LANG Rapport du Comité
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LES COMMUNAUTÉS DE LANGUE OFFICIELLE
EN SITUATION MINORITAIRE NOUS ONT DIT...
Conformément à la résolution adoptée le 12 février 2002, le Comité mixte permanent des langues officielles (ci-après appelé le Comité) a consulté les porte-parole des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le contexte du plan daction que prépare le président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales et responsable de la coordination des dossiers touchant les langues officielles, lhonorable Stéphane Dion (ci-après appelé le Ministre). Les 18 et 19 mars 2002, le Comité a entendu les témoignages des porte-parole de onze organismes provinciaux ou territoriaux ainsi que ceux des représentants de six organismes nationaux. (La liste des témoins figure en annexe.)
Le présent rapport est un compte rendu des points saillants des témoignages entendus et na aucunement la prétention de remplacer la lecture des témoignages au cours desquels les intervenants ont exposé avec beaucoup de conviction leurs préoccupations, leurs attentes, et proposé des pistes de solution. La première partie du rapport expose les principaux thèmes abordés par les porte-parole des organismes oeuvrant à léchelle provinciale ou territoriale. La seconde rend compte des présentations des représentants des organismes nationaux.
LES ORGANISMES PROVINCIAUX/TERRITORIAUXA. Les services du gouvernement fédéral dans la langue officielle de la minorité
Malgré la Loi sur les langues officielles et le Règlement sur les langues officielles communications avec le public et prestation de services, les communautés francophones éprouvent dinnombrables difficultés lorsquelles demandent à être servies dans leur langue dans les bureaux fédéraux désignés pour offrir des services dans les deux langues officielles. Un changement de culture simpose afin que les fonctionnaires fédéraux abandonnent lidée qui associe les services en français strictement à Patrimoine canadien. De même, la prestation des services fédéraux en anglais laisse à désirer dans les régions éloignées du Québec.
B. Léducation
Le financement accordé dans le cadre du Programme des langues officielles dans lenseignement (LOE) ne permet pas de combler les besoins particuliers des communautés francophones en situation minoritaire. On ne saurait trop insister sur limportance des services qui devraient être offerts à la petite enfance, puisquils sont reconnus comme un moyen efficace de lutter contre lassimilation. Les programmes dalphabétisation et déducation des adultes en français souffrent aussi de sous-financement.
Le gouvernement fédéral doit sassurer de lobligation des gouvernements provinciaux/territoriaux de rendre compte des transferts effectués par Patrimoine canadien en vertu des ententes bilatérales en éducation. Patrimoine canadien exige que les communautés en situation minoritaire fassent preuve de diligence raisonnable dans lutilisation des fonds qui leur sont octroyés. Le gouvernement fédéral devrait exiger la même chose des gouvernements provinciaux/territoriaux auxquels il verse des paiements de transfert.
C. Les services de santé
Laccès à des services de santé dans la langue officielle de son choix est une priorité pour les communautés en situation minoritaire. Étant donné que les gouvernements provinciaux/territoriaux allèguent quils ne disposent pas des budgets nécessaires pour offrir de tels services, il a été suggéré que le gouvernement fédéral offre un financement permettant de créer un programme de soins de santé modelé sur le Programme des langues officielles dans lenseignement (LOE). Il a aussi été proposé dajouter un 6e principe à la Loi canadienne sur la santé, soit la dualité linguistique.
D. La dévolution des pouvoirs fédéraux à divers paliers gouvernementaux
Les dévolutions des pouvoirs et des obligations du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux/territoriaux effectuées durant la dernière décennie nont pas assuré la protection des droits linguistiques des communautés en situation minoritaire. Elles ont entraîné des reculs par rapport à ce quon croyait des acquis en matière de droits linguistiques. À lavenir, toute entente de transfert de pouvoirs du gouvernement fédéral à un gouvernement provincial/territorial doit inclure des clauses sans équivoque assurant la protection des droits linguistiques de la communauté en situation minoritaire.
La nouvelle politique du Conseil du Trésor sur les différents modes de prestation des services dans la langue de la minorité est accueillie favorablement, mais la façon dont les ministères la mettront en application soulève encore des inquiétudes. De plus, il a été suggéré quil faudrait effectuer un redressement des situations qui ont causé des torts aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
E. Pour un véritable partenariat
Pour renverser la tendance à lassimilation qui menace les communautés francophones en situation minoritaire, il faut mettre en uvre des mesures énergiques. À lheure actuelle, le financement des ententes Canada-communautés est insuffisant pour permettre la réalisation des plans de développement des communautés en situation minoritaire. Il est proposé dinstaurer un véritable partenariat entre le gouvernement fédéral et les communautés comportant un plan de développement conjoint et un budget adéquat.
F. La mise en uvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles
La pleine mise en uvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles est essentielle pour permettre aux communautés en situation minoritaire datteindre leur plein développement. La Loi doit être modifiée afin de préciser la portée juridique de larticle 41 qui doit être exécutoire et non déclaratoire. À ce titre, le projet de loi S-32 : Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de langlais) jouit dun large appui au sein des communautés en situation minoritaire. Daucuns ont même proposé de donner plus de force et de vigueur à la partie VII en prévoyant des recours devant les tribunaux.
G. Les attentes des communautés en situation minoritaire
Le plan daction du Ministre doit proposer un plan de développement global pour les communautés en situation minoritaire en sinspirant des plans de développement adoptés par les communautés à léchelon provincial/territorial. Il doit faire une large place à la consultation et à la concertation. Il doit comprendre les éléments suivants : des objectifs concrets, un échéancier précis, des indicateurs de rendement et un budget adéquat. On sentend largement pour affirmer que la volonté politique devra se manifester avec fermeté pour assurer la pleine mise en uvre de la politique, en voie délaboration, de développement global des communautés vivant en situation minoritaire.
H. La situation particulière de la communauté anglophone du Québec
La sagesse populaire veut que la communauté anglophone du Québec nait besoin daucune protection particulière parce quelle fait partie de la majorité à léchelle du Canada. Alliance Québec réfute cette affirmation en rappelant la perte deffectif considérable subie par sa communauté depuis les années 1970. À lheure actuelle, cest langlais qui est en danger au Québec, et non le français.
La Loi sur les langues officielles devrait être appliquée avec un peu plus de symétrie. En premier lieu, il conviendrait de reconnaître que la communauté anglophone du Québec est une communauté minoritaire de langue officielle. Il est évident que les deux communautés minoritaires ne sont pas dans la même situation et, par conséquent, il ne serait pas avisé de demander létablissement de règles qui sappliqueraient de manière totalement symétrique en matière de financement, par exemple. Cependant, les droits doivent être appliqués de façon symétriquement égale, une exigence à laquelle les Anglo-Québécois se sont trop souvent fait dire quils navaient pas droit.
LES ORGANISMES NATIONAUXA. Une politique de développement global
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada encourage le Ministre à élaborer une politique de développement global de la francophonie canadienne. La politique souhaitée viendrait préciser et clarifier lengagement du gouvernement fédéral à légard des communautés, ainsi que la portée des obligations énoncées à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Lapproche fédérale ne doit plus être fondée sur la réalisation de projets épars, mais devrait plutôt tenir compte des besoins des communautés francophones dès lélaboration des politiques et des programmes.
La FCFA a fait état de la résolution adoptée à lunanimité par son Conseil national qui « réclame la désignation du président du Conseil privé comme ministre responsable du programme des langues officielles et ministre responsable de la mise en uvre dune politique de développement global du gouvernement fédéral avec laquelle elle est daccord ». Elle a fait valoir que le ministre qui élabore le plan daction doit aussi être responsable du Programme dappui aux langues officielles, afin de tenir compte des plans de développement adoptés par les communautés dans chacune des provinces et chacun des territoires. De plus, des mécanismes de consultation pour tous les secteurs de développement des communautés devraient être mis en place.
Le cadre daction devrait permettre de corriger les problèmes de mise en uvre de la partie VII de la Loi, dune part, en expliquant clairement aux fonctionnaires la portée de leurs obligations et, dautre part, en instaurant des mesures de reddition de comptes pour les inciter à sy conformer. De plus, il est suggéré dexaminer la possibilité dinstituer « un régime de retrait » qui obligerait les ministères qui nadaptent pas leurs initiatives aux besoins des communautés à mettre à la disposition de ces dernières, directement ou indirectement, les sommes nécessaires pour quelles puissent bénéficier de linitiative en cause.
Selon la Fédération nationale des conseillères et conseillers scolaires francophones, léducation dans les communautés en situation minoritaire devrait être au cur de la politique de développement du Ministre. À lheure actuelle, le financement de lécole française est presque le même que celui de lécole anglaise, alors que les besoins sont nettement supérieurs, sans compter les besoins additionnels en garderies et prématernelles. De plus, il est loin dêtre assuré que les parties négociatrices dans le cadre du Programme des langues officielles dans lenseignement (LOE) prennent en compte les priorités des conseils scolaires francophones. Enfin, étant donné les exigences limitées du gouvernement fédéral en matière de reddition des comptes, on affirme que certains ministères de lÉducation utilisent les fonds fédéraux versés pour le français langue première pour financer des activités dont ils devraient de toute façon absorber les coûts.
La Fédération fait remarquer, quà quelques iotas près, la façon de financer, de négocier et de consulter na pas changé depuis la mise en place de la gestion scolaire. Elle fait valoir que la création des conseils scolaires seule forme de « gouvernement » francophone ayant des assises constitutionnelles en a fait des partenaires incontournables du gouvernement fédéral au même titre que le Conseil des ministres de léducation (Canada) et réclame, par conséquent, que les ententes portant sur les langues officielles en éducation deviennent tripartites. Elle recommande ladoption dune nouvelle conception de léducation en milieu minoritaire qui tienne compte de larticle 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle réclame la mise en place dun système déducation propre à la francophonie, doté dun financement adéquat qui permettra de répondre à la mission particulière de lécole française en milieu minoritaire.
La Commission nationale des parents francophones déplore que le gouvernement fédéral continue à financer les gouvernements provinciaux qui bafouent les droits des francophones et qui utilisent on ne sait comment les fonds destinés à léducation française. Elle fait valoir que les fonds destinés à léducation en français devraient être versés directement aux conseils scolaires afin déviter que la majorité décide des contenus de léducation pour la minorité et dicte comment dépenser les fonds octroyés. Elle plaide en faveur du Plan national dappui à la petite enfance qui vise linclusion des familles dans un réseau social et éducatif menant à linscription à lécole française et souhaite la création dun nouveau programme fédéral pour réaliser ce plan.
LAssociation canadienne déducation de langue française (ACELF) demande au gouvernement fédéral de sengager plus activement et plus efficacement à mettre en uvre larticle 41 de la Loi sur les langues officielles. Elle recommande la mise en place de mesures coercitives pour empêcher les gouvernements provinciaux/territoriaux dutiliser les fonds versés pour léducation en français à dautres fins. Elle exhorte les gouvernements à engager des fonds adéquats permettant dorganiser des échanges de jeunes, dencourager le perfectionnement des enseignants et des enseignantes, dappuyer la recherche fondamentale en éducation de langue française et sa diffusion, et de faciliter la création doutils pédagogiques pertinents aux francophones en situation minoritaire.
La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises recommande au Ministre dutiliser lanalyse comparative entre les sexes au cours de lélaboration de sa politique de développement global des communautés en situation minoritaire. Elle rappelle à ce titre ladoption du Programme daction de Beijing en 1995 et les engagements pris par le Canada dans À laube du XXIe siècle : Plan fédéral pour légalité entre les sexes (1995).
Compte tenu du fait que la jeunesse est la relève de sa communauté, la Fédération de la jeunesse canadienne-française demande linclusion dun volet jeunesse dans le plan daction en voie délaboration par le Ministre. Elle rappelle que plusieurs programmes ciblant la jeunesse accordent une priorité aux jeunes à risque et fait valoir que les jeunes vivant en situation minoritaire sont à risque notamment de perdre leur langue, leur culture voire leur identité. Elle se prononce pour un nouveau partenariat avec le gouvernement fédéral qui permettra le développement global de la francophonie canadienne.
CONCLUSIONLes communautés de langue officielle en situation minoritaire attendent beaucoup de retombées positives du plan daction global que le Ministre dévoilera prochainement. Elle demeurent toutefois réalistes et insistent sur limportance de la volonté politique pour assurer la pleine mise en uvre de cette nouvelle politique et sur la nécessité dinstituer des mécanismes pour garantir la reddition de comptes des ministères fédéraux et des gouvernements provinciaux/territoriaux.