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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 30 mars 1998

• 0900

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Good morning, everybody. Bienvenue à la douzième séance du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

C'est avec un grand plaisir que nous nous préparons à passer les trois prochains jours à Toronto à entendre les nombreuses personnes qui ont demandé à comparaître devant notre comité et toutes celles que nous avons invitées à comparaître.

J'ai une question administrative à régler avant que nous commencions, soit celle des appareils auditifs qui sont disponibles pour entendre l'interprétation. Ils sont à l'extérieur, je crois. Si vous en prenez un, n'oubliez pas de le rendre. Je crois qu'il nous en coûte 300 $ chaque fois que nous en perdons un et ils ne vous seront pas d'une grande utilité si vous les emportez chez vous.

Avant que nous commencions, je tiens à rappeler aux témoins et aux membres du comité que nous devrons nous en tenir au sujet et rester concis dans nos questions et nos réponses et que nous n'aurons peut-être pas tous la possibilité de poser des questions à chacun des témoins. Je tiens aussi à rappeler à tout le monde qu'en vertu du mandat de notre comité, nous avons été nommés pour examiner et analyser les questions liées aux ententes portant sur la garde et sur le droit de visite après une séparation ou un divorce, et plus particulièrement pour évaluer la nécessité de recourir à des solutions davantage axées sur les besoins des enfants aux termes de politiques et de pratiques du droit de la famille privilégiant les responsabilités parentales partagées et des ententes entre les parents tenant compte davantage des besoins et de l'intérêt des enfants.

Comme il se doit, nous allons commencer par entendre le Bureau de l'avocat des enfants et le Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille. M. Wilson McTavish est l'avocat des enfants, Dena Moyal est la directrice des services juridiques du département des droits de la personne et Lorraine Martin est la coordonnatrice des travailleurs sociaux dans les services cliniques. Judy Finlay, l'intervenante en chef, et Leslie Hinkson, l'agente d'intervention, représentent le Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille.

Je ne sais pas comment vous vous êtes organisés pour faire votre exposé. Je sais que Mme Finlay a préparé un mémoire, mais il est uniquement en anglais; il ne sera distribué que s'il est rédigé aussi en français.

Qui va commencer?

M. Wilson A. McTavish (avocat des enfants, Bureau de l'avocat des enfants): Merci, madame la présidente. Nous sommes très heureux d'avoir reçu cette invitation et d'être les premiers à pouvoir aborder cette question en donnant notre point de vue particulier.

Le Bureau de l'avocat des enfants existe depuis 1827 et a été créé officiellement en 1881, date de l'adoption de la première loi sur la justice de l'Ontario. Jusqu'en 1977, le bureau ne s'occupait que des droits de propriété des enfants bénéficiaires d'un testament, d'une fiducie ou d'un héritage ou partie à un procès civil. Nous continuons à nous acquitter de cette tâche importante, qui représente à l'heure actuelle un cinquième du travail de notre bureau. Le reste porte sur les droits de la personne, dont nous nous occupons aussi.

En 1977, le Bureau du tuteur public, tel était notre nom à l'époque, a été habilité par la Cour suprême de l'Ontario, dans l'arrêt Reid and Reid, à agir en qualité de représentant légal des enfants dans un divorce, avec tous les droits qui sont conférés aux parties. Les enfants ne sont pas parties à une action en divorce, mais les demandes de garde et de droit de visite revêtent une importance fondamentale pour eux, pour vous et pour nous.

Vous n'êtes pas sans savoir que l'intérêt de l'enfant est déterminé par le tribunal après que celui-ci a pris connaissance de tous les témoignages pertinents et des plaidoiries de l'avocat de l'enfant, si un avocat a été nommé, ainsi que des avocats des parents.

• 0905

En 1980, l'avocat des enfants a aussi été appelé à représenter les enfants dans les affaires de protection de l'enfance, qui ne vous intéressent pas aujourd'hui, je pense. Il s'agit des affaires dans lesquelles la Société d'aide à l'enfance retire des enfants à leur famille en se réclamant des dispositions de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille.

En avril 1995, nous avons abandonné le nom de tuteur public pour prendre celui d'avocat des enfants afin d'éviter les confusions avec le Bureau du Curateur public général, qui agit en dernier recours en qualité de fiduciaire et de substitut des adultes incapables.

Laissez-moi quelques minutes et j'en aurai fini.

Le personnel de mon bureau de Toronto compte 84 membres, 18 avocats et 12 travailleurs sociaux. À l'échelle de la province, il y a 350 avocats et 100 travailleurs sociaux qui se penchent sur chacun des dossiers. Nous avons en permanence 8 000 dossiers à traiter. N'oubliez pas qu'un sur cinq porte sur les droits de propriété.

Chaque année, nous ouvrons quelque 1 600 dossiers de garde et de droit de visite—800 étant pris en charge par les travailleurs sociaux et 800 par les avocats. Nous ouvrons aussi quelque 1 500 dossiers de protection de l'enfance, qui ne nous intéressent pas aujourd'hui. Dans les litiges privés portant sur la garde et les droits de visite, nous représentons les droits de l'enfant. Il appartient au juge qui entend l'affaire de trancher en fonction de l'intérêt de l'enfant. Les désirs de l'enfant sont bien entendu l'un des facteurs pris en compte.

Pour être précis, nous ne représentons pas directement les intérêts de l'enfant et ce dernier ne nous donne pas ses instructions. Notre rôle est de représenter l'enfant par ordonnance du tribunal, en vertu des dispositions des articles 89 et 112 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario. Nous ne sommes pas engagés par l'enfant et nous n'exigeons pas non plus que les parents ou que tout autre intervenant paient nos services professionnels. Il s'agit d'une charge publique financée intégralement par le procureur général de l'Ontario.

Notre relation avec l'enfant est celle qui caractérise un avocat et son client. Nous devons nous assurer que les éléments de preuve qui se rapportent aux souhaits de l'enfant, conformes ou non, sont portés à la connaissance de la cour, et nous replaçons ces souhaits dans le cadre de l'ensemble des témoignages. En substance, nous avons l'obligation en tant que représentant du ministère public d'exposer au juge les intérêts et les souhaits éventuels de notre client. Ces souhaits font partie des éléments qui sont recueillis par nous-mêmes et par les parties auprès de la famille, des enseignants, des médecins et de toute autre source d'information annexe qui revêt de l'importance pour l'enfant.

Je considère que c'est une tâche lourde et difficile. Nous réglons plus de 90 p. 100 de nos affaires. En notre qualité de représentant de l'enfant, nous faisons enquête, nous évaluons, nous négocions et nous résolvons les problèmes. Nous occupons une position privilégiée au sein du système de la justice. Dans les arrêts Young et Young et Gordon et Goertz, la Cour suprême du Canada a bien précisé que dans tous les cas c'est l'intérêt de l'enfant qui devait prévaloir. Dans chaque cas, les conditions de la prise en charge, de la garde et des droits de visite de l'enfant sont différents.

Je conclurai en disant que les deux parents, et nous l'avons constaté dans presque toutes les affaires, aiment leurs enfants. Chaque enfant que nous représentons plaide en faveur de la réconciliation de ses parents. Les larmes aux yeux, il doit constater que c'est impossible et il nous demande alors de cesser les affrontements, ce que nous faisons dans bien des cas. Nous incitons les parties à en venir à une entente et, dans un petit nombre d'affaires, nous allons en procès ou nous obtenons un jugement ou une ordonnance judiciaire. Il est indispensable que l'enfant qui est notre client se sente en sécurité, désiré et aimé. J'ajouterai que nous prenons en charge les affaires parmi les plus difficiles que l'on voit en justice, mais pas toutes cependant.

• 0910

Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Mme Judy Finlay (gérante, intervenante en chef, Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille): Je suis l'intervenante en chef dans la province de l'Ontario et je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de vous parler aujourd'hui.

Toutefois, je suis venue ici aujourd'hui pour représenter le Conseil canadien des intervenants provinciaux en faveur des enfants. J'ai fait des sondages dans toutes les provinces pour être sûre que mon mémoire représente le point de vue national. Je n'ai su que récemment que j'allais être appelée à témoigner aujourd'hui, ce qui fait que même si je présente aujourd'hui un mémoire, je crois qu'on est encore en train de le traduire et que vous le recevrez à une date ultérieure.

L'intervention en faveur des enfants n'est pas une chose nouvelle au Canada. Voilà 20 ans environ que l'on a des bureaux d'intervention en faveur des enfants dans tout le pays. Au Québec et en Ontario, ils existent depuis la fin des années 70. L'Alberta a lancé son programme à la fin des années 80 et le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, se sont dotés de bureaux d'intervention en faveur des enfants en 1992 et en 1995. Les représentants des provinces Maritimes et des Territoires du Nord- Ouest ont aujourd'hui entamé des négociations avec leurs gouvernements respectifs et l'on peut envisager la présence de bureaux d'intervention en faveur des enfants dans l'ensemble des territoires et des provinces du Canada.

J'expose dans mon mémoire le rôle que jouent de manière générale les intervenants en faveur des enfants. Je parlerai plus précisément aujourd'hui de notre expérience dans le domaine de la garde et des droits de visite.

Vous devez savoir qu'aucun des intervenants en faveur de l'enfance dans les provinces n'a le mandat de se porter à la défense des jeunes devant les tribunaux. En raison cependant du nombre et de l'urgence des conflits portant sur la garde et les droits de visite, les intervenants qui prennent la défense des enfants ont convenu au plan national de réagir et d'intervenir.

Les appels que nous recevons se produisent dans les affaires où les conflits sont les plus difficiles et les plus imprévisibles, et il y a toujours dans ces affaires un élément de violence ou une menace de violence. Ceux qui nous appellent ont épuisé toutes les ressources, sur le plan social ou juridique, et ont peur pour leurs enfants.

Pour ce qui est de la fréquence des appels, les provinces de l'Ouest estiment que 15 p. 100 des appels que reçoivent les intervenants en faveur des enfants dans les provinces portent sur des conflits de garde et de droit de visite. En Ontario, cela représente environ six pour cent de nos appels, mais nous disposons des services de l'avocat des enfants. Il y a donc environ 250 appels qui parviennent aux services d'intervention en faveur de l'enfance en Ontario.

Les services d'intervention en faveur de l'enfance ne sont mandatés à intervenir que si le bien-être de l'enfant est en cause. Il n'est pas de notoriété publique que l'on peut s'adresser au Bureau de l'assistance à l'enfance dans ce genre de conflit, de sorte que le nombre d'appels que nous recevons n'est que la pointe de l'iceberg. Nous recevons des appels des parents, qu'ils aient ou non la garde de l'enfant, des membres de la famille élargie, des familles d'accueil et, bien entendu, des enfants eux-mêmes.

Les intervenants en faveur des enfants dans les provinces sont fermement convaincus que la voix des enfants ne se fait pas suffisamment entendre. Nous devons pouvoir connaître leur avis—non seulement pour agir en fonction de ce que l'on considère être leur intérêt, mais pour que leurs souhaits soient pris en compte. C'est en fonction des besoins des enfants que l'on doit résoudre les conflits et assurer la prise en charge par les parents. Il faut que les enfants puissent faire entendre leurs voix dans le cadre de la procédure officielle et des négociations privées qui ont lieu entre les parents.

Les enfants ont le droit d'être protégés contre toute violence, qu'ils en soient les victimes ou les témoins. Il est absolument nécessaire d'intervenir dès le départ en faveur des enfants. Dans ces affaires très conflictuelles, il faut pouvoir disposer de tout un éventail de méthodes interventionnistes au départ et de services de soutien pour les enfants. Cela englobe des services de soutien par les pairs pour les jeunes.

Les responsables de l'aide à l'enfance, les organismes d'aide à l'enfance, hésitent parfois à intervenir dans les conflits portant sur la garde et le droit de visite, surtout lorsque les affaires sont devant les tribunaux. Souvent, nous négligeons trop facilement d'écouter des enfants qui se plaignent de mauvais traitements ou de négligence. Nous ne prenons pas leurs allégations suffisamment au sérieux en raison du risque qu'elles soient fausses.

Je voudrais enfin ajouter que nous avons besoin d'une loi qui permette aux frères et soeurs de bénéficier comme il se doit d'un droit de visite.

Je m'arrêterai ici.

• 0915

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Est-ce qu'il y en a d'autres parmi vous qui veulent intervenir ou êtes-vous prêts à répondre aux questions?

Mme Dena Moyal (directrice des services juridiques, Département des droits de la personne, Bureau de l'avocat des enfants):

[Note de la rédaction: Inaudible]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien.

C'est M. Forseth qui a demandé en premier la parole.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

Soyez les bienvenus. Vous venez de mentionner une partie du mandat de notre comité. Vous nous avez dit qu'il fallait privilégier l'enfant. J'aimerais développer éventuellement deux scénarios contradictoires. Il se peut que nous ayons aujourd'hui... Si nous préconisons une politique davantage axée sur l'enfant, cela suppose qu'à l'heure actuelle ce n'est pas ce que nous faisons. Nous faisons autre chose. Par conséquent, vous pourriez peut-être nous décrire plus précisément quelle est cette autre politique, nous dire ensuite en quoi consiste une politique davantage axée sur l'enfant et en quoi elle est supérieure à l'autre.

M. Wilson McTavish: Je n'ai jamais vraiment pensé à «l'autre» politique. Je pense que c'est la raison pour laquelle vous êtes ici. Si vous pensez à des solutions telles que la présomption de garde partagée ou autres, on pourrait longuement en débattre sur le plan des politiques.

Étant donné ce que je fais, j'ai toujours adopté la politique axée sur les besoins de l'enfant. Par conséquent, si au cours des négociations, par exemple, le père, qui connaît la loi, affirme disposer de la garde tant qu'il n'y a un bouleversement des relations entre le père et la mère, quelqu'un va alors demander au tribunal de prononcer une ordonnance, le père ou la mère, et c'est à ce moment-là que la présomption... S'il peut présenter sa cause de cette manière, en common law les deux parents ont le droit d'élever leurs enfants et ils ont tout autant l'un que l'autre leur mot à dire.

S'ils ne peuvent s'entendre, cependant, le père a-t-il raison de dire qu'il dispose de la garde partagée en common law? Je pense que non; pas tant que quelqu'un n'a pas réglé toutes les questions qui se posent et qu'une décision n'a pas été prise. Si le père et la mère s'entendent après une négociation et une médiation, la garde partagée est une chose formidable. Voilà donc ce que je peux vous répondre.

M. Paul Forseth: L'un d'entre vous peut-il nous en dire un peu plus? De quoi parle-t-on lorsqu'on préconise une politique davantage axée sur les besoins de l'enfant? Soyons précis.

Mme Judy Finlay: De mon point de vue, lorsque je parle d'une politique davantage axée sur les besoins des enfants—et je me réfère plus particulièrement aux situations les plus conflictuelles parce que ce sont celles qui nécessitent l'intervention des services de protection de l'enfance dans l'ensemble du pays—je parle de la nécessité d'une intervention précoce auprès des enfants lorsqu'on se rend compte au départ que la question est très conflictuelle; une intervention précoce en termes de soutien thérapeutique; une intervention précoce en termes de résolution des conflits familiaux.

Nous avons ici à Toronto un programme administré par la clinique du tribunal de la famille par l'Institut Clarke, qui traite des affaires les plus conflictuelles. Dans le cadre de ce programme, on fait venir dès le départ les enfants et leur famille, on s'occupe des enfants lorsqu'ils font face aux difficultés liées à la dissolution et à la rupture de la famille et on règle les problèmes posés par le divorce et la séparation à ces enfants, mais on s'occupe aussi des parents qui sont en conflit en les réunissant avec leurs enfants pour qu'ils parlent des répercussions du conflit.

L'enfant doit pouvoir se faire entendre directement devant les tribunaux et lors de la procédure de médiation. On doit pouvoir aussi, lorsqu'il y a eu violence ou menace de violence, assurer un transfert sous surveillance des enfants entre les parents et organiser des visites sous surveillance.

Il faut donc qu'il y ait différents modèles, toute une gamme de stratégies d'intervention administrées et coordonnées de manière intégrée en un seul lieu. Les parents auxquels nous parlons sont ballottés d'un service à l'autre, font appel à telle ou telle ressource, sans que les solutions soient axées directement sur l'enfant. C'est à cela que je me réfère, à la nécessité de commencer par l'enfant afin que tout s'enchaîne.

M. Paul Forseth: Quelqu'un veut-il intervenir sur ce point?

M. Wilson McTavish: Je pense pouvoir résumer l'essentiel en cinq points: les visites surveillées ont une grande importance, et ça commence en Ontario, sur une petite échelle; la médiation, l'accès à de bons services de médiation; l'évaluation, une évaluation précoce et bien faite de la situation de la famille, des besoins de l'enfant et de la capacité des parents; l'accès à l'aide juridique—les parents qui se défendent eux-mêmes ont des difficultés à bien s'orienter dans le système; et un procès intervenant très tôt, rapide et efficace. Cela implique la nécessité, tôt ou tard, d'avoir un tribunal unifié de la famille pour l'ensemble de l'Ontario.

• 0920

M. Paul Forseth: J'ai une dernière question supplémentaire à poser. Lorsque vous parlez d'intervention et de soutien thérapeutique, je suppose qu'il faut que ce soit de plein gré et que vous ne pouvez pas faire grand-chose en fait pour exiger que les gens y participent. Ce sont souvent ceux qui ont le plus besoin de ces services qui ne sont pas très pressés d'y recourir. Vous pourriez peut-être nous dire quelques mots à ce sujet.

Mme Judy Finlay: C'est actuellement ce qui se passe. C'est pourquoi nous avons tant de difficultés à évaluer la situation de ces enfants pour lesquels une intervention est absolument nécessaire. Lorsque ce genre d'affaire se retrouve devant les tribunaux, je recommande qu'il y ait une intervention obligatoire auprès de ces enfants.

Même si nous ne sommes pas autorisés à nous adresser au tribunal, je me souviens d'une affaire si conflictuelle et si imprévisible, qui donnait lieu à une telle violence, que j'ai fini par me résoudre à écrire une lettre au tribunal. J'ai indiqué que si le conflit n'était pas résolu d'une manière qui tienne compte de l'intérêt de l'enfant, il fallait à mon avis que l'enfant bénéficie d'une protection. C'est ce qui s'est passé. Le juge a donc ordonné que l'enfant bénéficie d'une protection et soit placé sous la garde des responsables de l'aide à l'enfance au cas où l'on ne parviendrait pas à résoudre le conflit.

Nous devrions donc avoir les moyens de faire appliquer les mesures de soutien dont l'enfant a besoin. Comme vous le savez tous, les répercussions à long terme sur le comportement social et affectif de l'enfant de conflits qu'on laisse couver ou devenir violents, sont considérables. Il nous faut donc intervenir très tôt.

M. Wilson McTavish: Il y a la peur et l'ignorance. Le public a besoin d'information pour qu'une personne qui a peur, qui ignore ses droits ou qui hésite à faire part d'un problème très difficile puisse bénéficier, dans une certaine quiétude, d'une information fournie verbalement ou par écrit.

La sénatrice Erminie Cohen (Nouveau-Brunswick, PC): Merci de votre participation. Mes questions portent toutes sur l'efficacité des programmes d'intervention précoce parce que la plupart de nos témoins, et pas seulement vous, nous en parlent.

J'aimerais connaître votre point de vue. Je sais ce que vous pensez de l'intervention précoce. J'aimerais savoir si elle arrive en fait à mettre fin aux batailles qui s'ensuivent et quel est son succès. J'aimerais savoir ce que vous pensez du principe de des programmes d'éducation parentale et des plans de prise en charge par les parents, de la responsabilité des parents et ensuite de la médiation du conflit et de ses conséquences pour l'enfant. J'estime que toutes ces questions vont prendre une très grande importance lorsque nous en arriverons à nos dernières délibérations.

Enfin, vous nous avez dit que les enfants devaient avoir voix au chapitre, mais nous avons entendu dire par ailleurs qu'il pourrait être très stressant pour les enfants d'avoir à faire un choix entre les deux parents. J'aimerais donc avoir vos commentaires à ce sujet.

M. Wilson McTavish: Pendant que Mme Finlay réfléchit aux trois premiers quarts de votre question, je répondrai rapidement à la dernière partie.

Je suis d'accord avec vous. Il ne faut pas que les enfants soient placés dans le box des témoins; ils ne doivent pas être mis en face d'un examinateur spécial chargé d'entendre leur témoignage. L'enfant ne doit pas être confronté aux problèmes des parents. L'enfant doit pouvoir faire entendre sa voix devant le tribunal et devant son père et sa mère à la suite d'un interrogatoire mené entre l'avocat et son client par nos avocats et nos travailleurs sociaux et d'un éventuel entretien mené dans de bonnes conditions avec un spécialiste. Il ne faut pas nécessairement que ce soit dans nos bureaux.

Les preuves par ouï-dire sont autorisées devant les tribunaux de la famille, tout particulièrement s'il s'agit d'un enfant. Par conséquent, les parents, les avocats et d'autres intervenants qui impliquent directement les enfants dans les conflits leur rendent un très mauvais service et hypothèquent leur avenir.

Mme Dena Moyal: Nous ne demandons jamais aux enfants de faire des choix lorsque nous intervenons auprès d'eux et nous avons une façon bien à nous de les interroger. Vous remarquerez ici que nous marions, c'est le terme que nous employons, le travail social et le droit, cela pour rester sensibles aux questions propres aux enfants dans le cadre de la famille. Il est très important que les enfants puissent exprimer et faire connaître leurs avis et leurs choix, sans toutefois qu'on leur impose une pression.

• 0925

Mme Lorraine Martin (coordonnatrice des travailleurs sociaux dans les services cliniques, Bureau de l'avocat des enfants): Je peux vous parler de la médiation. Je suis l'ancienne présidente de Médiation familiale Canada et j'ai une longue expérience de la médiation. J'ai dirigé le programme de conciliation familiale au Manitoba, qui se chargeait en fait de renvoyer de manière quasi obligatoire toutes les affaires de garde et de droit de visite devant les services de médiation agréés par la province.

Je voudrais vous préciser, monsieur Forseth, qu'on se limite peut-être un peu trop lorsqu'on se contente d'argumenter pour savoir si la procédure doit être volontaire ou obligatoire, surtout lorsqu'on évoque des questions aussi complexes et parfois très floues. Lorsque les services sont disponibles comme ils l'étaient au Manitoba, les gens s'en servent; cela fait partie de leurs habitudes. Lorsqu'on ne dispose pas de ces services, qu'il n'y a pas de ressources pour sensibiliser les parents et assurer une médiation qui les aide avant de passer en justice, le mécanisme de confrontation au sein du système judiciaire ne fait qu'exacerber des conflits déjà très douloureux.

M. Paul Forseth: Est-ce que ces services restent disponibles?

Mme Lorraine Martin: Ils sont toujours disponibles au Manitoba, oui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, madame la présidente.

La question des droits des enfants me paraît très intéressante. J'ai lu des études laissant entendre que les enfants avaient, entre autres, le droit d'être traités comme des êtres humains importants, le droit de bénéficier d'un certain climat de sécurité et d'appartenance à une famille, le droit de maintenir leurs relations avec leurs parents, le droit de se développer et de se réaliser dans un milieu dénué d'exploitation, d'abus et de négligence, et la liste ne s'arrête pas là.

Wilson, vous avez dit dans votre exposé quelque chose qui m'inquiète un peu au sujet de la procédure de divorce. Je pense que vous l'avez formulé en disant que bien entendu les enfants ne sont pas parties à une action en divorce.

M. Wilson McTavish: C'est exact.

M. Paul Szabo: Je me demande en fait si une partie du problème ne vient pas éventuellement de là. Il m'apparaît qu'à partir du moment où il y a des droits, un certain nombre de questions vont se poser. Peut-on faire respecter ces droits devant la loi? Doit-on avoir une véritable déclaration des droits des enfants? Doit-on faire passer l'intérêt de l'enfant avant celui des parents? Doit-on prévoir au départ des services de consultation obligatoires pour les parents?

Il me semble que bien des gens préconisent davantage des remèdes qu'une prévention. Il m'apparaît que le point de départ doit être la rupture des relations. Les droits doivent être précisés et un plan d'action doit être mis en place, toutes les parties en cause sachant quels sont ces droits et quelles sont les conséquences si on les enfreint d'une manière ou d'une autre. Êtes- vous aussi en faveur d'une politique préventive que des remèdes apportés après coup?

M. Wilson McTavish: Je vais essayer de répondre à votre question, qui porte sur les fondements juridiques.

Je fais une distinction entre les droits positifs et les droits négatifs. La Charte de l'ONU et la Charte des droits et libertés dans notre pays portent sur ce que je considère comme des droits négatifs. Il y a des droits fondamentaux auxquels tout le monde peut prétendre, y compris les enfants.

Vous nous parlez ici des droits positifs. Autrement dit, nous établissons certaines normes au sein de notre société, en matière de santé, d'éducation, de bien-être, etc., et il s'agit là des seuils que nous cherchons constamment à atteindre par des moyens politiques ou législatifs au sein du Parlement. Il est en fait automatique d'affirmer que les enfants et les parties intéressées ont droit à un minimum de soins de santé, dont les enfants ont absolument besoin à mesure qu'ils grandissent, par exemple. Nous n'avons pas besoin pour cela d'une déclaration des droits.

Je vous renvoie donc la question au sujet du droit fondamental dont vous nous parlez, je pense. Est-ce que le droit qu'a l'enfant à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne... Est-ce que la Cour suprême du Canada ou le Parlement déclarent que tous les enfants ont droit à leurs deux parents? Est-ce là un droit négatif que les tribunaux vont pouvoir faire appliquer? C'est une question bien difficile.

Un témoin: J'aimerais faire deux observations pour répondre à cette question et éventuellement pour rassembler différentes choses qui ont été évoquées ce matin.

• 0930

Il y a tout d'abord le point de vue des tenants de l'intervention en faveur de l'enfance. Lorsqu'on parle d'intervention, je me rends bien compte que nous sommes tous des intervenants jusqu'à un certain point. Dans la pratique, nous constatons que lorsqu'on parle de faire entendre la voix de l'enfant, on évoque aussi la vulnérabilité et les difficultés qu'a l'enfant à véritablement exprimer comment il ressent telle ou telle situation. La plupart des enfants ne réussissent pas à le verbaliser, surtout lorsqu'ils sont très jeunes. Ils le font par leur comportement.

J'en reviens à la grande préoccupation, et au mémoire de l'assistance à l'enfance. Il est extrêmement important que lors de la procédure juridique qui oppose les deux parents on règle bien cette question de l'établissement des droits sur l'enfant. C'est à ce moment-là que des éléments tels que la violence ne sont pas suffisamment considérés d'une façon qui tienne compte de l'intérêt de l'enfant. Cette question nous préoccupe fortement.

Ce que nous voulons, plus précisément, c'est que l'on s'intéresse davantage à la question des droits des parents lorsqu'on se penche sur la façon dont ces décisions sont prises dans le système. Il serait alors plus facile de décider qui peut rendre visite à l'enfant.

En ce qui nous concerne, ce problème vient très souvent du fait que les enfants nous disent qu'ils ne veulent pas voir l'un ou l'autre des parents parce qu'ils n'ont pas de bons souvenirs de la relation.

M. Paul Szabo: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): La sénatrice Cools.

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, en tant que sénatrice de Toronto, je me félicite d'avoir l'occasion de souhaiter la bienvenue aux membres du comité dans notre belle ville. Je souhaite plus particulièrement la bienvenue aux membres du comité qui nous viennent de l'Ouest, Eric et Paul, et aussi aux sénateurs qui nous viennent de l'Est. Donc, je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue et j'espère que vous apprécieriez l'hospitalité des gens de Toronto.

Cela dit, monsieur McTavish, je vous souhaite la bienvenue devant notre comité.

M. Wilson McTavish: Merci.

La sénatrice Anne Cools: Si je ne me trompe, je pense que c'est la première fois que vous comparaissez devant un comité mixte du Parlement.

M. Wilson McTavish: C'est exact.

La sénatrice Anne Cools: L'expérience est donc nouvelle pour vous?

M. Wilson McTavish: Oui, en effet.

La sénatrice Anne Cools: Très bien.

Avant de poursuivre, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, j'aimerais préciser les différences entre les rôles des deux organismes.

Si j'ai bien compris, monsieur McTavish, le Bureau de l'avocat des enfants, et vous en particulier, en votre qualité d'avocat des enfants, avez été nommés par décret.

M. Wilson McTavish: C'est exact.

La sénatrice Anne Cools: Votre poste est donc politique?

M. Wilson McTavish: Non, il s'apparente davantage à celui d'un juge.

La sénatrice Anne Cools: En fait, cela revient au même.

M. Wilson McTavish: Oui, c'est une nomination politique.

La sénatrice Anne Cools: Ce que j'essaie de faire comprendre aux personnes ici présentes et aux membres du comité qui ne sont pas familiarisés avec les structures de l'Ontario, c'est que vous n'êtes pas simplement une belle âme bénévole. Vous avez un mandat...

M. Wilson McTavish: J'ai un travail à faire.

La sénatrice Anne Cools: ...que vous confère la loi afin que vous vous acquittiez de votre tâche. C'est ce que j'essaie de dire.

Par contre, le Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille—représenté par Mme Finlay et par un autre intervenant dont je n'ai pas entendu le nom—n'est pas un organisme gouvernemental de ce type.

Mme Judy Finlay: Je suis ici pour représenter les services d'intervention au niveau national. Les deux derniers intervenants en faveur de l'enfance sont en fait nommés par l'assemblée législative.

La sénatrice Anne Cools: En effet. C'est en Colombie- Britannique?

Mme Judy Finlay: Oui, en Colombie-Britannique.

La sénatrice Anne Cools: Mais ce n'est pas le cas en Ontario?

Mme Judy Finlay: Ce n'est pas le cas en Ontario.

La sénatrice Anne Cools: Je comprends. Par conséquent, M. McTavish a davantage la loi derrière lui que vous deux. Très bien.

Cela étant établi, je poursuis.

Monsieur McTavish, je vous ai déjà parlé par le passé. Comme vous le savez, votre organisme s'intitulait auparavant Bureau du tuteur public.

M. Wilson McTavish: En effet.

La sénatrice Anne Cools: Et vous n'ignorez pas que ce nom a changé.

Je fais éventuellement partie de ces gens qui croient sincèrement que ce changement de nom a une grande signification. Le tuteur public avait toutes les attributions d'un tuteur et non pas simplement celles d'un avocat des enfants.

Cela dit, j'ai une ou deux questions à vous poser. Je me demandais, et je suis très curieuse de le savoir, pour quelle raison votre organisme s'est montré un peu... ne disons pas timoré, mais un peu lent face à certains problèmes que nous constatons dans les conflits portant sur la garde.

• 0935

Je me réfère en particulier à la tradition instaurée par les services d'aide à l'enfance. Récemment, à la suite de plusieurs enquêtes menées par les coroners de l'Ontario... Ce sont aussi des nominations politiques, vous le savez. Je pense que huit ou dix d'entre elles sont extrêmement sérieuses et qu'elles méritent tout à fait d'être prises en compte. Il y a toute une série de recommandations qui reviennent constamment. On nous dit qu'il faudrait tenir compte, dans la Loi sur les services d'aide à l'enfance, des besoins de l'enfant dans les conflits latents portant sur la garde. Essentiellement, on nous demande instamment de commencer à accepter et à reconnaître dans la Loi sur les services d'aide à l'enfance que dans ces circonstances, ces enfants, comme vient de nous le dire Mme Finlay, ont besoin de protection.

Cela dit... certaines données qui nous parviennent sont très dérangeantes et sortent tout à fait des sentiers battus. Si le comité me le permet, je prendrai le temps de lui rappeler l'affaire très célèbre qui a eu lieu en Colombie-Britannique, celle du petit Matthew Vaudreuil, âgé de cinq ans, qui a été tué avec une grande cruauté par sa propre mère, Verna.

Quoi qu'il en soit, le juge Thomas Gove a relevé avec un grand soin lors de l'enquête que cet enfant avait constamment souffert des lacunes du système d'aide à l'enfance. Je pense qu'il s'est fait le porte-parole de la plupart d'entre nous. Il a constaté la présence de 64 comptes rendus de mauvais traitements de cet enfant par sa mère. Le premier compte rendu a été rédigé le jour même de sa naissance, ou peu après.

Avec une grande éloquence et une grande lucidité, le juge Gove a relevé que l'ensemble des services étaient axés sur les besoins de la mère et non pas sur ceux de l'enfant. Je considère que son argumentation est impeccable et que bien souvent les organismes ne savent pas qui est leur véritable client, l'enfant, les parents ou la mère.

Cela dit, je me demande si votre ministère... Disons que ce n'est pas un ministère, c'est essentiellement un organisme.

M. Wilson McTavish: C'est un ministère.

La sénatrice Anne Cools: C'est un ministère?

M. Wilson McTavish: Oui, et nous faisons partie des services du ministère...

La sénatrice Anne Cools: Je sais que vous rendez des comptes au procureur général de l'Ontario.

M. Wilson McTavish: Oui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice, vous avez épuisé les cinq minutes qui vous sont imparties. Pourriez-vous poser immédiatement votre question parce qu'il y a d'autres intervenants qui veulent en poser et que nous ne disposons...

La sénatrice Anne Cools: En effet, je m'arrêterai ici, madame la présidente.

M. Wilson McTavish: Je peux vous répondre très rapidement sur ce point.

Il faut bien voir que c'est l'enquête menée par un juge sur la mort d'un enfant en Ontario vers 1977 ou 1978 qui a donné lieu aux changements apportés à la Loi sur la protection de l'enfance, puisque c'est ainsi qu'elle s'intitulait à l'époque. Aujourd'hui, c'est la Loi sur les services à l'enfance et à la famille. On a par ailleurs introduit les dispositions de l'article 38, qui prévoit la représentation légale des enfants lorsque le tribunal l'exige par ordonnance.

Mon bureau s'acquitte de cette tâche et nous acceptons 1 500 dossiers par an.

La sénatrice Anne Cools: Très bien, je comprends.

M. Wilson McTavish: Voilà donc comment ça se passe.

En second lieu, l'appellation «tuteur public» était erronée, mais nous continuons à protéger les enfants. Il s'agissait du tuteur ad litem, qui signifie tuteur du défendeur. On a abandonné l'expression ad litem après l'adoption de la loi de 1881 et c'est donc une erreur de penser que je puisse être autre chose que l'avocat de l'enfant. Je ne suis pas un intervenant en faveur de l'enfance. Je ne suis pas le travailleur social préposé à l'enfance au sein des services d'aide à l'enfance. Je ne suis pas un dispensateur de services. Je suis d'avocat des enfants—c'est le rôle de mon service—et nous parlons donc au nom de l'enfant pour défendre sa cause.

Oui, je conviens avec vous que les enquêtes des coroners ont donné lieu à de nombreuses discussions au sein de mon ministère. Les réunions stratégiques se poursuivent au sein des services juridiques s'occupant du droit de la famille et vous constaterez que le procureur général est très préoccupé par la question.

La sénatrice Anne Cools: Il faut en effet reconnaître que ce procureur général, et c'est tout à son honneur, s'efforce de réaliser de nombreux progrès.

Je me demande si vous ne pourriez pas élaborer...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi, madame la sénatrice, mais vous avez dépassé vos cinq minutes et Mme Caplan voudrait... Nous vous redonnerons la parole lors d'un deuxième tour de questions s'il nous reste du temps.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Oui, je vous remercie.

• 0940

J'aimerais aborder les questions que vous avez soulevées au sujet des frères et soeurs. Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus concernant la situation actuelle et les recommandations précises que vous feriez pour que l'on accorde dans la loi des droits de visite aux frères et soeurs.

Mme Judy Finlay: À l'heure actuelle, sauf s'ils sont représentés par l'avocat des enfants, les enfants ne peuvent se faire entendre devant les tribunaux. Ils ne peuvent exprimer le souhait ou le besoin de continuer à pouvoir rendre visite à leurs parents, et parfois cette question est laissée de côté. Nous recommandons par conséquent que la loi prévoit des droits de visite appropriés au profit des membres de la famille élargie, les frères et soeurs et les grands-parents. Nous demandons que cela soit incorporé à la loi.

Mme Elinor Caplan: Comment envisagez-vous que ce soit appliqué?

Mme Judy Finlay: L'application se ferait comme dans les ententes actuelles sur les droits de visite. Les dispositions seraient placées sur un même pied dans les ententes portant sur les droits de visite.

Lorsqu'ils ont atteint un âge où ils sont en mesure de demander un droit de visite, les enfants devraient pouvoir présenter eux aussi une requête au tribunal pour obtenir un droit de visite. Ainsi, les enfants âgés de 12 ans et plus, par exemple, devraient pouvoir déposer indépendamment une requête leur permettant de rendre visite à leurs frères et soeurs ou à leurs grands-parents.

Mme Elinor Caplan: Pour ce qui est des droits de visite de l'enfant, votre proposition traite donc sur un même pied les frères et soeurs et les grands-parents?

Mme Judy Finlay: Oui. Je crois que dans des provinces comme le Manitoba, par exemple, les grands-parents ont déjà un droit de visite. Ils ont aux termes de la loi un droit de visite. Ce n'est pas le cas des frères et soeurs. Je ne connais aucune province qui accorde un tel droit. Donc, effectivement, je veux qu'ils soient traités sur le même pied.

Mme Elinor Caplan: S'il y avait dans la loi une disposition accordant un droit de visite aux frères et soeurs et aux grands- parents, est-ce que les enfants pourraient requérir l'aide du bureau de M. McTavish?

M. Wilson McTavish: Disons que pour ce qui est des frères et soeurs, je crois que c'est déjà le cas maintenant. Ils font partie de la famille et nous ne représentons pas qu'un enfant au sein de la famille. Dans 99,9 p. 100 des cas, nous représentons tous les enfants. Nous prenons bien soin de ne pas séparer les frères et soeurs lorsqu'une décision est prise... Voilà qui répond donc à votre question.

Le problème posé par les grands-parents est plus difficile à résoudre; il est de nature plus politique. Vous n'ignorez pas que les grands-parents ont le droit d'intervenir, comme n'importe quel particulier, aux termes des dispositions de la Loi sur le divorce et de la Loi portant réforme du droit de l'enfance. Il s'agit de savoir ici s'il faut leur accorder le droit automatique d'intervenir devant le tribunal plutôt que d'avoir à engager eux- mêmes une action.

Mme Elinor Caplan: Ce qui me préoccupe, je crois, ce sont les répercussions d'une action en justice. Vous nous avez parlé des effets négatifs qu'entraîne pour l'enfant le passage devant le tribunal. Je me demande donc si l'application automatique par les tribunaux aura des effets positifs ou négatifs.

M. Wilson McTavish: Si cela peut aider, je suis en faveur de toutes les dispositions susceptibles de permettre à l'enfant de pouvoir compter sur sa famille élargie et sur un plus grand nombre de personnes qui vont l'aider à grandir, soit la tâche la plus difficile au monde.

Mme Elinor Caplan: Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

On nous dit que probablement 80 p. 100—et j'imagine que les chiffres sont différents—des procédures de divorce se résolvent d'elles-mêmes et qu'il y en a peut-être 20 p. 100 qui finissent devant le tribunal ou posent un problème quelconque. J'imagine que votre bureau traite avant tout des affaires qui appartiennent à cette dernière catégorie. Quel est le pourcentage de ces affaires dans lesquelles un avocat de votre bureau est assigné à l'enfant?

M. Wilson McTavish: Vous me posez en fait une question intéressante. En vertu des dispositions de la Loi sur les tribunaux judiciaires, je contrôle absolument la charge de travail.

Les trois tribunaux de la famille demandent nos services par voie d'ordonnance. Dans les affaires de garde et de droit de visite, qui sont différentes de celles qui portent sur la protection des enfants, nous nous sommes dotés l'année dernière d'une méthode nouvelle, plus rapide et plus efficace. Nous avons établi une formule de demande pour tous les parents. Nous ne voulons pas prendre connaissance des affidavits ou des plaidoiries. Nous demandons aux parents de nous écrire directement pour nous exposer les problèmes difficiles qu'ils doivent régler.

• 0945

Nous prenons alors une décision. Nous faisons le maximum. Nous acceptons environ 60 p. 100 des dossiers qui nous sont confiés par les tribunaux. Nous essayons d'améliorer ce pourcentage compte tenu de notre budget en nous efforçant de bien cerner les conflits, ce qui n'est pas toujours facile à faire.

Mme Carolyn Bennett: Nous entendons dire constamment qu'il y a trois éléments qui interviennent en la matière: les ressources, l'éducation et la formulation; la formulation des dispositions concernant la garde.

En ce qui a trait aux ressources, il est évident qu'à partir du moment où l'on dispose d'un tribunal unifié de la famille ou de médiateurs sur place, ou les deux à la fois, il est très clair... J'imagine qu'il me faut être encore plus inquiète aujourd'hui si vous ne pouvez prendre en charge que 60 p. 100 des dossiers qui vont sont confiés.

Ce qui me préoccupe véritablement, c'est le fait qu'il ne s'agit peut-être là que d'une petite part de ceux qui devraient vous être confiés. J'entends par là que dans presque toutes les affaires qui passent devant les tribunaux, il faudrait qu'il y ait quelqu'un pour défendre la cause des enfants.

S'il s'agissait de tenir compte de l'intérêt de l'enfant dans un monde parfait où les ressources sont illimitées, est-ce qu'un responsable de votre bureau s'occuperait de chacune des affaires qui passent devant le tribunal?

M. Wilson McTavish: Bien sûr, c'est ce que je fais et c'est ce que fait ma collègue, Dena Moyal. Nous avons un personnel de prise en charge qui compte quatre ou cinq employés, qui se penchent constamment sur la question et examinent les dossiers tous les jours.

Mme Carolyn Bennett: Nous avons aussi entendu dire qu'il y a des relations de pouvoir inégales. Il y a des gens qui préféreraient peut-être trouver une autre solution plutôt que de lutter et, dans ces affaires, les décisions qui sont prises ne le sont pas toujours dans l'intérêt de l'enfant. Il y a la question financière qui fait que parfois on n'a tout simplement plus d'énergie pour continuer.

Si l'on devait en fait concevoir un nouveau système...

M. Wilson McTavish: Puis-je répondre à cela?

Mme Carolyn Bennett: Oui.

M. Wilson McTavish: J'ai une solution. Vous n'étiez pas là lors de mon exposé, mais j'ai mentionné à cette occasion qu'un cinquième de ma tâche portait sur les droits de propriété. Chaque fois qu'il y a un règlement, en justice ou hors cours, les droits de propriété de l'enfant doivent être entérinés par une ordonnance du tribunal, sinon on ne peut les opposer en droit à l'enfant. C'est un principe très important, parce que les enfants ne peuvent pas consentir en droit; seul le tribunal peut le faire.

À mon avis—et c'est peut-être très difficile—tous les conflits portant sur la garde et sur les droits de visite devraient faire l'objet d'un accord entériné par le tribunal. Que ces affaires aillent ou non en justice... Il y a des gens qui n'intentent pas de procès et qui préfèrent régler eux-mêmes. D'autres ne sont pas mariés; ils n'ont pas besoin de divorce. Il y a des gens qui passent leurs propres accords et qui ne font aucunement intervenir le système. Toutefois, il est clair que dans le cas de ceux qui s'adressent au tribunal, je recommande—je ne sais pas si ça se fait actuellement—que la nouvelle législation sur le droit de la famille que l'on est en train de mettre en place dispose que tous les conflits portant sur la garde, les droits de visite ou la protection de l'enfance fassent l'objet d'un accord entériné par le juge.

Mme Carolyn Bennett: Et il s'agit là de nos nouveaux juges qui s'intéressent particulièrement à cette question, n'est-ce pas?

M. Wilson McTavish: C'est exact.

Mme Carolyn Bennett: Ils sont sensibilisés au problème?

M. Wilson McTavish: Très sensibilisés, oui. À l'heure actuelle, si les parents sont d'accord, nous ne poursuivons pas l'affaire en cas de conflit privé sur la garde et les droits de visite. Toutefois, lorsque le conflit porte sur la protection de l'enfant, nous poursuivons l'affaire si nous ne sommes pas d'accord avec le règlement établi par les services d'aide à l'enfance avec les parents. C'est la grande distinction qu'il faut faire entre les mesures d'ordre privé et les mesures d'ordre public.

Mme Carolyn Bennett: Il y a une intervention qui m'a intéressée concernant le Barreau du Québec. Il s'agissait d'une question posée au sujet de la difficulté de votre rôle. Généralement, lorsque l'on retient les services d'un avocat, ce dernier doit faire ce qu'on lui dit et ce qui paraît le mieux, sinon on change d'avocat. On va chercher d'autres avocats jusqu'à ce qu'ils fassent ce qu'on leur demande. Avec les enfants, c'est évidemment légèrement différent, parce que parfois on leur demande de faire ce qui est dans l'intérêt de l'enfant, même si...

M. Wilson McTavish: Non, ce n'est pas le cas.

Mme Carolyn Bennett: ...cet enfant peut très bien avoir un parent alcoolique dont il a choisi de s'occuper, ou si l'on se trouve dans une situation qui amène quelqu'un d'autre à décider éventuellement de l'intérêt de l'enfant.

Nous n'avons peut-être pas fait suffisamment d'études pour savoir si le fait de retirer un enfant à un parent alcoolique dont il voudrait s'occuper soit en fait le meilleur service que l'on puisse rendre à cet enfant pour l'avenir.

Sur quoi se base votre bureau pour décider de...

M. Wilson McTavish: Vous mélangez les choses.

Mme Carolyn Bennett: Oui.

M. Wilson McTavish: Je vous l'ai dit dans mon exposé d'ouverture, je suis le procureur de la Couronne. Nous avons une obligation spéciale; les enfants ne retiennent pas nos services. Ma charge m'est confiée par un juge en vertu des dispositions de la Loi sur les tribunaux judiciaires et la relation que j'ai avec les enfants est... fonction de l'ordonnance. C'est le premier point.

• 0950

En second lieu, nous ne représentons pas l'intérêt des enfants; nous les représentons, tout simplement. Vous seriez surprise de voir combien d'enfants veulent rester avec un parent alcoolique.

La difficulté est de savoir jusqu'à quel point, en fonction de quelle mesure de contrôle, à quelles conditions et aux termes de quel plan de prise en charge de l'enfant? Qui va devoir veiller à tout cela pour que l'enfant ne perde pas les bénéfices éventuels du fait de rester avec un parent alcoolique?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

La sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Je vous remercie. J'apprécie particulièrement votre intervention devant notre comité ce matin.

J'allais interroger Mme Finlay au sujet de ce texte de loi, mais vous avez déjà répondu à la question et je me rends compte que c'est parce que je m'étais fourvoyée. Je pensais que vous vouliez en fait nous amener à légiférer pour que les enfants puissent faire l'objet de droits de visite appropriés, mais ce n'est pas ce que vous estimez...

Notre comité a été constitué en raison de l'adoption l'année dernière d'un projet de loi sur le divorce traitant des pensions alimentaires pour les enfants. Lors des audiences sur ce projet de loi sur le divorce, tous ceux qui sont venus témoigner devant le comité voulaient que l'on parle de la garde et des droits de visite, et tout particulièrement de ces derniers.

Nous avons dû leur dire que nous regrettions mais que ce n'était pas de cela dont nous discutions. Dans l'intervalle, le ministre a reconnu qu'effectivement il faudrait peut-être traiter de ce sujet.

La question de la garde s'est donc posée parce qu'en dépit du fait qu'ils paient pour l'entretien des enfants, il y a des pères et des mères dans notre pays qui ne sont pas autorisés, pour une raison ou pour une autre, à voir leurs enfants. Parfois, l'un des parents emmène ces enfants dans une autre province ou à l'étranger et, par manque de moyens financiers, l'autre ne peut pas les voir. Il y a toutes sortes de raisons, et les gens souhaitent que nous fassions quelque chose.

Je sais bien que chaque cas est particulier. On ne peut pas légiférer pour imposer des droits de visite, mais comment régler la chose? Comment faire en sorte que les tribunaux sanctionnent la personne qui refuse un droit de visite prévu par une ordonnance judiciaire? Comment faire?

M. Leslie Hinkson (agent d'intervention, Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille): Je ne suis pas sûr que nous puissions faire le tour de la question du respect de l'application. C'est une question très difficile. Sur le terrain, les responsables éprouvent constamment des difficultés à ce sujet. Il est certain que nous entendons constamment ce genre de plaintes.

Nous nous préoccupons de la question qui a été évoquée tout à l'heure, toute cette question qui a trait à la différence de pouvoirs. Les gens, les particuliers, l'enfant et les parents, ceux qui prennent la défense de l'enfant, devraient tous avoir la possibilité de se présenter devant le tribunal en disposant de ressources suffisantes pour défendre leur point de vue d'une façon qui permette au tribunal de prendre une décision en toute connaissance de cause et dans l'intérêt de tous. C'est ce que nous avons de mieux à espérer.

Trop souvent, nous entendons des gens se plaindre de ne pas avoir une possibilité d'accès suffisante à cette procédure. Cela revient à la question qu'a soulevée le sénateur Bennett.

Nous avons entrepris à l'heure actuelle de nous pencher très sérieusement sur cette question. Il s'agit de mettre en place un mécanisme permettant aux gens d'avoir véritable accès aux tribunaux pour que ces derniers puissent statuer juridiquement sur leur affaire en toute connaissance de cause.

Nous ne sommes pas trop sûrs de ce qu'il faut faire pour faire respecter l'application; c'est une question très difficile.

M. Wilson McTavish: Madame la sénatrice, je ferais deux observations. La première, c'est qu'il ne faut pas criminaliser, quel que soit le problème qui se pose. En second lieu, il ne faut pas rattacher les dispositions liées aux pensions alimentaires aux problèmes posés par les droits de visite.

La sénatrice Mabel DeWare: Non, ce sont deux choses distinctes.

M. Wilson McTavish: C'est ce que disent les enfants. Ils ne veulent pas savoir si l'argent a été payé ou non, ils ne veulent pas que leur père se retrouve en prison, et ce n'est donc pas ce qu'il faut faire.

La sénatrice Mabel DeWare: Disons que dans la plupart de ces affaires, ce n'est pas le paiement des pensions alimentaires qui faisait problème. La pension était versée, mais après les paiements effectués, le droit de visite était refusé.

Je sais que chaque cas est particulier et que la question doit être très difficile à régler. Et, comme vous le dites, il faut d'abord... Pensez-vous que le problème vient des ressources... C'est toujours la même chose: ce sont probablement les ressources qui permettent de remédier à cette situation. S'ils disposent de ressources, les gens peuvent se présenter devant... plaider leur cause et s'assurer que leur dossier est bien traité.

Mme Judy Finlay: Il ne s'agit pas simplement des ressources leur permettant de se présenter devant le tribunal.

Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, il est absolument indispensable qu'il y ait une intervention précoce au moment de la dissolution de la famille et non pas simplement lorsque l'affaire passe devant les tribunaux. Même une représentation indépendante de l'enfant devant le tribunal revêt une grande importance. Toutefois, ce qui est surtout important, c'est de bien entourer l'enfant pour qu'il ait suffisamment de ressources pour comprendre et résoudre les questions touchant à la rupture de la famille. Il faut aussi que les parents comprennent ce que ressent l'enfant à la suite de la rupture de la famille, des conflits entre les parents ou de l'impossibilité pour l'un des parents d'exercer un droit de visite. Comme l'a indiqué Wilson, tous les enfants veulent pouvoir voir leurs deux parents et j'estime que dans leur majorité les parents souhaitent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants.

• 0955

Je pense que nous avons besoin d'un système global et coordonné qui intègre le tribunal à l'ensemble sans l'ériger en recours unique. Oui, nous avons besoin de toute une gamme de ressources d'un bout à l'autre de la chaîne.

La sénatrice Mabel DeWare: D'après ce que nous entendons ici, il semble qu'il faille envisager au départ des séances d'information.

Mme Judy Finlay: Oui, mais dans les affaires les plus conflictuelles, l'information ne sera pas assimilée par des parents qui s'affrontent. Je parle d'un mécanisme plus autoritaire. La médiation ne fonctionnera pas elle non plus en raison de la différence de pouvoirs. Je me réfère à une solution s'apparentant davantage à la gestion des conflits nous permettant de mettre des ressources thérapeutiques à la disposition des enfants. Ces enfants ne doivent pas nécessairement participer à la gestion des conflits entre leurs parents, mais il faut qu'ils puissent faire savoir à leurs parents quelles en sont les répercussions sur eux en leur indiquant qu'ils ont eux aussi besoin de solutions.

Il y a en fait d'excellents programmes dans le pays qui s'acquittent précisément de cette tâche.

Je pense que la création d'un tribunal unifié de la famille est une bonne idée; il vous faut cependant élargir la gamme de services. Ce ne sont pas tous les tribunaux unifiés de la famille qui disposent de la gamme de services nécessaire.

À London, en Ontario, il y a par exemple un tribunal unifié de la famille et la ville de London dispose elle-même de nombreuses ressources touchant la violence familiale et la rupture des familles, ressources dont elle fait profiter le tribunal unifié de la famille. Toutefois, si nous allons à Barrie, dans le nord de la Saskatchewan ou dans le nord de la Colombie-Britannique, et si nous créons un tribunal unifié de la famille sans disposer de la gamme de services axés sur les enfants et de tout l'éventail des ressources permettant de résoudre les problèmes, y compris celui du droit de visite, l'expérience échouera.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie. Merci, madame DeWare.

Madame Cools, c'est à nouveau votre tour.

La sénatrice Anne Cools: Je vous remercie.

Monsieur McTavish—et je vais changer un peu de sujet—vous nous avez dit de manière très judicieuse qu'en common law les deux parents ont la garde mais qu'aux termes des dispositions d'un article de la Loi sur le divorce il est prévu que le juge peut accorder la garde. Je me demande si vous pourriez nous répondre très rapidement sur trois points.

Tout d'abord, quelle est la procédure juridique aux termes de laquelle l'un ou l'autre des parents perd la garde? À l'heure actuelle, cela dépend de la décision du juge...

M. Wilson McTavish: Voulez-vous que je vous réponde tout de suite?

La sénatrice Anne Cools: C'est en fait le coeur du sujet. Vous n'ignorez pas que le mariage suppose une garde partagée.

M. Wilson McTavish: C'est au moment où les conjoints ne sont plus d'accord et s'adressent aux tribunaux. À partir du moment où ils s'adressent au tribunal, ils sont en désaccord.

La sénatrice Anne Cools: Toutefois, la question de l'intérêt public n'intervient qu'à partir du moment où l'État estime que ces deux personnes ne peuvent plus décider du bien de l'enfant.

M. Wilson McTavish: On demande aux juges, et non à l'État, de rendre une décision.

La sénatrice Anne Cools: Disons que dans un tel cas le juge est le représentant de l'État. Vous coupez un peu les cheveux en quatre. Quoi qu'il en soit, nous sommes là au coeur du problème et il nous faudra tôt ou tard y venir.

J'ai trois questions à vous poser.

Premièrement, que fait votre organisme face à l'épidémie de fausses accusations d'agressions sexuelles, c'est le plus fréquent, ou de mauvais traitements lors des procédures d'attribution de la garde de l'enfant? C'est ma première question.

Deuxièmement, que fait votre organisme face à ce que nous appelons aujourd'hui l'aliénation parentale ou le refus prolongé et chronique d'accorder un droit de visite?

Troisièmement, que fait votre organisme face à ce que d'aucuns qualifient de réponse insuffisante des associations du barreau pour remédier aux comportements et aux activités de certains avocats?

• 1000

Ce sont là mes trois questions.

M. Wilson McTavish: Je ne comprends pas la dernière d'entre elles, madame la sénatrice.

La sénatrice Anne Cools: Très bien.

M. Wilson McTavish: Pour ce qui est de la deuxième, celle de l'aliénation parentale, vous savez peut-être que nous sommes intervenus dans l'affaire Gordon c. Goertz. L'avocat des enfants est intervenu.

La sénatrice Anne Cools: Oui, je le sais.

M. Wilson McTavish: Notre position était très claire. C'était exactement la même que celle qu'avait adoptée la Cour suprême du Canada. Nous ne sommes pas favorables à ce genre de choses et nous voulons ce qu'il y a de mieux pour l'enfant dans une situation très difficile.

Quant à l'épidémie de fausses accusations d'agressions sexuelles, je crois qu'une seule suffit. Nous examinons toujours avec soin les déclarations assermentées et nous incitons les nouveaux tribunaux unifiés de la famille à réduire le nombre de ces déclarations assermentées, à faire en sorte que ce genre d'allégations ne soit pas autorisé, si possible, à être examinées. Nous voulons cependant qu'il y ait une obligation de déclaration. Chaque fois qu'il y a de la fumée, il peut y avoir du feu et l'ensemble de la société, et non pas simplement les tribunaux, a l'obligation de faire une déclaration aux sociétés d'aide à l'enfance chaque fois qu'une agression est soupçonnée. C'est l'élément le plus important.

Je pense vous avoir répondu sur la question de la procédure juridique.

La sénatrice Anne Cools: Je relève avec un grand intérêt que la commission de révision de la justice civile, qui a été nommée par le gouvernement précédent, se fait l'écho d'un grand nombre de ces préoccupations.

M. Wilson McTavish: Oui.

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup. J'apprécie vos réponses.

M. Wilson McTavish: Merci, madame la sénatrice.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie. Nous en arrivons à la fin de notre séance. Vous nous avez été d'une grande utilité. Ce que j'ai particulièrement apprécié, je le dis pour ceux qui vont suivre, c'est que vous vous en êtes tenus dans un premier temps à un court exposé, ce qui nous a laissé davantage de temps pour vous poser des questions. Vous nous avez appris un certain nombre de choses. J'en suis très heureuse et je suis sûre que c'est le cas pour chacun d'entre nous. Je vous fais tous mes remerciements.

M. Wilson McTavish: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons nous arrêter quelques minutes pendant que les témoins suivants viennent à la table.

• 1002




• 1007

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Les témoins qui vont suivre représentent l'Easton Alliance for the Prevention of Family Violence; Mississauga Children's Rights; DADS Canada; et enfin, Human Equality Action and Resource Team.

Étant donné que vous êtes nombreux, je vais vous demander de vous restreindre dans vos commentaires et nous examinerons ensuite vos recommandations. Je vais vous demander d'être très très brefs; chaque groupe disposera de cinq minutes. Je regrette d'avoir à exiger des interventions si courtes, mais nous avons ici de nombreux députés et sénateurs qui aiment que l'on aille au fond des choses et qui veulent avoir le plus de temps possible pour vous poser des questions.

Je vais demander à M. Easton, qui représente l'Easton Alliance for the Prevention of Family Violence, de commencer.

M. Steven Easton (directeur de la gestion, Easton Alliance for the Prevention of Family Violence): Bonjour, honorables sénateurs, députés de la Chambre des communes, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invité ici aujourd'hui.

Il y a 20 ans, l'expression «violence familiale» était pratiquement inconnue. Aujourd'hui, cette expression a une bien plus large audience. Ce que nous ignorons, c'est que la violence familiale couvre des domaines bien plus étendus que ceux dont on nous a parlé.

D'après ce que je peux savoir, notre organisme est la seule organisation de prévention de la violence familiale au Canada qui accorde son appui aux hommes victimes de mauvais traitements. Nous avons donc entrepris de considérer la violence familiale dans un cadre plus large et comme un problème social plus complexe que ne le font nos homologues dans le domaine. C'est pour cette raison que je suis venu ici informer votre comité d'une réalité dont on ne parle pas en matière de mauvais traitements dans les familles et de leurs répercussions sur la garde et les droits de visite.

Comme on l'a dit tout à l'heure, dans toute relation entre deux personnes ou davantage, il y a une dynamique qui peut favoriser l'une plutôt que l'autre. Contrairement à ce qu'on croit généralement, les femmes ne sont pas dénuées totalement de pouvoir dans les relations. Le pouvoir des hommes et celui des femmes appartiennent à des domaines différents de notre socialisation. De manière générale, le pouvoir des hommes est défini en termes de carrière et de capacité à subvenir aux besoins de leur famille. Les femmes, de leur côté, ont été préparées dans la société à se marier et à élever des enfants, et leur pouvoir s'appuie sur leur rôle au sein de la famille. De nos jours, cependant, les femmes sont davantage axées sur leur carrière et les hommes sur la famille et l'éducation des enfants. On assiste donc à l'heure actuelle, non seulement à un rééquilibrage des pouvoirs, mais aussi à une certaine confusion quant à la personne qui détient effectivement le pouvoir.

Lorsqu'elles abusent de leur pouvoir dans cette situation, les femmes se servent souvent des enfants comme arme contre leur mari. Lorsque la famille se sépare, les enfants servent souvent de pions entre les mains de femmes abusives dans cette lutte de pouvoir. Souvent, des enfants qui aimaient leur père se retournent contre lui ou n'ont plus le droit de le voir. L'absence de pouvoir vient du fait qu'ils n'ont plus la possibilité de choix ou qu'ils ont dû y renoncer.

On emploie souvent l'expression toute faite «Rompre le cycle de la violence» en reconnaissant que la violence familiale est cyclique et en mettant l'accent sur la nécessité d'interrompre ce cycle. La violence familiale est transmise d'une génération à l'autre lorsque des enfants élevés dans un foyer violent sont les témoins ou les victimes directes de mauvais traitements puis grandissent, ont eux-mêmes des enfants, et se rendent à leur tour coupables de mauvais traitements envers leurs enfants ou envers leur conjoint en présence de leurs enfants.

• 1010

Les enfants pris dans un tel cycle risqueront 1 000 fois plus de répéter le comportement de leurs parents que ceux qui proviennent d'un foyer non violent. Il est évidemment très important de pouvoir rompre ce cycle si l'on veut mettre fin à la violence dans nos foyers.

Les hommes victimes de violence familiale bénéficient d'un soutien social très limité et ils restent par conséquent à l'écart des services ostensiblement mis sur pied pour aider toutes les victimes. Leur qualité de victime est encore accentuée par l'attitude sexiste de notre société, qui amène les hommes à minimiser leurs propres expériences par peur du qu'en dira-t-on s'ils font part des mauvais traitements qui leur ont été infligés. Notre société renforce l'idée que l'homme doit être fort, sûr de lui et agressif. Tout homme qui ne répond pas à ces critères n'est pas véritablement un homme. Donc, pour maintenir les apparences et se poser en hommes forts et sûrs d'eux, les hommes victimes de mauvais traitements souffrent en silence.

Nos tribunaux eux-mêmes sont à l'occasion les complices sans le savoir des mauvais traitements infligés à l'une des parties lorsqu'il est mis fin à une relation. Souvent, le tribunal de la famille prend une décision sans qu'une partie en ait connaissance, par défaut; modifie de manière radicale le lieu de résidence d'une personne, ses revenus, ses droits de visite aux enfants, ses droits de propriété sur ses biens personnels et son autorité parentale; et s'appuie sur des allégations parcellaires et parfois dénuées de preuves qui sont faites par l'une des parties contre l'autre. Le régime du droit de la famille au Canada a été utilisé à l'occasion par des personnes abusives pour asseoir leur pouvoir.

Si, par exemple, je suis marié avec une femme qui veut exercer un contrôle sur moi et qui n'aime pas les choix que je fais, elle peut recourir à un certain nombre de moyens pour me faire faire ce qu'elle veut. Je peux me retrouver face à une porte fermée à clé lorsque j'arrive chez moi. Elle peut avoir détruit un cadeau provenant de ma mère, des tableaux que j'ai peints ou éventuellement des photographies dans mon album de photos. Je peux découvrir qu'elle me trompe, ou elle peut aussi me gifler, me tirer les cheveux ou me griffer. Elle pourra avoir dépensé notre argent pour acheter des choses inutiles, nous avoir mis en faillite ou encore avoir retiré tout l'argent de notre compte bancaire et me laisser sans un sou. Si j'ai des enfants, elle pourra s'en servir d'intermédiaire pour me faire passer ses messages ou leur dire que je suis un moins que rien et les dresser contre moi.

Si je décide de partir, elle peut me mettre à la porte. Elle peut mentir et faire de fausses déclarations pour ne pas que les gens sachent qu'elle est responsable de la rupture de la relation.

Va-t-elle m'accorder alors un contrôle sur la procédure judiciaire? Va-t-elle me permettre d'exercer un droit de visite raisonnable à mes enfants? Va-t-elle me refuser ce droit de visite si la cour décide d'accéder à ma demande en ce sens? Si je la quitte, elle pourra se mettre en colère et devenir vindicative. Je pourrais être accusé d'actes que je n'ai pas commis envers elle- même et les enfants. Elle pourra essayer de faire croire qu'elle a toujours été la victime et que c'est moi qui suis coupable de mauvais traitements envers elle-même et les enfants.

Devant le tribunal, j'aurais affaire à un juge soupçonneux et peu favorable à ma cause, qui va faire preuve d'un maximum de prudence et ne m'accorder qu'un droit de visite surveillé alors que mes enfants vont grandir sous la gouverne de l'auteur des mauvais traitements. Mes enfants en seront alors victimes et le cycle de la violence se poursuivra.

Est-ce que je vais être en colère? Bien sûr que oui.

C'est la garde et le droit de visite qui déterminent qui va avoir le pouvoir sur les enfants et exercer le contrôle après le mariage. Si l'on se trompe de personne, les enfants sont perdus et l'on formera une nouvelle génération d'agresseurs, de victimes et de personnes déstabilisées.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je regrette de devoir vous interrompre, mais cela fait cinq minutes que vous parlez. Je me demande si vous ne pourriez pas abréger.

M. Steven Easton: Il me reste une page et demie. Est-ce que ça vous convient?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien, faisons une chose. Présentez-nous vos recommandations.

M. Steven Easton: Compte tenu des renseignements qui ont été fournis, nous recommandons que chaque province crée un ministère de l'enfance et de la famille. Ce ministère serait chargé de surveiller les activités des tribunaux de la famille, des tribunaux chargés des questions de violence conjugale et des sociétés d'aide à l'enfance et autres sociétés de protection de l'enfance, du Bureau des obligations familiales en Ontario et des autres organismes chargés d'assurer le paiement des pensions alimentaires, et du bureau de l'avocat des enfants et autres protecteurs des enfants.

Nous recommandons en outre que chaque province crée trois bureaux, le bureau de la famille et des recherches sur la famille, le bureau du médiateur familial et le bureau des services à l'enfance et à la famille. Ces bureaux seraient administrés par le nouveau ministère de l'enfance et de la famille qui serait créé.

Je sais que c'est une tâche très ambitieuse et, dans l'intervalle, nous avons proposé plusieurs recommandations portant sur la période transitoire.

À l'heure actuelle, il faut annexer un état financier aux plaidoiries devant le tribunal de la famille. Il faudrait aller plus loin en obligeant les deux parties à annexer aussi un plan d'éducation des enfants. Les juges pourraient alors baser leurs décisions sur l'aptitude de chacun des conjoints à planifier l'éducation des enfants.

Il faudrait considérer la garde partagée comme la norme en cas de séparation ou de divorce. Lorsqu'un conjoint demande la garde exclusive, il devrait justifier la mesure à la satisfaction du tribunal.

• 1015

Il faudrait englober dans la définition de la violence conjugale la violence faite aux hommes et la violence dans les relations unisexuelles.

Le fait d'isoler quelqu'un de sa famille est déjà considéré comme une violence dans la documentation sur la violence faite aux femmes. Il faudrait inclure le refus d'accès, qui est essentiellement la même chose, dans la définition de la violence faite aux enfants et au conjoint.

Je ne sais pas jusqu'où vous voulez que j'aille. J'ai 25 recommandations, et donc...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Elles sont consignées dans notre procès-verbal. Je vous remercie.

Nous allons passer au suivant. Je regrette d'avoir à limiter le temps qui vous est imparti, mais c'est indispensable.

Nous allons entendre M. Wilson, qui représente Mississauga Children's Rights. Monsieur Wilson, vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes.

M. Grant Wilson (président, Mississauga Children's Rights): Je suis venu ici vous parler du respect de l'application des ordonnances judiciaires.

Notre société se préoccupe beaucoup des questions de paiement des pensions alimentaires. De nouvelles directives ont été établies et nous avons créé de nouveaux organismes du gouvernement pour percevoir les pensions alimentaires, qui coûtent des dizaines de millions de dollars par an.

Des pères se retrouvent en prison parce qu'ils n'ont pas payé. Nous avons pu lire que ces pères ne disposent pas des 10 000 $ leur permettant de payer les frais de justice et de retourner devant le tribunal pour faire modifier leur ordonnance d'entretien parce qu'ils sont au chômage ou en faillite, parce qu'ils touchent les prestations du bien-être ou parce que leur situation matérielle a changé.

On sait bien que le coût énorme qu'entraîne pour ces parents la modification de ces ordonnances judiciaires lorsqu'ils se retrouvent au chômage entraîne une crise dont les enfants souffrent terriblement. L'aide juridique ne paie pas les frais encourus par ces parents pour obtenir la modification des ordonnances, ce qui fait que les pères et leurs enfants en souffrent.

Une pension alimentaire, il faut pouvoir la payer. De nombreux pères qui aiment leurs enfants et qui s'en préoccupent ne peuvent pas payer ce qu'on leur a ordonné de payer. Ils n'en ont pas les moyens financiers.

Je ne suis venu ici discuter des questions de paiement des pensions alimentaires que pour insister sur le fait qu'il est important de savoir si ceux qui, en vertu d'une ordonnance, sont tenus de payer une pension, sont en mesure ou non de le faire.

Je suis venu ici discuter de la capacité des parents, généralement les mères qui ont la garde, de respecter les ordonnances du tribunal portant sur les droits de visite ou de résidence chez l'autre parent, généralement le père qui n'a pas la garde. Les ordonnances des tribunaux prévoyant que l'enfant fréquente chacun de ses deux parents doivent être respectées et il convient de veiller à leur application.

À l'heure actuelle, on ne les applique pas véritablement. La Cour suprême du Canada a beau ordonner que l'enfant aille chez son père, la police ne va pas faire appliquer cette décision. Je connais bien la police. Dans une société comme la nôtre, le problème est très grave lorsqu'on supprime les droits de visite et lorsqu'on enfreint les ordonnances du tribunal. Des parents en colère, qui ont la garde de leurs enfants, abusent de ceux-ci en les jetant dans la bataille résultant du divorce et les enfants en souffrent. Ces parents ont les moyens de respecter les ordonnances des tribunaux portant sur les droits de visite.

Ce sont principalement les femmes qui ont la garde qui se laissent aller à la colère. Les statistiques font état d'une situation très dommageable pour nos enfants. Au Royaume-Uni, une étude effectuée par le groupe de Cheltenham a porté sur 1 500 pères divorcés et séparés. Dans cette étude, 41 p. 100 des pères qui ont répondu à l'enquête font état de tensions de type clinique: perte de leur emploi, visite chez un psychiatre, etc. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux souhaitaient avoir davantage de contact avec leurs enfants. Près de la moitié des enfants n'avaient plus aucun contact avec leur père depuis trois ans.

Une enquête statistique portant sur l'ensemble des ménages au Royaume-Uni permet d'établir que 91 p. 100 des familles monoparentales sont dirigées par la mère. La situation n'est pas très différente au Canada et aux États-Unis. Je considère qu'il faudrait que le gouvernement canadien, pour le bien des enfants, finance des enquêtes portant sur la situation des pères et des mères. Il y a longtemps que le mouvement féministe effectue des recherches sur les questions relatives aux femmes. Il est temps de financer des recherches pour savoir ce qu'il en est au sujet des pères et des enfants au Canada.

Les enfants ont le droit de voir le parent que le tribunal les a autorisés à voir par ordonnance. Il nous faut faire de véritables enquêtes sur les refus de respecter les droits de visite.

Dans une étude menée en 1987 au sujet de 400 pères divorcés en Indiana, 31 p. 100 des pères signalent qu'ils n'ont pas pu voir leurs enfants au cours de l'année précédente. Trente-trois pour cent des pères indiquent que la mère a en fait quitté l'État avec ses enfants. Soixante-huit pour cent des pères mentionnent avoir retenu les services d'un avocat. Parmi ceux-ci, 37,9 p. 100 attendent que l'on ait fixé la date de l'audience ou se sont vu refuser une audience. Sur cette question, 62,1 p. 100 se sont vu accorder une audience. Parmi ceux-ci, 27,2 p. 100 indiquent que le juge s'est montré favorable à leur cause et a demandé à la mère de respecter l'ordonnance du tribunal. Par ailleurs, 43,2 p. 100 indiquent que le juge a semblé se désintéresser de la question et a demandé aux avocats de trouver une solution quelconque, alors que 29,6 p. 100 mentionnent que le juge s'est montré hostile et a semblé leur reprocher d'avoir soumis la question au tribunal. Aucun des répondants n'indique que la mère a été incarcérée pour s'être moquée des décisions du tribunal et 76,9 p. 100 d'entre eux mentionnent que les refus de respecter les droits de visite sont devenus plus fréquents après un passage devant le tribunal pour régler la question.

Nos enfants souffrent. Nous avons besoin de nouvelles lois.

• 1020

La Lawful Visitation Interference Law de l'Illinois est une loi qu'il vous faut étudier. En Illinois, l'État met en prison le parent qui n'obéit pas à une ordonnance du tribunal prévoyant un droit de visite. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 1994. L'article 5 du Code criminel de 1961 sur le non-respect des droits de visite prévus par la loi, dispose:

    Quiconque ne respecte pas les dispositions d'une ordonnance du tribunal sur les droits de visite lorsqu'il a la garde de l'enfant ou qui retient ou cache un enfant dans le but de priver une autre personne de son droit de visite est coupable d'une infraction aux droits de visite. Quiconque se rend coupable de cette infraction est puni par voie de contravention. Toutefois, toute personne qui enfreint les dispositions de cet article après s'être déjà rendu coupable de deux infractions aux droits de visite commet un délit de la catégorie A.

Cela signifie qu'à la troisième infraction, elle est passible d'une peine de prison.

    Tout agent des forces de l'ordre qui a des raisons de croire qu'une personne a commis ou est en train de commettre un acte qui enfreint les dispositions du présent article pourra citer cette personne à comparaître.

On va les inculper.

    La personne en cause ou le gardien autorisé peut alléguer pour sa défense qu'il a voulu protéger l'enfant contre un préjudice physique imminent, à condition que cette croyance soit raisonnable et que le refus du droit de visite soit une réponse raisonnable face au préjudice jugé imminent. La personne en cause peut aussi alléguer pour sa défense que l'acte a été commis avec le consentement de toutes les parties ayant un droit de garde ou de visite de l'enfant ou que cet acte était d'une façon ou d'une autre autorisé par la loi.

    Une personne reconnue coupable de non-respect des droits de visite ne pourra pas être poursuivie au civil pour les mêmes faits en raison d'une infraction aux dispositions sur les droits de visite prévus par une ordonnance du tribunal délivrée aux termes de la Marriage and Dissolution of Marriage Act de l'Illinois.

Je n'ai pas besoin de vous dire qu'à partir du moment où on ne les fait pas appliquer, vous pouvez avoir toutes les ordonnances que vous voulez, toutes les lois que vous voulez, ça ne sert à rien.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Wilson, vos cinq minutes sont écoulées. Pouvez-vous passer à vos recommandations?

M. Grant Wilson: C'était la première loi. Il y a une deuxième loi fédérale qui porte sur le non-respect des relations entre les parents et les enfants. Il me reste une page et demie. Voulez-vous en prendre connaissance?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous pourriez peut-être la résumer plutôt que de la lire.

M. Grant Wilson: Cette loi dispose en substance qu'un parent ne peut déménager s'il n'est pas autorisé à le faire par une ordonnance du tribunal et qu'il convient de maintenir les relations qu'a l'enfant au sein de la collectivité tel que les parents avaient jugé bon de le faire avant de se séparer.

Cela revient à éliminer les difficultés posées par un parent qui déménage à l'autre bout du Canada, ce qui ne permet pas de faire respecter les droits de visite. De cette manière, l'un des conjoints peut écarter totalement le parent qui n'a pas la garde. Il faudra des années pour régler la question devant les tribunaux. Les deux conjoints se battront sur la question de la compétence territoriale et les enfants ne connaîtront même plus le parent qui n'a pas la garde au bout de deux ans de procès.

Je propose que l'on fasse appliquer les dispositions fédérales—c'est ce que m'a conseillé la police lorsque je lui ai parlé—prévoyant qu'un parent qui déménage sans le consentement de l'autre soit traduit devant le tribunal. Ce serait une infraction criminelle et la police l'arrêterait, l'inculperait et le ramènerait en Ontario avec ses enfants pour que la question soit réglée en justice. Les enfants seraient alors confiés au parent qui n'en a pas la garde pendant une période légale d'une semaine ou autre. Un tribunal devrait alors entendre l'affaire pour ne pas qu'elle se prolonge à l'infini. On inculperait la personne qui s'est rendue coupable de l'infraction et elle tomberait sous le coup de la loi. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.

À l'heure actuelle, on règle ces questions par simple voie de requête. L'opération ne prend pas plus de 45 minutes, sans témoin, sans transcription et sans les véritables garanties données par la justice. Il est assez ridicule de dire que l'on peut ainsi faire véritablement appliquer ces ordonnances.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien, je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre Stacy Robb, qui représente DADS Canada.

Mme Pauline Green (conseillère, DADS Canada): Bonjour.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bonjour. Avant que vous ne commenciez, je vous prie de m'excuser à l'avance, mais il me faudra vous interrompre au bout de cinq minutes si nous voulons avoir le temps de terminer.

Mme Pauline Green: Très bien. Je me suis efforcée de limiter quelque peu la durée de mon exposé.

Je suis une avocate du droit de la famille qui pratique à Toronto. Je siège aussi au conseil d'administration de DADS Canada. Je laisserai mon collègue Stacy vous dire plus tard quelques mots au sujet de DADS.

Les parents ont des responsabilités envers leurs enfants et non pas simplement le droit d'en avoir la garde ou de passer du temps avec eux. Il convient d'inciter et éventuellement d'obliger les parents à assister aux réunions scolaires, aux services religieux et aux rendez-vous médicaux avec leurs enfants.

La garde partagée doit être la norme et la garde exclusive l'exception.

Les cours de préparation au mariage sont actuellement pratiquement obligatoires dans nombre de mariages religieux. Les cours ou les séances de consultation en cas de séparation devraient être la norme pour les couples qui se séparent et qui éprouvent des difficultés au sujet des enfants. Les conjoints qui se séparent devraient être incités à habiter plus près l'un de l'autre pour que les visites en fin de semaine soient plus faciles à exercer et il conviendrait de les inviter à participer aux activités impliquant leurs enfants après l'école.

• 1025

Il conviendrait d'éduquer les professionnels au contact avec les enfants—médecins, écoles—pour que l'on fasse respecter les droits des parents n'ayant pas la garde et jouissant d'un droit de visite. J'ai éprouvé des difficultés avez les écoles, qui me répondent qu'elles ne peuvent pas me donner des renseignements. La Loi portant réforme du droit de l'enfance le précise pourtant très clairement, mais les écoles ne semblent pas le savoir.

Dans une affaire récente, alors que le père et la mère avaient une garde partagée, la mère a pu faire changer la religion de l'enfant. Personne au sein de l'église n'a consulté le père et l'enfant a pu faire sa première communion. Le père a dû s'y résoudre parce qu'il ne pouvait plus vraiment s'y opposer. L'enfant aurait alors ressenti une trop grande déception s'il lui avait fallu renoncer à célébrer ce qu'on lui avait présenté comme devant être le plus grand jour de sa vie.

Nombre de femmes qui sont nos clients partent du principe qu'elles vont obtenir la garde de leurs enfants et décider du temps que va passer leur père avec eux. Ce n'est pas juste. Elles bénéficient d'un préjugé favorable au sein du système. Nombre de pères s'impliquent de plus en plus auprès de leurs enfants.

Il y avait une manchette ce matin dans le journal au sujet des pères qui restaient au foyer pour garder leurs enfants. En pratiquant mon métier ces dernières années, j'ai rencontré d'excellents pères. Parfois, il y a des mères moins aimantes et moins attentionnées qui obtiennent la garde parce que c'est ce qui paraît logique.

Lorsqu'il y a des cas de violence ou de harcèlement, c'est plus souvent envers le conjoint qu'envers les enfants et je connais des études qui nous enseignent que la violence envers les conjoints rejaillit sur les enfants. Toutefois, je considère qu'il nous faut envisager un recours plus fréquent à des visites surveillées et sous des formes différentes.

Les personnes chargées de la surveillance doivent avoir une certaine formation, même si ce sont des amis ou des voisins. Il faut qu'elles sachent ce qu'elles doivent faire et il y a différentes formes de surveillance. S'il s'agit, par exemple, d'un parent n'ayant pas la garde qui ne ramène pas les enfants à temps, il n'est besoin dans ce cas que d'une surveillance minimale. Si, par contre, le père ou le parent n'ayant pas la garde est perçu comme une personne qui fait courir un certain danger à l'enfant—et je ne parle pas ici d'une personne coupable de mauvais traitements envers l'enfant ou qui lui fait courir un grave danger—il conviendra d'exercer une surveillance un peu plus étroite.

Lorsque des difficultés se présentent entre des parties qui ne s'entendent pas, qui se disputent, il suffit d'établir un point de rencontre pour que les parents puissent prendre et rendre l'enfant.

Je reçois de nombreuses plaintes, par exemple, disant que le père ne sait pas s'occuper des enfants. C'est pourtant le cas de la plupart des jeunes parents, et on ne les oblige pas à prendre des cours ou à confier à quelqu'un d'autre le soin de leurs enfants nouveau-nés. Aucune loi ne les oblige à suivre des cours de soins parentaux.

Le parent qui n'a pas la garde peut prendre des cours de soins parentaux. Une surveillance minimale et limitée peut être exercée pour s'assurer que le père sait mettre des couches à son enfant, ne le fait pas tomber, etc. Si l'enfant n'est qu'un bébé, la visite ne sera de toute façon pas très longue.

Contrairement au droit de visite, le respect du droit de garde ne pose pas de problème d'application. La police ne fait pas respecter les ordonnances portant sur les droits de visite, même si elles sont assez précises. On se retrouve face à des ordres contradictoires émanant du chef de police, des commissions de service de police, etc. Il nous faut d'autres moyens de faire respecter les droits de visite, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la prison.

Je vais maintenant donner la parole à Stacy Robb, mon collègue au sein du DADS.

M. Stacy Robb (président, DADS Canada): Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité. Je resterai très bref car je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps.

Nous recommandons que la sanction, plutôt qu'une peine de prison, soit l'obligation de suivre des cours concernant les effets de l'aliénation parentale sur leurs enfants; s'il y a une deuxième infraction, que l'on condamne la personne en cause à assurer un service communautaire pour que la collectivité puisse récupérer une partie du temps perdu devant les tribunaux; à la troisième infraction, que l'on prononce éventuellement une courte peine de prison; enfin, à la quatrième infraction, que l'on modifie l'ordonnance de garde pour que la personne coupable de l'infraction perde la garde. Ce serait la première chose.

J'indique qu'il faudrait peut-être s'adresser au ministre des affaires familiales et éviter de recourir à la procédure actuelle devant les tribunaux. La structure actuelle des tribunaux est axée sur la confrontation. Ça ne marche pas. Voici la transcription d'une requête qui a coûté 3 000 $. Il y a ici un rapport d'évaluation de 28 pages dans lequel l'évaluateur a menti. Le reste du document, qui fait état d'autres conclusions d'experts, nous prouve que ce que dit ici l'évaluateur est un tissu de mensonges qui ne vaut pas la peine qu'on s'y attarde.

C'est le genre de choses qui se produit dans un système axé sur la confrontation. On finit par passer des années à essayer de prouver qui ment et qui dit la vérité. Au bout du compte, le parent qui n'a pas la garde finit par ne plus connaître ses enfants.

• 1030

Voilà donc les choses sur lesquelles il nous faut nous pencher, des allégations non prouvées qui se révèlent fausses. Il nous faut faire quelque chose à ce sujet, éventuellement en prononçant des peines de prison.

Mais ce qui est plus important encore, il faudrait que dans notre réglementation et dans la législation qui intègre notre droit de la famille au sein du Code criminel, il y ait une disposition qui prévoit que lorsqu'une personne est convaincue de harcèlement criminel, par exemple, et que l'on a la preuve absolue qu'il s'agit bien en fait d'une manoeuvre de la part de l'autre conjoint, on puisse aller en justice pour faire annuler cette condamnation. Ça non plus, ce n'est pas possible à l'heure actuelle.

Puisque le temps presse, je terminerai rapidement sur une dernière chose.

J'ai une déclaration assermentée dans ce classeur. Elle porte sur une tentative faite par un travailleur social employé par le service d'aide à l'enfance en vue de fausser des éléments de preuve médicale et, dans cette affaire en particulier, de maintenir l'enfant dans le foyer où il est victime de mauvais traitements. Il est donc tout à fait indispensable que nous modifiions le cadre de fonctionnement de notre droit de la famille.

J'aurais bien d'autres choses à commenter mais, toutefois, nous manquons de crédits. J'espère que lorsque vous en aurez terminé avec votre enquête, nous serons en mesure de vous faire parvenir une analyse plus en profondeur de la façon dont nous concevons le fonctionnement de cette structure.

Merci d'avoir pris le temps de m'écouter.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous l'avons fait avec plaisir, monsieur Robb.

Nous allons maintenant entendre M. Windsor, de Human Equality Action and Resource Team.

M. Butch Windsor (président, Human Equality Action and Resource Team): Mesdames et messieurs les coprésidents et les membres du comité, bonjour. Je suis président du groupe HEART, Human Equality Action and Resource Team, implanté à Toronto. Nous travaillons auprès des parents qui n'ont pas la garde, généralement les pères et les grands-parents.

Je veux vous parler des allégations d'agressions envers les enfants dans les affaires de divorce et de garde. Ce qui me paraît le plus évident, pour quelqu'un qui comme moi fréquente ce domaine aussi lamentable du droit, c'est qu'il n'y a pas de vérité simple en ce qui concerne les agressions sexuelles.

La question des agressions sexuelles a donné naissance à deux camps opposés qui ne veulent pas céder. D'un côté, on nous dit que les agressions sexuelles sont partout et, de l'autre, que l'on est allé trop loin en cherchant des agressions sexuelles partout.

Dans son ouvrage A Canadian Perspective on Child Sexual Abuse: Accusations in the Gender War, Brian Hindmarch nous dit que les positions extrémistes adoptées par les ultra-féministes ont donné naissance à des conflits sans précédents entre les hommes et les femmes. Il faut tenir compte de ce phénomène lorsqu'on examine la situation hystérique actuelle en ce qui a trait aux agressions sexuelles des enfants.

Ce conflit entre les hommes et les femmes se révèle clairement lorsque de fausses allégations d'agression sexuelle sont avancées dans les affaires portant sur la garde des enfants. L'influence exercée par le féminisme extrémiste sur les sciences du comportement vient compliquer la situation.

La polarisation entre les sexes a mené à l'apparition de recherches et de théories biaisées qui servent ensuite à justifier les politiques et les pratiques sociales, tout particulièrement dans le domaine des agressions sexuelles.

Aujourd'hui, alors que 60 p. 100 des gens divorcent et que dans 40 p. 100 des divorces des allégations d'agressions sexuelles envers les enfants sont faites, il nous faut réexaminer la situation qu'a créée la libération des lois sur le divorce.

Ceux qui sont les plus enclins à entériner les constatations d'agression envers les enfants dans tous les domaines, et à appuyer les mères, sont le plus souvent les professionnels—et je mets le mot entre guillemets—qui sont ceux qui profitent le plus de la situation au détriment des personnes dont la vie est bouleversée.

Une personne dont la vie est bouleversée en raison d'une allégation d'agression sexuelle va le plus souvent perdre immédiatement tout contact avec ses enfants, être coupée du monde extérieur en raison du temps et de l'argent qu'elle doit consacrer à la procédure, et passer par une période de dépression pendant qu'elle essaie de comprendre ce qui lui arrive.

Ceux qui insistent pour dire que l'on allègue trop souvent l'existence d'une agression, et qui défendent le point de vue des pères, appartiennent à un groupe qui n'a rien à voir avec l'industrie du divorce. Des gens comme Yuille à l'Université de la Colombie-Britannique, Cice à l'Université Cornell, et Goodyear-Smith en Nouvelle-Zélande, ont entrepris de se pencher sur la mémoire des enfants. Ils ont constaté que de prétendus professionnels manipulaient les enfants en leur posant des questions biaisées ou en leur faisant admettre des agressions qui n'ont jamais existé.

Des gens comme Yuille et Cice sont attaqués par les organisations qui devraient le plus s'intéresser à leurs études. Cette recherche part d'une idée et non d'une conclusion toute faite, contrairement à celle du camp opposé. Ils font des recherches qui débouchent sur des conclusions et ils reconnaissent que d'autres études sont encore nécessaires si l'on veut bien comprendre leurs répercussions. Pendant ce temps, l'autre camp manipule les données pour arriver aux conclusions qu'il avait posées au départ et, si nécessaire, modifie les définitions pour que les conclusions soient plus dramatiques et favorisent les orientations politiques qu'il préconise dans ses études.

Ainsi, Faller, de l'Université du Michigan, laisse entendre que les pères agressent sexuellement leurs enfants en raison du divorce parce qu'ils n'ont personne pour les surveiller pendant qu'ils s'occupent de leurs enfants. Ces études sont souvent tirées des échantillons provenant de sa clinique, qui a la réputation de découvrir systématiquement des agressions sexuelles. Cela s'apparente à la situation de la clinique de l'Alberta dans laquelle six des sept psychologues ont fait l'objet d'une enquête par les instances de la profession et où l'on a dû finir par fermer la clinique, qui constatait dans tous les cas des agressions sexuelles.

Il est très onéreux pour une personne de réfuter des allégations d'agression et, bien souvent, elle n'en a pas les moyens financiers. Elle se retrouve alors séparée de ses enfants pendant une longue période, ce qui permet d'établir le statu quo et d'assurer la garde au parent ayant fait cette allégation.

• 1035

Personne n'a entrepris d'examiner le coût de ces comportements pour les enfants. Personne n'a entrepris de se pencher sur les dégâts causés aux enfants par la perte d'un bon parent au détriment d'un parent moins méritant.

Aux États-Unis, les allégations d'agression envers les enfants dans les affaires de divorce et de garde se sont multipliées lorsque les tribunaux se sont mis à prononcer des gardes partagées et une prise en charge conjointe par les parents. C'est l'un des moyens pour un parent vindicatif de ne pas avoir à partager la garde de l'enfant avec son conjoint. C'est l'arme de prédilection qui est employée lorsqu'il est plus important de détruire l'autre parent que de veiller au bien-être des enfants.

Quelqu'un m'a parfaitement expliqué la situation en me disant que lorsque le juge constatait que l'homme avait un avantage en termes de pouvoirs, il compensait cet avantage en donnant tout à la femme. C'est ainsi que des pères qui se sont débattus pour avoir la garde de leurs enfants ont été complètement écartés de la vie de ceux-ci. Les juges considèrent souvent que le père, qui a davantage de moyens financiers, possède un avantage sur le plan des pouvoirs.

Les allégations d'agressions sexuelles sont aujourd'hui étudiées par les personnes mêmes qui sont les plus contestées.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Windsor, je me demande si vous ne pourriez pas passer à vos recommandations.

M. Butch Windsor: Oui, bien sûr.

Les juges ont perdu tout contact avec la société; c'est ma deuxième recommandation.

Je reviens à la première. Il ne faut pas que les questions de la garde et des droits de visite soient tranchées par les tribunaux parce que les juges ne veulent pas s'acquitter de leur obligation, qui est de rechercher la vérité dans tous les cas.

La dernière chose dont s'occupent les juges, c'est de l'intérêt de l'enfant. Ils ne font que mentionner la question en passant, parce que c'est la seule chose sur laquelle ils puissent s'appuyer sans risquer d'être critiqués. Bien souvent, on ne mentionne même pas l'intérêt ou les besoins de l'enfant.

Troisièmement, si l'on continue à faire passer les affaires devant les tribunaux, je recommande que les audiences soient enregistrées sur bande vidéo pour éviter que les juges ne déclarent que les pères ne sont bons qu'à payer et que ce sont les mères qui doivent prendre soin des enfants.

Je recommande en premier lieu que l'on établisse dans nos lois la présomption de garde partagée, en dépit des objections. Les allégations d'agression vont certainement augmenter à la suite de ce changement, mais il convient d'appuyer les véritables spécialistes du domaine et non pas des organismes ou des organisations dont les partis pris politiques sont bien connus et qui bénéficient actuellement de crédits substantiels du gouvernement.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre pendant cinq minutes M. Kerton, qui représente Justice for Children.

M. Dale Kerton (Justice for Children): Bonjour. Je représente l'association Justice for Children, de London, en Ontario. Merci de m'avoir autorisé à venir vous parler aujourd'hui. J'ai écourté mon intervention des trois quarts pour vous dire l'essentiel.

Les affaires de divorce et de garde ne relèvent pas du droit pénal et ne devraient pas passer devant les juridictions pénales. Nous avons réussi finalement à les traduire devant des tribunaux de la famille, et je considère que c'est une bonne chose. Nous devons faire un pas de plus de façon à les soumettre à une procédure qui les éloigne des tribunaux et qui soit moins soumise au droit pénal.

L'article 16 de la Loi sur le divorce porte essentiellement sur 10 points et il couvre tout ce qui est indispensable à la garde des enfants. Je considère qu'il a donné de très bons résultats et, s'il était appliqué comme il se doit, il continuerait à en donner sans que l'on ait à instituer la nouvelle Loi sur le droit de la famille et les tribunaux unifiés de la famille.

Si le système s'écroule, c'est par manque d'intégrité des avocats et parce que les juges acceptent de perpétuer les gains financiers qu'en retire la communauté juridique. Les juges de London, en Ontario, modifient systématiquement les règles afin de multiplier les comparutions devant les tribunaux. Les avocats enveniment les situations et créent des conflits afin de pouvoir facturer un plus grand nombre d'heures de travail.

Les décisions des juges ne sont pas faciles à interpréter et sont souvent illisibles. Là encore, il faut retourner devant le tribunal pour obtenir une interprétation. Une grande partie de ces activités inutiles finissent par donner naissance à ce phénomène des parents trop dépassés par les événements pour pouvoir payer une pension.

Que doit-on faire dans l'immédiat? À mon avis, il faut que l'on demande aux juges de faire appliquer les règles et non pas de s'en servir pour prolonger les affaires et se donner davantage de travail.

Il convient de dispenser aux juges des services de consultation pour leur apprendre à aider les plaideurs non représentés par un avocat, qui sont de plus en plus nombreux et de plus en plus frustrés. Il faut que les juges reçoivent une formation qui les aide à les traiter de manière plus équitable et à veiller à ce que l'on réponde aux besoins de leur famille.

Troisièmement, je pense qu'il faut demander aux juges d'exiger que les deux parties soient présentes lors du procès devant le tribunal. À mon avis, cela permettrait d'enclencher la médiation du conflit.

• 1040

Si les deux parties se retrouvaient devant le tribunal, elles s'apercevraient qu'aucune d'entre elles ne veut de cette situation. Elles se rendraient compte très rapidement que la médiation est probablement la meilleure solution pour résoudre tous leurs problèmes et elles s'orienteraient dans ce sens plutôt que de s'y opposer sous prétexte qu'elle n'est pas obligatoire.

J'imagine que les tribunaux seraient débordés pendant quelque temps, mais les plaideurs apprendraient vite, après quelques jours dans la salle d'audience, qu'ils ont intérêt à s'éloigner du système le plus vite possible.

J'ai pu constater que la plupart du temps seul l'un des plaideurs est présent et l'autre n'envoie que son représentant ou son avocat. Ils ne peuvent pas ressentir véritablement ce qui se passe au sein du système et quels sont les besoins des enfants.

Pour conclure, j'estime qu'il nous faut agir rapidement afin de sensibiliser les responsables de l'administration du système et faire en sorte qu'ils le fassent fonctionner. Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, vous n'avez pas dépassé le temps qui vous était imparti.

Nous allons passer aux questions. Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à applaudir tous les intervenants qui sont ici aujourd'hui. J'ai tout d'abord une remarque à faire au comité. En effet, nous avons ici cinq groupes qui sont représentés alors que les intervenants précédents ne constituaient que deux groupes et ont disposé d'une heure entière. Je considère qu'il est injuste que l'on demande à ces nouveaux intervenants, qui ont tous préparé un exposé complet, d'essayer de le résumer en cinq minutes alors que nous avons accordé une heure aux précédents.

Des voix: Bravo!

M. Eric Lowther: Nous avons ici des gens qui sont aux avant- postes. Ils essuient les plâtres. Ils paient leur déplacement pour venir témoigner.

Les intervenants que nous avons entendu tout à l'heure sont payés pour venir ici. Je suis très déçu que notre comité accueille ces témoins de cette manière.

J'en arrive à mes questions. Je parlerai au greffier et aux autres personnes ici présentes en proposant que nous remédions à cette situation à l'avenir.

J'aimerais avoir quelques précisions au sujet de certaines observations que vous avez faites. Vous nous en avez donné quelques-unes, mais j'ai besoin de quelques éclaircissements.

Tout d'abord, sur la question des droits de visite... En dernière analyse, lorsque tout a été bien considéré, on peut toujours parler de responsabilités partagées des parents et d'autres mesures tout aussi excellentes, mais à partir du moment où les gens se voient refuser le droit de visite, garde partagée ou pas, ça ne fonctionne toujours pas. J'aimerais donc bien savoir ce qu'en pensent les groupes qui ont été aux prises avec ces situations dans lesquelles... Laissez-moi ici revenir quelque peu en arrière. Le groupe qui vous a précédé comptait un certain nombre d'avocats. Ces derniers reconnaissaient l'importance de la garde partagée et des décisions prises par les tribunaux pour accorder des droits de visite. Ils n'avaient cependant aucune idée de ce qu'il fallait faire lorsque quelqu'un ne respectait pas l'ordonnance judiciaire.

Nous avons donc affaire à des avocats qui nous disent qu'ils ne savent pas ce qu'il faut faire lorsqu'une personne ne respecte pas une ordonnance judiciaire, mais qu'ils ne veulent pas que ce comportement soit criminalisé. Voilà qui me paraît stupéfiant.

J'aimerais savoir ce que l'on devrait faire à votre avis une fois que le tribunal a statué dans l'intérêt de l'enfant, ce qui semble être le leitmotiv de notre comité. Malheureusement, nous avons tous une idée différente de ce que cela signifie, mais... l'intérêt de l'enfant est censé être la possibilité de voir ses deux parents. Si l'un des parents, cependant, refuse systématiquement de se conformer à la décision du tribunal ordonnant que l'enfant puisse voir l'autre parent, quelles sont les recommandations que vous faites dans votre mémoire?

M. Butch Windsor: Je me référerai au point 10 de l'article 16 de la Loi sur le divorce, qui porte sur les ordonnances de garde:

    En rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal applique le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chaque époux le plus de contact compatible avec son propre intérêt [...]

À cette fin, vous devrez prendre en considération la volonté, chez la personne qui a la garde, de faciliter ce contact. C'est une interprétation très simple, qui donne des résultats. Si elle est appliquée, la personne qui se voit confier la garde se transforme tout simplement, dans la plupart des cas, en dictateur.

M. Eric Lowther: Parlons simplement de la partie qui a trait au respect de l'application. Les recommandations sont excellentes, mais j'aimerais savoir comment on peut les faire appliquer. Vous proposez l'incarcération, l'attribution de la garde à l'autre conjoint, le retrait du permis de conduire, toutes sortes de mesures.

• 1045

Nous avons d'excellents moyens pour faire respecter le paiement des pensions alimentaires, mais il semble que nous manquions d'idées pour faire respecter les droits de visite dans l'intérêt de l'enfant. J'aimerais bien connaître votre avis sur la façon dont on pourrait faire appliquer... dans l'intérêt de l'enfant.

M. Butch Windsor: Dans ce cas particulier, et dans nombre d'affaires auxquelles j'ai participé, je considère que l'intérêt de l'enfant est de confier la garde à l'autre conjoint, un point c'est tout.

M. Eric Lowther: Je vous remercie.

M. Grant Wilson: Je crois qu'essentiellement nous avons besoin de résoudre ce problème à l'intérieur d'un cadre distinct. Je pense qu'avec le temps on va s'apercevoir que le retrait des permis de conduire et l'incarcération des gens lorsqu'il s'agit de faire respecter les ordonnances de paiement des pensions alimentaires ne donnent pas de bons résultats, et ça ne donnera pas non plus des résultats dans ce cas-ci.

La difficulté, ici, c'est la perception des professionnels qui sont les principaux responsables de l'administration du système et des correctifs à apporter, et qui ne se sont pas acquittés de cette responsabilité. Vous savez, ils se contentent d'assister à la scène en disant que ce sont des parents qui se battent. Laissez-moi vous dire cependant que lorsque les juges, la police et les autres intervenants—les travailleurs sociaux et les psychologues—se mêlent d'intervenir en se moquant du système, cela rend fous les parents. C'est la raison pour laquelle ils se battent. Si les professionnels faisaient leur travail, nous ne serions pas dans cette situation. Ils ne le font pas, et je ne pense pas qu'ils osent un jour venir ici à cette table vous dire qu'ils le font.

M. Steven Easton: Je pense qu'il faut que le gouvernement fédéral déclare que les pères ont un rôle à jouer. Je ne sais pas si vous le savez, mais il y a en ce moment, en mars 1998, un projet de loi devant le Congrès des États-Unis. Il s'intitule le Fathers Count Bill of 1998. On y demande des crédits de 1,9 milliard de dollars pour aider les pères.

Vous pourriez peut-être vous pencher sur ces questions. Si j'avais disposé de plus de cinq minutes, je n'aurais pas manqué d'en parler.

Si l'on n'impose pas son application, l'ordonnance judiciaire est inutile. J'ai travaillé auprès d'une cinquantaine de parents qui se sont adressés aux forces de police dans la région de Peel, de York, d'Hamilton—Wentworth, des parents de toutes origines. Au bout du compte, il n'y a pas d'application.

La police est bien gentille, mais nous devons tous savoir quelles sont les lois en la matière à l'heure actuelle, et les seules lois en Ontario... En fait, il n'y en a que deux qui s'appliquent réellement. L'une d'entre elles dispose que si vous avez une ordonnance judiciaire, la police doit la faire appliquer en Ontario.

Cela veut dire que la police va aller sur place, attendre et maintenir l'ordre. Rien ne sera fait pour l'enfant. Cela ne fait que créer davantage de conflits. On donne aux parents de faux espoirs en leur faisant croire qu'il existe quand même une loi chez nous.

Si vous sondez l'opinion publique, vous constaterez que la plupart des gens considèrent que l'on commet une forme quelconque d'infraction criminelle lorsqu'on ne présente pas un enfant, contrairement aux dispositions d'une ordonnance judiciaire. Ce n'est pas le cas.

M. Eric Lowther: Ce que vous nous dites en fait, c'est qu'il nous faut comprendre avant tout l'importance des pères, nous rendre compte que les pères ont leur rôle à jouer, ce qui nous amènera à mieux faire respecter les droits de visite. C'est exact?

M. Steven Easton: Oui. Il n'y a pas de moyen d'application à l'heure actuelle. Par conséquent, quelles que soient les lois que l'on adopte, ou les dispositions que l'on prenne, cela n'a pas d'importance. Les enfants peuvent être utilisés comme une arme, ou être emmenés loin de la province. Ce que l'on peut faire n'a pas vraiment d'importance.

S'il n'y a pas d'application... Lorsqu'on a pris des mesures, lorsqu'on s'est préoccupé de l'application aux États-Unis, on constate que les enfants ne sont pas utilisés comme des pions. Les enfants ne souffrent pas de cette situation et ils continuent à voir leurs deux parents conformément à ce qu'a ordonné le tribunal.

M. Eric Lowther: Bien, je vous remercie, monsieur Wilson.

Pouvons-nous conserver la parole au bout de la table, monsieur le président?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien sûr.

M. Eric Lowther: Merci.

M. Steven Easton: Si je comprends bien la situation, les lois sont là pour que la société fixe des limites au comportement des gens.

Récemment, nous avons fait bien des progrès en ce qui concerne la violence familiale, en fixant des limites au comportement des gens et en appliquant les lois à ce comportement. Je pense qu'il nous faut agir de même lorsqu'il y a une rupture des liens familiaux. Vous savez, si l'on veut faire respecter les droits de visite, ainsi que l'a préconisé l'autre intervenant, il convient de fixer en quelque sorte les limites du comportement de l'autre conjoint lorsqu'il refuse le droit de visite. S'il faut pour cela adopter une loi autorisant carrément à mettre cette personne en prison—éventuellement pendant un jour—ou lui imposer une amende, c'est quelque chose que pourrait éventuellement examiner un autre groupe de travail. Il faut cependant que la société fixe certaines limites dans ce domaine pour que l'on sache bien que c'est un comportement inacceptable, qu'il est inadmissible et qu'on ne peut pas le tolérer.

Une tolérance zéro du même type est déjà appliquée dans les lois qui répriment la violence familiale.

M. Eric Lowther: Vous considérez donc qu'il est préférable que ces comportements entraînent des conséquences plutôt que de rester sans conséquence comme à l'heure actuelle?

M. Steven Easton: Disons que si nous ne faisons pas en sorte que le comportement des gens ait des conséquences, nous allons devant toutes sortes de problèmes sociaux. Les lois ont pour but de créer une certaine harmonie au sein de notre société.

M. Stacy Robb: Je l'ai évoqué brièvement tout à l'heure. Je propose qu'une première sanction consiste à imposer l'assistance à des cours sur l'aliénation parentale. Cela pourrait se faire au départ lorsqu'un agent est appelé à faire appliquer une ordonnance judiciaire ou lorsqu'on refuse un droit de visite. Les services policiers pourraient très facilement citer cette personne à comparaître devant le tribunal pour s'expliquer. La première sanction pourrait consister à assister à trois jours de classe sur l'aliénation parentale. On pourrait ainsi sensibiliser la personne responsable au problème.

• 1050

Lors d'une deuxième infraction, on pourrait obliger la personne responsable à faire certains travaux communautaires. Si on lui prend une partie de son temps et si on l'envoie travailler dans l'un de nos hôpitaux, éventuellement dans l'un de nos centres qui s'occupent des enfants ayant des difficultés, je pense qu'elle se rendra vite compte de la situation.

À la troisième infraction, ce sera une peine de prison. L'étape suivante consistera à confier la garde à l'autre conjoint parce qu'il faut bien évidemment éviter que l'enfant ne soit ballotté d'une maison à l'autre chaque fois qu'un droit de visite est refusé. Je pense qu'il devrait y avoir ce genre de progressivité. Ainsi, les deux parties seraient au moins conscientes du fait que si elles ne jouent pas le jeu, elles seront sanctionnées.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Robb. Merci, monsieur Lowther.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Merci.

Je demanderai à l'intervenant qui nous dit avoir de la documentation de nous la laisser et de la donner au greffier avant de nous quitter aujourd'hui.

Je m'intéresse tout particulièrement à certaines lois qui sont déjà en vigueur, non seulement en Amérique du Nord et aux États- Unis, mais dans d'autres juridictions, et aux résultats obtenus, que l'on ait adopté ou non des moyens dissuasifs qui, vous l'avez entendu, ne donnent pas de bons résultats.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon collègue et je pense que personne au sein du groupe qui est réuni aujourd'hui ne conteste que l'intérêt de l'enfant est d'avoir accès à deux parents qui l'aiment et qui l'entourent, ainsi qu'à des grands-parents et à des frères et soeurs qui l'entourent, ce qui lui donne une impression de sécurité. Encore faut-il qu'on l'aime et qu'on l'entoure. Souvent, dans les affaires de divorce, l'enfant devient l'enjeu de la bataille entre deux personnes en colère.

J'aimerais voir apparaître une certaine formule qui encourage la médiation au nom de l'intérêt de l'enfant, le but étant de lui permettre d'avoir accès à des personnes qu'il aime et qui l'entourent—les parents, les grands-parents et les frères et soeurs. Nous devons nous pencher sur nos lois pour voir ce qui fonctionne. Si, comme je l'ai entendu, les lois sur les pensions alimentaires ne donnent pas de résultats, nous ne voulons pas répéter les mêmes erreurs en matière de droit de visite.

J'aimerais savoir si vous avez consulté des études effectuées dans d'autres pays du monde, notamment en ce qui concerne les répercussions de ces lois. Ainsi, je pense qu'en Floride on prévoit une incarcération en cas de non-paiement des pensions alimentaires. Je ne sais pas s'il y a un pendant pour les droits de visite, mais je crois savoir que ça ne marche pas très bien.

Je m'intéresse à tout ce que vous avez pu consulter. Si l'un des intervenants voulait prendre quelques minutes pour nous parler des recherches dont il a pu avoir connaissance, cela nous aiderait certainement à éviter le genre de comportement inacceptable et préjudiciable à l'enfant et à adopter en conséquence les mesures incitatives devant permettre d'atteindre l'objectif que j'ai mentionné.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous voulez dire quelque chose, monsieur Easton?

M. Steven Easton: Je n'ai malheureusement pas d'études à vous citer parce que notre secteur s'est spécialisé dans la violence familiale, notre domaine n'en étant que l'une des composantes en particulier. Je pense que c'est important.

Pour être honnête avec vous, je dois vous avouer que la plupart des pays font face à la même crise que nous. C'est un problème universel. On pourrait peut-être trouver des bouts de recherche susceptibles de nous aider. Toutefois, je juge important que nous fassions nos propres recherches parce que nous avons défini notre problème dans notre propre pays. Ce faisant, je considère qu'il est important que nous comprenions dans notre pays la complexité de ces problèmes.

Nous devons pour cela faire des recherches au Canada. Il nous faut procéder à des recherches à Toronto, à Winnipeg et ailleurs en Amérique du Nord, et plus particulièrement au Canada, pour savoir comment les choses ont évolué, quels changements ont été apportés, quelles ont été les réussites, etc.

Mme Elinor Caplan: Pensez-vous qu'il serait utile de prendre connaissance de ce qui s'est fait dans le monde entier pour nous guider dans l'élaboration de la législation puis d'en superviser l'application en effectuant les recherches dont vous nous parlez?

• 1055

M. Steven Easton: En effet. Essentiellement, nous ne faisons ici qu'étudier des questions personnelles, mais il y a un élément de recherche qu'il est important de considérer par ailleurs. Je suis tout à fait convaincu que si nous nous penchons sur ce qui se fait dans notre pays, nous trouverons des idées intéressantes et nous pourrons même éventuellement contacter certains de ces groupes ou organismes qui sont dans ces pays aux avant-postes afin de voir quels sont les effets de leur action sur leurs administrés.

Le coprésident (Roger Gallaway): Monsieur Windsor.

M. Butch Windsor: Je pense qu'il s'agit avant tout ici de volonté politique.

Si vous considérez les deux études entreprises par le gouvernement—l'une sur les questions de garde et de droit de visite et l'autre sur les pensions alimentaires—on y est allé carrément dans le domaine des pensions alimentaires. Le gouvernement a présenté un rapport très clair. Sur la question de la garde et des droits de visite, il y a eu d'excellentes recommandations, mais le rapport publié par le gouvernement à la suite de cette étude était bien hésitant. On y dressait constamment les hommes contre les femmes.

Dans l'étude qu'elle a effectuée, Judith Ryan a fait un certain nombre de recommandations et a étudié les lois adoptées dans le monde entier. Elle s'est penchée sur la Floride et, je pense, sur le Massachusetts. Elle a examiné les lois de l'État de Washington et celles de la Grande-Bretagne.

Dans l'État de Washington, on a adopté le principe des responsabilités parentales partagées. On s'est efforcé pour l'essentiel dans cet État d'éviter au maximum de recourir aux tribunaux en organisant des cours de formation et en évitant les problèmes posés par le statu quo, celui qui existe au moment de la séparation. Croyez-le ou non, mais les ordonnances judiciaires sont le reflet du statu quo au moment de la comparution devant le tribunal et, dans environ 95 p. 100 des affaires, il se poursuit jusqu'au jour de la décision définitive.

Vous avez donc les recommandations et les études. Vous ne les avez pas considérées.

Mme Elinor Caplan: Ce que je demande, en fait, c'est depuis le temps où ces recherches et ces études ont été faites, a-t-on considéré les résultats qu'ont permis d'obtenir les lois en vigueur à l'époque? C'est parce que je vous ai entendu dire, vous et d'autres intervenants, que souvent des lois adoptées avec les meilleures intentions par le législateur ne donnent pas les résultats souhaités par celui-ci.

M. Butch Windsor: En fait, j'ai bien peur que ce ne soit pas en adoptant davantage de lois que l'on puisse résoudre les problèmes. Prenez par exemple la question de l'application, il va falloir que l'agent de police se transforme en juriste, parce qu'il va devoir consulter tellement de textes de lois qu'il va finir par s'en laver les mains, ce qu'il fait aujourd'hui. Il faut que les choses soient très simples et très claires. Il ne faut pas que nous transformions tous les intervenants en experts en droit. Il faut que les choses soient bien faites.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie.

La sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen (Nouveau-Brunswick, PC): Merci.

Je suis contente que vous parliez ainsi parce que je ne veux pas non plus que vous fassiez de moi une avocate.

J'ai quelques questions à vous poser. En vous écoutant, on s'aperçoit qu'il y a un manque évident de recherche, et cela ne tient pas seulement à votre groupe, mais aussi à tous les groupes impliqués dans l'ensemble de la Loi sur le divorce. Nous demandons à consulter des recherches, et il n'y en a pas ou on ne fait seulement que commencer et je considère, par conséquent, qu'il est admirable que vous ne vous arrêtiez pas en chemin.

Je suis d'accord avec ma collègue, Mme Caplan, pour dire qu'il n'y a personne ici autour de cette table pour croire qu'un père n'a pas autant d'importance qu'une mère pour élever un enfant, et je considère que la Loi sur le divorce est biaisée en faveur des mères et au détriment des pères.

L'un d'entre vous a déclaré que le parent qui a la garde se comporte généralement en dictateur, que c'est généralement le parent qui a la garde qui est en colère, et c'est pourquoi les droits de visite sont refusés, l'enfant étant utilisé comme une arme contre le mari. Je suis sûre que certaines affaires reflètent cette réalité. Ce n'est pas vrai dans tous les cas, j'en suis certaine, mais ça l'est dans celui-ci.

Dans vos études, dans votre travail sur le terrain, avez-vous déjà eu recours à une certaine forme de gestion des conflits avant que la guerre soit déclarée? Avez-vous eu recours à une intervention précoce—vous savez, l'une quelconque des ressources qui sont disponibles à l'heure actuelle—pour que l'on n'en arrive pas à cette impasse?

M. Butch Windsor: Le meilleur exemple que je pourrais probablement vous donner—et je l'utilise constamment lorsque des gens s'adressent à notre organisation—c'est que les couples que j'ai réussi à faire passer par la médiation avant qu'ils aillent devant les tribunaux ne sont toujours pas passés par les tribunaux. Ils se tiennent bien loin des tribunaux. Ils ne veulent pas sentir monter la colère qui s'accumule progressivement à mesure que se déroule la procédure judiciaire et ils réussissent à appliquer les recommandations qu'ils ont accepté de mettre en place en compagnie du médiateur. Toutes les autres affaires se prolongent pendant des années. Je pense que vous ne trouverez pas une seule personne ici qui n'y a pas consacré au moins 10 années de sa vie.

• 1100

La sénatrice Erminie Cohen: Jusqu'à ce que la médiation soit acceptée.

M. Butch Windsor: Avant qu'ils n'aillent devant les tribunaux.

La sénatrice Erminie Cohen: Avant, au départ.

M. Butch Windsor: Oui.

M. Stacy Robb: Lorsqu'on peut passer par la médiation avant que l'une ou l'autre des parties ne s'adresse à un avocat, on obtient de bons résultats. C'est ce que j'ai pu constater. C'est ce qui se passe lorsqu'un couple vient nous dire qu'il veut divorcer, qu'il aimerait établir un accord de séparation et qu'il nous demande d'établir les documents nécessaires. Nous disons immédiatement aux deux conjoints que s'ils passent par les tribunaux, cela va représenter le coût des études qu'ils pourraient payer à leurs enfants. Si nous réussissons à leur faire comprendre toute l'ampleur des coûts, nous obtenons des résultats. Sinon...

M. Dale Kerton: Si je prends mon cas personnel, j'ai essayé par tous les moyens de parvenir à une médiation, mais l'autre partie, qui n'avait pas besoin de collaborer ou à qui l'on ne conseillait pas de collaborer, sachant que le système lui en donnerait bien davantage, a choisi de suivre toute la procédure prévue par le système, et avec un grand profit. L'objectif est bien entendu de recourir à la médiation avant de voir un avocat et, avec un peu de chance, on peut probablement réussir.

La sénatrice Erminie Cohen: J'ai une autre question à vous poser. Je m'inquiète surtout au sujet des pères qui n'ont pas les moyens d'apporter une aide financière parce qu'ils ont perdu leur emploi ou en raison de la situation qui est la leur. Comment les pères qui sont pauvres vont-ils pouvoir recourir aux tribunaux et faire respecter les droits de visite prévus par une ordonnance alors qu'ils ne peuvent pas se payer un avocat, qu'ils n'ont pas les moyens de se prévaloir de certaines ressources qui sont disponibles, ou encore qu'ils habitent dans un studio?

M. Steven Easton: Le problème, dans ce cas, c'est qu'il faut recourir à un procès civil, ce qui implique que des milliers de dollars vont devoir être engagés pour payer des avocats et financer l'industrie du droit de la famille. Cela signifie que le père doit agir lui-même au lieu que la société reconnaisse la nécessité d'intervenir.

Si l'on érige ce genre de comportement en infraction criminelle, la police peut alors intervenir. La police m'a déclaré qu'elle n'intervenait pas dans les affaires civiles. Il n'y a que des dispositions législatives très restreintes, telles que celles du paragraphe 36.2 de la Loi portant réforme du droit de l'enfance, qui font intervenir la police. En faisant de cette question une affaire pénale, ça devient alors un enjeu pour la société, une forme de mauvais traitement et d'enlèvement d'un enfant—ce que c'est en réalité.

Par conséquent, si vous décidez qu'il en est bien ainsi et que notre société reconnaît que l'enfant a besoin d'être avec son père et sa mère, suivant le cas—mais généralement cela concerne le parent qui n'a pas la garde, en grande majorité le père—les parents n'auraient pas besoin d'aller se représenter devant les tribunaux et de dépenser des dizaines de milliers de dollars pour essayer de faire appliquer cette mesure.

Nous avons ici un homme dans cette salle qui a dû s'y reprendre à 30 reprises, je dis bien 30, sans qu'un juge fasse quoi que ce soit. Cette affaire a dû faire la première page du Toronto Sun avant que finalement la mère soit mise en prison pendant deux jours. Depuis lors, elle a fait ce qu'elle a voulu devant le tribunal. Vous pouvez voir dans la transcription qu'elle a carrément déclaré au juge: «Il ne verra jamais l'enfant». Elle l'a dit ouvertement devant le tribunal. Voilà le genre de choses qu'on peut voir. Lisez les transcriptions. Je vous les ferai parvenir. C'est un manque de respect incroyable. On ne le souffrirait pas dans tout autre domaine du droit. C'est comme s'il s'agissait d'une chose sacrée. Tout ce que la mère dit doit être accepté et on ne peut pas en fait aller contre, même si elle se moque de la société et si elle porte préjudice à ses enfants.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Une dernière réponse, maintenant.

M. Butch Windsor: Je voudrais répondre à votre question au sujet du studio. Les temps sont durs aujourd'hui sur le plan économique. Les familles doivent faire des choix difficiles. Nous devons sensibiliser les pères qui s'adressent à notre organisation au fait qu'ils ne peuvent plus se permettre en tant que parents célibataires ce qu'ils se permettaient au sein d'une famille.

Allez à Toronto dans les immeubles et vous verrez combien de familles habitent des appartements d'une chambre avec trois ou quatre enfants alors qu'une personne ou un père divorcé ne sont plus autorisés à le faire. Que sont devenus nos principes? Comment en est-on arrivé à oublier qu'il fallait les deux parents pour prendre des décisions au sujet de l'enfant lorsque nous examinons aujourd'hui les affaires devant les tribunaux?

La sénatrice Erminie Cohen: Merci. Je voulais que cette réponse soit consignée dans notre procès-verbal. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame la sénatrice.

[Français]

Madame St-Hilaire.

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): J'aimerais tout d'abord remercier les témoins pour leur présentation. Pour faire suite aux propos de ma collègue Mme Cohen, j'aimerais demander à MM. Robb et Wilson de nous faire parvenir des copies de leurs mémoires si cela est possible.

Vous avez soulevé plusieurs questions et parlé des hommes violentés. S'il existe des statistiques relatives aux hommes violentés, en termes de chiffres ou de pourcentages, j'aimerais les connaître.

• 1105

Vous avez parlé de retirer les tribunaux. Que suggérez-vous comme solution de rechange? Il y a la médiation, mais en cas de conflit, que fera-t-on si on retire les tribunaux?

Monsieur Easton, vous avez recommandé la création d'un ministère de l'enfance et de la famille. En quoi cela pourrait-il aider les hommes violentés?

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Sans qu'il y ait un ordre en particulier, nous donnerons la parole à M. Easton.

M. Steven Easton: Excusez-moi, je n'ai pas saisi la totalité de l'échange avant de mettre les écouteurs. Par la suite, je pense que la question portait sur les statistiques liées à la violence familiale contre les hommes.

Mme Caroline St-Hilaire: Oui.

M. Steven Easton: Notre recherche provient de nombreuses études faites sur le terrain, généralement par les universités ayant étudié un échantillon pris au hasard de différentes populations. Ces études ont été faites dans les universités de Calgary, de Winnipeg, de North Carolina et de South Carolina.

En différents points de l'Amérique du Nord, on a relevé des statistiques qui sont bien franchement surprenantes. Les études sur la violence familiale dont nous disposions jusqu'à présent nous indiquaient qu'il y avait 95 p. 100 de mauvais traitements envers les femmes et 5 p. 100 envers les hommes, ce qui n'est pas corroboré par ces nouvelles études. Celles-ci nous indiquent que les pourcentages sont égaux dans les cas de violence familiale. Les chiffres sont toujours les mêmes dans ce genre de cas, même si l'on considère des familles ayant une structure différente, comme dans le cas des familles dont les deux conjoints sont de même sexe.

Ce que nous indiquent en fait les enquêtes sociales que nous avons pu analyser jusqu'à présent, c'est qu'en tant qu'êtres humains nous sommes tout aussi capables d'infliger des mauvais traitements à autrui. Il suffit d'avoir la bonne motivation.

Tout dépend de la façon dont vous prélevez vos statistiques. Je considère toutefois que les plus fiables sont celles qui s'appliquent à des échantillons de population pris au hasard. Nous avons différents groupes de sondage qui servent pendant les élections parce qu'ils reflètent généralement assez bien la société dans laquelle nous vivons à un ou deux pour cent près. Toutes ces études nous indiquent qu'il y a un cas sur cinq de violence familiale dans les foyers, 50 p. 100 environ envers les hommes et 50 p. 100 envers les femmes.

Mme Pauline Green: Pour ce qui est de l'éventualité de retirer aux tribunaux les questions de droit familial, nous venons d'instituer en Ontario une commission chargée d'administrer la Loi sur les locations immobilières. Les responsables vont avoir une formation spéciale en droit sur les locations immobilières.

Nous pourrions envisager ici quelque chose de similaire et faire en sorte que des médiateurs et des travailleurs sociaux interviennent pour que la procédure soit plus conciliatoire et moins contradictoire. Nous pourrions sensibiliser les gens aux problèmes.

En tant qu'avocate, j'ai constaté la même chose que les autres intervenants. Lorsqu'on réussit à faire en sorte que les gens passent par la médiation ou par des services de consultation avant de voir un avocat, on a bien plus de chances qu'ils règlent la situation entre eux sans se lancer dans de longues batailles qui portent préjudice aux enfants.

M. Stacy Robb: Nous étions aussi cités dans un article de l'Ottawa Citizen il y a quelque temps. Un professeur de droit de la vallée de l'Outaouais—je ne me souviens pas de son nom—y laissait entendre que l'on avait besoin d'un comptable, d'un psychologue contribuant à préciser tous les détails, ainsi que d'un juge, simplement pour que l'ordonnance soit définitive.

M. Grant Wilson: Je suis victime de violence familiale. Après notre rupture, mon ex-femme a fait irruption chez moi. Elle m'a sauvagement agressé. Elle a été reconnue coupable de m'avoir agressé. Aucune peine ne lui a d'ailleurs été infligée. J'ai eu une dent endommagée. J'avais le nez et la joue qui saignaient. J'ai eu le poignet coupé. J'ai eu de grosses meurtrissures sur tout le corps. La police est venue la sortir de chez moi. C'était trois semaines après que ma fiancée est venue emménager chez moi avec les enfants.

Elle est bien plus petite que moi et je n'ai fait usage que d'une force minimale pour essayer de la maîtriser. Il est très difficile d'expliquer aux gens ce qui s'est passé parce que nombre d'entre eux me disent qu'un homme comme moi, qui a joué au football et au hockey au collège, aurait pu massacrer cette femme. Ils affirment qu'un ou deux coups de poing au visage lui aurait probablement définitivement arrangé le portrait.

Donc, comment quelqu'un peut-il en arriver à ces extrémités? Disons que c'est sous le coup de la colère. Elle savait que je ne ferais qu'un usage minimum de ma force. Elle était totalement hors d'elle et elle est entrée de force chez moi.

• 1110

J'ai étudié ces questions par intérêt personnel et j'aimerais vous signaler un très court article qui est paru dans le Journal of the American Medical Association le 27 août 1997. Cet article porte sur les hommes battus. En fonction de l'indice de mauvais traitements infligés au conjoint qui résulte de cette étude, on y estime que parmi les patients, 19 p. 100 des femmes et 20 p. 100 des hommes ont été victimes récemment de violence physique familiale. On y conclut en disant qu'il est éventuellement plus réaliste de considérer que la violence est de nature générale plutôt que de partir du principe que seules les femmes en sont victimes. Les chercheurs ont rédigé un article dans les Annals of Emergency Medicine de ce mois. Je me ferais un plaisir de vous en donner une copie.

Il y a des gens dans notre société... Il y avait davantage de violence dans mon cas avant que nous nous séparions, soit qu'elle me crache à la figure, soit qu'elle ait recours à autre chose... à elle, je ne lui ai jamais fait ce genre de choses. Je n'ai jamais été accusé d'être violent, elle ne m'en a même jamais accusé devant les tribunaux pour me séparer de mes enfants. À l'époque, nous avions une garde partagée avec des périodes de résidence égales. Elle habitait juste à quelques pas de chez moi.

Ce sont donc des choses qui arrivent et la difficulté, lorsqu'on en parle, c'est que les hommes considèrent avant toute chose qu'ils doivent «se comporter en homme et accepter leur sort». Pour ne pas ruiner la relation, on ne s'adresse pas à la police, on dit qu'elle était en colère. Elle était en colère, les femmes sont émotives... c'est ce que l'on a tendance à penser. Voyez jadis, un homme battu par sa femme pouvait être placé sur un âne et promené sur la place publique pour que tout le monde sache bien que c'était un être inférieur, un homme qui n'était pas à la hauteur.

Nous devons nous débarrasser de ces préjugés et nous pencher de manière réaliste sur les questions, faire de bonnes recherches et éventuellement financer tous les groupes de parents et non pas simplement ceux qui s'occupent des questions des femmes, dans le but de connaître la réalité pour que les hommes et ceux qui s'occupent des droits des enfants s'en fassent une bonne idée, toutes ces questions étant examinées avec l'aide d'un personnel permanent disposant de suffisamment de temps pour en discuter et faire des recherches.

Tous les gens qui sont ici, moi y compris, ont consacré beaucoup de temps à ces questions. Il me faut gagner ma vie. Je dois faire vivre mes enfants. J'ai trois filles.

Je vous précise d'ailleurs, à titre d'information, qu'en 1971 j'ai suivi un cours d'étude sur les questions féminines au collège Sheridan d'Oakville et que j'ai obtenu un B.

Des voix: Oh, oh.

Des voix: Bravo!

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Windsor, vous avez le dernier mot.

M. Butch Windsor: Vous avez évoqué la possibilité de résoudre ces questions sans passer devant les tribunaux. J'imagine que l'on part ici essentiellement du principe que les deux parents sont concernés. C'est uniquement la loi qui a créé ce problème en favorisant l'affrontement entre les deux parties. L'étude Ryan mentionne le fait que nous utilisons des termes comme ceux de garde ou de droit de visite qui datent d'un point de vue historique et qui n'ont aucune pertinence sur la question des enfants. Il est dommage que vous ne l'ayez pas examinée. Vous ne vous êtes pas penché suffisamment sur cette étude et l'on n'en a jamais parlé depuis sa publication en 1989.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui, madame Cools, excusez-moi. Vous voulez poser une question?

La sénatrice Anne Cools: Si je peux interrompre un instant le témoin, pourriez-vous nous donner le nom de cette étude—je crois que l'auteure en est Judith Ryan—que vous venez de citer? Vous en connaissez le titre?

M. Butch Windsor: Non, je ne l'ai pas ici.

La sénatrice Anne Cools: Bon. L'attaché de recherche de notre comité pourra peut-être essayer de le retrouver. C'est une étude très connue.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi. Vous pouvez poursuivre.

M. Butch Windsor: J'ai terminé.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Pour ce qui est maintenant des dernières questions—nous avons déjà dépassé le temps prévu—une rapide question, d'abord par M. Szabo, puis par la sénatrice Cools.

M. Paul Szabo: En Alberta, on a lancé à Edmonton un projet pilote de recours obligatoire à des services de consultation avant que ne soit prononcé le divorce. Je crois savoir qu'en Colombie- Britannique, le procureur général vient d'annoncer des programmes pilotes à Burnaby et dans une autre localité. Par ailleurs, en Ontario, nous avons normalement une médiation obligatoire dans les affaires civiles, mais pas en droit de la famille. Il m'apparaît que les seuls gagnants ici, si l'on en croit votre expérience, ce sont les avocats.

Des voix: Bravo!

M. Paul Szabo: Et je me demande, étant donné que cette affirmation semble avoir ses partisans...

Des voix: Oh, oh.

M. Paul Szabo: ...qu'il soit temps que nous cessions de nous battre devant les tribunaux et que nous suivions, je pense, les conseils des gens, des parents qui aiment leurs enfants et qui en prennent soin: essayons de travailler ensemble dans l'intérêt de nos enfants.

Des voix: Bravo!

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne sais pas si quelqu'un veut apporter rapidement une réponse.

• 1115

M. Stacy Robb: À la Section générale de la Cour de l'Ontario, au 393 University Avenue, on vient justement d'instituer une nouvelle procédure en vertu de laquelle toute nouvelle affaire qui passe devant ce tribunal, avant d'être déférée devant le juge, doit être examinée par un procureur chevronné, qui est chargé de représenter les deux parties en présence. On y vient donc, mais uniquement devant ce tribunal en particulier.

Ainsi, devant les tribunaux de Brampton, les règles sont complètement différentes. Devant le tribunal d'Oshawa, là encore les règles diffèrent totalement, mais il y a quand même cette nouvelle procédure qui vient d'être instituée au 393 University Avenue. Il n'y a pas de rôle pour ce qui est des procès civils et l'on passe maintenant par la gestion des dossiers et par la médiation.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Wilson.

M. Grant Wilson: Il serait peut-être bon que vous vous penchiez sur le programme du comité de Dade, en Floride, qui est en place, je crois, depuis plus de cinq ans et qui a beaucoup de succès. Aux termes de ce programme, les parents qui veulent aller en justice doivent auparavant suivre certains cours sur les responsabilités parentales après le divorce dans un collège communautaire. Ces cours obtiennent un excellent taux de satisfaction de 85 p. 100 de la part des parents. Ils sont obligatoires si l'on veut pouvoir intenter des poursuites. C'est une formule bien utile lorsqu'on veut privilégier l'intérêt de l'enfant et savoir quels sont les enjeux le concernant, comment prendre les choses en main, quel peut être le préjudice causé, etc., et en quoi consiste le syndrome de l'aliénation parentale. De nombreuses matières sont traitées et si nous avions davantage de crédits de recherche nous pourrions en faire la liste complète, dépouiller les résultats et les publier.

Mme Pauline Green: Je suis d'accord avec M. Szabo pour dire qu'il faut s'éloigner des avocats. En tant qu'avocate, j'ai bien d'autres choses à faire que de m'occuper de droit de la famille.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Easton.

M. Steven Easton: Je considère qu'il est scandaleux que la common law, qui part du principe que tout le monde a accès à la justice, se soit dans la pratique dégradée au point que nous ne savons même plus déposer une motion, les gens ne peuvent plus se présenter devant les tribunaux, ce n'est pas pratique pour le justiciable, et on a besoin d'un avocat pour suivre les arcanes de la procédure. Voilà qui me paraît en soit inadmissible.

Il y a une question qui a été posée de ce côté-ci tout à l'heure au sujet de tout ce qui entoure la médiation et du fait qu'il faudrait éventuellement procéder en trois étapes, tout simplement pour faire en sorte que les gens se calment progressivement.

Pour répondre à la question que vous avez posée au sujet du ministère préposé à l'Enfance et à la Famille, on pourrait éventuellement recommander la création d'un bureau des médiateurs familiaux qui permettrait au départ d'entreprendre une médiation pour que les gens puissent se calmer, prendre en quelque sorte du recul vis-à-vis d'un système axé sur la confrontation, puis de chercher progressivement à résoudre les problèmes, éventuellement en modifiant légèrement le mandat officiel du Bureau de l'avocat des enfants pour qu'il entreprenne la négociation dans l'intérêt des enfants pour ensuite, si cela ne donne pas de résultat, de faire en sorte que l'affaire soit renvoyée devant une commission d'évaluation, et enfin, si l'on n'obtient toujours pas de résultat, de traduire finalement l'affaire devant les tribunaux.

En procédant ainsi, on prendra au moins le temps de régler l'affaire avant qu'elle ne passe devant les tribunaux, parce que j'ai pu constate qu'une fois qu'elle en arrive là, c'est un véritable déchaînement de passions et on ne peut plus trouver de solution.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie.

La sénatrice Cools va poser la dernière question.

La sénatrice Anne Cools: Je me rends compte que le président s'efforce de vous donner à tous satisfaction et que nous avons légèrement dépassé le temps qui nous était imparti, et il faudrait peut-être que j'en profite ici pour vous remercier tous, non seulement pour les exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui, mais pour avoir réussi à surmonter les peines et les inquiétudes par lesquelles vous êtes passé. Je suis heureuse que toutes ces questions aient fini par être abordées.

Je sais que nombre d'entre vous auraient aimé disposer de plus de temps pour présenter leur exposé, mais laissez-moi vous dire que notre comité reçoit des centaines de demandes de comparution.

Je tiens à vous remercier tout à fait personnellement et vous n'ignorez pas que j'ai déjà parlé à chacun d'entre vous à un moment ou à un autre. Il faut aussi bien voir que vous êtes tous des bénévoles et que vous avez dû vous absenter de votre travail pour venir ici. Vous ne touchez pas un sou pour tout ce que vous faites; c'est un travail absolument bénévole.

Afin que les deux affaires soient consignées dans notre procès-verbal... Et je vous incite à nous communiquer les affaires dont vous avez connaissance. Envoyez-nous une copie de la jurisprudence, chaque fois qu'elle vous tombe sous la main. Je tiens toutefois à citer, pour appuyer l'examen de M. Wilson, qui a été personnellement attaqué sur le plan physique, l'affaire Toby Mutka. La femme de Toby Mutka lui a planté un couteau de boucher dans la poitrine, l'enfonçant de six pouces, et pourtant il doit quand même verser 1 500 $ par mois de pension alimentaire à l'épouse qui l'a agressé. Je ne connais pas d'autre cas au monde où quelqu'un soit tenu de payer son agresseur.

• 1120

Je pense que Mme Bennett voudrait dire quelque chose.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.

Mme Carolyn Bennett: Là encore, madame la sénatrice, je pense que lorsqu'on reçoit des groupes, il est important de leur poser des questions. Il y a peut-être un moment...

La sénatrice Anne Cools: Excusez-moi, madame Bennett. C'est Grant Wilson qui m'a fait part de l'affaire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Laissez-lui poser sa question.

Mme Carolyn Bennett: J'ai rapidement deux questions à poser.

On nous parle constamment de ce qui se fait dans les autres pays. Le mot de garde lui-même implique qu'il y a un gagnant et un perdant et les droits de visite ne viennent que corroborer cette réalité. Si l'on pouvait en fait ne plus parler de garde et nous référer dès maintenant à une responsabilité parentale partagée ou à des projets parentaux, nous pourrions peut-être avancer en terrain nouveau plutôt que d'essayer d'aménager une situation qui est mauvaise. Au moment où nous nous préparons à formuler la législation, je me demande si vous auriez des conseils à nous donner.

Nous avons entendu tout à l'heure les responsables du Bureau de l'avocat des enfants, et j'ai pu constater par expérience que de même que vous ne pouvez pas accéder aux services du Bureau de l'avocat des enfants, bien des pères dont je m'occupe dans mon travail ne pourraient même pas se payer une évaluation psychologique pour savoir ce qui est dans l'intérêt des enfants. Si on n'a pas les moyens de se payer une évaluation psychologique permettant de déterminer quel est l'intérêt de l'enfant, les préjugés actuels vont encore s'imposer.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

Mme Pauline Green: Très bien. La formulation, nous avons effectivement besoin de la changer. Dans mon travail, bien des gens qui s'adressent à moi ne savent même pas ce que signifie la garde. La garde est un simple mot qui recouvre un grand nombre de responsabilités et de droits. Nous devrions peut-être employer une formulation plus complète que les gens comprennent mieux. Je pense que la formule «responsabilités parentales» est bien meilleure. Par conséquent, il faut effectivement changer la formulation.

M. Stacy Robb: Plutôt que d'entamer la procédure avec la formulation «on requiert une ordonnance contre vous», j'aimerais que l'on dise: «on requiert une ordonnance au bénéfice de vos enfants». On éliminerait ainsi les mentions hostiles. Quant aux évaluations, je ne leur fais pas vraiment confiance, qu'elles soient psychologiques ou autres. À l'heure actuelle, le mécanisme d'évaluation en Ontario n'a pas véritablement de mordant; aucune instance ne s'en occupe.

Le Collège ontarien des travailleurs sociaux agréés est la seule instance chargée de protéger le public contre les évaluateurs qui font preuve d'un manque d'éthique, et il n'a aucun pouvoir. Il n'existe aucun paramètre normalisé d'évaluation qui précise qu'un travailleur social hospitalier qui procède à une évaluation doit étudier telle ou telle chose. Ça n'existe pas.

Lorsqu'on cherche à se plaindre du travail d'un évaluateur, lorsqu'on peut mettre la main sur lui, lorsqu'on réussit à prouver qu'il a menti, rien ne se passe. Dans l'intervalle, sept ans se sont écoulés et qui va alors corriger ce qu'a fait l'évaluateur? Personne.

J'aimerais ajouter une dernière chose compte tenu de tout ce que j'ai vu. Je viens d'une famille divorcée. J'ai maintenant 42 ans et aucun responsable de la justice n'est jamais venu me demander: «Est-ce que nous avons bien réglé votre affaire, M. Robb?»

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Wilson.

M. Grant Wilson: Je recommande entre autres que nous ayons un système judiciaire totalement différent, les juges étant payés la moitié ce qu'ils gagnent actuellement et n'étant pas des avocats. Il faudrait qu'ils aient une certaine formation juridique, une certaine formation dans le domaine de la médiation et de la résolution des conflits. Il faudrait qu'ils soient bien plus jeunes et soient eux-mêmes de bons parents.

La salle d'audience devrait s'apparenter davantage à une maison. Il y aurait une table ronde, ou pas de table du tout, avec des chaises disposées en cercle. Il y aurait davantage d'échanges avec le juge. Les questions seraient posées directement aux parents pour qu'ils ne puissent pas se cacher derrière leurs avocats ou se laisser influencer par eux. Ils pourraient en fait poser des questions au juge, ce dernier pourrait s'entretenir avec eux et tirer profit de leur témoignage, si c'est le mot que l'on veut employer.

La procédure serait moins intimidante et on insisterait moins sur les questions juridiques que sur la médiation en essayant de faire en sorte que les intéressés se dotent ensemble d'un projet. Les gens auraient accès au tribunal et ne seraient pas obligés d'attendre pendant des mois pour des questions de procédure ou autres. Si ce n'est pas la première semaine, on pourrait passer la deuxième semaine, les parents se retrouvant devant un juge qui n'est pas là simplement pour s'exprimer dans un jargon juridique et s'occuper uniquement des questions de droit.

• 1125

Mme Carolyn Bennett: On nous dit aussi qu'il est très important d'avoir à chaque fois le même juge dans la gestion du dossier...

M. Grant Wilson: C'est dans le même esprit, repasser devant le même juge, etc. À l'heure actuelle, il y a des décisions prononcées par la section générale de Mississauga ou de Brampton qui le sont par des juges qui ne parlent même pas aux parents et qui se prononcent en moins de 45 minutes. Les parents n'assistent même pas nécessairement à l'audience. Il n'y a pas de témoins, uniquement des déclarations assermentées. Pourtant, on va prononcer là une ordonnance provisoire, qui va décider pour toujours de la garde de ces enfants parce qu'il n'y a qu'un très faible pourcentage d'affaires qui passent en procès lequel, d'ailleurs n'interviendra que quatre ans plus tard.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Windsor, je pense que vous allez avoir le dernier mot.

M. Butch Windsor: En 1985, John Crosbie a déclaré au cours des audiences du Comité de la justice qu'il n'était pas nécessaire de se montrer équitable envers les deux parents et d'éliminer la présomption générale de garde en faveur de la mère en raison du principe de protection de l'enfant dans son jeune âge. Cinq ans plus tard, les juges continuaient à employer cette terminologie.

Pour répondre à votre question, je dirais que l'on peut changer la formulation, mais qu'il faut aussi changer les comportements, et cela signifie qu'il ne faut plus confier les affaires aux tribunaux, parce que les juges, c'est ainsi que s'est décrit un d'entre eux, sont tournés vers le passé... Sinon, il nous faut adopter des lois conçues de manière à engager la responsabilité des juges qui agissent ainsi.

C'est pourquoi je recommande que nous enregistrions sur bandes vidéo les audiences devant les tribunaux. Les juges font ce qu'ils veulent de nos jours, les transcriptions sont modifiées, c'est un scandale. Ils ne cherchent qu'à se protéger au détriment des enfants qu'ils disent vouloir aider.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Je vous remercie tous d'être venus ici aujourd'hui. Je sais que c'est votre temps que vous donnez. Nous avons eu une séance plutôt animée. Une séance intéressante. Il y a même eu de l'animation, comme vous avez pu le constater, de ce côté-ci de la table. Je tiens également à vous faire remarquer, parce que je suis d'accord avec M. Lowther, que l'on demande beaucoup au comité, pour ce qui est des témoins. Là encore, je vous demande de m'excuser de vous avoir imposé des limites de temps. Je tiens également à vous dire, ainsi qu'à ceux qui sont ici, que nous recherchons des façons d'entendre davantage de témoins. Cela va peut-être nous amener à nous scinder en petits groupes mais nous ne voulons pas vous écarter; nous souhaitons entendre toutes les personnes qui veulent témoigner. Merci encore d'être venus.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons changer les places.

• 1127




• 1134

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'aimerais reprendre.

Je rappelle aux témoins que nous ne tenons pas seulement compte de votre intervention orale et que nous examinons également les mémoires et les autres documents. Cela vous permettra peut-être de résister à la tentation de lire votre mémoire, sachant que, de toute façon, nous allons obtenir ces renseignements et que, la période des questions aide beaucoup les membres du comité à mieux comprendre certaines questions. Nous avons également décidé de déborder un peu sur l'heure du repas de sorte que nous n'allons pas vous demander de sortir à midi. Nous allons essayer de vous donner le même temps de parole qu'aux autres.

• 1135

Mme Elinor Caplan: Madame la présidente, j'aimerais signaler, avant que les témoins ne commencent, que j'ai un rendez-vous et que je devrai quitter rapidement la salle à midi. Je ne voudrais pas que l'on pense que j'ai accepté ce rendez-vous parce que le sujet ne m'intéressait pas. Je dois me trouver dans ma circonscription à une heure et je vous prie à l'avance de bien vouloir m'en excuser.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Et ce n'est pas parce qu'il y a des gens qui entrent et qui sortent qu'ils n'écoutent pas ce que vous dites. Tout cela est consigné et il existe plusieurs façons de prendre connaissance des témoignages.

J'aimerais souhaiter la bienvenue ce matin à M. Bryan Smith, de Bastedo, Stewart and Smith, à M. Richard Gaasenbeek, de Guyatt & Gaasenbeek, et à M. How de W. Glen How & Associates.

M. W. Glen How (W. Glen How & Associates): How, et M. Burns.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Et M. Burns.

Avez-vous décidé qui allait commencer?

M. Richard Gaasenbeek (Guyatt & Gaasenbeek): J'aimerais revenir sur un aspect qui a été abordé, il y a un instant, à savoir que l'on a beaucoup, comment dire, critiqué le travail des avocats. C'est avec une certaine appréhension que je vous avoue être avocat. Cela fait 37 ans que je pratique le droit en Ontario. J'aimerais vous décrire un incident qui s'est réellement produit et qui concerne des avocats. L'atmosphère de ces audiences a été assez triste et je vais vous raconter un incident comique, ce qui ne fera pas de mal.

Je défendais un mari qui avait fait beaucoup d'efforts pour se réconcilier avec sa femme et il avait, notamment, écrit une série de lettres dans lesquelles il disait, et je cite: «Si tu pouvais te débarrasser de ce c... d'avocat, on arriverait peut-être à sauver notre mariage».

J'avais lu ces lettres et je n'avais pas pensé qu'elles pourraient être présentées au tribunal. L'affaire est allée en procès. Mon client est à la barre des témoins et il a fini de témoigner. C'est maintenant mon adversaire qui le contre-interroge et qui essaie de présenter ces lettres en preuve, malgré mes objections, parce qu'elles faisaient partie des démarches faites pour en arriver à un règlement, mais le juge déclare: «Non, non. Je ne leur accorderai peut-être aucune importance. Présentez-les, je pourrai toujours les écarter.»

Mon client est donc toujours à la barre et l'avocat lui présente une de ces lettres. Il lui demande «Avez-vous écrit cette lettre?». «Oui». «C'est bien votre écriture?» «Oui». «Et vous l'avez signée?» «Oui». «Vous me traitez de c... d'avocat?» «Oui». L'avocat lui demande alors: «Eh bien, est-ce qu'elle reflète bien ce que vous pensiez?» Mon client s'adresse au juge et lui dit: «Monsieur, je suis assermenté. Dois-je répondre à cette question?»

Des voix: Oh, oh.

M. Richard Gaasenbeek: Vous voyez qu'il n'y a pas que des choses tristes dans ce genre d'affaire.

Vous avez mon mémoire. Je ne vais pas vous le lire en entier parce que j'ai été trompé. Je croyais que j'allais parler de 11 heures à midi, c'est-à-dire pendant une heure, et j'ai préparé un exposé d'une heure. Je sais que je ne dispose pas d'une heure mais de seulement cinq minutes.

Je vous invite à le lire pour qu'on ne dise pas que les avocats sont des sans-coeur, et qu'ils n'ont pas de conscience. Je vous recommande ce mémoire parce que j'avais déjà constaté il y a sept, huit ou neuf ans que les ordonnances d'accès étaient inapplicables et que j'avais induit un client en erreur en lui affirmant que je serais en mesure de lui garantir ses droits de visite alors que j'aurais dû savoir que ce n'était pas possible. Je me suis senti coupable pendant un moment, parce que je lui avais laissé espérer qu'il pourrait revoir sa fille alors que j'aurais dû savoir qu'il était impossible de faire respecter ces droits de visites.

Plein de remords, j'ai présenté des observations écrites au tribunal en disant «Regardez, tout cela n'est qu'une farce. Je ne veux pas que cela soit consigné au procès-verbal. Ne me demandez pas de participer à cette mascarade en sachant très bien qu'on risque de m'accuser d'outrage au tribunal.» Ces observations sont jointes à mon mémoire. Elles ont très rapidement disparu du dossier du tribunal. Je me demande pourquoi?

J'ai été accusé d'outrage au tribunal pour des questions de conscience. Je n'avais rien à reprocher au juge, mais plutôt au système. J'ai finalement trouvé le moyen de m'en sortir parce que j'étais dans la cinquantaine avancée et je ne voyais pas ce que je pourrais faire d'autre que pratiquer le droit? Personne ne veut de conducteurs de camions de 50 ans même s'ils gagnent probablement plus que moi.

Si vous voulez bien passer à la page 15 de mon mémoire, mon argument fondamental est le suivant: la rectitude politique est en train de détruire le système, elle est en train de détruire la société.

• 1140

Les sociétés démocratiques sont fondées sur l'existence de relations de confiance et de collaboration entre les citoyens et la police, comme A.P. Herbert l'a dit dans une de ses oeuvres, je ne l'ai pas inventé. Mais c'est une vérité fondamentale. Si les policiers n'ont pas la confiance des citoyens, la société ne peut que se détruire.

J'ai survécu à la Deuxième Guerre mondiale. J'ai habité pendant cinq ans en Hollande au moment de l'occupation. Lorsque les Allemands sont arrivés, c'est la Gestapo qui a pris en main les services de police et pendant les cinq années suivantes, la police hollandaise n'a joué aucun rôle.

Je crois que c'est la même idée qui est à la base de l'affaire O.J. Simpson, qui découle directement de l'affaire Rodney King. Cette affaire montre qu'en matière de violence raciale, il y a des services de police dans un pays pas très loin d'ici qui ont le droit de battre les Noirs lorsqu'ils en ont envie, et ce, impunément et en bénéficiant même d'une immunité parce qu'aucun d'entre eux n'a encore été déclaré coupable de quoi que ce soit, alors qu'il y avait des preuves irréfutables: Rodney King a été battu brutalement.

Dans de telles circonstances, comment un Noir pourrait-il avoir confiance dans la société? Je vais vous lire un document, qui est joint à mon mémoire, pour vous montrer jusqu'où cela peut aller. Il s'agit de la façon dont les policiers doivent réagir en cas d'incidents violents entre Blancs et Noirs. Ce document se lit ainsi:

    Pour lutter efficacement contre le grave problème que constituent les agressions commises par des Noirs sur des Blancs dans nos collectivités [...] les policiers qui sont les travailleurs de première ligne du système judiciaire et le service avec lequel la victime communique bien souvent en premier, ont le devoir de répondre de façon efficace aux besoins immédiats et à plus long terme des victimes blanches, tout en faisant comprendre aux contrevenants

—les Noirs—

    que la société ne tolère pas la violence.

Le thème central de ce document, qui est long, il a 11 pages, est que les Noirs battent les Blancs mais que les Blancs ne battent jamais les Noirs.

À la page deux:

    Les policiers doivent porter des accusations dans tous les cas d'agression commise par un Noir sur un Blanc lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le faire.

À la page quatre:

    Les policiers doivent répondre à tous les appels concernant les agressions commises par des Noirs sur des Blancs, y compris aux appels émanant de tiers [...]

Tout le monde peut dénoncer un Noir.

À la page six:

    Pour déterminer s'il existe des motifs raisonnables, le policier doit tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment: les déclarations orales de la victime blanche, les lésions corporelles ou autres preuves matérielles concernant l'infraction.

On ne mentionne pas que les policiers devraient s'intéresser à ce que dit l'agresseur noir. Cela ne compte pas. Cela n'importe pas. Ce n'est pas pertinent. Et cela continue.

Vous ne l'avez pas lu parce que je ne pense pas que les mémoires vous soient déjà parvenus mais il a été envoyé la semaine dernière. Vous le recevrez.

La sénatrice Erminie Cohen: Nous l'avons.

M. Richard Gaasenbeek: Oh, vous l'avez. Très bien.

Eh bien ce n'est pas dans votre document parce que cela est nouveau. Mesdames et messieurs, ce document est un faux. C'est moi qui l'ai préparé mais ce n'est pas totalement de la fiction. C'est une copie littérale du Manuel des policiers qui a été préparé ici dans notre province de l'Ontario. Le seul changement que j'y ai apporté est de remplacer le mot femme par Blanc et le mot homme par Noir. Voici des copies du document original, c'est-à-dire une photocopie, du 13 janvier 1994, qui, cela ne me surprendrait pas, est sans doute encore plus répressif aujourd'hui.

Je vous demande sincèrement de m'excuser de vous avoir trompé mais je voulais démontrer quelque chose et je crois que j'ai réussi. Voilà qui en dit long sur la situation dans notre province.

Madame la présidente, voici des copies. C'est un policier de mes amis qui me les a remises il y a quelques années. Je vous invite à lire. Cela est scandaleux. Cela est choquant. Cela va à l'encontre de la présomption d'innocence. Ils ont créé une présomption de culpabilité parce que la version politiquement correcte de la réalité, mesdames et messieurs, est que les hommes sont des êtres violents, libidineux, irresponsables et égoïstes et que les femmes sont toutes des saintes.

• 1145

Tout comme O.J. Simpson a été acquitté, je ne sais pas s'il était coupable ou non mais là n'est pas la question, tout comme les Hollandais ont vu leurs policiers perdre tout pouvoir pendant la Deuxième Guerre mondiale, vous allez constater qu'il y a beaucoup de gens dans cette province qui méprisent les policiers... En fait, le procureur général du Manitoba a pris des règlements, tout comme cela a été fait en Ontario, qui obligent les policiers à arrêter l'homme dans tous les cas de violence familiale.

Je cite dans mon mémoire quelques cas que je connais. Il y en a un où je suis intervenu personnellement. Il n'a servi à rien que la femme déclare: «C'est moi qui ai commencé cette bataille. Mon mari dormait mais j'étais en colère. Laissez-le tranquille.» Il a été arrêté, emmené en prison, photographié et on a pris ses empruntes digitales et il a fallu attendre quatre jours pour avoir une audience sur cautionnement, tout cela parce que l'homme est présumé coupable en Ontario. C'est un scandale.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Gaasenbeek, pouvez-vous en venir à vos recommandations?

M. Richard Gaasenbeek: Oui, j'y viens. J'ai parlé de cela parce que c'est cette histoire de violence familiale qui est à l'origine des problèmes matrimoniaux, si vous me permettez de m'exprimer ainsi.

Mes recommandations se trouvent à la page... Oh, je dois vous donner certains renseignements qui ne figurent pas dans le mémoire que vous avez reçu. À la page 27, vous allez voir que je parle des statistiques concernant le suicide. Le suicide est le principal indicateur en matière de santé mentale. On constate que dans l'ensemble du Canada, il y a eu en 1992, 3 700 suicides, dont 2 900 chez les hommes et 800 chez les femmes. Est-ce que cela ne veut pas dire quelque chose?

Mais vous me direz, les hommes sont plus violents et il est évident qu'ils se tuent entre eux plus souvent. Mais si l'on regarde les données sur une période plus longue... Le graphique que j'ai concernait les taux de suicides au Canada entre 1924 et 1990. En 1924, quatre femmes sur 100 000 se sont tuées dans le groupe d'âge des 20 à 29 ans.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je ne veux pas vous interrompre mais est-ce bien là une recommandation?

M. Richard Gaasenbeek: La version que vous avez devant vous est incomplète. Je voulais compléter ces données mais je le ferai en vous remettant un nouveau graphique.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

M. Richard Gaasenbeek: Pour ce qui est des recommandations, je vais parler brièvement de la garde, à la page 41. Voilà quelles sont les améliorations que je suggère.

Premièrement: consultation obligation d'un spécialiste en problèmes matrimoniaux ou en séparation, si vous voulez. Cela reprend ce que d'autres intervenants ont suggéré et j'appuie tout à fait cette recommandation.

Deuxièmement: modification de la Loi sur le divorce pour donner la préférence au parent qui est favorable à la garde partagée, dans le cas où les deux parents sont disposés à garder les enfants et capables de le faire, ou à défaut, au parent qui propose le régime d'accès le plus généreux.

Troisièmement: pas d'accès, pas de garde. Cela a déjà été suggéré et j'appuie cette recommandation.

Quatrièmement: faire du refus d'accorder l'accès une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité, recommandation qui a déjà été faite et que j'appuie.

Sixièmement, ne pas pénaliser fiscalement les personnes mariées et favoriser les personnes qui sont divorcées ou séparées. Le mariage est un état honorable et il mérite que l'État l'appuie et non le détruise.

Septièmement, la Loi sur le droit de la famille de l'Ontario énonce dans son préambule que l'objectif recherché est de renforcer la famille en tant qu'institution. Elle ne précise pas de quelle famille il s'agit. La Loi sur le divorce ne contenait pas de disposition semblable, la dernière fois que je l'ai examinée.

• 1150

Les tribunaux ne sont pas unanimes mais ils ont souvent jugé que l'obligation alimentaire envers la première unité familiale a priorité sur les besoins de la deuxième unité familiale. Cela revient à saper la fondation économique de la nouvelle unité familiale pour aider l'unité familiale qui a échoué. Cela risque de faire également échouer la deuxième unité familiale.

La conduite n'est pas un élément pertinent aux termes de la Loi sur le divorce, ni de la Loi sur le droit de la famille et il me semble qu'en pénalisant la deuxième unité familiale pour aider la première, on récompense l'échec. Et cela continue.

Les critiques les plus féroces sont parfois les deuxièmes conjointes qui sont complètement découragées parce qu'elles habitent avec des hommes qui souffrent toutes les semaines, si ce n'est pas tous les jours, parce qu'on leur refuse l'accès à leurs enfants. Ces familles vivent dans la pauvreté parce que la plus grosse partie du salaire de l'homme va à l'entretien de son ancienne famille pendant que la seconde conjointe ne mange pas à sa faim ou doit travailler pour répondre aux besoins de sa famille.

S'il est célibataire, il n'y a pas de raison de se gêner, il faut l'attraper. Mais s'il se remarie, il ne faut pas le pénaliser financièrement parce que son premier mariage a été un échec. On peut espérer que le deuxième mariage réussisse mieux que le premier mais il est certain que le deuxième mariage ne pourra être préservé s'il ne dispose pas d'une base financière suffisante.

La recommandation suivante est la présomption en faveur de la garde partagée. Je ne vais pas la décrire en détail parce que cela a déjà été recommandé.

Pour ce qui est des droits de visite, il faudrait premièrement donner la priorité aux demandes relatives à l'exercice du droit de visite sur toutes les autres demandes en droit familial. Autrement dit, l'exercice du droit de visite vient en premier et on s'occupe ensuite du reste.

Qu'indiquent le Parlement et les assemblées législatives lorsqu'ils accordent, aux frais de l'État, l'exécution des ordonnances alimentaires en rendant pratiquement impossible, à toutes fins pratiques, celle des ordonnances d'accès? Ils indiquent que l'argent est plus important que le droit des enfants de connaître leurs pères, droit que les tribunaux leur ont reconnu parce qu'il est dans leur intérêt. Les organes législatifs, avec la complicité des tribunaux, affirment que l'aspect matériel, le goût du lucre, est plus important que l'amour entre un père et ses enfants.

Peu importe que l'on soit religieux ou non, il y a un principe fondamental dans notre société qui veut que les questions spirituelles et affectives sont plus importantes que les questions matérielles et financières. IL est vraiment scandaleux que le droit lui-même encourage le lucre et défavorise les émotions et les relations personnelles.

Troisièmement, il faut sanctionner immédiatement la violation d'une ordonnance d'accès. La première violation devrait être sanctionnée par une sévère réprimande, par un droit de visite élargi... La deuxième violation devrait entraîner obligatoirement un jour de prison. La troisième, deux jours, la quatrième violation, quatre jours. Il faudrait continuer à doubler la durée.

Un tel régime indiquerait clairement à tous qu'il n'est plus possible de violer à volonté les ordonnances d'accès et il donnerait rarement lieu à des récidives. Cela épargnerait beaucoup de temps aux tribunaux.

Quatrièmement, le refus d'accès entraîne la perte de la garde. Je n'élaborerai pas davantage cet aspect.

Les aliments devraient être reliés au droit de visite. S'il est exact qu'il est plus important qu'un enfant puisse connaître et aimer son père que de remettre quelques dollars à la mère, rien n'empêche que les aliments subissent le contrecoup d'un refus d'accès. Si la mère sait qu'elle et son enfant auront faim si elle refuse l'accès au père et si elle aime suffisamment ses enfants pour qu'ils n'aient pas faim, cela va l'inciter puissamment à respecter les droits de visite.

Je vous invite à lire le document. Il ne me reste pas grand temps.

Ce lien est important. Les études indiquent que les parents qui ont régulièrement accès à leurs enfants respectent mieux les ordonnances alimentaires que les parents qui ne voient jamais leurs enfants.

Pour résumer, dans les litiges relatifs à la garde, les mères sont grandement favorisées et les pères ont toutes les chances de ne pas obtenir la garde des enfants. Comme je l'ai dit tout à l'heure dans le mémoire, les dés sont pipés. En tant qu'avocat, je n'ai rien contre aller devant un juge, si les dés ne sont pas pipés. Il m'arrive de gagner et il m'arrive de perdre. Mais lorsque je vais devant un juge et que je dois dire à mon client qu'il a 75 à 80 p. 100 de chances de perdre parce que les dés sont pipés, cela fait disparaître le peu de respect que mon client avait encore pour le système.

• 1155

Il est pratiquement impossible d'exiger le respect des droits de visites. Wayne Allen, que vous allez entendre demain a dû aller 60 fois devant les tribunaux, à un coût moyen de 2 000 $ par comparution en horaires d'avocat; cela représente 120 000 $. C'est ce que cela lui a coûté pour finalement obtenir ce qu'il voulait: une ordonnance envoyant en prison la mère qui avait la garde des enfants. Vous allez l'entendre demain. Je ne vais pas lui couper ses effets. Je vous invite à l'écouter attentivement.

Comment a-t-il réussi cela? Il est devenu un plaideur professionnel. Il a abandonné son travail et il a décidé de se consacrer à plein temps à un seul but: voir sa fille. Il est allé au tribunal une fois par semaine, même si cela ne plaisait pas toujours aux juges, jusqu'à ce que ces derniers soient tellement fatigués de le voir qu'ils ont dit: «Très bien, s'il le faut, nous allons incarcérer la mère» et ils l'ont fait emprisonner pendant cinq jours. Elle est sortie au bout de deux jours.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Avez- vous terminé?

M. Richard Gaasenbeek: J'aurais un dernier point. La rectitude politique veut que la mère gagne presque toujours les batailles et elle sape la confiance sur laquelle est basée la démocratie, à savoir que la police doit agir de façon impartiale et ne parte pas du principe que les hommes sont coupables et les femmes innocentes.

Des voix: Bravo, bravo!

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Monsieur How.

M. W. Glen How (W. Glen How & Associates): Je m'appelle Glen How, je suis avocat et j'aimerais formuler quelques observations sur ce sujet. Je m'occupe de questions de garde depuis plus de 50 ans. J'ai plaidé trois fois devant la Cour suprême ces dernières années sur différentes questions reliées à la garde dont je vais vous parler.

J'avais présenté un mémoire en anglais.

[Français]

Je m'excuse auprès des membres francophones du comité de ne pas être en mesure, faute de temps, de présenter la version française du mémoire. Nous devrions toutefois pouvoir vous la transmettre avant la fin de la semaine.

[Traduction]

J'aimerais vous parler de quelques affaires pour que vous compreniez d'où viennent les difficultés. Il y a près d'un an, une de mes clientes a été obligée d'aller jusque devant la Cour suprême du Canada pour obtenir la permission d'amener son enfant à un mariage. Elle voulait amener l'enfant à un mariage dans l'église de son quartier. Nous sommes allés devant la Cour supérieure et cela lui a été refusé. Nous avons saisi la Cour d'appel du Québec et cela lui a été refusé. Finalement, la Cour suprême du Canada a été saisie de la question de savoir si le petit garçon pouvait aller avec sa mère assister au mariage d'un membre de la famille. C'est un exemple des préjugés religieux ridicules que l'on rencontre parfois de nos jours.

Nous nous sommes rendus devant la Cour suprême pour qu'elle entende cette affaire et la Cour suprême a supprimé toutes les restrictions, toutes ces mesures. Je m'étais occupé de six affaires devant la Cour d'appel du Québec et cette cour a maintenu des restrictions dans chacune de ces affaires. Cette affaire soulève donc une question. Nous sommes en 1997, cela fait 15 ans que nous avons une Charte des droits et la liberté de religion fait toujours l'objet de restrictions qui visent les minorités, restrictions qui sont autorisées et appuyées par certains juges. Je n'ai rien contre les juges. Je n'ai rien non plus contre les avocats, sauf lorsqu'ils m'empêchent d'obtenir ce que je veux. Mais le fait est que certains juges ne savent pas ce que veut dire vraiment la liberté de religion.

Je représente principalement les Témoins de Jéhovah mais nous ne sommes pas les seuls à faire l'objet de discrimination. Les Adventistes du Septième jour se sont joints à ces affaires pour essayer d'obtenir de leur côté la levée de certaines restrictions religieuses. Il y a même un écrivain juif, M. Syrtash, qui a parlé de la discrimination dont faisait l'objet les Témoins de Jéhovah dans ces affaires. Je ne fais que mentionner ces choses.

• 1200

La Constitution est la loi suprême et elle garantit les droits à l'égalité et la liberté de religion. Jusqu'ici, la Cour suprême du Canada a toujours refusé d'appliquer la Charte à ce domaine. Il y a eu deux longues affaires en 1993 et la Cour a prononcé des jugements tellement contradictoires que cela est choquant.

Puis-je citer Julien Payne, un de nos grands spécialistes des questions de garde d'enfants? Voilà ce qu'il a dit à propos de cet arrêt. Il s'agissait de l'arrêt Young c. Young. Il a déclaré:

    Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a examiné les règles en matière de garde et de droit de visite, mais elle a prononcé des jugements qui sont pratiquement incompréhensibles étant donné leur nombre et l'absence de consensus clair.

Voilà dans quel état de confusion la Cour suprême a laissé ces règles. Ce même jour, une autre affaire a été entendue au Québec. Les circonstances des deux affaires étaient identiques, mais ils se sont prononcés en faveur de l'homme dans la province de common law. Jusque-là, il n'avait même pas été autorisé à lire la Bible à ses enfants pendant qu'ils étaient avec lui mais il a obtenu gain de cause pour les restrictions. Les restrictions qu'elle avait demandées ont été supprimées. Au Québec, le mari demandait que l'on impose le même genre de restrictions et la Cour suprême, en se fondant sur des faits identiques, s'est infirmée elle-même et déclaré qu'au Québec, la solution ne serait pas la même. Décision tout à fait contradictoire.

L'autre affaire dont je me suis occupée récemment, et elle est relatée en détail dans le mémoire qui vous parviendra dans quelques jours, était un cas où le père voulait citer comme témoin un prête catholique pour qu'il donne son opinion sur ce qui constitue une bonne religion pour un enfant et qu'il dise si celui-ci devrait être élevé dans la religion des Témoins de Jéhovah ou dans la religion catholique.

On demandait donc à un prête catholique, dont la partialité était tout à fait manifeste, et non seulement cela, mais il était parti en croisade personnelle contre les Témoins de Jéhovah, de dire au tribunal à titre d'expert quel était le genre d'éducation religieuse qui convient à un enfant. La liberté de religion est garantie par le plus haut tribunal du pays et cela était tout à fait illégal. Le juge de première instance se serait prononcé de façon équitable mais, contre son gré, il a été obligé de suivre les jugements de la Cour d'appel du Québec. Plusieurs juges de la Cour d'appel du Québec se sont refusés à souscrire à ces restrictions.

Je vous mentionne simplement cela pour vous dire que cette situation est tout à fait injuste et que certains juges ont estimé nécessaire de prendre leur distance avec ces règles.

Je vais dire un mot du juge Sopinka de la Cour suprême du Canada. Il est mort récemment mais c'est le seul juge à avoir donné une règle claire. Je vais simplement reprendre ses paroles:

    Bien que le critère ultime dans les questions de garde et d'accès est celui de l'intérêt de l'enfant, celui-ci doit être conforme à la Charte des droits et libertés.

En d'autres termes, un juge ne peut pas déclarer que l'intérêt de l'enfant exige que l'autre parent et l'enfant ne puissent exercer librement la religion de leur choix.

Il a ensuite poursuivi:

    Ce qui est dans l'intérêt de l'enfant est généralement le critère applicable mais lorsqu'on l'applique pour restreindre l'expression religieuse, le risque de préjudice grave est non seulement un facteur important mais il faut aussi démontrer qu'il existe.

Vous avez beaucoup entendu parler ici du critère de l'intérêt de l'enfant. Franchement, c'est un objectif louable. Cela semble très bien mais personne ne sait ce que cela veut dire et résultat, ce sont les juges qui en décident en toute liberté. Ils se décident en fonction de ce qui leur paraît être l'intérêt de l'enfant et ils sont bien souvent influencées par leur propre formation religieuse. Il y a également des juges qui ne se sont pas fondés sur les éléments de preuve; ils ont fourni eux-mêmes ces éléments.

C'est une question qui soulève de graves difficultés et j'invite vivement le comité à s'y intéresser.

• 1205

Je vais faire trois brèves recommandations et j'essaierai de le faire aussi rapidement que je le peux.

Pour la médiation, oui, certainement, c'est une excellente chose, à une réserve près. Il faudrait que les médiateurs et les juges sachent qu'ils ne devraient pas se mêler de religion. Ce n'est pas un domaine qu'ils connaissent et ce n'est pas un élément dont ils devraient tenir compte parce qu'il s'agit uniquement d'appliquer le critère de l'intérêt de l'enfant. En fait, s'il y avait une religion qui incitait ses adeptes à commettre des actes criminels ou quelque chose du genre, cela serait différent mais de là à dire que je dois accorder la garde à l'autre parent parce que je ne pense pas que leurs croyances soient bonnes?

La deuxième concerne des lignes directrices. J'ai invité la Cour suprême du Canada à énoncer des lignes directrices et j'ai présenté une série de principes directeurs. La Cour n'a rien fait. Comme l'a dit un des autres juges, elle a évité la question. Je respecte la Cour suprême. Il y a des juges comme le juge Sopinka et la juge McLachlin qui ont prononcé de bons jugements. Mais cette Cour n'a pas réglé cette question.

Selon ces lignes directrices, les juges ne devraient pas tenir compte des arguments fondés sur la religion pour attribuer la garde d'un enfant. Il faut laisser les parents dire ce qu'ils ont à dire et neuf fois sur dix, l'enfant ne les écoutent pas et de toute façon il fera plus tard ses propres choix. Il ne peut pas choisir une religion ou l'autre s'il n'a pas eu l'occasion de se familiariser avec les deux, il faut donc laisser faire les choses. Ce n'est pas quelque chose dont nous devrions nous mêler.

Il y a encore une autre chose. J'appuie mon ami ici. Il y a toutes sortes d'avocats, comme dans les autres professions. Il y en a qui utilisent la religion pour essayer de gagner une affaire en profitant des préjugés qui existent contre une minorité religieuse impopulaire. Il ne s'agit pas d'une affaire ou deux. Je m'occupe d'une affaire à l'heure actuelle à Trois-Rivières, j'y étais la semaine dernière, et le tribunal a déjà consacré neuf jours d'audience aux arguments basés sur la religion et les audiences ne sont pas encore terminées. Il y a une multiplication des affaires où l'on utilise les questions religieuses pour influencer le tribunal, pour tenter d'obtenir gain de cause lorsqu'il n'y a pas d'autres motifs solides.

Ni la loi, ni la Cour suprême n'ont élaboré de lignes directrices mais j'espère que votre comité va le faire.

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Monsieur Smith.

M. Bryan Smith (associé, Bastedo, Stewart and Smith): Merci. Je suis un des associés du cabinet Bastedo, Stewart and Smith. Je m'occupe exclusivement d'affaires matrimoniales depuis une dizaine d'années environ. J'ai un certificat de spécialiste en droit matrimonial délivré par la Société du Barreau du Haut-Canada.

Je crois que je suis minoritaire par rapport à ce que j'ai entendu aujourd'hui parce que la principale recommandation que je ferai au comité, et je parle uniquement en mon nom personnel, je ne représente pas de groupe ici aujourd'hui, ni le Barreau ni ses divers groupes, est de changer le moins possible la Loi sur le divorce. Je vais vous en donner les raisons.

Il y a un très ancien proverbe qui dit «Le mieux est l'ennemi du bien». La situation est-elle bonne?

Je vais expliquer mon point de vue sur cette question dans un instant mais j'aurais une recommandation qui devrait figurer dans le projet de loi et qui imposerait la médiation et cela est très difficile à formuler.

La raison pour laquelle j'hésiterais beaucoup à modifier la Loi sur le divorce est que cette loi accorde des pouvoirs. C'est une loi qui donne aux gens le pouvoir de faire des choses qu'ils ne pourraient pas faire si la loi n'existait pas. En pratique, j'estime que cette loi donne davantage de pouvoirs, en particulier aux femmes qui sont restées à la maison avec leurs enfants qu'aux hommes, non pas à cause du texte de la loi mais à cause des décisions qui l'interprètent.

Je crains qu'en modifiant la loi, les pouvoirs qu'elle attribue bénéficient à un autre groupe. Je crois que le comité doit faire faire d'autres études et se poser la question suivante: va-t- on renforcer les pouvoirs d'un autre groupe pour avantager ce groupe ou pour avantager les enfants? Si le critère fondamental est l'intérêt de l'enfant, pourquoi donner davantage de pouvoir à un autre groupe si cette nouvelle répartition des pouvoirs ne va pas nécessairement profiter aux enfants?

• 1210

À l'heure actuelle, lorsque les clients viennent à mon bureau, je suis, la plupart du temps, en mesure de leur proposer diverses solutions et dans un cas donné, je peux leur dire ce qui se passera probablement devant le juge. Si l'on modifie cette loi, après que les nouvelles dispositions ont été interprétées par les tribunaux, nous pourrons toujours faire la même chose mais nous aurons peut- être tout simplement renversé l'ordre dans lequel se présentent les solutions. Si nous partons du principe que la garde partagée est présumée, par exemple, nous dirons à nos clients qu'ils vont obtenir la garde partagée à moins de pouvoir établir les éléments X, Y et Z.

Je dois dire au comité que je ne suis pas certain que cela soit la chose à faire. Si le système actuel donne de bons résultats dans la majorité des cas, pourquoi modifier la loi pour tenir compte de cas particuliers? Je crois que cela n'est pas nécessaire parce que, lorsque l'on modifie une loi, on crée toujours de nouvelles exceptions et de nouveaux problèmes, qui peuvent ensuite être soumis aux tribunaux et défendus en invoquant d'autres arguments.

Je crois que la façon de régler les litiges en matière de garde est de ne pas laisser les avocats intervenir dans ces questions que la plupart des personnes qui se trouvent ici semblent appuyer. Nous n'avons pas reçu une formation en travail social; nous avons été formés à l'analyse juridique et à la défense des droits. Je représente autant de femmes que d'hommes. Et si mes clients veulent que je prenne la position X, je prends la position X, pourvu que je puisse trouver des règles qui la justifient et que mes clients me fournissent des faits me permettant d'invoquer ces règles.

Les médiateurs, par contre, n'ont aucun intérêt particulier à défendre, parce que ce n'est pas leur travail. Si l'on veut retirer cette question aux avocats pour la placer dans un autre contexte, il faut obliger les parties à la régler au tout début du processus, et je ne parle pas du processus judiciaire, je veux dire au tout début de la séparation.

Cela soulève immédiatement deux problèmes. Tout le monde ne va pas devant les tribunaux et tout le monde n'a pas d'avocat, il y a donc des gens qui sont séparés et qui tentent de régler seuls ces questions. Il n'existe pas, à ma connaissance, de service public auquel les gens peuvent s'adresser pour qu'on les aide à régler ce genre de situation. S'ils aboutissent devant les tribunaux, il n'existe pas, au sein du système judiciaire, de service public qui pourrait les aider.

On a parlé, il y a quelques instants, de ce qui se passe au 393 University. Je crois que cette procédure est mal comprise. Lorsqu'on présente une demande de modification d'une ordonnance alimentaire à Toronto, une demande de modification de la garde et du droit de visite, la première comparution est présidée par un avocat d'expérience qui essaie de vous aider. Si cela ne donne pas de résultat, on va devant le tribunal et on se retrouve devant un juge.

S'il s'agit d'une première demande de garde ou de droit de visite, il n'est pas possible de la présenter à un juge tant qu'on n'a pas assisté à une réunion de règlement avec le juge, ce qu'on appelle une conférence de cas. Ce ne sont pas vraiment des séances visant à en arriver à un règlement mais c'est en fait ce qui se produit: les participants essaient de préciser les questions en litige.

La difficulté est que le juge des règlements, ou le juge qui préside la conférence de cas, n'a aucuns pouvoirs. Il ne peut ordonner la médiation. Cette loi ne prévoit pas la médiation obligatoire. Le juge peut ordonner une évaluation familiale mais lorsqu'on l'obtient, les parties ont déjà déposé entre-temps des mémoires contradictoires. Moi, au nom de la femme, j'aurais déjà déposé un mémoire dans lequel il est allégué que le mari a fait certaines choses et lorsque je représente le mari, mon adversaire dira probablement le contraire.

Les parties sont donc en situation de confrontation lorsqu'elles se retrouvent devant le tribunal. Leurs déclarations ont été prises par écrit. Il n'y a rien de plus acrimonieux qu'une déclaration faite sous l'effet de la rancoeur ou sous le coup de la colère et qui est ensuite couchée par écrit. Parce qu'une déclaration de ce genre est rédigée par écrit, la personne la lit chez elle le soir, elle l'examine et elle perd de vue la réalité pour s'attacher uniquement à tous ces détails. L'argent est un aspect important; il concerne la garde et le droit de visite. Mais tant que l'affaire n'est pas retirée du système et que vous n'avez pas envoyé les parties en médiation, ou en thérapie, c'est peut- être un mot qui convient mieux, avant qu'ils n'arrivent dans le système, vous aurez beaucoup de mal à régler ces disputes acrimonieuses.

La plupart des clients que je reçois dans mon bureau sont déjà séparés depuis six mois lorsqu'ils viennent me voir. Cela arrive très souvent. Et en général, les questions de garde ou de droit de visite ne soulèvent guère de difficultés. Si les gens venaient me voir le lendemain du jour où ils se sont séparés, il y aurait certainement des problèmes parce qu'à ce moment-là, ils sont très émotifs. S'il y avait une façon d'obliger les gens, par voie législative, à prendre une période de réflexion, ces affaires seraient réglées plus rapidement et il y aurait moins de disputes en matière de garde et de droit de visite.

• 1215

Diverses personnes ont suggéré que la garde partagée soit la règle mais j'estime que cela ne serait pas une bonne chose. Si le comité souhaite modifier les étiquettes en remplaçant garde et droit de visite par garde partagée, cela ne reviendra qu'à remplacer un terme par un autre. Les termes doivent être choisis beaucoup plus soigneusement que cela.

On pourrait peut-être supprimer carrément le mot «garde» et parler de «rôle parental» ou de «résidence», résidence primaire, résidence secondaire. Le problème que soulèvent des mots comme «primaire» et «secondaire» est que ce sont des mots chargés parce qu'il y a un gagnant et un perdant. On pourrait procéder à une répartition des responsabilités parentales en utilisant d'autres termes. Si la loi doit être modifiée, je soutiens qu'il ne serait pas souhaitable d'adopter le principe de la garde partagée. Par contre, il serait peut-être bon d'adopter un type de partage des responsabilités parentales.

Un appel à la prudence: tous les jours, il y a des gens qui viennent me voir et me disent qu'ils ont un plan de partage des responsabilités parentales et qui me montrent un document de 28 pages. Les parents qui sont prêts à partager la garde de leurs enfants n'ont pas besoin de 28 pages pour préciser les modalités. Ils ont besoin d'à peu près deux pages, d'écrire leurs noms et de signer en disant «Nous allons partager la garde de nos enfants». Ils savent ce que cela veut dire. Les gens qui n'arrivent pas à rédiger un document de ce genre ne sont pas prêts à accepter cette solution.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci.

J'apprécie beaucoup que vous soyez venus aujourd'hui. J'aurais deux questions; en fait, une déclaration et une question. La première s'adresse à M. Richard Gaasenbeek.

J'ai lu votre annexe 1. J'ai senti de l'irritation dans la démonstration que vous avez faite aujourd'hui mais à l'annexe 1, vous parlez d'un homme qui vient de divorcer et vous vous demandez pourquoi il devrait travailler comme un fou pour donner à sa femme et à ses enfants une maison, des voitures, un bateau et un chalet alors que la plupart de ces biens lui seront confisqués si finalement sa femme décide qu'elle en a assez de laver ses chaussettes, sans parler de la moitié de son revenu qu'il va également perdre. C'est exact: dans ce pays, lorsqu'un couple divorce, les biens sont partagés.

Vous dites qu'il doit être fou pour s'engager dans une telle entreprise. Je sais que ce n'est qu'une phrase tirée d'un document contenant beaucoup d'informations. Mon point de vue n'est pas le même. Nous avons tous connu, je crois, des gens, des membres de la famille ou des amis, qui ont divorcé et nous avons tous vu la souffrance que cela occasionnait. Certains divorces ont donné d'excellents résultats et ces personnes ont finalement eu une vie très heureuse. Le problème est que je suis de l'autre côté de la barrière. Les pourcentages sont faibles. Le plus important pour moi, c'est l'unité familiale. Il demeure qu'au Canada, il y a 7,5 millions de familles qui survivent et qui sont heureuses. Il faut évidemment faire quelque chose à propos du droit de visite et de la garde mais il ne faut pas oublier que notre première priorité est la préservation de la famille. C'est le but vers lequel nous devons tendre.

Pour en revenir à ce qu'a dit M. Smith, tous les témoins que nous avons entendus, et je crois que le Barreau du Québec a dit la même chose, nous ont demandé de ne pas imposer la médiation. Les médiateurs nous ont dit de ne pas imposer la médiation. Vous proposez quelque chose mais vous dites peut-être de prévoir des sessions de probation ou des sessions de formation pour les parents.

M. Bryan Smith: Il serait peut-être préférable de parler de thérapie, de counselling ou d'éducation, imposé par voie législative.

La plupart des gens n'ont aucune idée de ce que veut dire vraiment avoir la garde, à part ce que leur dise leur avocat. Les avocats ont tous leur idée de ce que veut dire certaines choses et de la façon d'interpréter la jurisprudence et la loi. Il faudrait intercaler quelque chose avant que nous préparions les documents qui vont amener les gens à s'affronter. À l'heure actuelle, il n'y a rien.

La sénatrice Mabel DeWare: Comment pouvons-nous encourager nos jeunes avocats, ou les avocats en général, à, lorsqu'un couple ou un conjoint leur demande d'entamer une action en divorce... Comment nous assurer qu'ils vont commencer par dire «Je pense que vous devriez participer à une séance d'information avant d'entamer une action»? Comment pourrait-on obtenir cela?

M. Bryan Smith: Aux États-Unis, il y a des tribunaux qui obligent les parties à assister à des séances de counselling avant de comparaître devant le tribunal. On vient de démarrer un projet pilote à Toronto qui n'est pas encore tout à fait en route mais qui va amener les gens à assister à des séances de ce genre avant de comparaître devant un juge. C'est le barreau qui va s'en occuper, et il va essayer d'informer ces gens.

• 1220

Cela devrait pouvoir se faire soit en modifiant la loi, soit en modifiant les règles de procédure civile. Si l'on instaurait dans la procédure une étape obligatoire qui doit précéder le dépôt d'une motion, on ne pourrait déposer la motion si les parties n'ont pas assisté à une session de formation.

La sénatrice Mabel DeWare: J'aime cette dernière expression, règles de procédure...

M. Bryan Smith: Ce sont les règles de procédure civile. Vous pourriez peut-être interroger vos constitutionnalistes à ce sujet parce que cela soulève des questions pour ce qui est de l'autorité compétente pour le faire.

M. Richard Gaasenbeek: Madame la sénatrice, vous m'avez demandé ce que l'on pouvait faire pour favoriser la réconciliation. En fait, la Loi sur le divorce exige que les avocats explorent cette possibilité avant d'introduire une demande de divorce.

J'ai toujours pris cette obligation au sérieux. J'ai demandé à tous mes clients, hommes et femmes, s'il existait des possibilités de réconciliation. Je suis heureux de dire que j'ai réussi à deux reprises au moins. J'ai réuni les parties et j'ai changé de chapeau. J'ai dit «Écoutez-moi, je ne suis plus l'avocat de la femme ou l'avocat du mari. Je porte maintenant le chapeau de médiateur. Que pouvez-vous faire pour sauver votre mariage?»

Un des mariages n'a duré que cinq ans de plus et je n'ai pas entendu parler depuis de l'autre couple. C'étaient des personnes âgées, dans la soixantaine, et leurs problèmes résidaient en partie dans le fait qu'ils étaient tous les deux à la retraite et avaient trop de temps libre. Je leur ai demandé d'aller voir On Golden Pond et de venir m'en parler ensuite. Vous souvenez-vous de ce film merveilleux; c'était un très beau film. Ils sont revenus me voir, nous en avons parlé et ils ont décidé de se réconcilier. J'étais très fier du résultat.

M. Glen How: Je vois là un grave déséquilibre parce que, d'un côté, nous dépensons beaucoup d'argent et de temps, en fait, des milliards de dollars, pour permettre aux gens d'aller chacun de leur côté, pour diviser des familles et pour avoir des enfants à moitié orphelins. Mais combien de temps, d'argent et d'efforts dépensons-nous pour montrer aux gens comment vivre ensemble? On pourrait exiger des cours de préparation au mariage. Il n'est pas nécessaire que ce soit la loi qui le prévoit mais si l'on accorde suffisamment d'attention à cette question dans la presse, cela pourrait être pratiquement obligatoire et on pourrait alors enseigner ces choses.

De nos jours, avec tous ces divorces, il y a beaucoup de jeunes couples qui n'ont jamais connu de foyer paisible. Ils s'unissent et font ce qu'ils ont vu faire. Le divorce entraîne d'autres divorces. Sur ce sujet, j'ai un livre ici intitulé The Secret of Family Happiness, je vais le joindre à mon mémoire, parce qu'il montre aux gens comment se rapprocher et rester ensemble. Cela devrait être un préalable.

Je suis d'accord avec mon éminent confrère, M. Smith, lorsqu'il dit qu'une fois que l'on a déposé des documents qui reprennent toutes les choses méchantes que les parties se sont dites, les possibilités de réconciliation diminuent d'au moins 80 p. 100. Cela cause un préjudice énorme. Lorsqu'on est rendu au procès et qu'un des conjoints décide qu'il doit démontrer que l'autre est un mauvais parent pour gagner sa cause, il n'y a plus aucune chance de réconciliation. Il ne sera jamais possible de les réconcilier.

Il faut faire ces choses avant que les documents soient déposés au tribunal et enseigner aux gens comment vivre ensemble au lieu de faciliter la séparation.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Madame Cools.

M. Richard Gaasenbeek: Si vous permettez, vous m'avez parlé de l'annexe 1, qui est une lettre que j'ai écrite à un moment donné. Tant que le système sera perçu comme étant partial et tant que les dés judiciaires seront pipés, les hommes refuseront de se marier. C'est cet aspect que je voulais en racontant cela. Ils vont dire «Gardez vos charmes. Je préfère vivre seul.» Et cela est dommage parce que la famille est un élément essentiel de la société et il ne faudrait pas que tous les hommes refusent d'en fonder parce qu'ils pensent: «J'ai déjà donné, non merci.»

• 1225

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.

Je m'adresse aux témoins: vous êtes tous des avocats et je vais donc en profiter pour demander votre opinion sur certains sujets. Comme vous le savez, on a beaucoup parlé devant le comité de ce que faisaient les avocats et dans certains cas des choses douteuses qu'ils faisaient. J'ai été particulièrement choquée parce qu'il y a quelques semaines, j'ai appris qu'une avocate de Toronto, je crois qu'elle s'appelle Carole Curtis, avait donné certains conseils à un client. Je veux simplement que cela soit consigné.

Il s'agissait d'un transfert de la garde de la mère au père et Mme Curtis a écrit la lettre suivante:

    Votre client devrait sérieusement envisager de faire en sorte que l'enfant ne soit pas remis à son père le 28 avril 1990. Nous savons que c'est un acte grave qui constitue une violation d'une ordonnance judiciaire. Il ne faudrait pas qu'elle disparaisse avec l'enfant. Elle doit tenir le père au courant de l'endroit où se trouve l'enfant. Toutefois, s'il est probable qu'il se rende à la maison avec un policier en vertu d'une ordonnance judiciaire certifiée, la mère ne devrait pas y être.

Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui verraient là des conseils juridiques.

J'ai devant moi le compte rendu des conclusions du comité disciplinaire de la Société du Barreau du Haut-Canada et je me demande si un d'entre vous, en tant qu'avocat... Le comité disciplinaire était composé de Thomas Bastedo, de Stephen Goudge et de Hope Seeley. Je crois, M. Bastedo, votre cabinet s'appelle Bastedo, Stewart et Smith.

Je me demandais si, en tant qu'avocats... S'agit-il d'une affaire qui a été examinée par le barreau et si celui-ci a pratiquement exonéré l'avocate, je me demandais quel genre d'avis vous donneriez en tant qu'avocat au sujet des mesures que le gouvernement fédéral du Canada pourrait prendre à l'endroit des avocats indélicats.

M. Richard Gaasenbeek: Il me semble que les conseils donnés dans cette lettre invitent le client à désobéir à un ordre du tribunal, ce qui rendrait le client coupable d'outrage au tribunal. Il me semble que, selon le droit actuel, si l'outrage au tribunal est un crime, le fait de conseiller d'en commettre un constitue également une infraction. Mais, quoi qu'il en soit, je pense que votre projet de loi répond en grande mesure à ce genre de situation.

Si vous voulez un traité sur les différentes manières de résister à une demande de garde, lisez la lettre que j'ai adressée au juge Steinberg, lettre du 6 février 1990, dans laquelle je citais une autre lettre. La seule réaction que j'ai eue à cette lettre, madame la présidente, c'est que le barreau m'a contacté pour me demander d'où venait cette lettre. Elle m'avait été envoyée sur le sceau du secret et j'ai détruit l'original de sorte que l'auteur n'a jamais pu être retracé. Le message est donc clair: Tirez sur le messager.

M. W. Glen How: J'aimerais avoir davantage de précisions sur cette situation. Le seul fait de conseiller, par exemple... Dans certains cas de droit de visite, par exemple, lorsqu'on est véritablement convaincu que le parent qui exerce le droit de visite nuit à l'enfant ou le maltraite, alors je recommanderais que... Le parent qui a la garde devrait immédiatement demander au tribunal d'intervenir. Mais ces choses ne sont pas immuables et il arrive que les situations changent. Mais je suis bien entendu d'accord avec mon confrère lorsqu'il dit qu'on ne peut conseiller aux gens de ne pas respecter des ordonnances judiciaires.

La sénatrice Anne Cools: Dans ce genre de situation, quel genre de chance aurait le parent, dans ce cas le père, face à ce genre de conseils juridiques, face aux mesures prises par la Société du Barreau du Haut-Canada? M. Smith pourrait peut-être répondre à cela.

• 1230

M. Bryan Smith: Je ne vais pas faire de commentaire sur ce cas. C'est mon associé qui présidait le comité. Cela m'est tout à fait impossible. Je sais également que...

La sénatrice Anne Cools: Je suis désolée, je ne vous demandais pas de dire ce que vous pensiez de cette affaire mais du problème en général.

M. Bryan Smith: Je ne vais pas faire de commentaires sur la discipline. C'est une question qui relève de la Société du Barreau du Haut-Canada et le barreau s'est prononcé.

L'autre aspect est que vous parlez d'une situation particulière. Je sais que Mme Curtis a comparu devant votre comité la semaine dernière et je ne pense pas que ce soit à moi de faire des commentaires à ce sujet.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Y a-t-il d'autres commentaires sur ce point?

La sénatrice Anne Cools: Très bien.

M. Glen How: M. Bastedo est un de nos spécialistes de ce domaine. Quant au jugement qu'il a rendu dans cette affaire, j'hésiterais beaucoup à le critiquer parce qu'il examine les choses très soigneusement avant de se prononcer.

La sénatrice Anne Cools: C'est un citoyen exemplaire, cela est sûr, mais je m'inquiète de tout ce que j'entends à propos des avocats et de la façon dont ils conseillent leurs clients. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup.

M. Glen How: Je peux dire que j'ai rencontré beaucoup d'avocats et je peux vous dire que tous les litiges familiaux devraient être réglés et ne jamais être tranchés par les tribunaux. Lorsque vous êtes devant le tribunal, il y a au moins une des parties qui a refusé de régler qui s'est bloquée.

Avec les avocats honnêtes et raisonnables, je n'ai aucun problème. Ils sont prêts à répartir équitablement les droits. Mais il y a des gens qui cherchent la confrontation ou qui ne respectent pas l'éthique et cela cause certainement des problèmes. Cela arrive.

C'est pourquoi il faudrait introduire la médiation obligatoire et la confier à des gens bien formés, disposant des pouvoirs nécessaires. Ils pourraient arrêter l'escalade avant que deux avocats ne transforment une petite dispute familiale en une catastrophe majeure.

Des voix: Bravo!

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur How.

M. Richard Gaasenbeek: Il y a un autre facteur et cela concerne la situation critique dans laquelle se trouve la Société du Barreau du Haut-Canada, ou la profession juridique, et c'est l'augmentation du nombre des avocats.

Lorsque j'ai été admis au barreau en 1960, il y avait 5 000 avocats en Ontario. Premièrement, il n'y avait pas tant de divorces. Deuxièmement, ceux dont nous nous occupions étaient... Les pauvres n'avaient pas de biens à se disputer et de toute façon, il n'y avait pas l'aide juridique. Ils n'avaient pas les moyens de se payer un litige sur la garde des enfants. Ils arrivaient finalement à s'entendre. Cela ne nous préoccupait guère.

Pour ce qui est de la classe moyenne, nous savions que les personnes qui en faisaient partie n'avaient pas les moyens d'aller devant les tribunaux, notre objectif était de les amener à tout prix à s'entendre.

Les riches avaient les moyens d'aller devant les tribunaux mais malheureusement, je n'ai jamais eu de clients riches, ce qui explique que je ne me sois pas occupé de ces questions.

Le président Lincoln a dit un jour «il n'y a rien de plus dangereux pour la société qu'un avocat affamé». Et bien, il y a maintenant 25 000 avocats qui pratiquent le droit en Ontario alors qu'il y en avait 5 000 lorsque j'ai commencé. Les problèmes juridiques de la population n'ont pas été multipliés par cinq. On aurait même pu espérer qu'avec l'instruction et l'amélioration de la situation, les problèmes juridiques seraient moins nombreux. Nous avons donc 25 000 avocats affamés.

Des voix: Bravo!

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther, êtes-vous avocat?

M. Eric Lowther: Les avocats, en tant que profession, ont été beaucoup critiqués ces derniers jours et je tiens à féliciter les intervenants qui sont là aujourd'hui. Je crois qu'avec les excellents commentaires que vous avez formulés, vous avez racheté, en partie au moins, la profession. Vous avez fait d'excellents commentaires. Il y a beaucoup de conducteurs de taxi à Calgary mais j'ai mon conducteur préféré que j'appelle chaque fois que je veux un taxi, alors je vais peut-être vous demander tout à l'heure votre carte aussi.

L'idée sur laquelle s'entendent les personnes de l'autre côté de la table, même s'il y a des variations, est celle de la médiation. Un intervenant a décrit, il y a quelques instants, ce que devrait comprendre la médiation. Je m'inquiète un peu lorsque j'entends parler en termes vagues de la médiation. Cette idée recouvre différentes choses. Nous serions tous d'accord pour l'adopter si la médiation était une sorte de boîte noire dans laquelle on faisait entrer les gens pour les faire ressortir une fois leurs problèmes résolus.

Ce qui m'intéresse, c'est ce qui se trouve dans cette boîte noire. Si ce qui s'y trouve n'est pas bon, cela pourrait en fait aggraver les problèmes. Je me demande si avec votre expérience et les histoires que vous avez entendues...

Je suis tout à fait d'accord avec M. Smith lorsqu'il dit que nous devrons être réalistes: le but d'un avocat est d'obtenir gain de cause. Ils doivent défendre leurs clients et leur travail consiste à gagner leur cause. Dans ce genre de contexte, il est impossible que toutes les parties soient gagnantes. Il y a toujours un gagnant et un perdant dans ce genre de contexte. Je vous demande donc quels devraient être les grands principes sur lesquels devrait être axée la médiation pour que le médiateur applique tous les principes fondamentaux, s'il fait bien son travail?

• 1235

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Tout d'abord, nous allons devoir reprendre à 13 heures et j'aimerais que nous nous arrêtions après une dernière période de questions et de réponses. Cela nous donnera à peu près 10 minutes pour déjeuner.

M. W. Glen How: Monsieur, ils ont tout d'abord besoin de quelqu'un, que ce soit un avocat ou une autre personne, qui leur donne des conseils sur la façon de consolider leur famille. Il faut écouter ce qu'ils ont à dire. J'ai eu une affaire de ce genre où le mari est venu me voir le premier; je lui ai parlé et j'ai constaté qu'il faisait beaucoup de choses de travers, tout comme sa femme. Au lieu de les laisser s'opposer devant le tribunal, je les ai réunis et leur ai expliqué ce qu'ils faisaient mal, et d'où venaient leurs difficultés.

Je me suis servi de livres comme celui qui est intitulé The Secret of Family Happiness et ils se sont réconciliés. Par la suite, le mari m'a téléphoné et m'a déclaré qu'ils ne savaient pas que la vie familiale pouvait apporter autant de bonheur. Mais ils n'ont pas poursuivi leurs efforts. Il ne faut pas que les couples se réconcilient sans se donner des règles pour régler leurs problèmes. Il ne sert à rien de se réconcilier et d'agir comme avant. J'ai rédigé une sorte de Magna Carta pour les deux conjoints et je leur ai dit que s'ils respectaient ces règles, cela réussirait. Pendant un moment c'est ce qui s'est passé, mais lorsqu'ils ont arrêté de se fier aux lignes directrices, leurs difficultés sont revenues.

Il faut donc commencer par réunir les conjoints, si cela est possible, et s'ils sont prêts à envisager un règlement, un médiateur peut les rencontrer et les entendre chacun leur tour pour préciser les modalités d'une entente. C'est lorsqu'on réunit les conjoints dans une situation conflictuelle que les choses dégénèrent, ils n'arrivent plus à penser logiquement, ils deviennent tellement émotifs qu'ils ne savent plus ce qui est dans leur intérêt. Il faut que quelqu'un réfléchisse à leur place et leur fournisse quelques lignes directrices. S'ils agissent de cette façon, avec cette animosité, bien souvent, ils ne réalisent pas que même s'ils obtiennent gain de cause devant le tribunal, tout ce qu'ils auront réussi à faire, c'est détruire leur famille et causer toutes sortes de problèmes à leurs enfants.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Richard, vous avez le dernier mot.

M. Richard Gaasenbeek: J'appuie ce qui vient de dire le dernier intervenant.

Pour répondre à la question sur ce qu'est la médiation, cela peut être diverses choses. Mais parmi les choses qui me viennent à l'esprit il y a celle-ci, un film vidéo expliquant le processus et que si les conjoints insistent pour aller devant les tribunaux que cela va causer un tort irréparable à la famille, et surtout aux enfants, et deuxièmement l'importance du SAP et de la douleur que va causer aux parents le fait d'être loin de leurs enfants. Je signale en passant que les hommes n'ayant pas de sentiments, selon les canons de la rectitude politique, la douleur qu'ils éprouvent n'a jamais été étudiée. Je pense que ce devrait être fait et que l'on pourrait parler du syndrome d'aliénation des enfants ou SAE, pour être court.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Merci.

M. Richard Gaasenbeek: Une dernière chose, j'ai souvent recommandé aux gens qui s'apprêtaient à se livrer une lutte sans merci d'aller voir le film La guerre des Rose. Si c'est ça que vous voulez, vous pouvez l'avoir.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Veuillez laisser vos écouteurs à votre place si vous partez maintenant et les membres du comité peuvent laisser leurs documents. Nous reprendrons à 13 heures. Merci beaucoup.

• 1240




• 1312

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vais vous demander de prendre place et nous allons débuter notre séance de l'après-midi de notre première journée à Toronto.

Nous allons entendre cet après-midi quatre groupes, qui sont en fait représentés par trois groupes. Il y a les Grandparents Raising Children, les Grandparents Requesting Access and Dignity, ou GRAND. Ces deux groupes sont représentés par Mme Brooks. Il y a également Carol Libman et Judy Cutler, de l'Association canadienne des personnes retraitées, et Linda Casey, qui représente Helping Unite Grandparents and Grandchildren. Nous allons commencer par Mme Brooks.

Compte tenu du temps dont nous disposons, Mme Brooks, je vais vous demander de limiter votre intervention à cinq minutes, si cela est possible. Allez-y.

Mme Joan Brooks (Grandparents Requesting Access and Dignity): Permettez-moi de me présenter. Je m'appelle Joan Brooks et je suis depuis 11 ans la porte-parole, et la présidente de la GRAND Society.

Nous existons depuis 1982. Nous sommes le premier groupe créé au Canada pour donner un soutien aux grands-parents qui demandent le droit de voir leurs petits-enfants. Il existe maintenant huit sections de GRAND Society au Canada et ce n'est pas quelque chose dont nous souhaitons nous vanter; c'est plutôt une triste constatation sur la société d'aujourd'hui. Les responsables de ces sections sont des grands-parents extraordinaires, chaleureux qui donnent de tout leur coeur tout ce qu'ils ont. J'avais joint au départ une liste de ces sections.

Le nombre des grands-parents qui cherchent à avoir accès à leurs petits-enfants et qui nous demandent des conseils a augmenté considérablement depuis 1986 et ils se comptent aujourd'hui par milliers. Nous avons toujours proposé la médiation au lieu du recours aux tribunaux mais bien souvent, les grands-parents sont obligés de demander l'accès à leurs petits-enfants aux tribunaux, ce qui cause de graves tensions et les oblige à utiliser un processus judiciaire coûteux. Il y a beaucoup de grands-parents qui ont dépensé toutes leurs économies pour le faire alors qu'en fait, ce n'est pas devant les tribunaux que l'on devrait retrouver des grands-parents.

• 1315

Au cours des années, j'ai fait le compte des cas où l'accès avait été refusé et j'ai compilé des statistiques. Dans une réunion regroupant environ 50 grands-parents, j'ai constaté que l'accès avait été refusé aux grands-parents paternels dans un pourcentage voisin de 60 p. 100, aux grands-parents maternels dans un pourcentage de 30 p. 100, avec un pourcentage de 10 p. 100 pour les décès et les autres motifs.

J'ai vu refuser la demande d'accès d'un grand-parent parce que celui-ci avait du mal à s'exprimer. On a menacé de porter des accusations d'agression sexuelle contre deux autres grands-mères, j'ai bien dit des grands-mères et non pas des grands-pères, pour qu'elles se désistent de leur demande d'accès. Inutile de dire qu'elles ont retiré leur demande. Nous avons connu sept cas où l'enfant du grand-parent était mort et où le grand-parent faisait face à une double perte, la perte d'un enfant et la perte de ses petits-enfants. Nous avons réussi à en aider quelques-uns, mais parfois nous n'avons pas pu le faire.

Voici donc quelques cas que j'ai connus au cours des années et que je vous ai relatés. Trop souvent, j'ai dû raccrocher le téléphone en disant à un grand-parent en larmes: «Ne vous en faites pas. Vous n'êtes pas seul.» Les cas les plus difficiles sont ceux où les grands-parents ont perdu des enfants.

Vous avez le pouvoir de modifier notre droit de la famille. Je vous demande au nom de tous les grands-parents du Canada à qui l'on a refusé l'accès à leurs petits enfants sans raison, d'agir avec rapidité et sagesse parce qu'il est dans l'intérêt de ces enfants d'établir une relation avec leurs grands-parents pour que le cycle de la vie soit complet.

Comme l'a déclaré un juge dans une salle d'audience de Brampton il y a quelques années «Les grands-parents sont le pilier même de notre pays.» J'ai été profondément touchée par cette déclaration. J'aimerais penser que les grands-parents sont le pilier de tous les pays. Merci.

Dans nos recommandations, nous demandons au comité d'envisager de modifier la Loi sur le divorce pour veiller à ce que les grands- parents jouent le rôle qui est le leur, un rôle spécial, dans la vie de leurs petits-enfants, lorsqu'il est possible d'établir avec eux une relation positive.

Nous demandons au comité d'obliger les juges à ordonner la médiation lorsque des grands-parents intentent une action et de faire donner aux juges des cours de perfectionnement concernant les grands-parents qui demandent devant les tribunaux un droit de visite. Cela accélérerait le traitement des affaires qui sont soumises aux tribunaux.

Nous demandons au comité de veiller à ce que, lorsqu'un grand- parent a commis une faute, tous les membres de la famille ne soient pas sanctionnés à cause des actes d'une personne et que l'on octroie, lorsque cela est approprié, un droit de visite aux autres membres de cette famille.

On devrait faire une étude sur le nombre des grands-parents qui demandent un droit de visite ou la garde de leurs petits- enfants aux tribunaux canadiens. Cette possibilité est prévue au Québec par l'article 611 depuis 1981. Au Nouveau-Brunswick, il y a le projet de loi 16. Tout récemment, l'Alberta a adopté le projet de loi 204.

J'espère que vous tiendrez compte de nos suggestions et agirez avec célérité pour aider tous les grands-parents qui souffrent en ce moment de ne pas pouvoir voir leurs petits-enfants.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Maintenant, l'Association canadienne des personnes retraitées...

Mme Joan Brooks: Je ne vais pas pouvoir intervenir au nom des Grandparents Raising Grandchildren?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi. Je ne savais pas que vous alliez présenter deux exposés. Allez-y, je vous en prie.

Mme Joan Brooks: J'aimerais redire aux membres du comité que je porte aujourd'hui deux casquettes. Je m'appelle toujours Joan Brooks et j'ai fondé un groupe de soutien pour les grands-parents du nom de «Grandparents Raising Grandchildren» le 11 novembre 1990, après avoir obtenu en 1989 la garde de mes deux petits-fils, avec l'aide de Rendi Fine, un directeur du MSS qui travaille au Self-help Resource Centre de Toronto.

• 1320

Élever des enfants n'est jamais facile mais c'est encore plus difficile lorsqu'on prend de l'âge. Cela peut être très stressant. Nous sommes intervenus, en tant que grands-parents, pour empêcher que nos petits-enfants soient placés dans des familles d'accueil, pour qu'ils demeurent dans leur famille jusqu'à ce qu'un des parents soit en mesure de s'occuper de l'enfant ou de participer à son éducation. C'est ce qui est arrivé dans certains cas.

Les grands-parents sont amenés à élever leurs petits-enfants pour toutes sortes de raisons. En voici quelques-unes. Dans certains cas, le parent est trop jeune pour assumer cette responsabilité. D'autres ne s'intéressent plus aux enfants. Certains ont des problèmes mentaux, d'autres des problèmes de drogue. Je n'ai eu connaissance que d'un cas où le parent était mort du sida.

Les grands-parents n'hésitent pas à intervenir pour sauver leurs petits-enfants, mais ils ont parfois besoin d'une aide financière. J'en connais deux qui ont dû déclarer faillite et une grand-mère qui a dû prendre un emploi à temps partiel à l'âge de 71 ans pour arriver à subvenir à ses besoins et à ceux de son petit-enfant. Cette même grand-mère a dépensé toutes ses économies pour essayer de sauver son petit-fils. Cela n'est vraiment pas juste et c'est une situation qui devrait être corrigée le plus rapidement possible.

Il y a 3,4 millions de grands-parents qui élèvent leurs petits-enfants aux États-Unis et 90 p. 100 de ces enfants ne rentreront jamais chez eux en raison de la drogue. Les seules statistiques que nous ayons pour le Canada sont celles des SAE. Elles indiquent qu'en avril 1996, le nombre des grands-parents qui avaient demandé et obtenu la garde de leurs petits-enfants avait augmenté de 38 p. 100.

Il faut espérer que le dialogue qui s'ouvre aujourd'hui incitera d'autres gouvernements à se pencher avec plus de compassion sur la situation des grands-parents qui élèvent leurs petits-enfants et à répondre aux besoins financiers et émotifs des grands-parents et des petits-enfants. Cela évitera à d'autres grands-parents d'être obligés de déclarer faillite ou de dépenser toutes leurs économies pour répondre à ces besoins. Il faut sensibiliser la population à ce problème. Les autres grands-parents et moi-même ne sommes pas des cas isolés au Canada. Il faut que vous sachiez qu'il s'agit là d'un problème très répandu.

Il y a beaucoup de grands-parents qui s'occupent d'élever leurs petits-enfants mais qui doivent aussi faire face à des problèmes de santé; cela ne nous empêche pas de donner une vie meilleure à nos petits-enfants. Il n'est pas nécessaire d'être particulièrement rapide pour élever un enfant.

Je vais maintenant vous présenter nos recommandations et j'aurai alors terminé, M. Gallaway.

Nous demandons au comité de faire savoir à tous les responsables qui s'occupent de placer des enfants que les grands- parents sont souvent prêts à accueillir ces enfants et qu'il ne faut pas écarter cette possibilité.

Nous demandons que l'on augmente l'aide financière accordée aux grands-parents qui élèvent leurs petits-enfants, pour qu'ils puissent leur offrir une meilleure qualité de vie.

Nous demandons au comité de veiller à ce que tous les gouvernements travaillent ensemble pour aider les enfants qui sont «des causes perdues». Nous espérons que ce n'est pas le cas parce que ce sont eux notre avenir.

Nous demandons au comité de veiller à ce que tous les services, comme les SAE, les services aux familles autochtones, travaillent de concert pour sauver ces enfants et leur donner tout ce à quoi ils ont droit: de l'amour, de la nourriture, un abri et quelqu'un qui s'occupe d'eux et les guide.

Nous demandons également que l'on fasse une étude sur le nombre des grands-parents qui ont obtenu la garde de leurs petits- enfants au Canada.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Brooks.

Et maintenant, à nouveau, madame Libman.

Mme Carol Libman (représentante, Association canadienne des personnes retraitées): Merci.

L'Association canadienne des personnes retraitées est officiellement favorable à un projet de loi qui accorderait aux grands-parents l'accès aux enfants dont les parents sont divorcés ou dont l'un des parents est décédé et l'autre remarié. Il y aurait lieu également, dans certains cas, de songer aux grands-parents lorsqu'il est question d'accorder la garde.

Nous appuyons le mandat qui a été confié au comité mixte spécial selon lequel l'intérêt et les besoins de l'enfant doivent être au coeur de ces décisions.

Je mentionnerai en passant que lorsque nous avons envoyé notre mémoire, il a été daté par erreur du 30 mai au lieu du 30 mars, je suis sûre que tout le monde l'a remarqué, et je dois vous dire que le temps qu'il fait à l'extérieur est plutôt celui d'un 30 mai.

Des voix: Oh, oh.

Mme Carol Libman: Nous avons joint quelques articles tirés du journal de l'ACPR, qui décrit tout cela en détail.

De plus, nous référons les gens qui nous contactent par lettre ou par téléphone à votre organisme parce que vous vous occupez d'action concrète alors que nous, en tant qu'association nationale, nous occupons d'un grand nombre de questions.

• 1325

L'ACPR a appuyé le projet de loi C-232 et la nouvelle version du projet de loi C-245 lorsqu'ils ont été présentés à la Chambre des communes par la députée Daphne Jennings. Dans le rapport du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques, présenté le 14 mai 1996, Mme Jennings note que:

    Ce projet de loi prévoit que toute personne désireuse de demander un droit de visite ou la garde de ses petits-enfants aux termes de la Loi sur le divorce n'aura pas besoin de demander l'autorisation du tribunal pour faire une telle demande.

Les membres du comité craignaient qu'un tel projet de loi entraîne une augmentation du nombre des litiges. Cependant, Mme Jennings a rappelé que plusieurs avocats et un professeur de droit de l'Université d'Ottawa ont déclaré, dans leur témoignage, que cette conséquence était peu probable. En fait, M. Charles Merovitz, un avocat d'Ottawa, a déclaré que le droit d'accès des petits-enfants à leurs grands-parents serait sans doute plus largement reconnu et que cela risquait même de réduire le nombre des litiges.

Avec le système actuel, on peut demander un droit de visite au moyen d'un affidavit. Cependant, cet affidavit donne le droit de procéder à un contre-interrogatoire qui peut durer plusieurs heures et exiger une préparation très longue. Cela est coûteux et prend du temps et risque de décourager les grands-parents qui souhaitent faire une telle demande.

M. Merovitz est, je le signale en passant, l'avocat qui a obtenu gain de cause dans la première affaire jugée en Ontario par un tribunal d'appel dans laquelle on a déclaré sans équivoque que le droit de visite était un droit qui appartenait aux enfants. Les lois ontariennes ont ensuite été modifiées pour qu'elles reflètent ce principe.

Un autre témoin, Barbara Baird, avocate spécialisée dans le droit de la famille à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, a déclaré que malgré les craintes de l'Association du Barreau canadien de voir un afflux de causes présentées par des grands-parents revendiquant leur droit en matière d'accès et de visite, ce n'est pas ce qui s'est passé au Nouveau-Brunswick. Mme Baird estime que les grands-parents proposent souvent au tribunal un point de vue unique sur la question des responsabilités parentales, point de vue que le tribunal ne connaîtrait pas autrement et qui lui permet de rendre des décisions plus justes.

Un autre témoin, Sheila Keet, avocate spécialisée en droit de la famille à Vancouver, a déclaré ce qui suit:

    Lorsque nous parlons des droits des grands-parents, nous parlons en réalité du droit de l'enfant d'établir des liens affectifs avec ses grands-parents. Ce ne sont pas, à mon avis, des droits que les parents biologiques ou l'État devrait avoir le droit de supprimer ou de rétablir, à moins que le bien-être de l'enfant soit en danger.

L'ACPR partage ces opinions et appuierait un projet de loi qui reconnaîtrait l'importance des grands-parents pour les petits- enfants, tout en restant axée sur le bien-être de l'enfant.

Nous nous posons toutefois certaines questions. Il existe des dispositions législatives qui traitent de ce sujet dans plusieurs provinces. Nous nous demandons comment ce projet de loi fédéral va- t-il interagir avec les lois provinciales qui existent, je crois, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Alberta?

L'autre question, qui ne relève pas de la Loi sur le divorce, et je ne sais pas en fait d'où peut venir la solution, est celle du cas où un parent décède et l'autre se remarie et où le nouveau conjoint adopte les enfants. Comment cela touche-t-il les droits des grands-parents? De notre point de vue, ceux-ci existent toujours, tout comme les oncles, les tantes et les voisins.

Voilà à peu près ce que l'ACPR avait à dire, sinon qu'il y a des milliers, des milliers et des milliers de grands-parents au Canada, comme moi, et Judy espère toujours. Nous appuyons donc les efforts déployés pour renforcer la famille en aménageant l'accès des grands-parents aux petits enfants.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Libman.

Maintenant, au microphone 10, voilà comment nous allons le désigner cet après-midi, il y a Linda Casey qui représente Helping Unite Grandparents and Grandchildren. Vous avez la parole.

Mme Linda Casey (fondatrice, Helping Unite Grandparents and Grandchildren): Mesdames, messieurs les sénateurs et les députés, bonjour. Je m'appelle Linda Casey et je suis la fondatrice de HUGG, un acronyme pour Helping Unite Grandparents and Grandchildren.

Le temps qui nous est accordé ne me permettra pas d'aborder toutes les questions que soulève le droit des grands-parents de participer à la vie de leurs petits-enfants. Dans notre cas, les personnes qui s'occupaient principalement de notre petit-enfant, c'étaient mon mari et moi. Je vais surtout parler des ordonnances judiciaires en matière de droit de visite.

Vous avez reçu nos documents supplémentaires. Dans ces documents figurent deux ordonnances judiciaires, les ordonnances que j'ai appelées A et les ordonnances B. Ces deux d'ordonnance définissent les jours et les heures des visites et elles reprennent la formulation utilisée pour les ordonnances de ne pas faire. Les différences qui existent entre ces types d'ordonnances est que le grand-parent qui a obtenu une ordonnance de type A, et dont le droit de visite n'est pas respecté, ne peut obtenir l'appui de la police. Les policiers disent qu'il s'agit d'une question civile et que le seul recours est de revenir devant le tribunal.

• 1330

Le grand-parent qui a fini par obtenir une ordonnance judiciaire lui accordant un droit de visite a certainement dû dépenser des milliers de dollars en honoraires d'avocat. Si ce droit de visite n'est pas respecté, l'ordonnance obtenue n'est qu'un morceau de papier sans valeur.

Par contre, si le grand-parent a obtenu une ordonnance judiciaire de type B et que le droit de visite n'est pas respecté, la police a dans ce cas le pouvoir d'aller chercher l'enfant et de l'amener au grand-parent. Et je vous pose la question, pourquoi? La raison est que les mots «la police est tenue de faire respecter l'ordonnance» figurent sur ce document.

Je crois qu'il faudrait arriver à une solution de compromis, une solution médiane qui refléterait mieux l'intérêt des enfants.

Nous recommandons vivement que la police soit tenue de porter immédiatement une accusation en vertu de l'article 127 du Code criminel contre la personne qui a la garde de l'enfant et qui ne respecte pas les droits de visite accordés à une autre personne par voie judiciaire. L'article 127 énonce clairement que le fait de désobéir à une ordonnance judiciaire constitue un acte criminel.

Toutes les ordonnances relatives au droit de visite doivent prévoir l'intervention de la police en cas de besoin et les parents qui refusent de respecter les droits de visite accordés par un juge doivent savoir qu'ils risquent de subir immédiatement les conséquences de leurs actions.

Le gouvernement n'hésite pas à mettre en garde les fumeurs en faisant inscrire sur les paquets de cigarettes un message disant que les cigarettes peuvent tuer. Mais pour les enfants sans défense, qu'on utilise comme des pions dans les disputes familiales, le gouvernement ne fait pratiquement rien.

Je soutiens que c'est parce que cela alourdirait le coût des services de police locaux. Le procureur général et le solliciteur général appuient les mesures de réduction des coûts. Cela permet certes d'épargner des dollars mais cela retombe sur tous les enfants qui, sans y être pour rien, se trouvent impliqués dans les questions de refus de droit de visite.

Le policier qui croit, en se fondant sur des motifs raisonnables et probables, qu'une personne a enfreint une ordonnance de ne pas faire, décernée en vertu de la Loi sur la réforme du droit de l'enfance, peut l'arrêter sans mandat. Mais lorsqu'un juge accorde un droit de visite et que celui-ci n'est pas respecté, les policiers ne font rien.

Les ordonnances de ne pas faire protègent les adultes mais qui protège les enfants?

J'insiste sur le fait que toutes les ordonnances judiciaires en matière d'accès devraient comporter une indication claire mentionnant que le non-respect de l'ordonnance entraîne de graves conséquences. Ce sera alors aux parents de décider quoi faire.

Il faut également que le tribunal donne aux services de police un message très clair sur les mesures qu'ils doivent prendre. Le parent qui voudrait refuser l'accès à son enfant risque de changer d'attitude s'il sait que la police peut intervenir.

Mon mari et moi avions obtenu une ordonnance judiciaire de type A. On nous a refusé l'accès à notre petite-fille pendant 32 semaines. Nous avons par la suite obtenu une ordonnance judiciaire de type B, une ordonnance pouvant être exécutée par la police. Depuis, nous n'avons jamais manqué une visite. J'insiste sur le fait que lorsque les gens savent qu'ils vont subir les conséquences de leurs actes, que cela va entraîner des sanctions, cela les dissuade d'enfreindre la loi.

Pour terminer, je tiens à remercier les honorables membres du comité de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole ici aujourd'hui. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Casey.

Nous allons maintenant, comme vous le savez, passer aux questions. Je crois que M. Forseth va commencer.

• 1335

M. Paul Forseth: Merci.

Comme vous le savez, vous êtes un groupe de défense d'intérêts et vous comprenez qu'il y a des gens, et je n'en fais pas partie, qui disent que le fait de permettre automatiquement aux grands- parents d'intervenir dans ce genre d'affaires ne fait qu'exacerber les disputes. Par exemple, le fait qu'ils aient de l'argent à donner à leurs enfants adultes pour payer les honoraires d'avocat ne fait que prolonger les litiges judiciaires.

En outre, étant donné le rapport particulier qui existe entre les grands-parents et les parents, cela suscite des oppositions, les Hatfield contre les McCoy, les Montaigus contre les Capulets et ne fait que compliquer la résolution des litiges. Je suis certain que vous avez déjà entendu ce genre de critique.

Un d'entre vous a mentionné mon ancienne collègue, la députée Daphne Jennings et son projet de loi d'initiative parlementaire qui a reçu un traitement si cavalier de la part du gouvernement. Il a été délibérément mis au panier parce qu'il n'a pas été soumis au comité de la justice.

J'aimerais que vous répondiez à ces critiques. Vous avez peut- être des arguments ou des idées qui pourraient faire taire ces critiques. Vous avez peut-être suivi les débats qui ont entouré le projet de loi qu'a présenté Mme Jennings à la Chambre des communes. Vous êtes peut-être en mesure de réfuter les arguments qui ont été mis de l'avant pour justifier devant le comité l'envoi de ce projet de loi au panier.

Mme Carol Libman: Je relis ce que j'ai lu ce matin en venant ici en métro mais j'ai un peu de mal à comprendre ce qui s'est passé parce qu'au départ la plupart des gens semblaient favorables à ce projet de loi.

Elle a ensuite proposé un amendement. Cela a supprimé certains articles qui soulevaient des problèmes. Les gens semblaient être pour ou contre le projet en fonction de leur appartenance politique.

Je trouve cela un peu difficile à comprendre. Je n'ai pas tout le dossier; je n'en ai qu'une partie. Il me semble que la médiation est la solution à retenir.

On m'a parlé de cas où les grands-parents étaient demeurés très proches de leur belle-fille ou de leur gendre après un divorce. Cela arrive souvent. Si l'on pouvait considérer les grands-parents comme des gens neutres, affectueux qui veulent surtout prendre soin de leurs petits-enfants et ne pas se mêler des problèmes qui existent entre...

C'est habituellement un gros choc lorsque des enfants divorcent. Cela est un gros choc pour les grands-parents. Ils veulent rester en contact avec les petits-enfants et s'ils sont intelligents, ils vont essayer de rester neutres dans une telle situation.

Pour ce qui est de leur capacité à financer les frais judiciaires, ils peuvent le faire de toute façon; cela n'a rien à voir avec les petits-enfants. S'ils ont envie de donner de l'argent à leur fils ou à leur fille, ils peuvent le faire. Cela n'a rien à voir avec les petits enfants et je ne crois pas qu'il faut mélanger ces deux choses.

Mme Joan Brooks: Nous recommandons fortement aux grands- parents qui font partie de notre groupe de ne pas prendre parti, de demeurer neutres, de ne pas dire du mal d'un parent, de rester calmes dans la tempête.

Le monde que nous avons connu, la famille telle que nous l'avons connue sont en train de disparaître. Je parle d'expérience. Les grands-parents ont beaucoup de mal à s'empêcher de défendre leur enfant mais nous leur recommandons fortement de ne rien dire.

Nous leur disons qu'ils doivent uniquement se préoccuper de leurs petits-enfants, d'être calmes dans la tempête, parce que nous le savons, la situation peut devenir assez orageuse au moment d'un divorce. Mais c'est ce que nous recommandons.

Nous leur disons: «Vous êtes le grand-parent et vous devriez vous cantonner dans ce rôle. Laisser les parents agir en tant que parents, mais ne prenez pas parti et ne dites jamais du mal des parents.»

Enfin, si je peux dire quelques mots au sujet des ressources financières que les grands-parents utilisent pour présenter des demandes judiciaires, je tiens à dissiper le mythe voulant que lorsque l'on refuse à un grand-parent l'accès à ses petits-enfants, sa première réaction est d'aller voir un avocat. Ce n'est pas ce qui se passe.

Il y a des grands-parents, j'ai parlé à des douzaines d'entre eux, qui ont essayé de proposer la médiation et cela leur a été refusé. Ils ont fait une offre et elle a été rejetée. Cela se produit pour la raison toute simple qu'il y a une des parties qui ne veut rien entendre et qui se montre déraisonnable.

Évidemment, nous ne voulons pas aller devant les tribunaux. Nous ne voulons pas y aller pour diverses raisons, pour les enfants, à cause de ce que cela les oblige à vivre. Mais il y a des gens qui refusent carrément de négocier.

• 1340

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Merci beaucoup d'être venus. Je ne sais pas ce qu'il y avait exactement dans le projet de loi de Mme Jennings, mais j'ai entendu dire qu'on ne lui reprochait pas tant qu'il n'était pas souhaitable que les enfants voient leurs grands-parents que le fait que ce projet reconnaissait automatiquement aux grands-parents le droit de voir leurs enfants.

Notre comité recherche désespérément des solutions axées sur l'enfant. J'aimerais que les représentants de ce groupe me disent s'il y a des cas où l'on ne devrait pas accorder aux grands-parents le droit de voir leurs petits-enfants?

Dès qu'on légifère, il faut se poser des questions. Je crains qu'il n'y ait ici une sorte de parti pris ethnique; le comité n'adopte pas une approche multiculturelle alors qu'il y a d'autres cultures qui sont supérieures dans ce domaine sans qu'il faille recourir aux tribunaux.

Je voudrais toujours que l'on agisse dans l'intérêt de l'enfant. Avez-vous déjà connu des situations où la relation existant avec des grands-parents aggrave la situation familiale? Comment la loi ou les tribunaux pourraient préciser ce qui est véritablement dans l'intérêt de l'enfant?

Mme Carol Libman: Eh bien, s'il était prévu que cette mesure doit être prise dans l'intérêt de l'enfant, on appliquerait le même critère que celui qu'on applique à d'autres cas. On ne laisserait pas un père ou une mère pédophile voir leur enfant, à moins que les visites ne soient surveillées. Je pense que la même règle pourrait s'appliquer aux grands-parents. Ce sont des personnes. Ce ne sont pas nécessairement des anges mais...

Mme Joan Brooks: J'aimerais ajouter un commentaire, si vous le permettez. Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'avoir mis au monde mon petit-fils il y a quelques années.

Mme Carolyn Bennett: J'espère que cela a été une expérience centrée sur l'enfant.

Mme Joan Brooks: Je ne l'oublierai jamais.

Les grands-parents, comme les parents, ne sont pas tous des anges. Pourquoi ne pas s'inspirer de l'article 611 de la province de Québec qui prévoit que l'on ne peut refuser l'accès à l'enfant «sans motifs graves»? Bien sûr qu'il y a des grands-parents qui ne devraient pas voir leurs petits-enfants.

Je pense aussi que pour chaque grand-parent qui assiste à une réunion comme celle-ci, il y en a au moins quatre qui restent chez eux parce qu'il y a un stigma et qu'ils ont honte que cela se sache. Ils n'ont rien de commun avec les autres grands-parents à qui on refuse l'accès aux petits-enfants et les autres grands- parents ne peuvent les comprendre alors que, lorsqu'il s'agit d'un groupe d'entraide ou de pairs, lorsque l'on s'assoit à la table, tout le monde sait que les autres se trouvent là pour la même raison qu'eux.

Mais non, s'il y a des allégations graves, alors bien évidemment il faut examiner la chose de plus près.

Mme Carolyn Bennett: Dans le cas des grands-parents qui sont les personnes qui s'occupent principalement de leurs petits- enfants, trouvez-vous que les tribunaux ont réagi de façon... Je crois que, bien sûr, dans la communauté antillaise et dans la communauté autochtone, il est tout à fait normal que la grand-mère soit celle qui s'occupe principalement des enfants pendant que sa fille travaille, ce qui explique l'existence de rapports très différents entre ces personnes. Pensez-vous que les tribunaux canadiens tiennent compte de cet aspect lorsque ces rapports se détériorent ou croyez-vous que, même dans ce cas, ils n'accordent pas suffisamment d'importance à ces rapports?

Mme Joan Brooks: Je parle du point de vue des Autochtones, puisque je suis moi-même autochtone, et il est normal que l'on hérite de ses petits-enfants. Cela est un peu différent mais cela vient sans doute... je ne sais pas trop comment l'appeler. Notre association regroupe des grands-parents ayant des origines très variées. Cela touche tout le monde. Personne n'est au-dessus de ce genre de problèmes, quelle que soit l'ethnie en cause ou le niveau socioéconomique.

Je crois que si ces groupes, comme ceux qui sont venus ici aujourd'hui, si on leur donne la chance de vous présenter un exposé, faute d'autre mot, sur ce qui se passe dans les collectivités, je crois que cela va sensibiliser les membres du comité.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: J'aurais une très brève question, monsieur le président.

Pour ce qui est du droit des grands-parents d'avoir accès aux enfants, que pensez-vous des responsabilités que doivent assumer les grands-parents? En tant que grands-parents, nous voulons avoir accès aux petits enfants. Je n'en suis pas un mais nous voulons avoir un droit de visite. Mais sommes-nous prêts à accepter cela ou pensons-nous qu'il serait bon que l'accès accordé aux grands- parents s'accompagne également de responsabilités reconnues par la loi ou par une autre instance recommandée par le comité?

• 1345

Mme Joan Brooks: Vous voulez dire financières, comme cela était le cas au Québec où le grand-parent était responsable de son petit-enfant?

M. Eric Lowther: Peut-être. Je veux dire en fait que, lorsqu'on est parent, on a des responsabilités et ces responsabilités s'accompagnent de la possibilité de demander un droit de visite.

Je me demande si les grands-parents qui sont ici et les représentants des associations de grands-parents revendiquent le droit d'avoir accès à leurs petits-enfants, tout en refusant les responsabilités. Ou disent-ils plutôt qu'ils veulent avoir un droit de visite, tout en assumant également des responsabilités?

Mme Joan Brooks: Je pense que, dans l'ensemble, la plupart des grands-parents sont heureux d'assumer des responsabilités et d'aider les parents.

Je n'aime pas beaucoup le mot «droit» parce que nous savons que cela est dans l'intérêt de ou des enfants, selon le cas.

M. Eric Lowther: Je suis désolé, je ne me suis pas très bien exprimé. Je voulais peut-être poser la question suivante: cela devrait-il être facultatif pour les grands-parents? Le grand-parent qui veut participer peut s'appuyer sur une disposition législative. Mais s'il ne tient pas à le faire, cela lui est également possible. Les grands-parents peuvent dire qu'ils ne veulent pas s'occuper de leurs petits-enfants. Ils ne sont pas obligés de participer à tout ce processus alors que les parents ne peuvent pas agir de la même façon.

En tant que grand-parent, je me demande si vous faites partie du même groupe que les parents, qui sont eux légalement tenus de s'occuper de leurs enfants. Par opposition à l'idée qu'il est plus facile pour un grand-parent de participer mais que cela demeure pour lui facultatif alors que pour le parent, ce n'est pas un choix. Cela fait partie en quelque sorte de la situation.

Mme Joan Brooks: Je ne sais pas si je vous entends bien, mais en fait le parent est le parent.

M. Eric Lowther: Très bien.

Mme Joan Brooks: Le grand-parent est le grand-parent. Je ne pense pas que les grands-parents se mettent à la recherche de leurs petits-enfants pour les élever à un moment donné. Mais je dis merci mon Dieu que nous sommes ici, cela nous évite d'avoir à placer les enfants dans les familles d'accueil, ce qui coûte très cher au contribuable. Comme nous le savons, il est beaucoup moins coûteux d'élever ces enfants au sein de leur famille étendue.

Là encore, je n'aime pas beaucoup le mot «droit». Voulez-vous dire que, d'après vous, les grands-parents devraient se trouver dans la même situation que les parents?

M. Eric Lowther: Je ne sais pas ce que je veux dire, pour être tout à fait franc avec vous.

Des voix: Bravo, bravo!

Mme Joan Brooks: Il y a les parents, il y a les grands- parents.

M. Eric Lowther: Je crois que ce que j'ai beaucoup de mal à dire est la chose suivante: le système général que nous essayons d'améliorer doit-il considérer automatiquement que les grands- parents ont un rôle à jouer et qu'ils doivent donc participer au processus depuis le début? C'est un principe de base, une position fondamentale. Ou la position des grands-parents devrait-elle être celle qui existe aujourd'hui? C'est peut-être pire que cela mais si les grands-parents font suffisamment de bruit ou s'ils le souhaitent, ils peuvent avoir accès au débat. C'est, je crois, à peu près ce qui existe à l'heure actuelle et cela ne donne pas de très bons résultats.

Voilà les deux aspects à propos desquels je m'interroge. Quelle est votre position sur cette question? Devrait-on en faire un principe et faire intervenir les grands-parents dès le départ? Ou est-ce quelque chose qu'ils pourraient faire s'ils le souhaitent?

Mme Joan Brooks: À l'heure actuelle, parmi les grands-parents dont les enfants n'ont pas divorcé, il y en a qui passent beaucoup de temps avec leurs petits-enfants et d'autres qui leur consacrent peu de temps. Il y en a qui vivent à Vancouver et leurs petits- enfants à Halifax. Il faut tenir compte de tous ces facteurs. Mais je crois que l'on doit partir du fait que les grands-parents font partie intégrante de la famille. Quel que soit l'état de la cellule familiale, ils sont toujours là.

Vous avez sans doute étudié ce qui s'est passé au Québec, où les grands-parents sont tenus d'aider leurs petits-enfants, si, par exemple, leur fils ou leur fille est tenu de verser des aliments aux enfants et n'est pas en mesure de le faire.

Je crois que cela a évolué au cours des années. D'après la dernière décision que j'ai lue, le juge a simplement veillé à ce que l'enfant soit correctement nourri et habillé mais il n'a pas exigé qu'il puisse fréquenter une école privée. Les grands-parents n'ont pas été obligés de payer pour ce genre d'études mais il fallait qu'ils répondent aux besoins essentiels de l'enfant.

• 1350

Il est possible qu'en examinant de façon plus détaillée ce qui s'est fait au Québec, cela nous donnerait quelques idées là-dessus.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: J'ai une question supplémentaire sur ce point. Le Code civil du Québec reconnaît l'importance des relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents et interdit aux parents d'y faire obstacle. C'est ce que dit le droit actuellement.

Je suis moi-même grand-mère et je sais que, lorsqu'un enfant vit une situation troublée, lorsqu'il y a une guerre dans la famille, il est bon que cet enfant puisse trouver un refuge et constater qu'il y a encore des mariages qui durent et qui fonctionnent bien. L'avenir de l'enfant dépend de cette expérience. Il a aussi parfois peur d'établir une relation lorsque se livre autour de lui une guerre des mots et qu'il vit dans une atmosphère conflictuelle.

Je n'ai pas assisté au début de votre intervention. Vous avez dit que les grands-parents devaient rester neutres et être à la disposition de leurs petits-enfants et que nous devrions laisser les parents jouer le rôle de parents.

Si l'on veut agir dans l'intérêt de l'enfant, le principe qu'a proposé mon collègue est peut-être le bon: il faudrait peut-être commencer par mettre au point un plan lorsque la relation matrimoniale se détériore. C'est adopter une approche préventive de sorte qu'à ce moment, les grands-parents sont prêts à intervenir et à jouer le rôle qui leur revient naturellement, parce qu'ils sont là pour l'enfant.

C'est peut-être un commentaire et pas une question.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une réaction?

Mme Judy Cutler (Association canadienne des personnes retraitées): Je voulais simplement ajouter que mes parents sont divorcés. J'avais une grand-mère qui est demeurée neutre et qui m'a donné toute son affection, ce qui m'a permis de prendre du recul par rapport à la situation que je vivais et m'a rappelé l'importance des valeurs familiales. Cela me paraît très important. Je crois qu'elle se serait comportée de la même façon que mes parents aient divorcé ou non.

Je n'aime pas beaucoup entendre dire que les grands-parents se comportent différemment selon que les parents sont divorcés ou non. Ce sont toujours des grands-parents et je crois que la plupart d'entre eux sont neutres avec leurs petits-enfants.

La sénatrice Erminie Cohen: J'ai entendu ce matin dire à la télévision qu'il y avait eu près de 71 500 divorces en 1996. Je viens de calculer que cela représente 286 000 grands-parents. Il faut tenir compte de l'importance de ce groupe, parce qu'il est vraiment nombreux. Je crois que cette intervention est importante. J'espère qu'une fois nos audiences terminées nous pourrons prendre des mesures très positives pour les grands-parents.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez une question supplémentaire?

Mme Carolyn Bennett: Je me demandais s'il y avait des livres que vous trouvez utiles, en termes de ressources, pour les grands- parents qui vivent ce genre de choses? Je crois qu'il s'est dit aujourd'hui beaucoup de bonnes choses. Je me disais, que lorsque des couples sont à la veille de se séparer, les grands-parents pourraient lire un peu sur la question, sur l'idée qu'ils peuvent être un refuge pour les enfants. Y a-t-il des livres que vous aimez vraiment?

Mme Joan Brooks: Il y a une auteure canadienne qui a parlé de ceci et elle a écrit un livre intitulé Grandparents Don't Just Babysit. Il y a également quelques auteurs américains qui ont écrit de bonnes choses.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie d'être venus cet après-midi. Il est important qu'on nous rappelle que les familles ne sont pas uniquement formées des pères, des mères et des enfants. Nous sommes très heureux de vous avoir entendu.

Je voulais ajouter quelque chose. Je suis heureux que M. Forseth ait parlé du projet de loi de Mme Jennings. Je vous fais remarquer que le projet de loi de Mme Jennings était une initiative parlementaire. Croyez-moi, je sais d'expérience que cela n'est pas facile.

J'étais membre du comité de la justice et je peux vous assurer que nous n'avons jamais reçu d'instructions du ministre de la Justice. En fait, en tant que député libéral au cours de la dernière session, nous étions partagés en deux groupes égaux au sujet du sort qu'il convenait de réserver à ce projet de loi. J'espère que cela va nous donner l'occasion de travailler, dans une perspective plus large, à ce problème. Merci encore d'être venus.

Mme Carol Libman: J'ai une question. Cela ne fait pas partie de la Loi sur le divorce. Cela ne fait pas partie d'une loi sur le divorce, comme l'était le projet de loi initial. C'est un projet de loi tout à fait distinct. Il ne vise pas la Loi sur le divorce et il va également couvrir...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous ne sommes pas en train d'étudier un projet de loi.

Mme Carol Libman: Nous commençons à zéro.

• 1355

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons être nécessairement amenés à examiner la Loi sur le divorce. Nous ne pouvons pas étudier la Loi sur le droit de la famille, qui est une loi provinciale, de sorte que, lorsque vous parlez d'enfants décédés qui laissent des petits-enfants, nous ne pouvons pas traiter de cette situation. Nous devons nous limiter aux pouvoirs fédéraux, dont relève la Loi sur le divorce. Les autres questions que vous avez mentionnées...

Mme Carol Libman: Elles sont toutes provinciales.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Le Canada est un pays particulièrement complexe et il y a toujours cette répartition des pouvoirs. Ces situations relèvent des provinces.

Mme Joan Brooks: Si vous permettez que j'ajoute quelque chose, très rapidement, lorsque nous parlons de demande de garde et d'accès aux enfants, il faut également penser aux familles intactes, dont les parents ne sont pas divorcés et qui refusent aux grands-parents l'accès aux petits-enfants; il faudrait peut-être examiner également cette question.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Mme Joan Brooks: Merci.

Mme Linda Casey: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, j'aimerais souligner que l'important, dans le cas où l'on refuse aux grands-parents l'accès à leurs petits-enfants, est de sensibiliser les gens et non pas de les aliéner. Je ne pourrai jamais trop insister sur ce point.

Si je pouvais faire un autre commentaire, je dirais qu'il n'y a pas qu'aux grands-parents que l'on refuse l'accès dans ce genre de cas; il y a les tantes, les oncles, les neveux, les nièces et le reste. Il n'y a pas que ces deux personnes à qui on refuse l'accès aux enfants.

Si je pouvais encore mentionner quelque chose, dans notre cas, personne n'a représenté l'enfant pendant que nous essayions d'obtenir d'un juge qu'il nous donne accès à celui-ci. L'avocat du Bureau des enfants participe parfois à ce genre d'instance mais, à moins que l'on ne soit physiquement maltraité, qu'il y ait des preuves évidentes de ce genre, il n'y a personne qui aide l'enfant à passer à travers cette crise émotive. Dans notre cas particulier, il n'y avait personne qui s'occupait de notre petite-fille. Nous aurions voulu être là mais cela nous était interdit.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Mme Linda Casey: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons faire une pause de cinq minutes, de cinq minutes seulement.

• 1357




• 1402

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bienvenue à nos prochains invités: Resa Eisen; M. Howard Waiser et la Dre Elsa Broder, du Hincks Centre for Children's Mental Health.

Nous allons entendre avec un vif intérêt ce que vous avez à dire parce que nous n'avons pas beaucoup entendu de choses sur le sujet dont vous allez nous parler, c'est-à-dire les enfants des couples divorcés. Voulez-vous commencer.

Mme Resa S. Eisen (témoigne à titre personnel): Bien sûr. Bonjour. Je ne sais pas ce que vous savez à mon sujet. Je suis une travailleuse sociale qui travaille dans le secteur privé à Toronto et je m'occupe principalement des familles divorcées en tant que conseillère, évaluatrice et médiatrice depuis près de 22 ans. J'ai mon propre bureau depuis 1982.

Je propose de présenter au comité certaines idées qui me sont chères au sujet des couples divorcés avec enfants. Je vais vous le lire et nous passerons ensuite aux exposés de M. Waiser et du Dr Broder.

Honorables membres du comité, la tâche consistant à octroyer la garde des enfants des familles séparées ou divorcées a traditionnellement été confiée aux tribunaux et aux spécialistes de la santé mentale.

Les principes qui ont guidé l'attribution de la garde des enfants ont sensiblement évolué au cours des ans. Robert McWinney décrit cette évolution en détail dans un article sur les modes qui se sont succédé pour ce qui est de l'octroi de la garde des enfants. Il parle du principe qui a été appliqué pendant des siècles, d'après lequel le père, l'homme, pouvait réclamer et obtenir la garde de ses enfants, comme s'il s'agissait d'un bien. Dans les années qui ont suivi, c'est le rapport affectif entre la mère et l'enfant en bas âge qui a été considéré comme l'élément essentiel du développement de l'enfant et qui est un devenu un principe directeur. Plus récemment, Goldstein, Solnit et Freud, dans leur ouvrage de 1979, énoncent le principe fondamental en matière d'attribution de la garde. C'est l'intérêt de l'enfant.

La notion d'intérêt de l'enfant est devenue une théorie voulant qu'il y ait un parent psychologique et que cette relation est déterminante pour répondre aux besoins de sécurité et de soins de l'enfant.

D'une certaine façon, l'idée de l'intérêt de l'enfant et le droit de famille actuel ont quelque chose en commun. C'est qu'il existe un adulte qui est capable de s'acquitter des tâches parentales mieux que l'autre. En droit de la famille, il s'agit de savoir qui aura la garde de l'enfant et quel sera le parent qui bénéficiera d'un droit de visite. Dans le domaine de la santé mentale, les évaluateurs consacrent beaucoup de temps et d'efforts pour déterminer quel est le parent qui est le mieux qualifié pour répondre aux besoins affectifs, sociaux, éducatifs et de santé de l'enfant et donc, celui à qui la garde doit être attribuée. J'estime que ces deux points de vue ont un effet réducteur sur la dynamique complexe de cette situation et reflète un souci de contrôle plutôt que de prise en charge des enfants du divorce.

• 1405

Pour replacer tout cela dans une perspective plus large, la plupart des parents qui, à cause de l'échec d'un mariage, doivent prendre des décisions difficiles à propos de leurs enfants, arrivent à s'entendre ou demandent l'aide d'un conseiller ou d'un médiateur lorsqu'ils ont besoin d'aide. Le tribunal n'est pas le meilleur endroit pour prendre ce genre de décision essentielle mais c'est le droit qui détermine les règles applicables à la garde des enfants. La toute première personne que consultent les parents est bien souvent un avocat à qui ils demandent des conseils sur la meilleure façon de procéder. Nous savons que les avocats se basent sur les principes juridiques applicables en matière de garde et de droit de visite. Que les relations entre les parties soient courtoises ou acrimonieuses, les règles applicables aux enfants de parents séparés sont les règles juridiques en matière de garde.

Tant que la garde sera attribuée au meilleur parent, il y aura par définition un parent perdant et un parent gagnant. Depuis le début du processus, le contexte juridique est un milieu où les parents sont des opposants et automatiquement, des ennemis. Ne pensez-vous pas que notre estime de soi risquerait d'être compromise si nous devions démontrer nos qualités et prouver que l'autre parent n'en possède pas? Une séparation bouleverse complètement la façon de vivre. Tous les points de repère disparaissent. Demeurent le chaos et un sentiment de perte généralisé.

Ce n'est pas que les parents ne pensent pas à leurs enfants lorsqu'il s'agit de la garde; c'est qu'avant tout, ils ne veulent pas perdre les liens qu'ils ont établis avec leurs enfants, ils ne peuvent même pas y penser. Il est pour eux tout à fait inacceptable, et même humiliant et déprimant, d'être relégué à un statut inférieur, celui du parent qui bénéficie uniquement d'un droit de visite et qui est le visiteur. Les règles actuelles n'offrent guère d'autres solutions. Lorsqu'on fait intervenir le système juridique, un système axé sur la résolution des problèmes interpersonnels et juridiques sur une base accusatoire, l'objectif essentiel qui consiste à préserver la relation parent-enfant risque au mieux d'être quelque peu dilué et, au pire, supprimé.

Le recours au droit a tendance à figer ce qui est par nature fluide et en évolution constante. Quelle qu'ait pu être l'organisation familiale avant la séparation, on s'attend à ce que le droit restructure complètement les fonctions et les comportements parentaux. Cette restructuration s'effectue sur la base de droits inaliénables, sur l'exclusivité des rôles parentaux et le dilemme que pose la nécessité de... couper l'enfant en deux, de façon à ce que chacun en ait plus de la moitié.

Est-il simpliste d'espérer des lois qu'elles ne s'attachent pas uniquement aux droits des parents et au fait de gagner ou de perdre et qu'elles favorisent la contribution et la responsabilité des parents? Serait-il possible d'avoir des lois qui partent du principe que les parents sont capables d'exercer leurs rôles et que les tâches et les contributions peuvent se partager? Sera-t-il possible d'élaborer des lois qui aideraient les parents à continuer à participer au bien-être de leurs enfants et à passer du statut de conjoint à celui de coparent? Les études dans ce domaine sont clairement favorables à cette façon de voir.

Les études démontrent toutes que les enfants ne s'intéressent pas à la question de savoir à qui ils appartiennent mais beaucoup à la façon dont chacun de leurs parents pourra préserver la relation qu'ils ont avec eux. Nous savons que les enfants qui ont vécu des conflits matrimoniaux en ressentent longtemps les effets parce qu'ils se trouvent pris entre les deux personnes qui sont les plus importantes pour eux. C'est une position très difficile et très préjudiciable pour eux.

Lee, Shaughnessy et Banks parlent d'un service qui avait été créé en Arizona pour faire appliquer les ordonnances d'accès. Ils ont parlé aux enfants et ont constaté que, lorsqu'ils voient fréquemment l'autre parent, les enfants s'ajustent plus facilement à la nouvelle situation et améliorent leurs résultats scolaires. Ces enfants sont moins déprimés parce qu'ils réussissent à préserver des relations de qualité avec leur mère et leur père.

Pour les parents, le seul rôle valorisant est celui de parent qui a la garde de l'enfant. Comme l'a écrit Robert McWinney:

    Même lorsque l'autre parent ne se vante pas de sa victoire, le parent qui bénéficie d'un droit de visite est atteint dans sa dignité de parent par le jugement prononcé, ce qui ne peut que compromettre son équilibre affectif ou dynamique et la perte de son statut de véritable parent cause un tort très grave tant aux parents qu'à l'enfant.

Les avocats et les professionnels de la santé mentale ont souvent été en mesure de constater que le parent qui a l'accès ne remplit plus son rôle. Mis à l'écart et dépouillé de ses responsabilités, le parent qui n'a pas la garde en arrive parfois à renoncer à son rôle de parent ou à devenir carrément agressif. Il arrive que le comportement du parent qui a la garde ne facilite pas la participation de l'autre.

La garde partagée devait reconnaître la complémentarité des rôles des parents et on s'est souvent demandé si cela était une aide ou un obstacle. Sur le plan des principes, la garde partagée permet aux parents de répartir les tâches de façon plus égalitaire, les enfants sont moins obligés de choisir un parent au détriment de l'autre et les pères et les mères occupent des positions plus égalitaires. D'après mon expérience, c'est la notion d'égalité que l'on associe le plus fréquemment avec la garde partagée. Cette idée risque d'amener les parents à vouloir participer dans la vie des enfants sur un pied d'égalité, et ce, de façon permanente et dans tous les domaines, ce qui risque d'avoir en fait un effet préjudiciable. C'est une idée curieuse si on la compare à la notion d'égalité que l'on vit dans les familles intactes. Cette forme de garde partagée est différente de la volonté de partager conjointement les responsabilités parentales et cela crée souvent une atmosphère de compétition et de discussion. Il est temps de changer ces valeurs.

• 1410

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous essayons de réduire le temps consacré aux exposés parce que les questions sont...

Mme Resa Eisen: Il ne me reste que quelques paragraphes.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien.

Mme Resa Eisen: Il est temps d'adopter des valeurs qui soient reconnues par le droit et conformes à ce que nous savons de la dynamique familiale. Comme les auteurs Leonoff et Montague l'ont déclaré, les responsabilités parentales sont beaucoup plus lourdes que les droits et amènent les parents à faire des choix différents. Les médiateurs rencontrent ce genre de réactions très fréquemment dans les cas où la garde et le droit d'accès sont contestés. Les cas les plus complexes peuvent déboucher sur un règlement après médiation lorsque le processus est axé sur les choix et sur l'acceptation de responsabilités. Les médiateurs aident les parents à parler de leur contribution respective, de la façon dont ils sont prêts à partager les responsabilités, des besoins éducatifs des enfants et de leurs besoins financiers. L'autre n'est plus alors considéré comme un ennemi mais comme un partenaire avec qui partager des tâches.

Il y aura bien sûr toujours des cas où la médiation et les autres formes de résolution de conflit échouent. Les familles dans lesquelles les conflits sont très aigus ou la répartition du pouvoir très inégale, les parents qui utilisent le moindre prétexte pour critiquer l'autre, voilà des cas qui appellent l'intervention des tribunaux. Il faudra encore demander à des évaluateurs de donner leur opinion dans les cas où les parents ont, par leur comportement, manifestement porté atteinte au droit à l'autodétermination.

En conclusion, ces questions doivent être abordées en fonction de deux principes: la contribution des parents et la responsabilité des parents. Il faut adopter des mesures législatives qui renforcent la dignité des parents, qui fixent des normes favorisant la préservation des liens parentaux et qui aident les parents à contribuer au bien-être affectif et matériel de leurs enfants. Je pense que le droit est un outil capable de définir la contribution des parents et de définir les responsabilités parentales. Cela donnerait une solution juridique qui serait plus détaillée et beaucoup plus souple.

Un tel mécanisme doit être souple, parce que toutes les questions de garde sont reliées à l'âge de l'enfant et à son développement, ainsi qu'à la situation des parents au moment où ils élèvent l'enfant. Cela se rapproche du modèle du partage des tâches parentales, mais dans la situation actuelle, la répartition des tâches parentales s'effectue par les parties et leurs avocats et n'est pas prévue par le droit de la famille. Si nous voulons privilégier l'intérêt de l'enfant, nous devons adopter des lois qui, au lieu de parler des droits des parents et du contrôle qu'ils exercent, font référence aux responsabilités et aux contributions des parents, de façon à mieux refléter la vie des gens que ces règles touchent. Cela est beaucoup plus conforme à l'intérêt de l'enfant, considéré sous l'angle d'un membre d'une famille en train de se séparer.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Waiser.

M. Howard B. Waiser (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Howard Waiser. Je suis psychologue mais à part cela, mon expérience professionnelle est très proche de celle de Resa. Je fais beaucoup de médiation, je m'occupe d'affaires de garde et de partage des tâches parentales. Permettez-moi de lire mon exposé.

L'une des difficultés que soulève les aspects juridiques de la garde et de l'accès est que l'on veut formuler en termes juridiques une dynamique psychologique familiale. Nous pensons qu'en confiant ces questions aux tribunaux, nous pouvons imposer aux parties le respect d'une certaine structure et d'une certaine discipline et qu'elles vont collaborer à l'exécution du jugement judiciaire. En fait, ce sont les aspects affectifs qui jouent le rôle principal dans les questions de garde et ces aspects se prêtent mal, par leur nature, à un règlement judiciaire ou autoritaire.

La garde, par sa nature même, fait référence à la possession et au contrôle de quelque chose, dans ce cas-ci, les enfants du mariage. Les cas qui se retrouvent devant les tribunaux sont ceux où les deux parties veulent participer à l'éducation de leurs enfants, soit parce qu'elles les aiment et veulent véritablement s'en occuper soit pour se venger de l'autre. Entre ces deux extrêmes, il existe une série de situations qui expliquent la façon dont les parents interagissent avec leurs enfants.

Dès que l'on parle de garde, on sait qu'il y aura un gagnant et un perdant. Cette perspective ne favorise pas l'établissement de saines relations familiales, ni le développement affectif des enfants. Je propose qu'au lieu de parler de garde et de droit de visite comme on le fait actuellement, l'on se préoccupe davantage dans ce genre de cas des responsabilités parentales et du lieu de résidence des enfants. Les parents demeureront toujours des parents. Personne ne peut remplacer un père et le rôle d'une mère ne peut être exercé par quelqu'un d'autre.

Dans une famille saine, qu'elle soit séparée ou intacte, les parents coopèrent pour le bien des enfants. Ils exercent tous deux certaines tâches parentales, selon la dynamique interne de la famille et ils répondent aux attentes qui se sont créées au cours de leur union. Lorsque la famille se sépare, cette attitude de collaboration des parents se modifie mais ne devrait pas être supprimée ou interdite. La dynamique des relations parentales est renouvelée parce que les parents ne sont plus en contact permanent et parce que la nature de leur relation a changé.

Il est important que les parents continuent à communiquer pour le bien des enfants et que nous ne déclarions pas vainqueur un des parents en lui confiant le contrôle des enfants et donc, de l'autre parent.

• 1415

Il ne faut pas non plus créer de perdant, parce qu'alors celui-ci est moins motivé à participer au processus. Si l'on insiste sur le rôle de parent plutôt que sur la garde, tout le monde peut continuer à participer à l'évolution de la relation familiale. Cela ne veut pas dire que les parents participeront toujours de façon égale à l'éducation de leurs enfants mais plutôt que la nature de leur contribution dépendra de leur motivation, de leur capacité et des avantages que peuvent en retirer les enfants.

Les façons de concrétiser ce genre d'arrangement sont innombrables, que l'on pense à la façon habituelle qui prévoit un droit d'accès une fin de semaine sur deux et le mercredi soir, ou que l'on pense au cas où les enfants restent à la maison et les parents y séjournent chacun leur tour. Les enfants ont besoin de leurs deux parents toute leur vie et il faut préserver ces relations quel que soit le moyen choisi pour le faire.

Ce changement d'attitude au sujet des tâches parentales doit s'accompagner d'un changement dans la façon dont l'on conçoit le lieu de résidence des enfants. Il serait souhaitable que l'importance attachée au lieu où l'enfant va vivre soit remplacé par l'idée qu'il faut lui attribuer un lieu de résidence, non pas parce qu'il est sous la garde d'un parent en particulier mais parce que la maison de ce parent a été choisie comme résidence principale. Le logement est choisi en fonction des besoins de l'enfant, sans nuire à la relation qui existe avec l'autre parent.

Il est important que les enfants aient une résidence principale parce ça leur donne la possibilité d'avoir une adresse pour le courrier, pour choisir une école et pour s'inscrire à des activités sportives. C'est l'endroit où l'enfant vit habituellement. C'est un lieu physique et non pas le lieu où s'exerce l'autorité ou le contrôle du parent qui y réside.

Je voudrais parler maintenant de la façon dont se prennent les décisions dans les familles. Il n'est pas vrai que les décisions sont toujours prises d'un commun accord, quel que soit le système. Dans toutes les familles, il y a habituellement une personne qui prend la plupart des décisions. Ce n'est pas une question de pouvoir, de contrôle ou d'autorité mais de responsabilité. Lorsque l'on pense à exercer un contrôle sur d'autres personnes, on pense à donner des ordres et à profiter des retombées. Être responsable veut dire que l'on assume les conséquences des décisions prises, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. C'est cette responsabilité qui marque les tâches parentales. Nous devons modifier la façon dont nous concevons cette dynamique, si nous voulons que ce processus soit utilisé correctement.

Dans une situation idéale, les deux parents parleraient de la décision à prendre et en arriverait à une conclusion fondée sur le respect mutuel et la coopération. Dans la réalité, lorsqu'il n'y a pas de consensus, il faut qu'une personne prenne la responsabilité des choix effectués et qu'elle en assume les conséquences, quelles qu'elles soient. C'est une tâche qui revient habituellement au parent qui connaît le mieux la question ou l'enfant. Lorsque les parents ne peuvent s'entendre sur ce point, c'est habituellement la personne avec laquelle habite l'enfant qui va prendre la décision puisque c'est cette personne qui connaît probablement le mieux ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.

Comment décide-t-on du lieu où les enfants vont habiter? Récemment, on a beaucoup utilisé la médiation dans ce domaine mais elle ne s'est pas avérée être la panacée que l'on attendait. La médiation donne des résultats, d'excellents résultats, lorsque les parents sont capables de mettre de côté leurs intérêts personnels et travaillent ensemble pour le bien de leurs enfants.

Mais que faire lorsque cela n'est pas possible? J'aimerais rappeler au comité qu'il existe une autre forme de résolution de conflit, l'évaluation. C'est un processus qui donne à un clinicien la possibilité de rencontrer les membres de la famille, individuellement ou en groupe, dans un cadre plus naturel et plus réaliste que celui d'une salle d'audience.

L'évaluation est effectuée par un professionnel ayant une formation et une expérience cliniques qui examine les parties sans être influencé par la présence d'avocats. Ce professionnel a le temps et la formation nécessaires pour explorer avec les parents et les enfants diverses possibilités de répartition des tâches parentales et d'élaborer ensuite un projet qui réponde aux besoins et aux capacités des parties concernées. À la différence de l'avocat, l'évaluateur examine les deux côtés de la médaille et à la différence d'un juge, il a le temps de tenir compte des aspects affectifs et psychologiques de la situation.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Il vous en reste beaucoup?

M. Howard Waiser: Un paragraphe et demi.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien.

M. Howard Waiser: Comme je le disais, à la différence d'un juge, il a le temps de tenir compte de l'aspect affectif et psychologique du cas, sans être tenu de se limiter aux aspects juridiques. L'évaluateur en arrive à une conclusion, recommande une répartition fonctionnelle des tâches parentales axée sur les besoins des enfants.

Les parties peuvent ensuite contester cette recommandation si elles ne sont pas d'accord mais au moins, leur cas aura été évalué de façon équitable. L'évaluateur travaille pour le compte des enfants. Il les considère comme ses clients et il cherche à atteindre son objectif qui consiste à déterminer quel est le meilleur arrangement familial pour les enfants.

J'aimerais offrir au comité quelques copies d'un manuscrit intitulé «Custody and Access Assessment Guidelines». Il a été récemment publié par la Psychology Foundation of Canada. Il est vrai que le titre de ce livre n'est pas tout à fait conforme à la position que je vous ai exposée aujourd'hui mais j'ai été moi aussi influencé par les règles et les attentes de l'époque mais j'espère que mes recommandations et ce manuscrit pourront vous être utiles.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

• 1420

Docteure Broder, je n'aime pas être trop stricte sur les questions de temps mais nous aimons poser des questions et entendre ce que les témoins ont à dire. Je dois également vous signaler que si vous parlez trop rapidement, cela va causer des problèmes à l'interprète. Vous êtes donc prise entre deux feux. Allez-y.

Dre Elsa Broder (directrice du personnel médical, Hincks Centre for Children's Mental Health): Je vais essayer de le faire.

Je vais vous dire un mot de mon travail, je suis psychiatre de l'enfance et professeure agrégée au département de psychiatrie de l'Université de Toronto. Je suis à la tête du personnel médical du Hincks Centre, qui est un centre de santé mentale pour les enfants et j'ai été un des membres fondateurs du projet sur la garde, mis sur pied par le département de psychiatrie. J'ai donc abordé ces questions de perspectives variées.

Au lieu de lire des notes, je me suis proposée de vous parler des questions qui me paraissent importantes.

Au centre de traitement Hincks, je m'occupe souvent des conséquences des séparations et des divorces. Plus de la moitié des enfants que nous recevons dans notre centre viennent de familles monoparentales, et bien entendu, la plupart du temps, ce sont des familles monoparentales dont le chef est la mère, ce qui me causent beaucoup de problèmes.

Avant de venir ici, j'ai rencontré une famille avec laquelle nous parlions de séparation et de divorce et je leur ai demandé ce que je devrais dire à cet auguste aréopage? Ils ont répondu la même chose ensemble, ils étaient d'accord là-dessus. Ils m'ont dit faites sortir les avocats. Ils ont réfléchi très fort à la question et je crois qu'ils en sont arrivés à une conclusion qui m'est très chère, à savoir que les décisions concernant les enfants sont pour l'essentiel une question sociale et de santé mentale. Ce n'est pas une question juridique; on ne devrait pas en faire une question juridique.

Malheureusement, le fait de prendre ce genre de décisions dans un contexte accusatoire détermine l'ensemble du processus décisionnel et, comme d'autres l'ont déjà dit, cela débouche sur la confrontation entre les parents. Ce qui m'inquiète, et j'avais un document pour vous de la Sparrow Lake Alliance que j'ai égaré, c'est que ce n'est pas un processus de décision axé sur l'enfant, et il ne peut donc être dans l'intérêt de l'enfant. Il reflète l'intérêt des parents et non celui de l'enfant. Il n'accorde pas la priorité aux enfants.

Pour grandir, les enfants ont besoin de sécurité. Ils ont besoin de savoir ce qu'il va leur arriver, qui va s'occuper d'eux et à qui ils peuvent s'adresser. Ils ont besoin de stabilité et que l'on respecte leur notion du temps. Trop souvent, on ne tient aucun compte de ces choses et comme le groupe de travail l'a signalé, cela laisse les enfants dans l'incertitude, ils ne savent pas ce qui va leur arriver.

Il me semble que ce genre de décision devrait être prise par des personnes qui connaissent bien les besoins des enfants, la façon dont ils se développent, et qui ont suffisamment de pouvoirs pour aider les parents à appliquer ces décisions.

Je ne pense pas qu'il y ait une solution unique à ce problème. La médiation a un rôle à jouer, si elle est axée sur l'enfant. Malheureusement, je crois qu'elle ne l'est pas souvent et que ce sont plutôt les parents qui essaient de s'arranger entre eux.

L'évaluation a également sa place et elle est bien souvent basée sur les aspects psychologiques, dans la mesure où il faut aider les parents à prendre leur distance l'un envers l'autre et à faire le deuil de la famille parfaite où tout le monde devait vivre heureux jusqu'à la fin de leurs jours.

J'ai déjà participé au processus judiciaire et j'estime que la gestion des cas a beaucoup à offrir. Il est décourageant de constater que, lorsque les parents se retrouvent devant le tribunal, ils ont toujours affaire à une personne différente. La continuité est un élément important.

La deuxième chose que je veux mentionner est que les arrangements relatifs à la garde et au droit de visite sont malheureusement bien souvent très rigides et ne tiennent pas compte du fait que les enfants grandissent, se développent et que leurs besoins évoluent. Il faudrait prévoir une façon non conflictuelle et non juridique d'y apporter des modifications.

Le troisième aspect que je veux mentionner est le fait que les pères disparaissent. Je m'intéresse beaucoup à ce que font les pères. Je crois que les enfants ont besoin de leurs deux parents et je ne pense pas que les parents devraient pouvoir divorcer de leurs enfants. Les deux parents ont la responsabilité de continuer à s'occuper de leurs enfants et ils peuvent leur apporter beaucoup.

• 1425

En pratique, même si la loi énonce que le parent qui n'a pas la garde doit être informé des choses qui concernent l'enfant, cela ne se fait pas parce que ce parent se rend à l'école pour s'entendre dire «Vous n'avez pas le droit d'être ici. Nous n'allons pas vous remettre les bulletins de notes; nous n'allons pas vous remettre les bulletins de santé.» Cela n'est pas très bon. On ne leur dit même pas s'il y a des réunions avec les professeurs. Si vous voulez que les pères participent à la vie de leurs enfants, il faut les informer.

Le quatrième point est que nous vivons à une époque de restrictions financières et notre centre de traitement a subi des coupures; je ne pense pas que ce soit un cas particulier et il me paraît donc presque impossible que les parents puissent obtenir le type d'aide dont ils ont besoin. Bien souvent, les gens que je vois ne peuvent consulter Resa ou Howard parce qu'ils n'ont pas assez d'argent. Ce matin, j'ai dû renvoyer trois familles qui me demandaient de les aider parce que je ne leur coûte pas trop cher; mes services sont couverts par l'assurance-santé. Cela n'est pas très utile. Je ne sais pas si vous pouvez faire quelque chose à ce sujet mais cela m'inquiète parce que je ne crois pas que le système judiciaire soit l'endroit approprié. Nous avons besoin d'un service très diversifié offert par des personnes axées sur l'enfant et qui connaissent ces questions.

Le dernier aspect que je veux aborder est que j'ai été fort surprise lorsque j'ai relu la Loi sur le divorce actuelle. Elle ne précise pas vraiment ce qui est dans l'intérêt de l'enfant et comment on le détermine. Je sais qu'en Ontario, la Loi sur la réforme du droit de l'enfance et la Loi sur les services à l'enfance et à la famille en parlent un peu. Ce sont là des questions qu'il convient d'aborder.

Je vais m'arrêter ici.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer la parole au Dr Hood, qui est arrivé un peu en retard mais c'est très bien. Vous êtes ici. Il se fait tard, nous arrivons à la fin. Il vient du Clark Institute of Psychiatry.

Dr Eric Hood (coordonnateur, Co-op Education, Clark Institute of Psychiatry): C'est exact. Merci.

J'enseigne également à l'université et j'ai à peu près la même expérience que le Dr Broder pour ce qui est de travailler avec les familles et les tribunaux. Mon travail consiste principalement à préparer des rapports destinés à aider les tribunaux à préciser les arrangements en matière de garde et de droit de visite.

Au cours des années, des idées sont apparues pour disparaître ensuite et c'est ce qui s'est passé également pour certaines hypothèses. Je crois qu'il y a 25 ans, on s'inquiétait beaucoup des effets qu'avait le divorce sur les enfants en général.

D'une certaine façon, les résultats des recherches sont rassurants. Les enfants n'ont pas toujours besoin d'avoir deux parents pour se développer de façon harmonieuse. Ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas tristes de ne pas avoir deux parents mais il y a beaucoup d'enfants qui ont une relation saine avec un adulte et qui réussissent très bien dans la vie; cela est rassurant. Loin de moi, en disant cela, l'idée de mettre l'autre parent à l'écart.

Mais nous pouvons peut-être mettre de côté ce genre d'inquiétude générale sur l'effet de la séparation et du divorce. Le plus inquiétant est qu'il y a un certain nombre de situations, peu nombreuses certes, qui demeurent très conflictuelles, celles où les parents saisissent les tribunaux, accumulent les demandes et les poursuites, où ils se disputent et s'attaquent, et où les enfants sont très vulnérables. Cela leur nuit énormément. Cela est de plus en plus clair. Ce sont les enfants que nous rencontrons tous les jours.

Un juge a demandé à un jeune garçon qui suivait notre programme de traitement, il y a quelques années... Il y a des juges qui sont venus visiter notre centre et qui ont parlé quelques instants avec ces enfants. Un des juges a demandé «Comment est-ce que tu vis la situation?» et le garçon a répondu «Je ne peux jamais dire la vérité».

Je ne pense pas qu'il voulait dire qu'il était obligé de mentir mais qu'il fallait qu'il pèse toutes ses paroles et tout ce qu'il disait pour ne pas blesser son père ou sa mère. Il y a donc des enfants qui vivent dans des zones de combat, vous pouvez me croire, on peut parler de zones de combat, qui doivent faire très attention à ce qu'ils disent et à ce qu'ils font.

Je suis en mesure de vous parler personnellement de ces choses parce que ceux qui, comme nous, essaient d'évaluer et de comprendre ces situations, ceux qui traitent avec les parents individuellement et les enfants, avec les parents et les enfants ensemble ou avec les parents ensemble, sont profondément stressés et troublés d'avoir à vivre ces situations. C'est comme si nous réagissions comme les enfants et cela nous amène à vivre des situations très angoissantes. Et si je réagis de cette façon alors que ce n'est pas de ma famille qu'il s'agit, comment vont réagir les enfants?

Je crois qu'au cours de vos audiences, on va beaucoup vous parler de choses présentées comme étant axées sur l'enfant mais on ne vous parlera pas de ce qui arrive véritablement aux enfants, on ne vous dira pas que ce sont en fait les adultes qui cherchent à profiter de la situation. Je voulais donc vous signaler cet aspect.

• 1430

Il y a un certain nombre d'enfants qui souffrent beaucoup d'avoir à vivre ce genre de guerre. On dit souvent que 10 p. 100 des familles se retrouvent devant les tribunaux, mais on peut en conclure que 10 p. 100 des enfants, et sans doute un bon nombre d'autres, vivent des situations angoissantes. Je suis sûr que 90 p. 100 des enfants dont les parents se séparent vous diront qu'ils préféreraient qu'ils vivent ensemble même s'ils savent qu'il y aura des conflits. C'est une réaction naturelle et les enfants conservent cette idée jusqu'à ce qu'ils aient 11 ou 12 ans. On ne pourra pas les changer sur ce point.

Sur le plan psychologique et affectif, je voulais insister sur le fait que, lorsqu'il y a échec matrimonial, il n'y a pas de gagnant. Certaines personnes sont peut-être soulagées mais il n'y a pas de gagnant et toutes les personnes concernées sentent qu'on leur a retiré quelque chose qui était réelle et que ce n'est pas juste. Les mères se retrouvent appauvries. Elles sentent qu'elles assument de lourdes responsabilités. Je parle du cas général où c'est la mère qui assume la garde. Les enfants se sentent trompés. Il y a moins d'argent. Ils ont moins d'attention de la part des adultes. Bien sûr, les pères sentent qu'ils ont perdu quelque chose puisqu'ils ne sont plus au sein de la famille. Il est rare qu'un des membres de la famille soit satisfait. Il y a beaucoup de mécontentement, de colère et de frustration.

Il y a un aspect qui ressort très clairement des rencontres avec les familles très conflictuelles, aspect qui relève davantage de l'expérience clinique de la recherche, qui est la suivante: la plupart de ces parents ont déjà vécu des expériences dramatiques que ce soit la maltraitance, le fait d'avoir été abandonnés par leurs parents ou perdu un être cher très tôt dans leur vie. Cela les rend à la fois plus susceptibles et plus sensibles aux autres déceptions qu'elles peuvent rencontrer au cours de leur vie adulte. Lorsque ces personnes vivent une séparation, cela ramène automatiquement les souffrances et la perte qu'elles ont vécues plus tôt dans leur vie. On pourrait penser que c'est de la psychologie un peu théorique mais je peux vous dire que c'est ce qui se passe et qu'on le constate tous les jours.

Malheureusement, les gens ne s'aperçoivent pas que ces liens existent et ce sont parfois des événements qu'ils ont vécus il y a très longtemps et qui ne les ont pas fait souffrir, selon eux, qui alimentent leur rage judiciaire. Il y a des gens qui m'ont dit: Oui, ma mère est partie lorsque nous avions 10 ans parce qu'elle a immigré au Canada mais cela ne nous a rien fait. Nous avons été envoyés dans un pensionnat et notre père travaillait sur des bateaux mais cela ne nous a pas ennuyés; nous n'avons pas souffert.

Eh bien, quand vous avez 10 ans et que votre mère et votre père s'en vont, quelle que soit la raison, cela fait mal. Mais ce gars-là n'était pas capable de le reconnaître et il se bat contre la mère de ses enfants.

Je crois qu'il faut tenir compte des sensibilités et des vulnérabilités ainsi que du fait que, dans ce genre de situations, les enfants et les adultes sont bien souvent ramenés, sur le plan affectif au moins, à des sentiments de peur, d'abandon et de craintes qu'ils remontent à leur enfance.

Même si ces personnes sont rationnelles la plupart du temps, sont bien développées et ont réussi dans la vie, lorsqu'il s'agit de situation familiale intime et sensible, elles revivent leur enfance et elles ne peuvent toujours réfléchir de façon rationnelle.

Je m'inquiète beaucoup de constater qu'il est beaucoup plus facile de soumettre ces questions à un juge plutôt que de résoudre ces problèmes et d'élaborer des plans pour les enfants. Il est bien trop facile de présenter des affidavits dévastateurs qui ont un effet terrible sur l'autre parent. Ces documents sont bien souvent empoisonnés et ils sont présentés au début de l'instance. Certains États américains ont essayé d'éviter ce problème en introduisant la planification obligatoire des tâches parentales qui doit s'effectuer avec un spécialiste avant toute action judiciaire. Je crois qu'il faudrait prévoir un préalable à la phase judiciaire, un mécanisme qui obligerait les parents à examiner les besoins quotidiens de leurs enfants. Que va faire Pierre lundi, mardi, mercredi? Comment va-t-on y parvenir? Qui va s'en occuper? Il faut les obliger à vraiment réfléchir aux besoins de leur enfant.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Docteur Hood, vous n'étiez pas là lorsque j'ai dit qu'il fallait aller aussi vite que possible. Il ne nous reste qu'une demi-heure environ.

Dr Eric Hood: Mon temps est-il écoulé?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous pouvez dire encore quelques mots, pour nous présenter vos principales recommandations.

Dr Eric Hood: Certainement.

Vous utilisez les mots «planification commune» dans votre documentation, et je crois que c'est un concept admirable. Je dis généralement aux parents que je ne m'attends pas à ce qu'ils soient de bons amis, mais qu'ils doivent agir comme des associés en affaires. Les associés dans une affaire se réunissent, ils ont un ordre du jour, ils en examinent tous les points et ils ne se laissent pas emporter par leurs émotions. Cela peut paraître idéal, mais c'est ce vers quoi les parents devraient tendre et nous ne leur répéterons jamais assez. Je crois que nous avons besoin d'éducation publique pour faire valoir ce genre d'approche.

C'est une solution qui ne convient pas à tous. Un certain pourcentage de gens n'y parviendront pas. Je crois que quelles que soient les recommandations qu'on vous présente, vous devez tenir compte du fait qu'une bonne proportion des gens ne pourront jamais s'asseoir et planifier ensemble, et il faut prévoir d'autres méthodes pour veiller à ce que des plans soient dressés dans l'intérêt des enfants, peut-être avec l'aide de professionnels, de la façon que mentionnait M. Waiser.

• 1435

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Je vous remercie beaucoup du message que vous nous avez transmis aujourd'hui. Vous avez beaucoup réfléchi à la question. Je crois que c'est le dr Broder qui a mentionné que les décisions relatives au soin des enfants ne relevaient pas de la justice mais bien des personnes qui ont l'intérêt de ces enfants à coeur et qui comprennent la situation. Je crois qu'il y a aussi eu une allusion aux avocats.

Nous devons comprendre que la Loi sur le divorce a été rédigée par des avocats, alors je crois que si nous sommes ici aujourd'hui c'est parce qu'il y a une lacune dans ce domaine.

Dre Elsa Broder: C'est ce que ma famille a affirmé.

La sénatrice Erminie Cohen: J'ai plusieurs questions à poser, mais je vais en glisser une ici. J'aurai peut-être l'occasion de poser les autres au second tour.

Ma question s'adresse à quiconque veut y répondre: Dans le système juridique actuel, on conseille aux parents, dans l'intérêt de l'enfant, de conserver la maison familiale, de rester au domicile conjugal, parce qu'en partir leur fait perdre l'avantage en cas de conflit relatif à la garde. C'est une situation déplorable pour les enfants sur le plan émotif, parce qu'ils se trouvent au milieu du conflit et qu'ils risquent de perdre tout respect pour l'un ou l'autre parent, sinon les deux. Est-ce que vous pensez que la loi devrait être modifiée et prévoir un autre genre de mécanisme de résolution des conflits, un mécanisme qui ne nécessite pas que les parents restent ensemble à des fins stratégiques?

Dre Elsa Broder: Là encore, si vous inscrivez la prise de décision dans un processus accusatoire, vous tentez d'obtenir toutes sortes d'avantages.

La continuité des soins est un élément important pour un enfant, mais je m'inquiète de l'utilisation que l'on fait de cet argument, parce qu'on l'utilise d'une façon qui ne répond vraiment pas aux besoins de l'enfant. Les enfants sont toujours pris entre deux feux, au milieu du conflit comme vous le dites vous-même, et ils sont tiraillés. Si vous pouviez trouver une façon de contourner cette difficulté, je crois qu'on pourrait parler longtemps...

M. Howard Waiser: C'est le dilemme. Évidemment, même si tout est fait de façon tout à fait objective, etc., la vérité demeure que le parent avec qui l'enfant réside aura l'avantage. Je crois qu'il faut un mécanisme pour égaliser... J'en ai effectivement vu beaucoup ces derniers temps. Ils semblent venir de partout.

J'ai rencontré un couple dont les enfants sont demeurés dans la résidence familiale où les parents alternent aux deux ou trois jours. Cela se passe aussi de façon quotidienne. Un parent arrive, prépare le dîner, fait des choses de ce genre. Ils partagent, mais ils ne se voient pas. Cela donne un équilibre acceptable en quelque sorte. C'est une solution qui a été mise au point par les avocats, alors j'imagine que de temps à autre nous avons la main heureuse.

Dr Eric Hood: Je crois que lorsqu'une telle situation se produit les intéressés cherchent à gagner du temps. Ils retardent le plus possible le jour fatal où ils devront prendre eux-mêmes une décision et planifier l'avenir. Ils gagnent peut-être du temps, mais ce n'est pas très efficace. Ils doivent prendre des décisions pour l'an prochain, pour le mois prochain. Je ne crois pas que cela donne vraiment de très bons résultats.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci. Je vais garder ma question en réserve.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci.

Le taux de divorce au Canada est d'environ 50 p. 100—disons qu'il est peut-être seulement d'un tiers maintenant. Nous comptons plus d'un million de familles de fait, et leur taux de désintégration est d'environ 50 p. 100 supérieur à celui des couples mariés.

En 1996, les conjoints de fait formaient 14 p. 100 de toutes les familles, mais si vous tenez compte du groupe des moins de 30 ans vous constatez que 42 p. 100 des couples de moins de 30 ans ne sont pas mariés. À mon avis, cela révèle l'existence d'un problème. Quel que soit le pourcentage maintenant, il va devenir beaucoup plus important à mesure que le temps passe et que les familles éclatent.

Mme Eisen a mentionné qu'il fallait un gagnant et un perdant, et je cherche toujours le gagnant, mis à part l'avocat. Mme Broder, je crois, a tout à fait raison. D'après l'Institut Vanier, 12 p. 100 de toutes les familles sont des familles monoparentales, mais on y trouve 46 p. 100 de tous les enfants qui vivent sous le seuil de la pauvreté, 70 p. 100 des jeunes contrevenants, 75 p. 100 des adolescents qui tentent de se suicider et 80 p. 100 des adolescents en établissement psychiatrique. Je pourrais poursuivre ainsi encore longtemps.

Nous savons tous, intuitivement et sans doute aussi d'expérience, ce qui favorise l'épanouissement des enfants, et c'est dans une large mesure la constance, la sécurité des liens affectifs à l'égard d'un adulte engagé, que ce soit un parent ou quelqu'un d'autre. Il me semble que quand un parent, quel qu'il soit, exerce l'autorité parentale de bonne foi pour répondre aux besoins des enfants, nous devons nous poser une question, une question à laquelle j'espère que vous répondrez. Si tous comprennent vraiment ce qui favorise l'épanouissement des enfants et si chacun proclame haut et fort son amour des enfants après la séparation et affirme qu'il se bat parce qu'il aime tant ses enfants, de quelle façon pouvons-nous expliquer la croissance effarante de la désintégration des familles canadiennes?

• 1440

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Qui veut répondre à cette question?

Dre Elsa Broder: Il n'y a pas de réponse simple, mais je ne crois pas nécessairement que seul le fait d'avoir un parent principal aide les enfants en cas de divorce. Les études indiquent également que les enfants ont besoin de voir que leurs parents, qu'il s'agisse de conjoints de fait ou d'un couple marié, réussissent à s'entendre à leur sujet.

Dans le cas de parents qui cohabitent toujours, le problème ce n'est peut-être pas tant qu'ils risquent de perdre le respect de leurs enfants, c'est plutôt qu'ils puissent être en danger et que, parfois, les enfants soient témoins de violence entre leurs parents, une violence qui ne se serait pas manifestée si les parents n'avaient pas dû partager la résidence familiale. Comme le disent les avocats, si vous quittez le domicile conjugal, vous perdez un avantage.

Je crois qu'il y a de très nombreux facteurs susceptibles d'aider les enfants, mais nous savons que lorsqu'ils voient leurs parents... Même quand les enfants viennent à mon bureau aux fins d'évaluation, ils sont étonnés d'entendre que leurs parents parlent véritablement d'eux, dressent des plans et prennent des décisions, plutôt que de voir un parent qui fait tout et l'autre qui ne peut rien faire.

M. Howard Waiser: De nombreux parents sont vraiment très naïfs. Souvent, on vient me consulter au sujet de l'effet de la situation sur les enfants. Les parents semblent tout simplement incapables de bien jauger l'incidence de la situation sur les enfants et le traumatisme ainsi produit.

En règle générale, comme l'a dit Eric, 90 p. 100 des enfants feraient n'importe quoi pour que leurs parents restent ensemble. Ils accepteraient même les coups, simplement pour que le parent ne parte pas. Ils sont anéantis par... et les parents restent là, les bras ballants, déconcertés par cette réaction.

C'est un peu comme les personnes qui sortent de la salle d'audience, regardent leur avocat et demandent si elles ont gagné; l'avocat leur répond que la séance reprend après le déjeuner. Les gens ne comprennent pas ce qui se passe, même à l'intérieur de leur propre famille.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci.

J'aimerais revenir à ce dont vous parliez, monsieur Waiser.

Notre comité a entendu bien des suggestions sur la façon de régler les situations difficiles, et je crois que quelques bonnes idées se dégagent. Si nous poursuivons sur cette voie, nous deviendrons des spécialistes de la résolution de problèmes et nous réussirons peut-être à éviter les difficultés.

Je me demande dans quelle mesure nous pourrions investir dans la prévention, pour poursuivre un peu dans le sens de ce que disait M. Szabo. Si nous consacrons de l'énergie à garder les gens ensemble, est-ce que cela portera fruit, est-ce que cela en vaut la peine?

M. Howard Waiser: Des parents m'ont dit qu'il faut toujours essayer une dernière fois. Quand ils viennent me voir, ils ont souvent fait ce dernier effort. Je n'ai pas de potion magique à leur offrir pour sauver un mariage. Parfois, les conjoints ont simplement trop changé. Parfois, là aussi dans l'intérêt des enfants, même si les enfants aimeraient bien qu'ils restent ensemble, si on laisse un peu de temps pour la réconciliation, la paix revient quand même dans le foyer et les gens sont alors capables de collaborer.

M. Eric Lowther: Un témoin nous a déclaré que lorsque les parents étaient bien informés de l'effet de la séparation sur les enfants, 10 p. 100 d'entre eux renonçaient à leur projet. Est-ce que vous pouvez m'en dire un peu plus à ce sujet?

M. Howard Waiser: Il faut se demander si le maintien du couple suffit à aider les enfants. J'aime à le croire et je serais sans doute prêt à appuyer cette notion. L'information en elle-même, le fait d'en voir plus au sujet des répercussions sur le développement des enfants, ne peut que mettre en valeur le rôle de parent, quelle que soit l'issue finale.

M. Eric Lowther: Très bien, merci.

Docteur Hood, nous mentionnons souvent un chiffre mais je ne sais pas s'il est vraiment fiable. Nous avons l'impression qu'un grand nombre de familles vivent une période plus ou moins difficile quand elles envisagent la séparation, puis elles en viennent à une entente et le tribunal n'a pas besoin d'intervenir. Il y a aussi cet autre groupe, que nous supposons moins important, qui se présente devant le juge. Environ 80 p. 100 des gens n'ont pas besoin du tribunal; ils règlent leurs problèmes, se séparent assez harmonieusement, et la vie continue. Mais dans 20 p. 100 des cas, les choses ne se produisent pas ainsi.

• 1445

D'après votre expérience, et peut-être celle d'autres personnes ici présentes, est-ce que ce chiffre vous paraît exact? Je crois qu'il n'a pas d'origine précise, nous espérons simplement qu'il correspond à peu près à la réalité, mais je n'en suis pas certain.

Dr Eric Hood: À ma connaissance, 10 p. 100 des gens entament des procédures judiciaires. La proportion est peut-être plus élevée encore, mais j'ai entendu ce chiffre de deux ou trois sources au fil des ans. Cela signifie simplement que ces personnes sont plus susceptibles de conflit. Les 80 ou 90 p. 100 restant, peuvent vivre beaucoup de stress et de difficultés, et ils ne réussissent pas tous à régler les problèmes et à se sentir satisfaisants du résultat.

Certains pères quittent le foyer, parce qu'ils n'en supportent plus l'atmosphère. Certaines mères renoncent à un principe qu'elles jugent important. Les enfants doivent accepter toutes sortes de difficultés et de privations.

Je ne crois pas que nous aidions très bien cette population. Je ne crois pas que la société réfléchisse véritablement aux besoins de ces enfants, et il s'agit pourtant d'une population qui ne cesse d'augmenter.

M. Eric Lowther: Ce que vous dites est fort intéressant. Je ne crois pas que nous répondions très bien aux besoins de cette population. Si nous en venons à penser que le problème se limite aux 20 ou aux 10 p. 100 des couples qui s'enlisent ou pour lesquels la médiation et toutes les solutions éprouvées n'ont rien donné, nous risquons de vraiment nous leurrer. Souvent, dans le groupe des 80 p. 100, toutes sortes de problèmes épineux se présentent, mais ils ne sont jamais soumis à un juge. Est-ce exact?

M. Eric Hood: Le terme à la mode, dans ce cas, c'est le fardeau de la souffrance, et le fardeau de la souffrance pourrait toucher beaucoup plus que, par exemple, 10 p. 100 des enfants. Il y a peut-être bien plus d'enfants qui souffrent, et cette souffrance risque d'influer sur leur vie quotidienne ou leur croissance et, par conséquent, sur leur avenir.

Dre Elsa Broder:

[Note de la rédaction: Inaudible]... parler à la famille. Il me semble très naïf de croire que si on ne se présente pas devant un juge on n'éprouve aucune difficulté importante.

M. Eric Lowther: Nombre de ces familles consacrent beaucoup d'argent aux frais d'avocat.

Vous avez fait une remarque intéressante, docteur Broder, au sujet des coûts de certains des services de professionnels tels que vous. Il n'y a simplement pas suffisamment d'argent pour financer la médiation, l'aide psychologique et psychiatrique, les mesures positives de ce genre. Pourtant, nombre de personnes aux prises avec cette situation déboursent, d'après ce que j'ai entendu, d'énormes sommes; ils dépensent 10 000, 20 000, 30 000, 40 000, 50 000 ou 100 000 $ en frais d'avocat. De quelle façon pouvons-nous récupérer une partie de l'argent consacré aux batailles juridiques pour offrir des services plus efficaces? Est-ce que vous croyez qu'il y a...

Mme Reisa Eisen: Je crois que nous examinons encore l'hypothèse d'origine, c'est-à-dire que même le groupe composé de 90 p. 100 des familles doit résoudre des questions de garde et de droit de visite. On ne peut pas l'éviter, à moins que les gens ne décident de définir eux-mêmes leur entente et ne voient jamais un avocat. Qu'ils aient ou non un plan, qu'ils aient ou non des idées au sujet de la façon dont ils veulent élever leurs enfants, ils doivent encore consulter des avocats pour produire le document juridique qui définit leurs rôles.

M. Eric Lowther: Modifier la fondation.

Mme Reisa Eisen: La fondation, c'est exact. Cela nous dit déjà que dans ce climat, même les familles qui font partie de ce 90 p. 100 pourraient basculer dans le conflit. Je ne sais plus qui, ici, l'a dit, mais vous voyez souvent des gens civilisés qui semblent avoir perdu la tête quand ils discutent, parce qu'ils essaient de décider à qui l'enfant va appartenir, de qui l'enfant va dépendre. Je crois qu'on consacre beaucoup d'argent à tenter de régler ce genre de problème.

Je crois que le dr Hood a mentionné l'affidavit. Le simple fait de commencer à ce niveau peut entraîner d'énormes dépenses et prendre beaucoup de temps.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Madame St-Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: J'aimerais tout d'abord vous remercier. Vous avez dit qu'il serait peut-être préférable que ce soit davantage d'ordre sentimental que juridique, et je suis portée à aller dans le même sens que vous. Je me pose une seule question à ce sujet. Lorsque vous vous engagez dans une situation, comme le disait le docteur Hood, je crois, vous vous y engagez très émotivement. J'aimerais savoir sur quels critères vous vous basez pour déterminer où l'enfant va habiter.

• 1450

[Traduction]

Dr Eric Hood: Est-ce que vous craignez que parce que j'ai des sentiments je ne serai pas capable de réfléchir de façon rationnelle?

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Je ne doute pas de votre esprit rationnel, mais je me demande comment vous faites pour rester rationnel et sur quoi vous vous basez pour déterminer où l'enfant devrait vivre, compte tenu que vous êtes engagé émotivement.

[Traduction]

Dr Eric Hood: Dans la plupart des cas, il n'y aura pas de changement de résidence pour l'enfant. C'est assez inhabituel. Mais il y a souvent des changements dans les dispositions, un aspect au sujet duquel les gens peuvent être extrêmement passionnés. Quelqu'un peut vouloir améliorer les dispositions pour l'enfant, afin de réduire le conflit entre les parents, pour que la situation soit moins pénible pour les enfants, par exemple.

Ce qui m'aide énormément, et je suis certain que mes collègues en parleront aussi, c'est de discuter avec les autres membres de l'équipe et divers collègues au sujet de ces difficultés, au sujet de ces cas, parce qu'ils sont si prenants. Souvent, il m'est arrivé de parler à la mère un jour et au père le lendemain, et d'avoir l'impression de devenir fou. Mais si je parle d'un cas au dr Broder, quand j'ai l'impression de ne plus trop savoir où j'en suis, elle me répondra sans doute «Eh bien, il me semble que vous croyez...». Cela m'aide à adopter un point de vue plus objectif. C'est le genre de réflexion, de discussion et de consultation qui est utile face à de tels dilemmes.

Pour ce qui est des critères qui permettraient d'arrêter des décisions ou de faire des plans, tout est dans une large mesure fonction de nombreuses variables, selon chaque enfant et selon la situation de la famille.

Est-ce que—

Mme Caroline St-Hilaire: Oui.

M. Howard Waiser: Une partie de mon introduction quand je m'adresse aux parents—j'aime bien rencontrer les deux parents ensemble la première fois—et une partie de la philosophie que j'essaie d'appliquer dans la mesure du possible est de leur rappeler qu'il s'agit de leur famille et qu'ils devront collaborer sans doute encore 30 ans, parce qu'il y aura les remises de diplôme, les mariages, les petits-enfants, etc., mais que pour moi ce n'est qu'une affaire de plus, qui sera classée lorsque j'en aurai terminé. J'essaie de garder une certaine distance. Sinon, comme le disait Eric, vous ne dormez plus, vous ne mangez plus, et vous finissez par aller consulter Elsa.

Il est important de maintenir une certaine distance professionnelle. Malgré tout, cela peut encore vous empêcher de dormir.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Vous avez parlé de médiation obligatoire ou du moins de planification familiale, ce qui semble très intéressant. Par contre, comme le disait mon collègue Eric Lowther, que fait-on dans les 10 ou 20 p. 100 des cas où la médiation est impossible en raison de situations conflictuelles sérieuses? On se retrouve dans un cul-de-sac. Quelles seraient vos suggestions?

[Traduction]

Dre Elsa Broder: J'imagine qu'il y a un continuum de services. Un fort pourcentage de personnes prennent effectivement des décisions elles-mêmes. Puis, le système se met en branle. La médiation s'occupe d'une partie des problèmes, et on passe ensuite à l'évaluation et à l'arbitrage.

Dans le cadre du projet de garde auquel Eric et moi travaillons, nous recueillons de l'information que nous utilisons pour commencer à intervenir un peu plus sur le plan de la santé mentale, pour aider les parents à prendre des décisions valables. Nous utilisons le bâton, nous disons eh bien, nous avons certains renseignements. J'ai l'impression que cela règle une très forte proportion des cas.

Il reste toujours un petit pourcentage—nous ne savons pas exactement combien—de parents qui doivent vraiment être entendus par un juge. Rien ne peut donner de résultat dans ces cas-là.

Il n'y a pas de réponse simple à toutes ces questions. Parfois, le temps règle bien des choses, mais parfois la situation ne s'améliore pas. Parfois, quelqu'un décide d'entreprendre une thérapie, et cela facilite un peu les choses. Une seule intervention ne peut pas, à mon avis, régler tout le problème.

Mme Reisa Eisen: Plus le cas est complexe, à mon avis, et plus il faut y affecter de ressources. Quand les intéressés doivent vraiment s'adresser au tribunal pour obtenir un pouvoir ou une ordonnance quelconque, j'aimerais que le système judiciaire et les professionnels de la santé mentale collaborent pour dresser un plan dans le cas de cette famille. Parfois, il est vraiment nécessaire, comme l'a dit le dr Broder, que des thérapeutes, des médiateurs et des responsables de cas interviennent dans le processus judiciaire. Plus le conflit est grave et plus il faut y consacrer de ressources. C'est souvent le cas.

• 1455

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Merci beaucoup.

Une bonne partie de ce que vous entendez cet après-midi se résume au fait que les couples qui vivent des conflits intenses sont ceux dont l'affaire relève vraiment des tribunaux. Je m'inquiète aussi d'un autre groupe, de ceux qui sont simplement trop épuisés pour combattre. Le règlement qu'ils acceptent n'est peut-être pas ce qui vaut le mieux pour l'enfant, et ces personnes risquent d'avoir besoin d'une aide professionnelle ultérieurement, sur le plan de la carrière, ou d'avoir de la difficulté à établir des liens affectifs ou à assumer leur rôle de parent. Certainement, au cours de ma carrière, j'ai vu de ces enfants qui avaient l'impression que de mauvaises décisions étaient prises en raison d'un déséquilibre des forces.

J'aimerais savoir si vous pensez que c'est un problème que l'on peut atténuer en modifiant la Loi sur le divorce... ou croyez- vous plutôt qu'il s'agit d'une question de ressources. Si la médiation était plus facile à organiser ou mieux financée, si l'on avait accès à vos services... Évidemment, si vous allez voir un médecin ou un psychologue à l'institut Hincks, par exemple, c'est gratuit; sinon, il faut payer.

S'il était possible d'aider plus rapidement ces personnes, est-ce que les solutions seraient différentes? Y a-t-il, à votre avis, quelque chose que le comité devrait recommander pour ces personnes qui font partie de l'autre groupe?

Je pense que M. Waiser a dit quelque chose au sujet de la médiation, qu'elle ne serait pas toujours efficace. Est-ce que c'est une question de compétences, puisqu'il s'agit d'une nouvelle profession et que les praticiens n'ont pas nécessairement le même genre—

M. Howard Waiser: Je vais répondre d'abord à cette dernière question.

Je crois plutôt que c'est parce que tous attendaient énormément de cette approche—il s'agissait d'un nouveau système, d'une nouvelle poudre de perlimpinpin grâce à laquelle tout le monde allait sortir de la salle d'audience bras dessus bras dessous. Eh bien, nous en avons fait l'essai. Il s'agit certes d'un bon mécanisme. Il vaut mieux qu'une évaluation qui surit, qui alimente le conflit, mais il n'est pas aussi parfait que nous l'espérions.

Certaines recherches ont été menées à ce sujet aux États-Unis, mais nous parlons de pourcentages et non pas de chiffres bruts. Je crois qu'il y a plus de personnes touchées. Je ne pense pas que ce soit nécessairement la faute des médiateurs, c'est plutôt en raison de l'attitude des personnes qui se présentent en médiation.

Je suis convaincu que si l'on intervenait rapidement, il y aurait moins d'éclatements des familles, et ceux qui se produiraient créeraient moins d'hostilité. Les intéressés pourraient mieux collaborer. L'orgueil n'occuperait pas autant de place. Je suis certain que nous avons tous eu connaissance de cas où le parent se disait ce sont mes enfants, et personne ne va me les enlever. C'est un sentiment qu'éprouvent aussi bien les mères que les pères. Si nous pouvons faire dévier une partie de l'hostilité et consacrer plus d'attention à ce qui compte pour les enfants, je suis convaincu que nous pourrions réduire cette proportion d'environ 50 p. 100. C'est une hypothèse.

Mme Reisa Eisen: Je crois que c'est une question d'éducation. Si les gens qui envisagent une séparation ne s'adressaient pas en premier lieu aux avocats et s'il y avait d'autres ressources à cette étape pour parler des conséquences et de ce genre de choses... Des personnes me consultent lorsqu'elles envisagent une séparation, et nous avons l'occasion d'aborder certaines de ces questions. Parfois, les gens renoncent à leur projet de séparation; parfois, ils décident de se séparer, mais ils voient les choses sous un jour nouveau.

Je crois qu'il serait très utile d'offrir des services comme la médiation, une forme de dialogue pour les personnes qui songent à la séparation ou au divorce. Cela me semble incontestable.

Pour compléter ce que M. Waiser disait, la médiation est maintenant considérée comme un mécanisme viable, même dans les cas les plus difficiles. Nous envisageons par exemple la médiation dans les cas de violence familiale. C'est une forme différente de médiation, mais le but demeure le même, c'est-à-dire aider les parties à régler leur dilemme et à définir la solution plutôt que de demander une solution imposée de l'extérieur. Je crois que l'engagement est sans doute l'un des éléments éducatifs les plus importants. Si les intéressés participent et si personne ne leur dit comment ils devront vivre leur vie, il est étonnant de voir à quel point ils en tirent profit et s'attaquent à certains des problèmes les plus difficiles.

• 1500

Dre Elsa Broder: Je crois qu'il faut prêter l'oreille à ce que disent mes patients—et c'est radical—il faut modifier l'hypothèse en vertu de laquelle les décisions sont prises.

Mme Carolyn Bennett: Je pense en outre, pour faire un peu de publicité au médecin de famille—ou au prêtre ou au voisin d'en bas—je crois que nous devons mieux éduquer la population, car la première démarche que les gens font c'est de s'adresser à un avocat, et il y a bien d'autres solutions qu'il convient d'explorer auparavant.

Est-ce que vous avez déjà vu le vidéo que l'on présente en principe au tribunal unifié de la famille, à Toronto?

Mme Resa Eisen: Oui, je l'ai vu.

Mme Carolyn Bennett: Ah oui? Est-ce que vous pensez...

Mme Resa Eisen: Il est merveilleux. J'y figure, mais ce n'est pas la raison pour laquelle je dis qu'il est merveilleux. Non—il est merveilleux parce qu'il est vraiment très formateur, il examine bien tous les aspects du processus et ce que vivent les enfants et les parents, ce qui se produit lorsque vous retenez les services d'un avocat et les options qui s'offrent à vous en médiation. C'est vraiment très complet sur le plan de l'information.

Mme Carolyn Bennett: Et à Toronto, quand on présentera une demande à un juge, il faudra d'abord regarder le vidéo avant d'aller plus loin?

Mme Resa Eisen: C'est un projet pilote. Nous prévoyons un groupe de contrôle et un groupe d'étude, et tous les membres du groupe d'étude devront effectivement assister à la séance d'information familiale avant de comparaître devant un juge. Cela sera étudié—pour vérifier si cette mesure a un effet marqué ou pas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Madame Cools.

La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, j'aimerais remercier les témoins qui nous ont présenté, à ce qu'il me semble, un exposé extrêmement solide et réfléchi, mais, madame, je suis prête à céder ma place. Paul veut poser une question. S'il nous reste du temps par la suite, j'aurais moi aussi une question.

M. Paul Forseth: Je veux simplement demander... Il y a deux ou trois scénarios possibles. Le premier est le «Je veux obtenir la garde des enfants, parce qu'alors mon conjoint sera le dindon de la farce dans ce mariage. J'aimerais être reconnu par les gens de mon milieu et peut-être par la société dans son ensemble, je veux qu'ils voient que j'ai obtenu les enfants et que, par conséquent, je n'étais pas dans mon tort. C'est l'autre qui créait les difficultés dans notre mariage». C'est le scénario de celui qui veut sauver la face.

Le deuxième scénario est le «Il faut que j'aie la garde des enfants parce que je veux toucher et non pas payer la pension. Je n'accepterai jamais de verser une pension à mon conjoint parce que voyez un peu ce qu'il m'a fait. Je ne peux pas verser d'argent à cette personne alors il faut que j'aie la garde, et je l'aurai coûte que coûte.»

Ce sont là deux scénarios vraiment très fréquents. Je me demande ce que vous recommandez dans de tels cas, pour les écarter, pour les empêcher d'intervenir.

Dre Elsa Broder: Je devrais aussi donner l'autre scénario, le «Il ou elle était si méchant ou méchante avec moi que je vais le ou la blesser là où cela lui fera le plus de mal.»

M. Paul Forseth: Qui est—

Dre Elsa Broder: La garde. Écartez-le conjoint à jamais, invoquez la violence sexuelle, arrangez-vous pour aliéner cette personne et qu'elle ne puisse rien obtenir.

M. Paul Forseth: Très bien.

Dr Eric Hood: Selon vos critères, vous parlez de responsabilités, et il me semble que ces dernières années j'ai dû de plus en plus réfléchir à la possibilité de confronter les parents à ce sujet. Je les entends revendiquer leurs droits et se plaindre des mauvais traitements qu'ils ont subis et du fait qu'ils sont des victimes, tous ces arguments, mais je ne les entends jamais parler très clairement de leurs responsabilités.

Comme je l'ai dit, je crois que les gens régressent souvent au point de donner l'impression d'être des enfants querelleurs plutôt que des adultes responsables. Quelles que soient les procédures ou les attentes, vous devez bien expliquer ces responsabilités aux parents. Évidemment, les responsabilités doivent être définies, quelles soient d'ordre financier, social, etc.

Je crois que trop souvent, qu'il s'agisse des professionnels dans mon domaine ou dans d'autres secteurs du système, nous nous laissons impressionner par la passion manifeste des parents. Nous finissons par faire des compromis, nous allons trop loin et nous sommes intimidés. Je le vois constamment. Des ententes sont conclues et des solutions sont acceptées, pas parce que c'est ce qui vaut le mieux pour l'enfant mais parce que vous voulez que ces parents sortent de votre salle d'audience ou de votre bureau. Il est difficile de faire face à cette colère, de rester sous ce nuage.

Mme Resa Eisen: J'aimerais ajouter que je m'étonne souvent que la famille ait fonctionné avant la séparation. Et cela, on n'en parle jamais. Comment ces parents s'entendaient-ils avant que la question de la séparation ne surgisse? Qui s'acquittait de certaines responsabilités à l'égard de l'enfant? Qui répondait aux besoins financiers de l'enfant?

• 1505

Pourquoi, au moment de la séparation, cet aspect doit-il disparaître, s'évanouir, cela ne cesse de m'étonner, parce qu'en règle générale, les parents qui se séparent s'en tiraient bien auparavant auprès des enfants. Dans les cas où ils ne s'en tiraient pas bien, souvent, nous les voyons dans le secteur de la santé mentale, mais s'ils réussissaient à s'en sortir, qu'est-ce qu'il advient de tous ces plans qu'ils avaient avant la séparation? C'est un aspect auquel nous ne pensons jamais.

M. Howard Waiser: Et c'est important—je suis toujours étonné d'entendre des parents déclarer «J'ai vécu avec cette personne horrible, ce fou, cet escroc, ce joueur». On en croit à peine ses oreilles, et on se demande ce que cela révèle au sujet du conjoint qui s'exprime ainsi.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sur ce, deux sénatrices ont deux très brèves questions à poser. Anne, posez-nous votre toute petite question.

La sénatrice Anne Cools: Oui, je serai très brève, et vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre à la question, parce qu'il se fait tard et que la réponse risque d'être un peu plus longue. Le témoin—je le mentionne simplement et si vous ne pouvez pas me répondre immédiatement, vous pouvez communiquer avec moi plus tard—j'ai remarqué que le témoin a parlé à la fin des faussetés qu'on trouve dans les affidavits. Il pourrait peut-être préciser sa pensée.

Ma question principale, toutefois, porte sur le sujet plus vaste de l'arrivée des spécialistes de la santé mentale—les sciences du comportement et les professionnels de la santé mentale- -dans les affaires de divorce.

Que pensez-vous de cela? Lorsque l'on constate le nombre d'évaluations réalisées par des spécialistes de la santé mentale dans le processus judiciaire, à l'heure actuelle, et le fait que de nombreux juges fondent maintenant leurs décisions sur ces évaluations, la question que je vous pose, essentiellement, c'est, premièrement, quelle importance les juges devraient-ils vraiment accorder aux évaluations faites par des professionnels de la santé mentale dans les procédures judiciaires? Deuxièmement, qui, à long terme, évalue les normes en fonction desquelles ces évaluations doivent être rédigées?

M. Howard Waiser: J'ai soulevé la question de l'évaluation. Permettez-moi d'y répondre. Personnellement, je crois que mon évaluation devrait toujours faire autorité.

Des voix: Oh, oh.

La sénatrice Anne Cools: Faire autorité?

M. Howard Waiser: Je suis trop modeste.

Cela relève également du système judiciaire et du juge. J'ai rassemblé une partie de l'information; le système, le juge, la prend et va en chercher ailleurs. Il doit évaluer, aussi, la crédibilité de l'évaluation elle-même.

On me demande parfois de critiquer des évaluations, et je hoche la tête en me demandant «Quel élève de septième année a écrit cela?».

La sénatrice Anne Cools: Voilà. La raison pour laquelle je vous ai posé la question au sujet des professionnels de la santé mentale c'est que je viens d'examiner une foule d'évaluations, et j'ai été renversée.

M. Howard Waiser: Eh bien, nous essayons d'organiser...

La sénatrice Anne Cools: Alors vous y travaillez.

M. Howard Waiser: L'organisme qui a colligé le manuscrit est l'Ontario Interdisciplinary Association of Custody Access Assessors...

La sénatrice Anne Cools: C'est exact.

M. Howard Waiser: ... un titre difficile à prononcer.

La sénatrice Anne Cools: Alors des personnes se rendent compte du fait qu'il y a une multitude de plaintes dans le milieu à ce sujet.

M. Howard Waiser: Oui.

La sénatrice Anne Cools: Il était temps.

M. Howard Waiser: En psychologie, la cause principale des plaintes est l'évaluation.

La sénatrice Anne Cools: Ah, vraiment? Est-ce que vous pourriez m'en dire un peu plus à ce sujet?

M. Howard Waiser: Il y en a eu à peu près autant que de plaintes liées aux inconvenances d'ordre sexuel, mais je ne vais pas aborder cette question. C'est la première cause de plaintes à l'heure actuelle. Le problème, évidemment, c'est que seule la personne que vous n'avez pas appuyée dans un cas donné dépose une plainte. Mais dans le cas du collège, en Ontario, comme je l'ai dit, c'est la première cause de plaintes. Je crois qu'environ 23 p. 100 des plaintes portent sur la garde et le droit de visite.

La sénatrice Anne Cools: Je vous remercie de cette précision.

Je signale aux recherchistes et aux coprésidents du comité que l'on devrait, ultérieurement, se pencher sur la question de ces évaluations.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Cohen, un dernier mot?

La sénatrice Erminie Cohen: Tout compte fait, je n'ai rien à ajouter.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien.

Voulez-vous dire un dernier mot, docteur Broder?

Dre Elsa Broder: Nous avons beaucoup parlé des parents et de leur psychopathologie. Je crois que nous ne devrions pas oublier les enfants, parce que les enfants présentent aussi leur propre psychopathologie. C'est un processus circulaire et interactif, et je crois qu'il faut s'en faire une image d'ensemble.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci infiniment. La discussion a été des plus intéressantes. Merci.

• 1509




• 1515

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Au cours de cette partie de la séance, nous allons accueillir les représentants du Régime d'aide juridique de l'Ontario, soit le directeur provincial, M. Robert Holden, et le coordonnateur des services à la clientèle, M. Keith Wilkins. Nous entendrons ensuite les représentants de Fairness in Family Law, c'est-à-dire le directeur exécutif James Hodgins et Mme Yvonne Choquette. Nous accueillerons enfin Sharman Bondy, qui témoigne à titre personnel et qui est venue de Windsor pour nous rencontrer.

Je vous souhaite la bienvenue. Nous allons commencer par M. Holden, du Régime d'aide juridique de l'Ontario.

M. Robert Holden (directeur provincial, Régime d'aide juridique de l'Ontario): Nous sommes ravis d'avoir été invités à participer à la séance cet après-midi.

Nous n'avons pas préparé de mémoire et nous n'avons vraiment rien à dire au sujet de la garde partagée. Il s'agit d'un thème éminemment politique. Nous avons des opinions personnelles, mais je ne pense pas qu'il serait indiqué que le Régime d'aide juridique prenne position dans ce débat. Je veux faire valoir quelques points, cependant, qui pourraient vous aider à bien comprendre les difficultés financières que créent pour des organismes comme le Régime d'aide juridique tout changement de la loi.

Depuis deux ou trois ans, divers changements nous ont amenés à conclure que l'un des grands facteurs de hausse des coûts pour la profession juridique est l'incertitude. Nous vous prions donc, dans toute la mesure du possible, de préciser les lignes directrices afin que les intéressés comprennent mieux les règles et les répercussions éventuelles des changements de la loi.

Nous avons consacré un certain temps, ces dernières années, à l'intérieur du régime et avec nos directeurs régionaux, dans toute la province, à explorer diverses nouvelles techniques de résolution de conflit et nous les avons trouvées très utiles. Nous avons constaté que la plupart des clients considèrent que ce genre d'aide est vraiment utile et moins pénible que le processus accusatoire du tribunal. Et du point de vue des contribuables, cette façon de procéder réduit certainement nos coûts.

Finalement, j'aimerais ajouter que nous espérons, si vous recommandez certains changements de la loi, que vous tenterez le plus possible d'en déterminer les répercussions financières. Depuis quelques années, nous avons subi des changements qui ont été apportés sans aucune consultation du Régime d'aide juridique, tant dans notre province qu'ailleurs au Canada. Comme les budgets sont déjà serrés, il est très difficile de poursuivre d'année en année sans vraiment savoir en quoi le Régime d'aide juridique sera touché et si les budgets seront augmentés en conséquence, afin que nous puissions demander le plus tôt possible notre part de ces fonds supplémentaires.

Ce sont les brefs commentaires que j'avais à faire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

De l'organisation Fairness in Family Law, monsieur Hodgins.

• 1520

M. James Hodgins (directeur exécutif, Fairness in Family Law): Merci, monsieur Gallaway, de nous donner l'occasion de vous rencontrer ainsi que les membres du comité aujourd'hui. Je m'appelle James Hodgins. Je suis membre du Canadian Committee for Fairness in Family Law, tout comme Mme Yvonne Choquette. Nous représentons une organisation de la région torontoise qui cherche à mieux comprendre le droit de la famille et à faire des recommandations dans ce domaine.

J'aimerais vous faire quelques suggestions qui, à notre avis, amélioreraient vraiment la situation des enfants dans le secteur de la garde et du droit de visite. J'aimerais vous demander à tous de revenir en arrière, à l'époque où vous aviez six ans. Retournez par l'esprit dans votre foyer, et j'espère que vous aviez deux parents et que votre vie se déroulait comme celle d'un enfant normal. Et tout à coup vos parents se séparent, et des inconnus interviennent dans votre vie—des évaluateurs, des juges, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, vous voilà l'un des nombreux enfants du Canada qui vivent au sein d'une famille monoparentale.

De fait, 90 p. 100 des enfants du divorce se retrouvent essentiellement dans une famille de type monoparental. L'autre parent leur est pratiquement inconnu, et cela signifie qu'ils ont moins de possibilités de recevoir quotidiennement des soins, de l'amour, de l'affection, de la tendresse, de l'aide pour les travaux scolaires, un soutien financier.

Vous ne trouvez pas la situation très amusante, pas plus, j'en suis sûr, que tous les enfants qui vivent ainsi. Environ 1,5 million d'enfants au cours des 15 dernières années, au Canada, ont vécu un divorce, et la majorité se sont vu imposer des ententes de type monoparental.

Vous pouvez vous demander s'il y a d'autres solutions. La loi actuelle sur le divorce adopte essentiellement le modèle de la famille monoparentale, parce que si les deux parents ne peuvent pas s'entendre sur la façon d'élever les enfants, il faut en choisir un.

La première recommandation que nous présentons est de réorienter dans une large mesure la Loi sur le divorce pour... Il devrait être extrêmement difficile d'obtenir un règlement de type monoparental. On ne devrait pas permettre aux gens de renoncer à leurs responsabilités de parents. Les deux parents devraient être tenus d'assumer leurs responsabilités et de trouver des façons de fonctionner dans deux résidences distinctes.

Pour vous, les enfants, la deuxième chose que nous souhaitons proposer est la présomption du partage des responsabilités parentales. Le partage des responsabilités parentales signifie essentiellement que vous avez toujours deux parents. Vous aviez deux parents jusqu'au moment de la séparation, et vous devriez conserver vos deux parents. Ce que nous souhaitons, c'est que l'on établisse une présomption en ce sens.

Vous croyez peut-être que cela sera difficile, mais une entente de partage des responsabilités parentales n'est pas si difficile à appliquer. De fait, nombre d'enfants qui vivent dans le cadre d'une telle entente vous diront que c'est la seule formule acceptable. C'est un arrangement équitable. Nous avons nos deux parents. Nous les aimons tous les deux et nous continuons de bénéficier de leur appui pour les questions scolaires, sociales, physiques, morales et financières, comme auparavant.

Alors la stratégie évidente que les membres du comité devraient envisager est d'écarter la possibilité de la monoparentalité qui a été jusqu'à maintenant le modèle pratiquement implicite, et d'imposer la présomption du partage des responsabilités parentales comme modèle dans l'ensemble du pays.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Finalement, nous accueillons un témoin qui est très nerveux aujourd'hui—c'est la première fois qu'il comparaît devant un comité—il s'agit de Sharman Bondy, de Windsor.

Mme Sharman Bondy (témoigne à titre personnel): J'ai très peu de temps à ma disposition. Je crois que vous reconnaissez qu'il est impossible de demander à un avocat de dire tout ce qu'il a à dire en cinq minutes, mais je vais essayer.

Je ne suis pas travailleuse sociale. Je n'ai pas de formation en psychologie ni en psychiatrie, mais j'ai consacré la plus grande partie des 18 dernières années à représenter des enfants et à défendre les droits des enfants. J'aime à penser que je l'ai fait en tenant compte des intérêts des parents, des mères et des pères, autant que de celui des enfants.

• 1525

Si l'on examine les modifications qui ont été apportées à la Loi sur le divorce depuis 1968, on constate qu'elles répondaient aux diverses idéologies qui ont eu cours et à l'évolution sociale qui s'est faite lentement mais sûrement ces 30 dernières années. Le droit à une pension alimentaire, par exemple, n'est plus fondé sur le concept de bonne conduite. Le droit au divorce n'est plus nécessairement fondé sur la bonne conduite. Au bout du compte, nous en sommes arrivés à la conclusion que lorsqu'il faut diviser les droits de propriété, quand des mariages s'écroulent, le soin des enfants et la gestion du ménage sont des aspects aussi importants que le fait de bien faire vivre sa famille.

Nous avons adopté des modifications dans le domaine des pensions alimentaires pour enfants en imposant des lignes directrices. J'appuie ces lignes directrices parce qu'elles constituent un pas dans la bonne direction pour les enfants du Canada. Elles leur donnent la sécurité financière. Grâce à ces modifications, même si peut-être, dans certaines situations particulières, elles sont injustes, inéquitables et restrictives, ce sont au bout du compte les enfants qui doivent en profiter et qui doivent être au centre de nos préoccupations.

Je veux proposer une analogie avec la garde et le droit de visite des enfants. C'est l'effet de ces mesures, adoptées par l'assemblée législative sous forme de modifications, qui a permis de combler le fossé entre l'idéologie et, peut-être, de modifier les conceptions des gens—la façon dont les gens voient le divorce, la pension alimentaire et la division des biens.

J'aime à penser que les changements législatifs ont fait du Canada un meilleur pays. Pourquoi? Parce que cette évolution a donné de la cohérence à la loi, et sans cohérence vous ne pouvez pas avoir de processus juridique, judiciaire ou sociétal efficace. Deuxièmement, grâce à la prévisibilité de la loi, les personnes qui songent au mariage, à la séparation ou au divorce savent dans quoi elles s'engagent et quelles sont les conséquences et les obligations qui en découlent.

Mais je crois que le plus important vide qui reste dans le système canadien exige maintenant que l'on se penche sur la question de la garde et du droit de visite. Diverses philosophies définissent différemment ce qui constitue l'intérêt de l'enfant. Je crois qu'il incombe aux assemblées législatives d'affirmer qu'elles veulent un ensemble de lignes directrices un peu semblable à ce qu'elles ont fait dans le domaine des pensions alimentaires afin de reconnaître que les enfants profitent de la présence de leurs parents. En tant que défenseur du droit des enfants, j'appuie des lignes directrices qui encouragent la garde partagée, et c'est la raison pour laquelle je suis ici.

Il y a évidemment des exceptions. Il y a des exceptions pour les enfants, pour les familles et pour les mères et les pères. Mais essentiellement, donner aux enfants, aux mères et aux pères le droit de comprendre qu'ils sont capables de régler les problèmes, de collaborer, de collaborer dans l'intérêt des enfants après un divorce, et pour ce faire il faut leur accorder la présomption du pouvoir décisionnel partagé. Lorsque nous leur donnons cette base, est-ce que nous ne donnons pas aux enfants du pays ce à quoi ils ont droit, c'est-à-dire un peu de paix, de stabilité et de cohérence? Vous ne pouvez parvenir à cette fin que par un énoncé de principes, qu'il figure dans la partie habilitante de la loi ou dans la description des éléments qui touchent la garde.

Finalement, il ne suffit pas de s'en tenir au truisme qui figure actuellement au paragraphe 16(10) de la Loi sur le divorce, où le législateur énonce qu'un maximum de contact est un idéal à viser. Vous devez énoncer un principe directeur qui, à compter de maintenant, donnera de la cohérence et de la prévisibilité, ce dont les parents ont besoin pour prendre ensemble des décisions qui touchent les enfants.

Je crois que mes cinq minutes sont écoulées.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez utilisé exactement cinq minutes. C'est excellent.

Nous allons commencer par madame Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: Ma question s'adresse à notre dernier témoin. Ne soyez pas nerveuse, vous vous en tirez très bien.

Vous parlez d'un ensemble de lignes directrices qui faciliteraient notablement le partage des responsabilités parentales. Je siège à l'heure actuelle au sein d'un comité qui examine les lignes directrices dont vous parlez en matière de garde d'enfant, et ces lignes directrices ne sont pas aussi efficaces que nous l'avions espéré. Tous les témoins qui comparaissent devant nous y trouvent à redire. Alors nous les révisons. Elles ne sont pas censées être révisées avant cinq ans, mais il y a de bonnes raisons pour les revoir sous peu.

• 1530

Est-ce qu'il ne serait pas plus commode, dans les cas d'intervention précoce, avant que les parents ne s'enlisent dans un conflit, qu'ils établissent ces lignes directrices avec une personne compétente qui est en mesure de les aider? Est-ce que cela ne vaudrait pas mieux que de formuler des lignes directrices qui doivent ensuite être interprétées par des juges qui n'ont pas reçu de formation adéquate parce qu'ils n'ont pas participé à l'élaboration des lignes directrices que nous avons déjà mises en oeuvre? Mettez cela dans les lignes directrices et vous ferez de la formation ensuite. Est-ce qu'il ne serait pas plus efficace de procéder de cette façon? Nous avons maintenant entendu des témoignages au sujet des lignes directrices, maintenant, et la question n'est toujours pas tranchée.

Mme Bondy: Permettez-moi de répondre à cela. Je crois que les lignes directrices constituent un pas dans la bonne direction, parce qu'on ne peut pas tolérer l'incohérence que présentait la loi. Ce n'est pas une panacée ni une réponse parfaite, mais c'est déjà quelque chose.

Vous vous demandez si la question porte vraiment sur l'intervention précoce et l'intervention non juridique. À moins qu'une déclaration de principe sur ce qui correspond vraiment aux intérêts des enfants ne soit inscrite dans la loi, un peu comme on en trouve dans les lois provinciales en matière de division des biens, je ne pense pas que l'on assistera à un changement social.

L'attitude que doivent avoir les parents pour comprendre que tant qu'ils se disputent au sujet du simple concept de prise de décisions en commun... Je ne dis pas que chaque enfant doit être divisé entre deux résidences, parce qu'il faut faire la distinction. Vous ne parlez pas de lieu de résidence; vous parlez de prise de décisions en commun. Lorsque vous faites ce cadeau à deux personnes, je crois que l'intervention précoce ou l'intervention judiciaire ne porteront fruit que si vous donnez la réponse aux fournisseurs de service et au système judiciaire. Vous devez leur dire que ce genre de comportement affecte l'enfant et qu'il faut commencer par cette présomption, même si elle est réfutable, car il y aura des exceptions. Mais commençons par là, pour que le changement social puisse s'effectuer et qu'au bout du compte, vous fassiez ce qui aide le plus les enfants.

La sénatrice Erminie Cohen: Je puis vous rétorquer qu'il n'y a pas toujours de vainqueur. Nous venons d'entendre des psychologues qui nous ont affirmé que la discussion au sujet de l'éducation des enfants ne relève pas vraiment des tribunaux. Ils ont soutenu que l'éducation des enfants après un divorce nécessite l'intervention d'une personne compétente qui participe à tout l'aspect social. Ils ont bien précisé qu'il ne s'agissait pas d'une question juridique, alors...

Mme Sharman Bondy: Je ne suis pas de cet avis. J'ai assumé des responsabilités très diverses au cours de ma carrière juridique, j'ai notamment été avocate à la Société d'aide à l'enfance et j'ai représenté des enfants dans des procédures de protection de l'enfance. Une partie de tout régime de garde... Voici le problème: on n'insiste pas sur ce qui compte. On parle des droits des parents et non pas du plan qui intéresse les enfants. Que se passera-t-il au quotidien? Il faut donc changer d'orientation et s'écarter des questions de droit et des notions de propriété sous-jacentes à la garde.

Je suis donc en désaccord avec vous. Je crois qu'une partie de la question touche ce que vous faites quotidiennement pour votre enfant. Que prévoit le régime en matière d'éducation, de religion, de repas et de soins? Cela fait partie intégrante de chaque décision de garde. Les juges doivent le savoir et il faut les en informer.

La sénatrice Erminie Cohen: Je suis d'accord avec vous à ce sujet. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur Wilkins, l'une des préoccupations de bien des patients que je traite vient de la grande difficulté que présente l'obtention d'un certificat d'aide juridique pour une question de droit de la famille. Que dit la politique à cet égard, de quelle façon les choses se passent-elles? De quelle façon pouvez-vous justifier le fait que des personnes doivent maintenir une relation violente ou se plier à la volonté du partenaire lorsque ces décisions sont prises parce qu'ils ne peuvent pas payer d'avocats?

• 1535

M. Keith Wilkins (Régime d'aide juridique de l'Ontario): La situation du régime a changé remarquablement en avril 1996. À compter de ce moment, les dossiers de droit de la famille ont eu la priorité un. D'avril 1996 jusqu'en 1997, seules les affaires de priorité un ont été traitées. La priorité un porte précisément sur les questions de sécurité, les menaces et la violence psychologique. Il existait une opinion très répandue au sein de la population—peut-être un peu à cause des journaux—on croyait que l'aide juridique dans les dossiers de droit de la famille avait disparu. C'était faux. Et depuis le 1er avril 1996 nous nous efforçons de communiquer ce message dans les refuges et au moyen de déclarations publiques. L'aide juridique est disponible, et il est intolérable que quiconque subisse une relation violente. Cela n'est pas dans l'intérêt de la victime ni, certainement, dans celui des enfants.

Mme Carolyn Bennett: Dans une situation où il y aurait un médiateur sur place, au sein d'un tribunal unifié de la famille, le financement de cette activité viendrait... Si cela se produisait, il faut espérer que nous aurions besoin de moins d'avocats. Je m'inquiète de ce que, dans la structure hiérarchique du gouvernement, cette décision ne soit pas suffisamment axée sur les solutions et du fait que nous réduisons les budgets du côté du droit sans vraiment fournir plus de ressources du côté de la prévention et de la médiation.

M. Keith Wilkins: Je suis d'accord avec vous, mais je dois attirer votre attention sur le fait qu'il y a déjà des tribunaux unifiés de la famille où des avocats d'expérience fournissent un appui à deux personnes qui peuvent soumettre avec succès une question à la médiation. On réduit ainsi le fardeau administratif et on peut parvenir à une solution rapide du problème au moment de la comparution, plutôt que de laisser la situation s'envenimer et, peut-être, s'enliser ou susciter des malentendus.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

M. Keith Wilkins: Je vous en prie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci.

Vous avez parlé de la présomption de garde partagée et vous avez affirmé que cela offrait l'avantage de la prévisibilité. Mais j'ai aussi entendu l'argument contraire: que cela crée une situation propice au litige et n'assure pas vraiment la continuité, l'uniformité et la prévisibilité dont les enfants ont besoin et que quand une famille se désintègre, il faut qu'un seul parent ait la responsabilité d'assurer la stabilité, sinon l'enfant continuera d'être comme un ballon que l'on s'échange.

J'examine le modèle présenté ici, qui semble être un peu comme celui du roi Salomon. On divise l'enfant en deux pour satisfaire les projets et les styles de vie des parents. Mais est-ce que cela répond vraiment aux besoins psychologiques et sociaux des enfants? Les enfants font constamment la navette entre les deux résidences. J'aimerais que l'on réfute ces arguments pour défendre la position de la présomption de garde partagée, qu'on me dise que dans nombre de ces situations âprement disputées le mieux que l'on puisse faire est de désamorcer la colère et d'offrir l'aide de quelqu'un qui peut finalement prendre des décisions et assumer le contrôle de la situation, par exemple, accorder la garde exclusive à l'un et le droit de visite à l'autre, dans des conditions déterminées.

M. James Hodgins: À qui s'adresse la question?

M. Paul Forseth: À vous deux.

M. James Hodgins: Je vous dirai que cet espace entre la résidence et l'avenir des enfants peut paraître semé d'embûches et étrange au quotidien, mais qu'au bout du compte les enfants s'adaptent à la réalité. L'idée que les enfants finissent par avoir deux foyers se rapporte au fait qu'ils ont encore deux parents dans un modèle aussi acceptable que ce que l'on peut espérer, à défaut d'une seule et même résidence. L'idée qu'ils font la navette est un mythe propagé par bien des adultes qui n'ont pas vécu cette expérience quand ils étaient enfants, ou qui ne l'ont pas fait avec des adultes qui devaient faire en sorte que le processus donne les résultats voulus.

• 1540

Sur cette affiche, et je suis désolé de ne pas pouvoir vous le montrer plus facilement, on voit des citations d'enfants qui ont participé au processus—et il y a plusieurs familles dont Yvonne et moi-même pourrions parler—et qui affirment que c'est la meilleure façon. Ils disent «Nous aimons nos deux parents et nous voulons passer du temps avec les deux. De cette façon nous pouvons le faire.»

Il y a très peu d'enfants qui font constamment la navette entre deux foyers. Dans un cas, la seule chose qui fait la navette est un sac à dos ou un ourson en peluche, Paul.

Les enfants, au bout du compte, peuvent très bien s'accommoder du partage des responsabilités parentales dans deux foyers. Pour y parvenir, il faut l'aide de quelqu'un. Il peut être nécessaire de mettre en oeuvre un processus quelconque pour vous aider à atteindre ce but, mais si vous avez deux parents actifs et intéressés, alors cela est tout à fait faisable.

M. Paul Forseth: Vous pouvez peut-être répondre à la question de présomption de garde partagée, parce que c'est souvent aussi ce que disent ces parents, qui ne divorceraient sans doute pas s'ils étaient capables de négocier le partage des responsabilités parentales, la garde partagée; ils seraient sans doute à la place des spécialistes et ils ne demanderaient pas le divorce.

Mme Sharman Bondy: Il faut bien comprendre que la garde est un ensemble de droits que vous exercez relativement à votre enfant. Il ne s'agit pas nécessairement de la façon dont vous répartissez le temps ou la résidence. Lorsque je dis «présomption de garde partagée», je parle de la présomption qu'il est dans l'intérêt de l'enfant que les deux parents participent également à la prise de décisions qui touche cet enfant.

Quant à la dernière question que vous avez soulevée qui était...

M. Paul Forseth: Assurer la continuité et la prévisibilité dans une situation stressante.

Mme Sharman Bondy: Il y aura toujours des exceptions, mais je crois fermement... Et je ne peux que me fonder sur ma propre expérience. Je ne fais pas partie d'un groupe particulier, je ne milite dans aucun mouvement, je n'ai pas de cause à faire valoir ni d'idéologie particulière au sujet des sexes. Dans mon milieu, nous sommes à ce point obnubilés par les concepts de droit de visite et de garde en tant que droits des parents que nous avons perdu le sens des réalités, c'est-à-dire le droit de l'enfant à être aimé, protégé, soigné. Et cela n'a rien à voir avec le domicile, cela a à voir avec la prise de décision en commun.

Si vous n'inscrivez pas cela quelque part, si vous ne dites pas cela, personne ne prendra cette orientation. Personne n'y sera forcé.

M. Paul Forseth: Je comprends que votre concept de garde se compose d'une série de droits de garde et de la capacité d'administrer les avoirs de l'enfant, d'autoriser un médecin à soigner l'enfant...

Mme Sharman Bondy: De participer à l'éducation, de participer ensemble à tout ce qui touche la prise de décisions quotidiennes.

M. Paul Forseth: Cela correspond à bien des témoignages que nous avons entendus. C'est l'idéal, mais cela ne se produit pas dans la réalité. Un parent ou l'autre va se sentir écarté de la prise de décision et déclarer «Oh, comment puis-je...» C'est un idéal théorique qui ne vaut pas le papier sur lequel il est écrit, parce que les parents n'ont aucune façon de parvenir à ce but.

Mme Sharman Bondy: Permettez. Ils n'y sont pas tenus à l'heure actuelle. Personne n'y est tenu. Tant qu'une des parties signataires d'une entente de garde partagée affirme qu'elle n'en veut pas, cette entente ne peut pas faire l'objet d'une ordonnance, alors ils n'y sont pas tenus.

C'est pourquoi je dis que nous devrions faire porter l'accent sur le droit de l'enfant, pour insister après le divorce, après la séparation, sur le fait que les enfants ont droit à cette participation équitable et aux soins de la mère et du père, du gardien et du visiteur.

M. Paul Forseth: Très bien. Disons que vous avez obtenu de la Cour suprême une ordonnance de divorce qui comporte la garde partagée, vous pourriez même parler de droit de garde partagée, et les parents s'entendent au sujet d'un droit de visite qui répond à leur style de vie, mais voilà qu'un des parents inscrit l'enfant à une école privée confessionnelle. L'autre parent n'a pas été consulté du tout, et il en fait tout un plat. Vous avez un grave conflit. Le parent se dit «Je ne peux pas ramener cette question devant le tribunal, cela n'en vaut pas la peine. Le tribunal ne fera rien. Si je soumets le problème à un juge, avec des affidavits et tout, le juge m'enverra promener.»

• 1545

Alors, concrètement, l'ordonnance qui a été prononcée, dans ce cadre idéal, ne vaut pas le papier sur lequel elle est écrite. Le parent ne peut pas exercer ses droits à moins que l'autre parent y consente.

Mme Sharman Bondy: Vous parlez de nouveau des droits des parents.

M. Paul Forseth: Ou de contrôle.

Mme Sharman Bondy: Je pourrais vous suggérer ceci. L'une des solutions auxquelles j'ai eu recours après avoir épuisé mes possibilités d'avocate, soit parce que des ententes sont rédigées ou après une audience, quand on sait ce que sont les droits et que ces droits ont été définis, c'est de se tourner vers un service de counselling ou de médiation.

Je ne crois pas ceux qui soutiennent «Ne prenez aucun recours au départ», parce qu'il y a tant de confusion au sujet du sens de l'expression droit de visite. Un juge de la Cour suprême l'a décrit comme le rôle d'un observateur intéressé dans la vie de l'enfant. Bien des gens ne considèrent pas le droit de visite de cette façon. Alors ils doivent être vraiment clairs sur ce qui se passe et sur le rôle qu'ils jouent dans la vie de l'enfant.

Malgré tout le respect que je vous dois, j'ai entendu bien des choses au sujet des avocats et du système juridique, mais je dois préciser que certains d'entre nous ont compris la situation. Certains d'entre nous s'inquiètent vraiment des intérêts des enfants, des familles et des gens. Il faut bien le comprendre, et nous devons doter le système judiciaire des outils qui lui permettront de préciser ce que nous voulons dire lorsque nous utilisons ces expressions.

M. Paul Forseth: Très bien. Je vais terminer sur cette note. Si vous vous placez du point de vue des droits de l'enfant, cela concorde peut-être avec ce que nous avons entendu précédemment aujourd'hui: Quand un parent se comporte comme je l'ai laissé entendre, on peut considérer qu'il s'agit de violence faite à un enfant, il s'agit donc d'une infraction, parce que nous avons des lois contre la violence faite aux enfants dans notre pays.

Mme Sharman Bondy: Il est vraiment difficile de saisir ce que cela signifie que d'être victime de violence. Nous commençons seulement à entrebâiller la porte de façon que si des enfants sont victimes de violence familiale ou en sont témoins et la vivent, cela soit pris en considération dans les conclusions relatives à la protection. Pour ce qui est de faire le pas de géant suivant, cela ne sera peut-être pas nécessaire si nous, et en particulier les assemblées législatives, déclarons sans équivoque aux parents «Vous devez reprendre vos esprits quand il s'agit de votre enfant, parce que cette situation est injuste pour lui.»

Des voix: Bravo!

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Monsieur Hodgins, vous vouliez faire un commentaire.

M. James Hodgins: Merci, monsieur Gallaway.

Au sujet des responsabilités parentales et de la terminologie, toutes ces choses, je prévois qu'un jour nous reconnaîtrons deux types de famille: vous aurez un seul parent ou deux parents dans votre vie. La garde exclusive est essentiellement l'autorité parentale unique. La garde partagée est essentiellement la garde confiée à un seul parent. Ce n'est que la garde partagée concrète, légale, qui permet aux deux parents de participer véritablement dans un régime de garde partagée et de partage des responsabilités parentales.

Nous devons viser ce but, et quand nous l'aurons concrétisé, nous devrons le communiquer clairement. À l'heure actuelle, 90 p. 100 des cas dans notre pays se terminent effectivement par une décision constituant une famille monoparentale. Comment cela peut-il se produire? Eh bien, c'est dans la loi, comme quelqu'un l'a déjà dit à cette table. Il n'y a rien qui dise quoi que ce soit d'autre.

Bien des gens supposent que c'est là la seule façon de procéder, alors cela devient la coutume de notre société, tant que nous n'aurons pas dit «Hé, vous êtes un parent. Vous vous séparez, mais vous restez un parent. Vous êtes tous les deux des parents. Vous devez trouver des façons d'assurer la gestion parentale, d'élever les enfants, de les appuyer, de les aimer.» Il faut l'inscrire dans la loi, non pas la présomption que cela va se faire—calendrier deux sur mon tableau, ici—et un week-end sur deux à votre père. C'est ce que 90 p. 100 des parents dans cette situation finissent par faire. Ils consacrent très peu de temps à l'éducation de leurs enfants. Les enfants se font enlever leurs parents.

Je ne sais pas, Yvonne, si vous voulez ajouter quelque chose à cela.

Mme Yvonne Choquette (Fairness in Family Law): Je dirai simplement que la raison pour laquelle nous sommes réunis ici est que nous connaissons effectivement des personnes qui ont adopté des régimes de partage ou de mise en commun des responsabilités parentales. Dans un cas, cela s'est fait il y a dix ans, après la séparation, et dans un autre, il y a quatre ou cinq ans. Les enfants dans ces foyers sont heureux. Ils ne visitent pas de psychologues. Ils réussissent bien en classe. Leur vie se déroule normalement. Les parents prennent des décisions. Ce sont des cas qui ont été réglés en dehors du système judiciaire.

J'en fais mention parce que cette approche peut donner de bons résultats en dehors du système judiciaire, elle peut répondre aux besoins de nombreuses familles. Mais lorsque la loi intervient, comme mon collègue là-bas l'a suggéré, on a l'impression qu'on peut s'adresser à un tribunal et lui demander de prendre une décision en faveur de l'un des parents, et l'on se heurte alors à bien des difficultés.

• 1550

Il nous faut établir la présomption que l'enfant continuera d'avoir deux parents après la séparation. C'est certainement ce qui convient le mieux à l'enfant. Comment est-ce que cela pourrait ne pas lui convenir, d'avoir deux parents dans sa vie? L'enfant naît avec deux parents. C'est Dieu qui a fait les choses ainsi. C'est le plan de Dieu, et il semble injuste que l'enfant n'ait plus qu'un parent après une séparation et un divorce. Il faut se demander ce qui vaut le mieux pour l'enfant.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci.

J'aurais deux ou trois questions à poser au groupe de l'aide juridique. Est-ce que votre groupe appuie l'approche de la garde partagée?

M. Robert Holden: Comme je l'ai dit, au début, monsieur, je crois qu'il serait inapproprié que nous nous prononcions sur un sujet à si forte teneur politique. Quelle que soit la loi nous ferons tout notre possible pour assurer des services à ceux qui en ont besoin. Nous ne voulons pas prendre position sur l'opportunité de la garde partagée.

M. Eric Lowther: Alors, si je comprends bien, quand quelqu'un se présente à l'aide juridique, et demande vos services, vous procédez à une évaluation quelconque, pour déterminer si la situation se prête à une entente de garde partagée ou à une entente où les responsabilités parentales sont partagées, ou est-ce que vous vous contentez... Ou plutôt, qu'est-ce que vous faites? Je ne vais pas vous faire dire des choses.

M. Robert Holden: S'il s'agit d'une question de garde, alors nous sommes prêts à fournir de l'aide, à supposer que le demandeur satisfait aux critères d'ordre financier. Nous appliquerions le test pour vérifier ce que l'on peut faire avec les moyens modestes du client. Quelle est la question du droit de visite, par exemple? Quels sont les problèmes qui se posent en matière de garde? Mais dans la plupart des cas, nous fournissons de l'aide, à condition que le client qui en a les moyens consacre l'argent nécessaire pour se présenter devant un tribunal. C'est vraiment là notre travail.

M. Eric Lowther: Alors nous avons quelqu'un qui n'a pas beaucoup de revenu ici, qui a de la difficulté. Sa famille éclate, et il envisage soit une séparation soit un divorce. Il pense immédiatement «Je vais aller explorer un peu du côté de l'aide juridique, parce que c'est le genre de service qui peut m'aider.»

Si je vous comprends bien, vous prendriez une position qui, selon certains témoins que nous avons entendus, n'est pas positive mais plutôt négative, et c'est de dire «Quel est votre point de vue à ce sujet? Nous allons vous défendre et essayer d'obtenir ce que vous voulez». Vous allez entrer dans ce processus accusatoire sans véritable «aide juridique»—je mets des guillemets—sans proposer l'approche du partage des tâches parentales ni demander «Est-ce que vous ne pouvez pas trouver de solution?», vous ne chercherez aucunement à régler le problème avant d'entamer des poursuites ou de vous présenter devant le juge.

Je m'étonne qu'un service d'aide juridique se contente d'intervenir ainsi et de dire d'accord, commençons à promouvoir votre cause et préparons-nous à livrer bataille.

M. Robert Holden: Eh bien, les choses ne se passent pas comme vous les décrivez, nous ne nous disons pas qu'il faut promouvoir la cause d'une personne et se préparer à livrer bataille. Premièrement, la personne qui reçoit les services de l'aide juridique peut choisir son propre avocat. Nous ne fournissons pas d'avocat à ces clients. Nous dirions à cette personne «Nous allons vous fournir de l'aide. Nous avons une liste d'avocats qui sont disposés à travailler pour l'aide juridique. Choisissez-vous un avocat.»

Par la suite, il se peut fort bien que, comme je l'ai dit précédemment, nous cherchions à favoriser un rapprochement des positions. Par exemple, si un mari et une femme se disputent au sujet de la garde ou si le droit de visite crée des difficultés, nous organiserons une réunion et nous demanderons aux deux intéressés de venir, avec leurs avocats, rencontrer le personnel de l'aide juridique pour voir s'il n'est pas possible de régler leurs différends. Sinon, ils ont accès au même système judiciaire que les personnes qui ont les moyens d'embaucher des avocats. Nous n'offrons pas un système juridique différent pour les gens démunis.

M. Eric Lowther: Très bien. Mais c'est le premier contact pour bien des gens, et vous me dites qu'il n'y a vraiment aucune évaluation officielle, aucun effort concret si ce n'est de conseiller à ces personnes une approche plus conciliante de leur dire que, peut-être, il faudrait examiner les choses d'un point de vue plus positif. Vous suivez une approche juridique plus traditionnelle, «Voici les possibilités juridiques, vous allez chercher un bon avocat et l'autre partie fera de même, et nous allons régler la question devant un juge.»

• 1555

Cela m'étonne. Il me semble que c'est le premier service vers lequel les personnes dans le besoin se tournent. Il y a un vide ici, à ce qu'il me semble. C'est un peu comme ce que nous avons entendu précédemment—que la profession juridique n'est pas d'un grand secours. Il y a des témoins qui nous ont dit «Empêchez les avocats d'intervenir dans ces affaires». Voilà que des personnes à faible revenu éprouvent des difficultés et en viennent au point où elles se tournent vers le système juridique et demandent ce qu'elles peuvent faire. On ne leur dit pas de trouver une solution elles-mêmes. On leur dit «Voici la façon d'entrer dans le système qui détermine les gagnants et les perdants.» Il me semble que c'est un premier point de défense.

Vous ne semblez pas d'accord avec moi; j'aime bien que les témoins soient d'accord avec moi.

M. Robert Holden: Vous avez peut-être raison. Il y a peut-être un vide.

Le régime d'aide juridique de la province—et je crois que cela vaut aussi dans les autres provinces et territoires—n'est pas vraiment conçu pour fournir une aide psychologique ou une aide qui relève du service social. Nous croyons qu'il est important que les gens aient accès à un avocat. De plus en plus, il me paraît juste de dire que l'avocat est conscient des aspects dont vous parlez et qu'il tente d'éviter les vives contestations devant un tribunal.

Mais à notre avis, nous n'avons ni les compétences ni le financement nécessaires pour fournir l'aide précoce que vous suggérez. Nous permettons à la personne de consulter un avocat. Cet avocat communiquera avec l'avocat de l'autre partie. Par la suite, quand ces clients auront reçu les conseils d'un avocat, nous chercherons à les aider d'autres façons, en organisant ce que nous appelons une rencontre à cinq, avec les directeurs de secteur qui sont spécialement formés, formés par Resa, en fait, qui est venue témoigner au cours de la dernière séance—pour tenter de rapprocher les parties.

M. Eric Lowther: Mais en même temps vous faites appel à des avocats des deux côtés, le système juridique...

M. Robert Holden: En effet. Mais à mon avis, la plupart des gens croient que le processus n'est pas complètement inutile, qu'il est important d'avoir accès à des avocats et de vérifier qu'un conseil indépendant valable est fourni—en particulier aux femmes, qui composent plus de 75 p. 100 de notre clientèle dans ce contexte—pour faire en sorte que les clients comprennent bien leurs droits et aussi pour leur donner un peu de temps, si vous voulez, avant de les réunir, une sorte de période de réflexion, pour qu'ils connaissent leurs droits et aient l'occasion de réfléchir un peu et de faire preuve de jugement. Puis, nous convoquons les parties à une réunion pour voir si les problèmes peuvent être réglés.

M. Eric Lowther: Ma dernière question va dans le même sens. Est-ce que vous seriez favorable, en tant que représentant de l'aide juridique, à un service qui compléterait le vôtre—une sorte de premier contact pour les personnes qui se tournent vers vous dans de telles situations, une approche axée sur la médiation et qui permettrait d'en arriver à une solution avant de faire appel aux spécialistes juridiques.

M. Robert Holden: Je crois que nous serions heureux d'avoir l'occasion d'au moins faire un tel essai, à titre de projet pilote, si vous voulez. Il y a un certain nombre de projets pilotes que nous espérons mettre sur pied au cours de l'année dans le domaine du droit de la famille. Je crois que ce que vous proposez doit être mis à l'essai. Je ne veux certainement pas l'écarter d'un revers de main. Cela me paraît être une solution prometteuse, quelque chose dont nous devrions faire l'essai.

M. Eric Lowther: Merci.

M. Keith Wilkins: Est-ce que je peux ajouter un mot? Il y a un deuxième volet au Régime d'aide juridique de l'Ontario, celui de l'avocat de service. L'avocat de service fournit des conseils rapides lors de la comparution et permet souvent de mener des négociations qui conduisent à des règlements très tôt dans la procédure. Cela se fait souvent avec l'aide de services de médiation, lorsqu'il y en a, dans les six tribunaux unifiés de la famille de la province. Cela est faisable. Cela est intégré au régime maintenant.

• 1600

Le procureur général de l'Ontario a financé le centre d'information en droit de la famille à Ottawa, à titre de projet pilote. Des avocats de service travaillent dans ce centre d'information en droit de la famille pour fournir des conseils qui viennent s'ajouter à cette approche de centre d'information.

M. Holden parlait de l'approche traditionnelle, «Je vais aller me chercher un avocat et nous allons bien voir qui va gagner». Le régime d'aide juridique tente de rapprocher les parties pour essayer de trouver une solution avant que le juge ne prenne une décision. Mais il y a aussi ce type de conseils sommaires, au début, qui permettent de régler des cas très tôt dans le processus, cela est également possible.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Trois personnes veulent encore poser des questions, madame la sénatrice Cohen, madame Bennett et madame la sénatrice Pearson. Madame Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: Ma remarque s'adresse à mon collègue qui aimerait que les témoins soient d'accord avec lui. Je veux simplement lui dire que moi, en tout cas, je suis d'accord avec lui.

Des voix: Oh, oh!

La sénatrice Erminie Cohen: Je voulais poser une question aux représentants de l'aide juridique qui témoignent devant nous aujourd'hui, et ils y ont pratiquement déjà répondu. Dans un monde parfait, pour créer des règles de jeu équitables et pour donner aux pauvres les mêmes avantage que vous et moi, si nous en avons les moyens, qu'est-ce que vous aimeriez voir se produire?

M. Robert Holden: Est-ce que c'est une question générale ou dans ce contexte précis?

La sénatrice Erminie Cohen: Cela figurera dans le compte rendu.

M. Robert Holden: Eh bien, j'aimerais que le gouvernement fédéral envisage de financer des régimes d'aide juridique comme il le faisait autrefois. Le financement a été extrêmement réduit dans tout le Canada et en Ontario.

Il est important, dans le contexte ontarien, de chercher à garantir que le niveau de financement actuel du gouvernement provincial sera au moins maintenu. En Ontario, vous le savez sans doute, nous avons déjà absorbé quelques réductions assez marquées de notre financement en deux ou trois ans. Les changements que nous avons mis en oeuvre ces dernières années et les idées que nous espérons appliquer au cours de l'année qui vient, si notre niveau actuel de financement est au moins maintenu, devraient nous permettre de fournir d'excellents services à la population de l'Ontario. Nous nous inquiétons toutefois de la possibilité de nouvelles compressions.

La sénatrice Erminie Cohen: Est-ce que cela vous donnerait les ressources supplémentaires dont mon collègue parlait.

M. Robert Holden: Cela nous permettrait au moins de mener le projet pilote. Si ce projet pilote montrait que c'est effectivement une meilleure façon de fournir les services, je ne sais pas trop; nous pourrions à ce moment avoir besoin d'un financement supplémentaire.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

M. Robert Holden: Mais vous devez procéder à une évaluation, parce qu'il se peut fort bien, et M. Lowther en est certainement convaincu, qu'un tel système, même s'il accroît les coûts au début, pourrait les réduire de façon marquée en bout de ligne. Mais c'est le genre d'évaluation que vous devriez réaliser dans le cadre d'un projet pilote.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Si nous pouvions, dans ce monde idéal, aller chercher les cas qui se prêtent à la médiation... J'ai été fort émue pendant le témoignage de Mme Bondy. Est-ce que vous diriez alors que dans un monde idéal, dans les cas chargés d'émotion qui sont présentés au tribunal, les enfants auraient toujours un avocat?

Mme Sharman Bondy: Je n'ai aucune difficulté à accepter cela. J'ai défendu des enfants dans le contexte de telles procédures à bien des occasions. La difficulté, cependant, vient de ce que les enfants, quand il s'agit de garde, ne sont pas parties prenantes à la procédure en raison de leur âge et en raison des conséquences sur le plan financier. Mais il est utile qu'ils choisissent un avocat, dans l'intérêt du processus.

Je veux répondre à une autre question. À mon avis, ce n'est pas toujours l'avocat, si je peux me permettre de faire cette observation, qui veut livrer bataille. C'est le client. C'est le concept, la valeur sociale, le fait qu'il n'y a rien de mal à se disputer, qu'il n'y a rien de mal à avoir l'exclusivité, voilà le vrai problème. Un avocat agit sur les instructions de son client, alors si le client déclare «Je ne veux pas d'entente partagée», il agit en conséquence. Mais dans ces cas contestés, en particulier quand votre client est un enfant, un enfant capable de donner des instructions à l'avocat, l'avocat peut jouer un rôle crucial dans le cadre de ces procédures.

• 1605

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Pearson.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'aimerais poursuivre dans la même veine de questions que Mme Bennett, parce que j'ai été vraiment impressionnée de la grande place que vous faites aux enfants. Comme vous le savez, en vertu de la Convention sur les droits de l'enfant, à l'article 12, un enfant a le droit d'être entendu dans toute procédure juridique ou administrative qui le concerne.

Je me demandais donc de quelle façon cet enfant était le mieux représenté, et vous avez répondu que ce n'était pas toujours par un avocat.

Mme Sharman Bondy: C'est exact.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous avons entendu des médiateurs qui sont intervenus avec beaucoup de compétence auprès de jeunes enfants, sans jamais demander à qui que ce soit de faire des choix. Mais je sais que quand l'enfant atteint l'âge de 12 ou 13 ans, il a besoin de plus que les conseils qu'on semble lui donner. Alors je me demandais simplement si vous aviez quelque chose à ajouter à ce sujet.

Mme Sharman Bondy: Les enfants de cet âge ont aussi besoin de quelqu'un qui va leur dire qu'ils peuvent passer du temps avec leurs deux parents; qu'ils peuvent les aimer tous les deux. Mais en outre, parallèlement à la médiation, qui n'est pas une solution universelle, il y a l'éducation publique au sujet des responsabilités parentales. C'est probablement plus important que la médiation. De quelle façon un médiateur peut-il favoriser la résolution du problème si la meilleure solution ne fait pas l'unanimité.

Si vous avez une loi et les outils pour dire «Vous deux, vous devez trouver une solution. Vous avez trouvé le moyen de faire cet enfant, vous avez maintenant cet enfant, alors vous devez trouver une solution pour que sa vie soit acceptable après un divorce»...Cela donne au médiateur les outils dont il a besoin; cela donne au système judiciaire les outils nécessaires; cela donne aux avocats les outils avec lesquels ils peuvent travailler.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que vous pouvez aussi dire qu'ils doivent consulter les enfants plus âgés, au moins écouter ce qu'ils ont à dire?

Mme Sharman Bondy: Oh, tout à fait, mais l'un des plus graves problèmes que l'on ait quand on représente un enfant plus âgé vient des pressions des deux parents, qui considèrent que l'amour est un sentiment exclusif et que la garde est un droit exclusif. Alors vous voyez de nombreux enfants de ces âges catapultés dans le conflit par les deux parents.

C'est indéniable, le rôle de l'avocat peut être de dire à l'enfant «Tu sais, ce que tu me dis est confidentiel, c'est entre toi et moi, je ne vais le répéter à personne. Je ne peux pas le répéter à qui que ce soit. Je suis ici pour défendre tes intérêts.»

J'ai réussi à conclure de façon favorable bien des cas parce que je suis convaincue de ce principe, c'est l'enfant qu'il faut défendre, tout est là.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Nous allons nous arrêter pendant quatre minutes pour permettre à nos témoins suivants de prendre place.

Merci.

• 1608




• 1617

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mesdames et messieurs, nous entamons la dernière partie de la journée. Nous avons six témoins, certains feront peut-être leur exposé ensemble: Eugene Colosimo, Darlene Ceci-Laws, Kevin Laws, Michael Day, Bruce Haines et Simon Wauchop. Je ne sais pas à quel bout de la table commencer.

M. Eugene Colosimo (témoigne à titre personnel): Je suis Eugene, ici.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons commencer par le numéro sept, et procéder dans l'ordre, ainsi. Comme certains d'entre vous ont assisté à la séance précédente, vous savez qu'il faut essayer de présenter son exposé le plus rapidement possible pour que nous puissions vous poser des questions.

M. Kevin Laws (témoigne à titre personnel): Nous avons demandé à comparaître devant votre comité pour attirer votre attention, par un exemple concret, sur la façon dont la Loi sur le divorce, modifiée, et les lignes directrices peuvent être utilisées pour ruiner et détruire l'avenir de personnes comme moi, mon épouse et nos jeunes enfants, qui sont maintenant les innocentes victimes de ce système.

Il y a plus de 12 ans, mon ex-conjointe a divorcé et est partie avec nos enfants pour refaire sa vie. Il ne me restait plus qu'à faire la même chose. Notre règlement, en vertu d'une ordonnance judiciaire, prévoyait une pension alimentaire pour enfants et une année de pension au conjoint, après quoi cette pension prenait fin.

J'ai épousé Darlene un an et demi après le prononcé des jugements conditionnel et irrévocable, en 1986. Nous avons depuis planifié et concrétisé notre propre famille, nos deux garçons ont quatre et six ans.

J'ai toujours respecté mes obligations en matière de pension alimentaire à l'égard des enfants de mon premier mariage. Mon épouse et moi-même veillons ensemble à ce qu'ils reçoivent tous les soins médicaux et dentaires dont ils ont besoin. Nous reconnaissons que le montant de la pension alimentaire pour enfants a été modifié équitablement à trois reprises au cours des dernières années, et il a toujours été raisonnable et adapté à mon revenu.

Malheureusement, nous avons rapidement appris que le processus de révision des pensions coûtait des milliers de dollars en frais juridiques simplement pour éviter de devoir payer les sommes faramineuses dont il est question dans les demandes. Nous avons même craint, il y a quatre ans, que la pension alimentaire du conjoint soit rétablie. Cette demande a été, à juste titre, rejetée.

Aujourd'hui, je suis assujetti à une ordonnance provisoire en vertu de laquelle je verse une pension alimentaire à mon ex- conjointe, onze ans après le divorce et seulement quatre ans après le rejet de la première demande. Je continue en outre à verser une pension alimentaire pour enfants à ma fille de 23 ans, qui travaille à temps partiel, et à mon fils de 18 ans, qui travaille à temps partiel mais fréquente encore l'école secondaire—je le reconnais.

Je me demande simplement si quelque chose n'a pas été oublié dans toutes ces ordonnances ou, plus important encore, si quelque chose n'a même pas été envisagé. Je vais laisser ma conjointe traiter de cette question.

Mme Darlene Ceci-Laws (témoigne à titre personnel): J'ai épousé cet homme pleinement consciente de ses obligations alimentaires à l'égard des enfants de son premier mariage, définies par le tribunal, et j'ai reconnu qu'il faudrait faire des aménagements. Nous avons planifié nos vies et l'avenir de notre famille en fonction de ces obligations. Nous avons aussi prévu que tôt ou tard, lorsque ses enfants seraient devenus adultes, l'obligation de verser une pension alimentaire disparaîtrait. Nous avons travaillé dur pour améliorer notre situation et progresser dans nos carrières, pour remplir ces obligations et assurer un avenir à nos deux jeunes enfants. Les tribunaux nous ont non seulement enlevé cette sécurité, mais ils nous prendront bientôt la maison dans laquelle vit notre famille si cette injustice perdure.

• 1620

Quelles garanties financières mes enfants ont-ils? Aucune. Nous travaillons, mais il ne nous reste qu'un peu d'argent quand nous avons payé les pensions à une ex-conjointe en mesure de travailler et à un enfant adulte. Je n'ai aucune sécurité financière, nos enfants n'ont plus, à moins qu'ils n'intègrent le système de pension alimentaire pour enfants eux aussi, à la suite d'un divorce, ce qui obligerait leur père à assurer leur entretien. Est-ce que c'est là la façon dont le système doit protéger les enfants?

M. Kevin Laws: Nous pourrions faire mention de certains articles précis de la Loi sur le divorce qui ont permis à cette situation de se développer, mais je crois qu'il vaut mieux raconter l'histoire elle-même, cela donne une meilleure idée de la situation et des nombreux problèmes qui découlent de l'interprétation des lignes directrice sur les pensions alimentaires pour enfants dans la Loi sur le divorce.

Il n'y a jamais eu de changement notable pour justifier de telles ordonnances, mais des ordonnances ont été prononcées. Je crois que c'est simplement le fait que mon ex-conjointe ne cherche plus d'emploi, et les tribunaux ont décidé que c'était à moi plutôt qu'au gouvernement de lui verser de l'aide sociale.

Je suppose que le fondement juridique de la décision découle de l'interprétation que la révision de la pension alimentaire pour enfants, dont le montant sera modifié quand ma fille n'y aura plus droit, constitue un changement. C'est là l'interprétation, et c'est sur cela que l'on se fonde pour demander le rétablissement de la pension alimentaire du conjoint.

De quelle façon peut-on inscrire l'élimination ou l'ajustement de la pension alimentaire pour enfants dans la définition d'une circonstance imprévue? Le changement lui-même naît de la définition du système. Une nouvelle loi redéfinit maintenant le changement et crée une politique qui ouvre la porte à n'importe quoi. Surtout, de quelle façon la nouvelle loi peut-elle annuler les ordonnances en vigueur? Nous avons planifié notre vie en fonction de ces ordonnances, et cela nous crée maintenant des difficultés.

Il y a plus de 12 ans, j'ai dû refaire ma vie à la suite d'un divorce. Mon ex-conjointe a littéralement emporté tout ce qui avait été ma raison de vivre pendant 11 ans. Aujourd'hui, le système ne doit pas permettre à cette personne de récidiver et d'affecter la vie d'une deuxième famille.

Ma femme, et je crois que je peux parler en son nom, ne se serait sans doute jamais engagée envers moi si elle avait su que la situation se détériorerait à ce point. Franchement, je peux dire que je ne l'aurais moi-même sans doute jamais permis. Qu'est-ce qu'il adviendra de nos enfants maintenant?

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Nous allons passer au témoin suivant, et à la fin nous vous poserons des questions.

M. Simon Wauchop (témoigne à titre personnel): Je vous remercie d'avoir accepté ma demande de témoigner devant vous au sujet des questions de garde et de droit de visite, car ce sont des questions qui sont devenues très importantes pour moi au cours des 18 derniers mois.

Permettez-moi de commencer en disant que quand j'étais enfant, en Nouvelle-Zélande, un de mes enseignants a déclaré à sa quatrième année régulière—c'est l'équivalent d'une classe de cinquième ici— que le XIXe siècle avait été dominé par la Grande-Bretagne, que le XXe siècle appartiendrait aux États-Unis et que le XXIe siècle serait celui du Canada.

Si cette prédiction audacieuse doit s'accomplir, je crois que le Canada doit être perçu comme une nation forte mais juste. Cela signifie que les citoyens du Canada, tous sans exception, doivent être traités de façon juste et équitable; que les lois doivent être claires, faciles à comprendre et appliquées sans discrimination; que les habitants du pays doivent être certains qu'ils ont le droit d'être entendus de façon ouverte et juste lorsqu'ils traitent avec leur gouvernement et avec les tribunaux.

Cela englobe la façon dont notre société traite nos enfants. Toutefois, lorsqu'un mariage ou une association maritale se dissolvent, les enfants ne sont pas nécessairement traités équitablement ou avec justice. Ce ne sont pas eux qui ont de la difficulté à communiquer, à collaborer ou à simplement travailler ensemble. En tant que société, nous devons assumer notre responsabilité et veiller à ce que les enfants ne soient pas utilisés par une partie pour faire du mal à l'autre et à ce qu'ils n'aient pas l'impression d'avoir divorcé tout comme leurs parents.

Au sujet de la garde, toute décision relative à la garde devrait être fondée sur le principe d'une garde entièrement partagée, et j'ai entendu certaines des discussions à ce sujet précédemment cet après-midi. Je crois savoir qu'au Royaume-Uni, et au moins dans un État américain, le concept de garde a été aboli et que, sauf dans les cas très graves, les deux parents continuent d'assumer la responsabilité des soins, de l'éducation et de l'épanouissement moral de leurs enfants. Je vous prie d'envisager une approche similaire pour le Canada.

• 1625

Il faudrait toujours recommander la pleine garde partagée, sauf dans certains cas, après une enquête indépendante et complète consacrée à la famille, à la dynamique familiale et aux rôles parentaux, présents et passés, et seulement quand il y a véritablement un danger imminent pour les enfants.

Il ne faudrait pas octroyer la garde exclusive simplement parce que l'un des parents affirme au tribunal que les parents ne s'entendent pas au sujet des questions liées à l'éducation des enfants, du moins pas avant d'avoir mené une enquête approfondie. Est-ce qu'un parent dans cette salle peut dire qu'il ne s'est jamais opposé à son partenaire au sujet de certains aspects de l'éducation des enfants?

Si la prédiction de mon enseignant doit se concrétiser, l'application de la loi devra refléter l'esprit dans lequel cette loi a été rédigée, et les citoyens doivent être en mesure de s'adresser aux tribunaux sans craindre d'être écartés ou traités injustement. L'expérience récente de l'application des lois relatives à la famille ne me garantit pas que tel est bien le cas. Je vais vous citer la Loi sur la famille de l'Ontario:

    «Biens familiaux nets» Valeur de tous les biens, à l'exception des biens décrits au paragraphe (2), [...]

J'y reviendrai plus tard.

    [...] dont le conjoint est le propriétaire à la date d'évaluation après déduction des éléments suivants

      ses dettes et autres éléments de passif,

      la valeur des biens, à l'exception d'un foyer conjugal, dont le conjoint était propriétaire à la date du mariage [...]

Le paragraphe (2) énonce ce qui suit au sujet des biens exclus:

    La valeur des biens suivants dont le conjoint est le propriétaire à la date d'évaluation ne fait pas partie de ses biens familiaux nets:

      1. Le bien, à l'exception d'un foyer conjugal, qui est un don ou un héritage que le conjoint a acquis d'un tiers après la date du mariage.

C'est ce que dit la loi, mais concrètement un conjoint peut prendre ce qu'il veut, y compris les biens apportés dans le mariage ou hérités, pris par les tribunaux et payés entièrement par leurs partenaires. Cela peut se produire et cela se produit dans le cadre de motions présentées devant les tribunaux avant le dépôt de la preuve, avant un contre-interrogatoire adéquat ou un examen indépendant des rôles familiaux.

Quand un tribunal prononce une décision aussi partiale, il n'est pas étonnant que la partie qui subit un préjudice et qui se voit expropriée interjette appel. Comme vous le savez, c'est un processus long et coûteux, qui laisse la famille—y compris les enfants—dans l'incertitude et qui ne peut certainement pas promouvoir les intérêts de tous.

Plus précisément, j'aimerais que les membres du comité envisagent ce qui suit. Pourquoi est-ce que nous avons des lois et des règlements si les tribunaux les ignorent? En cas de divorce ou de séparation, est-ce qu'il devrait être possible à un des conjoints d'enlever à l'autre des droits et des responsabilités en ce qui concerne l'éducation et les soins des enfants? Cela ne devrait pas être possible à moins qu'il y ait des preuves indéniables de violence à l'égard de l'enfant.

Comme je l'ai dit précédemment, ces questions doivent être jugées de façon juste et équitable. Un conjoint qui prétend qu'il y a des divergences de vue entre les parties quant à la façon dont les enfants doivent être élevés n'a pas de motif de refuser la garde partagée ou le partage des responsabilités parentales.

Aucun enfant ne devrait être tenu de choisir entre ses parents. La plupart des enfants peuvent facilement aimer les deux parents et ni l'un ni l'autre des parents ne divorcent des enfants. Le site Web du procureur général de l'Ontario précise:

    «Le travailleur social demandera-t-il à mes enfants avec qui ils veulent vivre?»; les parents se posent souvent cette question. Les pensées, les sentiments et les expériences des enfants sont importants, et ils feront l'objet de discussions. Cependant, le travailleur social ne demandera pas à l'enfant de choisir entre ses parents. Cela ne serait pas juste pour lui et ne servirait qu'à que le maintenir au milieu de votre différend.

Certainement, le fait de demander si l'un des parents doit quitter le domicile conjugal et, dans ce cas, lequel des parents voulez-vous voir rester et lequel voulez-vous voir partir, équivaut à poser la même question, et c'est ce que l'avocat des enfants fait en Ontario.

Le rôle des grands-parents devrait aussi être évalué. Un couple de grands-parents ne devrait pas avoir le droit d'intervenir dans une situation au détriment d'un parent. La loi doit être équitable à l'égard de toutes les parties. Il ne devrait pas être possible qu'un conjoint obtienne tous les biens familiaux, laissant l'autre parent avec toutes les dettes et tributaire des refuges et des services sociaux pour survivre.

En quoi est-ce que cela peut aider les enfants que l'un de leurs parents n'ait plus rien, qu'il soit incapable de même se loger, et je ne parle pas de trouver l'argent nécessaire aux activités familiales et aux excursions? Si nous enseignons à nos enfants que tous les moyens sont justifiés pour parvenir à ses fins au détriment d'autres personnes, même d'un de ses propres parents, nous ne devrions pas nous étonner qu'ils ne distinguent pas le bien et le mal. Certainement, nous avons pu constater les résultats de ce genre d'éducation ces dernières années.

• 1630

Dans un monde de plus en plus tributaire des ressources humaines plutôt que des ressources naturelles, nos enfants sont notre principal atout. En cas de dissolution d'un mariage, la société doit faire diligence et tenter de limiter l'effet psychologique sur les enfants et de maximiser leur capacité de s'épanouir pleinement. Aucun parent et aucun conjoint ne devrait avoir le droit d'utiliser l'accès aux enfants pour punir l'autre parent en cas de tort perçu ou réel. En principe, les enfants peuvent apprendre de l'expérience des deux parents et, s'ils ont la possibilité de s'épanouir et de contribuer à la vie de notre société, ils devraient pouvoir accéder librement aux connaissances et à l'expérience de tous les membres de leur famille, pas seulement à celles de la moitié. Il n'est sûrement pas dans leur intérêt de voir cet accès limité par la rupture malheureuse de la relation entre leurs parents.

Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir bien voulu entendre mon exposé. Si la prédiction de mon enseignant, qui remonte maintenant à près de 50 ans, est exacte, nous devons veiller à ce que nos lois soient appliquées de façon juste et équitable, et cela englobe la façon dont elles influent sur nos citoyens les plus jeunes. Je vous supplie à nouveau d'envisager d'abolir la garde, suivant le modèle britannique, et de ne pas permettre à un conjoint ou un parent de priver l'autre parent de ses rôles et responsabilités à l'égard des enfants.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Day.

M. Michael Day (témoigne à titre personnel): Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de vous présenter mon mémoire cet après-midi.

J'exerce le droit à Mississauga. J'exerce principalement dans le domaine du droit de la famille, et j'ai un message essentiel à vous communiquer.

En vertu de l'actuelle Loi sur le divorce, quand le tribunal prononce une ordonnance de pension alimentaire il a le devoir de ne pas tenir compte de la conduite des conjoints l'un envers l'autre. Cette conduite est pourtant particulièrement pertinente quand il s'agit de déterminer la garde et les droits de visite. Souvent, si la procédure est contestée, que ce soit avant la séparation ou pendant, un conjoint peut traiter l'autre conjoint de façon tout à fait déraisonnable et agressive, sans égard pour le tribunal. Le tribunal, à l'heure actuelle, peut seulement prononcer des ordonnances condamnant la partie déraisonnable pour outrage au tribunal. Au cours de ma carrière, c'est-à-dire en 20 ans, je n'ai vu qu'une seule fois un juge prononcer une ordonnance déclarant un conjoint coupable d'outrage au tribunal et que cette ordonnance a été respectée.

Quand un des partenaires est délibérément difficile et outrageant, le tribunal ajourne généralement l'affaire et donne au conjoint pris en faute la possibilité de changer d'attitude. Souvent, cela ne se produit jamais. Souvent, le conjoint auquel le comportement du conjoint déraisonnable porte préjudice épuise ses ressources monétaires et doit abandonner la procédure judiciaire.

Les ordonnances pour outrage au tribunal, concrètement, sont tout à fait inefficaces. À mon avis, dans bien des cas le parent qui a la garde et qui refuse le droit de visite serait beaucoup plus disposé à collaborer et à permettre à l'autre parent d'exercer son droit de visite si son comportement entraînait des conséquences financières. Si le tribunal avait le pouvoir de tenir compte du comportement lorsqu'il prononce une ordonnance de soutien alimentaire pour conjoint, je crois que le droit de visite des parents qui n'ont pas la garde serait beaucoup plus souvent assuré. De cette façon, les enfants pourraient avoir deux parents dans leur vie.

J'ai traité une affaire il y a environ deux ans; je représentais un homme dont le mariage avait été très violent. Il était incontestablement victime de violence conjugale. Les choses en sont venues au point où il a été poignardé dans son sommeil. Il n'a survécu que grâce à la persévérance des médecins. Les chirurgiens lui ont retiré un couteau de boucher de la poitrine. Il était soigné par un psychiatre depuis cette agression.

• 1635

Mon client a comparu devant un juge au sujet d'une question financière—sa femme demandait une pension alimentaire. Le juge lui a ordonné de verser une pension de 1 500 $ par mois, et il a bien précisé qu'il ne pouvait rien faire d'autre parce qu'il lui était interdit de tenir compte du comportement. Le tribunal ne pouvait pas tenir compte de ce que cette femme avait fait à cet homme pour déterminer ce qui constituait une ordonnance de soutien alimentaire équitable.

J'ai des clients dont la femme est partie avec les enfants dans le seul but de priver le père de son droit de visite, parce qu'elle n'aime pas le père. Une demande d'ordonnance pour outrage au tribunal quand l'épouse est hors du ressort du tribunal n'a aucun poids. Elle coûte très cher et ne donne rien. J'ai renvoyé ce client parce que je ne pouvais rien faire.

La femme touche la pension alimentaire avec l'aide du Bureau des obligations familiales ici, en Ontario. S'il existait un mécanisme quelconque permettant à un tribunal de tenir compte du comportement de l'épouse qui a kidnappé ou sorti les enfants du territoire administratif et de prononcer une ordonnance adéquate relative à la pension alimentaire pour conjoint ou de modifier une ordonnance de pension alimentaire pour conjoint, cela me donnerait à moi, avocat du partenaire dont les droits sont bafoués, des munitions pour essayer de ramener le père dans la vie de ses enfants. À l'heure actuelle, en vertu de l'article 15, nous ne pouvons pas agir ainsi.

La Loi sur le droit de la famille de l'Ontario stipule qu'à l'intérieur de la province, le tribunal ne peut tenir compte d'un comportement tellement inexcusable qu'il équivaut à une violation grossière du mariage. Si le comité pouvait envisager des dispositions en ce sens, qui permettraient à un juge lors d'une audience fédérale de tenir compte d'un comportement si inacceptable qu'il répudie le mariage ou répudie le droit du père ou de la mère en matière de visite, cela donnerait à la partie qui est abandonnée certains outils pour essayer de revenir dans la vie de ses enfants.

La raison pour laquelle les questions d'inconduite sont écartées est suffisamment claire. Si le tribunal doit tenir compte du comportement pour chaque motion provisoire, le système s'embourbera. Je ne demande pas au comité d'envisager que l'on tienne compte de n'importe quel comportement si ce n'est un comportement si excessif qu'une personne raisonnable dirait qu'il équivaut à la répudiation de la relation de parent ou à la répudiation du mariage. Un couteau de boucher planté dans la poitrine est une situation évidente. Une femme qui a quitté le territoire à seule fin de narguer son conjoint est un autre cas évident. Mais à l'heure actuelle nous ne pouvons rien faire, et c'est parce que la loi ne nous permet pas de tenir compte du comportement.

Voilà ce que je voulais vous dire. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Monsieur Colosimo.

M. Eugene Colosimo (témoigne à titre personnel): Merci, madame la coprésidente et monsieur le coprésident. J'ai droit à cinq minutes d'exposé et j'aimerais vous lire un poème de deux minutes intitulé «Divorce». Est-ce que je peux faire les deux?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien.

M. Eugene Colosimo: Je crois que vous l'aimerez.



J'avais un foyer, un emploi, une épouse, un enfant aimant et le
goût de la vie. Mais j'ai tout perdu en rapide succession et j'ai
sombré dans une dépression profonde.



Le divorce a été une découverte, pas simplement une séparation mais
un naufrage. Il m'a enlevé mon enfant, ma joie, mon âme, et il a
laissé dans ma vie un trou béant.



Alors avec l'aide d'un avocat j'ai combattu le système, ne voulant
pas devenir une victime. Ne m'enlevez pas mon enfant, je vous en
prie, votre honneur, faites preuve de compassion. Quoi que vous
fassiez, ne me brisez pas le coeur.



Mais le tribunal de la famille n'avait pas de réponse; il a rejeté
mes demandes comme des cellules cancéreuses. Il semble que trop peu
d'hommes aient le droit d'élever leurs enfants ou soient capables
de livrer cette bataille, et ceux qui livrent bataille sentent
bientôt leurs blessures au plus profond de leur âme.



Ils m'ont acculé au mur et m'ont fait danser comme une marionnette.
Fais comme les autres m'a-t-on dit, n'essaie pas de changer les
choses. Nous te tenons à la gorge avec la pension.



J'ai combattu au nom de la justice, mais j'ai fait six mois de
prison. Les jours passaient, et j'étais de plus en plus en colère.
Est-ce que cela était dans l'intérêt de mon enfant? Une petite
fille que je ne peux pas voir. Au Canada, comment cela se peut-il?



Le refus de droit de visite constitue une violence faite à
l'enfant, mais il faut payer le soutien ou porter le bonnet d'âne.
La loi est bête, il faut la changer. Les politiciens doivent être
fous.



En voilà assez pour inspirer la désobéissance civile, mais six
années de combat m'ont laissé complètement démuni. Et lorsque je
pense à mon enfant, les larmes m'étouffent. Aujourd'hui, je passe
la plupart de mes journées au parc à nourrir les pigeons jusqu'à ce
que le soir tombe.



Pas de travail, pas de volonté, pas d'énergie. Pas de façon de
mettre un terme à l'absurdité. Sur les droits de la personne nous
avons érigé notre nation, mais le tribunal de la famille a castré
les hommes.

• 1640





Pendant mon exposé de cinq minutes, réfléchissez au sujet de ce que vous voulez faire à un homme comme moi, dans une telle situation. Que me réserve l'avenir?

Je m'appelle Eugene Colosimo. J'ai 44 ans, un diplôme universitaire, je suis né à Toronto. D'après mon ex-conjointe, je suis un agresseur d'enfant. D'après mon gouvernement, je suis un père mauvais payeur. En réalité, je suis un père aimant et je n'ai jamais été accusé d'aucun crime. Je me suis, toutefois, engagé dans une bataille au sujet de la garde. Cette bataille dure depuis sept ans, a coûté 200 000 $ et ne semble pas sur le point d'être réglée. Je suis encore assujetti à la première ordonnance provisoire de garde, sans contre-interrogatoire ni communication préalable, malgré 40 comparutions au tribunal.

Mon droit de visite a été temporairement suspendu en 1994 et il n'a toujours pas été restauré, alors je n'ai pas revu ma fille, qui a maintenant sept ans, je n'en ai pas même une photographie, depuis l'époque où elle avait trois ans. Je dois être le plus méchant homme sur terre. Le droit de la famille est marqué par les manoeuvres dilatoires, et il semble impossible de présenter l'affaire à un juge. Justice retardée est vraiment justice refusée. Je dois maintenant accepter le fait que je ne poserai jamais les yeux sur ma fille enfant. Sa mère l'a juré.

On me dit que ma fille a si peur de moi qu'elle se mutile quand sa thérapeute mentionne le droit de visite. Personne ne semble croire que cela constitue de l'aliénation parentale ou de la violence faite à un enfant. Il faut lancer une vaste campagne médiatique pour bien faire comprendre que le refus du droit de visite et l'aliénation parentale sont des formes graves de violence faite aux enfants. Mon mariage, qui a duré deux ans, était évidemment un désastre, mais la perte de mon enfant m'a détruit sur les plans émotif, physique, financier et psychologique. Je suis sans travail depuis 1995.

Je ne me soucie plus du tout de la question du Québec, de la dette nationale, de la situation de l'emploi, du système de santé, de l'éducation, de la Bosnie, des forêts tropicales ou du sort des baleines. Je ne comprends plus ce qu'est ma responsabilité parentale à l'égard d'une enfant qui, à toutes fins pratiques, est morte, dont le nom a été changé, dont on m'interdit de connaître l'adresse, dont les rêves et les aspirations ne me sont pas communiqués, dont la voix ne peut parvenir à mon oreille et dont l'image ne peut arriver jusqu'à mes yeux.

J'offre publiquement 50 000 $, mes deux prochaines années de salaire, à quiconque pourra restaurer ma relation avec mon enfant d'ici un an—quelque chose que mon ex-femme devrait être tenue de faire dès demain. Cela montre à quel point j'ai perdu toute confiance à l'endroit des tribunaux de la famille.

Si ma fille tombait dans la fosse aux alligators, au zoo, je m'y précipiterais pour la sauver. N'en doutez pas un instant. Si j'étais réveillé par ses pleurs parce que sa chambre était en flammes, je traverserais ce mur de flammes pour la sauver. Si un grizzly la traînait hors de notre tente, je trouverais dans ma rage la force nécessaire pour la lui arracher, et vous applaudiriez tous mon courage.

Malheureusement pour ma fille comme pour moi, c'est mon ex- femme qui l'a prise. Elle l'a fait de façon aussi entière, elle l'a avalée de façon aussi complète. Mais je n'ai pas droit à cette émotion. On ne me permet pas cette même rage. En fait, il y en a qui sont prêts à déclarer au comité que toute forme de colère dans une telle situation constituerait un motif suffisant pour que je ne revoie jamais ma fille. Je n'ai pas honte de ma passion.

Que se passe-t-il dans le domaine du droit de la famille? Pourquoi est-ce que la paternité et la contribution des hommes est si peu considérée? Est-ce que Wayne Gretzky serait devenu le plus grand hockeyeur de tous les temps s'il n'avait pas eu les conseils quotidiens de son père? Wayne ne le pense pas.

On me dit que j'ai des responsabilités à l'égard de ma famille et que ces responsabilités se résument à laisser saisir la pension alimentaire à la source, sans assurance que le droit de visite sera respecté. Cela est ni plus ni moins une forme d'impôt sans représentation, comme ce qui a entraîné la révolution américaine.

Mais qu'en est-il de la responsabilité de mon ex-épouse à l'égard de la famille? Il y a une publicité de nourriture pour chien que l'on voit actuellement à la télévision où l'on affirme «Après votre amour, c'est la nourriture qui est ce que vous donnez de plus important à votre chien». Pour un chien, l'amour est plus important que la nourriture. Alors pourquoi est-ce que l'amour n'est pas le principal mandat du Bureau des obligations familiales.

• 1645

La pension alimentaire pour enfants et le droit de visite sont inextricablement liés. Vous ne pouvez pas ouvrir toute grande ma bourse sans me déchirer aussi le coeur. Je n'irai pas jusqu'à suggérer que le père puisse refuser de verser la pension alimentaire pour faire respecter son droit de visite. Ce que je veux, c'est que le Bureau des obligations familiales soit obligé d'être plus strict avec les mères en rupture de ban et de retenir les fonds en permanence pour tout mois où le droit de visite a été refusé.

Pour ce qui est de mettre en oeuvre le partage des responsabilités parentales, évidemment, la plupart des maux actuels disparaîtraient. Le refus du droit de visite serait chose du passé si les deux parents étaient tenus par la loi d'occuper une place d'importance égale et de partager également les soins quotidiens aux enfants. Les fausses allégations disparaîtraient aussi lorsqu'il serait garanti qu'aucun parent ne peut perdre contact avec un enfant, quelle qu'en soit la raison.

L'exécution des tâches parentales peut être temporairement supervisée, mais quelle que soit la lacune, des services de soutien adéquats doivent être fournis pour corriger les carences. Si un homme est un ivrogne, nous allons l'envoyer chez les Alcooliques Anonymes. Il aura un droit de visite supervisé.

Il n'y aurait jamais d'allégation de violence si la mère savait que cela ne donnera rien, que le droit de visite est inaliénable. Les conflits liés à la mobilité disparaîtraient aussi si les deux parents participaient également à l'éducation de l'enfant. L'enfant pourrait simplement sortir du foyer du parent sédentaire et y revenir en permanence. Il y aurait moins de parents appauvris qui doivent déménager pour des raisons économiques si les responsabilités parentales étaient partagées et si le coût quotidien de l'éducation des enfants était plus équitablement distribué.

La médiation, elle aussi, serait plus efficace et plus rapide si les règles du jeu s'appliquaient également aux deux parents et si on garantissait les droits parentaux dès le début de la séparation. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Haines, s'il vous plaît.

M. Bruce Haines (témoigne à titre personnel): Merci, madame la sénatrice.

Je vous suis reconnaissant de me permettre à comparaître ici aujourd'hui. On m'a dit que j'avais droit à cinq minutes. Je vais essayer de m'y tenir, parce que je sais qu'il se fait tard. En échange, je vous demanderais de bien vouloir prendre connaissance des mémoires que j'ai présentés au comité.

J'exerce le droit depuis 35 ans. La première cause que j'ai défendue devant la Cour suprême du Canada, au début des années 70, m'a permis de persuader le tribunal d'accorder au père un droit de visite pour un enfant né hors des liens du mariage, en fait, un droit d'accès.

Lorsque j'ai commencé ma carrière d'avocat, maman restait à la maison, papa assurait la subsistance de la famille et maman s'occupait des enfants. Nous avons évolué et nous avons adopté la philosophie voulant que la mère sache tout mais que le père paie mieux lorsqu'il s'agit de garde d'enfants et de pension alimentaire.

Au fil des ans, malgré le langage non sexiste de la Loi sur le divorce et d'autres lois—et il est non sexiste—nous avons procédé à ce qui me paraît être une mise en oeuvre concrète de ces lois dans un contexte de sexisme systémique. Je n'utilise pas l'expression prédisposition judiciaire, parce que ce n'est pas ce que je veux dire.

Qu'est-ce que je veux dire? Lorsque je parle de sexisme systémique, je songe à une rivière qui coule dans une direction. Le juge est au milieu de cette rivière, dans un bateau, les avocats sont dans un autre bateau, les parties au litige sont dans une troisième embarcation. Tout le monde fait de son mieux, mais personne ne s'inquiète du courant qui les emporte et c'est ce que nous devons revoir, la direction du courant. À mon avis, le comité de la Chambre et du Sénat a une occasion sans précédent de revoir en profondeur ce que nous faisons dans le domaine de la garde et du droit de visite des enfants.

Ma première suggestion est d'éliminer le concept de garde et de droit de visite. Pourquoi? D'après mon expérience, je considère que le concept de garde sous-entend nécessairement un gagnant, que le droit de visite sous-entend un perdant. Il y en a qui diront que les hommes ne demandent jamais la garde. Ils ne demandent pas la garde parce qu'ils ont peur. On leur a dit que les pères sont mieux en mesure de payer parce que les mères savent tout, et vous n'avez aucune chance. À moins qu'il ne s'agisse d'une mère indigne, n'y pensez même pas. J'en vois un exemple concret aujourd'hui encore.

• 1650

Dans mon cabinet, au cours de la dernière année, j'ai défendu deux cas. Dans l'un, la femme avait agressé le mari, et il s'agissait d'agressions graves. Les parties se sont présentées devant la cour provinciale, mais le procureur a retiré les accusations malgré une preuve enregistrée, parce qu'il ne croyait pas que cela suffirait pour que la femme soit reconnue coupable d'infractions identiques à celles dont était accusé le mari d'une de mes clientes. Ces accusations n'étaient pas aussi graves, mais elles étaient de même nature. L'époux qui avait proféré des menaces a été condamné à neuf mois. Quelle était la différence? Cela s'est passé dans la même cour provinciale, dans la même compétence.

J'ai vu les pères adopter une attitude de plus en plus défaitiste, parce que le système, dès le début, peut les forcer à abandonner leur résidence—ce qu'on appelle l'ordonnance d'expulsion—si la femme ou la mère affirme qu'il l'a agressée. Il ne l'a peut-être pas fait, mais elle sait bien comment les choses se passent, très souvent elle manipule le système, l'informe qu'il a dit ou fait ceci et cela.

Le procureur général parle d'une politique de tolérance zéro. Je ne l'ai pas vue appliquée équitablement aux deux conjoints. En outre, lorsque les tribunaux interprètent la Loi sur le divorce, ils ne tiennent pas compte d'un comportement qui n'influe pas sur la capacité d'élever les enfants. Mais cela équivaut à porter des oeillères. On ne tient pas compte du comportement d'une femme qui détruit sa famille parce qu'elle veut vivre avec son employeur et dire à son mari de disparaître. Cela ne constitue pas un comportement relié à l'éducation des enfants.

J'ai aussi vu l'article de la Loi sur le divorce qui affirme que lorsqu'il examine une question de garde, le tribunal doit tenir compte du fait qu'un parent facilite les contacts. À ma connaissance, cet article n'a jamais été appliqué. J'ai lu tous les rapports sur le droit de la famille au pays, et on n'en parle pratiquement jamais.

C'est maintenant une question d'aliénation. J'écoutais cet homme et je voyais un époux aimant qui s'occupait bien de ses enfants, qui les élevait, qui en prenait soin, qui travaillait fort, un parent aimant. Mais soudain, il a été chassé de son foyer et il ne peut plus voir ses enfants.

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que de temps à autre vous entendez une histoire d'horreur au sujet d'un père qui revient et tue sa femme et ses enfants avant de s'enlever lui-même la vie. Parfois, lorsque nous appliquons nos lois, la rivière coule avec indifférence. Nous oublions ce qui pousse les gens à la violence.

Ce qu'il nous faut faire, c'est de définir un nouveau paradigme d'exercice partagé des responsabilités parentales. Il faut oublier les mots «garde» et «droit de visite». La règle doit être... À titre d'avocat qui exerce depuis 35 ans, je peux vous dire que si vous donnez le pouvoir et la garde à une des parties et seulement un droit d'accès à l'autre, les deux parties s'en serviront pour se faire mutuellement du tort. C'est l'enfant qui y perd. Mais lorsque vous appliquez le concept de la garde partagée, vous vous tournez vers les conjoints et vous leur dites qu'ils vont s'occuper ensemble de l'enfant et qu'il n'y a plus à discuter.

Pour l'instant, le concept de garde partagée ne donne pas de bons résultats. Pourquoi? Les tribunaux disent qu'ils sont prêts à l'adopter si les parents veulent bien collaborer. Eh bien, certaines femmes disent non, elles veulent la pension alimentaire et leurs enfants à leurs côtés, alors elles refusent de collaborer. Elles peuvent faire échouer le projet comme elles le prédisent, et il devient impossible d'imposer la garde conjointe. Nous devons mettre fin à ces jeux.

Je ne peux pas vous suggérer de nouveau paradigme. Cela serait aller trop loin de ma part. Mais je vous affirme qu'il faut l'aborder avec prudence et de façon méthodique. Il est temps d'arriver au XXIe siècle.

Mes cinq minutes sont écoulées, il ne me reste qu'à vous remercier.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup. Nous venons d'entendre quelques témoignages particulièrement émouvants. Je ne vais pas poser de questions à tous les témoins, mais j'ai beaucoup aimé ce poème.

• 1655

Je vais commencer par Kevin et sa femme.

Comme j'étais membre du comité qui a proposé la nouvelle grille, l'an dernier, les formules et les règles dont vous parlez, je veux simplement vous dire que je sais ce qui se passe. J'ai reçu une lettre cette année, et je me demandais si elle n'était pas de vous. On y parlait d'une situation très semblable à la vôtre.

À la suite d'un divorce, le père payait une pension à sa famille, tout comme vous. Il s'était remarié et il avait maintenant une jeune famille. La seule façon dont il pouvait assurer sa subsistance était d'accepter un emploi à temps partiel en plus de celui qu'il occupait déjà. C'était la seule façon de faire assez d'argent pour faire vivre sa nouvelle famille. Son ex-conjointe a découvert qu'il faisait plus d'argent et elle s'est tournée vers les tribunaux pour demander au juge une augmentation de sa pension. Elle l'a obtenue. Cet homme n'a donc rien gagné en prenant un autre emploi pour faire vivre sa petite famille.

En premier lieu, j'aimerais vous demander ce que vous versez maintenant? Vous payiez d'abord 800 $, puis le montant a été porté à 900 $ et ensuite à 1 200 $. Que payez-vous chaque mois aujourd'hui?

M. Kevin Laws: À l'heure actuelle, si l'on tient compte de la pension alimentaire du conjoint qui est versée à titre provisoire, cela s'élève à 1 979 $.

La sénatrice Mabel DeWare: Vous payez 1 979 $ à l'heure actuelle.

M. Kevin Laws: Oui.

La sénatrice Mabel DeWare: Et vous avez interjeté appel à ce sujet?

M. Kevin Laws: L'avis de motion en autorisation d'appel a été retenu en vertu du paragraphe 17(10)... Au niveau de la cour d'appel à London, l'appel a été rejeté, sous prétexte qu'une modification du montant de la pension alimentaire pour enfants, en vertu des nouvelles lignes directrices, constitue un changement.

La sénatrice Mabel DeWare: Je crois savoir qu'en vertu des nouvelles lignes directrices, le conjoint peut demander une modification de l'ordonnance—et cela constituerait un changement par rapport à l'ancienne situation, votre situation au 1er avril. Mais si vous, le parent payeur, pouvez prouver une contrainte excessive dans ce cas précis, cela devrait entrer en ligne de compte.

La sénatrice Anne Cools: Où est-ce que la loi dit cela?

La sénatrice Mabel DeWare: Cela n'est pas dans la loi.

La sénatrice Anne Cools: Ce n'est pas dans la loi, mais cela se trouve dans les lignes directrices que nous révisons à l'heure actuelle. Il ne faut pas l'oublier.

La sénatrice Erminie Cohen: Je ne l'oublierai pas.

La sénatrice Mabel DeWare: On a mis cela dans les lignes directrices? Eh bien, voilà qui est intéressant. Ainsi, un conjoint peut demander plus d'argent, mais la règle ne joue pas dans l'autre sens.

M. Kevin Laws: C'est exact.

La sénatrice Mabel DeWare: Voilà qui est fort intéressant. Eh bien, ces lignes directrices font actuellement l'objet d'un examen, et nous devrons nous pencher de près sur cet aspect.

Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Kevin Laws: J'allais dire que cela n'était pas sans ironie. La modification de la pension alimentaire pour enfant, en raison des nouvelles lignes directrices, a entraîné une réduction nette de 1 200 $ à 879 $. Compte tenu du fait que mon ex-conjointe a droit à l'aide sociale, elle reçoit donc moins d'argent. Je paie moins, directement, mais les règles fiscales entrent en jeu, et il m'en coûte 2 600 $ de plus par année. Je ne peux que supposer que cette différence nette parvient d'une façon ou d'une autre entre les mains de Revenu Canada. C'est donc un exemple parfait de la façon dont les intentions sous-jacentes aux nouvelles lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, qui étaient de mettre plus d'argent à la disposition des enfants, ont misérablement échoué.

La sénatrice Mabel DeWare: Et c'est la raison pour laquelle vous n'avez plus le droit de déduire la pension que vous versez.

M. Kevin Laws: C'est exact. Et mon ex-conjointe ne payait pas d'impôts parce qu'elle recevait de l'aide sociale.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Monsieur Day et monsieur Haines, je m'adresse à vous deux, et j'imagine que vous avez quelque 50 ans d'expérience cumulative dans ce domaine. J'aimerais vous poser une question, car tout le monde veut sans doute connaître votre opinion à ce sujet, bien que je doute fort qu'il y ait une bonne réponse.

En vertu de la loi actuelle sur le divorce, les avocats doivent informer leurs clients de l'existence des services de médiation et de l'opportunité de négocier les questions en litige. Ils y sont tenus. Je suppose que nous traversons une phase quelconque, mais je crois que ce n'est pas une mesure aussi positive qu'elle pourrait l'être s'il y avait obligation de se soumettre d'abord à la médiation.

La question que je veux vous poser est la suivante: compte tenu du fait que dans plus de 80 p. 100 des cas la garde est accordée à la mère, et compte tenu du fait que nous sommes ici pour discuter de tous ces terribles problèmes que créent les questions de garde et de droit de visite, est-ce que nous ne devrions pas conclure que les tribunaux se trompent très souvent lorsqu'ils accordent la garde?

• 1700

M. Michael Day: Eh bien, je pourrais vous répondre qu'il est pratiquement certain que la mère obtiendra la garde.

Lorsque je rencontre un client de sexe masculin, et je pose toujours la question aux hommes et aux femmes, je lui demande s'il aimerait avoir la garde de ses enfants. Très souvent, le père me regarde d'un air étonné. Ce regard est généralement suivi d'une question. Il me demande: «Est-ce que vous pensez que j'ai une chance?» Je dois lui répondre que les probabilités sont contre lui. Je dis que nous devons regarder ce qui s'est passé dans son mariage et établir pourquoi ce mariage a échoué.

Je demande à tous mes clients si la médiation peut donner des résultats ou s'il y a des chances de réconciliation. Avant même de pouvoir terminer ma question, le client me répond toujours non, sans équivoque. Il me dit que cela ne va pas fonctionner. Il me dit que c'est la raison pour laquelle il est venu.

Alors peut-on dire qu'un juge s'est trompé parce qu'il a donné la garde à la mère dans la plupart des cas? Je crois que c'est simplement une question de mentalité.

Quand je me présente devant le tribunal avec un client de sexe masculin qui demande la garde, c'est une bataille qu'il faut livrer pied à pied. Je dois toujours avoir des facteurs particuliers à invoquer pour avoir une chance d'obtenir la garde.

M. Bruce Haines: Comme je l'ai dit, ce n'est pas une question de prédisposition judiciaire, c'est un problème de préjugé sexiste systémique et bien établi.

Dans les deux cas auxquels j'ai fait allusion, quand des accusations ont été retirées contre l'épouse qui avait agressé gravement son mari, sa position—et elle le lui a fait remarquer— était qu'en Ontario, même les prostitués obtiennent la garde des enfants. Honnêtement, il faut dire qu'elle n'a pas tout à fait tort.

Nous voyons aussi le contraire, quand par exemple une ordonnance de droit de visite est régulièrement violée par le parent qui a la garde. C'est une vieille histoire, Pierrot est malade, Pierrot ne veut pas venir, Pierrot a décidé qu'il préférait aller chez un ami. Quelle que soit la raison invoquée, le fait de désobéir à une ordonnance de droit de visite n'entraîne aucune conséquence pour la femme, à une exception près. Après de nombreux incidents de ce genre—10, 15, 20 ou 30, un juge—cela se passait pas très loin d'ici—a le courage d'envoyer la dame passer 60 jours en prison. On interjette appel. Il y a une foule d'hommes qui encouragent le tribunal. Ils n'y croyaient pas. Vous savez, ils avaient raison.

Permettez-moi de vous dire ce qui se passe lorsqu'un mari enfreint une ordonnance de garde. Il est arrêté et accusé d'enlèvement en vertu de l'article 282 du Code criminel. Il est sévèrement puni. C'est toujours ce qui se passe, ce n'est pas l'exception, c'est la règle.

Alors je dis non, il ne s'agit pas d'une prédisposition judiciaire. Tout le monde descend cette même rivière dans le même sens. Tout ce que j'essaie de suggérer c'est qu'il faut sortir de ce courant.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je crois que ma question est la suivante: Pendant que nous essayons d'échapper au courant de cette rivière, pensez-vous qu'il faut essayer de modifier la culture, les histoires que l'on nous expose aujourd'hui sont plus rares dans les cas fortement contestés où un avocat représente les enfants.

M. Bruce Haines: Plus souvent qu'autrement, avant que vous ne parveniez à cette étape, les enfants ont entendu la personne qui a la garde provisoire dire énormément de mal de l'autre parent.

J'ai toujours un problème dans ces cas parce que le père en vient à avoir peur de poser le moindre geste. Il arrive le samedi et apporte des cadeaux, mais il a peur de s'engager dans une relation plus significative parce que la mère, qui a les enfants la plupart du temps, peut les manipuler.

• 1705

Je ne considère pas la représentation des enfants comme une solution. Je reconnais l'avantage de la médiation précoce. L'une de raisons pour lesquelles elle me semble si importante, c'est que les parties n'en viennent pas à se détester encore plus.

Mme Carolyn Bennett: Je crois alors que dans une situation où ce père se voit refuser son droit de visite... Évidemment, je pense qu'il y a consensus, cela n'est généralement pas dans l'intérêt de l'enfant. Il devrait y avoir un rapport thérapeutique permanent pour les enfants afin qu'ils puissent faire face à ce qu'ils vivent en terme d'aliénation parentale, ou de simplement valider leurs émotions et d'obtenir une deuxième opinion sur ce qui se passe dans le foyer du parent qui a la garde.

M. Bruce Haines: Si nous éliminions les concepts de garde et de droit de visite...

Mme Carolyn Bennett: Je crois que le comité a bien entendu...

M. Bruce Haines: Très bien. Eh bien, si vous faites cela et commencez à informer la population grâce à des changements législatifs et en veillant à ce que tout soit parfaitement clair, vous constaterez peut-être qu'un grand nombre de ces problèmes disparaissent.

Mme Carolyn Bennett: Très bien.

M. Michael Day: J'aimerais répondre à la question sur la représentation des enfants.

La représentation d'un enfant par un avocat est dans une large mesure efficace si l'avocat est agressif, si l'avocat de l'enfant est agressif. J'ai représenté des enfants pendant un certain nombre d'années, et on nous demandait d'être très discrets. Le représentant d'un enfant ne doit pas adopter une position controversée ni une position normale de défense. Il faut qu'il reste discret, qu'il écoute et qu'il fasse des recommandations au juge à la fin du processus. Le représentant de l'enfant doit parfois attendre deux ans avant de pouvoir s'avancer et dire au juge ce qu'il pense.

À mon avis, le représentant de l'enfant devrait avoir pour mandat de s'avancer dès le début et de prendre une position le plus tôt possible. À l'heure actuelle, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Si les enfants sont assez âgés, l'avocat les écoute. Parfois, vous arrivez à savoir quelles sont les préférences de l'enfant, mais assez souvent, cela prend un bon bout de temps.

Alors pour que la représentation de l'enfant porte fruit, je crois que l'avocat de l'enfant doit s'avancer et défendre l'intérêt de l'enfant avec un peu plus d'énergie que ce que nous avons fait jusqu'à maintenant.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci, madame la présidente.

Quelqu'un a affirmé de façon très positive qu'il était nécessaire de trouver un nouveau paradigme au concept de partage des responsabilités parentales. Est-ce que cela nécessite aussi la responsabilité mutuelle de payer les coûts de ce concept?

Je crois comprendre qu'à une certaine époque, en matière d'entretien, nous devions tenir compte de la capacité de payer et aussi demander la preuve du besoin. En outre, ce n'était pas simplement deux personnes, mais un ménage contre un autre. Il s'agissait de déterminer si l'intéressé avait des liens ou s'il habitait avec le parent ou pas.

Disons, s'il s'agissait du père, qu'il devait verser une pension. Sa capacité de payer était modifiée par le revenu considérable de son amie. Ou peut-être qu'ayant emménagé avec la dame il ne payait plus de loyer, ce qui lui permettait de verser plus au titre de la pension alimentaire pour enfants. Il pouvait aussi s'agir d'une situation tout à fait différente. Une mère avait dû se réfugier chez ses parents, mais elle ne payait pas de loyer. Ses frais d'épicerie étaient subventionnés. Alors ce ménage, peut- être, devait entrer en ligne de compte. Tout est relatif quand on parle en terme de ménage. C'est la capacité de payer et le besoin évident.

Nous ne tenons pas compte de ces situations à l'heure actuelle, dans le nouveau paradigme, dans la nouvelle situation relative à l'entretien. Il semblerait certainement que le mécanisme actuel contredit ce qu'il faut rechercher, c'est-à-dire ce nouveau paradigme de partage des responsabilités parentales.

Je crois que l'autre énoncé est vrai. On parlait des questions affectives et des questions monétaires qu'on ne pouvait pas séparer. Est-ce que vous voulez nous en dire un peu plus à ce sujet?

• 1710

M. Bruce Haines: En matière de responsabilités parentales, je n'écarte pas l'idée d'un lieu de résidence principal pour l'enfant. Au contraire, je suppose que dans de nombreux cas c'est ainsi qu'il faut procéder.

Pour ce qui est du coût, et j'imagine que vous parlez de pension alimentaire pour enfants plutôt que de frais juridiques, je ne crois pas qu'il faille réviser ou écarter complètement la question des frais d'entretien de l'enfant en fonction du concept de partage des responsabilités parentales. Dans une certaine mesure, évidemment, c'est déjà fait grâce aux lignes directrices.

Je considère comme plus important d'éduquer la population et de la former—et maintenant, d'une certaine façon, de faire du rattrapage—pour en arriver à un concept de partage des responsabilités parentales qui permet de ne plus créer une catégorie de gagnants et une catégorie de perdants. Comment pouvons-nous nous y prendre? Nous rédigeons un projet de loi pour imposer la mise en oeuvre d'un régime de garde qui ne donnera pas simplement l'illusion de se conformer à une langue non sexiste. Nous allons devoir travailler très fort sur ce sujet et y réfléchir beaucoup.

M. Paul Forseth: Très bien.

J'ai mentionné précédemment que l'ordonnance idéale prévoit la garde partagée. Mais concrètement, dans la réalité, cet arrangement ne vaut pas le papier sur lequel il est écrit à moins qu'un mécanisme ne permette de le faire respecter lorsqu'il est violé.

J'utilise l'exemple type du parent qui inscrit son enfant dans une école religieuse ou une école privée sans consulter d'abord l'autre parent. Toute la question des écoles séparées déchire notre pays, et c'est un pilier de notre constitution. Ces questions suscitent de vives colères, parce que, fondamentalement, elles définissent qui nous sommes. Il y a le fondement culturel et tout le reste.

Nous avons entendu des témoignages, évidemment, sur la formulation d'ordonnances idéales, de ce qu'est un système de règles équitables, mais de quelle façon pouvons-nous les transposer dans la réalité? Nous avons des parents, à l'heure actuelle, qui ont des ordonnances de garde partagée et qui affirment qu'elles ne valent rien parce que nous ne disposons d'aucun mécanisme pour les faire respecter.

La rumeur circule: Vous pouvez faire ce que vous voulez parce que personne ne peut rien contre vous. Est-ce que vous avez une recommandation à proposer à ce sujet?

M. Bruce Haines: Comme je l'ai expliqué dans mon mémoire, je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour définir un paradigme. Cela va nécessiter beaucoup de travail.

J'ai entendu ce que vous avez dit, les exemples que vous avez donnés. Dans la plupart des cas, les parents qui se battent au sujet de la garde des enfants ne peuvent même pas se permettre des écoles privées. Ils vivent de chèque de paie en chèque de paie.

Ce sont des choses auxquelles il faudra réfléchir soigneusement, pour essayer de mettre sur pied un système. Ce que j'ai essayé d'exposer aujourd'hui, en tant que généraliste, est ce que j'ai vu au cours de mes 35 ans de pratique. J'ai représenté des maris et des femmes. Je sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas du tout dans le système. Nous n'allons pas dans la bonne direction.

Je ne prétends pas connaître toutes les réponses. Je n'en ai sans doute même pas beaucoup à offrir. Mais j'affirme que nous devons relever nos manches et réfléchir à ce que nous allons faire. Il y a bien des compétences au sein de la collectivité qui peuvent répondre mieux que moi à ces questions. Il y a bien des gens qui possèdent une vaste expérience. Attelons-nous à la tâche.

M. Paul Forseth: Est-ce qu'il y a quelqu'un ici, à cette table, qui aimerait ajouter un dernier commentaire?

M. Eugene Colosimo: J'aimerais dire que les juges doivent faire respecter les règles qui existent déjà. Nous avons beaucoup de lois dans nos livres, par exemple la règle du parent amical. Les juges ne prennent pas de décision en fonction de ce qui est écrit. Vous ne pouvez pas obtenir ce qui est déjà prévu. Ils ne le font tout simplement pas.

Il y a des hommes dans notre groupe qui ont la garde partagée, et la mère est en Italie avec les enfants. Le père a mis 30 000 $ de côté pour ramener les enfants au Canada, mais la mère s'y refuse. Il y a des lois qu'on ne fait pas respecter.

Il suffit simplement d'obliger les juges à faire respecter les règles qui existent déjà, comme dans le cas que nous avons vu à Brampton, le mois dernier. Cela serait déjà un bon début—éduquer les juges.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St-Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Merci beaucoup.

Vous venez de dire que la Loi sur le divorce entraîne des généralités, alors que c'est souvent du cas par cas.

• 1715

Puisque mes questions sont plutôt d'ordre personnel, je me limiterai à en poser une seule à M. Laws.

Si la médiation obligatoire dont on a parlé avait été possible dans votre cas, est-ce qu'elle aurait su régler certains des problèmes auxquels vous avez fait face?

[Traduction]

M. Kevin Laws: Il n'y avait aucune médiation prévue dans le processus de divorce à l'époque. Est-ce que c'est ce à quoi vous faites allusion?

Dans mon cas, il s'agissait d'un divorce contesté. Après le procès, le règlement final s'est fait en quelques minutes, quand j'ai renoncé à contester les accusations. On m'a dit sans ménagement qu'il n'y aurait aucune médiation pour régler ces questions.

M. Eugene Colosimo: Est-ce que je peux ajouter un mot? La médiation obligatoire, si la décision n'est pas exécutoire, si l'on suppose que les règles du jeu sont équitables, ne donnera rien. C'est un jeu qui se joue à deux, mais il n'y en a qu'un qui veut vraiment livrer bataille.

Dans ma situation, par exemple, j'aimerais bien me soumettre à la médiation. Est-ce que vous ne pensez pas que tous les médiateurs au monde me donneraient un pour cent? Mon ex-conjointe a 100 p. 100 et je n'ai rien. Est-ce que vous pouvez penser que dans le cadre d'une médiation je n'aurais pas au moins un pour cent? Dans ce cas, elle perdrait, puisqu'à l'heure actuelle elle a tout.

Forcez-la à se plier à une... Le fait d'insister pour qu'elle participe à la médiation, si elle peut se retirer et violer le règlement, ne donnera rien. Il faut que la décision du médiateur soit exécutoire. Je devrais en outre pouvoir négocier en position de force.

Alors il faut que les règles du jeu soient équitables et il faut que la décision soit exécutoire. Qu'est-ce que cela me donnerait d'exiger qu'elle se présente à la table si elle peut repartir en sachant qu'il ne lui arrivera rien?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'ai une dernière question à poser, parce que vous avez une telle expérience. Vos commentaires sont extrêmement utiles et intéressants.

À l'heure actuelle, vous nous avez tous fait valoir des arguments différents, mais je crois que dans ce cas je m'adresse à l'avocat d'expérience.

Récemment, quelques cas ont été portés à mon attention et je les trouve tragiques. Dans ces cas, aucun des parents ne veut l'enfant. Est-ce que vous avez déjà connu une telle situation et, dans l'affirmative, qu'est-ce que vous feriez dans ce cas?

M. Bruce Haines: J'ai eu connaissance de deux cas où les grands-parents voulaient intervenir et élever les enfants. Dans l'un de ces cas, cela s'est fait de façon permanente et il n'y a eu aucun problème. Dans l'autre, c'est triste à dire, le seul point sur lequel les parents s'entendaient était que les grands-parents ne devaient pas avoir la garde des enfants.

Malheureusement, la Loi sur le divorce ne contient, sous sa forme actuelle, aucune disposition qui permette clairement aux grands-parents de demander la garde—c'est-à-dire d'élever les enfants. À mon avis, il serait très facile de modifier la Loi sur le divorce pour prévoir un droit de demande—cette demande ne serait pas nécessairement accueillie, mais il n'y a pas que les parents qui aient un rôle à jouer; il y a aussi les grands-parents.

Très souvent, les grands-parents sont présents. Je les ai vus pleurer dans mon bureau au sujet du préjudice que la querelle entre le père et la mère causait à leurs petits-enfants. Ils veulent mettre fin au carnage.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Cela nous est fort utile.

Je crois qu'il y a certains tribunaux, notamment dans d'autres pays, où il y a une présomption que dans les cas où aucun des parents n'est disposé à le faire ou n'est considéré comme compétent, dans les affaires de protection de l'enfance, par exemple, la famille élargie, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse des grands-parents ou d'autres membres de la famille, doit avoir la préférence.

Est-ce qu'une telle disposition serait utile?

M. Bruce Haines: Plusieurs des provinces prévoient cette possibilité—au Manitoba, je crois—on permet spécifiquement aux grands-parents de demander la garde d'un enfant en vertu de la loi provinciale.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Je vous remercie infiniment.

M. Simon Wauchop: J'aimerais ajouter quelque chose. Dans mon cas, les parents de ma femme sont intervenus, à mon détriment, et ils ont pris le relais auprès des enfants sans même me consulter. En fait, cette intervention a été utilisée contre moi lorsque nous nous sommes présentés devant le tribunal.

• 1720

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je comprends cet aspect, mais je songeais à des cas dont j'ai eu connaissance, où aucun des parents ne voulait l'enfant et où l'enfant souffrait terriblement du rejet des deux parents. Quand cela se produit, c'est tragique. Votre suggestion, je crois, est très utile.

Je vous remercie tous infiniment. La journée a été longue, vous le savez. La discussion a été fort intéressante et on nous a proposé de nombreuses suggestions utiles. Si vous attendez assez longtemps, jusqu'à la fin de novembre, vous verrez ce que nous en avons fait.

La séance reprendra demain dans la même salle.

La séance est levée jusqu'à convocation de la présidente.