausse reviendrait à un paiement double. Ce qui n'est pas normal.

Par ailleurs, ce genre de détail peut devenir très compliqué. La ligne directrice est censée couvrir l'ensemble, afin que toute exception soit aussi exceptionnelle que possible, pour le genre de cas que sont par exemple les activités parascolaires, etc. et les comparaisons de niveau de vie qui me semblaient encore être un autre facteur de complication qui risquait d'entraîner un certain gaspillage d'énergie.

Je pensais, d'un côté, que la ligne directrice devait être très simple, que l'on devait s'en remettre à des pourcentages du revenu du parent qui n'a pas la garde et ne prévoir que dans des cas exceptionnels ces activités parascolaires. Qu'est-ce que cela signifie—une nouvelle paire de chaussures de sport? C'est le genre de chose que l'on peut prévoir...

• 1640

Il faut que les choses restent aussi simples que possible mais en prévoyant toutefois certains rajustements en fonction du temps que l'enfant passe avec chacun des parents.

Je crois donc que si l'on donnait bien davantage d'un côté et un peu plus de l'autre, on aurait peut-être un peu plus précisé certaines choses qui méritent de l'être et bien simplifié le reste, ce qui aurait donné de bien meilleurs résultats.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord, merci beaucoup.

Je sais que la sénatrice Pépin voudrait maintenant vous poser une petite question.

La sénatrice Lucie Pépin: Ce ne sera pas si bref.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non?

La sénatrice Lucie Pépin: Non, je suis plus perdue que je ne l'ai jamais été.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'aurais moi une question très brève, professeur.

Il semble, et certains ne sont pas d'accord avec moi, que l'objet du projet de loi C-41 était de simplifier—nous savons que ce n'est pas vrai—les choses, de retirer aux tribunaux un pouvoir discrétionnaire afin d'avoir une série de lignes directrices prévisibles.

À titre de professeur, préconiseriez-vous le même genre de formule, à savoir de retirer aux tribunaux certains pouvoirs discrétionnaires en ce qui concerne les ordonnances de garde et de droit de visite?

M. Ross Finnie: Combien de temps...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez 30 secondes pour répondre.

M. Ross Finnie: Non, je ne crois pas. Je ne donnerais même pas d'avis à ce sujet. Ce n'est pas mon domaine de spécialisation.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez en tous cas susciter beaucoup de réflexion, de débat et de questions sur un sujet qui est plus ou moins lié à notre étude. Nous vous remercions beaucoup d'être venu.

M. Ross Finnie: Ce fut un plaisir. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je reviendrai dans une demi-heure au plus tard.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Nous prions MM. Jim Gentle, Christopher Heeney et Leo Lehtiniemi de bien vouloir s'approcher.

Monsieur Gentle, êtes-vous prêt à commencer? Comme vous le savez, nous vous donnons à chacun cinq minutes. Nous n'avons pas beaucoup de temps pour les questions mais allez-y.

M. Jim Gentle (témoignage à titre personnel): Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'accorder la parole. J'estime que ce que vous faites est extrêmement important.

J'insisterai sur le fait que, dans l'ensemble, mon ex-conjointe et moi-même nous entendons assez bien. Nous avons les mêmes objectifs pour nos enfants, à savoir tout faire pour leur santé, leurs études et leur assurer une enfance agréable.

• 1645

J'ai trois enfants: un de dix ans et des jumeaux de huit ans. J'ai des relations très saines et très solides avec eux. Ils sont essentiellement ma raison d'être et c'est pour eux que je travaille.

Je vais vous expliquer ce que représente pour moi la situation actuelle en matière de garde et de droit de visite. J'ai fait certaines observations le 24 mars. Je parlais à l'époque de questions de droits de la personne. J'étais absolument ahuri par la façon dont j'ai été traité. On m'a dit qu'il me fallait prendre une femme avocat et que je pourrais être accusé de toutes sortes de choses si je ne le faisais pas. Je me suis donc posé certaines questions. Je me suis demandé si la discrimination était devenue légale dans notre pays. Je ne le crois pas mais je ne comprends pas très bien.

Je n'oublierai jamais le jour où je suis allé au tribunal après mon divorce. Mon ex-femme voulait que les enfants déménagent de Kingston à Québec. Quand je suis allé au tribunal, j'ai remarqué une affiche qui datait de 1993 et qui venait du Bureau du solliciteur général de l'Ontario. C'était dans le couloir du tribunal. C'était la photo d'une petite fille avec son ours. La légende disait: «Expliquez-lui à nouveau pourquoi il est normal que papa ne paye pas de pension alimentaire».

Je n'en croyais pas mes yeux. Pour moi, il s'agissait là de publicité haineuse. Cette cible sur un certain groupe de personnes, en fonction de leur situation matrimoniale et de leur sexe. Bref, cela signifiait les hommes divorcés. Je me demandais ce qui se produirait s'il y avait à la place une affiche contre un groupe ethnique? Ce pourrait être n'importe quel groupe, même les Italiens, dont je fais partie. Je n'en croyais pas mes yeux.

Pour ce qui est du système judiciaire, je vais vous expliquer mon exemple. Comme vous le savez, le terme «violence» sert à toutes les sauces. On l'invoque tout le temps. Un jour, mon ex-femme et mes enfants sont revenus de Québec à Kingston pour une semaine de vacances d'été. J'ai voulu emmener mes enfants à Toronto pour se promener. Cela aurait été la première fois que mon ex-femme aurait été séparée des enfants.

Il y a malheureusement eu un petit incident entre mon fils et moi. Bref, j'ai été accusé.

Je me suis retrouvé face à un système et dans une situation où l'on me disait que je n'avais aucune chance de m'en tirer. Un avocat, qui est maintenant juge à Toronto, me disait que c'était inexcusable et que je n'aurais pas dû être accusé. C'était ridicule. Un agent de police m'a dit le lendemain que l'on utilisait mon enfant comme pion pour contrôler les choses et que c'était assez courant. L'agent procédant à l'arrestation m'a dit que s'il ne quittait pas son père, il le battrait. Je crois nettement que cet incident c'est produit à cause de la situation personnelle de cet agent.

Voilà ce qui m'est arrivé. En quelques mots, pour éviter que mon fils n'ait à comparaître au tribunal—il s'agit d'un enfant de six ans, croyez-le ou non—j'ai simplement dit que j'étais coupable et que l'on pouvait me faire n'importe quoi. Là encore, on m'a dit et répété, la police et les autres, que c'était tout à fait courant. Que cela marchait. Que c'était écoeurant mais que ça donnait des résultats.

L'agent de police m'a aussi dit que je devrais consulter quelqu'un pour m'aider à gérer ma colère. Je suis donc allé voir quelqu'un. On m'a dit que ce n'était pas cela dont j'avais besoin, qu'il me fallait consulter quelqu'un pour gérer ma violence. Qu'est-ce que cela veut dire? On me disait en fait qu'il fallait que j'apprenne comment réussir à comprendre mon ex-femme parce qu'elle tenait à contrôler les choses et que j'avais essentiellement des tendances violentes. On m'a aussi dit que cette semaine où ils étaient à Kingston, j'aurais de toute façon eu des problèmes. Quelle que soit la situation, j'allais me retrouver dans une situation délicate. C'est toujours la même chose: si l'on est trop gentil, on se fait avoir. C'est très courant, c'est extraordinaire.

Durant le procès, alors que j'essayais de garder mes enfants à Kingston—cela remonte à 1993—la clinique du tribunal de la famille avait fait une évaluation qui avait conclu qu'un déménagement à Québec avec les enfants risquait de nuire aux relations qui existaient entre eux et moi. Je ne pense pas que le juge ait lu ce rapport. Durant la séparation, je voyais mes enfants tous les jours. Il était extrêmement rare que je ne les voie pas chaque jour. J'allais les voir vers 8 h 30 en semaine, et après le travail. Je les voyais constamment. J'étais très très proche d'eux.

Je me rappelle être tombé sur la personne qui préparait ce rapport pour le tribunal de la famille. C'était en décembre dernier et j'étais en voyage d'affaires. Elle m'a dit qu'elle ne travaillait plus là. Elle se souvenait très bien de moi, même si cela remontait à près de cinq ans. Elle m'a dit qu'elle n'avait absolument pas compris la décision.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Monsieur Gentle, vous avez déjà eu six minutes. Pourriez-vous nous faire vos recommandations?

• 1650

M. Jim Gentle: D'accord.

Ma recommandation est que, si c'est possible, il faut tout faire pour que les tribunaux n'interviennent pas. Je ne sais pas si c'est possible mais il faut prévoir une période minimum de visite et peut-être que la garde partagée devrait devenir la norme.

Nous avons maintenant des lignes directrices, me dit-on, pour ce qui est du paiement des pensions alimentaires. J'estime que si les tribunaux continuent à s'occuper de cela, il faudrait obliger les juges à suivre des cours spéciaux afin qu'ils comprennent bien les conséquences que peuvent avoir leurs décisions sur les enfants et leurs parents.

C'est la même chose pour les pensions alimentaires. Je ne tolère pas que des gens ne paient pas leur pension alimentaire, ces pères qui ne payent pas. On dit que dans la majorité des cas, il s'agit de pères et je le crois bien. Toutefois, si la mère se sert d'un enfant pour obtenir plus qu'elle ne devrait—et que cela représente quelque chose d'important—il faudrait qu'il existe un mécanisme pour veiller à ce que l'enfant rende visite à son père. Ce droit doit être garanti et, s'il n'est pas respecté, il devrait y avoir des sanctions. Si j'ai bien compris la question de la pension alimentaire, si on ne paie pas, on perd son permis de conduire. Je n'y vois pas d'inconvénient.

D'autre part, ces accusations constantes de violence devraient être examinées très sérieusement. C'est une tactique. Ceux qui ont recours à cette tactique devraient avoir des comptes à rendre, notamment les avocats. C'est très important parce que beaucoup de graines de discorde sont plantées par les avocats. Là encore, l'utilisation d'un enfant comme moyen de pression pour obtenir le contrôle des choses est tout à fait inacceptable.

Mes enfants vivent à Québec. C'est à six heures de voiture de Kingston. J'y vais tous les mois. Je pars le vendredi soir et reviens le dimanche soir. J'ai donc 12 heures de trajet chaque mois. Je couche à l'hôtel, et tout le reste.

J'ai finalement environ 10 à 12 heures avec mes enfants durant la fin de semaine. Donc, je passe de 10 à 12 heures par mois avec mes enfants. Cela semble presque proportionnel au temps que je passe à faire le voyage. C'est ahurissant.

Je ne peux tout simplement comprendre que j'ai été traité comme je l'ai été et c'est la raison pour laquelle je suis ici. C'est ahurissant.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Gentle, il faut laisser les autres parler aussi.

M. Jim Gentle: D'accord.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Heeney.

M. Christopher Heeney (témoignage à titre personnel): Honorables sénateurs et députés, je suis très honoré d'être ici et je vous remercie de bien vouloir m'entendre.

J'ai 41 ans et je suis un père seul avec trois filles de dix ans et demi, six ans et demi et cinq ans et demi. J'ai un diplôme collégial d'informatique et je suis depuis 17 ans analyste de systèmes dans le secteur public.

J'ai toujours été un bon père et un mari fidèle et, en mai 1995, mon ex-épouse et moi avons consenti mutuellement à la séparation du fait de différences irréconciliables. Durant la médiation, j'ai tout fait pour essayer de parvenir à un régime parental et financier équitable et acceptable pour les deux parents. Mon employeur m'avait autorisé à travailler à domicile 60 p. 100 du temps et notre médiateur estimait que mes plans étaient réalisables.

Toutefois mon ex-conjointe n'était pas prête à négocier sur la question de la garde et du droit de visite et déclarait que je ne pourrais voir nos enfants qu'une fin de semaine sur deux et un jour l'autre semaine. Après deux séances de médiation, elle m'a obligé à accepter ses exigences en invoquant une ordonnance ex parte qui reposait sur un faux affidavit.

Aujourd'hui, je n'ai pas le droit de voir mes enfants le jour de leur anniversaire. Je vais à leurs fêtes d'anniversaire avec leurs amis, je les emmène dans les rues le soir de l'Halloween, je les emmène chez le médecin et le dentiste mais, pour ce qui est de la loi, je ne suis même pas considéré comme appartenant à la famille de mes enfants. C'est de la ségrégation; c'est discriminatoire et extrêmement cruel et injuste.

Le droit de la famille suscite la confrontation et ne sert pas la société parce qu'il tente de régler les problèmes affectifs par la force plutôt que la compassion et que cela devient inévitablement problématique. Dans la plupart des cas, les allégations ne reposent sur aucune preuve avérée. Les jugements se fondent donc sur des pratiques passées et des affidavits présentés par des personnes mentalement égarées.

Il est irréaliste de penser que les parents peuvent traiter calmement une question affective telle que la garde et le droit de visite dans un système d'affrontement. L'ironie veut que ce système, pour fonctionner, repose sur l'honnêteté.

Le premier objectif du droit de la famille devrait être de guérir les blessures affectives afin d'aider les deux parents à collaborer dans l'intérêt de leurs enfants. On devrait insister sur la facilitation des relations entre les parents et non pas la ségrégation parentale. Le système judiciaire actuel tente de régler des problèmes affectifs en considérant les parents comme des adversaires plutôt qu'en essayant de guérir les blessures. Le problème est encore aggravé par les avocats qui profitent de la douleur et des souffrances des parents égarés.

• 1655

Les questions parentales et financières pourraient être réglées plus facilement grâce aux services et aux spécialistes qui existent déjà. Les psychologues peuvent se charger des évaluations concernant la garde en examinant les aptitudes des parents et le bien-être des enfants et pourraient continuer à conseiller la famille. Des vérificateurs et conseillers financiers pourraient aider les parents à se partager équitablement leurs biens et à préparer les régimes financiers nécessaires. Des courtiers en immobilier pourraient aider les parents à vendre leur maison et en trouver d'autres.

La garde et le droit de visite sont des termes qui divisent, qui sont avilissants et qui ont une connotation de contrôle. Il faut en trouver d'autres. Les rôles et les liens parentaux ne peuvent être supprimés sans conséquence dramatique pour les parents et les enfants. Plutôt que de séparer, il faut partager les responsabilités parentales.

Mes recommandations à court terme sont notamment que l'on ne puisse utiliser que dans des circonstances extrêmes une ordonnance ex parte et que celle-ci devrait inclure une demande d'évaluation concernant la garde. Cette ordonnance devrait être accompagnée d'une liste de droits que l'on lirait à l'accusé à qui l'on fournirait aussi les lignes directrices nécessaires quant à la façon de procéder.

Les évaluations relatives à la garde doivent avoir un certain poids juridique. Pourquoi procéder à une évaluation si le juge n'est pas obligé d'en suivre la recommandation? Les médiateurs devraient avoir le droit d'arbitrer les décisions.

Les ordonnances de non-communication peuvent être utilisées comme mesure de rétorsion par les parents ayant la garde et sont accordées beaucoup trop libéralement par les juges. Elles devraient reposer sur une évaluation en matière de garde, des preuves physiques ou le témoignage d'un tiers.

Un examen polygraphique devrait entrer dans l'évaluation en matière de garde et les résultats devraient être admis par les tribunaux lorsque les parents présentent des déclarations contradictoires.

La falsification d'affidavits doit être considérée comme une infraction criminelle et assortie d'amendes importantes pour la décourager. Les avocats qui apprennent à leurs clients à tromper font obstruction à la justice et devraient être condamnés à des amendes élevées et voir révoquer leur permis d'exercer.

Les juges et les avocats devraient être tenus responsables de leurs actes comme dans tout autre service public. Un organisme indépendant et impartial devrait procéder chaque année à un examen des décisions des juges et du comportement des avocats en fonction de la satisfaction des clients. Les juges devraient être tenus d'expliquer leurs décisions.

Le rythme de paiement de la pension alimentaire devrait dépendre du rythme de rémunération du parent tenu de payer et le montant de la pension ne devrait pas empêcher celui qui la paye de conserver un style de vie en rapport avec celui du bénéficiaire.

On devrait constituer un comité consultatif dont l'objectif serait d'informer les parents séparés.

Il faudrait nommer un ombudsman pour examiner les griefs présentés par les parents qui n'ont pas la garde et qui ont été traités de façon injuste par le système judiciaire actuel. L'ombudsman devrait être habilité à annuler les ordonnances des tribunaux accordées aux parents qui ont obtenu la garde en ayant utilisé de faux affidavits ou le recours à des avocats malins pour obtenir la garde et la pension alimentaire.

Le gouvernement devrait préconiser un régime parental partagé fondé sur la médiation et l'arbitrage plutôt que sur le contrôle et le respect d'ordonnances. Après la séparation, les parents devraient obligatoirement suivre un cours de gestion de la colère, de règlements des conflits et de négociations. On devrait d'autre part appliquer la règle «trois prises et le joueur est retiré» aux parents mauvais payeurs.

Pour finir, je dirais qu'une méthode à l'amiable devrait donner des chances égales aux enfants et aux parents qui pourraient être autrement désavantagés par une procédure accusatoire, hostile et qui engendre la discorde. Une procédure à l'amiable améliorerait la société plutôt que de la détruire. Cela réduirait d'autre part le fardeau de l'administration. Les enfants, les parents, la société et l'administration auraient tous profité d'un système de conciliation qui repose sur la compassion et l'égalité.

Enfin, je vous signale simplement que j'ai préparé un mémoire de 40 pages que l'on est en train de traduire. Il porte sur une excellente étude de cas et comporte des documents et détails que je ne pourrai évidemment aborder dans le temps qui m'est alloué. Si vous avez des questions au sujet de ce document, n'hésitez pas à prendre contact avec moi d'une façon ou d'une autre.

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, monsieur.

Monsieur Lehtiniemi.

M. Leo Lehtiniemi (témoignage à titre personnel): Bonjour et merci au comité de cette occasion qui m'est offerte de m'adresser à vous.

Je limiterai mes commentaires aux questions concernant la garde et le droit de visite sur lesquels les membres du comité peuvent avoir une certaine influence.

Je sympathise avec les gens qui ont raconté leurs expériences personnelles que je comprends bien. Je ne donnerai pas de détails sur des situations que j'ai connues car je voudrais vous entretenir de questions plus générales qui méritent votre attention.

• 1700

Tout d'abord, la sécurité des enfants et la nécessité d'être justes envers les hommes. Le gouvernement canadien a défini la violence familiale comme étant dirigée contre les femmes et les enfants. On en est arrivé à déclarer qu'il s'agit de violence commise par les hommes. C'est donc dans ce sens que cela est aussi interprété par les provinces et les systèmes juridiques. De ce fait, on ne compile pas systématiquement de renseignements sur les actes de violence commis par les femmes et les enfants au Canada.

La colère et la violence qui en découlent parfois ne sont pas le propre d'un sexe en particulier, il s'agit de comportements humains. Des sondages à l'échelle de la population révèlent que l'on retrouve la violence aussi souvent chez les femmes que chez les hommes et que la moitié des enfants victimes de violence sont victimes de femmes. Le gouvernement du Canada, dans son optique sélective, nuit aux hommes et aux enfants parce que dans le régime juridique, on tient rarement compte de la violence des mères dans les décisions concernant la garde.

On a fait des recherches et compiler des données sur la violence contre les femmes, mais il faut maintenant faire un effort semblable qui porte sur la violence par les femmes. Je recommande que le comité prenne des mesures afin de s'assurer que l'on élargit la définition de la violence familiale au Canada afin d'inclure les actes de violence commis par les hommes, les femmes et les enfants et afin de s'assurer que l'on obtiendra le financement nécessaire pour réunir des données sur ces aspects de la violence familiale.

Je pense qu'il est également important d'examiner la violence dans son contexte. Il s'agit en général du point culminant d'une série d'événements antérieurs. Il faut en fait l'étude et l'analyse si nous voulons vraiment réduire la violence au sein des familles.

En deuxième lieu, j'aimerais parler de l'équité dans le financement des programmes. Les gouvernements ont mis sur pied toute une gamme de programmes à l'intention des femmes pour contrer les problèmes auxquels celles-ci font face ce qui les met en relief. Au nombre de ces programmes, on compte les foyers pour femmes, les services d'orientation et le financement de groupes d'appui communautaires. Il y a quelques programmes à l'intention des hommes sur la gestion de la colère. L'hypothèse sous-jacente, c'est que les hommes sont violents et que les femmes ont besoin d'aide.

Jusqu'à un certain point, c'est très bien. Incontestablement, ces programmes sont nécessaires, toutefois, les hommes ont également besoin de services d'orientation et de soutien en périodes de crise familiale avant qu'ils n'arrivent à un point où le stress les pousse à se comporter de façon inappropriée. Il faut également des centres à l'intention des hommes où ceux-ci peuvent recevoir des conseils et de l'aide pour réagir à la violence physique, verbale, émotive et psychologique qu'ils subissent aux mains de leurs amantes, partenaires, épouses et mères. Maintenant qu'il existe des programmes connus de gestion de la colère à l'intention des hommes, il faut des programmes publics aussi visibles de lutte contre la colère, le comportement abusif et la violence à l'intention des femmes.

Le comité doit recommander que toutes les mesures, programmes, directives et règlements gouvernementaux soient non sexistes et que l'on traite de la même façon, les hommes et les femmes. Cela signifie entre autres qu'il faut immédiatement mettre sur pied l'équivalent à l'intention des hommes des programmes qui existent pour les femmes à moins que les programmes exclusivement destinés aux femmes ne soient discontinués.

En troisième lieu, j'aimerais aborder la question d'une meilleure intégration des programmes et des lois afin d'assurer la mise en oeuvre, en pratique, des dispositions de garde officielles qui ont été prises. Dans mon cas, j'ai obtenu la garde partagée. J'ai constaté que je n'étais pas en mesure d'offrir à mes enfants un foyer semblable à celui que mon épouse pouvait leur offrir à cause des diverses dispositions législatives.

Les dispositions juridiques actuelles placent les pères en position d'infériorité en ce qui concerne la garde des enfants. L'obligation de verser une pension alimentaire à la conjointe et aux enfants qui s'ajoute au coût d'installer un nouveau logis signifie que le père nouvellement séparé est souvent obligé de prendre un logis plus modeste que le domicile conjugal. Par conséquent, les enfants doivent endurer certaines privations et difficultés lorsqu'ils vivent avec leur père.

La situation s'aggrave si la séparation des biens du couple comprend un versement comptant équivalent à la valeur nette actuelle d'un régime de pension. La capacité du père à offrir un logement équivalent à ses enfants lorsqu'il en a la garde ou lorsque ceux-ci lui rendent visite s'en trouve d'autant diminuée. En fait, le père risque de se trouver immédiatement endetté même s'il ne survit pas suffisamment longtemps pour toucher la pension dont il a dû verser la moitié à ce moment-là.

Après la séparation des biens lors de la séparation ou du divorce, le conjoint peut demander le partage des crédits de RPC ce qui se fait séparément. Dans le cas des personnes qui bénéficient d'une pension de retraite de la fonction publique fédérale, celle-ci est réduite à compter de l'âge de 65 ans lorsque les prestations du RPC sont réputées commencer.

Dans le calcul préalable au partage des biens, on ne tient pas compte de cette réduction. Bien que l'incidence financière soit reportée, l'incidence émotive est immédiate et peut influencer la relation entre les parents et leur coopération dans les questions de garde et de visite.

Il n'est pas question de cette situation dans les motifs d'appel du partage des crédits du RPC, sans compter que la période d'appel est ridiculement courte, compte tenu des contraintes juridiques, financières et émotives auxquelles sont soumis les parents à ce moment-là.

• 1705

Enfin, un appel officiel serait contre-indiqué et futile puisque rien à cet égard n'est prévu dans la loi. Toutefois, il ne s'agit pas de ce que dit la loi. C'est plutôt une question de justice et d'équité et du meilleur intérêt de tous, j'estime donc qu'il faut modifier la loi afin de mieux refléter cette situation et afin de s'assurer que le climat émotif dans lequel on règle les questions de garde et de visite demeure neutre plutôt que de devenir plus explosif.

J'estime que le comité doit recommander l'examen de tous les programmes et pratiques du gouvernement fédéral qui touchent à l'échec d'un mariage et aux questions de garde et de pension alimentaire afin de s'assurer qu'il n'y a pas de préjugé sexiste ou d'autres aspects qui nuisent à la capacité de l'un ou l'autre parent à exercer ses droits, ses responsabilités et obligations en matière de visite et de garde des enfants. Je pense qu'il existe une distinction très réelle entre l'aspect juridique et l'aspect réel du monde dans lequel nous vivons. Il ne faudrait pas l'oublier.

Enfin, rendons la procédure compréhensible pour les participants et rendons-la manifestement juste. Les spécialistes, les professionnels du droit de la famille se nourrissent de la vulnérabilité émotive, de la douleur et de la confusion associées à la complexité de la séparation et du divorce, de la garde et des pensions. On doit remédier à cette situation. Les coûts émotifs de l'expérience sont déjà suffisamment lourds sans autre aggravation.

À cette fin, à mon avis, il faut mettre au point une liste—tout simplement—des étapes que les parents doivent suivre dans les procédures de séparation et de divorce, liste qui serait distribuée à toutes les provinces et à tous les médiateurs de divorce, etc.

Il faut identifier quelle compétence professionnelle est nécessaire à chaque étape du processus. Par exemple, un comptable en titre devrait effectuer un examen indépendant de la situation financière des deux parties plutôt que de laisser le champ aux avocats et de créer une situation où l'on présente de faux affidavits et où l'on négocie un compromis, une perte de temps quoi, ce qui suscite les émotions et grossit les honoraires des avocats.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lehtiniemi, votre temps est écoulé. Vous avez de loin dépassé vos cinq minutes.

M. Leo Lehtiniemi: Très bien.

Il doit y avoir des directives publiées sur les délais raisonnables, les coûts et les normes de qualité pour chaque étape du processus de séparation et de divorce.

Il faut trouver des moyens plus efficaces que ceux disponibles actuellement pour donner suite aux ordonnances des tribunaux—sans d'autres recours juridiques. C'est vraiment trop pour les intéressés que de devoir se prévaloir de cette option lorsqu'ils ne peuvent pas exercer leur droit de visite tel que prévu dans l'entente.

Je demande au comité de recommander immédiatement des mesures afin de rationaliser, démystifier, réduire les coûts et rendre les règlements de séparation et de divorce plus efficaces, applicables et compréhensibles.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Nous avons une brève période de questions maintenant. Monsieur Forseth, vous pouvez commencer.

M. Forseth: Merci beaucoup.

Aujourd'hui, le 8 juin à Ottawa, nous avons entendu une question plutôt incroyable à la Chambre des communes au cours de la période des questions. En fait, les Néo-démocrates, en commentant les travaux de ce comité et les témoignages que nous venons d'entendre, ont mis en doute l'intégrité de notre comité en protestant contre le genre de témoignage que vous, messieurs, venez de donner. Ils disaient essentiellement qu'il ne faut pas tenir compte de ce genre de témoignage, car plus vous, les pères, faites entendre votre voix et présentez votre douleur, plus cela fausse les travaux du comité d'une certaine façon.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez et que vous nous fassiez part des modifications à la Loi sur le divorce que vous aimeriez que nous recommandions de façon à parvenir à une situation plus équilibrée, plus équitable nous éloignant de la guerre des sexes, afin d'en arriver à une situation qui soit moins faussée et qui aide tout particulièrement les enfants.

Votre témoignage et d'autres supposent que le système semble incapable de considérer l'intérêt des enfants d'un oeil neutre, que selon l'argument ou l'air d'aller du moment, le système se détraque continuellement.

Il a fallu longtemps aux femmes victimes pour trouver une voix, et il leur a fallu lutter longtemps pour le faire, mais maintenant, elles disposent des ressources énormes du gouvernement et il y a des facultés dans les universités qui se concentrent uniquement sur le point de vue des femmes dans la société. Vu tout cela, et vous qui nous faites entendre un son de cloche différent, nous constatons que même à la Chambre des communes on conteste votre comparution ici et votre témoignage.

Manifestement, il y a beaucoup de travail à faire pour parvenir à une justice sans préjugés et pour éviter la guerre des sexes.

Peut-être pourriez-vous dire quelques mots, brièvement, à ce sujet.

M. Jim Gentle: Demandent-ils si le comité pourrait faire preuve de préjugés à l'égard...

M. Paul Forseth: Il a également été dit dans les journaux que notre comité avait entendu un plus grand nombre de témoignages de groupes qui représentent les droits des pères, que nous avions déjà pris nos décisions et que la couleur du comité se révélait dans le genre de témoins inscrits sur notre liste—etc, tous les arguments spécieux. Mais voilà.

• 1710

M. Jim Gentle: Je trouve ça bizarre. Je ne peux que vous faire part de ma propre situation.

J'ai ici une entente sur le droit de visite. Or, avant que mes enfants ne partent pour Québec, par frustration, il m'est arrivé de me rendre au poste de police local de Amherstview à Kingston où de nombreux agents de la Police provinciale de l'Ontario m'ont dit: «Désolé, Jim, mais ce document ne vaut rien. Ce n'est qu'un bout de papier. Il n'y a rien à faire. Il faut retourner vous adresser au tribunal». Retournez au tribunal, retournez au tribunal...

Lorsque j'ai perdu, j'avais un si grand nombre de personnes... Pas uniquement mon avocat, mais même l'auteur du rapport de la clinique familiale était étonné. J'aurais pu porter l'affaire en appel. Mais là encore, c'est une question d'argent, encore et toujours.

Comme père, vous faites de votre mieux pour vos enfants. Je ne serai pas ici... Évidemment, nous ne serions pas tous ici. Pour ce qui est de préjugés, ce n'est pas le cas. C'est le cas je pense parce qu'il existe un problème énorme.

M. Paul Forseth: Très bien, donc vous dites qu'il y a un problème et que le son de cloche que nous avons entendu au comité est représentatif d'une partie de la communauté.

On nous a également dit, en termes juridiques évidemment, que la question du parent qui déménage dans une localité différente est un problème juridique. Nous avons reçu un grand nombre de mémoires à cet effet.

Monsieur Lehtiniemi, j'imagine que vous voulez aussi faire un commentaire.

M. Leo Lehtiniemi: Tout d'abord, j'aimerais consigner au procès-verbal mes titres professionnels. Je suis sociologue de formation avec de l'expérience en recherche et en analyse de données statistiques. Je connais la documentation.

Je suis un ancien responsable de niveau supérieur, chargé de l'examen des programmes gouvernementaux et j'ai examiné bon nombre de documents de base sur cette question. J'ai trouvé intéressant de vivre ce processus moi-même. Je suis directeur d'une association des droits civils ce qui exige un point de vue plutôt équilibré.

Comme sociologue, je tiens à souligner qu'il existe une question de pouvoir et de partage de ressources rares qui joue tout à fait ici. Quiconque bénéficie des définitions actuelles du problème, de ce qui peut être subventionné, résistera à tout changement parce que cela pourrait signifier qu'on touchera moins parce que quelqu'un d'autre commencera à toucher sa part.

Le régime juridique résistera au changement parce que cela suppose apprendre de nouvelles choses. La résistance au changement est un fait qui se manifeste lorsque l'on tente de mettre en place quelque chose de nouveau, ce qui pousse les gens à invoquer toutes les raisons possibles pour maintenir le statu quo.

Je pense qu'il faut du courage de la part des membres du comité pour continuer dans ce contexte, car si vous examinez attentivement les faits, faits incomplets parce que notre définition du problème en exclut certains—mais il existe des renseignements—on aurait suffisamment d'appuis pour aller de l'avant. La plupart des choses qui valent la peine sont difficiles à accomplir.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): M. Heeney souhaite faire un commentaire.

M. Christopher Heeney: Je ne comprends vraiment pas que l'on puisse dire cela, à moins, évidemment, de ne pas vraiment comprendre ce qui se passe. C'est quelque chose qu'il faut vivre. Je vis cela depuis trois ans et je connais de nombreuses autres personnes qui ont vécu la même chose, et pendant encore plus longtemps.

La cause première du problème—et la raison pour laquelle nous sommes ici—c'est que le système en est un d'opposition. Vous traitez les autres comme des ennemis, et ils vous le rendent. Il n'y a pas la moindre compassion. Tant que cet aspect ne sera pas résolu, les problèmes ne disparaîtront pas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, vouliez-vous invoquer le Règlement?

La sénatrice Anne Cools: Oui. Merci, madame la présidente.

Je m'interroge sur la déclaration de M. Forseth. Je pense qu'il citait un député de la Chambre des communes. Peut-être devrait-il nous dire de quel député il s'agit. J'aimerais le savoir. Il s'agit d'une question posée à la période des questions? De façon à ce que nous sachions de quoi il s'agit.

La sénatrice Lucie Pépin: Il nous suffirait de regarder le hansard.

La sénatrice Anne Cools: Eh bien, non... À qui a-t-on posé la question? L'a-t-on posée au président du comité?

La sénatrice Erminie Cohen: ...

[Note de la rédaction: Inaudible]...

La sénatrice Anne Cools: Il a soulevé l'affaire, et cela fait, nous avons le droit de savoir de quoi il s'agit.

M. Paul Forseth: Je vais vous citer la référence. Au cours de la période des questions aujourd'hui, les Néo-démocrates ont posé une question au gouvernement. La réponse du gouvernement était générique. Toutefois, cette question reflète une attitude qui conteste l'intégrité de ce comité.

• 1715

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice LeBreton.

La sénatrice Marjory LeBreton (Ontario, PC): Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier nos témoins. Je suis nouvellement nommée à ce comité mixte, en remplacement de Duncan Jessiman, mais j'ai fait partie du comité du Sénat qui se penchait sur la même question.

J'ai été tout particulièrement frappée, monsieur Heeney, par votre témoignage. Vous étiez dans la salle, je pense, lorsque Louise Morreau a donné son témoignage. J'ai été frappée par vos commentaires, et je me demande si vous avez quelque chose de particulier à dire sur ses recommandations, parce que, après tout, je partage votre avis que c'est une situation d'opposition lorsque l'on se retrouve devant le tribunal dans une affaire de divorce. Dans votre cas particulier, j'ai l'impression que cela aurait facilité les choses.

En ce qui concerne la formation obligatoire, c'est-à-dire lorsque les parents dans cette situation d'opposition rencontrent des professionnels qui leur font comprendre l'incidence de leurs actions et de leurs déclarations sur leurs enfants, je me demande si vous—et je pense que vous l'avez en fait dit au cours de votre exposé—êtes en faveur de l'éducation obligatoire.

M. Christopher Heeney: Oui, tout à fait. C'est l'une des difficultés. Je ne connais rien aux poursuites. Je suis gestionnaire: j'ai donc une petite idée sur la façon de faire face aux conflits: réunir les deux parties et tenter d'expliquer le processus et ce qui... Remarquez, que leur expliquer? Que vous pouvez avoir un avocat qui aime la confrontation ou un avocat qui ne l'aime pas? Et il faut que cela aille plus loin. Il faut avoir un processus fondé sur des lignes directrices sur la façon de procéder à un divorce amical par opposition au fait de pouvoir se retirer et embaucher un avocat batailleur pouvant se salir les mains à votre place, essentiellement ce que votre ancienne conjointe a fait. Elle a eu un avocat pendant un an et demi avant de finalement demander l'ordonnance ex parte. Je ne connaissais rien à ce genre de choses. On devrait certainement rendre la formation obligatoire.

La sénatrice Marjory LeBreton: En écoutant Mme Morreau, j'ai été frappée par le fait que les parents, l'un ou l'autre, disent des choses devant leurs enfants. Prenons l'exemple du parent qui dit à un jeune garçon de sept ans: «C'est toi l'homme de la maison maintenant» et qui place ce fardeau sur l'enfant. Vu la situation très chargée dans laquelle se trouvent les parents, il faudrait leur expliquer les répercussions sur les enfants.

M. Christopher Heeney: Il faut que les enfants participent aussi.

La sénatrice Marjory LeBreton: Au départ, on devrait expliquer ce qu'il faut et ne faut pas dire aux enfants, et ensuite peut-être qu'on pourrait faire venir les enfants... C'était ma seule question. Est-ce que quelqu'un d'autre veut répondre?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

M. Jim Gentle: J'ai vécu toute cette affaire en 1993 essentiellement, et c'est extrêmement émotif. Vous tentez de gagner votre vie, vous tentez de faire de votre mieux pour vos enfants, et 40 p. 100 de mon revenu partait en pension alimentaire pour les enfants et mon ex-conjointe. Elle est toujours à l'école, à l'université. Elle a dû partir pour aller à Québec; voilà pourquoi elle l'a fait. Elle n'a toujours pas terminé, mais cela ne me préoccupe pas, car les enfants se portent très bien.

Je pense que la plupart des pères dans cette situation sont en fait de bons pères, la grande majorité, mais ce qui se produit est surprenant. Vous faites tout simplement de votre mieux. D'après mon expérience, plus j'essayais d'en faire, plus j'essayais de dépenser, plus je me faisais rabrouer. C'est incroyable. Je comprends pourquoi un grand nombre de pères s'éloignent, et la première chose qu'on sait, ils sont partis. Ils ne doivent pas faire ça; ils doivent s'accrocher. Ce n'est pas facile. C'est incroyable.

La sénatrice Marjory LeBreton: Est-ce que le fait de devoir suivre des cours, dans le but de faire comprendre aux parents les répercussions de leurs actions sur leurs enfants, vous aurait aidé, monsieur Gentle?

M. Jim Gentle: Je pense que cela aurait été utile si nous avions mieux compris comment fonctionnait tout ce système. En outre, il faut une certaine formation relativement aux tribunaux, parce que, d'après certaines décisions, on va d'un extrême à l'autre. J'ai dû me présenter devant le tribunal à Napanee, mon lieu de résidence, pour que soit décidé le montant de la pension alimentaire en 1993. Le juge qui devait se présenter avait la réputation d'être juste. C'est tout ce que je voulais. Je ne voulais pas que mon épouse obtienne un faible montant, parce que ce n'était pas bon pour mes enfants. Par contre, je ne voulais pas me retrouver à manger des fèves au lard, sans argent, sas pouvoir faire quoi que ce soit avec les enfants.

• 1720

Or le juge n'a pas pu se présenter, et lorsqu'on a su qui allait prendre sa place, il fallait entendre les avocats dans le couloir. C'était la panique. Lorsque j'ai demandé ce qui se passait, un avocat, je ne l'oublierai jamais, m'a demandé ce que je faisais là. J'ai dit que c'était une question de pension alimentaire pour enfants. Il m'a regardé en disant: «Bonne chance—vous en aurez besoin.» Ce n'est pas ainsi que les choses devraient se passer.

M. Leo Lehtiniemi: La formation ne donne quelque chose que si les deux parties y sont bien disposées. Avant la fin de mon mariage, pendant environ cinq mois, j'ai envoyé mes enfants et mon ancienne épouse voir un psychiatre pour enfants afin d'examiner les questions qui avaient entraîné la rupture du mariage. On a ainsi identifié des choses qu'il faudrait régler par la suite.

Mon ancienne femme a retenu les services d'un cabinet d'avocats extrêmement compétents. J'ai embauché quelqu'un qu'on m'avait dit être compétent et juste et qui l'était, je pense. L'avocat de ma femme a signifié au cours du mois que mon avocat avait dit qu'elle serait en vacances et avait demandé que l'on reporte toute poursuite. L'avocat de ma femme nous a donné trois semaines pour nous préparer.

C'est un jeu pour les avocats. La colère du conjoint abandonné est phénoménale, et il faut en tenir compte. Celui-ci peut utiliser tous les moyens à sa disposition pour se venger. Dans mon cas, lorsque j'ai dit que j'allais partir, et que je n'allais plus tolérer cette situation, ma femme m'a dit carrément qu'elle me prendrait tout l'argent possible.

La sénatrice Marjory LeBreton: Donc, dans votre cas alors...

M. Leo Lehtiniemi: La formation n'aurait rien donné.

La sénatrice Marjory LeBreton:... il est clair que les avocats ont aggravé la situation.

M. Jim Gentle: Oui.

C'est de l'or en barres. C'est magnifique. Je travaille pour une entreprise nationale dans le domaine du financement hypothécaire. Dans notre milieu, nous disons qu'il y a deux choses merveilleuses qui plaisent le plus aux avocats, les saisies et le divorce.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice, vous avez une toute petite question? Nous avons déjà 25 minutes de retard.

La sénatrice Mabel DeWare: Je voulais simplement demander à Jim qui lui avait dit de trouver une avocate. Vous avez déclaré qu'on vous avait presque dit de le faire.

M. Jim Gentle: Oui. Parce que je suis dans le financement hypothécaire je connais beaucoup d'avocats à Kingston. Donc, j'ai posé la question à deux ou trois avocats différents. Ils m'ont dit: non, il vous faut prendre une avocate, parce que, sinon, on va vous accuser de détester les femmes.

Je dirais à M. Forseth que je suis très étonné qu'un député néo-démocrate ait déclaré que toute cette affaire est faussée. À mon avis, je lui demanderais plutôt pourquoi, en 1993, en cour même—et les Néo-démocrates étaient au pouvoir en Ontario—on avait dans les bureaux du solliciteur général des affiches qui poussaient à la discrimination. Voilà ce que j'aurais demandé.

Qu'il pose même cette question, c'est écoeurant. Si vous tenez ces audiences, c'est parce que vous reconnaissez qu'il y a un problème. Et c'est le cas.

J'ai beaucoup d'amies, des femmes, qui connaissent le montant de la pension alimentaire que je verse. Elles savent combien je voyage pour voir mes enfants et à quel point je leur suis dévoué. Ces mères, je vous le dis franchement, m'appuient à 100 p. 100. Elles me disent: «Vous êtes un as; vous versez 2 000 $ par mois.» C'est presque 40 p. 100 de mes revenus. Vous vous rendez tous les mois voir vos enfants, quel que soit le temps qu'il fasse. Lorsque j'y vais, si les enfants veulent des chaussures ou des shorts, et vous savez comment c'est, il faut que ce soit des Nike. Si j'en ai les moyens, je leur donne l'argent. Je fais tout ce que je peux. Je paye cher en avantages pour obtenir ce qu'il y a de mieux. Et je le fais sans le moindre problème. Donc je n'arrive pas à comprendre le raisonnement de ce député à la Chambre des communes.

J'ai perdu mon père quand j'avais 15 ans. Il est mort. Ce n'est pas drôle. Pour un grand nombre d'enfants, à cause de cette situation, c'est la même chose. Ce n'est pas drôle. Je pense à lui tous les jours.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Dernière chose, vous avez une autre question, sénatrice DeWare?

La sénatrice Mabel DeWare: Christopher voulait intervenir.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Heeney.

M. Christopher Heeney: Je veux seulement ajouter que lorsque j'ai vécu tout cela, toutes ces procédures, on m'a chaudement recommandé, c'est-à-dire des amis, de retenir les services d'une avocate. On s'imagine, je suppose, pour des raisons que je ne connais pas, que l'avocate peut être plus méchante ou qu'elle sera davantage crue. Essentiellement, ce que j'ai fait, c'est que je n'ai tenu aucun compte de tout cela parce que mon avocat était peu enclin à la chicane. Je ne voulais rien savoir de tous ces petits jeux ou problèmes, et cela m'a joué un vilain tour. Mais c'était ce que me recommandaient des amis, et c'est la perception qu'on a.

• 1725

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Pour les besoins du procès-verbal, auriez-vous l'obligeance de nous indiquer vos causes, les numéros et le genre de causes, vos trois causes de divorce...

M. Christopher Heeney: Pardon. Les numéros?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Si vous ne les avez pas, vous pouvez nous les faire parvenir plus tard, mais c'est le titre de votre cause, le numéro...

La sénatrice Anne Cools: Le numéro n'est pas aussi important, mais nous avons besoin du nom de la cause, comme Jones c. Smith, et la province ou le territoire.

M. Christopher Heeney: C'est Paquette c. Heeney, mais je n'ai pas le numéro.

La sénatrice Anne Cools: Quelle était l'année et la province ou le territoire?

M. Christopher Heeney: Cela s'est passé à Ottawa en juin 1995.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Gentle.

M. Jim Gentle: C'est Gentle c. Ouellet, division provinciale de la Cour de l'Ontario, Napanee, Ontario, février 1993.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Monsieur Lehtiniemi.

M. Leo Lehtiniemi: C'était Lehtiniemi c. Lehtiniemi. Le décret de divorce définitif a été rendu ici à Ottawa. Je crois que c'était en 1993, mais je peux communiquer ces informations à la greffière.

Je tiens à indiquer pour les besoins du procès-verbal que je vous ai envoyé un mémoire. Ce texte contient des renseignements détaillés. Je ne voulais pas le lire en entier, parce qu'on y répétait ce que vous avez déjà entendu.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord. C'est bien. Merci beaucoup.

Merci à vous trois pour vos récits et votre contribution.

Nous allons maintenant entendre Mme Adrienne Snow, de la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille.

Mme Adrienne Snow (coordonnatrice, Politiques et communications, Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille): Bonjour. J'aimerais vous remercier de nous avoir invités à participer aux audiences du comité.

Pour commencer, je vais rappeler quelques chiffres, que vous connaissez sûrement tous, concernant les taux de divortialité au Canada et l'augmentation dramatique du nombre de familles qui se sont retrouvées embrouillées dans des procédures relatives à la garde et à l'accès au cours des dernières années.

Avant la réforme de la Loi sur le divorce en 1968 au Canada, il n'y avait que quelques milliers de divorces par année; par contraste aujourd'hui, on se retrouve devant une augmentation dramatique du nombre de divorces, soit environ 80 000 par année, selon Ross Finnie et l'Institut Vanier de la famille. À la fin des années 70, le Canada et tous les États américains avaient adopté diverses formules du divorce sans faute. Dans les faits, le divorce sans faute permet à un conjoint de divorcer sans motif, ce qui nous a amenés au phénomène actuel du divorce unilatéral, et selon le chercheur Maggie Gallagher, 80 p. 100 de tous les divorces américains résultent de la décision unilatérale de l'un des conjoints.

Ironiquement, la loi favorisant le divorce sans faute, comme vous le savez, visait à réduire les taux de divortialité et à soulager les procédures de divorce de toute acrimonie, mais au Canada les chiffres sont consternants. Avant la réforme de la Loi sur le divorce en 1968, le taux de divortialité se situait à 8 p. 100. En 1987, soit un an après l'introduction du divorce sans faute, ce chiffre avait grimpé jusqu'à 44 p. 100. L'an dernier, il est retombé à un taux plus stable d'environ 40 p. 100, selon l'Institut Vanier de la famille d'Ottawa.

• 1730

Cependant, en dépit de ces changements dans les taux de divortialité, il est évident que le régime actuel ne satisfait pas la majorité des Canadiens, à notre avis. Il y a plus de Nord-Américains, peu importe leur âge, qui expriment une préoccupation grandissante vis-à-vis de la facilité qu'ont les couples à obtenir un divorce. En 1974, un sondage canadien révélait que 33 p. 100 des gens âgés entre 18 et 29 ans, 37 p. 100 des gens âgés entre 30 et 39 ans, et 42 p. 100 des gens âgés entre 40 et 49 ans disaient que le divorce devrait être plus difficile à obtenir.

Quand ces personnes ont été sondées de nouveau en 1995, 47 p. 100 du premier groupe, 42 p. 100 du deuxième groupe et 53 p. 100 du troisième groupe croyaient que le divorce devrait être plus difficile à obtenir.

Le grand public n'est pas le seul groupe à se préoccuper de l'état actuel des questions relatives au divorce, à la garde et à l'accès. Selon la sociologue de l'Université York Anne-Marie Ambert, qui effectue en ce moment des recherches pour écrire un livre sur les ex-conjoints et les nouveaux conjoints, une forte proportion de couples divorcés en viennent à regretter leur décision.

L'édition du 20 avril 1998 de la revue Maclean's prêtait les propos suivants au professeur Ambert:

    Dans un tiers des cas que j'ai étudiés il n'y a aucun motif sérieux de divorce, et les divorcés eux-mêmes disent des choses comme ceci: «Si c'était à recommencer, je ne le ferais pas.»

Bien sûr, ce n'est pas seulement le grand public et les conjoints divorcés qui sont troublés par l'état actuel des choses. Et j'en viens ici au coeur de mon exposé. Il y a un troisième groupe qui est profondément troublé par le régime actuel de divorce au Canada—ce système de divorce sans faute, sur commande, et la façon dont la garde et l'accès sont attribués—et ce groupe, c'est bien sûr les enfants.

On entend souvent dire que cela ne peut pas être vrai. Qu'il vaut mieux que l'enfant soit élevé par un parent heureux et indépendant que par un homme et une femme qui sont emprisonnés dans une relation malheureuse et conflictuelle. Cependant, si l'on en croit Barbara Dafoe Whitehead, auteur de l'ouvrage The Divorce Culture, si le conflit dans le mariage est intense, constant et marqué par la violence physique ou une cruauté aiguë, les chercheurs concluent que les enfants se porteraient mieux si les parents se séparaient. Cependant, d'après certaines estimations fiables, il n'y a que de 10 p. 100 à 15 p. 100 des mariages aboutissant au divorce qui donnent lieu à des conflits intenses et à de la violence. Ce qui laisse un pourcentage important de mariages en difficulté, où il y a des enfants, qui se retrouvent dans la catégorie des mariages moins difficiles et que l'on pourrait donc sauver.

C'est ce que fait valoir également William Galston, professeur d'affaires publiques à l'Université du Maryland, et conseiller adjoint du président Clinton à la politique intérieure de 1993 à 1995. M. Galston disait ceci:

    Il y a une distinction essentielle à faire entre les divorces où il y a violence physique ou cruauté émotive extrême et ceux où il n'y a rien de la sorte. Les enfants mineurs dans la première catégorie se portent en moyenne mieux que si leurs parents étaient restés mariés, mais c'est le contraire pour les enfants de la deuxième catégorie, qui est supérieure en nombre. Dans ces cas-là, le divorce a un effet négatif indépendant sur le bien-être des enfants mineurs, si l'on tient compte d'un certain nombre de dimensions essentielles: le rendement scolaire, l'achèvement des études secondaires, la fréquentation d'un établissement postsecondaire et l'obtention d'un diplôme postsecondaire, la participation au marché du travail et les habitudes de travail, la dépression et autres malaises psychologiques, le crime, le suicide, les naissances hors mariage et la propension à divorcer. La preuve démontre aussi que l'expérience du divorce amoindrit la confiance et la capacité qu'ont les enfants, une fois devenus adultes, de former des liens stables et durables.

On trouve la raison à tout cela dans la masse de documents psychologiques et médicaux faisant état de la théorie de l'attachement qui se répand en ce moment. C'est sur ce domaine que portent les recherches qu'effectue notre fondation en ce moment.

Si l'on en croit la théorie de l'attachement, à l'âge de six mois l'enfant acquiert une représentation interne de la relation d'attachement, ce qui guide son comportement dans les situations nouvelles. L'attachement est considéré comme un lien constant qui unit une personne à une autre et qui tend à se manifester dans les conditions de stress. Dans la relation d'attachement, l'enfant apprend à se sécuriser; il forme des attentes envers les autres, ce qui constitue la base de toutes ses relations sociales futures; et c'est là qu'il forme la conception qu'il a de lui-même.

Les recherches ont prouvé que les jeunes enfants qui acquièrent des liens solides avec les deux parents—et j'insiste sur «les deux parents» dans le cadre de cette discussion—fonctionnent de façon plus compétente en vieillissant que ceux qui n'ont des liens qu'avec un seul parent ou aucune attache solide.

Ces dernières années, les études ont porté essentiellement sur les facteurs influant sur la stabilité des liens. Selon les recherches effectuées par le Dr Jay Belsky, de l'Université de la Pennsylvanie, et d'autres chercheurs, il est possible que les changements survenus dans la structure familiale, comme ceux que provoque un divorce, aient en fait pour effet de rendre les liens moins stables entre les enfants et leurs parents, ce qui accroît le risque pour les enfants de présenter plus tard des problèmes d'ordre psychologique et au niveau du comportement.

• 1735

En fait, les recherches récentes effectuées par le Dr Claudio Violato, de l'Université de Calgary, et les spécialistes en recherche psychologique de notre fondation indiquent que le divorce est un événement extrêmement stressant pour la plupart des enfants.

La plupart des études décrivant les répercussions du divorce se sont concentrées sur la situation immédiatement postérieure au divorce des enfants confiés à la garde de leur mère et dont les contacts avec le parent qui n'a pas obtenu la garde, en général le père, sont fréquents, intermittents ou inexistants. Même si chaque enfant réagit d'une façon qui lui est propre, presque tous les enfants traversent une période très pénible au moment du divorce et lorsqu'ils perdent le contact avec l'un des parents, ce qui est une conséquence inévitable du divorce.

Les parents préoccupés par les tensions et les problèmes existant dans leurs rapports conjugaux ont parfois moins de temps à consacrer à leurs enfants et relâchent leur surveillance et leur contrôle du comportement de ces derniers. Pour de nombreux enfants, le divorce s'accompagne d'une augmentation considérable à court terme des troubles émotifs.

En raison d'un divorce, les enfants ont parfois l'impression d'être abandonnés par l'autre parent ou de perdre leurs deux parents tels qu'ils les connaissaient à une époque. Le sentiment de responsabilité et l'impression de rejet qu'ils éprouvent sans raison se traduisent par des réactions cognitives et affectives mal adaptées. Le sentiment d'abandon peut découler de la conviction qu'a l'enfant qu'il ne mérite pas l'affection de ses parents et qu'il n'est pas aimé par eux. Certains enfants, après avoir perdu le contact avec l'un des parents, commencent à se retirer du monde qui les entoure. La dépression peut se manifester par de fréquentes périodes de rêvasserie, un manque d'attention à l'école et de mauvaises notes.

Permettez-moi de résumer brièvement les conclusions du nombre croissant d'études scientifiques et de la théorie de l'affection, ou de l'attachement, quant aux effets du divorce et d'un système de droits de visite et de garde qui, la plupart du temps, prive les enfants de contacts réguliers avec l'un de leurs parents.

Tout d'abord, les enfants créent des liens avec leurs deux parents dès leur plus jeune âge.

La sénatrice Lucie Pépin: Pourriez-vous parler un peu moins vite, je vous prie?

Mme Adrienne Snow: Mais bien sûr.

La sénatrice Lucie Pépin: Pourriez-vous parler un peu plus fort?

Mme Adrienne Snow: Oui, bien sûr.

Combien de temps me reste-t-il?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous avez déjà dépassé le temps qui vous était alloué, mais vous pouvez poursuivre.

Mme Adrienne Snow: Très bien.

La sénatrice Lucie Pépin: Il importe que nous comprenions bien.

Mme Adrienne Snow: Deuxièmement, ces liens sont gravement perturbés par les conflits permanents et souvent croissants entre les parents qui existent pendant le divorce, et notamment pendant la procédure visant la garde des enfants et le droit de visite.

En troisième lieu, le manque de disponibilité des deux parents, qui en général sont trop préoccupés par leurs propres besoins et leur état affectif tant pendant qu'après le divorce, ainsi que le désengagement du parent qui n'a pas obtenu la garde après le divorce, contribuent à bouleverser les liens qui attachent l'enfant à cette cellule parentale d'une importance cruciale.

Même si, aux yeux de bien des gens, la diminution du confort matériel qui accompagne souvent le divorce constitue le facteur important des troubles affectifs que connaissent les enfants du divorce, toutes les études effectuées révèlent que la pauvreté en soi n'est pas à l'origine des pathologies dont souffrent les enfants de parents divorcés. En fait, c'est plutôt l'incidence que la pauvreté a sur la façon dont les parents élèvent leurs enfants et sur leurs compétences parentales qui, d'après les études effectuées, entraîne l'apparition de troubles émotifs chez les enfants après le divorce. Plus précisément, les parents pauvres n'ont pas assez de temps pour surveiller leurs enfants, puisqu'ils consacrent l'essentiel de leur temps à gagner leur vie.

L'instabilité matérielle et le changement de vie, par exemple les déménagements fréquents ou l'arrivée d'un beau-père, d'une belle-mère ou de demi-frères ou demi-soeurs par alliance, combinés à l'instabilité structurelle due à la perte de contact avec l'un des parents, augmentent le risque pour les enfants de connaître divers troubles après le divorce de leurs parents.

Quelles sont les répercussions de toutes ces constatations? Selon une importante étude nationale portant sur la participation des parents à la vie de leurs enfants dont ils n'ont pas obtenu la garde, effectuée pour le Département de la santé des États-Unis en 1996,

    Les analyses indiquent que le contact permanent avec un parent qui n'habite pas le foyer a une influence bénéfique sur les adolescents, les enfants et les jeunes adultes. En outre, ce contact a un effet positif sur le versement de la pension alimentaire et le respect des ordonnances de pension alimentaire.

Les résultats des analyses penchent nettement en faveur de la garde partagée, même si l'influence de celle-ci diffère quelque peu selon qu'il s'agit d'une garde conjointe, légale, ou d'une garde conjointe légale et physique. Les parents qui n'occupent plus le domicile conjugal et qui ont obtenu la garde conjointe légale et physique des enfants sont plus susceptibles de verser la pension alimentaire et de se conformer pleinement à leurs obligations en matière de pension que les parents qui ont conclu d'autres ententes. Autrement dit, les ententes qui facilitent et encouragent la présence continuelle des deux parents dans la vie des enfants après le divorce sont au coeur de l'élaboration d'un système de garde et d'accès vraiment axé sur l'enfant.

Dans un certain nombre d'études, y compris celle effectuée en 1989 par les professeurs Peck et Manocherian, les enfants ont indiqué qu'ils ont envie et besoin de maintenir des liens permanents avec leurs deux parents. Les conclusions des études prouvent que les enfants sont conscients des avantages d'ordre biologique, psychologique et sociologique de la présence des deux parents, plutôt que d'un seul, dans leur éducation.

• 1740

Les chercheurs signalent également les nombreuses études qui prouvent toutes que la disparition du modèle de comportement paternel risque de prédisposer les enfants à la délinquance, au suicide, à l'alcoolisme et à la toxicomanie, aux troubles du sommeil, à la diminution des résultats scolaires, à la perte d'identité sexuelle, à la promiscuité, ainsi qu'à une perception pessimiste du monde.

Comment faire pour mettre sur pied un système qui respecte les besoins des enfants d'avoir dans leur vie deux parents en bonne santé et attentifs? Tout d'abord, et c'est la réponse la plus évidente, il faut trouver des façons de réduire le nombre de divorces. Il existe divers moyens d'y parvenir, dont certains ont été mis à l'essai dans divers États et provinces d'Amérique du Nord et d'autres pays du monde. Pour vous donner un très bref aperçu de ces modèles, permettez-moi de citer encore une fois le Dr William Galston, ancien conseiller politique du président Clinton:

    Il y a trois étapes auxquelles nous pouvons peut-être diminuer le nombre de divorces de couples ayant des enfants mineurs. Premièrement, au moment du mariage ou avant celui-ci. Il est sidérant de voir le nombre d'écoles où l'on parle des relations sexuelles, mais où l'on oublie de discuter sérieusement du mariage. Il incombe au système d'éducation public de prendre le mariage au sérieux en tant qu'institution humaine et sociale.

    Le deuxième point d'intervention se produit pendant le mariage. Il faudrait au minimum revoir nos politiques socio-économiques et notre régime fiscal dans le but de créer un milieu favorable au mariage. En outre, les institutions religieuses peuvent offrir des programmes à l'intention des couples qui veulent renouveler leur union ou régler des problèmes susceptibles de déboucher sur la rupture du mariage si on ne fait rien pour y remédier.

    Le troisième point d'intervention essentiel se produit à la veille du divorce. Nous pourrions modifier considérablement le régime actuel de divorce sans égard à la faute en créant un système à deux paliers. Pour les couples qui n'ont pas d'enfants mineurs, les dispositions législatives actuelles pourraient rester en vigueur. Pour ceux qui ont des enfants mineurs, nous devrions supprimer le système de divorce unilatéral sans égard à la faute qui permet à l'un des conjoints d'obtenir facilement le divorce sans le consentement de l'autre, pour en revenir à un système de faute modernisé, avec possibilité d'une période d'attente de cinq ans. Même dans les cas où les deux parties s'entendent, il faudrait prévoir des mécanismes de rupture adaptés, une période obligatoire d'au moins un an pour la réflexion, le counselling et la médiation.

    Bien entendu, lorsque le divorce est inévitable, il existe également toute une gamme de mesures susceptibles d'aider les enfants à préserver ce lien crucial pour leur santé avec leurs deux parents.

Carl Schneider, professeur de droit à l'Université du Michigan, a écrit ce qui suit dans un livre intitulé Promises to Keep, publié en 1996:

    En principe, le droit appuie depuis longtemps le principe selon lequel les enfants du divorce devraient garder le contact avec leurs deux parents, et à cette fin on s'est efforcé d'accorder le droit de visite au parent qui n'a pas obtenu la garde des enfants. Sur le plan pratique, ces dispositions se révèlent souvent infructueuses. Bon nombre de parents qui n'ont pas obtenu la garde trouvent que, pour de nombreuses raisons, ils sont peu à peu séparés de leurs enfants.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Êtes-vous sur le point de terminer?

Mme Adrienne Snow: Oui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sinon, il ne nous restera pas de temps pour les questions.

Mme Adrienne Snow: J'en ai encore pour une minute, environ.

    On peut concevoir deux façons directes de résoudre le problème. Premièrement, on pourrait pénaliser les personnes qui n'exercent pas leurs droits de visite en prenant diverses mesures, par exemple en supprimant ces droits ou en augmentant le montant des pensions alimentaires.

Bien entendu, au Canada, cet aspect du problème fait déjà l'objet de nombreux débats et de diverses mesures. Toutefois, la deuxième suggestion du Dr Schneider, selon laquelle les parents qui ont la garde et qui empêchent leurs anciens conjoints de voir les enfants devraient être pénalisés de cette ingérence, n'a pas suscité de nombreuses discussions, alors qu'elle est aussi importante dans le cadre de l'équation.

De toute façon, quelles que soient les décisions que vous prendrez à ce sujet en votre qualité de décideurs, il est évident que le système actuel n'est pas axé sur les enfants et ne donne pas les résultats voulus. Depuis 30 ans, le taux de divorce a quintuplé au Canada; le taux de suicide parmi les enfants et les adolescents a grimpé au point de placer notre pays au troisième rang dans le monde, et un jeune Canadien sur cinq souffre actuellement d'un ou plusieurs troubles mentaux ou affectifs.

Le moment est venu de renverser ces tendances en aidant nos enfants à profiter des avantages découlant, selon les conclusions des nombreuses études scientifiques faites à ce sujet, de la présence et de l'appui permanents d'une mère et d'un père dans leur vie de tous les jours.

Mes collègues et moi, de la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille vous demandons instamment à vous, parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat, d'user de vos compétences et de votre influence considérables pour faire que cela devienne réalité.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, madame Snow.

Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield: Vous avez dit que le divorce devrait être plus difficile à obtenir, et un peu plus tard vous avez parlé d'un système à deux paliers et du rétablissement de l'ancien régime de divorce axé sur la faute.

Je ne sais pas trop comment on pourrait en arriver là. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je pense aux problèmes qui se posaient avant l'établissement du divorce sans égard à la faute, et je suis un peu surpris d'entendre ce genre de suggestion. J'aimerais vraiment savoir comment vous en êtes arrivés à cette position à ce sujet.

Mme Adrienne Snow: En toute franchise, notre organisme est surtout spécialisé dans le domaine de la recherche psychologique. Cette suggestion, l'idée de rétablir une sorte de système de divorce à deux paliers axé sur la faute, émane de William Galston, ancien conseiller politique du président Clinton.

• 1745

Je ne prétends pas être experte dans la rédaction de nouvelles lois sur le divorce. C'est vous qui adoptez les politiques. J'ai simplement fait cette suggestion parmi une gamme d'options que l'on pourrait envisager pour renverser la tendance relative au divorce sans égard à la faute.

M. Philip Mayfield: Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre déclaration précédente, selon laquelle le divorce devrait être plus difficile à obtenir? Comment faudrait-il faire selon vous?

Mme Adrienne Snow: On pourrait sans doute en revenir à un système axé sur la faute ou à des périodes d'attente plus longues pour que le tiers de la population qui, selon le professeur de York, regrette par la suite la décision de divorcer, ait une plus longue période de réflexion. Il serait sans doute utile de réfléchir avant aux répercussions d'un tel geste.

Il va sans dire que le gouvernement n'a pas le pouvoir, et ne devrait pas l'avoir, d'empêcher les gens de divorcer. Personne n'irait prétendre une telle chose. Toutefois, étant donné le nombre d'études qui prouvent que le divorce met considérablement en danger l'avenir des enfants, il serait sans nul doute utile d'envisager d'autres politiques qui permettraient de ralentir le processus, lorsqu'un couple marié décide de divorcer, en imposant une période d'attente de 12 mois.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci de votre témoignage. Vous avez fait deux ou trois suggestions. Vous avez parlé notamment de l'intervention au niveau scolaire, dont je n'avais jamais entendu parler auparavant en ce qui a trait au problème de divorce. Puis vous avez parlé de l'intervention immédiate et d'une période de réflexion.

Je pense que c'est une excellente formule pour la prévention. Les parents comprendraient vraiment les conséquences de cette ambiance malsaine pour les enfants. Ils seraient beaucoup plus sensibles à toutes ces questions avant même de se marier.

Plus nous entendons de témoignages, plus nous comprenons que l'éducation du public est un outil qu'il nous faut vraiment prendre au sérieux, dès les premières années d'école et jusqu'à la période qui précède le divorce. Si les gens signent un contrat de mariage avant leur union, au cas où celle-ci serait un échec, nous pourrions peut-être envisager de leur faire signer également un plan parental, même si à ce moment-là ils n'ont aucune idée du genre de parent qu'ils deviendront. Cela pourrait protéger toute l'institution et éventuellement les préparer à l'éventualité d'un divorce.

En fait, lorsqu'on tombe amoureux, on se marie, mais on signe quand même un contrat, au cas où le mariage prendrait fin, pour indiquer comment les choses se passeront. Il faut voir la question dans un contexte plus vaste.

Je voulais dire simplement que j'approuve le principe des diverses étapes d'éducation, à commencer dès l'école. Voulez-vous ajouter quelque chose sur ce point?

Mme Adrienne Snow: Dans le temps, le mariage était une institution privilégiée, tant du point de vue juridique que social, au sein de notre société, et pour diverses raisons les choses ont changé depuis la Seconde Guerre mondiale. Il n'y a rien de fondamentalement mauvais là-dedans, et pour les couples qui n'ont pas de jeunes enfants, c'est sans doute parfois la meilleure solution. Toutefois, nous savons maintenant que les préjudices subis par de nombreux enfants sont graves et durables lorsqu'ils sont pris au piège dans des différends amers relatifs à la garde des enfants et au droit d'accès ou dans un divorce quelconque.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'il serait très utile de trouver une façon de faire comprendre à tous les Canadiens que, s'ils comptent se marier et avoir des enfants, ils vont assumer toute une série de responsabilités auxquelles il faut réfléchir sérieusement avant de prendre un engagement quelconque.

Selon le professeur Schneider, dont j'ai parlé plus tôt, il faut envisager non seulement de pénaliser les parents qui n'exercent pas leurs droits de visite des enfants, mais également ceux qui s'ingèrent dans les droits de visite de leur ancien conjoint. Il a élaboré un système un peu semblable à celui dont vous parlez, où les gens doivent signer une sorte de contrat parental avant le mariage.

Il propose également que les futurs conjoints signent un contrat en vue de verser de l'argent dans un compte d'épargne réservé à l'éducation des enfants, lequel serait non imposable, un peu comme un REER, mais ce serait en fait un régime enregistré d'épargne pour enfants. Cet argent servirait à payer les frais de scolarité des enfants lorsqu'ils grandissent ou en cas de divorce, pour s'assurer que leur niveau de vie sera maintenu sans pénaliser de façon excessive l'un des parents.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.

Vous avez soulevé quelques points intéressants.

J'aimerais essentiellement obtenir votre avis. D'une part, le divorce est-il un droit? Deuxièmement, à qui revient ce droit si c'en est un? Si ce n'est pas un droit, pourquoi y a-t-il toujours plus de divorces? Quand un juge a-t-il refusé d'accorder un divorce pour la dernière fois? Je suis simplement curieuse. Je veux savoir si c'est un droit, oui ou non?

Mme Adrienne Snow: Vous me demandez d'exprimer une opinion, ce que je n'étais pas prête à faire.

• 1750

La sénatrice Anne Cools: Non, certains témoins qui ont comparu devant le comité nous ont dit qu'il ne fallait pas accorder de divorce à un couple tant que l'on n'était pas certain que tout serait fait pour réserver les enfants par la suite.

Mme Adrienne Snow: Mon avis personnel—et ce n'est en aucun cas celui de la fondation—est que le mariage est évidemment essentiellement un contrat, et en vertu des normes du droit canadien nous autorisons les gens à briser ce contrat sous réserve de certaines conditions. Étant donné l'importance et la valeur sur le plan social du contrat de mariage lorsqu'il y a des enfants, il serait peut-être logique et tout à fait normal que l'État impose des sanctions assez lourdes ou des obstacles à la rupture de ce contrat.

Il n'est sans doute ni réaliste ni souhaitable de prétendre que cette union est immuable, dans la société laïque contemporaine. Il y a des cas où le divorce est nécessaire.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Sénatrice LeBreton.

La sénatrice Marjory LeBreton: J'avais une brève question, qui découlait d'une remarque que vous avez faite au cours de votre exposé, lorsque vous avez parlé du divorce sans égard à la faute et du nombre croissant de divorces depuis que la Loi sur le divorce a été modifiée en 1968. Vous avez dit que le divorce se produit à la suite d'une décision unilatérale d'un des conjoints de rompre l'union. Avez-vous des ventilations statistiques quant à la répartition entre les mères et les pères de famille qui prennent cette décision unilatéralement?

Mme Adrienne Snow: Non, je n'en ai pas. La seule statistique dont je dispose est celle que j'ai citée, c'est-à-dire que, selon Maggie Gallagher, 80 p. 100 des divorces, aux États-Unis, sont le fruit d'une décision unilatérale.

La sénatrice Marjory LeBreton: De l'un des parents.

Mme Adrienne Snow: Si vous approfondissez un peu, vous constaterez qu'elle a fait de nombreuses études dans ce domaine. Il y a peut-être des ventilations par sexe, mais je n'ai pas ces renseignements sous la main.

La sénatrice Marjory LeBreton: D'accord.

La sénatrice Anne Cools: Pour la gouverne de la sénatrice Cohen, la plupart des requêtes de divorce sont déposées par des femmes, qui sont à l'origine de la plupart des ruptures d'union conjugale. Je peux vous citer les statistiques portant sur une centaine d'années.

La sénatrice Marjory LeBreton: Non, mais ce n'était pas ma question.

La sénatrice Anne Cools: Non, c'est l'une des choses qu'il faut...

La sénatrice Marjory LeBreton: Ma question portait sur les décisions prises unilatéralement par un des conjoints.

La sénatrice Anne Cools: Ah, très bien, c'est différent, en effet.

La sénatrice Marjory LeBreton: Si l'un des partenaires décide de partir, j'ai du mal à imaginer... Je voulais simplement savoir s'il existait des statistiques sur la cause initiale du divorce.

La sénatrice Anne Cools: Les motifs du divorce sont une autre question.

La sénatrice Marjory LeBreton: Ma question s'adressait au témoin, sénatrice Cools. Je ne savais pas que vous répondiez aux questions à la place des témoins.

De toute façon, je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

La sénatrice Anne Cools: J'invoque le Règlement. Je n'ai pas répondu; j'ai simplement fourni un élément d'information.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, madame Snow. Votre excellent exposé très détaillé nous a été très utile.

Mme Adrienne Snow: Je vous demande d'excuser la vitesse à laquelle je l'ai lu, et je vous remercie de votre patience.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous avez réussi à tout faire consigner au compte rendu, et je tiens à vous remercier sincèrement.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien; nous commençons la dernière demi-heure de l'après-midi. Nos témoins suivants sont MM. Yvan Clermont et Mike Sheridan, de Statistique Canada.

Vous avez vu comment les choses se passent, et je suis certain que vous connaissez le fonctionnement des comités. Allez-vous tous les deux prendre la parole?

M. Yvan Clermont (Statistique Canada): Oui.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y, nous vous écoutons.

• 1755

M. Mike Sheridan (Statistique Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour vous parler de l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et les adolescents. Mon collègue, M. Clermont, et moi-même essayerons, dans le temps qui nous est alloué, de vous donner un très bref aperçu de cette enquête. Et notamment, nous parlerons tout particulièrement des données publiées la semaine dernière par Statistique Canada dans son Quotidien, relativement à l'analyse des questions liées à la séparation et à la garde des enfants fondée sur les données de l'enquête longitudinale nationale sur les enfants.

Nous souhaitons également vous donner un bref aperçu du genre d'études qui ont été faites jusqu'ici à partir de cette enquête, ainsi que des initiatives et possibilités d'études futures. Après avoir jeté un coup d'oeil rapide sur le site Web de votre comité et avoir écouté rapidement une partie des témoignages d'aujourd'hui, je constate qu'il existe une foule de questions très complexes et de données statistiques relatives à l'étude entreprise par votre comité. Pour ce qui est de l'utilisation des données statistiques, je suis convaincu que nous pourrons aider le comité en ce qui a trait à une série d'objectifs, à des principes et à des définitions claires et à des données harmonisées.

Pour ma part, j'estime que nous avons de la chance de disposer au Canada d'une étude comme l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et la jeunesse. Ce projet a été élaboré conjointement par Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada. Nous avons un comité consultatif très important et très connu qui dirige les travaux de l'équipe d'étude relatifs à la conception et à la mise en oeuvre des outils d'enquête, en plus de surveiller et de participer à l'analyse de ces données, pour s'assurer que la complexité et la conception de cette enquête sont compatibles avec le genre de recherches et d'analyses qui sont d'une importance si cruciale relativement aux résultats des enfants et des adolescents au Canada.

Nous avons effectué à deux reprises cette enquête longitudinale. Elle porte sur les résultats et les prévisions relatives au bien-être des enfants. Le financement de l'étude s'est fait dans le cadre de l'initiative Grandir ensemble. Depuis 1994, année où nous avons procédé à nos entrevues de référence, nous avons effectué des enquêtes en 1996 et 1998 sur un échantillon d'environ 23 000 enfants, un échantillon national, disponible avec des données provinciales. Les 23 000 enfants ayant participé à cette enquête seront sondés à nouveau tous les deux ans pendant un certain nombre d'années.

Bon nombre des questions sur les résultats des enfants et des adolescents, qu'ils habitent avec ou sans leurs parents, sont complexes. L'analyse est complexe également. Les techniques pour donner un sens à ces données et nous informer sur les milieux qui sont les plus propices au bon développement, aux genres de structures familiales, de milieux familiaux, sont également extrêmement complexes et sujettes à des interprétations diverses. Notre objectif est donc de fournir une série de produits et services en matière de données objectives et bien définies susceptibles de faciliter la discussion sur toutes ces questions.

Je vais maintenant donner la parole à mon collègue, M. Clermont, qui vous donnera un bref aperçu des données découlant de l'enquête, ainsi qu'un résumé ou une synthèse des données qui intéressent tout particulièrement votre comité.

[Français]

M. Yvan Clermont: Merci, Mike.

Pour résumer certains résultats de l'étude qu'on a faite dernièrement, disons que des données préliminaires ont permis de constater que les enfants canadiens étaient de plus en plus nombreux à vivre la séparation de leurs parents et cela, de plus en plus jeunes. Par exemple, parmi les enfants qui sont nés en 1987 et 1988, un sur cinq avait déjà vu ses parents se séparer avant l'âge de cinq ans. Pour les personnes nées entre 1961 et 1963, cette proportion avait été atteinte lorsqu'ils avaient atteint l'âge de 16 ans.

• 1800

Le rapport qui est sorti la semaine dernière, le 2 juin, fait également état des risques de séparation des parents selon qu'ils aient vécu en union libre ou à l'intérieur de l'institution du mariage. Les résultats ont démontré que les risques de séparation étaient beaucoup plus élevés lorsque les parents vivaient en union libre.

Par exemple, pour les enfants qui étaient âgés de 10 ans en 1995, 63 p. 100 de ceux dont les parents vivaient en union libre avaient déjà des parents séparés. C'était le cas de seulement 14 p. 100 des enfants dont les parents étaient mariés et qui n'avaient jamais vécu en union libre auparavant ou d'autres unions.

Il semble y avoir toutefois de grandes disparités régionales au niveau de la relation qui existe entre les types d'unions et les chances de connaître la séparation des parents. Parmi les enfants qui vivaient au Québec avec des parents en union libre, seulement 37 p. 100 avaient vu leurs parents se séparer à l'âge de 6 ans contre environ 60 p. 100 dans le reste des provinces et 44 p. 100 dans les provinces de l'Atlantique.

[Traduction]

Les résultats indiquent également qu'un enfant sur trois dont les parents sont séparés vit dans une situation où aucune aide financière n'est en place. Cette situation varie également en fonction du genre de dispositions prises relativement à la garde des enfants. Moins les conjoints s'adressent aux tribunaux pour en arriver à une entente en matière de garde, plus il y a de chances qu'il existe une entente d'aide financière.

Pour obtenir plus de détails sur les rapports qui existent, je vous incite vivement à consulter les résultats du Quotidien, qui sont plus détaillés.

Nous ignorons pour le moment ce qui justifie un lien aussi fort entre ces deux éléments. Des recherches plus poussées nous permettront d'en arriver à d'autres conclusions. Dans le cas des enfants dont les parents ont conclu en privé ou devant un tribunal une entente d'aide financière, les parents ayant obtenu la garde reçoivent régulièrement une pension alimentaire de la part de leur ancien conjoint dans 65 p. 100 des cas. Autrement dit, 35 p. 100 des pensions ne sont pas versées de façon régulière ou n'ont pas été versées du tout au cours des six derniers mois.

Nous disposerons sous peu d'un rapport plus détaillé sur la garde des enfants, lequel sera préparé conjointement avec le ministère du Développement des ressources humaines et le ministère de la Justice. Ce rapport devrait être prêt d'ici le début juillet.

Les résultats de la semaine dernière étaient les derniers à être publiés à partir de la première collecte de données de notre enquête. Les données qui seront recueillies par la suite auprès des mêmes déclarants et la nouvelle analyse qui en sera faite offrent d'énormes possibilités en matière de recherche. Les liens existant entre les antécédents familiaux et les autres éléments du questionnaire n'ont pas encore été établis, mais les prochaines données publiées mettront l'accent sur l'incidence que la séparation des parents a sur le développement de l'enfant en général.

[Français]

Dans un avenir rapproché, nous nous proposons de mesurer l'impact à court et à moyen terme des différentes trajectoires familiales sur le développement des enfants en général. Il sera donc possible d'évaluer si l'enfant éprouve des dommages psychologiques ou des problèmes de fonctionnement à la suite de la séparation de ses parents. Si c'est le cas, nous pourrons évaluer si ces effets ont tendance à s'estomper avec le temps et s'ils diffèrent selon que la séparation est survenue tôt dans la vie de l'enfant ou plus tard dans la vie de l'enfant.

Dans une perspective longitudinale, il sera possible d'évaluer les facteurs de risque pour la séparation des parents. Il sera également possible d'évaluer si les familles intactes ayant un fonctionnement familial moindre constituent un environnement plus ou moins favorable au développement de l'enfant qu'une famille ayant vécu la séparation.

• 1805

Plusieurs questions de recherche pourront être explorées par tous les utilisateurs de données. Quand je parle des utilisateurs de données, j'entends notre principal client, le ministère du Développement des ressources humaines, Statistique Canada et tous les chercheurs qui ont accès aux données.

L'enquête longitudinale nationale sur les enfants est vaste et nous comptons, dans les futurs cycles de l'enquête, obtenir de meilleures mesures sur les tensions qui existent entre les parents avant d'obtenir un règlement pour la garde de l'enfant et pour le soutien financier, et les tensions qui existent ou qui continuent d'exister par la suite.

Nous comptons aussi apporter plus de nuances sur les types d'ententes légales pour la garde des enfants et obtenir de meilleures mesures sur les possibles restrictions au droit de visite de l'autre parent à l'enfant.

[Traduction]

Jusqu'ici, l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et les adolescents n'était pas conçue de façon à produire de nombreuses recherches sur plusieurs aspects du développement des enfants. Il reste donc à voir comment on pourrait établir un lien entre ce qui se fait maintenant et ces nouvelles données, celles qui sont disponibles actuellement, au sujet de la garde des enfants et de la période à laquelle la séparation se produit dans la vie de l'enfant... Pour vous donner un avant-goût de ce qui s'est fait jusqu'ici, dans un rapport intitulé «Grandir au Canada», des chercheurs travaillant à contrat pour Statistique Canada, par exemple, se sont penchés sur les caractéristiques de la santé physique des mères au moment de leur accouchement et sur les facteurs qui influent sur le poids de l'enfant à la naissance. Nous disposons également d'études portant sur les facteurs qui influent sur le caractère difficile des jeunes enfants.

[Français]

De plus, on a d'autres articles qui qui ont fait des comparaisons sur la base de plusieurs facteurs. On comparait des enfants provenant de deux types de familles, par exemple les familles éclatées ou les familles monoparentales avec les familles où il y a deux parents. On peut parler de familles intactes, mais cela peut comprendre les familles reconstituées. On a comparé ces deux types de familles au niveau des problèmes d'hyperactivité, des problèmes émotifs, des troubles de conduite et des problèmes d'apprentissage à l'école.

Il appert, selon des résultats préliminaires, que les enfants en provenance de familles monoparentales, vivant avec un seul parent, présentaient plus de problèmes de cette sorte. Il appert également que les enfants qui présentent un problème de comportement sont enclins à présenter d'autres types de problèmes de comportement.

Également, en tenant compte de plusieurs facteurs qui ont une influence sur le développement des enfants en général, on a essayé de voir quels facteurs de protection pouvaient favoriser, malgré le fait de vivre dans une famille monoparentale ou avec des facteurs de risque, un bon développement chez l'enfant. Il appert qu'un style parental effectif ou positif constitue un facteur de protection important, qui peut protéger des autres facteurs de risque.

Finalement, on s'est intéressés aux caractéristiques ou aux déterminants de la bonne réussite des enfants dans les tests de mathématique. Ce qui est ressorti de ces résultats, c'est que l'éducation de la mère est un facteur prédominant dans la réussite à l'école de l'enfant en bas âge.

Il sera possible dans le futur de relier tout le contenu de l'enquête aux questions de garde des enfants et de séparation.

Je vous ai donné un aperçu de ce qui a été fait et de ce qu'il sera possible de faire dans le futur pour l'enquête. Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Je sais qu'il y a des questions, et nous allons commencer par M. Forseth.

M. Paul Forseth: Merci d'être venus aujourd'hui.

Le rapport dont vous parlez a-t-il été publié sous forme de brochure? Si oui, pouvez-vous nous dire comment le public peut se procurer un exemplaire du rapport?

• 1810

M. Mike Sheridan: Nous avons apporté un exemplaire de «Grandir au Canada». Nous le laisserons volontiers au greffier. Cela a été publié il y a quelque temps; donc il existe dans les deux langues officielles. La version détaillée du rapport qui a été publiée la semaine dernière dans Le Quotidien est disponible. Les auteurs de ce rapport sont un professeur de démographie de l'Université de Montréal et quelqu'un d'autre dont le nom m'échappe. On peut se le procurer en faisant une demande à Statistique Canada.

M. Paul Forseth: Est-ce bien l'enquête longitudinale dont vous parliez?

M. Mike Sheridan: C'est l'enquête longitudinale dont nous parlions.

M. Paul Forseth: Vu la couverture donnée par la presse à la diffusion de ce rapport à travers le pays, je suis certain que beaucoup de gens voudraient bien le voir.

Pourriez-vous nous parler de la principale conséquence de cette étude, compte tenu du mandat de notre comité, qui consiste à examiner les modalités de la Loi sur le divorce, en général, pour essayer de les axer davantage sur le bien-être des enfants? Quels aspects de l'étude devrions-nous examiner?

M. Mike Sheridan: Je crois que les questions liées aux contraintes réelles ou à la formalité de l'entente dans le cas d'une séparation semblent, du moins pour l'instant, influer sur les résultats tant pour les enfants que pour les époux ou, devrais-je dire, pour les partenaires d'une entente. Alors je crois que le comité s'intéresserait aux analyses qui ont été faites concernant cette question précise. Je crois que ce serait important.

Je vous dirais aussi que, en fait, cette entreprise analytique et de recherche ne porterait pas vraiment fruit avant encore 10 ou 15 ans, parce qu'il s'agit d'une étude longitudinale, et il y a de nombreux facteurs, tels que le revenu familial, les possibilités de parentage, le type d'éducation... tous ces facteurs auront un impact sur les résultats. J'ai pris connaissance des données présentées par les témoins précédents, et il va falloir comparer les données sur cette question et parler de l'information et faire des analyses profondes et des recherches à ce sujet.

M. Paul Forseth: Je crois comprendre d'après ce que vous avez dit que lors de la dissolution d'une famille les données confirment ce que le bon sens nous permet de comprendre: plus les gens se comportent d'une façon paisible et raisonnable plutôt que de se disputer devant les tribunaux et de continuer à vivre dans un climat de colère rivalité... Évidemment, le modèle conflictuel n'est pas bon pour les enfants, et si les gens peuvent s'entendre raisonnablement, les enfants s'en porteront mieux.

M. Yvan Clermont: C'est ce que les données semblent démontrer. Pourtant, on n'a pas bien su mesurer les tensions qui existaient au moment de la séparation pour les parents. Nous avons seulement une mesure très large des tensions existent pendant le processus. Nous ne savons pas si ce sont les tensions qui ont amené les gens devant les tribunaux ou si ce sont les tribunaux qui ont fait augmenter la tension. Les données ne nous permettent pas de tirer des conclusions à ce sujet. Cependant, il semblait y avoir un lien très important.

M. Paul Forseth: Entendu. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Sénatrice LeBreton.

La sénatrice Marjory LeBreton: Merci, monsieur le président.

En fait, je veux parler du même sujet que M. Forseth. À la page 4 du Quotiden—ne suis pas statisticienne, et je ne suis certainement pas très à l'aise avec les chiffres—on dit:

    À première vue, la possibilité que l'enfant continue à avoir un contact régulier avec le parent ayant droit de visite semblait être liée au type d'arrangement financier conclu entre les parents. Par exemple, 75 p. 100 des enfants dont les parents avaient conclu une entente de soutien financier privée en 1994-1995 voyaient régulièrement le parent ayant droit de visite, au moins une fois par mois, comparativement à 51 p. 100 des enfants dont les parents avaient signé une entente financière ordonnée par les tribunaux. À peu près 49 p. 100 des enfants dont les parents n'avaient pas conclu d'entente financière voyaient régulièrement le parent ayant droit de visite.

• 1815

D'abord, ces chiffres ne donnent pas 100 p. 100; alors je ne sais pas comment on y est arrivé. Mais cela semble vouloir dire, seulement d'après les chiffres, comme on vient de le souligner, qu'une fois que les tribunaux s'y impliquaient cela semblait avoir un impact direct sur les visites des parents ayant droit de visite.

M. Yvan Clermont: Encore une fois, c'est la question dont j'ai déjà parlé. D'abord, les chiffres ne donnent pas 100 quand vous additionnez les colonnes, mais ils donnent 100 quand on fait le total des rangées—eh bien, plus ou moins un, à cause du chiffre rond.

En fait, c'est un lien intéressant qu'on voulait souligner. Encore une fois, nous ne savons pas exactement comment cela s'est produit. Certaines des personnes qui figurent dans les chiffres se sont séparées un an avant l'enquête, d'autres 10 ans avant l'enquête. Alors les données concernent le déroulement du processus. Il aurait fallu poser des questions plus détaillées dans cette partie du questionnaire pour savoir exactement ce qui se passe ici.

La sénatrice Marjory LeBreton: Et vous allez faire cela.

M. Yvan Clermont: Le lien démontre des choses et peut permettre de faire des suppositions. Mais il faudrait faire plus de recherches pour pouvoir arriver à des conclusions.

La sénatrice Marjory LeBreton: L'hypothèse qui en découle certainement, c'est que plus le processus est antagoniste et plus on a recours aux tribunaux, moins c'est à l'avantage des enfants.

M. Yvan Clermont: Oui. Mais j'aimerais dire une chose à ce sujet, et c'est qu'il est très dangereux de tirer ce type de conclusion, c'est-à-dire que plus le tribunal est impliqué, moins c'est à l'avantage des enfants, parce que tous les cas difficiles se retrouvent peut-être devant les tribunaux...

La sénatrice Marjory LeBreton: Ah oui, c'est vrai.

M. Yvan Clermont: ...tandis qu'une bonne séparation—si je peux m'exprimer ainsi—ne finit pas nécessairement devant les tribunaux.

La sénatrice Marjory LeBreton: Oui, c'est vrai.

M. Yvan Clermont: Alors il y a une polarisation de différents types de personnes dans les deux cas. C'est pour cela qu'il faut y aller avec beaucoup de prudence.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord, merci.

Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

Je note que vous avez constaté qu'un enfant sur cinq vit une séparation parentale avant l'âge de cinq ans. Je crois que c'est ce que vous avez dit. Je me demandais s'il y a une ventilation plus détaillée concernant les enfants qui peuvent être des enfants adoptés ou qui ont peut-être seulement un parent biologique dans la famille. Est-ce qu'il y a des données pour cela?

M. Yvan Clermont: Il pourrait toujours être possible de faire une ventilation de ce genre. Le problème, c'est qu'avec un échantillon de 23 000 enfants, dont seulement une certaine proportion vit un divorce ou une séparation, il est difficile d'avoir des chiffres significatifs lorsqu'on utilise des sous-échantillons de plus en plus petits d'enfants et qu'on essaie de suivre leur évolution et de faire des prévisions fiables concernant les taux de séparation pour ces groupes.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, messieurs, d'être venus ici.

Je sais que c'est la fin de la journée et que nous avons dépassé le temps prévu, et j'apprécie le fait que vous nous ayez attendus. Merci beaucoup. Cela a été très intéressant.

M. Mike Sheridan: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): La séance est levée jusqu'à mercredi à 15 h 30.