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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 octobre 1997

• 1535

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Collègues, nous reprenons la séance que nous avions interrompue ce matin. Cet après-midi, nous accueillons trois groupes. Les deux premiers groupes se feront entendre en même temps. Il s'agit de l'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec, représentée par John Picard et Jocelyn Aubut, et des Franco-protestants de la province de Québec, représentés par Daniel Desjardins et Manon Savard-Martin. Bienvenue.

Les deux groupes se partageront à peu près dix minutes pour donner leur présentation, après quoi suivra une période de questions de la part des députés et sénateurs membres du comité.

Je cède immédiatement la parole aux témoins de l'Association des communautés scolaires franco-protestantes, John Picard et Jocelyn Aubut.

M. John Picard (président, Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec): Merci, monsieur le président, madame la présidente. Je m'appelle John Picard et je suis président de l'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec. Mon collègue, Jocelyn Aubut, en est le vice-président.

Notre mémoire a pour but de démontrer que la demande de modification de l'article 93 telle que formulée porte atteinte aux droits et privilèges qui nous sont garantis par cet article. Il démontre également que l'implantation de commissions scolaires linguistiques est possible sans la modification de l'article 93.

D'autre part, le projet de modification à cet article par le gouvernement canadien présuppose un consensus à cet égard au Québec. Il vous sera démontré qu'il n'y a pas de tel consensus et que, s'il y en a un, il n'est qu'apparent. Il y a donc trois fausses conceptions dans la proposition que M. Dion vous a présentée ce matin.

La première fausse conception, c'est qu'il est nécessaire de modifier l'article 93 pour implanter les commissions scolaires linguistiques. En fait, la Loi 109, qui modifie la Loi sur l'instruction publique, prévoit l'instauration des commissions scolaires linguistiques avec ou sans l'article 93.

M. Dion a parlé ce matin d'une multiplication et d'une surimposition des structures, disant qu'il est important de simplifier le système avant tout. Je vous rappelle qu'il n'y a rien de plus efficace qu'une bonne dictature; mais nous connaissons tous les problèmes que comporte un tel régime. La plupart des lois et des dispositions qui ont pour but de protéger les droits des minorités et de les promouvoir comportent certaines complications administratives. Je vous affirme qu'il s'agit aujourd'hui de problèmes négligeables par rapport aux droits et garanties qui sont en jeu.

[Traduction]

Le gouvernement québécois vous demande d'échanger une garantie constitutionnelle contre un caprice législatif.

[Français]

Il n'est pas nécessaire d'éliminer l'article 93 tel que proposé. S'il faut le modifier, il y a plusieurs options qui ne sont ni totales ni inconditionnelles. Le droit à la dissidence implique approximativement 2 p. 100 de la population et un coût d'approximativement 500 000 $, soit 0,01 p. 100 des dépenses administratives de 9 milliards de dollars.

La deuxième fausse conception concerne le consensus. Il y a consensus et nous sommes d'accord sur l'implantation des commissions scolaires linguistiques; c'est absolument nécessaire et c'est en ligne avec la réalité sociale. Là où il y a de fausses conceptions, c'est quant au consensus par rapport à la modification de l'article 93 et aux conséquences de cette modification.

Dans un premier temps, le consensus est au niveau politique et n'existe pas au niveau de la population, particulièrement parmi les parents. Nous sommes la minorité concernée et nous ne sommes pas d'accord que nos droits nous soient enlevés. Vous constaterez cette semaine qu'il y a également une opposition grandissante parmi les citoyens majoritaires.

• 1540

Il est apparent que le soi-disant consensus est basé sur une autre fausse conception, celle de la protection du choix des écoles confessionnelles pour les parents.

M. Dion a mentionné ce matin que s'il y a consensus, c'est parce que les droits confessionnels sont protégés et garantis par la loi. D'ailleurs, l'appui de tous les groupes qui sont en faveur de l'implantation des commissions scolaires linguistiques et de la modification à l'article 93 est lié à la protection des droits des parents. C'est toujours une condition qui est ajoutée à leur appui: la protection des droits des parents catholiques et protestants de choisir des écoles confessionnelles pour leurs enfants s'ils le veulent.

De plus, tous les indices, peu importe la façon dont on les regarde, nous portent à croire que la grande majorité des parents veulent des écoles confessionnelles à l'intérieur des commissions scolaires linguistiques.

Par contre, selon tous les avis juridiques, et M. Proulx et ses collègues nous l'ont confirmé, il est clair que dès que l'article 93 ne s'applique plus au Québec, le droit à des écoles confessionnelles devient très très fragile. Il devient en effet dépendant de l'application de la clause dérogatoire, une clause renouvelée à tous les cinq ans et qui fut adoptée la dernière fois en 1994 par le Parti libéral, tandis que le Parti québécois votait en bloc contre son renouvellement.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, ne nous en cachons pas. La modification de l'article 93, comme le propose le gouvernement du Québec, éliminera les droits confessionnels, les écoles confessionnelles, les cours de religion, la pastorale et l'animation religieuse—ce qui correspond en tous points à ce que souhaitent M. Proulx et ses collègues qui ont comparu ce matin, mais qui va à l'encontre des espoirs et des aspirations de la grande majorité des parents québécois, protestants et catholiques.

[Français]

Je cède la parole à mon collègue.

M. Jocelyn Aubut (vice-président, Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec): Il n'y a pas de consensus parmi la minorité touchée quant à l'article 93. Ce matin, on demandait à M. Dion: si on faisait un amendement bilatéral entre le Québec et le fédéral pour enlever des droits minoritaires, qu'est-ce que cela supposerait pour les autres provinces? M. Dion avait répondu: si on avait voulu enlever les droits en Ontario, on aurait demandé l'opinion des catholiques en Ontario. Eh bien, dans ce cas-ci, nous sommes les minorités concernées.

M. Dion n'est pas la minorité concernée et M. Proulx ne l'est pas non plus. Ce ne sont pas ses enfants qu'on éduque, mais les miens. Tout ce que je demande, c'est le choix d'éduquer mes enfants selon mes convictions. Je ne veux pas imposer quoi que ce soit aux autres. Nous, les franco-protestants, ne sommes pas d'accord qu'on nous enlève ces droits. Il n'y a pas de consensus parmi la minorité touchée. Quand on nous dit que nos droits seront protégés au Québec sans l'article 93, ce n'est pas vrai.

En Ontario, les écoles qui ne sont pas protégées par l'article 93 sont neutres. Les seules écoles qui sont confessionnelles, ce sont les écoles qui sont protégées par l'article 93. Ce qu'on nous demande, c'est d'éliminer tout l'article 93 au Québec. Eh bien, il n'y en aura plus, d'écoles confessionnelles. On nous dit qu'il est sûr que la Loi 109 protège les écoles confessionnelles. Eh bien, ils vont nous dire par la suite que la Loi 109 est discriminatoire. La seule chose qui nous permet d'avoir la Loi 109, c'est la clause dérogatoire.

Comme mon collègue le disait, le PQ ne veut pas renouveler les clauses dérogatoires; il a voté contre. Le Parti québécois est présentement au pouvoir et il votera à nouveau contre. C'est son idéologie que d'avoir des écoles déconfessionnalisées, la CEQ, une école et des professeurs déconfessionnalisés. Mais ce ne sont pas leurs enfants.

Tout ce qu'on demande, c'est le choix. Si on nivelle tout le monde avec des écoles déconfessionnalisées, comme les écoles de l'Ontario qui ne sont pas couvertes par l'article 93, il n'y aura plus de choix. Ça ne me dérange pas que les autres aient des écoles neutres si c'est ce que les parents veulent. Même les catholiques n'auront plus droit à l'école confessionnelle. Tout ce qu'on demande, c'est de pouvoir éduquer nos enfants dans des écoles confessionnelles. Si nous n'avons plus ce droit, qui sera blâmé? Ce seront les institutions fédérales.

Quand cette question ira en cour, à cause des articles 2 et 15 de la Charte, ce sont les institutions fédérales qui seront blâmées parce que ce seront elles qui auront enlevé la protection de l'article 93.

Je vous remercie.

• 1545

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Maintenant, monsieur Desjardins et madame Savard-Martin.

Mme Manon Savard-Martin (parent, Franco-protestants de la province de Québec): Je ne suis ni juriste ni constitutionnaliste. Je ne suis qu'un parent de trois enfants qui représente beaucoup d'autres parents. Je suis ici parce que les parents sont les personnes qui sont directement concernées. Ce sont nos enfants qui sont dans les écoles et, contrairement à ce que M. Dion a dit ce matin, nous ne sommes pas ici pour accroître nos droits et privilèges, mais juste pour conserver ceux que nous avons déjà.

Dans nos documents, vous verrez que c'est très clair: si on enlève l'article 93, il n'y aura plus d'écoles confessionnelles ni même la possibilité de choisir entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux dans les écoles. Donc, on fera un gros X sur Dieu et tout ce qui s'y rattache. Je continue de penser que mes enfants et tous les autres enfants ont une place pour les choses spirituelles, pour les choses de Dieu dans leur coeur. Lorsqu'un enfant va à l'école, il n'y va pas seulement pour se bourrer le crâne de concepts académiques. Les enfants ne sont pas des ordinateurs; ce sont des êtres humains qui ont besoin de s'exprimer et d'avoir des valeurs. Ils vivent à la maison des choses qui devraient être poursuivies à l'école.

Avec la réforme de Mme Marois, nos enfants vont à l'école de plus en plus jeunes. Bientôt, l'école sera obligatoire dès quatre ans. Les valeurs qui sont véhiculées à la maison devraient l'être aussi à l'école, parce que l'école devient le prolongement du foyer.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que d'une part, au Québec, on n'a pas vraiment été consultés, et quand on a voulu dire notre mot, on n'a pas été écoutés. J'ai confiance dans le système et c'est pourquoi nous sommes ici et vous disons que ce n'est pas vrai qu'il y a consensus. Il y a eu consensus parmi les politiciens, mais pas parmi les parents. Les parents ont essayé à tour de bras de se faire entendre, que ce soit par l'entremise de la fédération ou de différentes associations. C'était majoritaire à plus de 80 p. 100. C'est comme si rien ne s'était dit.

C'est tout. Je cède la parole à mon collègue.

M. Daniel Desjardins (parent, Franco-protestants de la province de Québec): Merci. Moi, je parlerai un peu plus au niveau juridique. Je ne suis pas un juriste. Ma femme l'est, mais puisqu'elle est sur le point d'accoucher, je parlerai en son nom de toutes les choses auxquelles nous avons pu travailler au cours des derniers mois. Comme cela vient d'être dit, nos enfants nous tiennent à coeur et les enjeux sont grands. Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce je crois à la démocratie et que je crois, en tant que Canadien-français, que nos droits doivent être préservés, comme le dit notre hymne national: «protégera nos foyers et nos droits».

Il est donc clair qu'advenant la modification de l'article 93 telle que demandée par l'Assemblée nationale, notre situation en tant qu'école et minorité en sera une très précaire; on sera peut-être même dans l'illégalité. Il ne sera même plus possible de chanter Il est né le divin enfant ou notre hymne national dans nos écoles parce que cela a une connotation chrétienne.

Je tiens à vous faire premièrement un bref rappel de la raison d'être de l'article 93 selon Lord Carnarvon, qui était le parrain de la Loi constitutionnelle de de 1867 et qui a déclaré:

    L'article 93 constituait une garantie d'égalité: l'objet de la disposition est d'assurer à la minorité religieuse d'une province la même protection et les mêmes droits et privilèges que ceux dont peut jouir la minorité religieuse d'un autre province.

De plus, Sir Charles Tupper, premier ministre du Canada en 1896, affirmait:

    Si l'on n'eût pas consenti à mettre dans l'Acte de la Confédération une disposition protégeant les droits des minorités, catholiques ou protestantes, dans ce pays, il n'y aurait pas eu de confédération.

Ce n'est pas un article de moindre importance qu'on est en train de changer, mesdames et messieurs. C'est l'article suprême de la Loi constitutionnelle. Si en quelques semaines on le modifie du revers de la main sans l'appui des personnes concernées, qu'adviendra-t-il des autres articles de la Constitution et de l'avenir du Canada? Première question.

L'article 93 a été écrit selon les notions de principe de la tolérance et du respect de la diversité. C'est cela qui était au coeur du compromis pour le respect des franco-protestants qui étaient déjà ici en 1867. Il faut se rappeler que les premiers arrivants au Québec, Samuel de Champlain et sa troupe, étaient tous des franco-protestants, tous des huguenots. Je pense que Mme Lavoie-Roux sera d'accord. Les franco-protestants ont même été les premiers arrivants au Québec.

• 1550

Dès 1800, l'Institut Feller et celui de Pointe-aux-Trembles étaient des écoles franco-protestantes très reconnues. Même aujourd'hui, nos écoles se classent parmi les premières au niveau de la province du Québec, et on n'y connaît aucun problème de décrochage. Nous respectons les normes du gouvernement et même nous les surpassons.

En 1982, le ministre de la Justice—qui est notre premier ministre actuel, le très honorable Jean Chrétien—instaurait la Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte canadienne des droits et libertés. J'aimerais vous rappeler le but de la Charte canadienne. Premièrement, elle vise à protéger les minorités. Il faut également souligner que la Charte, contrairement à ce qui a été dit ce matin, n'est pas là seulement pour protéger les droits fondamentaux de l'individu, mais également ceux des collectivités.

Trois articles de la Charte protègent les droits des collectivités: ce sont les articles 23, 25 et 29. L'article 23 vise à protéger la langue, ce qui n'est pas un droit fondamental. L'article 25 vise la protection des autochtones; c'est une communauté et ce n'est donc pas fondamental. L'article 29 vise les catholiques et les protestants. Si vous décidez d'éliminer les articles 29 et 93 parce qu'ils ne portent pas sur un droit fondamental pur selon la Charte, vous créez un précédent en vue de faire sauter l'article 23 et l'article 25. Je ne suis pas sûr que tout le monde en serait content. Il faut faire attention.

En maintenant l'article 93, on réaffirmera notre désir de maintenir tout ce qui a inspiré le Canada depuis sa création, soit la démocratie et l'appui au pluralisme. Afin d'expliquer ce point de vue sur la tolérance et le respect dans une société pluraliste, j'aimerais vous citer la conclusion du jugement Adler, que M. Proulx nous a livrée ce matin, mais dont on a manqué la fin. Dans cette affaire qui avait été soumise à la Cour suprême du Canada, les protestants, les juifs, les sikhs et autres s'étaient regroupés pour essayer d'avoir les mêmes droits que les catholiques en Ontario. Ils ne s'opposaient pas aux droits des catholiques; au contraire, cela leur ouvrait une porte pour revendiquer leurs droits. Dans l'affaire Adler, ils revendiquaient ce même traitement.

En conclusion, le jugement Adler ne disait pas que certains avaient un privilège auquel les autres n'avaient pas droit. On disait que le gouvernement de l'Ontario avait le plein pouvoir de légiférer des clauses nonobstant pour d'autres minorités comme les juifs, les musulmans, etc., ou pour la majorité. Il a le plein pouvoir de le faire.

Mais à cause du pacte confédéral et parce que c'était un droit fondamental pour la création du Canada, dans son jugement sur le bill 30, en 1987, la juge Wilson disait que si on touchait à l'article 93, on minerait le pacte confédéral et rendrait illusoire son application, pas seulement pour le Québec, mais pour les autres provinces à cause du droit international.

Je vous lirai deux extraits du jugement Adler qui traitent entre autres des minorités de l'Ontario et qui s'appliquent à nous, au Québec, dans notre situation présente.

    Par rapport à ces intérêts, la violation ici en cause touche des membres d'une minorité religieuse discrète et insulaire au sein d'une minorité. Par ailleurs, cette violation a une incidence sur un droit qui, comme l'ont accepté les tribunaux de première instance et d'appel, est essentiel à la survie des communautés et des pratiques du groupe.

On disait aussi dans la conclusion du jugement Adler:

    Je suis d'accord avec la Cour d'appel que l'enseignement public gratuit et l'encouragement à la tolérance sont clairement des objectifs urgents et réels dans une société démocratique.

Vous devrez vous prononcer et conseiller au gouvernement et à vos collègues ou bien de maintenir l'article 93 et de réaffirmer les droits des minorités au Québec et au Canada, ou bien d'abolir tous les droits des Québécois.

Si vous décidez de modifier l'article 93 tel que le demande le gouvernement du Québec, à quoi sert notre Charte canadienne et à quoi sert notre Constitution?

• 1555

Afin de répondre à cette question, M. Pierre Carignan, notre regretté constitutionnaliste, citait Lord Bryce, en rapport avec le droit international, qui expliquait ce qu'incarne une constitution. Je vous le lis et termine là-dessus.

    Une Constitution incarne [...] le principe de la maîtrise de soi-même. Le peuple a résolu de mettre certaines règles hors de la portée des impulsions passagères que font jaillir brusquement la passion ou le caprice, et de faire de ces règles l'expression réfléchie de sa pensée et de ses intentions. C'est reconnaître implicitement que les majorités n'ont pas toujours raison et, qu'ayant besoin d'être protégées contre elles-mêmes, on leur impose de recourir, dans un moment de surexcitation et de hâte fiévreuse, à des maximes adoptées par elles à des heures de réflexion et de sang-froid.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de vos présentations. Je ferai d'abord un bref rappel des règles du jeu.

Je demanderai à ceux qui sont en possession de téléphones cellulaires de les garder fermés afin qu'ils ne sonnent pas pendant ces audiences.

Ensuite, je vous rappellerai que nous allons commencer par une intervention du Parti réformiste, suivie d'une intervention du Sénat, puis du Parti conservateur. Par la suite, on jugera selon les demandes de ceux qui veulent être entendus. J'en vois déjà qui lèvent la main. Lorsque vous levez la main, je vous recommande de vous assurer que Mme la coprésidente, la sénatrice Pépin, puisse prendre vos noms de façon à ce qu'on puisse procéder le plus justement possible.

Je demande à mes collègues de limiter leur intervention à environ deux minutes de façon à ce que nos invités puissent avoir le temps d'y répondre. Je pense que la sénatrice Pépin est en train de prendre les noms de ceux qui veulent intervenir.

Cependant, avec votre permission, nous entendrons d'abord

[Traduction]

M. Peter Goldring, du Parti réformiste.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Ma question s'adresse à John Picard. J'aimerais d'abord savoir ce que vous pensez du consensus mentionné dans la demande du gouvernement québécois d'abroger l'article 93 de la Constitution. Mais auparavant, j'aimerais vous lire une déclaration, c'est-à-dire celle faite par les libéraux dans l'affaire de Terre-Neuve en parlant du référendum, et je cite: «Voilà pourquoi nous ne sommes disposés à amender ces garanties constitutionnelles que s'il y a clairement un consensus.»

En premier lieu, j'aimerais savoir ce que vous pensez du consensus qui est censé se dégager au Québec. Êtes-vous convaincus que l'on puisse parler d'un consensus qui se serait dégagé au Québec?

[Français]

M. John Picard: J'ai dit dans ma présentation que nous ne somme évidemment pas satisfaits. Nous ne croyons pas non plus qu'il existe réellement un consensus. Il y en a effectivement un, mais qui n'est pas en relation avec les commissions scolaires linguistiques.

Il y a vraiment des conceptions erronées. On peut lire dans les journaux, dans les

[Traduction]

manchettes, comme celle-ci de la Gazette, que le comité mixte s'apprête à modifier l'article 93 pour permettre la mise en oeuvre de commissions scolaires linguistiques. C'est faux. Ce n'est pas nécessaire.

Le projet de loi 109 permet l'instauration de commissions scolaires linguistiques. Nous pouvons d'ores et déjà aller de l'avant, et cela se fait déjà. Même si l'article 93 reste tel quel, nous pourrons avoir des commissions scolaires linguistiques. Il se posera évidemment quelques difficultés d'ordre administratif, puisque notre système d'enseignement sera quelque peu diversifié. Le prix à payer pour cette diversité, pour laisser le choix aux parents d'envoyer leurs enfants à l'école qu'ils auront choisie pour eux, fait un peu de chevauchement et un peu de difficultés d'ordre administratif. Ce n'est pas énorme.

Toutefois, le consensus se dégage moins clairement dès lors que la population commence à se rendre compte...

[Français]

à quel point, et cela a été tiré au clair ce matin par nos trois constitutionnalistes, la Loi 109, qui permet d'avoir des écoles confessionnelles, va aller à l'encontre de la Charte sans l'article 93. D'ici cinq ans, il n'y aura plus d'écoles confessionnelles, à moins que le gouvernement reconduise à répétition la clause dérogatoire. C'est une protection très fragile.

• 1600

M. Beaudoin ne semble pas d'accord.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Là où je ne suis pas d'accord, c'est que la clause dérogatoire ne s'applique pas.

M. John Picard: C'est pourquoi je crois qu'il n'y a pas de consensus; les gens sont d'accord pour éliminer les commissions scolaires confessionnelles, oui, mais pas les écoles confessionnelles.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Soyons clairs: est-il possible d'avoir les commissions scolaires linguistiques proposées sans retrancher l'article 93 de la Constitution?

M. John Picard: C'est tout à fait possible, puisque cela se trouve dans le projet de loi 109.

M. Peter Goldring: Merci.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Le prochain intervenant est le sénateur Lynch-Staunton.

Mais auparavant il y a un point à préciser.

M. Daniel Desjardins: Vous allez retrouver la preuve de tout cela dans un communiqué de presse en date du 6 mars 1997, qui se trouve à la quatrième page de l'annexe du document. Ce communiqué vaut la peine d'être lu. Il émanait d'associations représentant le secteur de l'éducation, des groupes communautaires et des groupes confessionnels qui insistaient auprès du gouvernement du Québec pour qu'il applique la Loi 107.

On peut lire le dernier paragraphe:

    Il est clair que l'application des dispositions de la Loi 107 conformément à la décision de la Cour suprême, peut être réalisée rapidement sans avoir recours à des changements à la Constitution canadienne tel que proposé récemment par le gouvernement du Québec.

Le paragraphe précédent, en rapport avec le consensus, se lit comme suit:

    Il est important de rappeler que cette solution a été de loin l'option privilégiée de nombreux groupes et associations consultés par la ministre de l'Éducation en mai 1996. À notre avis, ce large consensus exprimé l'année dernière est tout autant actuel et devrait servir de base pour permettre au gouvernement d'agir immédiatement.

Ce communiqué avait été émis par l'Association québécoise des commissions scolaires, Alliance Québec, le Conseil catholique d'expression anglaise, l'Association provinciale des enseignants catholiques, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec—donc tous les 400 000 protestants—, la Fédération des comités de parents de la province et la Table de concertation sur l'animation religieuse. Nous, les franco-protestants, n'étions même pas signataires.

Vous verrez, cette semaine ou bientôt, que nous sommes plus d'un million de personnes au Québec à nous y opposer. Comme il n'y a jamais eu de consultation publique au Québec et que nous n'avons jamais pu nous prononcer, nous allons le faire cette semaine, pas seulement ici, mais aussi à l'extérieur.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avec votre permission, nous allons passer au prochain intervenant, le sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur John Lynch-Staunton (Grandville, PC): Pour avoir une meilleure appréciation de ce que vous soutenez avec beaucoup d'éloquence et de ce que vous voulez sauvegarder, pouvez-vous nous expliquer tous les quatre ce qu'il y a au juste dans une école franco-protestante? Qu'est-ce qui vous serait enlevé si c'était aboli? Est-ce que vous avez un pasteur sur les lieux? Est-ce que vous avez des cours de religion? Est-ce que des cours sont donnés dans une école franco-protestante qui ne le sont pas dans une école neutre? Que voulez-vous sauvegarder au juste?

M. Daniel Desjardins: Je vais vous donner l'exemple concret d'une école qui se trouve près de chez Mme Christiane Gagnon, à Québec. Je vous invite même à venir visiter l'école L'Eau-Vive, l'École renaissance ou l'École Nouvelle-Vie qui se trouvent sur votre territoire.

Par exemple, notre école se trouve aux limites de Québec, de Sainte-Foy, de l'Ancienne-Lorette et d'autres villes. Nous relevons de cinq commissions scolaires. Notre clientèle va se trouver dispersée: 80 ici, 20 là. Je pense que la QSBA va venir vous en parler cette semaine.

De plus, dans la Loi 109, tous nos professeurs franco-protestants ne sont nullement protégés et seront eux aussi dispersés dans toute la province. Toute notre clientèle n'a pas pu se regrouper et ne pourra plus se gérer sur le plan du transport. Donc, nous sommes voués, même en tant que commissaires... Moi, par exemple, je pourrai me retrouver commissaire parmi 24 autres. Il va y avoir des projets de loi en vue d'effectuer des restrictions budgétaires, pour abolir des écoles sur lesquels ils vont prendre le vote et moi...

Le sénateur John Lynch-Staunton: Je pense que je me suis mal exprimé. Ce que je veux savoir, c'est ce qu'il y a dans l'école présentement que vous avez peur de perdre ou qui se perdrait si ce que vous décrivez se réalisait au Québec, après l'abrogation de l'article 93.

[Traduction]

Au Québec, actuellement, qu'est-ce qu'une école franco-protestante offre sur le plan du contenu religieux? Que retirerait-on à une école franco-protestante si l'article 93 ne s'appliquait plus au Québec?

• 1605

M. Jocelyn Aubut: On les appelle...

[Français]

«des écoles à valeurs protestantes intégrées». C'est-à-dire que les enseignants qui sont dans les écoles respectent nos valeurs, qui sont basées sur la Bible. Cela veut dire aussi que les différentes matières enseignées le sont dans une perspective biblique, dans la perspective de nos valeurs. Les enseignants respectent nos valeurs. Tout le contexte de l'école de même que l'administration respectent nos valeurs. Cela fait une grande différence.

[Traduction]

Le sénateur John Lynch-Staunton: Il ne s'agit donc pas uniquement d'enseigner la religion, mais de toute l'ambiance dans l'école. Comme le disait Mme Martin, vous voulez prolonger à l'école l'enseignement que vous faites à la maison. Je parle du corps enseignant et de l'administration, c'est-à-dire de toute l'ambiance dans l'école, qui offre un enseignement chrétien, protestant...

M. Jocelyn Aubut: Ce que vous dites est très important. Au Québec, on entend par école confessionnelle une école qui offre principalement des services confessionnels, soit l'animation pastorale et l'enseignement religieux. Toutefois, la notion d'écoles confessionnelles telle que mise de l'avant dans la Constitution va beaucoup plus loin, et nous pouvons prendre pour exemple le cas des écoles confessionnelles catholiques ontariennes. On parle alors de ce que font les enseignants et de toute la vie qui se déroule à l'école. C'est d'ailleurs ce qu'ont confirmé certains arrêts de la Cour suprême.

Il s'agit de droits découlant de l'article 93 et qui seraient abrogés. Nos écoles seraient obligées de fermer leurs portes. Nombre de parents obligent leurs enfants à voyager pendant une heure, parce qu'ils tiennent à leur école. Ils n'en feraient rien si le corps enseignant ne partageait pas leurs valeurs et ne les communiquait pas à leurs enfants comme ils le font eux-mêmes à la maison. À défaut de cela, il faudrait envoyer les enfants dans les écoles de quartier et nos écoles fermeraient leurs portes avec l'abandon de l'article 93.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. La prochaine intervenante sera Mme Christiane Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Vous dites que vous faites preuve de tolérance et d'ouverture dans ce que vous voulez défendre. Je respecte ce que vous voulez défendre, mais cela m'apparaît plutôt une position de fermeture, parce que l'abolition de l'article 93 permettrait, selon certains experts, une meilleure ouverture à d'autres religions selon la demande. Je trouve que votre position est en contradiction avec l'attitude d'ouverture dont vous vous réclamez.

M. Jocelyn Aubut: Est-ce que je peux répondre, monsieur le président?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui, monsieur Aubut.

M. Jocelyn Aubut: Est-ce que je comprends bien votre question? Vous dites que l'article 93 n'irait pas dans le sens d'une plus grande ouverture?

Mme Christiane Gagnon: Il irait dans le sens d'une plus grande ouverture. Vous vous dites ouverts et tolérants. Or, les droits confessionnels reconnus par l'article 93 étaient ceux des majorités, dont la protestante. C'était aussi dans un contexte très différent de celui dans lequel on vit actuellement.

Cela permettrait une meilleure intégration d'autres religions à l'intérieur d'une même école, ainsi que d'enfants qui viennent d'ailleurs. Vous vous proclamez tolérants et ouverts, et je dis que vous êtes peut-être en contradiction avec ce que le projet pourrait amener, c'est-à-dire une meilleure tolérance et une meilleure ouverture.

M. Jocelyn Aubut: L'article 93 n'existait pas pour protéger les majorités, mais bien pour protéger les droits minoritaires, comme le droit à la dissidence, si on s'arrête au paragraphe (2) de l'article 93. Maintenant, on reconnaît ici le fait qu'il contient de la discrimination en faveur des protestants et des catholiques. Les trois constitutionnalistes que nous avons entendus trouvaient que c'était discriminatoire et qu'il fallait s'en débarrasser, pour utiliser leurs termes, afin d'établir un système égalisateur et neutre qui corresponde à une façon unique de voir la vie, et non à la nôtre, et de l'imposer à tout le monde plutôt que d'avoir un choix entre écoles catholiques, protestantes ou neutres.

Je dirais que c'est vrai qu'il y a une discrimination. Dans la Constitution, on donne certains droits aux catholiques et aux protestants. Moi, je vois là une porte ouverte pour les autres groupes. Si on ne faisait pas cette exception pour les catholiques et les protestants, comment un musulman ou un juif pourrait-il demander des services confessionnels si la majorité n'en avait même pas? Donc, la porte est entrouverte pour accueillir certains groupes minoritaires, protestants et catholiques.

Comme Adler le dit, c'est dans les pouvoirs des lois provinciales que de donner aussi des droits aux autres groupes. Nous ne sommes pas contre ce principe. Nous ne nous opposons pas à ce qu'on accorde des écoles neutres à ceux qui en veulent. C'est en ce sens que nous sommes tolérants. Je trouve que c'est l'autre partie qui dit non. Elle veut niveler tout le monde. Elle dit que ce sont vos enfants, mais qu'elle veut qu'ils soient éduqués de façon neutre.

• 1610

Par exemple, elle veut qu'on soit neutres face à l'avortement, à l'homosexualité, aux autres orientations sexuelles, à l'évolution, à tout cela. Ce n'est pas neutre.

Je respecte les autres groupes, mais respectez-nous aussi. C'est dans ce sens-là que c'est plus tolérant. Si on conserve l'article 93, il demeure un précédent dans la loi, une porte ouverte aux autres groupes dans les lois de niveau provincial, et non pas constitutionnels, je le reconnais, car ces groupes n'étaient pas là au moment où on a adopté la Constitution.

Si on le retire même de la Constitution, comment peut-on espérer le retrouver au niveau provincial? Est-il plus tolérant de niveler tout le monde et d'interdire toute diversité? Est-ce cela, la tolérance?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Je dois vous dire, mesdames et messieurs, que cela me paraît de plus en plus difficile. La protection des droits des minorités est une énorme responsabilité du gouvernement fédéral. Cette tâche nous incombe. Vous avez dit que la majorité peut parfois se tromper ou s'imposer de façon indue.

Je tiens à la protection des droits des minorités. Je tiens à la protection non seulement des protestants et des catholiques, mais des autres groupes de notre société. Vous avez mentionné les musulmans et les juifs. Je pense aussi aux orthodoxes grecs et arméniens. Il y a beaucoup d'autres minorités dans notre jeune pays, ce qui fait du Canada un laboratoire extraordinaire sur la scène mondiale en raison de la grande diversité de ses cultures et de ses religions. La question essentielle est donc celle du juste équilibre.

En écoutant votre exposé, j'ai été particulièrement troublée par une de vos observations, et cela m'a amenée à penser de façon plus globale. Si les comités de parents sont visés par le projet de loi 109, qui donne priorité à l'opinion majoritaire, les droits des minorités seront une fois de plus négligés.

Cela signifie que les protestants francophones fréquentant des écoles de langue française, dont la majorité des élèves sont catholiques, ces protestants francophones donc, et même les juifs francophones, qui constituent un fort pourcentage de la communauté juive du Québec, ne seront pas en mesure d'échapper à l'environnement catholique qui, à mon avis, n'est pas un environnement sain de façon unique et majoritaire.

Je tiens au respect des droits des minorités. Il en va de même pour le système anglophone, que je connais parce que j'ai grandi dedans. Je sais ce que cela signifie d'être obligée de prier et d'être présente ou absente parce que j'appartenais à un groupe minoritaire.

Cette situation ne devrait plus exister à l'avenir. À mon avis, ce n'est pas ce que le Québec veut. Je pense que quelque chose cloche dans la façon dont la majorité des parents décideront de la nature de l'école. Il y aura une prédominance soit de la foi protestante, soit de la foi catholique. Par conséquent, cela m'inquiète et me trouble, et franchement, je ne sais comment remédier à la situation.

M. Jocelyn Aubut: Vous soulevez là une question très intéressante. En raison de la précipitation avec laquelle on étudie la question, il est dommage que nous ne puissions pas l'examiner en détail.

Mme Finestone estime qu'en vertu du projet de loi 109, le statut confessionnel d'une école sera déterminé par une majorité de parents. Cela constitue une atteinte systématique aux droits de la minorité par la majorité. Cela est tout à fait contraire à l'intention de l'article 93.

L'hon. Sheila Finestone: C'est pour cela que je voulais m'assurer que c'était bien là votre préoccupation. C'est justement ce que je pensais. Que l'on supprime l'article 93 ou non... Je conviens que nous avons besoin de commissions scolaires linguistiques, mais lorsque Mme Marois a décidé de diviser l'ouest de Montréal en direction de la frontière de l'Ontario, elle a divisé la communauté anglophone de façon très improductive et injustifiée, et les élèves devront passer des heures sur la route pour aller à l'école dans le système anglophone, ce qui est déjà contraire à l'objectif visé.

Au fond, ma question est la suivante: si nous voulons des commissions scolaires linguistiques, c'est-à-dire des écoles anglophones et francophones—ce que je veux—comment protéger donc la minorité dans ce système? Je pense que la suppression ou le maintien de l'article 93 ne change rien. J'estime essentiel que l'alinéa 23(1)a) fasse partie intégrante d'une obligation absolument définie, car la province de Québec refuse de reconnaître la Constitution de 1982.

• 1615

Avez-vous examiné la question sous cet angle? En autorisant les commissions linguistiques, comment pouvons-nous assurer la protection des droits des minorités afin que ce ne soit pas seulement la majorité des parents qui ait le dernier mot, car ce n'est pas ce que nous voulons?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Desjardins, ou monsieur Picard.

M. John Picard: Je peux répondre. Cela nous ramène au deuxième argument que nous avons présenté au tout début, à savoir que dans le projet de loi 109, il y a un certain nombre de dispositions fondées sur le maintien de l'article 93. Cela fait partie des zones grises de la loi, grises parce qu'elles seront supprimées dans l'année suivant la modification de l'article 93. Toutes ces dispositions grises protègent les droits des minorités. Elles prévoient des conseils confessionnels où les parents décident qu'ils veulent une école confessionnelle.

Je pense qu'il est important de reconnaître la nécessité de respecter la démocratie. Au cours des cinq dernières années, 210 écoles catholiques ont été construites au Québec. On ne les considère plus comme étant confessionnelles. Les parents votent pour décider de la confessionnalité ou de la neutralité de leur école. Dans 95 p. 100 des cas, ils ont voté en faveur d'une école confessionnelle.

L'hon. Sheila Finestone: Une école catholique.

M. John Picard: En effet. Il est clair qu'ils veulent maintenir des écoles confessionnelles, mais il est tout aussi clair, si j'ai bien compris la jurisprudence et l'avis constitutionnel que nous avons reçu, qu'aussitôt après la disparition de l'article 93, toutes les lois du Québec seront assujetties à la Charte des droits et libertés. En l'absence de la clause dérogatoire, elles seront assujetties à la Charte et aux contestations subséquentes. Il y a toutes sortes de parties qui sont intéressées par l'élimination de tous les aspects de la confessionnalité.

L'hon. Sheila Finestone: Excusez-moi, monsieur Picard. Voulez-vous dire que l'article 2 portant sur la liberté d'expression et l'article 15 interdisant la discrimination entreraient en vigueur et remettraient en question l'existence des écoles catholiques?

M. John Picard: Exactement.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Finestone. Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je pense qu'il faut revenir en 1867. Il y avait alors des catholiques et des protestants au Québec, mais il n'y avait pas beaucoup de gens d'autres religions. C'était la même chose en Ontario. Cartier a protégé les catholiques, qui étaient en majorité, et c'est pour cela que je parle plutôt de droits confessionnels que de droits minoritaires, parce que droits minoritaires, c'est beaucoup plus vague et beaucoup plus général que cela.

Mais Cartier disait: On va protéger les catholiques, parce que les gens veulent avoir l'école confessionnelle. Galt, de Sherbrooke, disait: On va protéger les protestants—qui étaient en minorité, c'est vrai—parce qu'ils veulent des écoles protestantes.

On a fait la même chose en Ontario. On a dit que les catholiques irlandais auraient des écoles séparées catholiques et que les autres auraient des écoles protestantes. Maintenant, l'histoire a voulu que les protestants acceptent, avec les années, une école qui était un peu plus neutre que l'école protestante. C'est un mouvement qui a eu lieu en Ontario et au Québec. Mais, quand même, c'était catholique et protestant.

Vous dites que vous voulez garder ce système-là. Je respecte cette opinion-là. C'est votre droit le plus sacré. Vous dites que ce système vous plaît et qu'il faut le garder. Par contre, on nous dit que le Québec est devenu plus pluraliste et qu'on est maintenant dans une société où il y a d'autres religions. Il y a eu l'épisode des écoles juives, et le Conseil privé a dit qu'on pouvait faire des écoles juives. Il y a eu une autre cause célèbre, et on a dit qu'on pouvait faire des écoles neutres. Là le gouvernement du Québec nous arrive avec une résolution de l'Assemblée nationale disant d'enlever les garanties constitutionnelles; il ne jette pas l'article 93 par terre, car il reste là, mais les garanties confessionnelles sont écartées. Cela, c'est vrai. Écoutez, il faut bien dire la vérité.

Donc, je me demande ce qu'on fait dans dans un monde moderne, pluraliste. Que fait-on? Je me dis que c'est une question de consensus. Qu'est-ce qu'un consensus? Qu'est-ce qu'un consensus assez fort pour changer un système qui est en vigueur depuis 130 ans? D'après moi, c'est cela, la question.

Si vous me dites qu'on aurait pu faire des écoles françaises et anglaises avec des écoles confessionnelles à l'intérieur des écoles linguistiques, c'est vrai. En 1993, la Cour suprême a dit que c'était possible.

• 1620

Le gouvernement, pour une raison ou pour une autre, dit qu'il veut avoir un système pluraliste. La religion continuera d'être enseignée selon la Charte des droits du Québec. C'est l'article 41. Donc, il y a des gens à Québec qui disent que l'école devrait être neutre et que le système culturel devrait être neutre, mais bien sûr, l'enseignement de la religion va continuer en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés. C'est un point de vue qui se défend.

Vous, vous voulez garder le statu quo et défendre vos droits. J'ai le plus grand respect pour cela.

Ma question est bien simple. Étant donné cette situation, est-ce que je comprends bien que vous ne voulez aucun changement?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Desjardins.

M. Daniel Desjardins: On va commencer par répondre à votre question et aux différents points que vous avez soulevés. Je pense aussi que vous avez tous besoin d'éclaircissements.

Premièrement, on ne veut pas le statu quo. On est en faveur de l'implantation des commissions scolaires linguistiques et des écoles neutres, mais on est aussi en faveur du choix des parents. Les évêques du Québec, dans leur mémoire du 11 septembre dernier présenté à l'Assemblée nationale, ont dit que les Québécois étaient unanimes à vouloir des écoles confessionnelles. Les catholiques veulent des écoles confessionnelles de même que les protestants, et c'est reconnu par tous, disaient-ils.

Ensuite, ils ont dit que si cela pouvait rester dans une loi fédérale, on aurait le meilleur de deux mondes. Vous avez cette citation-là dans les annexes. C'est Mgr Blais qui a dit cela. Les évêques ont dit que si cela faisait partie d'une loi fédérale, ce serait une bonne chose.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Le fédéral n'a pas juridiction sur l'éducation.

M. Daniel Desjardins: Non, mais en vertu de l'article 93, il a juridiction sur le maintien de ces droits-là.

Donc, vous me demandez si on est contre le statu quo. Non, au contraire, on est ouverts. Je sais qu'il y a un problème pour la majorité au Québec, mais ce n'est pas parce qu'il y en a qui sont majoritaires et que les autres provinces n'ont pas ces droits-là qu'il faut tout rejeter du revers de la main.

Demain soir, une présentation sera faite par les professeurs et les directeurs d'écoles franco-protestantes en ce qui a trait aux propositions endossées par le Parti libéral du Québec, qui disait que la seule solution raisonnable était d'au moins protéger les minorités protestantes au Québec et, entre autres, qu'il fallait que ce soit fait de façon bilatérale et non trilatérale. Au niveau juridique, ce matin, il y avait des provinces...

Pour revenir rapidement aux statistiques, Statistique Canada, selon l'analyse de M. Carignan, constitutionnaliste très connu...

Le sénateur Gérald Beaudoin: J'ai énormément d'estime pour Carignan, mais je n'ai jamais pensé qu'il voulait avoir l'école confessionnelle.

M. Daniel Desjardins: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ce n'est pas mon impression.

M. Daniel Desjardins: Il a écrit que, selon Statistique Canada, en 1867, 4 p. 100 de la population était autre que catholique et protestante et qu'aujourd'hui, c'est 8 p. 100. Nous sommes plus de 92 p. 100 de catholiques ou protestants au Québec. Donc, la situation n'a pas beaucoup changé. Par rapport à l'article 41, je pense que c'est très important.

J'ai mis en annexe le documents de l'association. Ce n'est qu'une page, parce que je ne voulais pas vous présenter tout le mémoire de la Commission des droits de la personne du Québec qui, par l'entremise de M. Claude Filion, son président, l'a présenté le 22 mai dernier à l'Assemblée nationale. Je vais me contenter de vous lire la conclusion à laquelle elle arrive en ce qui a trait à l'application de l'article 41 si on abolit l'article 93:

    La Commission estime que la réforme des structures amorcées par le projet de loi no 109 demeurera inachevée tant que l'école, lieu ou se vit concrètement l'éducation, ne sera pas exempte de statut confessionnel. En ce sens, conformément aux dispositions exprimées ici dans le passé, nous recommandons l'abrogation des dispositions de la Loi sur l'instruction publique prévoyant l'octroi à l'école d'un statut confessionnel.

On dit un peu plus loin par rapport à l'article 15 et à l'article 2, qui est l'article 41, qu'il faut faire l'enseignement de toutes les religions et de tous les courants de pensée si on ne veut pas stigmatiser un enfant qui aurait un courant de pensée autre.

• 1625

Pour ce qui est du jugement Zylberberg de 1988 et 1990, en Ontario, c'est sur cette base-là qu'ils en sont arrivés à la conclusion qu'il fallait bannir l'enseignement religieux. On ne sait pas si cela ne va pas stigmatiser ou marginaliser un enfant qui aurait une croyance autre que celle du cours qui serait offert à tous.

Avec l'article 41, la seule chose qu'on pourrait avoir serait un cours sur tous les enseignements religieux. On s'efforcerait de les couvrir tous, sinon on pourrait se faire poursuivre. C'est cela, l'application de l'article 41 et c'est la Commission des droits de la personne du Québec qui le dit.

Finalement, dans le jugement Adler, on a dit, par rapport aux minorités, qu'il ne fallait pas qu'il y ait de modification constitutionnelle si, dans la province, il existait une loi permettant au gouvernement d'atteindre ses objectifs. Dans ce cas-ci, l'objectif du gouvernement est la réforme des structures des commissions scolaires. Le gouvernement peut, comme on l'a démontré, atteindre ses objectifs à des coûts très minimes tout en respectant les droits des minorités.

Ce serait contrecarrer l'objectif de la Charte, selon le jugement Adler, ainsi que la loi du principe du minimum, que même M. Beaudoin doit connaître. À ce moment-là, la primauté du droit ne serait pas respectée. C'est ce qu'ont précisé les juges de la Cour suprême en novembre dernier.

Si on nous enlève nos droits, on va contre le jugement Adler. La province de l'Ontario est directement concernée et les catholiques risquent de perdre leurs droits à un niveau bilatéral. Nous, on peut avoir des recours juridiques même au niveau international.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Desjardins.

Monsieur Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): J'ai trois choses à dire. Premièrement, reste-t-il des exemplaires du livre sur les constitutions que les fonctionnaires avaient ce matin? Il serait peut-être utile qu'on l'ait parce qu'on y fait allusion à plusieurs articles de plusieurs documents.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pour votre gouverne, j'ai demandé à la greffière de nous en procurer chacun une copie.

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.

Le sénateur Gérald Beaudoin: On va quasiment l'apprendre par coeur.

M. Mauril Bélanger: J'aimerais savoir comment, dans la pratique, dans le quotidien, le choix des parents va se faire au sein d'une commission linguistique. Je comprends que ce sont les parents qui vont être appelés à le faire, mais comment cela se fera-t-il dans la pratique? Convoquera-t-on tous les parents? Comment les convoquera-t-on? Je voudrais d'abord qu'on discute un peu de cela.

Deuxièmement, dans votre mémoire, vous parlez d'une communauté qui est en croissance. J'aimerais qu'on me situe, si possible, cette communauté franco-protestante. En termes de chiffres, que représente-t-elle?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Aubut.

M. Jocelyn Aubut: Comment les parents font-il le choix du statut confessionnel d'une école dans une commission scolaire linguistique? C'est cela, la question?

M. Mauril Bélanger: Comment cela va-t-il se faire, pas en théorie, mais en réalité?

M. Jocelyn Aubut: Cela ne s'est pas fait encore, parce que jusqu'à maintenant, on n'a pas eu de commissions scolaires linguistiques. Pour vous donner un point de référence, je peux vous dire que le gouvernement avait demandé aux 2 500 écoles de la province de réviser leur choix confessionnel. Comment cela s'est-il fait? Dans 80 ou 90 p. 100 des cas, ce fut fait au sein d'un comité de révision composé du comité d'école et du conseil d'orientation; les parents étaient majoritaires au comité d'école et au conseil d'orientation et il y avait certains représentants du personnel enseignant, du personnel non enseignant, etc. Donc, les parents étaient en majorité. Cela répond-il à votre question?

M. Mauril Bélanger: À ce moment-là, est-ce qu'on invite les gens à voter?

M. Jocelyn Aubut: Oui.

M. Mauril Bélanger: Et c'est la majorité qui l'emporte.

M. Jocelyn Aubut: C'est cela.

M. Mauril Bélanger: Une majorité simple de ceux qui sont présents.

M. Jocelyn Aubut: Oui. C'est ce qui s'est fait dans le passé. Cependant, quant à savoir ce qui va se passer... Maintenant qu'ils veulent des conseils d'établissement, les structures vont changer quelque peu, mais cela risque d'être pareil. Personne ne l'a vécu jusqu'à présent.

En ce qui a trait à votre deuxième question, quant à la croissance de la population franco-protestante, on avait une école franco-protestante il y a 18 ans. On en a maintenant une quinzaine, avec plusieurs projets d'écoles. Ce qui est difficile, par exemple sur la rive sud de Montréal, c'est que la plupart des commissions scolaires protestantes sont surtout neutres. C'est premièrement anglophone et protestant avec un petit p.

• 1630

En tant que protestants, avant tout pour des raisons religieuses, sur la rive sud de Montréal, on aurait voulu avoir une école protestante francophone avec des valeurs intégrées, c'est-à-dire réellement protestante et non pas neutre. Mais le terrain est déjà pris par des gens qui s'estiment protestants, mais qui en réalité sont neutres et disent qu'ils n'ont pas besoin d'école francophone protestante puisqu'ils en ont une. Oui, mais elle est neutre. Mais ils disent qu'il y en a une. Elle est qualifiée de protestante et nous ne pouvons en avoir une autre. C'est cela qui nous a beaucoup limités. Autrement, on en aurait beaucoup plus.

Ce qu'on espérait, et ce qui serait souhaitable pour nous, c'est d'avoir des commissions scolaires linguistiques. Les neutres pourraient se joindre, selon leur volonté, aux commissions scolaires neutres et linguistiques. Les protestants authentiques, tout comme les anglo-catholiques authentiques, pour des raisons religieuses, pourraient exercer le droit à la dissidence.

J'ai trouvé ce que M. Dion a dit très trompeur. Il a dit que sur un million d'élèves au Québec, il y en avait seulement 2 300 dans des commissions scolaires dissidentes. On ne peut avoir d'écoles dissidentes maintenant. Le gouvernement a légiféré de manière qu'il y ait des commissions scolaires confessionnelles sur tout le territoire de la province. Nous, comme protestants, on veut être dissidents. Mais on ne peut être dissidents. On nous plutôt dit d'aller dans la commission scolaire protestante. Elle n'avait pas besoin d'être là, la commission scolaire protestante. Ils l'ont imposée. On ne peut devenir dissident, actuellement. Le jugement de Gonthier dit bien que notre droit à la dissidence est sans effet actuellement, mais que cela ne veut pas dire qu'il est inactif. Il pourrait devenir actif quand les commissions scolaires linguistiques seraient instaurées. C'est pour cela qu'on les désire. On nous dit que c'est beau, d'aller de l'avant.

J'aimerais terminer par une conclusion. Si l'article 93 est si mauvais que cela, s'il est evil, comme on a dit, enlevez-le pour nous et enlevez-le aussi pour tout le Canada. Si ce n'est pas bon pour nous, ce n'est pas bon pour l'Ontario non plus. Essayez de l'enlever en Ontario et vous allez voir. La minorité est un peu plus grosse là. Quant à nous, nous sommes tout petits et on veut nous écraser. Ce n'est pas correct.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pourrais-je demander à nos invités de raccourcir leur interventions? Nous avons encore cinq intervenants membres du comité qui aimeraient s'exprimer.

Nous passons directement à la prochaine intervenante, Mme la sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): Tout d'abord, je vous remercie pour votre présentation.

Il serait peut-être intéressant de faire très brièvement—je ne le ferai pas parce que je ne le ferais pas fidèlement—l'histoire de la création des écoles françaises protestantes qui ont précédé le développement un peu rapide du PSBGM, avec son secteur francophone protestant, mais qui restait quand même une école assez neutre. Je me rappelle le Feller Institute. C'était une découverte pour moi, car j'étais jeune en ce temps-là. Quand un enfant était protestant et francophone, c'était un vrai problème. On l'envoyait au Feller Institute. À ce moment-là, les francophones protestants devaient payer pour y aller, pour l'internat ou autre chose, car il n'y avait pas autre chose. Donc, ce développement dont vous parlez n'est pas vraiment récent, mais cela n'a pas été facile pour vous d'établir ce réseau d'écoles françaises protestantes.

Cela étant dit, les gens disent que l'article 93 protège les droits avec la création de commissions scolaires linguistiques, et il me semble bien que la ministre avait dit dans le temps que les parents pourraient continuer d'avoir des écoles confessionnelles si tel était leur désir. Je ne me trompe pas?

Cela serait-il encore possible, dans ce contexte-là, si une majorité de protestants francophones, de la rive sud, par exemple, votait pour avoir une école protestante française, avec ce que cela veut dire au point de vue confessionnel, etc.?

• 1635

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): Monsieur Aubut.

M. Jocelyn Aubut: Les franco-protestants sont très minoritaires au Québec. Comment peut-on espérer que les protestants, qui sont si minoritaires, puissent jamais avoir la majorité dans une école? Nos écoles sont des écoles régionales. On couvre toute une région, ce qui représente quatre à cinq commissions scolaires, même les grosses qu'on vient de constituer. On ne peut se payer d'écoles de quartier, parce qu'on est tellement minoritaires.

Si on parle de la création d'une nouvelle école dans un quartier, on ne sera jamais la majorité, par définition.

M. Daniel Desjardins: Là aussi, cela va devenir anticonstitutionnel. Selon les avis juridiques et l'application de l'article 41 de la Charte québécoise, ils demandent l'abrogation des statuts confessionnels. Vous allez voir dans les annexes le mémoire de M. Claude Filion, le président de la Commission, qui dit: «...nous recommandons l'abrogation des dispositions de la Loi sur l'instruction publique prévoyant l'octroi à l'école de statut confessionnel.» Il sera donc impossible d'avoir des écoles confessionnelles avec l'article 41.

Je suis allé rencontrer les fonctionnaires de Mme Marois, et M. Plante m'a bien dit que la déconfesionnalisation des écoles avait été confirmée par le bureau et qu'il n'y aurait pas de clauses nonobstant. Il n'y aura rien.

Donc, on n'a aucune garantie. Vous avez aussi, dans vos documents en annexe, un communiqué du journalLe Devoir, qui spécifie que M. Brassard a dit que c'était inutile d'utiliser des clauses nonobstant pour l'implantation des commissions linguistiques, qu'on n'en aura plus besoin, qu'on arrivera autrement à nos fins. Donc, il n'y aura plus d'écoles confessionnelles. Il n'y aura même pas de choix, madame Lavoie-Roux. On aura des écoles neutres.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: J'aimerais ajouter quelque chose en réponse aux allusions que le sénateur Beaudoin faisait à propos de M. Carignan. J'ai devant moi le rapport particulier du commissaire Pierre Carignan sur les principes fondamentaux de la restructuration scolaire de l'Île de Montréal. Je vais en lire un extrait si vous me le permettez:

    ...le système préconisé pour l'école commune est, au premier niveau, la confessionnalité et non pas la neutralité absolue qui évite toute référence à la religion. Au second niveau, c'est la neutralité ouverte ou multiconfessionnalité. Dans une société comme la nôtre où les diverses couches sont empreintes de sentiments religieux, il ne saurait être question d'instaurer une formule qui, dans la formation des jeunes, néglige une dimension aussi importante que la dimension religieuse.

Donc, il croyait à la confessionnalité dans les écoles. Ce que je voudrais avoir, c'est l'assurance que le Québec ne changera pas d'idée demain matin. C'est peut-être un jugement gratuit, monsieur le président, et je m'en excuse à l'avance, mais je sais qu'ils sont sous pression depuis quasiment des générations pour instaurer un système neutre à la grandeur du Québec.

Donc, je suis sensible à vos représentations et je sais que c'est le fruit d'efforts considérables avec les moyens du bord des parents. En ce moment, ils craignent de perdre ce qu'ils ont bâti. Je pense qu'on devrait prendre cela en considération. Vous ne voyez rien d'autre qui pourrait protéger cela?

M. Daniel Desjardins: Il y a des constitutionnalistes canadiens comme Lauwers et Brown qui vont exactement dans ce sens-là. Il n'existe aucun avis juridique, même du ministère de la Justice du Canada, qui dise le contraire. Demandez à M. Dion et au ministère de la Justice du Canada de vous donner un avis contraire. Vous n'en aurez pas.

Si on abroge l'article 93, vous n'aurez pas de garanties que les écoles confessionnelles seront maintenues. Vous n'en aurez jamais. Il n'y a aucun constitutionnaliste qui... C'est impossible.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Desjardins, nous passons au prochain intervenant, M. Clifford Lincoln.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Ce qui me préoccupe surtout dans cette question qui m'intéresse particulièrement depuis assez longtemps, c'est la question des droits acquis.

Je pense que je vais aller dans le sens des propos du sénateur Beaudoin. Il y a toujours des minorités et des majorités, et une minorité dans une circonstance peut devenir une majorité dans une autre circonstance.

• 1640

Plusieurs m'ont contacté et j'ai parlé assez longuement avec eux. J'ai constaté qu'il y avait des opinions assez différentes au sein de ce non-consensus qui, je crois, existe. C'est sûr que ce n'est pas un consensus. Au sein de ce consensus, il y a votre position, la position des anglo-catholiques qui tiennent fermement à la question religieuse dans l'éducation et la position des anglo-protestants pour lesquels c'est une question linguistique. Les écoles protestantes anglophones ne sont pas des écoles qui enseignent la religion protestante; ce sont des écoles linguistiques.

Donc, les minorités anglophones protestantes se sentiraient à l'aise dans les commissions linguistiques si l'alinéa 23(1)a) était appliqué au Québec pour renflouer le système, parce qu'elles ont une peur bleue de la question des droits garantis «là où le nombre le justifie». Pour les anglo-catholiques, c'est strictement une question de religion.

J'en viens au fait qu'on parle de l'article 93 comme d'un droit acquis. À tort ou à raison, c'était la façon dont on voyait la protection des minorités lorsqu'on a fait l'article en 1867.

Ce qui me préoccupe surtout, c'est que c'est la deuxième fois que nous avons un amendement constitutionnel. Il y avait des droits acquis à Terre-Neuve, et maintenant ils ne sont plus là.

Aujourd'hui, au Québec, on dit qu'il y a des droits acquis, mais la société a évolué et il faudra prendre en compte les nouvelles réalités.

Selon le même principe, on a actuellement deux langues officielles qui reflètent la réalité des peuples fondateurs. Mais demain ou après-demain, on pourrait avoir une majorité qui parle l'hindi ou une autre langue. Le chinois pourrait être par exemple la langue majoritaire au Canada; c'est très possible. Est-ce qu'à ce moment-là, on dira que la protection constitutionnelle des deux langues n'est plus valable parce qu'elle ne reflète pas la société?

Si demain matin les Hispano-Américains devenaient la majorité aux États-Unis, l'espagnol deviendrait-il la langue officielle parce que ça reflète la majorité? Ce sont des questions fondamentales.

Je crois que les droits acquis sont des droits essentiels que l'on doit préserver. On peut changer les choses selon l'évolution de la société, mais avant de jouer avec les droits acquis, on devrait prendre quelques précautions.

Ma question est la suivante: qu'est-ce que vous pensez de notre rôle comme parlementaires fédéraux dans cette question? Est-ce que vous le voyez comme un rôle central? Est-ce que vous croyez que nous avons une voix égale à celle du gouvernement du Québec, qui n'a pas tenu ses audiences? Comment voyez-vous notre rôle dans tout cela?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Desjardins.

M. Daniel Desjardins: Je pense que votre rôle est de vous montrer démocrates, d'appliquer la démocratie et les droits acquis selon l'histoire du Canada et de respecter ces droits-là.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénatrice Dalia Wood.

[Traduction]

La sénatrice Dalia Wood (Montarville, Lib.): Le gouvernement du Québec affirme que le caractère confessionnel des écoles sera protégé. Il ne veut pas que l'on supprime la religion dans les écoles; il veut simplement réorganiser les commissions en fonction de la langue. Votre organisation accepterait-elle l'implantation de commissions scolaires linguistiques si l'on remplaçait les garanties constitutionnelles de l'article 93 par une protection égale des droits qui vous tiennent à coeur, à savoir les aspects confessionnels des écoles et les programmes scolaires, et accepteriez-vous un engagement politique au lieu d'une garantie constitutionnelle?

[Français]

M. Daniel Desjardins: Je vais faire une remarque rapide que nous compléterons plus tard. Au niveau juridique, il faut se rappeler que l'article 93, selon un jugement de la Cour suprême de 1993, ne garantit pas les structures des commissions scolaires, mais les écoles. On a la garantie au niveau des écoles mais pas au niveau des structures.

Une voix: Il faudrait tout changer.

M. Daniel Desjardins: Le gouvernement provincial a les pleins pouvoirs pour modifier les structures.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Aubut.

M. Jocelyn Aubut: C'est la même réponse. Nous avons déjà cette loi. Inutile de la remplacer. La loi s'applique aux écoles, et l'on peut mettre en place toutes les structures que l'on veut, à condition de donner aux minorités que nous sommes le contrôle et la gestion de nos écoles.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup. Nous passons à Mme Marlene Jennings.

• 1645

[Traduction]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Bon après-midi. J'ai écouté vos exposés avec intérêt. Je conviens avec ma collègue Mme Finestone que certains éléments m'ont vraiment perturbée. Nous sommes au seuil du XXIe siècle. La société canadienne—et québécoise—devient de plus en plus multiculturelle et pluraliste, surtout dans le domaine religieux.

Personnellement, j'ai beaucoup de mal à accepter les vestiges de l'article 93, qui accorde des privilèges à certaines communautés religieuses et pas à d'autres. Je suis d'origine franco-protestante, mais à cause des commissions scolaires confessionnelles qui existaient au Québec dans les années 50, je suis devenue anglophone. Les membres de ma famille appartiennent à toutes les grandes religions du monde sauf l'Islam, et nous accepterions des musulmans dans notre famille.

J'ai donc beaucoup de mal à accepter le fait que vous envisagiez de continuer à accorder des privilèges aux catholiques et aux protestants dans ce pays, au Québec, alors que les autres groupes religieux n'ont pas les mêmes privilèges. Qu'en pensez-vous?

M. Jocelyn Aubut: J'ai quelques observations à cet égard. Nous estimons que ces privilèges discriminatoires accordés il y a très longtemps aux protestants et aux catholiques dans la Constitution poussent d'autres groupes à réclamer les mêmes droits à l'échelle provinciale. Pensez-vous qu'un système neutre qui interdit le choix serait plus tolérant?

Mme Marlene Jennings: Puis-je répondre à cela?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui.

Mme Marlene Jennings: Je ne crois pas que les commissions scolaires linguistiques soient neutres. Je pense que les valeurs fondamentales de notre pays sont enchâssées dans notre Constitution. Je pense que les commissions scolaires linguistiques ont l'obligation—comme toute autre commission scolaire—de communiquer les valeurs de notre pays qui sont enchâssées dans notre charte.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avec votre permission, nous passons à l'intervention du sénateur Prud'homme. Est-ce que ça peut être court, sénateur Prud'homme?

Le sénateur Marcel Prud'homme (La Salle, Ind.): Oui, je vais essayer.

Je voudrais tout d'abord remercier le comité et la Chambre. Nous avons tenté de faire la même chose pour Terre-Neuve. Nous n'avons pas réussi. C'est le Sénat qui y est arrivé. J'ai, pour ma part, beaucoup insisté sur le fait qu'il fallait tenir des audiences pour écouter les gens et également aller à Terre-Neuve. Nous avons finalement obtenu cela grâce à un débat au Sénat.

Je regrette beaucoup que nous n'ayons pas pu tenir des audiences au Québec. J'ai déposé une motion au Sénat qui n'a pas été retenue, mais au moins il y a maintenant des audiences. Alors, c'est déjà la moitié d'un succès.

Je ne vous cache pas que je suis traditionnaliste, canadien-français et catholique. Cela n'enlève rien aux autres et n'ajoute rien non plus.

Je crois avoir compris que vous voyez l'école comme une entité qui délivre un ensemble de valeurs à nos enfants et pas seulement l'enseignement d'une demi-heure ou d'une heure de religion. Est-ce que vous répondez par un oui ou par un non?

Si vous dites oui, je comprends les appréhensions de Mme Jennings, qui se demande comment les gens vont s'accommoder de tous ces changements qui bouleversent nos institutions, surtout du point de vue des coûts, je le reconnais, en conservant quand même les droits acquis.

Il y a des écoles au Québec... Je vais le dire en anglais pour ceux qui nous écoutent.

[Traduction]

Au cas où vous ne le sauriez pas, le Québec n'a pas de leçon à recevoir de quiconque, et je me battrai pour cela. Dans les écoles du Québec, qui sont partiellement payées par mes impôts, on enseigne la religion dans mon école grecque, ce qui ne se fait pas ailleurs au Canada. Mon école arménienne n'existe pas non plus ailleurs au Canada. Et mon école juive n'existe pas ailleurs dans le monde. Je compte me battre pour elles.

• 1650

Je crains qu'on en vienne là: d'abord, la déchristianisation du système scolaire à Terre-Neuve, ensuite au Québec, pour décrocher le gros lot qu'est l'Ontario. Savez-vous que dans les écoles publiques de l'Ontario, un enseignant ne peut pas dire «Joyeux Noël» parce que ce n'est pas accepté? Personne ne sait cela.

[Français]

On n'a pas le droit maintenant de dire Joyeux Noël dans une école publique en Ontario lorsqu'arrive le temps des Fêtes parce que ce n'est pas un geste considéré comme neutre. Vous ne le saviez pas.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il n'y a pas de décision de la Cour suprême là-dessus.

Le sénateur Marcel Prud'homme: C'est parce que personne n'est allé en cour encore, monsieur.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Joyeux Noël.

Le sénateur Marcel Prud'homme: Ils vont perdre. Je dis que c'est un ensemble de valeurs que nous voulons conserver. Bien que je n'aime pas les accommodements, je pense qu'il faut préserver les acquis et comprendre l'évolution du Canada. Il faut évoluer avec la société et préserver les droits acquis.

[Traduction]

Je crois que ce qu'il a dit, c'était «les droits sont les droits sont les droits».

[Français]

Je vous demande en conclusion de nous indiquer clairement et simplement la façon de préserver les acquis tout en accommodant ceux qui veulent avoir une école publique où il n'y aurait aucune religion.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Desjardins.

M. Daniel Desjardins: C'est le libre choix des parents. Les parents peuvent choisir une école neutre ou une école confessionnelle pour leurs enfants. Mais si on modifie l'article 93, ce ne sera plus le cas.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Aubut.

M. Jocelyn Aubut: Vous avez parlé de la perte des droits acquis et de la déchristianisation au sujet de Terre-Neuve, du Québec et peut-être prochainement de l'Ontario, et je dirais que si l'article 93 était modifié pour le Canada, on donnerait des droits spéciaux à la province de Québec en lui enlevant certaines des contraintes de l'article 93 que l'on garderait pour les autres provinces.

Je ne sais pas si c'est équitable en termes d'amendement bilatéral, mais l'Ontario garde les mains liées et doit continuer à respecter les contraintes de l'article 93 tandis que le Québec peut s'en débarrasser complètement. Réellement, on sait bien que le Québec ne souhaite pas se débarrasser seulement de l'article 93 mais également de toute la Constitution. Est-ce que c'est ça que vous voulez appuyer?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Aubut, messieurs et mesdames, nous vous remercions pour la présentation de cet après-midi. Merci de vous être présentés devant nous. Nous allons ajourner pour cinq minutes avant de recevoir le groupe suivant. Nous reprendrons à 17 heures.

• 1653




• 1655

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avant de commencer, je voudrais vous parler d'un problème logistique. Notre greffière nous a préparé une liste de groupes à entendre et nous l'avons regardée ensemble hier. Tout le monde a jusqu'à 17 heures aujourd'hui pour compléter et soumettre la liste des groupes, associations et individus qui voudraient comparaître devant notre comité.

• 1700

Je vous propose qu'on commence mercredi après-midi, c'est-à-dire demain après-midi, selon la liste proposée par la greffière. Nous pourrions donc entendre demain après-midi l'Equality Party, la Châteauguay Valley English-Speaking People's Association, l'école l'Eau-Vive et, en soirée, la Fédération des comités de parents et les Citoyens pour les droits scolaires.

C'était le programme qui avait été prévu pour mercredi, et cela nous permettrait d'avancer et de vous proposer un autre programme pour les autres noms qui auront été suggérés. Est-ce que cela vous convient?

Mme Christiane Gagnon: Le programme de la journée de demain se déroulera comme prévu.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La journée de demain se déroulera donc comme prévu. Pour le programme de jeudi, on doit recevoir avant 17 heures aujourd'hui l'ensemble des noms des groupes ou associations, comme il avait été convenu lors de notre réunion d'organisation.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il y a une certaine planification qui doit également être faite.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ces gens-là ont été convoqués et ils sont prêts à venir. Je pense qu'on devrait les entendre demain. S'ils sont pressés, je ne vois pas de problème.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord. Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Certains groupes vont être entendus une demi-heure, 40 minutes, je ne sais pas. C'est à vous d'allouer le temps de parole d'une façon équilibrée. Le groupe de cet après-midi a eu droit à une heure et demie et je trouve cela fort discriminatoire pour les autres groupes qui auront seulement 20 ou 25 minutes.

Je sais bien qu'il y avait deux groupes cet après-midi, mais ce matin, nous avions trois experts sur une question très importante pour laquelle nous avions besoin d'éclairage et ils n'ont eu que 10 minutes.

Personnellement, j'aimerais qu'on s'en tienne à ce qui a été décidé, même quand un groupe vient à trois personnes. On sait l'essentiel de leur discours après le deuxième. On sait qu'ils sont contre et qu'ils veulent faire valoir leur point de vue. Je voudrais qu'on s'en tienne au temps alloué, même si le comité a le temps. On pourra aller lire nos documents et se faire une idée sur ce qu'ils nous ont dit.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Donc, madame Gagnon, vous me dites de me montrer plus strict pour chacune des auditions et de faire respecter les 45 minutes.

Mme Christiane Gagnon: Oui, monsieur le président.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Quand on parle de 10 minutes pour une présentation, je vous assure que ce n'est pas long.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je voudrais immédiatement aviser nos invités que, pour le moment, nous n'empiétons pas sur leur temps.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je pense que 10 minutes de présentation, c'est vraiment très très court, à moins que quelqu'un ne dise qu'il va être bref. Autrement, il faut au moins 20 ou 25 minutes pour une présentation.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie pour vos commentaires. Nous commencerons à partir de 15 h 30 demain, suivant l'ébauche qui vous avait été présentée pour la journée de demain, et on vous présentera également demain un nouveau tableau pour la suite des auditions.

Nous avons le plaisir de recevoir l'Association des comités de parents Québec/Chaudière/Appalaches, représentée par Anne Bureau, Gilles Gagnon et Detlev Otto. Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation.

M. Gilles Gagnon (président, Association des comités de parents Québec/Chaudière/ Appalaches): Bonjour, madame Pépin, monsieur Paradis, membres du Comité de la Chambre des communes et du Sénat. Je vous remercie de nous accueillir.

Je m'appelle Gilles Gagnon et je suis le président de l'Association, qui regroupe 22 comités de parents, dont deux sont directement concernés par l'article 93, la modification éventuelle de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique. C'est la CECQ, dont la première vice-présidente est Mme Bureau, et aussi Greater Quebec, dont M. Otto est le représentant. Il est également vice-président de notre association. On fait une place à la minorité anglophone dans notre association.

Naturellement, les rôles de l'Association sont principalement de regrouper, former, informer, appuyer et représenter les parents de la région Québec/Chaudière/Appalaches.

Afin de représenter nos membres, il nous a semblé qu'il fallait absolument présenter un mémoire au comité mixte, ici à la Chambre, pour décrire notre situation régionale. Nous l'avons fait malgré le court laps de temps que nous avions. Nous sommes en effet des parents et nous travaillons, et c'est plus difficile pour nous que pour des gens qui travaillent comme professionnels dans les différents milieux éducatifs.

Nous pensons, à l'ACP 03-12, qu'il faudrait retirer des commissions scolaires les écoles carcans pour augmenter l'efficacité et respecter le libre choix des parents et leur droit à la dissidence. Nous recommandons une prise en charge par le milieu.

• 1705

C'est le milieu, la communauté, qui doit décider quels sont ses besoins, quelles sont ses attentes, quels sont ses objectifs et ses buts, autant dans l'école que dans les instances dont a parlé tout à l'heure, soit le conseil d'orientation ou le nouveau conseil d'établissement qui est à venir.

Le principe de la Charte, que ce soit la Charte québécoise ou la Charte canadienne, c'est de ne pas faire de discrimination sur la base de la religion, qu'elle soit catholique, protestante ou autre, parce qu'il y a aussi au Québec d'autres religions. La société évolue vers une société multiconfessionnelle.

C'était une introduction aux propos de Mme Bureau à qui je cède la parole pour qu'elle puisse commencer à présenter notre mémoire.

Le président (M. Denis Paradis): Madame Bureau.

Mme Anne Bureau (première vice-présidente, Association des comités de parents Québec/Chaudière/Appalaches): Je voudrais tout d'abord dire que, contrairement à nos prédécesseurs, nous représentons la majorité. La CSCQ, la Commission scolaire confessionnelle de Québec, représente la majorité catholique. Mon collègue, qui est vice-président aux affaires anglophones de l'Association, représente Greater Quebec, donc la majorité anglophone protestante.

Notre association représente aussi ces minorités, puisque moi, à la CSCQ, je représente des anglo-catholiques, tandis que M. Otto représente par Greater Quebec les franco-protestants. Dans notre association, nous incluons tout le monde.

On a voulu se faire les porte-parole de la majorité. Nous ne sommes pas des juristes et nous ne connaissons pas la loi et la Charte sur le bout des doigts. Nous ne les avons pas étudiées. Nous sommes, comme le disait M. Gagnon, des parents bénévoles et nous voulons surtout aborder le côté pratique.

Je n'aborderai qu'une partie de notre mémoire et je vais laisser M. Otto faire le reste.

Quand on parle dans notre mémoire de modifier l'article 93, on ne parle pas de l'abolir ou de l'abroger. On parle vraiment de modification, sachant que modifier, c'est uniquement transformer. Comme le disait mon collègue, on veut que les parents conservent le libre choix Ce qu'on ne veut surtout pas, c'est que l'amendement ou le non-amendement de l'article 93 en vienne à mettre en oeuvre la solution que propose le rapport Kenniff au niveau de la CSCQ. Je ne saurais vous parler de la CECM, mais je pourrais vous parler de ce que pourrait représenter la solution du rapport Kenniff au niveau de Greater Quebec et de la CSCQ. Ce serait comme avoir un conseil des commissaires à l'intérieur d'une commission scolaire. Nous aurions des comités catholiques et protestants à l'intérieur d'une commission scolaire linguistique. Ce seraient des chapeaux différents. Cette situation serait très difficile à vivre pour nous, parents, qui avons déjà parfois de la difficulté à nous retrouver dans la structure. Il ne faut pas trop dédoubler les choses, parce qu'à un moment donné, plus on alourdit le système, plus il devient compliqué et plus on s'éloigne de l'essentiel.

Je vais maintenant passer la parole à mon copain, M. Otto, qui est le vice-président aux affaires anglophones de l'Association.

[Traduction]

M. Detlev Otto (vice-président, Affaires anglophones, Association des comités de parents): En ma qualité de représentant anglophone pour la région 0312, je tiens à dire que nous sommes d'accord avec ce qu'ont dit Gilles Gagnon et Anne Bureau en français. Ce que les parents veulent, c'est avoir l'enseignement religieux à l'école, et on devrait laisser aux parents le soin de décider ce que devrait être cet enseignement religieux. Ce sont aussi les gens qui doivent décider du statut confessionnel des écoles. Autrement dit, nous, les parents, voulons que l'on modifie l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique uniquement pour autoriser l'établissement de commissions scolaires linguistiques, et ce serait les parents qui décideraient de conserver ou non l'enseignement religieux et moral dans nos écoles.

De même, ce serait les gens qui décideraient du statut confessionnel des écoles. Ce que nous entendons par «les gens», ce sont les conseils d'administration de chaque école, qui seraient créés en 1998. À titre d'exemple, une école aurait la religion catholique, une autre une religion protestante ou l'enseignement moral serait enseigné selon le voeu des parents.

C'est ce que les parents de notre région veulent.

C'était très, très bref. Il n'y a pas grand-chose d'autre à dire à ce sujet. Je vais maintenant demander à Gilles Gagnon de poursuivre.

• 1710

[Français]

M. Gilles Gagnon: Le seul argument que je voudrais ajouter, c'est qu'une double direction n'est pas saine dans toute administration ou organisation, quelle qu'elle soit.

Abolir l'article 93, on ne le veut pas. Ce qu'on veut, c'est l'amender ou plutôt le bonifier. L'amendement faciliterait grandement la tâche de tous en regard des craintes qu'on connaît. Nous les comprenons. La crainte majeure, ce sont les minorités qui l'éprouvent et c'est celle de se voir noyées dans la masse, celle que leurs droits ne soient pas reconnus. Ce n'est pas ce que nous espérons ou souhaitons, bien au contraire.

Ce que nous recherchons, c'est que l'amendement apporté rende les structures plus efficaces. Nous voulons donner à nos enfants une formation qui fasse d'eux de bons citoyens qui respectent les différences, peu importe qu'elles soient culturelles ou religieuses. Ce que nous voulons, en fait, c'est le respect des différences.

Nous voulons consacrer toutes nos énergies à ce qui est essentiel, soit l'enseignement à nos enfants pour en faire des bons citoyens. C'est cela, l'objectif.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup. Nous allons passer au premier intervenant, Rahim Jaffer.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): J'ai entendu aujourd'hui divers arguments selon lesquels il n'est pas vraiment nécessaire de modifier l'article 93 pour établir des commissions scolaires linguistiques. Ce que je veux savoir tout particulièrement, si vous pouvez répondre à ma question, c'est si, à votre avis, on peut créer des commissions scolaires linguistiques tout en respectant le choix des parents minoritaires, comme vous l'avez dit, mais sans modifier l'article 93. À votre avis, est-ce possible?

M. Detlev Otto: Je peux répondre à cela. Je ne suis pas politicien. Je ne suis pas avocat non plus.

La sénatrice Lavoie-Roux: Vous avez de la chance.

M. Detlev Otto: Je ne sais pas comment on modifie des lois ou le reste, mais c'est ce que nous demandons. Nous voulons seulement nous assurer que les élèves ou nos enfants conserveront le droit à l'enseignement religieux dans nos écoles, et que si les parents sont contre, eh bien, ils conserveront le droit à l'enseignement moral. C'est tout ce que nous voulons.

Je ne peux pas vous dire comment faire. Ça, je ne le sais pas.

M. Rahim Jaffer: Si je vous comprends bien, vous dites qu'on n'est pas obligé de modifier l'article 93 si l'on veut respecter les droits minoritaires et la liberté de choix. C'est ce que j'ai compris. En quoi vous trouvez-vous avantagés si le gouvernement du Québec décide d'aller de l'avant et de modifier l'article 93? Ce que je veux savoir particulièrement, c'est comment l'abrogation de cet article favorisera votre cause. C'est cela que je ne comprends pas.

M. Detlev Otto: Eh bien, si l'on abroge l'article 93, le gouvernement du Québec pourra modifier toutes les lois qu'il veut, et s'il veut retrancher l'enseignement religieux des écoles, nous sommes finis, il n'y aura plus d'enseignement religieux pour les parents et les élèves. C'est ce qui nous préoccupe.

Nous voulons une protection pour pouvoir conserver l'enseignement religieux dans nos écoles. Ça, c'est si les parents le veulent. Si dans une école, personne ne veut de l'enseignement religieux, eh bien, il n'y en aura pas, c'est tout.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): La sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous basez votre mémoire sur le rapport Kenniff. À moins que ma mémoire s'embrouille, je pensais que le rapport Kenniff avait été mis de côté parce qu'il avait reçu beaucoup d'opposition, tant de la part de la CEQ, que des parents, etc. Les parents le connaissaient peut-être un peu moins. Pourtant, les parents des écoles, comme vous-mêmes, reconnaissent que ce serait une affaire lourde qui compliquerait les affaires, etc.

Vous dites qu'il ne faut pas abolir l'article 93, mais bien l'amender. Avez-vous des suggestions à faire sur la façon de l'amender?

Mme Anne Bureau: Je peux répondre à une partie de votre question. Oui, en effet, le rapport Kenniff avait été abandonné il y a quelques années parce qu'effectivement, ce qu'il proposait était trop lourd. Cependant, ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi de la ministre de l'Éducation du Québec, c'est de créer un comité confessionnel catholique et un protestant pour chacune des commissions scolaires linguistiques distribuées sur les territoires de la ville de Québec et de la ville de Montréal.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Elle y retourne.

Mme Anne Bureau: Elle revient à la solution Kenniff telle que proposée à l'époque. Les parents n'en voulaient pas à ce moment-là. Personne n'en voulait. Elle y revient aujourd'hui. Nous ne voulons surtout pas la voir réimplantée.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Et concernant un amendement, avez-vous une suggestion à faire?

• 1715

M. Gilles Gagnon: Il faut peut-être se dire qu'avec tout ce qui va découler de l'avant-projet de loi, lequel veut modifier les commissions scolaires et les établissements et former un conseil des établissements, la situation va être prise en charge par le milieu. En somme, chaque milieu pourrait décider de sa coloration. Il y aura le projet éducatif auquel on donnera une coloration. Sera-t-elle catholique? Sera-t-elle protestante? En effet, dans bien des secteurs, la clientèle se réclame d'au moins ces deux religions. Par exemple, la CECQ existe.

Dans le projet éducatif, il faudra maintenir à la rigueur la biconfessionnalité ou avoir la possibilité de choisir, au lieu de l'enseignement moral, l'enseignement d'une autre religion.

En fait, il est important de donner plus de souplesse aux écoles, au plan de l'école, parce que c'est là que se vit la vie scolaire, et non pas à la commission scolaire ou au gouvernement provincial. C'est vraiment dans chaque milieu de vie. Les besoins et les problèmes de la région de Portneuf, que nous représentons, ou de la région de Charlevoix, que nous représentons aussi, sont différents de ceux de Québec, de Greater Quebec ou d'une autre commission scolaire.

Donc, si nous focalisons l'organisation sur l'école plutôt que sur les commissions scolaires, nous croyons pouvoir former nos enfants comme il se doit, c'est-à-dire en faire des citoyens bien intégrés à leur milieu.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera M. Réal Ménard.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'ai un peu de difficulté à saisir votre point de vue. Je le trouve intéressant et je vous remercie d'être venus le présenter, parce que je sais que vous avez de multiples occupations. Cependant, il me semble que la situation que vous appelez de tous vos voeux est en voie de se réaliser, cela avec deux garanties.

En fin de compte, vous dites qu'il faut s'ouvrir à un certain pluralisme. Il n'est pas vrai que le Québec de l'an 2000 sera partagé entre protestants et catholiques. La situation est plus complexe que cela et vous avez raison de le faire valoir. Vous dites aussi que la véritable communauté de vie se trouve dans les écoles et que ces dernières doivent refléter la volonté des parents agissant au nom de leurs enfants. Et vous voulez que ces écoles puissent garantir une instruction religieuse allant dans le sens de la liberté de choix.

Toutefois, à mon point de vue, cela n'a rien à voir avec l'article 93, parce que ce que vous appelez de tous vos voeux, il est possible de l'établir en vertu de l'article 41 de la Charte des droits de la personne du Québec de même qu'en vertu des articles 5, 225 et 228 de la Loi 107.

Je ne vous dis pas cela parce que je suis intelligent ou parce que je suis avocat, ce que je ne suis pas d'ailleurs mais que je serai peut-être un jour. Je vous le dis parce que j'ai eu les mêmes préoccupations que vous et que j'ai demandé qu'on m'indique les articles qui offrent les garanties que vous appelez de tous vos voeux.

Est-ce que je résume bien votre mémoire en disant que vous êtes pour l'instauration de commissions scolaires linguistiques, que vous souhaitez un plus grand pluralisme dans le Québec de demain et que vous voulez que les choses se passent sur le plan local? Or, pour que les choses se passent localement, vous avez deux types de garanties, qui sont la Charte des droits et la Loi 107.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Bureau.

Mme Anne Bureau: Oui, vous l'avez très bien résumé.

M. Réal Ménard: Eh bien, je ne serai pas venu pour rien.

Mme Anne Bureau: Cependant, je dois vous avouer que si on demande que l'article 93 soit amendé, c'est que dans l'association de parents que nous représentons—pour ma part je représente la CECQ—, les parents catholiques veulent conserver le droit d'avoir une école confessionnelle. Ils craignent que si l'article 93 est abrogé—je dis bien abrogé, donc aboli—, cela ne soit plus possible. C'est là leur crainte. C'est pourquoi nous ne voulons pas qu'il soit aboli, mais modifié afin de permettre une plus grande ouverture vers la communauté qui constituera le Québec vers l'an 2000.

M. Réal Ménard: Vous savez que ce n'est pas possible, parce que la sénatrice Lavoie-Roux a raison quand elle dit que, ou bien on a une situation où coexistent deux types de structures—c'est pour cela que le rapport Kenniff a été rejeté—, ou bien il y a des commissions scolaires catholiques et protestantes avec un droit de dissidence, ce qui peut signifier quatre types de commissions scolaires. Cela entraîne évidemment des coûts plus complexes. Personne ne veut cela, sauf les auteurs du rapport et, à un moment donné, M. Ouimet, qui a changé d'idée depuis.

Ne pensez-vous pas qu'il est plus simple de vous garantir les droits que vous souhaitez par des lois non constitutionnelles en établissant des commissions scolaires linguistiques?

• 1720

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: À condition que tous les parents soient vertueux et s'entendent bien entre eux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La question s'adressait à Mme Bureau.

M. Réal Ménard: On gagne toujours à écouter Mme Lavoie-Roux. J'aime sa spontanéité. Tous les parents sont vertueux. Eh bien...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Bureau, un commentaire?

Mme Anne Bureau: Peut-être que M. Gagnon...

M. Gilles Gagnon: Je pourrais ajouter un commentaire. Ce que nous souhaitons, et M. Lincoln est intervenu pour le dire au cours de la présentation précédente, c'est conserver les droits que les catholiques et les protestants ont déjà. Par contre, on veut être plus ouverts à la communauté existant actuellement.

Nous croyons qu'on doit se focaliser sur l'école plutôt que sur les commissions scolaires. Ne nous embarrassons pas de structures à deux, trois ou quatre têtes et à quatre directions. On pourrait en venir, avec l'orientation qu'on a actuellement, à des commissions scolaires catholiques, des commissions scolaires protestantes, anglophones et francophones. On ne saurait plus où s'arrêter.

Agissons au niveau de l'école, parce que l'école d'un certain milieu préférera avoir une école catholique. Dans un autre milieu, on préférera avoir une école protestante. Dans un autre milieu, on pourrait souhaiter une école mixte, qu'elle soit catholique et protestante ou catholique et d'une autre religion.

En fait, ce qu'on veut, c'est poursuivre dans la même veine. Nous ne sommes pas des juristes et nous n'avons pas la prétention de connaître la loi de façon approfondie. Si, à l'heure actuelle, il existe des garanties permettant ce genre d'ouverture sans amender l'article 93, tant mieux, mais je ne le crois pas. Et dans ce cas, il faut l'amender pour le bonifier, non pas l'abolir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Gagnon. Notre prochain intervenant est M. Yvon Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Je pense que j'irai un peu plus loin pour ma part.

J'ai un problème et je peux vous assurer que mon idée n'est pas arrêtée quant au parti que je prendrai. Je le dis honnêtement: je suis ici et j'écoute avec grande attention. Je m'excuse si j'ai eu à m'absenter quelque temps cet après-midi, mais j'avais autre chose à faire à la Chambre.

Le point qui m'inquiète le plus, quand on parle de religion dans les écoles, et que je vais vous exposer afin que vous puissiez peut-être m'éclairer, est le suivant. Quand on parle de Constitution pour protéger des groupes et des minorités, je me pose des questions par rapport aux petites régions.

En 1997, il y a des religions qui se sont développées, par exemple, chez les Français. Beaucoup de François ont joint, soit le christianisme, soit les témoins de Jéhovah ou autre chose. Le problème qui se pose à moi actuellement, c'est la façon de régler le cas d'une petite communauté qui n'est pas capable de se payer sa propre école qui enseigne sa propre religion. Qu'est-ce qui arrive au jeune qui doit aller à l'école le matin?

C'est ce jeune qui me pose un problème. Il arrive à l'école à 9 heures le matin et le professeur lui dit qu'il ne peut pas entrer dans la classe parce qu'il y sera question de Dieu pendant une demi-heure et que ses parents ne veulent pas qu'il y assiste parce qu'il n'est pas de la même religion.

Ne serait-ce pas de la responsabilité des parents et de la religion de s'occuper de l'éducation religieuse?

C'est ce qui me préoccupe principalement. Par exemple, je suis du Nouveau-Brunswick et chez nous, dans notre petite communauté, nous avons maintenant différentes religions. Je trouve que c'est terrible et même inhumain de demander à un jeune de cinq ou six ans de sortir de la classe parce qu'il y sera question de Dieu.

Cet aspect, j'ai beaucoup de difficulté à l'avaler. C'est pourquoi je dis qu'en 1997, nous avons un problème à régler dans les écoles. Je ne fais que vous faire part de mes inquiétudes. Vous, comment réagissez-vous à mes inquiétudes?

M. Gilles Gagnon: Il faut se dire que, pour l'heure, dans le contexte québécois, l'enfant sort, mais qu'il a le choix entre l'enseignement religieux ou l'enseignement moral.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Ou le gymnase.

M. Gilles Gagnon: Nous avons entendu dire que les cours de morale étaient quand même très acceptables dans la plupart des écoles auxquelles nous avons eu accès.

Naturellement, si en quittant, au lieu d'aller recevoir un enseignement moral, il pouvait aller recevoir un enseignement religieux que je ne désignerai pas—il y en a tellement que j'aurais peur de frustrer les autres—, il ne se sentirait pas abandonné puisqu'il serait quand même pris en charge par son milieu religieux.

Il faut aussi ajouter que les chartes, dans la plupart des cas, comportent la mention «là où le nombre le justifie». En fait, nous avons une terminologie ressemblante.

Mais la situation qui prévaut dans les écoles, à l'heure actuelle, c'est que l'enfant a le choix entre l'enseignement moral ou religieux.

• 1725

Je ne sais pas si Anne veut ajouter quelque chose à ce sujet. Il est évident que s'il y avait une troisième religion, l'enfant pourrait recevoir l'enseignement dans cette religion-là. Ce serait son milieu qui l'aurait décidé en mettant au point son projet éducatif.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Pour ma part, j'aimerais bien faire deux affirmations. Ce qui nous est proposé, c'est l'amendement demandé par le Québec, soit que les paragraphes (1), (2), (3) et (4) de l'article 93 soient écartés. L'article 93 demeure, parce qu'il dit que l'éducation est de compétence provinciale. Cependant, les garanties constitutionnelles ne sont plus là.

Quand vous dites ne pas vous objecter à cela à condition que les parents conservent le droit à l'école confessionnelle, il faut s'entendre. Voulez-vous que cela demeure dans l'article 93 amendé, et non dans l'article 93 actuel, ou voulez-vous que ce soit contenu dans la Loi sur l'instruction publique au Québec après l'adoption de l'amendement constitutionnel? Il faut se décider à un moment donné. On ne peut pas parler de tout en même temps. Personne n'y est arrivé depuis que le monde existe.

Si vous désirez ces garanties dans la Loi sur l'instruction publique, vous pouvez vous donner une très belle législation dans ce domaine. Vous pouvez dire que les parents auront le droit de choisir, que les parents ont droit à ce que la religion soit enseignée dans les écoles. Mais ce serait différent et c'est là que c'est important. C'est pourquoi j'aimerais savoir ce que vous voulez.

Si vous amendez les quatre paragraphes de l'article 93 et dites que le droit à l'école confessionnelle doit y demeurer, eh bien, c'est un peu blanc bonnet et bonnet blanc. Enfin, cela dépend un peu de la façon dont c'est rédigé.

Si vous le dites dans la Loi sur l'instruction publique, c'est très bien évidemment, mais cela ne vous donne pas une garantie constitutionnelle. La législature peut changer d'idée un mois après et modifier sa loi.

Il est bien sûr que si on substitue un régime laïc à un régime confessionnel, il va falloir légiférer sur l'instruction publique. Il va falloir adopter des lois et donner des garanties que la religion sera enseignée. Mais c'est là le choix fondamental.

Je ne sais pas ce que vous souhaitez. Voulez-vous amender l'article 93 pour lui substituer un amendement ou voulez-vous écarter les garanties constitutionnelles et vous en remettre à la Charte des droits du Québec et à une Loi sur l'instruction publique qui garantirait le droit à l'instruction religieuse?

Mme Anne Bureau: C'est déjà dans la Loi sur l'instruction publique. Cela n'a pas été modifié par l'avant-projet de loi de Mme Marois. Donc, c'est là. Cependant, comme vous le dites, une loi peut être plus facilement modifiée. Je n'ai pas envie qu'on se mette à jouer au yoyo avec nos écoles au Québec. Vous avez droit à la confessionnalité, vous ne l'avez plus, selon le bon vouloir des gouvernements. Je ne voudrais pas cela.

Avec les garanties constitutionnelles, au moins on est sûrs qu'on ne jouera pas au yoyo avec nous. Les minorités ne sont peut-être plus seulement catholiques dans certains milieux ou protestantes dans certains autres. À Montréal, par exemple, que je ne représente pas, certaines écoles sont davantage en milieu juif et d'autres en milieu davantage musulman. Ne serait-ce pas ces milieux qui constituent maintenant les minorités? Est-ce que ce n'est pas le terme «minorité» qu'il faudrait redéfinir? Je ne le sais pas. Comme nous l'avons dit, nous ne sommes pas juristes ou avocats, mais nous voudrions quand même avoir la garantie constitutionnelle que nos écoles vont pouvoir demeurer confessionnelles, car avec une loi, nous deviendrons des yoyos.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Donc, vous voulez que les écoles continuent d'être confessionnelles.

Mme Anne Bureau: Oui.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Bon.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Selon la volonté des parents.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Selon la volonté des parents.

Donc, si vous n'aimez pas les quatre paragraphes de l'article 93, vous voudriez suggérer d'autres paragraphes qui diraient que le droit à l'école confessionnelle est garanti par la Constitution du Canada. C'est en effet, et ne l'oubliez par, la Constitution du Canada qui est ici en jeu. Il est vrai que c'est en rapport avec une province, mais il s'agit quand même de la Constitution du Canada.

Alors, ce que vous souhaitez serait un amendement à la résolution qui nous est présentée, si je comprends bien. Autrement dit, si les quatre paragraphes sont écartés, on devrait quand même prévoir quelque chose dans l'article 93. L'article 93 dit que l'éducation est un domaine provincial. Personne ne veut changer cela et cela va demeurer. Ce qui est écarté dans la résolution, ce sont les garanties constitutionnelles.

• 1730

Vous dites que vous voulez garder le droit à l'école confessionnelle. Dans ce cas, il faut trouver un libellé qui conserve le droit à l'école confessionnelle. C'est ce que vous voulez, j'imagine?

Mme Anne Bureau: Oui, oui.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Parfait, merci. L'intervenant suivant sera M. Clifford Lincoln.

M. Clifford Lincoln: Je voudrais abonder dans le même sens que le sénateur Beaudoin. Si je lis bien votre mémoire, sa conclusion dit ceci à propos des minorités linguistiques des commissions scolaires:

    Ces dernières ont peur de se voir noyer dans la masse et de voir leurs droits non reconnus. Comme nous l'avons dit plus haut, ces droits sont reconnus par la Loi sur l'instruction publique du Québec et pourront donc se faire valoir.

Mais ce n'est pas vraiment ce que vous voulez dire d'après ce que je comprends de ce que vous nous dites ici. La Loi sur l'instruction publique est une chose, mais vous voudriez que des garanties constitutionnelles soient préservées afin de vous permettre le choix à l'école confessionnelle, si vous le désirez. Est-ce bien cela?

Là je tiens compte des remarques de mon collègue du Bloc québécois, M. Ménard, qui parlait de l'article 41 de la Charte des droits de la personne du Québec.

En fait, au cours de l'expérience que j'ai vécue moi-même au gouvernement auquel j'ai appartenu, on a suspendu la Charte des droits de la personne du Québec. Donc, cela peut se faire. En fait, la Charte des droits du Québec, il n'est pas dit qu'un gouvernement libéral ne la changera pas, ou même un gouvernement péquiste. Cela ne veut rien dire. Tout dépend des politiques de l'heure.

Donc, ce que vous voulez, si je vous comprends bien, c'est que l'équivalent de l'article 41 de la Charte des droits de la personne du Québec soit entériné de façon constitutionnelle. N'avez-vous pas un modèle à nous donner? Vous vous dites que c'est à nous de le faire. Est-ce bien cela?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Gagnon.

M. Gilles Gagnon: Je pourrais apporter une dernière réponse. Comme nous l'avons dit, nous ne sommes pas des juristes, et le libellé des lois, nous avons de la difficulté à l'interpréter. Dans les cours de justice, beaucoup de gens ont des difficultés.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous nous dites de faire notre boulot. Vous avez bien raison.

M. Gilles Gagnon: Nous vous disons ce que nous voulons obtenir et nous pensons que c'est aux politiciens de rédiger les textes en conséquence.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'est bien cela.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Gagnon. Passons à l'intervenant suivant, M. Peter Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Si je comprends bien, alors—corrigez-moi si j'ai tort—vous ne voulez pas qu'on abroge, autrement dit qu'on retranche pour toujours, l'article 93 de la Constitution; vous voulez plutôt que l'on modifie et que l'on améliore l'article 93 que nous avons aujourd'hui. Donc, ce qui vous préoccupe le plus dans cette motion, c'est qu'on abroge l'article, parce que si on le modifie et que le Québec n'y est plus assujetti, on l'abroge en fait pour le Québec. Si je vous comprends bien, vous êtes contre l'abrogation de cet article, mais vous voudriez qu'on l'améliore, tout comme le Nouveau-Brunswick a amélioré le sien. Est-ce exact?

M. Detlev Otto: C'est exact. Nous voulons conserver l'article 93 mais le faire modifier de telle façon à garantir les droits religieux dans les écoles. Comme nous disons, le gouvernement peut modifier à n'importe quel moment l'article 41 de la Charte des droits du Québec, et tout à coup il n'y a plus rien, et il n'y a plus rien qui garantit nos droits.

M. Peter Goldring: J'ai une question supplémentaire. Si je vous comprends bien alors, vous êtes inquiets? Vous avez des inquiétudes relativement à la mention dans la demande qui a trait à la Loi constitutionnelle de 1982 mais où il est également dit qu'on refuse de la reconnaître? Est-ce que cela vous préoccupe aussi?

M. Detlev Otto: C'est exact, oui.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Donc, merci beaucoup. Ceci termine la séance d'aujourd'hui. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Gilles Gagnon: Nous aimerions vous remercier, messieurs les sénateur et messieurs les députés, de nous avoir accueillis, nous qui arrivons de Québec et ne connaissons pas trop la procédure. Nous espérons avoir bien représenté l'opinion des parents de la région 03-12 en regard de l'amendement proposé à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Au nom des membres du comité, nous vous remercions aussi.

Je donne avis aux membres du comité que nous suspendons la séance jusqu'à demain, 15 h 30, heure à laquelle nous allons reprendre nos travaux. Prévoyez que nous pourrons prendre un léger souper ici afin d'en finir à 20 h 30 en soirée avec la liste de l'ébauche qui était déjà prévue. Nous ferons en sorte de vous présenter une nouvelle ébauche des auditions à venir.

Merci beaucoup à tous et à toutes.

• 1735

La cogreffière du comité (Mme Martine Bresson): À la salle 253-D.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La réunion de demain aura lieu à la salle 253-D, de l'autre côté du corridor, le Railway Room.

La séance est levée.