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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 avril 1998

• 1544

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): La séance est ouverte.

Je dois m'excuser auprès de nos témoins. Il s'est passé quelque chose à la Chambre des communes et nous attendons que les députés arrivent. Les sénateurs sont ici.

Notre comité est un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat qui tient aujourd'hui sa dix-huitième réunion. Je dois ajouter, parce que la séance est télévisée, que le comité examine la Loi sur le divorce par rapport à la garde et au droit de visite. C'est ce que je dis au début de chaque réunion à cause des caméras.

• 1545

Nous avons aujourd'hui quatre témoins: M. Paul Carrier, de l'Hôpital Royal d'Ottawa, Mme Barbara Fidler, qui témoigne à titre individuel, M. John Service, de la Société canadienne de psychologie, et M. Gary Austin, de la London Family Court Clinic.

Comme vous le savez, il faut que les exposés soient brefs, parce que nous avons des limites de temps à respecter et que nous trouvons que c'est la période des questions qui est importante.

Nous ne suivons aucun ordre en particulier, mais M. Carrier est le premier témoin sur ma liste. Si vous voulez commencer, allez-y s'il vous plaît.

M. Paul Carrier (travailleur social, Hôpital Royal d'Ottawa): Merci.

Tout d'abord, je tiens à dire que le divorce est avant tout une expérience qui s'accompagne d'émotions intenses, et ces émotions englobent tout. À en juger par ce que les milliers de parents que j'ai rencontrés m'ont dit, l'autre parent est le diable en personne, mais c'est rarement le cas. On exagère tout et chacun a sa version des faits.

Le divorce peut être comparé à un échec, une blessure profonde, une crise, une mort. La plupart des parents sont en deuil. Pour vous résumer le processus de deuil en quelques mots, je dirais qu'il comporte habituellement une période de déni de la réalité, suivie de la colère, de la dépression et, enfin, de la guérison. Ce processus de deuil prend habituellement deux ans, et il arrive rarement que les deux parents en soient à la même étape. Un d'entre eux peut dénier la réalité et être prêt à tout abandonner tandis que l'autre est en colère et veut tout avoir.

Bien des parents vont voir un avocat au moment où ils sont en colère et, à cause de sa nature accusatoire, notre système judiciaire entretient leur colère. Comme je viens de le dire, tout prend des proportions énormes.

Je crois qu'il faudrait faire des efforts pour sortir le divorce du système judiciaire—pas complètement, mais des efforts devraient être faits pour que des séances d'information soient offertes aux couples qui ont un conflit au sujet de leurs enfants, et il faudrait aussi que la médiation soit obligatoire.

Je pense que le gouvernement fédéral pourrait verser une aide financière aux provinces pour les inciter à adopter cette approche. Des programmes de déjudiciarisation sont offerts aux jeunes contrevenants, par exemple, pour qu'ils n'aient pas affaire au système judiciaire, parce qu'une fois qu'ils sont pris dans l'engrenage, c'est fini. Il est très difficile d'en sortir. Je pense que c'est la même chose dans le cas du divorce. Il faudrait que les gens se tiennent à l'écart du système.

Avant notre siècle, si vous lisez les jugements qui ont été rendus, il était «naturel»—comme on disait—que ce soient les hommes qui aient la garde. Puis, les choses ont changé. Il est «naturel» que les jugements rendus depuis les années 20 et 30 accordent la garde aux femmes. Il faut sortir de ce cercle vicieux. Ce n'est pas une question qui intéresse les hommes par opposition aux femmes ou vice versa. C'est une question qui intéresse les parents et la loi devrait faire clairement allusion au rôle des parents.

J'espère qu'un jour il sera tout aussi inacceptable socialement de se battre pour avoir la garde de ses enfants que ça l'est aujourd'hui de fumer. Je crois que l'éducation parentale et certains programmes de déjudiciarisation aideraient.

J'aurais une autre remarque à faire, et c'est que les enfants réagissent différemment à la séparation selon leur âge et le stade de leur développement. Cela influe directement sur les ententes qui pourraient intervenir. La plupart des enfants ont certains points en commun. Ils éprouvent un sentiment de culpabilité, ils se font du souci pour le parent absent et ils s'inquiètent des changements dans leur vie.

Trois choses habituellement constituent un risque pour les enfants en cas de séparation—la lutte continuelle pour la garde et le droit de visite, l'absence de contact ou des contacts irréguliers, ou l'état dépressif du parent ayant la garde. Ces choses mettent les enfants en péril.

J'ai évalué à peu près 250 jeunes contrevenants, et près de la moitié d'entre eux avaient dans leurs antécédents des problèmes de garde ou d'accès liés aux trois facteurs que je viens de mentionner. Donc, ce qui compte avant tout, ce sont des contacts réguliers avec les deux parents dans un climat où il n'y a aucune acrimonie.

Lorsque nous sommes enfants, nous nous définissons en fonction de nos parents. Si son père est un ivrogne et que sa mère couraille, un enfant ne peut pas se sentir bien dans sa peau. Il n'a pas une bonne image de lui-même. Si ses parents se battent, lorsqu'ils se donnent des coups, c'est son image qui en prend un coup. Avec qui se tient l'enfant qui ne se sent pas bien dans sa peau? Avec ceux qui n'ont pas une tellement bonne image d'eux- mêmes, et il finit par être en péril. C'est à ce moment-là qu'il risque le plus de se droguer, de violer la loi, et ce sont ces jeunes contrevenants-là que je rencontre. Il est donc très important de sortir de ce système accusatoire. Il affecte directement la santé mentale des enfants.

• 1550

Si vous me le permettez, je vais vous dire ce que les enfants vous diraient je pense—parce que c'est ce qu'ils m'ont dit. Premièrement, ne changez pas toute ma vie d'un coup. J'ai besoin de continuer d'aller à la même école, de me faire garder par la même personne et de jouer avec les mêmes amis.

Deuxièmement, ne me faites pas me sentir plus déloyal ou plus coupable que maintenant, parce que c'est ce qui arrive de toute façon. Faites tout ce que vous pouvez pour que mes parents ne se retrouvent pas devant les tribunaux.

Troisièmement, j'ai besoin d'entretenir des liens avec mon père et ma mère. Ne vous arrangez pas pour qu'un parent soit gagnant et l'autre perdant, financièrement ou en ce qui concerne la garde et l'accès. Insistez pour que mes parents soient les architectes de l'entente. Ce serait affreux de devoir choisir entre les deux.

Les enfants ne devraient pas se trouver dans cette situation. Le comité ou le gouvernement devrait prendre les mesures qu'il faut pour que ce ne soit pas le cas. Les enfants ne devraient pas avoir à choisir. C'est déjà assez difficile d'avance pour eux vu la situation qu'ils vivent.

Les enfants ont des besoins différents à des âges et à des stades différents, et cela influe énormément sur les ententes. Un enfant d'âge préscolaire n'a pas la même notion du temps qu'un enfant plus âgé ou un adulte. Un enfant d'un an a besoin de stabilité. Il doit avoir une routine bien établie. Il réagit mal aux changements dans son environnement. Comme la plupart d'entre nous d'ailleurs. Que penser des parents qui se partagent la garde d'un enfant d'un an? Je ne le conseillerais pas, comme n'importe quel autre professionnel responsable, je pense. Les parents le font. Si c'est ce qu'ils veulent et que ça fonctionne, tant mieux, mais je crois qu'il serait irresponsable, sur le plan personnel et professionnel, de les encourager à le faire.

Il se peut qu'un jeune enfant vive avec un parent la plupart du temps, et que l'autre parent lui rende visite fréquemment. L'accès augmente progressivement avec le temps de sorte que lorsque l'enfant va à l'école, il peut passer la fin de semaine avec l'autre parent. Cette étape peut être franchie plus tôt ou plus tard selon le couple. Lorsque l'enfant fréquente l'école, les visites peuvent de nouveau augmenter progressivement, mais tout dépend de la situation financière de la famille et de la logistique. Il y a pas mal de questions de logistique et de finances qui entrent en ligne de compte dans l'entente.

Quoi qu'il en soit, il faut que la loi soit assez souple pour qu'on puisse répondre aux besoins différents des enfants à différents âges. Il est souvent arrivé que des parents me disent: «Il faudrait réduire l'accès, parce que quand les enfants reviennent le dimanche soir, c'est le bordel. Le professeur m'appelle le lundi matin parce qu'ils se conduisent mal. Il y a donc quelque chose qui cloche. Il faudrait que les visites soient moins nombreuses.»

En fait, les visites devraient être plus nombreuses. Quand je parle aux parents, tout dépendant de celui qui avait l'enfant pour la fin de semaine, ils me disent que tout s'est bien passé. Les enfants me disent eux aussi que tout s'est bien passé. Il n'y a pas de discipline, ou très peu, et les enfants se conduisent mieux parce qu'ils ne sont là que pour une courte période de temps et ils en profitent. Le parent qui les a ne leur impose aucune discipline. Les enfants se couchent tard et mangent ce qui leur plaît; il est donc normal qu'ils soient surexcités lorsqu'ils rentrent à la maison.

Mais le parent qui doit envoyer les enfants à l'école le lundi matin et à qui le professeur va téléphoner parce qu'ils sont aussi insupportables le lundi à l'école qu'ils l'étaient le dimanche soir, va sans doute se montrer plus strict la fin de semaine. Je dis cela parce que je pense que les enfants devraient graduellement passer plus de temps avec l'autre parent et qu'il faudrait encourager un plus grand accès. Le système devrait être assez souple pour le permettre.

Quoi qu'il en soit, l'accent devrait porter sur l'entente concernant l'éducation des enfants. Je trouve la présomption en faveur de la garde conjointe un peu irréaliste parce qu'elle ne répond pas nécessairement aux besoins des enfants à des âges et à des stades différents. Elle peut convenir à certains parents, mais elle peut susciter des attentes irréalistes pour bien des familles qui ne peuvent pas partager leur temps, en raison surtout de la logistique ou de l'argent. La plupart des gens n'ont pas l'argent qu'il faut pour entretenir deux maisons.

Ce sont là les points que je tenais à vous signaler.

• 1555

Je vais juste vous donner l'exemple d'une professionnelle qui m'a téléphoné hier pour me demander conseil. Elle avait avec elle une mère et son enfant de quatre ans. Les parents se sont séparés il y a trois ou quatre semaines et le père n'a pas revu l'enfant depuis. La mère dit que c'était un bon père—qu'il gâtait trop l'enfant, bien sûr, mais que tout allait bien autrement. Il n'a jamais été violent.

Lorsqu'elle est allée voir son avocat, il lui a conseillé de ne pas encourager l'accès pour le moment, parce que ça paraît mieux en cas de différend relatif à la garde. Et l'enfant demande: «Où est papa? Où est papa? Qu'est-ce qui est arrivé à papa?»

Cela replace les choses dans leur contexte. Qu'est-ce qui vaut mieux légalement? Son avocat l'a probablement bien conseillée. A-t- elle été bien conseillée en ce qui concerne l'enfant? Absolument pas. Et c'est dans ce sens-là qu'il faut apporter des changements et qu'il faut éduquer les parents. Il faut que le message vienne d'en haut pour que ça change.

J'aurais encore bien des choses à dire, mais c'est tout pour le moment.

Des voix: Oh, oh.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Madame Fidler.

Mme Barbara Jo Fidler (témoigne à titre personnel): Je vous remercie de m'avoir invitée à vous rencontrer aujourd'hui.

J'ai une clientèle privée et je travaille avec des familles séparées et divorcées, y compris celles qui ont un différend au sujet de la garde et de l'accès, depuis 17 ans, à différents titres: comme chercheuse, comme médiatrice, comme évaluatrice, comme éducatrice, comme formatrice et superviseure, et comme conseillère. J'ai rencontré plusieurs centaines de familles.

Au cours des dix minutes qui me sont allouées, je vais aborder quatre questions: la diversité de ces familles, l'incidence de la séparation et du divorce sur les enfants et les facteurs qui influent sur l'adaptation, le besoin de plans parentaux structurés peu importe qui a la garde, et l'éducation obligatoire pour les parents.

Diversité: les conflits sont chose fréquente entre les parents qui se séparent et divorcent. Les familles où un différend survient concernant la garde et l'accès sont nombreuses, mais demeurent une minorité, puisqu'elles représentent entre 10 et 25 p. 100 des couples divorcés, dont le pourcentage est d'à peu près 40 p. 100 au Canada. Par définition, les familles qui se disputent la garde et l'accès sont plus exposées aux conflits. Un taux plus élevé de troubles de la personnalité a été observé chez ces familles. Un sous-ensemble de ces familles englobe celles où il y a eu de la violence.

Les médiateurs et les cliniciens rencontrent aussi de nombreuses familles qui ne se disputent pas la garde et l'accès, mais qui sont en quête de thérapie, d'éducation et de conseils.

Il est donc important de reconnaître que la population des divorcés se compose de familles différentes dont les enfants ont des caractéristiques et des besoins qui varient énormément.

Les enfants se ressentent de la séparation et du divorce à court et à long terme et, plus tard, du remariage, de différentes façons, tout dépendant de facteurs comme la force de caractère, le tempérament, l'âge et le sexe, la qualité de la relation parent- enfant avant, durant et après la séparation, et notamment la nature des conflits entre les parents avant et après la séparation, qui peuvent être légers ou graves, comme dans les situations de violence familiale.

La capacité cognitive de l'enfant définira en grande partie l'effet que la séparation et le divorce auront sur lui. Par exemple, l'enfant plus jeune va tout ramener à lui-même et se sentir responsable. C'est aussi l'âge de la pensée magique tandis que l'enfant plus vieux va changer d'allégeance et se montrer d'une grande loyauté.

Bien sûr, il y a de nombreux autres effets dont: la régression, l'anxiété, des peurs irréalistes, des idées fantasques de réconciliation, des plaintes somatiques, la crainte d'être abandonné, des troubles de la conduite, de mauvais résultats scolaires, des inquiétudes quant à son propre avenir et à son rôle de parent, selon l'âge.

Il importe aussi de reconnaître que les effets du stress sont cumulatifs. Tous les enfants sont affectés d'une manière ou de l'autre, et certains plus que d'autres. L'adaptabilité va de très bonne à très mauvaise. Même ceux qui s'adaptent bien traversent une phase d'adaptation qui dure habituellement de deux à trois ans.

Les données ont toujours montré qu'en l'absence de violence familiale, les enfants des deux sexes sont avantagés par une bonne relation avec chaque parent. Les enfants qui doivent faire face à la séparation de leurs parents ont besoin de savoir qu'ils ne les abandonneront pas et qu'ils continueront à jouer un rôle dans leur vie. Cela influe directement sur leur sentiment de sécurité, leur estime de soi et leur identité, ainsi que sur leurs capacités d'adaptation comme enfants et, plus tard dans la vie, comme adultes et comme parents eux-mêmes.

Lorsqu'on travaille avec des conjoints qui vivent une séparation ou un divorce, qu'il y ait ou non entre eux des conflits, il est important de leur faire comprendre que la garde comporte deux aspects: le premier est la façon dont les décisions importantes concernant les enfants sont prises, c'est-à-dire la façon dont les responsabilités parentales sont partagées, et le deuxième, le temps que l'enfant passe avec chaque parent. Les décisions importantes concernant l'enfant—c'est-à-dire celles qui touchent à l'éducation, à la santé, aux soins médicaux et à la religion—sont assez rares. Exception faite de celles qui concernent la religion, elles sont presque toujours prises en collaboration avec des professionnels comme des médecins, des éducateurs et des psychologues.

• 1600

Les décisions qui opposent le plus souvent les familles et qui causent des conflits ne sont pas celles qui sont les plus importantes du genre de savoir si un enfant a besoin d'être opéré, d'être mis dans une classe spéciale ou de subir des examens scolaires. Elles ont plutôt trait à la vie au jour le jour de l'enfant et à la gestion familiale. Les parents ont tendance à ne pas être d'accord sur les questions qui ne relèvent pas de l'autorité d'un parent ayant la garde exclusive.

Le fait d'avoir la garde n'aidera vraisemblablement pas les parents à s'entendre sur des questions de tous les jours comme les valeurs parentales, les vêtements et les jouets qui passent d'un foyer à l'autre, les communications téléphoniques parent-enfant, le transport entre les deux foyers, la discipline et la routine, les changements dans les horaires et leur souplesse, les activités parascolaires, la communication entre les parents, les vacances, l'approche des parents et les échanges de renseignements sur la santé, l'éducation et les activités.

La liste est longue, mais c'est ce dont on entend parler tous les jours dans nos bureaux. Ce sont ces petits conflits quotidiens qui ont une incidence négative sur les enfants.

Le fait d'avoir la garde, exclusive, conjointe ou même partagée, même si elle est nécessaire pour bien des familles, ne suffit pas dans le cas des parents qui sont exposés à des conflits ni de ceux qui n'arrivent pas à communiquer efficacement.

Notre but premier est d'atténuer les facteurs qui contribuent aux conflits entre les parents pour que l'enfant soit protégé et puisse avoir une bonne relation avec son père et sa mère. Dans la mesure où il réduit au minimum les facteurs qui sont source de conflits, un plan parental bien structuré qui offre des solutions aux dilemmes de la gestion familiale de tous les jours et aide à prendre des décisions concernant les enfants est essentiel.

Les plans parentaux les plus utiles définissent la façon dont les décisions concernant la santé, les soins médicaux, l'éducation, la garde des enfants, la religion, les voyages et les déménagements seront prises. Même dans les cas de garde exclusive, la façon de prendre les décisions importantes peut être expliquée de manière à offrir au parent n'ayant pas la garde l'assurance qu'il n'en sera pas exclu et qu'il en sera informé tout en permettant au parent ayant la garde exclusive d'avoir le dernier mot en cas d'impasse.

Il est essentiel aussi que le plan parental englobe un calendrier détaillé des vacances et du temps que l'enfant passera avec chaque parent. Il est habituellement difficile pour les familles qui vivent des conflits aigus de se montrer raisonnables. Il ne suffit pas de dire que les parents vont se partager les vacances ou de définir dans le moindre détail uniquement les vacances importantes comme le congé d'été et de Noël. Vous seriez surpris de voir combien de parents se disputent au sujet de l'Halloween—presque tous.

Mon plan parental—vous rirez peut-être, mais c'est vrai— renferme des dispositions concernant une vingtaine de congés religieux et scolaires. Il y a peut-être des répétitions, mais le fait d'avoir une liste bien détaillée réconforte les deux parents. Le parent avec qui l'enfant ne vit pas peut ainsi avoir l'assurance que le parent en ayant la garde ne peut unilatéralement décider de le priver du temps qu'il est censé passer avec l'enfant.

Étant donné que c'est habituellement la gestion au jour le jour de la vie de l'enfant et de la famille qui est la source de la plupart des conflits, le plan parental devrait idéalement englober des solutions précises applicables dans le cas des conflits que j'ai déjà énumérés.

Les plans les plus utiles engloberont aussi les principes de base de l'éducation des enfants et des lignes directrices pour la communication entre les parents et expliqueront ce qu'il faut faire et ne pas faire. Ils doivent aussi préciser les mesures à prendre en cas d'impasse. Les familles vivant des conflits aigus ont souvent besoin de l'aide de médiateurs, d'arbitres et de coordinateurs. Elles ont besoin d'aide pour la mise en oeuvre du plan. Lorsqu'elles ont le plan, son application pose toujours toutes sortes de problèmes.

La collaboration à l'éducation des enfants n'oblige pas les parents à être amis et n'est pas nécessairement synonyme non plus d'une entente 50-50. Elle est préférable et peut contribuer énormément à l'adaptation de l'enfant. Toutefois, de nombreuses familles, et pas seulement celles qui ont un différend concernant la garde et l'accès, auront de la difficulté à collaborer, surtout au cours des premières phases de la séparation. Si les parents ne peuvent pas s'acquitter de leur rôle en collaboration, la deuxième meilleure approche est de prendre du recul ou d'exercer parallèlement le rôle de parent. Il est préférable que les parents s'acquittent de leurs responsabilités parallèlement au lieu que l'enfant soit exposé à des conflits déclarés ou voilés.

Dans la mesure où il est structuré et bien défini, le plan parental peut aider les parents à coexister et à s'acquitter parallèlement de leur rôle. De plus, le plan détaillé fait que les parents n'ont pas tellement à communiquer entre eux. Donc, les conflits et la communication inefficace seront réduits au minimum et l'enfant sera épargné.

Même si le plan peut très bien fonctionner sans que les parents communiquent beaucoup entre eux, les échanges amicaux ne sont pas déconseillés. Cependant, s'ils se trouvent dans une impasse, les parents sont obligés de recourir au plan établi.

• 1605

Même si les plans parentaux concernent les deux parents, ils n'équivalent pas à la garde partagée. Dans certains cas, ils peuvent très bien exposer en détails une entente de garde partagée, mais pas dans d'autres.

Le plan parental est personnalisé de manière à répondre aux besoins et à tenir compte des intérêts de chaque famille tout en mettant l'accent sur le meilleur intérêt de l'enfant. Lorsqu'elles ont été définies, les responsabilités parentales doivent faire partie du procès-verbal de transaction ou des ordonnances du tribunal. Les plans parentaux doivent habituellement être modifiés lorsque les besoins des enfants changent en fonction de leur développement. L'horaire qui convient à un nourrisson peut être différent de celui qui serait préférable pour un tout-petit ou un enfant d'âge préscolaire. Les lignes directrices existantes peuvent aider à établir des horaires qui tiennent compte de l'étape du développement. J'ai fait allusion à ces lignes directrices dans mon mémoire.

Le plan parental structuré et bien défini a permis de trouver des solutions pour bien des familles aux prises avec des conflits et pour celles n'ayant pas de conflit ni de différend concernant la garde. Pour arriver à un bon plan parental, il faut examiner l'interaction de nombreux facteurs. J'en ai énuméré un bon nombre à l'Annexe A que vous pourrez examiner plus tard.

Enfin, je tiens à mentionner l'éducation obligatoire des parents. Le plan parental est une forme d'éducation concrète. L'éducation non seulement des parents, mais aussi des juges, des avocats et d'autres professionnels qui travaillent avec des couples qui se séparent et qui divorcent est essentielle. Les programmes d'éducation des parents se sont multipliés. Médiation familiale Canada en a répertorié un grand nombre.

Vous savez sans doute que l'éducation obligatoire en cas de divorce gagne en popularité au Canada et aux États-Unis. Selon moi, une éducation pratique en fonction des aptitudes s'impose pour les parents. Les données recueillies en Alberta et en Utah, pour ne mentionner que ces deux exemples, font ressortir l'efficacité de l'éducation des parents même pour ceux qui ont des doutes ou qui sont contre.

Même si elle n'est pas une panacée, l'éducation est essentielle à la prévention des problèmes. L'intervention a de moins en moins de chances de réussir à mesure que les problèmes, et les systèmes qui les perpétuent s'enracinent. L'éducation et une meilleure compréhension peuvent influer sur le comportement des parents et favoriser en fin de compte une meilleure adaptation des enfants et de la famille en général.

Prenez, par exemple, les étapes du développement cognitif. Il m'arrive souvent de voir des parents soupirer d'aise parce qu'ils comprennent enfin pourquoi l'enfant a agi de telle ou telle manière et pourquoi leur comportement a eu telle ou telle incidence, qu'ils l'aient voulu ou non. Ce qui est plus important encore, c'est qu'ils ressentent une plus grande empathie et peuvent modifier leur comportement. Je vous ai fourni à l'Annexe D une liste des sujets sur lesquels les cours portent. Vous y trouverez beaucoup plus de détails.

Les listes que je vous ai fournies dans les deux annexes font ressortir la complexité du divorce et son incidence et mettent l'accent sur la diversité des familles. Une multitude de facteurs et leur interaction méritent qu'on s'y arrête si on veut aider ces familles et adopter les lois qui s'imposent. Une approche unique de l'élaboration des politiques et des lois ne nous permettra pas d'en arriver à une norme qui soit dans le meilleur intérêt de l'enfant.

J'espère sincèrement que nous parviendrons, dans le cadre de l'examen de ces questions, à avoir l'ouverture d'esprit que nous attendons des parents qui divorcent et que nous allons de ce fait atténuer la polarisation trop fréquente qui fait que les besoins d'enfants très méritants sont nécessairement laissés de côté.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Notre prochain témoin est M. Service.

M. John Service (directeur général, Société canadienne de psychologie): Monsieur le président, honorables membres du comité, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir offert l'occasion de vous adresser aujourd'hui la parole au sujet d'une question aussi importante. C'est toujours un honneur de rencontrer les comités du Parlement du Canada.

Les difficultés conjugales, la séparation et le divorce sont des événements importants dans la vie des enfants et des familles. Bien des séparations et des divorces se passent assez bien et ne sont pas trop traumatisants. Des ententes de garde et de visite sont conclues et appliquées sans trop de problèmes. D'autres sont extrêmement difficiles.

Les meilleures solutions sont bien sûr celles qui font en sorte que l'expérience de la séparation et du divorce ne soit pas trop traumatisante. Des ententes généreuses de garde et de visite sont le plus souvent dans le meilleur intérêt des enfants et des parents. Ce sont toutefois les situations difficiles qui retiennent notre attention. Elles sont extrêmement traumatisantes pour les parents et elles peuvent l'être particulièrement pour les enfants.

Les recherches ont clairement démontré que les événements traumatisants ont des effets graves. C'est particulièrement vrai dans le cas des enfants qui sont dans les années formatrices de leur développement. C'est vrai aussi lorsque l'expérience traumatisante se vit à la maison et qu'elle est grave et prolongée. Cette expérience traumatisante ne doit pas se perpétuer dans les ententes de garde et de visite après la séparation. Mes deux collègues ont proposé plusieurs moyens de minimiser les dégâts.

En cas de doute, la position par défaut à adopter doit toujours être de viser le meilleur intérêt de l'enfant et de le protéger. Parce que les enfants n'ont pas tellement de pouvoir au sein de la famille, surtout si elle est en état de crise, le pouvoir de rester ou de partir, le pouvoir de prendre des décisions, le pouvoir d'exprimer ses idées et ses sentiments, et j'en passe, sont beaucoup plus du domaine des adultes. Cette absence de pouvoir peut rendre l'expérience encore plus traumatisante.

• 1610

La séparation et le divorce des parents peuvent avoir une incidence négative sur tous les membres de la famille immédiate et élargie. Ils sont très difficiles pour les parents. L'affliction, la rage, la panique, l'impression de perdre le contrôle, la solitude et un grand vide ne sont pas des sentiments rares, et il ne fait aucun doute qu'il faut se pencher sur les besoins des parents.

La question qui se pose est de savoir comment. Souvent, la solution semble être de conclure une entente généreuse de garde et de visite. Ce n'est pas toujours la meilleure idée. Elle peut continuer à traumatiser les membres les moins développés et les moins puissants de la famille. Il faut tenir compte des besoins primaires des enfants et faire passer en deuxième ceux des adultes, même s'ils sont importants.

Le témoin qui m'a précédé a déjà signalé plusieurs des points que je voulais soulever et je vais donc faire vite.

Certains critiquent l'approche axée sur l'enfant que je viens de décrire. Il y en a qui affirment, par exemple, que les femmes sont aussi violentes que les hommes. Ce n'est pas ce que la documentation donne à penser pour le moment, mais ils prétendent, en partant du principe que la violence n'a pas de sexe, que les hommes ne sont pas traités équitablement. La plupart des recherches effectuées jusqu'à maintenant réfutent l'hypothèse que les femmes sont aussi violentes que les hommes. C'est une chose qu'il ne faut pas perdre de vue.

Il est important aussi de se rappeler que les recherches effectuées en Amérique du Nord au cours de la dernière décennie font immanquablement ressortir que les actes de violence contre des femmes sont loin d'être tous signalés. Mais même si les femmes étaient aussi violentes que les hommes, c'est l'intensité de la violence perpétrée par un partenaire ou par l'autre qui est la clé. L'Association pense aussi que c'est la violence de la part de l'un des conjoints qu'il faut garder présente à l'esprit. Ce n'est pas au sexe du coupable, mais à la violence et au traumatisme pour l'enfant qu'il faut s'arrêter.

Il y a des gens qui donnent à entendre que des parents font un lavage de cerveau à leurs enfants pour les monter contre l'autre parent. Il ne fait aucun doute que cela arrive, mais une analyse attentive alliée à une intervention appropriée peut souvent clarifier la situation et aider à en arriver à une solution raisonnable.

D'autres enfin affirment qu'il est préférable pour les enfants que la famille demeure intacte ou qu'ils aient de nombreux contacts avec leurs parents. C'est vrai bien sûr dans les cas où la dynamique interpersonnelle est telle qu'elle ne continue pas à traumatiser les enfants. L'essentiel dans ce cas-là également est d'agir dans le meilleur intérêt des enfants et d'éviter de les traumatiser en les plaçant dans des situations intenables.

Comme c'est le cas la plupart du temps dans la vie, il n'y a pas de règle d'or applicable à toutes les situations. Il faut que les médiateurs, les organismes de protection de l'enfance et les tribunaux se laissent guider par des principes du genre de ceux que je viens de décrire pour prendre les meilleures décisions possibles dans l'intérêt des enfants. Les psychologues—comme mes collègues et moi-même—et les travailleurs sociaux de même que d'autres travailleurs de santé mentale peuvent offrir une évaluation en profondeur, un diagnostic différentiel et un plan aux enfants et aux familles pour leur venir en aide. De plus, ces professionnels ont les connaissances et les compétences qu'il faut pour faciliter l'adaptation aux nouvelles circonstances et aider les gens à trouver des moyens nouveaux et plus productifs de faire face à la situation.

Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. J'attends avec impatience la discussion qui va suivre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, mes collègues ont déjà soulevé plusieurs des points que j'avais, et je vais donc les laisser tomber pour que nous puissions passer à la discussion. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Enfin, notre dernier témoin mais pas le moindre, M. Austin.

M. Gary Austin (psychologue et consultant, London Family Court Clinic): Appelez-moi docteur.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): La liste que nous avons ici ne mentionne pas que vous avez votre doctorat.

M. Gary Austin: Quand on travaille pendant quatre ou cinq ans pour avoir son doctorat, on en est fier.

Bonjour, mesdames et messieurs. Je tiens à remercier les coprésidents et les honorables membres du comité d'avoir invité des professionnels qui travaillent avec un grand nombre de parents séparés ou divorcés et leurs enfants à venir les rencontrer.

Je me présente. Je suis psychologue et consultant à la London Family Court Clinic, un centre de santé mentale pour enfants qui offre différents services depuis vingt-quatre ans aux familles qui ont affaire aux tribunaux. Dans ses nombreux secteurs d'activités, la clinique s'occupe de services directs à la clientèle, de recherche, de formation professionnelle et de prévention. J'ai été pendant dix ans directeur du projet de garde et de visite de London, un service à la disposition de la clinique qui s'occupe d'évaluation et de médiation relativement aux questions liées à la garde et au droit de visite des enfants.

M. Peter Jaffe, qui est le directeur exécutif de la clinique, aurait bien aimé vous présenter cet exposé aujourd'hui, mais il n'a malheureusement pas pu être ici en raison d'un récent événement familial puisqu'il est devenu père pour la troisième fois hier— d'un enfant légèrement prématuré de quatre livres et quinze onces. C'est pourquoi il n'est pas ici.

• 1615

M. Jaffe travaille avec la police et les tribunaux depuis vingt-cinq ans auprès des enfants et des familles qui traversent une crise. Il a un intérêt de longue date—d'autres diraient une passion—pour le problème de la violence familiale, et surtout pour l'impact de la violence sur les enfants qui en sont témoins.

D'après le document que je vais vous présenter, son document, nous avons besoin de différents types d'approches, sur le plan juridique et clinique, lorsque la violence familiale intervient dans des affaires de garde d'enfants.

S'il y a eu de la violence familiale au cours d'un mariage, souvent, elle ne prend pas fin au moment de la séparation. La séparation peut entraîner une nouvelle phase de violence au cours de laquelle l'abus de pouvoir ou le contrôle qui existait dans les rapports conjugaux se répercute sur la procédure de garde et d'accès. Les enfants représentent souvent une autre arme que les agresseurs utilisent pour harceler, menacer, agacer, punir et dominer l'ex-conjoint.

Certaines recherches ont révélé que la séparation peut constituer la période la plus dangereuse dans la vie d'une femme battue, celle où elle court le plus de risques de blessures graves ou de mort. Une partie des preuves recueillies proviennent du Comité canadien sur la violence faite aux femmes qui a entendu 4 000 personnes dans 139 collectivités.

Ce document traite de la nécessité pour les législateurs, les juges, les avocats et les travailleurs de santé mentale de mieux reconnaître les besoins spéciaux de la clientèle dans les litiges portant sur les visites et l'accès dans le contexte de la violence familiale. Le document décrit d'importants points de vue juridiques et cliniques sur la question, l'expérience d'autres pays et les réformes nécessaires pour mieux sensibiliser les intéressés et trouver des solutions efficaces au problème.

Prenons tout d'abord l'impact de la violence familiale sur les femmes et les enfants. Pour les fins du document, la violence familiale s'entend des mauvais traitements infligés aux femmes par leur conjoint. Les recherches approfondies effectuées en Amérique du Nord indiquent que 90 p. 100 de la violence familiale est dirigée contre les femmes et les enfants.

Nous, c'est-à-dire M. Jaffe et moi-même à la clinique d'aide juridique, ne fermons pas les yeux sur la violence contre les hommes et nous reconnaissons qu'il y a un certain nombre de divorces dans le cas desquels des femmes ont fait subir de mauvais traitements psychologiques à des hommes. Cette forme de violence est peut-être sous-déclarée et devrait mener à des solutions comparables à celles décrites dans le document le cas échéant.

Cependant, la violence faite aux femmes demeure un problème majeur dans les rapports conjugaux où un nombre accru de femmes sont menacées de mort et de blessures graves et où les hommes exercent leur contrôle et leur domination en leur infligeant de mauvais traitements.

D'après Statistique Canada, 29 p. 100 de toutes les Canadiennes signalent au moins un cas de violence physique ou sexuelle dans une relation intime au cours de leur vie. Pour 10 p. 100 des femmes, la violence est tellement grave qu'elles craignent pour leur sécurité personnelle et se demandent si elles vont s'en sortir vivantes.

Près de la moitié de toutes ces femmes, 48 p. 100 d'entre elles, signalent que leur conjoint précédent était violent, question qui pourrait être fréquemment soulevée dans les actions en divorce pour prouver que ces femmes sont des victimes et se mettent elles-mêmes en situation de victimisation.

Selon de nombreux profanes et quelques avocats, les femmes exagéreraient les mauvais traitements infligés au moment d'une action en divorce, mais la plupart des femmes disent avoir parlé à très peu de professionnels de la réalité de la violence dans leur vie.

La violence a une incidence considérable sur les femmes dans le contexte des relations intimes. À la limite, elles peuvent souffrir de ce qu'on appelle le syndrome de stress post-traumatique et manifester des signes d'anxiété, de dépression et d'hypervigilance tout en se sentant impuissantes. Elles peuvent éprouver de la colère et de la méfiance et avoir de la difficulté à nouer des relations de travail avec des professionnels du tribunal.

Elles s'en prennent à elles-mêmes pour la violence, continuent à éprouver des sentiments ambivalents à l'égard de leur conjoint et de l'échec de leur mariage et peuvent ne pas avoir tellement confiance en leurs compétences parentales. Elles sont souvent dans une situation difficile parce qu'elles essaient d'élaborer un plan pour assurer leur sécurité et celle de leurs enfants tout en essayant de se réconcilier avec l'homme qui est le père de leurs enfants et une source importante de revenu pour la famille.

Les enfants se ressentent du fait d'avoir été témoins de violence dans leur famille. Ils peuvent avoir été les témoins oculaires d'un incident, avoir entendu une dispute de leur chambre ou être entrés dans la cuisine pour constater les conséquences de la violence.

Les parents ont tendance à sous-estimer de moitié ce que leurs enfants savent. La moitié des parents disent que leurs enfants ne sont pas au courant de la situation. Si vous parlez aux enfants, 90 p. 100 d'entre eux disent: «Nous avons entendu; nous avons vu.» De nombreux enfants signalent avoir grandi dans une zone de guerre où la peur et la terreur règnent même durant les accalmies.

Certains enfants souffrent de formes multiples de violence. Dans les familles où il y a violence, la probabilité que les enfants soient victimes de mauvais traitements physiques est de 40 à 50 p. 100 ou de violence sexuelle, d'à peu près 30 p. 100.

L'une des découvertes les plus importantes ces dernières années dans le domaine de la violence familiale tient à ce qu'on reconnaît maintenant que les enfants qui ont été témoins de violence familiale en portent différentes marques. En réalité, le fait d'avoir été témoin de violence est une forme de violence psychologique qui peut entraîner les mêmes problèmes d'adaptation que les mauvais traitements ou la violence sexuelle.

• 1620

Les résultats de ces recherches revêtent encore plus d'importance à la lumière du commentaire illogique que font certains avocats et juges lorsqu'ils disent qu'il n'a maltraité que sa femme et qu'il ne s'en est jamais pris aux enfants, lorsqu'ils parlent d'un père impliqué dans un litige portant sur la garde.

Les enfants qui sont témoins de violence risquent de se trouver aux prises avec un certain nombre de problèmes psychologiques et de comportement graves, dont des pulsions agressives, l'intimidation, l'anxiété, la destruction de la propriété, l'insécurité, la dépression et les cachotteries. La liste est longue et, si vous avez en tête l'image d'un enfant qui manifeste ces signes, je pense que vous comprendrez.

Près de 60 p. 100 des enfants qui sont exposés à la violence présentent des symptômes qui sont révélateurs du syndrome de stress post-traumatique, tout comme leurs mères. Les enfants qui sont témoins de violence risquent également de recourir à la violence pour résoudre des conflits interpersonnels, surtout dans des relations où l'amour entre en jeu. À long terme, les garçons qui sont exposés à la violence au foyer sont plus susceptibles de devenir eux-mêmes des agresseurs dans une relation intime. Par exemple, d'après l'étude de Statistique Canada, les femmes courent trois fois plus de risques d'être agressées et d'être confrontées à répétition à un comportement préjudiciable si leur beau-père— c'est-à-dire le père de leur conjoint—était violent avec leur belle-mère. Autrement dit, la violence se perpétue.

Les recherches approfondies dans ce domaine devraient éliminer toute possibilité pour des professionnels du tribunal de minimiser l'impact de la violence. Il y a des étapes critiques auxquelles les femmes sont plus à risque. Bien des femmes qui se séparent d'un agresseur se sentent victimisées par le système judiciaire. Si elles restent avec un mari violent, elles peuvent être accusées de ne pas avoir protégé leurs enfants contre la violence au foyer. Si elles partent, elles peuvent être traquées et harcelées en plus d'être accusées d'être un parent hostile à cause de leurs allégations.

L'obstacle le plus difficile à franchir et le plus dangereux est peut-être la décision de se séparer. D'après le Comité canadien sur la violence faite aux femmes, les femmes maltraitées courent cinq fois plus de risques d'être victimes d'homicide au début de la séparation. Les femmes maltraitées disent qu'elles ont peur de rester avec leur mari et peur de le quitter, et de nombreuses études leur donnent raison d'avoir peur.

Une fois qu'une femme quitte son mari, elle peut devoir livrer une bataille au sujet de la garde et de l'accès qui perpétue la violence durant le mariage. D'après une étude sur les divorces acrimonieux, 25 p. 100 des agresseurs se servent de l'accès pour menacer leurs conjoints ou continuer à les maltraiter. Étant donné qu'une bonne partie de la violence est cachée, n'est pas signalée et ne laisse pas de traces physiques, il est difficile de prouver ces allégations sans des avocats, des évaluateurs et des juges bien informés.

Étant donné que la plupart des écrits sur le divorce ne reconnaissent pas l'existence de la violence familiale, on a tendance à chercher à maintenir les liens des enfants avec les deux parents au lieu d'écarter les parents dangereux ou maltraitants, qu'il s'agisse des pères ou des mères. Au lieu de minimiser la violence et de demander à la mère d'oublier les hostilités passées, il faut réévaluer l'incidence de la violence et les risques qu'elle comporte.

À cette étape de la procédure, de nombreuses femmes maltraitées se font dire qu'elles doivent être conciliantes et promouvoir l'accès à l'agresseur. Si elles ne sont pas conciliantes, des accusations de syndrome d'aliénation parentale pourraient être portées. Les femmes maltraitées se sentent souvent incomprises par les évaluateurs de la garde et de l'accès ou forcées à opter pour la médiation lorsque ce processus est clairement inadéquat et contre-indiqué parce qu'elles ont peur et n'ont pas un pouvoir égal de négociation.

Je vais prendre une minute ou deux pour vous faire part de trois recommandations de M. Jaffe dans le contexte des remarques précédentes.

Premièrement, il faut que des modifications soient apportées à la Loi sur le divorce et que soient adoptées des lois provinciales qui obligent les juges et les évaluateurs à enquêter sur la violence familiale et qui empêchent les conjoints violents d'avoir droit à la garde, à la garde conjointe ou à un accès libéral.

Le code proposé s'apparente à celui du U.S. National Council of Juvenile & Family Court Judges qui disait dans son document de 1994:

    Dans toutes les actions où il s'agit d'un conflit sur la garde des enfants, la décision par la Cour qui conclut à une violence familiale soulève une présomption réfutable selon laquelle il est nuisible à l'enfant, et à ses intérêts, d'être placé sous la garde exclusive, la garde conjointe ou la garde physique conjointe avec l'auteur de la violence familiale.

Il n'est nullement question du sexe de l'agresseur.

Deuxièmement, il faudrait qu'il y ait un programme de formation exhaustif pour les juges qui connaissent des différends portant sur la garde et l'accès, ainsi que pour les avocats et les évaluateurs nommés par les tribunaux. Ces cours devraient être obligatoires. Par exemple, en Californie, les évaluateurs, les évaluateurs en matière de garde et d'accès, comme Barbara et moi- même, doivent maintenant suivre seize heures de formation sur la violence familiale pour avoir le droit de procéder à une évaluation ordonnée par un tribunal.

• 1625

Troisièmement, tous les tribunaux de la famille du Canada ont besoin des ressources appropriées pour s'occuper des différends relatifs à la garde dans les cas de conflits aigus et de violence dans la famille. Il faut pouvoir compter sur des évaluateurs compétents de même que sur des centres de supervision de l'accès qui assurent la sécurité tout en mettant l'accent sur le maintien des relations.

Il faudrait aussi examiner les coupures au titre de l'aide juridique afin que les femmes maltraitées puissent compter sur des avocats en droit de la famille compétents. Un nombre croissant de femmes de l'Ontario et d'ailleurs ont de la difficulté à accéder au système judiciaire. En fait, il peut arriver qu'elles soient contre-interrogées par l'homme même qui les a maltraitées et qui n'a pas d'avocat pour le défendre dans un différend relatif à la garde.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Je vais devoir demander un peu de patience à nos témoins. Le comité a à discuter d'une question de procédure parlementaire. Je vous demanderais donc de bien vouloir vous asseoir à une des tables. Nous allons discuter brièvement des usages parlementaires, après quoi nous passerons aux questions. Nous ne vous oublions pas; c'est juste que nous devons nous occuper de cette question immédiatement.

Parce que la séance est télévisée, il faut que je vous dise qu'il s'agit d'une question que la sénatrice Cools a soulevée lundi à notre réunion de 15 h 30. À ce moment-là, nous avons demandé au greffier une copie d'un article mentionné au cours de la discussion. Je crois que vous devriez tous l'avoir reçue. Je vais maintenant céder la parole à la sénatrice Cools.

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais bien que la présidence m'indique comment procéder.

Comme vous le savez, nous sommes tous tenus de maintenir les usages parlementaires. Si je me souviens bien, au tout début de ma déclaration préliminaire de lundi dernier, j'ai indiqué pour le compte rendu la date et le titre de l'article en question. Je crois avoir cité à ce moment-là les extraits offensants de l'article. Je ne vois pas pourquoi je les relirais aujourd'hui. Mais si quelqu'un veut que je les relise, je le ferai avec plaisir.

L'article contient d'autres passages offensants que je n'ai pas relevés à ce moment-là, mais étant donné que nous l'avons tous sous les yeux je ne vois pas la nécessité de les lire. Donc, si vous me le permettez, honorables sénateurs, je ne les relirai pas. Est-ce que j'ai votre consentement?

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Non, mais je crois, monsieur le président...

La sénatrice Anne Cools: Je n'ai pas terminé. Je vous demandais juste l'autorisation de ne pas les relire.

C'est bien, allez-y.

L'hon. Sheila Finestone: J'aimerais que vous nous donniez les dates.

La sénatrice Anne Cools: Oui. Ça va, je vais vous les donner.

L'hon. Sheila Finestone: Il y a trois dates.

La sénatrice Anne Cools: Parfait.

L'article en question, soit le plus récent, a été publié comme je l'ai déjà dit dans le Toronto Star du 20 avril.

L'hon. Sheila Finestone: Du 18 avril.

La sénatrice Anne Cools: Pardon, du 18 avril. Le voici. Il a été publié dans le Toronto Star du 18 avril, à la page L1. Il s'agit d'un article de Michele Landsberg qui a pour titre «How far have we come on domestic assault issues?».

J'ai également fait allusion à un article qui a été publié en janvier, dans le Toronto Star du 17 janvier. Il s'agit dans ce cas- là aussi d'un article de Michele Landsberg qui a pour titre «Divorce Act and kids face a rough ride». J'ai clairement fait ressortir que ce premier article laissait prévoir celui de la semaine dernière.

L'hon. Sheila Finestone: L'article a été publié le 9 février 1997.

La sénatrice Anne Cools: En février?

L'hon. Sheila Finestone: En 1997, un an plus tôt.

La sénatrice Anne Cools: Ce qui est intéressant—merci, madame Finestone, de m'avoir rafraîchi la mémoire—c'est que l'année dernière, durant le débat au Sénat sur le projet de loi C-41, le 9 février plus précisément, le Toronto Star avait publié un autre article de Michele Landsberg intitulé «Children will suffer if senators scuttle divorce bill». Je tiens à le signaler aux fins du compte rendu.

Pour être franche, je dirais que nous sommes ici témoins, à mon avis, d'une attaque prolongée contre le Parlement.

• 1630

Ce que j'aimerais bien faire comprendre aux sénateurs, pour le compte rendu—je voulais simplement avoir votre consentement et je vous en remercie, madame Finestone—et aux députés, c'est que la question commence à nous échapper.

Je ne dis pas que l'article de la revue Maclean's est en lui- même un outrage, mais si vous prenez le plus récent numéro de la revue Maclean's, vous verrez qu'il contient un assez bon article sur le divorce par Sharon Doyle Driedger. Je veux parler du numéro du 20 avril 1998. Vous pouvez voir, à la page 38, que l'affaire a pris des proportions énormes. Sharon Doyle Driedger dit dans son article:

    L'atmosphère autant à Toronto qu'à Montréal était empoisonnée: les hommes ricanaient d'un air méprisant et faisaient du chahut pendant que les femmes parlaient des femmes battues [...]

Et ainsi de suite.

Soit que je n'étais pas à ces réunions, et j'y ai pourtant assisté, soit que ma mémoire me joue des tours ou que quelqu'un a des souvenirs fictifs. J'aimerais que tout cela figure dans le compte rendu.

Nous avons tous le dos large et nous sommes tous de bonne foi, et il se trouve que je connais de nombreux membres du comité—je connais leur travail, je pense à Mme Finestone et à Mme Pépin et à plusieurs autres, depuis des années—leur empressement, leur intérêt pour ces questions et leur engagement envers le public en général. Je suis persuadée que personne ici n'aime être dépeint dans les journaux comme un être irresponsable, indigne de confiance ou insouciant de la violence familiale.

Personnellement, j'ai travaillé très fort. J'irais même jusqu'à dire que j'ai passé ma vie à me battre contre la violence familiale. Ce que je tiens à souligner, cependant, c'est que nous avons le dos large, c'est vrai, et que si c'était une attaque personnelle contre moi—Michele Landsberg en a l'habitude—je ne m'en ferais pas, parce que je prends les choses comme elles viennent. Ça fait partie du métier. La raison pour laquelle j'ai attiré l'attention des membres du comité sur cette question il y a quelques jours, c'est que je crois qu'elle a dépassé les limites du commentaire loyal, de la liberté d'expression, de la liberté de la presse, pour s'aventurer perfidement à mépriser l'autorité du Parlement.

Si vous lisez attentivement les articles en question, vous verrez que Mme Landsberg dit bel et bien «le comité». Elle ne parle pas d'un démon quelconque ou de quelque individu malveillant, elle parle d'un comité du Parlement du Canada.

Il s'agit de la plus haute cour de notre pays, honorables députés et sénateurs. Il s'agit d'une grande enquête de la nation. Nous sommes ici aujourd'hui comme le veut la coutume parlementaire pour exercer les pouvoirs d'enquête du Parlement du Canada. Je peux vous citer les précédents. Je les ai tous et je suis prête à les rendre publics.

Il faut comprendre que quiconque se livre à une attaque de ce genre peut être tenu responsable de diffamation des institutions de la liberté démocratique et des institutions représentatives de notre pays. Il est tragique que Mme Landsberg n'ait aucun respect pour la liberté d'expression ni pour le magnifique pays dans lequel elle vit. En fait, autant que je sache, ce pays encourage et favorise les libres propos et la liberté d'expression dans les médias.

Je sais très bien quelle heure il est. Je suis très consciente du fait que Mme Finestone a hâte de partir. J'ai plusieurs observations à faire, mais je suis prête à laisser la parole pour le moment à ceux qui ont des contraintes de temps.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Vous avez mentionné que je dois partir. Oui, je dois vous quitter, parce que je n'ai eu ni la liberté d'expression ni le droit de disposer librement de moi-même et c'est le Yom Hashoah aujourd'hui, le Jour de l'Holocauste.

Ce n'est pas un holocauste, mais c'est une attaque contre l'intégrité du gouvernement et du Parlement. C'est une attaque contre les membres du comité qu'on ne croit pas capables d'avoir l'esprit ouvert et d'être prêts à écouter avant de faire des recommandations à l'intention du gouvernement sur les difficiles questions de la garde et du droit de visite. Peu importe la terminologie utilisée, responsabilités parentales, garde conjointe ou garde partagée—là n'est pas la question. Le comité a été mis sur pied pour discuter des mesures à prendre dans le meilleur intérêt des enfants dans des circonstances très difficiles, dans une société qui évolue très rapidement, où le taux de divorce est très élevé. Ce sont là les questions sur lesquelles il faut se pencher.

• 1635

Nous devons continuer à examiner ce que les parlementaires peuvent faire pour venir à bout de ces questions. Devrions-nous, nous les parlementaires, nous pencher sur ces questions et comment pouvons-nous nous y prendre d'une manière constructive en gardant l'esprit ouvert et en étant prêts à écouter tous les points de vue? Ces articles ne donnent pas à entendre à la communauté en général qu'il faut respecter notre institution, son rôle et ses entreprises. C'est là ma préoccupation et je me range donc à l'avis de Mme Cools.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Est-ce que quelqu'un d'autre veut...? Oui, monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je suis moi aussi plutôt préoccupé par ces articles et par l'influence qu'ils pourraient avoir, car nos futurs témoins pourraient se dire qu'il ne sert à rien de comparaître devant le comité puisque son idée est déjà faite, qu'il a un parti pris et ainsi de suite.

Je pense que cette journaliste a menti.

L'hon. Sheila Finestone: Oooh.

M. Paul Forseth: Ou du moins qu'elle s'est trompée dans son compte rendu. Mais elle ne semble pas avoir pris son travail de journaliste très au sérieux.

J'ai consulté la deuxième édition de l'ouvrage de Joseph Maingot, Le privilège parlementaire au Canada, pour voir ce qu'il dit des privilèges et des responsabilités d'un comité mixte. Il ne s'agit pas d'un comité législatif de la Chambre des communes; il s'agit d'un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes qui suit une procédure quasi judiciaire.

Le comité a droit au même respect qu'un juge de cour supérieure et est soumis aux mêmes règles. Lorsqu'un individu utilise les précieux privilèges pour lesquels on s'est battu, comme la liberté de la presse et la liberté d'expression... Il n'y a pas de liberté qui soit absolue. On ne crie pas «Au feu!» dans un théâtre, par exemple. Il y a des limites à la liberté de la presse et à la liberté d'expression qui ne doivent pas aller au-delà du commentaire loyal et miner la capacité d'un comité du Parlement de mener ses travaux à bien.

Je sais qu'il s'agit d'un sujet à controverse et qu'il y a des différences de vues et même des différences théologiques qui se traduisent par différentes attitudes sociales. Nous pouvons nous en accommoder. Nous devons évaluer les différents témoignages qui nous sont présentés. Mais je trouve qu'il serait socialement inacceptable qu'un commentaire intransigeant vienne empoisonner l'atmosphère dans la communauté et la conduise presque à certains sentiments.

D'après ce livre, nous sommes tenus de défendre les institutions. Nous avons le pouvoir d'établir des limites, parce que la question se situe en dehors du droit écrit. C'est donc au comité qu'il revient de décider de la voie à suivre. Il est important, bien sûr, que les gens sachent qu'il y a de la place pour le commentaire loyal et que nous n'avons pas nécessairement à être tous d'accord, mais à un moment donné les médias doivent s'engager à ne pas miner les institutions que nous avons réussi à mettre en place au prix d'un dur combat.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Allez-y, monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le président, si ce commentaire avait visé un membre du comité en particulier, comme quelqu'un vient de le dire, nous aurions probablement pu passer l'éponge, puisque ça fait partie des risques du métier. Mais quand on s'en prend au comité tout entier et qu'on l'accuse d'avoir déjà pris une décision, on mine en quelque sorte le travail qu'il essaie de faire. J'ai personnellement l'impression qu'elle est loin de la vérité.

• 1640

Je suis nouveau au Parlement et je n'ai pas l'habitude de ce genre de comité, mais j'ai été frappé par l'ouverture d'esprit de tous les membres du comité et par leur empressement à étudier toutes les données. Et notre travail n'est pas terminé. Je n'ai encore pris aucune décision, comme personne d'autre ici je pense. Elle ne nous a pas rendu service et elle n'a pas rendu service non plus aux gens que nous essayons d'aider.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Est-ce quelqu'un d'autre aurait quelque chose à ajouter?

Le comité peut faire un certain nombre de choses. Nous avons discuté de cet article. Le comité lui-même ne peut pas pendre une décision. C'est à la Chambre des communes et à son président, dans un premier temps, et au Sénat et à son président, dans un deuxième temps, qu'il revient de juger de la nature de cet article et de déterminer si, en fait, il constitue une violation de privilège ou d'un autre aspect, peut-être, des droits parlementaires.

Nous pouvons interrompre la discussion pour le moment ou la poursuivre, mais si nous la poursuivons...

La sénatrice Anne Cools: Il faudrait peut-être que nous soyons douze.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avons-nous besoin d'être douze? Oui, bien sûr.

La sénatrice Anne Cools: Quel est le quorum?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Douze.

La sénatrice Anne Cools: Voulez-vous dire que nous avons délibéré aujourd'hui sans qu'il y ait quorum?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous ne pouvons pas recevoir de motion si nous ne sommes pas douze, auquel cas...

La sénatrice Anne Cools: Qui est chargé de nous trouver du monde?

Monsieur le président, j'aurais une suggestion à faire. Nous pourrions peut-être... Pardon?

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Nous devrions remettre ça à plus tard.

La sénatrice Anne Cools: Nous pourrions peut-être... Il est plutôt inhabituel, vous savez, d'ajourner la discussion sur de telles questions, mais...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est inhabituel, mais s'il n'y a pas quorum...

La sénatrice Anne Cools: Vous ne pouvez pas lever la séance.

Mme Eleni Bakopanos: Vous pouvez ajourner la discussion.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous pouvons ajourner la discussion.

La sénatrice Anne Cools: Vous ne le pouvez pas. Il faut que le quorum soit atteint. Vous devez avoir une motion d'ajournement.

L'hon. Sheila Finestone: Vous devez être en nombre.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons suspendre la discussion. Nous ne pouvons pas présenter de motion tant qu'il n'y aura pas quorum.

La sénatrice Anne Cools: Oui. Nous allons simplement prendre une pause, une longue pause.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Quoi qu'il en soit, je dois dire que nous avons soulevé la question aux fins du compte rendu à la première occasion, donc...

La sénatrice Anne Cools: J'ai une dernière chose à ajouter pour bien mettre en évidence ce que Mme Finestone avait à dire. Le privilège parlementaire est un phénomène très intéressant et très complexe, mais dont le but est de permettre au Parlement de s'acquitter de ses fonctions d'institution représentative.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Deux autres membres du comité ont quelque chose à dire.

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur le président, si nous ajournons la discussion, comme vous le savez probablement, nous sommes un comité spécial du comité de la justice...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous ne sommes pas un comité spécial du comité de la justice.

L'hon. Sheila Finestone: Nous sommes un comité spécial de la Chambre et du Sénat et la plupart des députés siègent à un comité à quelques portes d'ici qui s'occupe de je ne me souviens plus quoi.

Mme Eleni Bakopanos: Du budget.

L'hon. Sheila Finestone: Nous examinons le budget et je sais qu'un certain nombre de mes collègues—je siège à ce comité—assistent à une séance de l'autre comité. Il faut qu'il y ait quorum là aussi.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je sais que la plupart des comités siègent cet après-midi. J'avais deux autres réunions, à la même heure.

La sénatrice Anne Cools: Je voudrais qu'il soit très clair pour tous qu'un grand nombre d'entre nous font partie de deux ou trois comités. Je vois qu'Eleni essaie de me faire comprendre en me faisant de grands signes qu'elle met les bouchées doubles et même triples parce nous sommes tous débordés de travail.

Dans ce cas-là, monsieur le président, nous pourrions peut- être revenir à nos témoins.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): S'ils arrivent dans deux minutes, je ne veux pas...

La sénatrice Anne Cools: Ils arrivent dans deux minutes? Peut- être, monsieur le président... Avons-nous nos whips respectifs, nos leaders respectifs?

L'hon. Sheila Finestone: Oui.

La sénatrice Anne Cools: Oui, vous êtes un whip.

Mme Eleni Bakopanos: Sheila va s'en occuper.

• 1645

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Je trouve que c'est injuste de demander aux gens de se prononcer sur une chose à laquelle ils n'ont pas eu le temps de réfléchir.

La sénatrice Mabel DeWare (Nouveau-Brunswick, PC): J'ai peur que nous fassions perdre du temps aux témoins. Nous ne voulons pas perdre le fil de leurs idées. J'aimerais que nous reprenions nos travaux.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Mais je ne veux pas procéder à une mise aux voix dans...

La sénatrice Anne Cools: Ils ne peuvent pas rester assis là pendant que nous votons.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord...

La sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): Par ailleurs, ceux qui vont arriver n'auront pas entendu ce que nous avions à dire et je pense...

L'hon. Sheila Finestone: Je sais qu'un certain nombre de membres habituels du comité assistent à la réunion de l'autre comité pour qu'il y ait quorum.

La sénatrice Anne Cools: C'est exact.

L'hon. Sheila Finestone: S'ils y sont, ils vont se joindre à nous. Ils ont pris part à la discussion, et ils savent ce qui nous préoccupe. La question est grave. S'ils sont là, vous le saurez dans quelques minutes. Sinon, tant pis. Nous n'allons pas demander à des étrangers de se prononcer sur une question qui concerne le Parlement du Canada, pas les différents membres du comité.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je me rends compte que ça met du piquant pour les téléspectateurs.

La sénatrice Anne Cools: Nous pouvons attendre. J'ai un tas de choses à dire. J'ai coupé court à ma déclaration, monsieur le président. Je pourrais parler bien longtemps encore. Je vous fais marcher, ou du moins j'essaie.

L'hon. Sheila Finestone: Nous allons savoir ce qui se passe tout de suite.

La sénatrice Anne Cools: On va nous dire où se trouvent tous les autres.

L'hon. Sheila Finestone: Ils sont à l'édifice du Centre, monsieur le président. Ils ne sont pas dans leur salle habituelle. Je pense que nous pouvons continuer.

La sénatrice Anne Cools: Il va leur falloir quelques minutes pour se rendre ici.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, nous allons maintenant demander aux témoins de revenir à la table.

Lorsque vous avez pris la parole tout à l'heure, la salle était pleine et vous constaterez qu'elle est vide à présent. Nous savons donc ce qu'il faut faire pour faire fuir les gens très rapidement.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): En fait, les jeunes qui se trouvaient ici faisaient partie du Forum des jeunes Canadiens. Ils étaient venus pour mieux comprendre comment fonctionnait un comité parlementaire. Ils ne sont pas partis par ce que le sujet ne les intéressait pas, ils ont poursuivi leur...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Vous avez compris que les témoignages sont terminés et que nous allons maintenant passer aux questions. C'est M. Forseth qui aura l'honneur de commencer aujourd'hui.

M. Paul Forseth: Bonjour et bienvenue au comité.

Monsieur Carrier, j'ai été très intéressé par la comparaison que vous avez faite avec la déjudiciarisation du Code criminel dans les causes concernant des adultes et, bien entendu, dans celles qui concernent des jeunes, avec ce qu'on pourrait appeler la déjudiciarisation du tribunal de la famille qui consisterait je suppose à mettre les participants ou les parties face à leurs responsabilités et à leur demander de jouer un plus grand rôle dans la solution du problème qu'ils ont causé et d'accepter de rendre des comptes.

À Burnaby, en Colombie-Britannique, il existe actuellement une formule qui oblige les participants à suivre des séances d'information au cours desquelles on leur présente des vidéos, et éventuellement une séance d'information juridique générale fournie par un avocat invité, spécialiste de la famille, ou encore un psychologue. Au cours de ces séances, on met surtout l'accent sur les conséquences pour l'éducation et la psychologie de l'enfant, etc. L'idée, c'est de proposer un module d'information générale et d'exiger que les parents assistent à ce module et obtiennent un certificat de participation avant que leur affaire puisse être entendue au tribunal, de manière à ce que cela devienne un obstacle plutôt qu'une option. Ces séances sont données par des consultants du secteur privé sous la supervision du gouvernement provincial et grâce au financement provincial.

Dans un autre endroit, à Richmond, en Colombie-Britannique, ce genre de séance est offert également, mais simplement à titre consultatif. Très peu de personnes prennent cette option, alors qu'à Burnaby, il est impossible d'avoir accès au tribunal de la famille tant que l'on n'a pas participé à ce module d'information.

Voilà par exemple le genre de résultat que l'on pourrait obtenir... C'est tout au moins le type de déjudiciarisation dont vous avez parlé, à moins que vous n'envisagiez une formule plus complète. J'aimerais vous demander de commenter ou de compléter cette notion.

• 1650

Sur le plan législatif, comment élaborer une telle formule qui s'appliquerait à la Loi sur le divorce? Parce que, bien entendu, ces services ne sont pas offerts dans l'arrière-pays. Par conséquent, selon moi, il faudrait que ce soit obligatoire, mais avec une possibilité de dérogation là où les services ne sont pas offerts.

De nombreuses et très intéressantes innovations et expériences en cours dans les diverses régions du pays ont été présentées au comité. Les localités s'unissent pour améliorer la situation et les formules qu'elles proposent sont naturellement adaptées à leur propre situation.

J'aimerais donc savoir ce que vous pensez de cette déjudiciarisation et de cette volonté d'exiger une plus grande responsabilité de la part des parents et de les mettre dans l'obligation de rendre des comptes vis-à-vis du résultat final. Mais il faut pousser plus loin la réflexion: dans les affaires exceptionnellement conflictuelles, comment s'assurer que les ordonnances ou les ententes conclues valent plus que le papier sur lequel elles sont rédigées, lorsqu'elles font l'objet de violations flagrantes telles que l'outrage au tribunal, le refus du droit de visite, etc.?

Voilà, je vous laisse sur ces quelques réflexions.

M. Paul Carrier: Je pense qu'il est important d'offrir une forme quelconque d'éducation. Mais, comme l'a signalé je crois Mme Fidler, il faut également donner une certaine formation aux avocats et aux juges. Il ne suffit pas d'éduquer les personnes concernées, c'est-à-dire les parents.

Quant à la forme que prendra cette éducation, je n'ai aucune idée arrêtée là-dessus. Ce serait quelque chose du genre de ce que vous avez décrit... Il faudrait que ce soit obligatoire. Les parents qui s'engagent dans une procédure de garde d'enfants—j'aimerais plutôt que l'on parle d'entente parentale—devraient auparavant suivre quelques séances d'information afin de savoir exactement dans quoi ils s'engagent.

Le système juridique est un engrenage. Une fois que vous êtes pris dedans et que cela vous a coûté beaucoup d'argent et beaucoup d'émotion, c'est difficile de faire machine arrière. La plus grande partie de mon travail consiste maintenant à évoquer pour les gens qui ne progressent pas dans une médiation ce qui risque de leur arriver, à eux et à leurs enfants, s'ils persistent à n'accepter aucun compromis.

Certaines formes d'éducation seraient assez faciles à mettre en place. Nous avons suffisamment d'expérience au pays pour pouvoir proposer d'excellentes séances d'éducation. Le plus difficile serait d'atteindre les régions éloignées, mais on pourrait envisager assez facilement un moyen d'y parvenir. Il faudrait certainement encourager la formation de personnes qui proposeraient ce genre de séances.

Comment faire respecter les ordonnances? Il m'est arrivé de constater que le droit de visite était refusé après sept ordonnances. J'ai connu de nombreux cas d'aliénation parentale. En jetant le père ou la mère en prison, on ne fait qu'empirer la situation. Quant aux amendes, c'est peine perdue, il vaudrait autant essayer de faire pleurer les pierres. C'est très difficile. Une fois que la procédure est lancée, juridiquement et psychologiquement, c'est extrêmement difficile, sinon impossible de revenir en arrière.

J'ai essayé toutes sortes de possibilités dans mes recommandations aux parents, aux tribunaux et aux avocats, mais une fois que le processus est lancé il est impossible de l'arrêter. Aucune loi ne pourra rien n'y faire une fois que les enfants se sont rangés du côté de leur père ou de leur mère et que les parents ont pris leur décision.

Il faudrait en fait mettre un terme à ce type d'attitude, la rendre socialement inacceptable, comme c'est le cas par exemple pour la cigarette. Il faudrait que les gens pensent: «Quel genre de personne êtes-vous pour faire une chose pareille?»

Actuellement, l'attitude de la société est telle que lorsqu'on rencontre une femme dans un café, que l'on apprend qu'elle est séparée, qu'elle a des enfants mais qu'elle n'en a pas la garde, la conversation a tendance à s'arrêter. En général, la conversation ne va pas plus loin, parce que, socialement, ce n'est pas acceptable de parler à une femme qui n'a pas la garde de ses enfants. Dans le cas d'un homme, cela paraît plus normal et la conversation continue.

Il faut changer cette attitude de la société, éduquer les gens et modifier la loi. Ce sont des choses qui se font petit à petit et qui contribuent à modifier les attitudes de la société. C'est en fait un processus social et cela prend des années. La loi ne pourra rien n'y changer. D'après moi, la loi ne peut rien faire contre un parent qui refuse le droit de visite à son ex-conjoint. S'il refuse le droit de visite, aucune loi ne pourra l'en empêcher. L'intervention de la loi ne fait que causer d'autres problèmes.

• 1655

M. Paul Forseth: Est-ce que d'autres témoins ont des commentaires à rajouter à ce sujet?

Mme Barbara Jo Fidler: Je pense que je suis d'accord. Une fois que la situation est créée—par exemple en cas d'aliénation—toute intervention devient extrêmement difficile. C'est pourquoi la prévention et l'éducation sont très importantes: il faut tout faire pour éviter la situation avant qu'elle ne s'instaure. Il y a tellement de choses que les parents devraient savoir. Par exemple, ils devraient savoir qu'ils finiront par souffrir de l'aliénation de leurs enfants. Beaucoup de gens ne savent pas qu'en aliénant leurs propres enfants de leur ex-conjoint, ils mettent en péril leurs propres relations avec leurs enfants. Il y a beaucoup de détails que les parents ignorent. À mon avis, c'est là qu'il serait bon de placer les ressources.

Pour ce qui est des régions mal desservies, il serait possible d'offrir des séances itinérantes. Cela s'est fait avec les Premières nations. La situation est tout à fait différente, mais on peut envisager d'offrir des séances d'information dans une localité deux fois par mois, par exemple. Les gens pourraient s'inscrire et suivre la séance à ce moment-là. Ce serait plus difficile, étant donné que l'information ne serait offerte qu'à certains moments dans la localité où vivent les gens, mais je pense qu'il faut le faire. Évidemment, il faudrait prévoir des dérogations dans certains cas, mais je pense que la réalisation ne serait pas impossible. Je crois que c'est une question d'argent.

M. Paul Forseth: Est-ce que d'autres personnes ont des commentaires à faire à ce sujet? Monsieur Service ou monsieur Austin?

M. Gary Austin: Oui. En ce moment, on parle de plus en plus de l'éducation parentale en Amérique du Nord. Cette formule apparaît de plus en plus comme la solution la plus prometteuse aux conflits entre parents. Dans ma région, à London, en Ontario, nous avons depuis trois ou quatre ans un programme d'éducation parentale que j'ai contribué à mettre en place.

Je crois que l'éducation parentale est utile pour certains types de parents. Ce sont les personnes qui sont prêtes à comprendre que les enfants souffrent de la séparation, qu'il ne faut pas dénigrer l'autre parent et qu'il existe des formules qui permettent de régler les conflits entre les deux parents. Ces parents bénéficieront sans doute d'une telle formule. Pour le moment, les recherches dans ce domaine sont très sommaires. Elles sont en retard par rapport à l'application qu'on en fait actuellement en Amérique du Nord. Les recherches que j'ai pu consulter jusqu'à présent ne sont pas très impressionnantes. Cela ne signifie pas que les programmes ne fonctionnent pas, mais que les recherches ne sont pas très impressionnantes.

Pour ce qui est de rendre la formule obligatoire, j'y mettrais la réserve que les parents devraient pouvoir assister à des séances différentes, surtout dans les cas de violence familiale. Je ne pense pas que les parents retireraient grand-chose d'un programme d'éducation parentale si l'on contraint la victime à être en présence de son agresseur. Je veux bien que les séances soient obligatoires, mais avec cette réserve.

Quant au non-respect des ordonnances de droit de visite, c'est un gros problème. Certains d'entre nous qui travaillons dans le secteur de la garde et de l'évaluation des modalités de visite préconisent une meilleure analyse de tout le contexte, par exemple la possibilité pour les parents et les enfants de présenter leurs points de vue à un évaluateur qui entendrait également celui des médecins et des hôpitaux, de la police et des écoles. Autrement dit, il faudrait prendre connaissance de tous les aspects qui contribuent au non-respect du droit de visite. Ces informations contenues dans un rapport seraient présentées au juge qui dans le cadre d'une audition au tribunal peut prendre des décisions informées au sujet de la situation en question plutôt que d'écouter un seul parent qui accuse l'autre d'être un agresseur ou au contraire de le dénigrer vis-à-vis des enfants. De cette manière, le tribunal pourrait s'appuyer sur une opinion indépendante et informée.

M. Paul Forseth: Par conséquent, une fois que l'on dispose de cette opinion indépendante et informée, le juge peut être très sévère avec un parent... J'ai vu des juges sermonner sévèrement les parties, leur disant: «Que faites-vous à vos enfants?». Le juge peut convaincre le parent de prendre la bonne décision, mais encore faut-il que la promesse soit tenue. Que peut faire le tribunal? M. Carrier nous dit qu'il ne peut pratiquement rien. Cela ne sert à rien de revenir au tribunal, puisqu'on ne peut rien faire.

Vous proposez la première partie du scénario et moi je vous demande ce qu'on peut faire à partir de là. Il existe une procédure en cas d'outrage au tribunal. Certaines lois provinciales donnent la possibilité d'engager une procédure en cour criminelle. En Ontario, récemment, un parent a été condamné à la prison pour s'être rendu coupable, à plusieurs reprises, d'outrage au tribunal.

• 1700

Est-ce que vous affirmez que nous devons faire de notre mieux et admonester les parties, mais qu'en dernière analyse, nous ne pouvons pas faire grand-chose? Le message derrière tout cela, c'est que l'on peut faire n'importe quoi, impunément.

Une voix: C'est vrai.

M. Paul Carrier: La plupart des gens sont des bons parents, même s'il leur arrive d'être furieux. Quant aux autres, il n'y a rien que l'on puisse faire contre eux. S'ils haïssent mortellement leur ex-conjoint, il n'y a vraiment pas grand-chose que l'on puisse faire. Ces personnes ont en général de gros problèmes psychologiques.

M. Paul Forseth: Très bien, mais ce que je voulais dire...

M. Paul Carrier: Mais ce n'est pas le cas de la plupart des gens.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson):

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Paul Forseth: Très bien. Je vous remercie. Je vais m'arrêter là-dessus.

Permettez-moi de rappeler que le mandat du comité est de replacer tout cela dans la perspective de l'enfant. Nous ne pouvons peut-être pas régler les troubles de santé mentale du parent, mais ce qui nous préoccupe, c'est le bien-être de l'enfant.

M. Paul Carrier: Certains enfants continueront d'être des victimes, quels que soient les moyens que nous prendrons.

M. Gary Austin: J'ajouterai tout simplement que nous vivons en démocratie. Si ce n'était pas le cas, on pourrait envoyer ces parents en Sibérie. Ce serait à peu près la seule solution.

La sénatrice Anne Cools: Il faudrait d'abord que la Sibérie devienne une province du Canada.

M. Gary Austin: Eh bien, nous avons les Territoires du Nord-Ouest, mais je ne pense pas qu'on veuille les envoyer là-bas non plus.

Des voix: Ah, ah!

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin: Monsieur Carrier, vous avez évoqué une formule flexible de garde partagée et vous vous êtes prononcé légèrement en faveur de la garde partagée lorsque les enfants sont jeunes, c'est-à-dire entre un et trois ans. J'ai lu récemment le cas d'enfants âgés de deux à cinq ans qui devaient se rendre toutes les deux semaines, mettons de Québec à Montréal, pour passer une semaine ou dix jours avec un parent, puis aller retrouver l'autre parent. Je me pose beaucoup de questions à ce sujet et je me demande premièrement s'il existe des études ou des informations concernant les conséquences qu'une telle formule peut avoir? À mon avis, lorsque les enfants sont très jeunes, ils ont besoin d'un nid, d'un cocon. Il me semble que cela doit être très difficile et traumatisant pour eux, s'ils sont ballottés d'un bord et de l'autre.

M. Paul Carrier: Je comprends votre point de vue. Mes collègues ne seront peut-être pas d'accord, mais je n'en suis pas certain. Un jugement qui ordonne qu'un enfant de deux ans passe deux semaines à un endroit et deux semaines ailleurs n'est pas un jugement responsable et il faudrait certaines lignes directrices, du gouvernement ou d'ailleurs pour éviter ce genre de choses. Si les parents optent pour une telle formule après s'être consultés, même si ce n'est pas à recommander et que je ne ferais jamais une chose pareille avec mes enfants, il n'y a rien à dire, c'est la vie. C'est leurs enfants. Mais de la part d'un tribunal, c'est irresponsable.

La sénatrice Lucie Pépin: Très bien, mais est-ce que des études ont été faites sur les conséquences d'une telle formule sur les enfants?

Mme Barbara Jo Fidler: Je ne pense pas que des études aient été consacrées à ce point précis.

J'ai deux commentaires à ce sujet, histoire de me faire un peu l'avocat du diable. Pour un très jeune enfant, deux semaines ici et deux semaines là, ce n'est pas une bonne formule. Mais j'ai connu certains cas—il y a toujours des exceptions—par exemple lorsqu'il s'agit d'un enfant d'âge préscolaire, et quand on sait que l'horaire va changer lorsque l'enfant ira à l'école... La formule devient impossible à appliquer à partir du moment où l'enfant va à l'école, mais s'il s'agit d'un enfant d'âge préscolaire et qu'on veut lui donner l'occasion de passer plus de temps avec un parent, peut-être une semaine ou un mois... Dans ce cas-là c'est une question de mobilité.

La sénatrice Lucie Pépin: Très bien.

Mme Barbara Jo Fidler: Dans de tels cas, nous essayons de renforcer les liens et la relation, à condition que l'enfant puisse le supporter, si bien que lorsqu'il ira à l'école de manière régulière, il aura développé des liens avec ce parent qu'il verra peut-être seulement une fois toutes les deux semaines ou tous les mois.

L'autre question, c'est la prévention. Ce qui est important, c'est que l'enfant soit attaché à ses deux parents, ce qui permet de réduire la probabilité d'aliénation. Ce n'est pas toujours le cas. Ce n'est pas le seul facteur. Le conflit parental est un important précurseur de l'aliénation.

• 1705

Si c'est une question de mobilité, on peut décider, dans certaines situations, d'encourager l'enfant à approfondir ses relations avec ses deux parents, notamment avec celui qui vit loin de lui. Dans d'autres cas, lorsqu'il y a beaucoup de conflits et que l'on cherche à éviter l'aliénation dont on constate déjà quelques signes avant-coureurs, on peut privilégier la relation avec l'autre parent, de manière à la renforcer afin que l'enfant puisse résister à l'aliénation. Voilà deux situations très précises que l'on ne rencontre pas très souvent.

La sénatrice Lucie Pépin: C'est très bien lorsque l'enfant est assez grand pour dire ce qu'il préfère—qu'il veut vivre avec son père ou que la situation lui convient. Mais ce qui m'inquiète, ce sont les petits qui n'ont que un, deux ou trois ans.

J'ai lu un autre jugement concernant des enfants qui vont à l'école et qui doivent passer six mois avec un parent, ce qui les oblige à changer d'école. Comme se peut-il...? Certains témoins nous ont également rapporté le cas d'un père qui trouvait très fatigant de se rendre d'une ville à l'autre chaque fin de semaine et qui a demandé que les enfants se déplacent. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce genre de choses et c'est pourquoi je vous ai demandé s'il y avait des données ou des recherches sur le sujet.

M. John Service: Je ne sais pas, mais je crois que vous avez touché un point extrêmement important. Je suppose qu'il faudrait demander le point de vue d'un spécialiste du développement de l'enfant qui s'est intéressé à la question, en particulier aux cinq premières années de la vie. Je suis certain qu'il y a au Canada des gens qui pourraient vous donner d'excellents points de vue sur le sujet.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous ne connaissons pas exactement les conséquences. Dans cinq ou dix ans, on s'apercevra peut-être que ce qui nous paraît abominable aujourd'hui n'est en fait pas si terrible pour les enfants.

La sénatrice Lucie Pépin: Oui, et c'est pourquoi...

M. John Service: C'est pourquoi j'hésite à prendre ces décisions extrêmement importantes pour les très jeunes enfants sans pouvoir m'appuyer sur des recherches ou des données. Ce sont des décisions difficiles, mais il faut les prendre.

La sénatrice Lucie Pépin: Oui, je sais.

M. Gary Austin: Il n'y a peut-être pas de recherches précises sur le sujet, mais prenons le cas d'un enfant de un ou deux ans. Sa capacité à comprendre le monde dans lequel il vit, à supporter les changements dans cet environnement, son impression de la durée sont totalement différentes, puisqu'il vit dans l'instant. Un enfant de cet âge-là ne sait pas ce que représente une semaine ou deux. De fait, même à cinq ou six ans, les enfants ont du mal à comprendre cette notion.

Par conséquent, on peut examiner la capacité de l'enfant à supporter certaines modalités de droit de visite. Dans le mémoire que j'ai déposé en plus de celui que j'ai lu au comité, je propose de modifier les critères du meilleur intérêt. La plupart des critères se rapportent aux parents. À mon avis, il faudrait ajouter un critère concernant les enfants, un critère concernant la capacité d'adaptation de l'enfant aux plans parentaux proposés. Autrement dit, les enfants réagissent différemment, pas seulement à cause de leur âge, mais dans un même groupe d'âge, ils peuvent s'adapter différemment aux divers changements apportés à leur environnement et il est impossible d'appliquer le même plan à tous.

Deux enfants de cinq ans dans deux familles différentes pourront réagir de manière différente à une formule de visite une semaine sur deux. Les enfants ont besoin d'une structure familiale stable, en particulier lorsqu'ils ont du mal à se concentrer ou qu'ils éprouvent d'autres problèmes du genre. Les enfants ont besoin de stabilité et de constance.

Par conséquent, j'aimerais que la loi fédérale tienne compte de la capacité de l'enfant à tolérer les différents types de plans parentaux envisagés.

Mme Barbara Jo Fidler: Dans mon mémoire, j'ai donné certaines références et lignes directrices qui tiennent compte des besoins de développement. Par exemple, dans le cas des très jeunes enfants, des nourrissons, il faut que les visites soient fréquentes au cours de la semaine, mais que leur séjour à chaque endroit ne dure pas trop longtemps. Il est question par exemple que l'enfant reste dormir, lorsqu'il peut s'adapter à une telle situation. Tout dépend de l'attachement et de la résistance de chaque enfant. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Ce sont là des lignes directrices générales.

À partir de ces lignes directrices, il faut tenir compte des besoins particuliers de la famille ou de l'enfant, des besoins spéciaux, ou de l'animosité qui règne entre les parents. Parfois, il faut équilibrer un besoin par un autre. Par exemple, on réduira le nombre de visites dans une famille où les conflits sont nombreux, même s'il serait préférable que l'enfant voie son autre parent plusieurs fois par semaine. Mais dans le cas d'un enfant de cinq ans, on ne prendra pas le risque de plusieurs visites lorsque les conflits entre les parents sont nombreux.

Il faut tenir compte du nombre de visites, de l'endroit où elles ont lieu et de ce qui se passe à toutes ces occasions. Est-ce qu'elles doivent avoir lieu dans un endroit neutre? Il y a tellement de choses à prendre en compte lorsqu'on élabore ces plans. Je crois que, de manière générale, il faut s'assurer que le plan tient compte des besoins et de la capacité d'adaptation de l'enfant.

• 1710

La sénatrice Lucie Pépin: Madame Fidler, vous avez proposé l'éducation parentale obligatoire. D'après vous, est-ce qu'elle devrait commencer avant ou après le divorce?

Mme Barbara Jo Fidler: À vrai dire, je pense qu'elle devrait commencer à l'école secondaire.

La sénatrice Lucie Pépin: Quelqu'un nous a dit en effet que cela devrait commencer à l'école—qu'il faudrait proposer un cours.

Mme Barbara Jo Fidler: L'art d'être parent n'est pas une disposition innée. Personnellement, je trouve extrêmement difficile d'être parent. Et pourtant, c'est ce que j'enseigne. C'est extrêmement difficile dans de bonnes circonstances et, être un bon parent, c'est un art complexe.

Les gens qui veulent se marier et avoir des enfants devraient donner la preuve qu'ils en sont capables. Je sais que cela va soulever beaucoup de... Je vais peut-être passer pour quelqu'un d'extrême-droite, ce qui n'est absolument pas le cas, mais sur cette question, je suis absolument intransigeante.

Je suis frappée par l'ignorance des parents. Je ne prétends pas tout savoir, mais parfois, ils semblent étonnés par ce qu'on leur dit et cela fait une grande différence.

Par conséquent, j'estime que l'éducation parentale devrait commencer avant le divorce. Ce serait idéal. Dans certaines religions, les gens qui veulent se marier doivent rencontrer le rabbin ou le prêtre et suivre une préparation pendant une fin de semaine avant de pouvoir se marier. Cela se fait déjà dans certains contextes.

M. Gary Austin: Dans le nouveau modèle de tribunal de la famille en place actuellement dans six tribunaux de l'Ontario, la famille et les avocats rencontrent assez tôt le juge. Le moment du dépôt de la première demande, c'est-à-dire le moment où le tribunal entre en scène, serait un bon moment pour conseiller ou ordonner aux parents de suivre une éducation parentale.

La sénatrice Lucie Pépin: Je parle d'éducation parentale, mais quand les gens se remarient et qu'ils ont d'autres conjoints, est-ce que le beau-père ou la belle-mère devraient participer à ces séances?

Mme Barbara Jo Fidler: Absolument. Nous n'avons pas beaucoup parlé du remariage. Je le mentionne dans mon mémoire.

La sénatrice Lucie Pépin: Oui, je l'ai lu quelque part, c'est pourquoi je vous pose la question.

Mme Barbara Jo Fidler: Cela entraîne toutes sortes d'autres complications pour l'adaptation des enfants. C'est pourquoi je pense que les nouveaux conjoints devraient participer.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien sénatrice Pépin. Je dois donner la parole à quelqu'un d'autre.

Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup.

Je suis très intéressée également par le plan parental. On en a beaucoup parlé depuis que nous avons entamé nos travaux et nous venons tout juste de répondre à la question de savoir quand le plan devrait débuter. Si le divorce est en cours... Vous savez, parfois, il n'est absolument pas question de divorce jusqu'au jour où un des conjoints va voir son avocat et demande le divorce. Alors, à quel moment intervient le plan parental?

Je ne sais pas s'il est possible de classer les divorces par catégorie, mais je sais qu'il y a le type de divorce où les deux conjoints se séparent en très bons termes, après avoir décidé comment ils voulaient se séparer et quoi faire avec les enfants. À l'autre extrémité, il y a les divorces violents et il y a sans doute plusieurs autres cas intermédiaires. Est-ce qu'il est possible d'établir des catégories de divorce et comment vous adaptez-vous à cette situation?

Par ailleurs, madame Fidler, je sais qu'il n'y a pas qu'un seul plan parental, mais pourriez-vous donner au comité une description d'un plan parental? Je comprends bien que le plan est différent chaque fois.

Mme Barbara Jo Fidler: Oui, il existe des exemples. J'ai un modèle de plan que je pourrais faire parvenir à votre comité. Mais le mérite du plan parental, c'est qu'il doit s'adapter aux besoins de la famille.

La sénatrice Mabel DeWare: Évidemment.

Mme Barbara Jo Fidler: Par contre, il n'est pas nécessaire de réinventer la roue chaque fois et plusieurs clauses sont utiles pour beaucoup de familles, ou nous les adaptons aux besoins particuliers des familles. Une fois que l'on a tenu compte des besoins particuliers d'une famille en fait d'emploi du temps et de vacances, on peut utiliser les clauses générales.

La sénatrice Mabel DeWare: Est-ce qu'il est possible pour un juge d'accepter en quelque sorte que ce plan parental...? On ne peut pas le rendre obligatoire. Comment faire pour régir les relations humaines?

Mme Barbara Jo Fidler: C'est très difficile.

La sénatrice Mabel DeWare: C'est très dur. Mais, dans le cas où l'application d'un plan parental serait bénéfique, est-ce que le juge pourrait exiger que les parents s'entendent sur un plan avant que leur demande de divorce soit entendue?

• 1715

Mme Barbara Jo Fidler: Il serait peut-être possible d'appliquer certaines lignes directrices concernant les catégories de plans parentaux. Par contre, j'hésiterais à appliquer un plan standard à tout le monde.

La sénatrice Mabel DeWare: Bien sûr.

Mme Barbara Jo Fidler: On pourrait peut-être établir une liste de critères, en s'inspirant des critères qui s'appliquent pour déterminer le meilleur intérêt de l'enfant et qui permettent de vérifier certaines choses. Dans l'annexe de mon mémoire, que vous n'avez pas encore parce qu'elle n'a pas encore été traduite, je donne une longue liste des éléments dont les plans parentaux doivent tenir compte. Cette annexe vous serait peut-être utile.

La sénatrice Mabel DeWare: J'ai bien hâte de la lire.

Mme Barbara Jo Fidler: Mais je pense que les plans parentaux doivent faire partie du procès-verbal de transaction et de tous les autres documents que les avocats produisent lorsque des gens divorcent, se séparent ou reçoivent des ordonnances du tribunal. Le plan est alors annexé au procès-verbal de transaction afin d'être utilisé aux fins pertinentes.

La sénatrice Anne Cools: Je voudrais simplement...

Excusez-moi sénatrice.

La sénatrice Mabel DeWare: Je comprends ce qu'elle veut dire.

La sénatrice Anne Cools: Je voudrais tout simplement dire que ce n'est pas possible. La Loi sur le divorce ne peut pas légiférer une telle chose... constitutionnellement, c'est impossible.

La sénatrice Mabel DeWare: Oh, non, ce n'est pas ce que je voulais dire.

Monsieur Austin, je voudrais vous demander tout simplement si une ordonnance du tribunal peut refuser le droit de visite à un parent maltraitant et exiger en plus—je crois que rien n'est impossible pour une ordonnance—que le parent suive un traitement avant de pouvoir recouvrer son droit de visite?

M. Gary Austin: J'imagine que c'est possible. Je ne suis pas un juge, mais je sais que certains pays—la Nouvelle-Zélande ou l'Australie—font état de ce genre de choses de manière explicite. Un juge peut ordonner un traitement avant d'accorder un droit de visite ou pour passer du droit de visite avec surveillance au droit de visite sans surveillance.

La sénatrice Mabel DeWare: Je pense que personne ne peut s'opposer à ce que le droit de visite soit retiré en cas de violence familiale contre l'épouse ou les enfants.

M. Gary Austin: Là encore, il y a d'autres facteurs à prendre en compte. L'enfant ou les enfants peuvent être très attachés au prétendu agresseur. C'est pourquoi il faut parfois envisager un programme de visite en présence d'un tiers chargé de veiller à ce que les enfants ne soient pas agressés physiquement, psychologiquement ni verbalement et que leur mère ne soit pas dénigrée verbalement face aux enfants, de manière à maintenir un certain contact pour que les enfants ne se sentent pas coupés, rejetés et abandonnés par leur autre parent. C'est seulement dans les cas extrêmes que j'envisagerais une interdiction totale des visites.

La sénatrice Mabel DeWare: Certains jeunes sont venus témoigner devant le comité, pour nous dire qu'ils souhaitaient préserver leur droit de visite, le plus souvent pour pouvoir continuer à voir une soeur ou une demi-soeur. C'était intéressant de les voir venir ici défendre le droit de visite ou essayer de le modifier, parce qu'ils connaissaient probablement mieux la situation que leur père ou leur mère, parce qu'ils voulaient protéger leur lien avec leur soeur ou demi-soeur. Ces témoignages nous ont paru très réconfortants.

M. Gary Austin: Est-ce que je peux poser une question? Est-ce qu'ils voulaient que le droit de visite soit augmenté ou diminué?

La sénatrice Mabel DeWare: Les deux.

C'est tout ce que je voulais savoir pour le moment.

M. Paul Carrier: Les liens qui unissent les frères et soeurs sont généralement les liens les plus forts.

La sénatrice Mabel DeWare: Ce témoignage était tout simplement incroyable.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci sénatrice DeWare.

J'aimerais tout simplement préciser, à titre d'information, que nous entendrons probablement—puisque vous avez posé une question qui me paraît être de nature juridique—un groupe de juges, dans un mois et demi environ. Voilà une bonne question à leur poser: Quelles sont les limites de leur pouvoir?

Sénatrice Cools, avez-vous des questions?

La sénatrice Anne Cools: Oui, une ou deux.

Avant de passer à ma question principale, j'aimerais remercier les témoins que nous entendons aujourd'hui. Certains viennent d'assez loin.

Avant de passer à ma question principale qui porte sur la violence, j'aimerais revenir un moment en arrière et vous demander si l'on pourrait appliquer les mêmes principes concernant les droits de visite, que la violence soit dirigée contre l'autre parent ou contre les enfants.

Est-ce que les gens qui sont en faveur de la suspension du droit de visite seraient prêts à ce que les services de protection de l'enfance du pays appliquent le même principe? Je connais assez bien la protection de l'enfance et je peux dire que le contact entre un parent et son enfant n'est pas coupé tout simplement parce qu'il y a eu un ou deux incidents de maltraitance. D'ailleurs, les gens du milieu de la protection de l'enfance savent qu'il est extrêmement difficile d'enlever un enfant à un parent. J'en ai fait l'expérience. J'ai retiré moi-même des enfants de leur famille parce que j'avais peur qu'ils soient tués et, trois semaines plus tard, ils étaient de retour chez eux.

• 1720

Je pourrais citer aisément plusieurs cas de ce genre. En 1977, il y a eu le cas célèbre de la petite Vicky Ellis. Trois enfants avaient déjà perdu la vie dans cette famille et un des derniers a été retiré à la naissance, puis redonné à sa mère. Trois semaines plus tard, la pauvre enfant était morte. Cela s'est produit parce que les services de protection de l'enfance étaient convaincus, et le sont toujours, que quels que soient les défauts de certains parents—et beaucoup sont loin d'être parfaits, sans compter ceux qui sont carrément meurtriers—il faut respecter le lien entre le parent et l'enfant qui est parfois très profond.

C'est une longue question et je pourrais vous donner de nombreux exemples. Je pourrais vous parler longtemps de cas semblables. Je les ai étudiés et j'ai connu des travailleurs sociaux qui ont été totalement anéantis par des cas comme celui de Vicky Ellis. Le travailleur social qui a recommandé que cette petite soit rendue à sa mère n'a jamais réussi à s'en remettre.

Par conséquent, ma question est la suivante. Je sais que la Loi sur le divorce est un texte de loi complet, mais les lois sur la protection de l'enfance et les règlements des différentes provinces en la matière c'est toute une autre affaire. Je me demande si les lois sur la protection de l'enfance et les services provinciaux à l'enfance devraient adopter les mêmes principes.

Ma question ne s'adresse à personne en particulier.

M. Paul Carrier: C'est une excellente question. J'ai travaillé dans les milieux de la protection de l'enfance et j'ai participé à de nombreuses ententes de protection de l'enfance.

La sénatrice Anne Cools: Je le savais.

M. Paul Carrier: Je ne pense pas que ce soit aussi exigeant que ce qui est proposé actuellement—bien que ce ne soit pas une véritable proposition—mais il est vrai que le droit de visite des enfants est plus facile. Ce que je veux dire, c'est que je ne souhaite pas que la Loi sur le divorce soit plus exigeante que les lois sur la protection de l'enfance.

La sénatrice Anne Cools: Exactement.

M. Paul Carrier: Il faut être très prudent.

La sénatrice Anne Cools: C'est ce qu'ont proposé de nombreux témoins, à plusieurs reprises.

M. Paul Carrier: Supprimer le droit de visite, c'est...

La sénatrice Anne Cools: Je constate avec plaisir que votre point de vue est extrêmement délicat et sensible, mais que vous comprenez également l'énormité des questions et la difficulté qui en découle.

M. Paul Carrier: Dans le secteur de la protection de l'enfance, je sais qu'en retirant les enfants à leurs parents, on crée un autre type de problèmes. On en règle peut-être un, mais on en crée un autre. C'est pourquoi les tribunaux chargés de la protection de l'enfance insistent pour les enfants demeurent avec leurs parents.

La sénatrice Anne Cools: C'est exact.

M. Paul Carrier: Oui. Il ne faudrait pas l'oublier.

La sénatrice Anne Cools: On fait souvent la grande erreur de croire qu'il est possible de trouver un meilleur parent à ces enfants. Et pourtant, beaucoup d'enfants qui ont été retirés à leurs parents biologiques pour être placés dans un foyer d'accueil ont connu des problèmes horribles. Les problèmes sont énormes.

Je vous remercie pour votre travail.

Madame Fidler, vous vouliez dire quelque chose?

Mme Barbara Jo Fidler: Il ne faut pas comparer des pommes avec des oranges. C'est une chose de placer un enfant en foyer nourricier plutôt que de le laisser chez lui. C'en est une autre d'empêcher un parent violent de le voir. L'enfant a encore son autre parent. C'est différent. La vie en foyer nourricier entraîne toute une série d'autres problèmes.

Il est important, dès lors, d'examiner la question des centres de visites supervisées, dont le financement a diminué considérablement, comme ailleurs. Nous voulons protéger les enfants. Nous ne voulons pas les priver de voir leur parent, dans bien des cas. Il y a une minorité de situations où c'est nécessaire, une très faible minorité, mais autrement, nous devons en revenir aux visites supervisées. Je pense qu'il y en avait davantage avant et qu'il y a eu des compressions. C'est peut-être une des solutions à retenir.

La sénatrice Anne Cools: Absolument.

M. Paul Carrier: Mais les visites supervisées laissent entendre très clairement aux enfants que leur parent est dangereux. Il faut être très prudent. Qu'est-ce que la violence? Quel est le niveau de violence? Ce n'est pas facile à dire.

La sénatrice Anne Cools: En effet.

• 1725

M. Paul Carrier: C'est une zone grise. Il y a bien sûr des cas patents, mais il y en a d'autres qui ne sont pas aussi évidents; beaucoup de ceux qui, comme moi, s'occupent de conflits entourant la garde des enfants et les droits de visite savent qu'il y a parfois de la violence physique, des agressions sexuelles et des cas de négligence. Ce sont des bombes à neutrons, qui justifient le retrait du droit de visite.

Il faut faire attention. La formule des visites supervisées semble anodine, mais elle ne l'est pas.

La sénatrice Anne Cools: Non, elle ne l'est pas.

M. Paul Carrier: Cela transmet un message clair aux enfants. C'est une formule qu'il ne faut pas appliquer à la légère. Je tenais à le souligner.

La sénatrice Anne Cools: Je comprends.

Maintenant, si vous me permettez de passer à ma principale question, je voudrais vous parler d'une importante étude effectuée il y a quelques années; je pense que M. Austin y a déjà fait allusion. Permettez-moi de rafraîchir un peu la mémoire de mes collègues. Le rapport s'intitulait Un nouvel horizon: éliminer la violence, atteindre l'égalité. Je pense que M. Austin y a répondu, et il me semble qu'il nous a dit tout à l'heure que M. Jaffe avait fait partie du groupe qui en est l'auteur. Le rapport, qui résulte de plusieurs années de travail, est encore disponible. Ce que je veux vous dire, chers collègues, c'est qu'il a coûté 10 millions de dollars à produire. Ça fait beaucoup de séances de comité! Nous sommes ici avec notre petit budget de 500 000 $, alors que ce rapport a coûté 10 millions.

Mais ce que je veux surtout vous faire remarquer, ce que j'ai constaté avec beaucoup d'intérêt, c'est que la violence conjugale a maintenant de nouvelles bases, sinon de nouvelles racines, grâce aux audiences de notre comité. La question a trouvé un nouveau souffle, ou peut-être qu'elle a repris son souffle pour un nouveau départ. Si je me rappelle bien, à l'époque où cette étude a été réalisée, les gens voulaient enterrer l'expression «violence familiale» pour inclure cette réalité dans la notion de «violence contre les femmes». Je me souviens d'échanges assez vigoureux à l'intérieur de mon propre groupe parlementaire à ce sujet-là.

J'ai longuement étudié la question de la violence familiale. Il s'agit à mon avis d'une question distincte, qui présente des problèmes particuliers, parce qu'elle s'inscrit dans le cadre de relations affectives intimes. Ce n'est pas du tout la même chose que ce que j'appellerais la violence ordinaire. Mais ce rapport regorge d'affirmations comme: «Le terme "violence familiale" est un euphémisme pour désigner la violence contre les femmes et les enfants, dans un effort pour protéger les hommes. La violence des hommes est un problème social. Les hommes ne changent pas parce qu'ils n'y sont pas obligés.»

J'ai étudié ce rapport, avec les recommandations qui s'y trouvent, il y a déjà quelques années. Tout à l'heure, je suis allée consulter les déclarations que la ministre avait faites quand elle a reçu le rapport et qu'elle a lancé le débat public qui a suivi. J'ai épluché toutes ces déclarations, et je n'y ai vu nulle part de mention de la Loi sur le divorce, ni de termes comme «garde» ou «droit de visite». C'est tout à fait fascinant, à mon avis.

C'était Mary Collins qui était ministre à l'époque—aussi bien préciser pour le compte rendu que c'était le 29 juillet 1993. C'était donc Mary Collins qui était ministre, dans le gouvernement Mulroney. Je m'en souviens. Voici ce que disait le communiqué de presse:

    La ministre responsable de la situation de la femme, Mary Collins, a rendu publics aujourd'hui le rapport final et le plan d'action national du Comité canadien sur la violence faite aux femmes.

Le communiqué disait aussi:

    Ce rapport est le premier au monde à résulter d'un examen approfondi de la question de la violence faite aux femmes.

Et encore:

    Dans un rapport intense et très complet, le Comité présente près de 500 recommandations dont la mise en oeuvre entraînerait pour notre société des changements profonds, qui nous toucheraient tous.

Voilà ce que disait la ministre Collins.

Ce que je trouve fascinant, c'est que ce rapport contient des recommandations concernant la modification de la Loi sur les Indiens, la création d'une loi sur la situation de la femme et une foule d'autres initiatives, mais pas une seule au sujet de la modification de la Loi sur le divorce; c'est très intéressant. Cela dit, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour le revoir aujourd'hui; comme je l'ai déjà souligné, je ne l'avais pas regardé depuis un certain temps et je n'étais pas d'accord de toute façon avec ses auteurs au sujet d'une bonne partie de son contenu. Il ramasse la poussière dans ma bibliothèque, comme dans la plupart des autres.

• 1730

Ce que j'ai trouvé fascinant en le parcourant rapidement aujourd'hui, c'est qu'il n'y est question nulle part de la Loi sur le divorce, ni des questions de garde et de visite. Pourtant, quand on écoute les discussions qui se déroulent ici lorsque certains témoins viennent nous voir, on a facilement l'impression que la grande question, c'est la violence familiale.

Y a-t-il des témoins qui voudraient répondre à cette question? Mais avant de leur donner la parole, monsieur le président, nous pourrions peut-être demander à nos attachés de recherche de passer ce document en revue et de nous dire exactement ce que ce comité, qui a coûté très cher... Je suis libérale, et nous avions émis certaines réserves—vous vous rappelez sûrement avoir vu la sénatrice DeWare assise là—à l'époque. Même notre critique libéral, à ma grande surprise, avait soulevé une ou deux objections.

Nous pourrions donc essayer de trouver exactement quelles opinions avaient cours à ce moment-là au sujet des questions examinées dans ce document, qui était censément l'étude la plus complète jamais réalisée sur la violence contre les femmes et les enfants.

Y a-t-il des témoins qui aimeraient répondre? Qu'est-ce qui s'est passé récemment pour que la question de la violence familiale connaisse une sorte de renaissance? Et qu'est-ce qui s'est passé sur le plan social dans notre pays pour qu'il y ait tout à coup d'énormes pressions dans le sens de l'inclusion de certaines dispositions—que je juge dignes du Code criminel—dans la Loi canadienne sur le divorce, qui est du ressort fédéral? Les lois sur la protection de la jeunesse ne sont pas du ressort fédéral.

Ma question est une question philosophique à bien des égards.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Qui veut commencer?

M. Gary Austin: Vous soulevez là une question très intéressante, assurément, sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Bravo!

M. Gary Austin: Je n'ai pas participé à cette étude, ni de près ni de loin; je ne peux donc pas vous dire pourquoi le comité n'a pas parlé de la nécessité de modifier la Loi sur le divorce.

Mais nous avons certainement l'occasion aujourd'hui de nous pencher sur cette question. Cela ne fait aucun doute.

La sénatrice Anne Cools: En effet.

M. Gary Austin: Et l'information contenue dans ce rapport pourrait être très pertinente. Il est également important de nous rappeler que nous ne sommes pas du même côté de la clôture que vous. Il y a d'un côté les législateurs, et de l'autre, la population, et il faut parfois attendre que les législateurs commencent à bouger avant de pouvoir porter à leur attention des questions que nous jugeons cruciales.

Par exemple, en Ontario, l'ancien gouvernement libéral avait proposé des changements à la Loi portant réforme du droit de l'enfance, ou en tout cas à la loi provinciale sur les droits de garde et de visite...

La sénatrice Anne Cools: Oui, la Loi portant réforme du droit de l'enfance.

M. Gary Austin: ... et avait prévu des critères pour protéger les enfants, notamment la présence de violence sous toutes ses formes dans leur foyer. Évidemment, le projet de loi présentait beaucoup d'autres problèmes à part celui-là, et il est mort en même temps que le gouvernement. C'est malheureux.

Mais, à ce moment-là, un certain nombre d'entre nous ont commencé à examiner cette question. Nous en avons discuté pendant la conférence sur les tribunaux de la famille. J'ai moi-même organisé un atelier à ce sujet-là. Donc, en un sens, quand les gouvernements commencent à examiner les améliorations à apporter à leurs lois, il arrive que les gens se décident à fournir les renseignements qu'ils gardaient dans leur besace depuis vingt ans.

La sénatrice Anne Cools: En effet.

M. Gary Austin: Donc, à certains égards, les législateurs provoquent...

La sénatrice Anne Cools: Je vois. Nous provoquons, n'est-ce pas?

M. Gary Austin: ... les occasions de...

La sénatrice Anne Cools: J'allais le dire. C'est une question d'occasion.

M. Gary Austin: Absolument. Nous avons aujourd'hui l'occasion de dire qu'il faut réfléchir à un certain nombre de facteurs importants dans la vie des familles. Il ne s'agit certainement pas uniquement de la violence. Il y a aussi beaucoup d'autres problèmes.

La sénatrice Anne Cools: Je vous remercie de votre réponse, mais il n'a pas été question une seule fois du «meilleur intérêt des enfants».

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Ça va, sénatrice.

M. Gary Austin: J'en suis aussi étonné que vous.

La sénatrice Anne Cools: Je ne le suis pas.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut répondre? Non? D'accord. La sénatrice Pearson a...

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin? Je voudrais poser une question très courte.

La sénatrice Lucie Pépin: La mienne est longue.

Des voix: Ah, ah!

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): J'ai une question très courte pour Mme Fidler. La question du plan parental m'intéresse beaucoup. Nous allons examiner la situation dans certains endroits où ça existe et voir comment les choses fonctionnent. J'aimerais savoir dans quelle mesure les enfants peuvent participer à l'élaboration de ce plan parental. D'ailleurs, est-ce qu'ils devraient le faire?

Mme Barbara Jo Fidler: En ce qui concerne les préférences des enfants, c'est compliqué parce qu'il faut déterminer s'ils doivent les exprimer, et quand, et qu'il faut aussi interpréter ce qu'ils ont voulu dire. C'est complexe.

• 1735

Oui, quand il s'agit de protéger l'intérêt des enfants, je pense que les préférences sont un critère. Il faut écouter les enfants. Tout dépend évidemment de leur âge et de leur stade de développement, et de la situation générale de la famille. Si les enfants ne parlent pas encore, ils ne peuvent évidemment pas participer à l'exercice, mais quand ils sont plus vieux et qu'ils sont capables de s'exprimer, je pense qu'il faut les écouter.

Ils ont besoin de savoir qu'on va les écouter. Mais ils doivent savoir aussi que ce n'est pas eux qui vont prendre les décisions, surtout les plus jeunes. Leurs sentiments et leurs idées vont être pris en considération, mais ce sont leurs parents qui vont décider, pas eux. Ce sont les parents qui vont déterminer comment les choses vont se passer. Et s'ils en sont incapables, c'est le juge qui va trancher. C'est ce que je dis souvent aux enfants un peu plus vieux.

Donc, oui, les préférences et les sentiments des enfants, leurs opinions et leurs idées...

Quand je travaille avec des parents selon une formule de coopération—en médiation par exemple, ou même pour mes évaluations—, ils proposent parfois des choses. Je dis alors, par exemple, que tout le monde croit que c'est une bonne idée à essayer. Les parents veulent savoir ce que les enfants pensent de leurs suggestions, et ce qu'ils veulent faire exactement. Il faut parfois encourager les enfants à dire à leurs parents ce qu'ils veulent vraiment.

Un professionnel qualifié peut les y aider, et aider également leurs parents à les écouter. Les enfants ont parfois peur d'exprimer leurs véritables préférences parce qu'ils ne veulent pas trahir un de leurs parents. Si on peut les encourager à dire ce qu'ils veulent, et encourager les parents à écouter... Il arrive que les parents changent d'idée après avoir entendu leurs enfants.

Donc, cela fait partie du travail qu'il faut faire auprès des familles; je pense qu'il y a de la place pour ce genre de chose.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Une fois le plan parental établi, encouragez-vous les parents à en faire part à leurs enfants?

Mme Barbara Jo Fidler: Oui, ils doivent expliquer aux enfants les arrangements qui ont été pris. Les enfants veulent vraiment le savoir, surtout les plus jeunes. Ils pensent en termes très concrets. Et ils veulent voir le plan. Qu'est-ce que ça veut dire? Combien vont-ils faire de dodos chez maman, et combien chez papa?

Il y a toutes sortes de façons d'aider les enfants à comprendre le plan et à l'accepter. Il est important qu'ils sachent ce qui se passe, et il faut leur dire en quoi consiste le plan.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): De façon générale, est-ce que les plans parentaux s'appliquent jusqu'à l'âge de 18 ans?

Mme Barbara Jo Fidler: Pas tout à fait, la plupart du temps, en ce qui concerne le partage du temps entre les domiciles des deux parents; les enfants de 13, 14 ou 15 ans—mais tout dépend évidemment des familles—font plus ou moins ce qu'ils veulent.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Mais je pense que, dans bien des cas, quand des enfants sont séparés d'un de leurs parents par la moitié d'un continent... J'appartiens à une famille de diplomates; je savais donc, et mes enfants aussi, que nous déménagerions tous les trois ans. Mais si un enfant de 12 ans apprend tout à coup qu'il pourrait retourner vivre avec maman ou avec papa, sans préavis, il ne sera pas nécessairement d'accord. Tandis que, s'il savait que c'était une possibilité, il y aurait plus de chances qu'il le soit.

Mme Barbara Jo Fidler: C'est possible, si l'enfant était conscient que c'était prévu, et si c'était établi depuis longtemps. Mais, tôt ou tard, les parents doivent écouter leurs enfants.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Oh! Bien sûr!

Merci.

M. John Service: J'aimerais faire un commentaire à ce sujet-là moi aussi. Un des problèmes que je rencontre parfois dans ma pratique, c'est qu'une fois que le plan parental a été établi, que les enfants l'ont essayé et que tout le monde cherche vraiment à savoir ce qu'ils veulent et ce dont ils ont besoin, il peut arriver que la situation change six mois plus tard. Donc, il faut pouvoir réviser le plan en fonction des circonstances, dans le meilleur intérêt des enfants.

C'est parfois assez difficile. Il faut être souple et savoir négocier. Il faut évaluer régulièrement la situation des enfants de façon neutre, sûre et compréhensive, ce qui exige parfois des interventions périodiques de l'extérieur.

M. Paul Carrier: Pour la plupart des gens, le plan initial est une solution temporaire, qui évolue avec le temps. Les gens font ensuite leurs propres plans. La vie continue.

La sénatrice Anne Cools: En effet.

Mme Barbara Jo Fidler: Les parents peuvent établir des principes de base sur lesquels ils se guident ensuite pour s'adapter aux petits changements qui surviennent, par exemple en raison du développement de l'enfant. Le partage du temps peut changer entre le moment où l'enfant avait quatre ans et celui où il en a huit, mais il peut y avoir des principes directeurs, par exemple la nécessité de passer beaucoup de temps avec les deux parents, ou quelque chose du genre. Ces principes peuvent ensuite aider les parents à apporter les changements qui s'imposent.

M. Gary Austin: Brièvement, la règle générale, c'est que plus la situation est conflictuelle dans la famille, plus le plan doit être précis; tout doit être prévu à la minute près pour que les parents n'aient pas à en discuter entre eux.

M. John Service: Un bon plan apprend aux gens à bien se comporter. Comme on dit, ça coule de source. Ce n'est pas le plan qui compte, bien souvent, mais ce qu'il montre aux parents.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Est-ce que quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose avant que nous poursuivions? Sénatrice Pépin.

• 1740

La sénatrice Lucie Pépin: Vous dites que, quand il y a de la violence, la médiation et la coopération entre les parents risquent de ne jamais être possibles. Il semble donc que les risques de répercussions négatives pour les enfants qui vivent ce genre de situation soient extrêmement élevés. Est-ce que l'issue est toujours négative pour ces enfants-là?

M. Paul Carrier: Je ne pense pas. Il n'y a pas deux cas pareils. Les gens vivent toutes sortes de situations familiales et y réagissent différemment.

Mais c'est une circonstance aggravante, tout comme les longues batailles sur les questions de garde et de visite. Les enfants sont plus à risque parce que leur image d'eux-mêmes est beaucoup moins bonne, ce qui fait qu'ils ont tendance à fréquenter des amis avec qui ils risquent de se mettre encore plus dans le pétrin. Mais est- ce qu'il est certain que ça va se produire? Non.

M. Gary Austin: Votre question porte sur les familles qui vivent une situation très conflictuelle, et sur l'opportunité de la médiation et de la garde partagée.

La sénatrice Lucie Pépin: Oui.

M. Gary Austin: À propos de la médiation, l'Association ontarienne de médiation familiale, comme beaucoup d'organisations semblables aux États-Unis, a déclaré qu'elle n'était pas appropriée dans les cas de violence familiale parce que le médiateur ne réussit presque jamais à rééquilibrer les forces dans les familles comme celles-là.

Dans certains cas où il y a déjà eu de la violence conjugale dans le passé, où la femme est maintenant plus forte après avoir eu du counselling, où l'homme a suivi une thérapie, ou encore où il y a une ordonnance de protection en vigueur, ou quelque chose du genre, dans ces cas-là, donc, il peut être possible d'avoir recours à la médiation et d'aider les parents à établir un plan dans le meilleur intérêt des enfants.

En ce qui concerne la garde partagée, il est tout à fait ridicule de parler de «garder partagée obligatoire». Il y a contradiction dans les termes. Si les parents sont capables de se rencontrer et de prendre des décisions au sujet de leurs enfants, ils n'ont pas besoin que les législateurs leur en donnent la permission. Mais lorsqu'ils ont de la difficulté à s'entendre, ou qu'ils en sont carrément incapables, la garde partagée signifie seulement qu'ils vont être appelés souvent à établir des plans et à prendre des décisions ensemble; or, les études effectuées à ce sujet-là ont démontré clairement que plus les parents vivant un conflit sérieux ont de contacts entre eux, plus grands sont les risques de conséquences négatives pour les enfants. Le simple fait d'être témoin d'un conflit sérieux a déjà des conséquences négatives. J'espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Lucie Pépin: Dans notre réflexion sur la violence au sein de la famille, comment pourrions-nous faire en sorte que le système juridique offre les services de soutien et les autres mécanismes essentiels pour protéger pleinement les femmes battues et leurs enfants? Je pense par exemple à la sensibilisation des juges.

M. Gary Austin: C'est une question très vaste.

Cela nous ramène au problème de l'aide juridique. À l'heure actuelle, du moins en Ontario, le programme d'aide juridique prévoit un accès très limité aux fonds nécessaires pour faire appel à un avocat, que ce soit pour les mères ou les pères. Les parents ne savent donc pas très bien quels sont leurs droits. C'est par là qu'il faut commencer. Qu'il y ait une médiation ou une évaluation, il est important que les parents rencontrent un avocat qui les informe de leurs droits pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées. C'est de plus en plus difficile à l'heure actuelle, puisque les gens doivent faire valoir leur point de vue eux-mêmes ou se contenter de quelques consultations juridiques très courtes.

Lorsque les conflits familiaux sont sérieux, les juges peuvent ordonner une évaluation par des professionnels comme nous, ce qui aide la cour à comprendre la situation de la famille et le genre de plan qui serait préférable pour les enfants. À une ou deux exceptions près, je pense qu'il n'y a aucun endroit où ces évaluations sont gratuites. Le programme d'aide juridique les finance encore dans quelques rares cas en Ontario, mais il est de plus en plus difficile d'y avoir accès. Donc, les compressions influent beaucoup sur la connaissance que les gens ont de leurs droits et sur la possibilité de demander l'avis de spécialistes pour aider les tribunaux à prendre des décisions en toute connaissance de cause.

Il est certain—et M. Jaffe a fait des travaux là- dessus—qu'il n'est pas facile de sensibiliser les juges aux problèmes entourant la violence familiale. Il y a un certain nombre de juges qui sont conscients du problème de nos jours, et il y en a d'autres, plus traditionalistes, qui trouvent ces concepts difficiles à assimiler.

Il est essentiel de mettre en place des installations supervisées pour les transferts et les visites. Ces mesures aident aussi à protéger les enfants et les victimes.

Je suis d'accord avec ceux qui disent que les visites supervisées ne permettent pas aux parents et aux enfants de se rencontrer vraiment. Ce n'est pas comme passer du temps librement avec ses enfants. J'ai visité quelques centres de visites supervisées et, bien franchement, les gens n'y sont vraiment pas très à l'aise.

La sénatrice Lucie Pépin: Pourquoi?

• 1745

M. Gary Austin: Eh bien, ils peuvent se retrouver là avec une dizaine d'autres familles, dans un gymnase plein de jouets en peluche, sous la supervision de quelqu'un. C'est pénible parce que, quand un de ses parents vient le conduire, l'enfant a l'air inquiet, malgré tous les animaux en peluche qui l'entourent, et il doit attendre en compagnie du superviseur; puis, 15 minutes plus tard, le parent qui vient lui rendre visite arrive et peut jouer avec lui pendant une heure ou deux. Cela peut se produire une ou deux fois par deux semaines.

Il faut établir un équilibre. D'une certaine façon, ces visites aident à maintenir les liens affectifs avec le parent qui a le droit de visite. Elles aident aussi à assurer la sécurité des enfants. C'est très difficile. C'est mieux que rien, je suppose, et on peut espérer que c'est une solution temporaire, en ce sens que, grâce au counselling ou à d'autres formes de planification, il peut être possible de passer à autre chose dans certains cas. Ce n'est d'ailleurs jamais une solution à long terme, sauf dans des cas bien précis. Par exemple, dans un cas dont j'ai eu à m'occuper, le père était tombé d'un toit et avait subi des lésions cérébrales; comme il ne pouvait absolument pas s'occuper seul de son enfant, c'était pour lui la seule façon de le voir, et ils jouaient tous les deux avec les jouets.

La sénatrice Lucie Pépin: Monsieur Service, avez-vous des commentaires à faire?

M. John Service: Non, ça va.

La sénatrice Lucie Pépin: Je voudrais ajouter quelque chose à l'intention de M. Paul Carrier.

Vous avez dit que le divorce était un échec; mais est-ce qu'il peut être positif dans certains cas, lorsqu'il y a de la violence? Supposons qu'il y ait de la violence dans une famille, que les parents se séparent et qu'ils participent à un programme d'éducation parentale; il pourrait peut-être en ressortir quelque chose de positif.

M. Paul Carrier: En effet, s'ils réussissent à sortir d'une situation de violence. Je voulais parler de l'échec du mariage en général.

La sénatrice Lucie Pépin: Oui, quand les parents se disputent.

M. Paul Carrier: Ce n'est pas pour ça qu'ils se sont mariés, vous savez.

La sénatrice Lucie Pépin: En effet.

M. Paul Carrier: Il y a donc une perte.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: D'accord. Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous ai induits en erreur parce que la dernière question—et elle sera brève—sera posée par la sénatrice Cools.

La sénatrice Lucie Pépin: La mienne était brève.

La sénatrice Anne Cools: D'accord. Elle peut y aller.

Vous voulez poser une question, sénatrice Pépin?

La sénatrice Lucie Pépin: Non, non.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, allez-y s'il vous plaît, sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai quelques questions à vous poser, parce que nos quatre témoins d'aujourd'hui font partie de la catégorie des professionnels de la santé mentale. Comme vous le savez, il y a de plus en plus de documentation, et de plus en plus de préoccupations, au sujet de l'industrie de la santé mentale. Quand on parle de counselling et d'évaluations à l'intention des tribunaux, tout ça coûte extrêmement cher.

Nous ne vivons plus à l'époque où les couples qui avaient quelques problèmes allaient voir leur pasteur ou leur curé pour qu'il les aide à arranger les choses. Chaque fois qu'un professionnel de la santé mentale doit faire une évaluation, ça coûte 5 000 $, ou 2 500 $; c'est énorme.

J'ai fait des recherches à ce sujet-là et ce que j'ai trouvé est très intéressant; après l'évaluation, les gens se retrouvent devant les tribunaux. Nous n'en sommes plus au temps où les juges voyaient les deux parents ensemble et évaluaient la situation, où ils rencontraient les enfants et parlaient au couple. De nos jours, quand les parents se présentent en cour, ils ne doivent pas seulement payer leur avocat; ils doivent aussi payer des professionnels de la santé mentale.

Vous savez tous fort bien que bon nombre de ces professionnels de la santé mentale font très peu de travail de thérapie, mais qu'ils passent beaucoup de temps à témoigner comme experts dans les causes de ce genre, pour des sommes rondelettes. C'est une véritable industrie. Quand on lit les arrêts des tribunaux, dans les recueils de jurisprudence, on découvre que ce qui compte, ce qui est en cause, ce n'est pas la capacité de l'un ou l'autre des parents d'être un bon parent, mais plutôt la crédibilité des professionnels en présence.

Je ne me donnerai pas la peine de vous le lire pour le compte rendu, mais permettez-moi de vous mentionner un arrêt de la Cour de justice de l'Ontario, au sujet de l'affaire K.M.W. c. D.D.W.; ce sont des initiales, ce qui signifie évidemment qu'il y avait des enfants mineurs en cause. Il s'agit d'un arrêt de Son Honneur le juge Webster, de la Cour de justice de l'Ontario.

Ce qui a été particulièrement difficile pour les avocats dans cette affaire, et pour le juge lui-même, c'est qu'ils ont dû laisser de côté les évaluations et les témoignages du professionnel de la santé mentale qui avait été assigné. Je n'ai pas à citer son nom parce qu'il aurait probablement pas mal de problèmes; ce n'est pas le genre de chose qu'on aime à voir dans son dossier professionnel.

• 1750

Ce que je veux dire, c'est que c'était sa crédibilité, en tant que témoin expert, qui était en cause. C'est là-dessus que les juges doivent se prononcer, ce qui n'est vraiment pas dans le meilleur intérêt des enfants.

Je sais que c'est une question très vaste. Quelques-uns des psychologues qui sont venus témoigner devant nous semblaient un peu timides, un peu hésitants à nous parler. J'aimerais savoir s'il y en a parmi vous qui ont des idées sur la progression des professionnels de la santé mentale vers ce que j'appellerais un mercantilisme fondé sur les revendications des parties en présence, plutôt que sur des buts thérapeutiques. Il y a des gens, dans bien des professions, qui sont très inquiets de cette situation.

J'aimerais bien que le comité invite un psychiatre comme le Dr Harold Merskey à comparaître. Il est très préoccupé par la nouvelle orientation des professions liées à la santé mentale, à savoir la psychiatrie et la psychologie. Je sais que c'est une question très vaste, et je vous la pose spontanément, mais j'aimerais savoir si vous avez des idées là-dessus.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Service, vous avez la parole.

M. John Service: Je voudrais vous dire tout d'abord que le problème vient du système judiciaire. C'est la façon dont le système judiciaire choisit de se servir des témoins experts dans les situations d'affrontement, dans notre société démocratique, qui pousse les parties à embaucher des mercenaires qui passent des heures et des heures à essayer de discréditer l'information présentée à la cour.

Cette situation laisse aussi les professionnels très vulnérables. Il y a de plus en plus de plaintes enregistrées auprès des collèges de psychologie du Canada, et d'autres collèges également, ce qui est un moyen de revenir devant les tribunaux en trouvant un petit quelque chose pour discréditer un professionnel. Et on fait ensuite intervenir dans le système quasi-judiciaire les lois sur les professionnels de la santé accrédités pour voir ce qu'il est possible d'en tirer.

Un des meilleurs moyens de régler ce problème—c'est du moins ce qui se fait en Nouvelle-Écosse, où j'ai pratiqué avant de venir à Ottawa—, c'est d'avoir recours à un ami de la cour. C'est une formule selon laquelle le professionnel n'est pas embauché par l'une ou l'autre des parties, mais par la cour, pour lui fournir un avis. Cela permet de réduire les affrontements dans une certaine mesure.

C'est certainement le système d'opposition qui est à la racine du problème, à mon avis, plutôt que les professionnels de la santé. Je prêche évidemment pour ma paroisse, mais je suis convaincu que c'est une évaluation raisonnable de la situation.

Deuxièmement, ces situations sont extrêmement importantes. S'il y a de plus en plus d'évaluations, c'est en partie parce que nous vivons actuellement une période de développement. Vous n'auriez probablement pas eu il y a 30 ans autant de psychologues autour de cette table, à discuter de cette question; vous auriez eu des médecins, des avocats et des psychiatres. Tous les médecins et les psychiatres sont payés pour témoigner, par l'entremise du régime d'assurance-maladie, mais pas les psychologues.

Je dirais plutôt le contraire de ce que vous dites. L'accès à de bonnes évaluations et à une bonne information est limité par les difficultés d'accès aux psychologues et aux travailleurs sociaux. Si vous voulez voir un psychologue pour obtenir une évaluation de ce genre, vous devez payer de votre poche. Mais si vous faites appel à un psychiatre, c'est payé par l'assurance-maladie.

Je trouve la situation très difficile parce que, avec les compressions dans les hôpitaux, dans les services de santé et dans les services de justice pénale, il est plus difficile de voir un psychologue. Avec la baisse des assurances privées, il est plus difficile de voir un psychologue à moins de payer entièrement de sa poche. C'est un dilemme très sérieux.

La troisième chose, c'est qu'à mesure qu'une profession ou une discipline se développe—or, la psychologie clinique s'est développée énormément depuis 50 ans—, elle s'expose de plus en plus à la critique. Je pense que c'est un produit naturel de l'évolution d'une discipline quand la société en arrive à la considérer d'un oeil de plus en plus critique. Nous en sommes très contents, en fait.

Pour finir, je voudrais souligner que l'information fournie aux tribunaux dans ces situations extrêmement difficiles s'est révélée très précieuse, et qu'elle continuera de l'être. Les gens comme mes collègues qui sont ici, et qui peuvent être considérés comme des membres d'une industrie en croissance, assurent un service que je juge extrêmement utile. Donc, j'espère en fait que nous verrons de plus en plus de ce genre de chose.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vouliez-vous dire...? Vous n'êtes pas obligés d'ajouter autre chose.

La sénatrice Anne Cools: Je ne prends pas position. Je dis seulement qu'il y a des plus en plus de documentation et de plus en plus de préoccupations à ce sujet-là.

M. Paul Carrier: Je voudrais faire un bref commentaire. Il faudrait vraiment être masochiste pour vouloir s'occuper de très nombreux cas de ce genre. C'est extrêmement pénible, et pour les avocats également. C'est un domaine très difficile.

La sénatrice Anne Cools: Je sais.

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M. Paul Carrier: En fait, nous ne voyons plus depuis une dizaine d'années ce que mon collègue a appelé des «mercenaires». C'était plus courant à la fin des années 70 et au début des années 80. Aujourd'hui, les deux parties paient leur part; il en coûte environ 6 000 $ à Ottawa pour s'adresser au privé.

La sénatrice Anne Cools: Six mille dollars? Je n'ai pas bien entendu. Pouvez-vous répéter votre dernière phrase?

M. Paul Carrier: Il en coûte environ 6 000 $ pour obtenir une évaluation privée à Ottawa. Je dis bien «privée».

La sénatrice Anne Cools: Dans certains cas. Certains de ces professionnels sont médiocres, et d'autres sont excellents.

M. Paul Carrier: C'est entièrement privé. Il n'y aucun argent versé par le système, alors qu'à London, il me semble qu'il y a des gens qui peuvent aider.

Je sais que c'est le prix à Ottawa. C'est parce qu'il n'y a pas de concurrence. Ce n'est pas vraiment une industrie en croissance; c'est plutôt le contraire. Les gens que je connais et qui faisaient des évaluations de ce genre depuis le début des années 80 n'en font plus. C'est trop déchirant.

La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, nos témoins nous disent des choses passionnantes. C'est intéressant de les voir s'animer. Mais je pense que le comité devrait se pencher sur cette question un de ces jours.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez sans doute raison.

Monsieur Austin, voulez-vous répondre? Vous n'y êtes pas obligé.

M. Gary Austin: J'ai un avion à prendre, mais je peux vous dire que j'ai arrêté de faire des évaluations il y a deux ans. Je n'en pouvais plus. J'en avais fait 600 et j'avais été consultant pour 600 autres, mais j'étais à salaire. L'aide juridique était la seule source de financement pour ces évaluations, et tous ceux qui les faisaient, du moins dans notre clinique, étaient salariés.

Les évaluations payées par l'aide juridique coûtaient 1 800 $ en tout, à un tarif de 90 $ l'heure pour le psychologue. Quand les parents devaient payer de leur poche, c'était aux alentours de 3 000 $ à 3 500 $. Et il y avait aussi, exceptionnellement, des cas où quelqu'un apportait une pleine boîte de vidéos et insistait pour que nous les visionnions tous.

Pour ce qui est du nombre de personnes orientées vers le projet que j'ai supervisé, il est relativement stable. Notre industrie n'est pas en croissance. L'ironie, c'est que la plupart des gens que nous gardons pour faire ces évaluations s'en vont, comme quelqu'un l'a déjà dit, après quelques années. Nous sommes seulement quelques-uns à être restés un peu plus longtemps. Mais ce n'est certainement pas une industrie d'avenir. En fait, il est difficile d'attirer des cliniciens pour faire ce genre de travail, parce qu'ils lisent, dans les bulletins publiés par le collège professionnel, des comptes rendus sur les plaintes particulièrement nombreuses liées à des causes portant sur les droits de garde et de visite, qui sont incroyablement stressantes.

La sénatrice Anne Cools: Je vous remercie de nous l'avoir signalé parce qu'on entend souvent parler des renvois aux services de counselling comme s'il s'agissait d'une injection quelconque, ce qui n'est pas le cas. Il est très triste de voir que, pour les gens qui le font, c'est un travail très stressant et que les cas d'épuisement professionnel sont vraiment très nombreux.

Vous aurez compris que j'ai déjà travaillé moi aussi en première ligne.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénatrice Cools. Comme vous le voyez, les mots «brève question» ou «bref commentaire» ont un sens bien particulier ici.

Avant que nous partions tous, je voudrais vous parler du sixième rapport de notre sous-comité du programme et de la procédure. Je vais vous demander de l'accepter. Nous n'avons pas à l'approuver, seulement à le recevoir. De toute façon, il y est question seulement du calendrier qui a déjà été adopté pour nos séances à Ottawa en mai et juin. Ce sera à Ottawa parce que nous avons déjà décidé de nous rendre sur la côte est en mai.

La sénatrice Anne Cools: Je voudrais soulever la question des déplacements du comité. J'aimerais savoir pourquoi des sénateurs vieillissants doivent voyager en classe économique.

Une voix: Si nous payons un petit supplément, pouvons-nous voyager en première?

La sénatrice Anne Cools: Si nous sommes à court d'argent, j'aimerais le savoir. Si c'est le cas, le coprésident pour le Sénat pourrait peut-être demander des fonds supplémentaires au Sénat.

Sommes-nous à huis clos?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non.

La sénatrice Anne Cools: Alors, nous pourrions peut-être discuter de cette question à huis clos.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous devons d'abord accepter le rapport.

La sénatrice Anne Cools: Non, j'aimerais que nous discutions d'un ou deux petites choses. Nous pourrions nous réunir quelques minutes à l'avance pour avoir le temps d'en discuter, mais je n'aime pas qu'on s'attende à ce que nous votions sur les rapports de ce genre avant d'avoir pu en discuter en bonne et due forme.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous ne votons pas. Nous l'acceptons seulement en vue de le lire. Nous en discuterons plus tard.

La sénatrice Anne Cools: Vous voulez que nous l'acceptions pour pouvoir en discuter à la prochaine séance?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.

[Le comité poursuit des travaux à huis clos]