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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Délibérations du comité mixte permanent des Langues Officielles


Fascicule 17 - Témoignages

OTTAWA, le jeudi 3 décembre 1998

Le comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes sur les langues officielles se réunit aujourd'hui à 9 h 10 pour examiner le rôle du commissaire aux langues officielles.

Mme Sheila Finestone (Mount-Royal) (coprésident) occupe le fauteuil.

[Français]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone (Mont-Royal)): Nous nous réunissons aujourd'hui pour rencontrer la nouvelle commissaire aux langues officielles.

[Traduction]

Madame Adam, nous vous souhaitons la bienvenue. Pour nous tous, c'est une excellente nouvelle que nous attendions depuis un certain temps.

[Français]

La réunion de ce matin en est une, vraiment, de rencontre avec Mme Adam. Si vous avez des questions pertinentes concernant les responsabilités qu'elle assumera bientôt, vous êtes libres de les poser.

Madame Adam, nous aurons certainement quelques questions à vous poser pour connaître votre avis sur vos nouvelles fonctions. Comment voyez-vous votre nouvelle position de commissaire aux langues officielles? Comment percevez-vous l'avenir de cette responsabilité et la vision du Canada telle que définie dans la Constitution?

Vous avez la parole. Vos propos seront suivis des questions des membres du Sénat et de la Chambre des communes.

[Traduction]

Je n'ai pas l'intention de compter chaque minute, mais j'espère que chaque intervenant s'en tiendra à environ cinq à sept minutes pour que je ne sois pas forcée de vous rappeler à l'ordre.

[Français]

Madame Adam, nous attendons vos commentaires avec plaisir.

Mme Dyane Adam, directrice du Collège Glendon, Université York: Chers membres parlementaires, c'est un honneur pour moi de me présenter devant ce comité et bien sûr d'être considérée au poste de commissaire des langues officielles du Canada.

On m'a dit aujourd'hui que je venais surtout pour répondre à des questions qui me touchent, c'est-à-dire quelles sont les compétences et les expériences qui m'amèneraient à remplir avec succès les engagements qui incombent au commissaire des langues officielles du Canada.

Je ne prétendrai pas vous donner une vision très éclairée sur la façon dont je vais accomplir mes fonctions, cela serait prétentieux de ma part puisque c'est une nomination récente, mais vous allez constater en m'écoutant que la dualité linguistique a été pour moi un fil conducteur dans ma vie personnelle et dans ma carrière professionnelle.

Vous avez tous reçu copie de mon curriculum vitae. Les universitaires n'ont pas la réputation d'être très concis dans la rédaction dans leur curriculum vitae et vous allez probablement réaliser que je ne fais pas exception à la règle. Donc, je vais essayer d'extraire de ce long document les expériences et les compétences qui, à mon avis, sont plus pertinentes par rapport au poste de commissaire.

[Traduction]

Je vais essayer d'être brève, car je tiens à réserver du temps pour vos questions auxquelles je répondrai le mieux possible et je veux également savoir quelles sont vos préoccupations.

À mon avis, le rôle du commissaire est un rôle d'ombudsman pour tous les Canadiens. Le commissaire est là pour s'assurer qu'on respecte leurs droits linguistiques tels que définis par la Loi sur les langues officielles. Pour jouer efficacement le rôle d'ombudspersonne, pour bien comprendre les plaintes et les préoccupations, il faut être sur la même longueur d'ondes. Il faut savoir écouter, il faut également aller au-delà des mots et déceler ce qu'ils expriment véritablement.

Comme vous l'avez peut-être vu dans mon C.V. j'ai une formation en psychologie clinique et c'est un domaine dans lequel j'ai exercé pendant plus de cinq ans, dans différents milieux, hôpitaux et cliniques communautaires.

C'est une formation et une expérience qui sont particulièrement axées sur les contacts humains. Plus tard dans ma carrière, lorsque j'ai fait du travail administratif, cela m'a beaucoup aidée. Les psychologues, pendant leur formation et lorsqu'ils exercent, apprennent qu'il est fondamental de bien écouter, de bien identifier les problèmes, de les analyser, de les analyser, de les mettre en contexte et d'essayer de trouver des solutions ou des mesures correctives afin de recommander un traitement. Ils s'occupent ensuite de ce traitement.

Lorsque des plaintes lui parviennent de n'importe où dans la société canadienne, c'est précisément le genre de travail que le commissaire doit accomplir -- probablement à cette exception près qu'il n'exécute pas lui-même ces recommandations. Le rôle du commissaire est consultatif. Il participe à tout le processus jusqu'au stade des recommandations et il travaille en contact étroit avec les gens.

[Français]

La coprésidente (Mme Finestone): Vous pouvez parler dans votre langue maternelle.

Mme Adam: D'accord, je vais faire cela. Un autre rôle du commissaire est d'informer, d'éduquer le public canadien et les fonctionnaires, les gestionnaires par rapport au rôle de la loi, aux droits linguistiques des Canadiens et de promouvoir la dualité linguistique.

Bien sûr, je suis également une éducatrice. À travers mes expériences, comme vous avez pu le constater, j'ai travaillé avec différents groupes communautaires, très près de la base, «grassroots» comme on dit en anglais. En même temps, j'ai travaillé avec un public universitaire, des représentants des ministères et des ministres. Je pourrais sûrement remplir avec succès cet aspect du mandat.

Un autre rôle du commissaire est, bien sûr, de voir à toutes les enquêtes et de s'assurer que les faits sont bien documentés, qu'il y a des études appropriées et que des rapports sont rédigés. Encore une fois, au coeur de la fonction d'un universitaire, il y a tout ce processus. J'ai moi-même mené des recherches, écrit beaucoup d'articles et rédigé des rapports pour des ministres. Je reviendrai à cette fonction qui m'a été confiée en tant que présidente du comité consultatif aux affaires francophones pour le ministre de l'Éducation et de la Formation du gouvernement ontarien.

J'aimerais plutôt me concentrer sur la question au coeur du poste, qui ne concerne pas seulement les compétences transférables, mais aussi la dualité linguistique et le mandat qui est confié au commissaire d'aider à l'épanouissement des communautés de langues officielles vivant en milieu minoritaire.

Comme vous avez pu le constater, je suis née dans un milieu francophone en Ontario, pas tellement loin d'ici, à quelque 40 kilomètres. À cette époque, on vivait entièrement en français, comme au coeur du Québec. Ce n'est que quand je suis arrivée à l'Université d'Ottawa que j'ai commencé à vivre dans un milieu entièrement bilingue et j'ai, jusqu'à ce moment-ci, toujours vécu dans un contexte bilingue, sauf peut-être les trois années où j'ai travaillé comme psychologue dans le Nord du Québec, à Rouyn-Noranda et à Baie-Comeau. C'est là que j'ai connu la réalité de la minorité anglophone au Québec, puisque j'ai constaté que même à Rouyn-Noranda et à Baie-Comeau, il y a effectivement des personnes d'expression anglaise qui ont besoin de services et, effectivement, j'ai servi en tant que psychologue clinicienne dans les deux langues.

Je reviens donc au fait que cette dimension de vivre, de cohabiter et d'essayer de m'épanouir comme francophone minoritaire dans un contexte majoritairement anglophone a fait partie intégrale de ma vie personnelle et professionnelle. Bien sûr, j'ai pu constater, en ayant occupé des postes dans différentes régions de la province de l'Ontario, au nord, à l'est et maintenant au centre, que cette réalité varie énormément d'un contexte à l'autre. On doit être très sensible à ces particularités.

Je pourrais préciser, comme personne ayant été impliquée dans le développement communautaire par mes activités bénévoles et mes intérêts personnels, parce que j'ai toujours pris à coeur la cause des gens de ma propre communauté, que cette réalité varie. Des mesures différentes selon différentes régions de la province ou du Canada ont été développées pour répondre adéquatement aux besoins de ces communautés.

Pour ce qui est de mes fonctions professionnelles, j'ai servi largement, évidemment, dans des universités bilingues. J'y ai souvent été un peu comme le commissaire à une petite échelle. J'ai dû composer avec différents organismes et parfois assumer le rôle du défenseur des droits des minorités dans ma propre boîte, l'Université Laurentienne, où j'avais un mandat spécifique pour le développement de l'enseignement et des services en français.

J'ai dû à cette échelle développer une politique en matière de services bilingues à l'université, afin de m'assurer que les correctifs étaient en place et qu'ils étaient appliqués, et développer des programmes d'études appropriés pour cette communauté.

[Traduction]

C'est tout un changement que de passer du travail communautaire, du secteur de la santé et des universités au gouvernement fédéral. À partir de maintenant, je vais travailler avec le Parlement et avec des institutions et organismes fédéraux dans tout le Canada. Il va me falloir un certain temps pour me familiariser avec les complexités de l'administration fédérale, et également avec les modalités de ma tâche.

Au cours des années, il est arrivé plusieurs fois que d'autres gouvernements, et surtout celui de ma province, l'Ontario, me demandent ma collaboration. Cela a toujours été une expérience très enrichissante et très appréciée. Pendant les années 90, on m'a demandé de présider le groupe consultatif, ou comité, sur les affaires francophones. Ce groupe devait conseiller le ministre de l'Éducation quant à l'avenir de l'éducation postsecondaire en français en Ontario. C'est en quelque sorte un organisme tampon qui est séparé du gouvernement. À cette occasion, j'ai servi mon gouvernement pendant trois ans.

Plus récemment, le gouvernement actuel m'a demandé de faire partie du groupe qui s'est occupé de la privatisation de TVO/TFO. Ce groupe devait consulter le public dans toute la province pour déterminer quels sont les souhaits et les besoins de la population. Son rapport a joué un rôle important dans la décision prise par le ministre au sujet de TVO/TFO. Voilà donc quelques-uns de mes antécédents.

Je vais maintenant m'arrêter pour pouvoir répondre à toutes vos questions, soit sur les qualifications, soit sur la façon dont j'envisage mon rôle de commissaire.

La coprésidente (Mme Finestone): Je dois dire qu'il est très enthousiasmant de voir pour la première fois une femme commissaire aux langues officielles.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Vous avez dit que vous aviez travaillé au développement de services en langue française dans certains milieux. Avez-vous fait un travail équivalent pour des services en langue anglaise dans des juridictions exclusivement francophones?

Mme Adam: Non, ma carrière s'est déroulée principalement en Ontario. J'ai passé environ trois ans au Québec où la majorité de la population est française. Je travaillais comme psychologue clinique, si bien que je ne me suis pas autant occupée de développer des programmes. Toutefois, j'ai travaillé dans le Nord du Québec, à Baie-Comeau et surtout à Rouyn-Noranda comme psychologue clinicienne. C'est une région où il y a un groupe d'anglophones. Après avoir observé la situation, j'ai offert mes services à ce groupe. En fait, je me suis rendu compte à cette occasion que, même si le groupe de la minorité n'était pas le même, les préoccupations et les réalités étaient très comparables.

M. Strahl: À votre avis, quelle est la différence du rôle du commissaire aux langues officielles lorsqu'il s'agit du Canada à prédominance anglophone et du Québec? Au Québec, vous devez travailler avec les lois linguistiques et vous en accommoder. Dans le Canada anglais, vous devez souvent fonctionner dans une sorte de vide juridique, car, dans la majeure partie du reste du Canada il n'y a pas de lois linguistiques.

Pensez-vous que le caractère fédéral de votre rôle vous facilitera les choses au Québec, ou bien est-ce que ce sera l'inverse?

Mme Adam: En quoi sera-ce différent? Le commissaire est là pour s'assurer que les droits linguistiques prévus par la Loi sur les langues officielles sont respectés.

C'est une question de domaine de compétence. Il y a des questions qui relèvent des provinces, d'autres qui relèvent du fédéral. Le Canada anglophone lui-même n'est pas monolithique, toutes les provinces ne sont pas pareilles. En ma qualité de commissaire, je dois tenir compte des réalités dans les différentes provinces et m'assurer que tous les groupes sont traités sur un pied d'égalité. Qu'il s'agisse de la minorité anglophone au Québec ou de la minorité francophone dans d'autres régions, ce qui est important c'est l'égalité et l'équité.

M. Strahl: J'ai une dernière question; pendant la dernière législature, le président du comité des langues officielles a mécontenté beaucoup de gens, y compris des gens de son propre caucus, en proposant une étude approfondie de la façon dont le français était utilisé dans la région de la capitale nationale, c'est-à-dire à Ottawa. Ce qu'il voulait, c'est qu'on encourage l'utilisation du français. Nous étions nombreux à penser que la région était déjà très bilingue. Les services et les magasins qui ne fonctionnent pas dans les deux langues officielles se privent de la moitié de leur clientèle. Pourquoi diable le feraient-ils? Par conséquent, cette étude n'a pas eu lieu.

Par contre, cela m'a montré à quel point il était possible de déformer la politique sur les langues officielles. Il y a des services qui doivent être dans les deux langues officielles, mais cela peut devenir ridicule lorsque les gens essaient de régler des problèmes qui n'existent tout simplement pas. À mon avis, cette fois-là, c'était exactement le cas.

J'aimerais savoir comment vous faites pour séparer le bon grain de l'ivraie. Comment décidez-vous ce qui vaut la peine d'être rectifié et ce qui doit être laissé aux forces du marché? Comme je l'ai dit, dans certains cas il est nécessaire de s'assurer que les services existent. Par contre, à d'autres moments, il vaut mieux laisser libre cours aux diverses forces du marché. Comment décidez-vous des priorités?

Mme Adam: C'est une question de jugement; la loi définit très clairement les paramètres et les obligations fédérales en ce qui concerne les services. Toutefois, le rôle du commissaire est également de favoriser la dualité linguistique, et c'est probablement ce qu'on cherchait à faire dans l'exemple que vous avez mentionné.

Ottawa est la capitale du Canada, un pays que le reste du monde considère comme étant bilingue, un pays où il y a deux langues officielles qui ont le même statut. Dans ces conditions, le commissaire peut donner son opinion et encourager les efforts déployés. Toutefois, le rôle du commissaire n'est pas à mon avis de prendre des mesures exécutoires, surtout lorsqu'il s'agit de questions commerciales.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu, B.Q.): Je suis très heureux de vous accueillir à ce comité, madame Adam. Au nom de mon parti, je voudrais vous dire que nous sommes d'accord avec le choix du gouvernement suggérant votre nom comme commissaire aux langues officielles. Vous êtes la première femme, oui. Votre vécu, que nous avons parcouru dans votre CV, nous a emballés: vous avez vécu trois ans au Québec, vous avez vécu très longtemps en Ontario, où vous avez été à la tête d'organismes visant la défense de la langue française en Ontario, et vous avez vécu en anglais dans le reste du Canada. Vous connaissez bien la réalité canadienne et québécoise. Vous avez été à la base de la fondation de certains mouvements comme la Table féministe francophone de l'Ontario et vous avez souhaité ardemment la Fondation du regroupement des intervenants et intervenantes francophones dans le domaine de la santé et des services sociaux en Ontario.

Dans votre réflexion sur l'existence de votre poste et de la Loi sur les langues officielles, ne devrait-on pas donner une orientation non pas nouvelle mais plus forte à ce poste? On parle souvent des services, mais peu des droits à l'éducation et à la santé. On voit en Ontario les événements de l'hôpital Montfort. Est-ce que ce n'est pas vers cela que devrait aller nos batailles, surtout pour les francophones hors Québec? Je n'exclus pas les anglophones du Québec. Ils peuvent réclamer la même chose. Ils en ont déjà une bonne partie.

Si on veut vivre en français et en anglais au Canada, il faut avoir des droits sacrés en éducation et en santé. Il ne faut pas s'attacher à des services comme avoir à Jonquière un responsable des passeports bilingue ou au Manitoba un maître de poste bilingue. Cela ne change pas grand-chose dans la vie du monde. Quelle est votre position sur les droits en santé et en éducation?

Mme Adam: J'aimerais partir des réalisations du commissaire actuel, qui, dans son dernier rapport, mentionne que lorsqu'il est entré en fonction, il y avait seulement deux provinces dont les communautés avaient le contrôle de leur éducation. Maintenant, l'ensemble des provinces et des territoires ont acquis ce contrôle. Pour lui, c'est une des réalisations les plus importantes. On sait fort bien, comme vous l'avez dit, que si une communauté ne possède pas ses institutions de formation, il va être très difficile pour cette communauté de s'épanouir.

En éducation, ce n'est pas terminé. Je parle à titre d'universitaire responsable du regroupement des universités de la francophonie hors Québec. Ce regroupement réunit 13 membres, toutes les universités qui offrent des services et des programmes en français à l'extérieur de la province de Québec: la faculté Saint-Jean à Edmonton, le collège Saint-Boniface, l'Ontario et ses universités bilingues, et cetera.

Dans le secteur postsecondaire et même aux collèges, les programmes et les services offerts à ces communautés de langues officielles vivant en milieu minoritaire ne sont pas comparables, bien sûr, à ce qui est offert à la communauté anglophone. Mais entre elles, elles sont en train de mettre sur pied un réseau d'enseignement universitaire de langue française, et par le partage de leurs cours, de leurs programmes et de leurs effectifs, elles ont comme projet d'offrir une gamme de services et d'élargir ceux déjà existant. Cette question, à mon avis, mérite un appui, bien que le postsecondaire et le domaine de l'éducation et de la santé, comme on le sait tous, relèvent de la juridiction provinciale.

À la différence de l'éducation, la santé n'est pas enchâssée dans la Charte. Je crois qu'il est plus difficile pour le commissaire ou pour le gouvernement fédéral de jouer un rôle aussi «proactif», aussi actif qu'il a pu le faire dans l'éducation.

Je sais que M. Goldbloom s'est très intéressé à la question de Montfort. Vous y avez fait allusion. Il a proposé des projets ou des solutions potentielles qui respectaient quand même les juridictions provinciales. Je ne sais pas trop encore s'il y aura des développements ou un dénouement à cela.

Est-ce réel? Je ne le sais pas puisque ce n'est pas confirmé par le gouvernement ou par les ministères concernés. À mon avis, les soins de santé sont très importants pour une communauté de langues officielles qui vit en milieu minoritaire. Quand nous sommes malades, il est important de se faire servir dans notre langue. Ce dossier mérite d'être suivi attentivement.

La coprésidente (Mme Finestone): Je dois vous aviser que vous avez déjà dépassé le temps alloué, mais si vous avez une autre question, allez-y.

M. Plamondon: Dans une conférence que vous avez donnée à un colloque intitulé: Visibles et partenaires, vous avez vanté deux grandes réalisations: la Table féministe francophone et le Réseau franco-ontarien d'enseignement postsecondaire. En vous enorgueillant de la réalisation de ces tables et de ces différents porte-parole en matière de francophonie, vous avez dit dans votre conclusion que cette effervescence de nouveaux regroupements provinciaux en Ontario français marque un mouvement fondamental dans le leadership traditionnel de la communauté. Bien que l'ACFO ait récemment réussi, grâce à l'appui des instances fédérales, à maintenir son statut fort contesté de porte-parole officiel de la communauté francophone de l'Ontario, la base de son leadership demeure bien précaire. À mon avis, il ne tardera pas que d'autres regroupements se joignent à la table, pour réclamer un nouveau leadership en Ontario français qui incorpore la diversité.

Dans votre rôle, vous aurez à côtoyer ces gens. Est-ce que cette position est flexible? Quelles sont vos relations?

Mme Adam: Je vais travailler avec toutes les composantes de la communauté. Je suis une universitaire et une critique. Comme je travaille au en développement des communautés, j'observe ce qui se passe. Je vais parler comme une personne de la communauté franco-ontarienne. Quand on connaît les nouveaux développements concernant la crise que vit l'Ontario par rapport à son leadership, cette phrase est assez pertinente.

Il y a -- c'est le lot d'à peu près toutes les minorités -- des groupes qui ont des intérêts différents. Souvent on demande aux minorités de s'entendre sur tout et d'essayer d'avoir la même opinion. On oublie parfois que les communautés ont la même diversité qu'une grande, même si elle est plus petite en nombre, elle a la même diversité. Il serait peut-être difficile, si je prends la communauté torontoise avec la laquelle je travaille, d'amener à une même table les personnes du milieu des affaires, de l'éducation et de la santé du côté torontois anglophone et d'avoir une position commune pour ce groupe par rapport à telle question. C'est ce que l'on exige parfois des communautés minoritaires. On oublie la diversité et cela crée des problèmes dans les communautés. Je vais être très sensible à cet aspect.

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Je voudrais souligner le fait que ce genre de comité est une première. Je ne pense pas que ce processus ait été utilisé auparavant. Je pense qu'il est sain que l'on puisse s'entretenir pour étudier la vision des candidats à ce poste. On le fait sous l'égide d'examen du rôle du commissaire. Éventuellement, il y aurait lieu de prévoir ce genre de mécanisme de façon plus formelle à l'intérieur de notre comité et d'autres comités de la Chambre. Je félicite les gens qui ont pris l'initiative de nous faire rencontrer Mme Adam.

Votre curriculum vitae est impressionnant pour cette fonction. Je viens des Cantons de l'Est, où il règne une parfaite harmonie entre les deux groupes linguistiques principaux au pays. Au Canada, il y a deux majorités linguistiques plutôt que des minorités. C'est ce qui fait de notre pays une force internationale. On aura le Sommet de la Francophonie à Moncton à l'automne 1999. On fait partie du Commonwealth. On a plusieurs associations de parlementaires, autant des pays de la francophonie que des pays de langue anglaise. C'est une grande force pour le Canada.

Au cours de la dernière année, nous avons soulevé le problème de l'aéroport d'Ottawa. Il est difficile de laisser jouer les forces du marché à l'aéroport de la capitale nationale, un endroit aussi peuplé, central et au coeur du pays. Des parlementaires français disaient avoir eu à une certaine époque de la difficulté à obtenir du service en français. Est-ce que ce genre de dossiers pourrait vous tenir à coeur? Comment voyez-vous cette dualité linguistique dans la région de la capitale nationale?

Mme Adam: Cela m'apparaît définitivement important que la capitale nationale montre un visage qui soit le plus près possible du Canada, un pays où deux langues officielles ont le même statut devant la loi. Je serai sûrement intéressée à promouvoir cela, à l'étudier, à l'examiner et à recommander des modifications lorsque ces juridictions seront sous les compétences fédérales assujetties à la loi.

Pour les autres secteurs, il n'y a pas de doute, je serai très active pour montrer les avantages et faire valoir que le Canada a tout avantage à se présenter comme un pays enrichi de deux langues. Parfois je pense que dans certains milieux, on a perçu le fait d'avoir deux langues officielles comme étant quelque chose de négatif plutôt qu'un avantage, un atout. Si je suis nommée, j'aimerais bien travailler à éduquer les gens sur la valeur ajoutée ajoutée au plan économique, personnel, social, d'être un pays qui a deux langues officielles. Oui, c'est une valeur fondamentale pour moi, alors c'est facile à faire.

La coprésidente (Mme Finestone): Il nous reste quatre minutes. Madame Fraser.

[Traduction]

Le sénateur Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Madame Adam, je vous souhaite la bienvenue; vous prenez la suite d'une longue liste de commissaires illustres.

J'aimerais saluer, en particulier, votre prédécesseur immédiat, M. Victor Goldbloom. Il vient de ma communauté et je le connais depuis des années. Il a accompli avec la plus grande dignité, distinction et intelligence toutes les tâches qu'on lui a confiées et nous sommes très fiers de lui. Je suis heureuse de vous voir prendre sa relève.

[Français]

J'ai été un peu étonnée -- le mot étonné est peut être un peu trop fort. Je suis perplexe quant à votre réponse à la première question. Il me semble tout à fait approprié que le commissaire aux langues officielles du Canada fasse enquête au sujet de la situation générale des langues officielles dans la région de la capitale nationale et même à travers le pays. Vous serez la seule personne au pays dont la seule fonction sera de s'occuper du sort des minorités linguistiques du pays. Si vous, vous ne vous occupez pas de cela, personne ne va le faire. Vos prédécesseurs ont tous, à un degré plus ou moins évident, profité de ce que Theodore Roosevelt appelait «the pretty pulpit», la très belle plate-forme qu'offre votre position. N'avez-vous pas l'intention d'en faire autant? de suivre cette tradition? Parce que si vous ne le faites pas, qui va le faire?

Mme Adam: J'ai sûrement fait cela dans toutes mes fonctions antérieures. J'ai sûrement l'intention, comme commissaire, de servir et de m'assurer que les droits des minorités et des groupes des langues officielles vivant en milieu minoritaire soient respectés. J'ai peut-être donné l'impression que je ne voyais pas cet aspect du poste du commissaire comme étant central. Si c'est l'impression que j'ai donnée, ce n'était certainement pas mon intention. Le rôle de commissaire en est un de défenseur. Une «ombudspersonne» est essentiellement cela: une personne prête à évaluer les plaintes déposées devant dans des cas de non-respect des droits et des mesures.

Le sénateur Fraser: Je ne parle pas seulement de la Loi sur les langues officielles. Mais prenons le cas de l'hôpital Montfort, par exemple, qui ne relève pas de juridiction fédérale. Vous aurez une position que personne d'autre n'aura. Dans des cas semblables, est-ce que vous n'avez pas un rôle à jouer?

Mme Adam: Sûrement. Le rôle du commissaire est surtout d'instruire. Il est un promoteur qui a le devoir d'encourager et d'influencer. Il a un pouvoir d'influence et de persuasion. Mon expérience m'a enseigné que la meilleure façon de faire cela est d'étudier la question dans son contexte pour s'assurer que lorsque l'on intervient, on le fait de façon intelligente, tout en respectant, bien sûr, nos responsabilités réelles. Mais en même temps, on ne doit pas faire de bévues qui feraient que le gouvernement nous accuse d'interférence, et cetera. C'est un rôle qui exige un jugement nuancé. On travaille dans l'ambiguïté. On agit différemment selon la situation.

Le sénateur Gérald-A. Beaudoin (Rigaud, PC): La Loi sur les langues officielles, je l'ai toujours dit, n'est pas une loi comme une autre. C'est une loi organique, c'est même une loi, à mon avis, quasi constitutionnelle très importante pour l'avenir de notre grand pays, le Canada. D'après moi, le commissaire joue un rôle capital sur ce plan.

Je ne manque jamais l'occasion de souligner que nous ne jouons pas ici avec des nombres: le nombre de francophones et d'anglophones. La Loi sur les langues officielles ce n'est pas cela. C'est une loi organique qui met sur le même pied la langue française et la langue anglaise. C'est cela une langue officielle dans une Constitution.

Je ne manque aussi jamais l'occasion de parler de la fameuse partie VII de la Loi sur les langues officielles. Vous l'avez évoquée indirectement en parlant de promotion. Je suis toujours intéressé, bien sûr, à ce que les deux langues soient traitées sur un pied d'égalié. C'est l'évidence même, c'est le point de départ, mais c'est plus que cela. À mon avis: il faut promouvoir l'égalité du français et de l'anglais.

D'après votre curriculum vitae, vous venez du monde universitaire, que je connais très bien. Vous avez beaucoup écrit. Que pensez-vous de la promotion des deux langues officielles du Canada?

Mme Adam: Il y a plusieurs façons de promouvoir une valeur: lorsque l'on parle d'une réalité qui est vécue au quotidien par certaines personnes dans notre pays ou par un groupe qui n'est peut-être pas confronté au quotidien, comme nous le sommes en Chambre ou au Sénat. Il y a quand même des Canadiens qui vivent soit exclusivement en français, soit exclusivement en anglais, en raison de leur situation de vie. Pour eux le concept d'une dualité linguistique est moins organique, moins intériorisé.

La promotion de ce concept est bien importante pour que tous les Canadiens et les Canadiennes, sans être bilingues, s'approprient cette notion comme étant une de leurs caractéristiques fondamentales. Alors on peut promouvoir cette notion par des gestes, des actions, des conférences éducatives, des recherches ou des rapports.

Il faut favoriser le dialogue avec ces Canadiens qui ne sont pas exposés autant à la dualité linguistique de notre pays. Il faut trouver les moyens pour le faire afin que cette réalité devienne plus présente et non qu'elle demeure un concept théorique. Il faut d'une façon ou d'une autre, par la promotion, favoriser des expériences de rapprochement.

Je ne peux pas vous dire, je réalise que je dois peut-être être plus brève dans mes réponses parce que je vois la liste. À mon avis, examiner les façons est une façon de promouvoir.

Le sénateur Beaudoin: Il y a une variété d'une province à l'autre. On oublie que certaines provinces sont officiellement bilingues, par exemple, le Québec selon l'article 133, le Nouveau-Brunswick, parfaitement bilingue, selon la Constitution. On a vu que le Manitoba était une province bilingue, grâce à la Cour suprême. Je n'en ai jamais douté. Dans d'autres provinces, cela varie d'une province à l'autre. Ceci rend peut-être le rôle du commissaire aux langues officielles un peu plus difficile.

C'est pour cela que ma question porte sur la promotion. Dans certaines provinces, il s'agit de faire ce que la Constitution stipule. Dans d'autres provinces, il faut promouvoir une chose qui n'existe peut-être pas au même niveau. C'est simplement une précision que je vous demandais.

Mme Adam: Quand on parle d'une intervention, je me rapporte à mes expériences de clinicienne auxquelles je faisais référence. La promotion veut changer des mentalités, favoriser quelque chose. Une intervention pour apporter un changement, pour être efficace, doit être conçue en fonction de la réalité locale. Comme vous le soulignez, la réalité canadienne est différente d'un bout à l'autre du pays.

Le commissaire et son équipe doivent absolument définir des interventions différentes. D'ailleurs, les Canadiens et Canadiennes vont apprécier cela. Pour favoriser un changement ou un mouvement, il faut prendre les gens où ils sont et ne pas imposer des modalités d'une façon un peu étrangère. Dans ce sens, on est d'accord.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-Sud--White Rock-Langley, Réf.): Madame la présidente, j'ai tellement de questions à poser que j'aurais du mal à m'en tenir à une ou deux.

La coprésidente (Mme Finestone): Dans ce cas, arrangez-vous pour qu'elles soient courtes.

Mme Meredith: J'aimerais revenir à ce que vous venez de dire, soit la nécessité de respecter les caractéristiques individuelles de toutes les communautés.

Je suis moi-même de la Colombie-Britannique, de la région de Vancouver. C'est une question que j'ai déjà posée devant ce comité parce que c'est du commissaire aux langues officielles que nous parlons. Plus de 50 p. 100 des étudiants dans le district scolaire de Vancouver étudient l'anglais en langue seconde. Or, ils ne sont pas francophones. La réalité de notre pays est en train de changer, et ils sont venus d'ailleurs avec une autre langue maternelle.

Dans ma région, le français est au dixième rang des langues utilisées. Le français vient après l'urdu. Sur la côte Ouest, ce n'est pas le bilinguisme, ce n'est pas le bilinguisme d'Ottawa et de la capitale nationale qui prévaut, c'est un multilinguisme de langues qui n'existait pas jadis au Canada. Pour ces gens-là, le gouvernement ne se rend pas compte que les langues officielles ne sont pas les seules dans leurs communautés.

Quand je vois la Commission des langues officielles et ce comité s'intéresser principalement au français à l'extérieur du Québec, sans chercher à comprendre les autres pressions qui s'exercent sur nos langues officielles dans les communautés francophones et anglophones, c'est une situation qui m'inquiète. J'aimerais être certaine qu'en votre qualité de commissaire vous allez respecter toutes les différences qui existent dans ce pays, tenir compte des pressions exercées sur les deux langues officielles, qu'il s'agisse du français dans le Canada anglophone ou des anglophones au Québec, ou qu'il s'agisse de cette nouvelle réalité, de tous ces groupes linguistiques qui arrivent en très grand nombre et qui exigent des services dans nos hôpitaux et dans nos écoles.

Mme Adam: Je vis et je travaille également dans un environnement comparable à celui de Vancouver; en effet, à Toronto, beaucoup de nouveaux Canadiens arrivent qui parlent diverses langues. Je dois vous dire honnêtement que j'ai entendu à Toronto -- et en particulier en travaillant dans une institution bilingue -- que le français était dépassé en Ontario. Il y a tellement d'autres langues que c'est une question de temps, et le Canada ne pourra pas garder son caractère bilingue. Nous avons toutes sortes d'opinions.

Ce qui est certain, c'est que le Canada est en train de devenir un pays extrêmement diversifié, multiculturel.

Mme Meredith: Je pense qu'on ne comprend pas la dualité lorsque les choses vont trop loin. En Colombie-Britannique il y a plus d'étudiants qui apprennent le français que nulle part ailleurs dans le pays. De plus en plus, les gens veulent apprendre le français, c'est donc loin d'être dépassé. Cela n'empêche que dans certaines régions, ce n'est certainement pas une langue de travail.

Mme Adam: Oui. Dans mon esprit, c'est plus une question de perception. C'est à nous d'encourager -- si toutefois cela relève de notre compétence -- l'élaboration de mécanismes et de programmes pour s'assurer que tous les Canadiens, quelle que soit leur origine, respectent les valeurs fondamentales d'un Canada bilingue, où les deux langues officielles sont le français et l'anglais, et cela, sans porter atteinte aux droits que les gens ont individuellement de garder leur langue maternelle s'il ne s'agit ni du français ni de l'anglais. Le commissaire a donc un rôle d'éducateur à jouer, et je pense en particulier à l'histoire du Canada.

Dans les écoles européennes, les étudiants apprennent véritablement leur histoire. Le concept du bilinguisme a de véritables racines. La pire attitude, c'est de donner aux gens l'impression qu'ils sont bilingues à cause de la Loi sur les langues officielles. Ce sont tous les Canadiens qu'il faut éduquer, et pas seulement ceux qui ne sont pas nés ici. Je connais des Canadiens qui sont nés ici et qui ne savent pas grand-chose de notre passé, qui ne connaissent pas les raisons de la situation actuelle. C'est un domaine où j'aimerais faire quelque chose, si c'est possible.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): C'est certainement une excellente idée.

Mme Meredith: Est-ce qu'à votre avis le rôle de votre commission va plus loin que les services gouvernementaux, pensez-vous qu'elle est là également pour encourager les entités du secteur privé à devenir plus bilingues et à offrir plus de services bilingues?

Mme Adam: Un des derniers rapports du commissaire, un rapport sur les transformations au gouvernement fédéral et la dévolution des pouvoirs du gouvernement fédéral aux provinces ou au secteur privé, posait d'importantes questions à ce sujet. Par le passé, le commissaire n'a pas forcément eu à s'inquiéter des autres organismes qui sont au service des Canadiens. Toutefois, la commission a déclaré clairement que les paiements de transfert et la dévolution des pouvoirs exigeaient une attention immédiate.

Un groupe de travail s'occupe déjà des stratégies et des politiques à envisager et, éventuellement, à appliquer, pour s'assurer que tout transfert de responsabilités du gouvernement fédéral a une autre compétence s'accompagne de garanties pour que les services continuent à être fournis dans les deux langues officielles.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): J'aimerais insister sur l'observation que Mme Adam vient de faire. Comme vous le savez, ce comité va avoir l'occasion de s'entretenir avec Yvon Fontaine, que le Conseil du Trésor a chargé de réexaminer la partie VII de la Loi sur les langues officielles et son application. Il doit comparaître en février. Nous avons un comité d'organisation la semaine prochaine et à cette occasion nous aurons des représentants des Cantons de l'Est. Un comité directeur se réunira immédiatement avant cette audience.

Mme Meredith a posé une excellente question et la réponse a été particulièrement intéressante. Grâce à ce comité nous aurons plus d'informations sur les résultats du transfert des responsabilités.

[Français]

Le sénateur Eymard G. Corbin (Grand-Sault, Lib.): J'ai noté dans les prix et les distinctions qui vous ont été attribués celui de grande «dérangeuse». J'en suis fort impressionné. Cela devrait vous qualifier de façon imminente pour bien remplir votre poste. Vous êtes de formation psychologue. Vous auriez tendance à mettre la pédale douce. D'ailleurs, vous avez fait des commentaires en ce sens. Néanmoins, il arrive des occasions où le commissaire aux langues officielles doit jouer le rôle de grand «dérangeur».

Le premier commissaire aux langues officielles, Keith Spicer, a dérangé énormément de monde. Il fallait le faire. D'autres commissaires étaient plutôt doux dans leur approche. Ils ont parfois manqué la cible à cause de cela. Je voudrais vous encourager à être une grande «dérangeuse». Après tout, la Loi sur les langues officielles existe depuis belle lurette. Il y a encore des problèmes fondamentaux à régler. Est-ce que vous avez l'intention d'être une grande «dérangeuse» madame Adam?

Mme Adam: On dit toujours que le naturel revient au galop. Avec des objectifs très clairs, j'ai une réputation d'être une «dérangeuse» de nature, pas pour n'importe quoi et pas pour n'importe quelle cause. Ceux et celles qui m'ont accompagnée au cours de ma carrière savent que je n'ai pas toujours fait l'unanimité. J'ai souvent été controversée parce que, bien sûr, en travaillant à la défense des francophones, surtout en Ontario, je peux être assez convaincante. Je sais comment monter mes dossiers et habituellement, je réussis. Non, je ne crois pas que je vais décevoir à ce niveau.

M. Eugene Bellemare (Carleton--Gloucester, Lib.): Bienvenue, madame Adam, je crois que je vais aimer votre style. J'ai une question qui concerne un cas particulier. À Ottawa, capitale du Canada, pays des deux langues officielles, les lois sur la radio et la télévision désignent la ville comme un endroit unilingue anglais. Cela va surprendre, mais c'est le cas.

Les distributeurs de câblotélévision, dans notre cas Rogers, ont l'autorité de décider, si oui ou non, il va y avoir un certain nombre de canaux de télévision de langue française sur son câble. À Sudbury et ailleurs en Ontario, des endroits sont désignés bilingues parce que la population française et anglaise s'équivaut assez bien. Dans la capitale nationale, le taux de francophone est élevé, entre 25 et 30 p. 100. Il ne faut pas regarder le nombre de francophones à Ottawa et dans ses banlieues. On devrait plutôt parler de francophilie et de bilinguisme. Ainsi Ottawa, Gloucester et Nepean sont à 98 p. 100 francophiles et à 2 p. 100 francophobes. Au point de vue du bilinguisme, c'est probablement au-dessus de 75 p. 100. Dans la région d'Ottawa-Carleton, le CRTC devrait-il désigner cette partie de la capitale nationale comme étant bilingue aux fins de la télédiffusion?

Mme Adam: Vous m'apprenez une nouvelle, je ne savais pas qu'on pouvait désigner une région bilingue sur la base du pourcentage. Cela m'apparaît une idée plutôt intéressante.

M. Bellemare: J'aimerais que vous décriviez votre style d'opérations dans une situation de conflits comme celui-là. C'est votre style qui m'intéresse et vos intentions.

Mme Adam: Dans une telle situation, j'enquêterais, j'étudierais la question.

M. Bellemare: Cela est fait. Votre commission est prête à vous donner les renseignements. Quelle est votre décision?

Mme Adam: J'ai besoin d'informations additionnelles. J'avoue mon ignorance. Qui a désigné la capitale nationale comme étant une région unilingue? À qui revient cette responsabilité?

M. Bellemare: Au CRTC.

Mme Adams: Le CRTC relève de qui exactement?

M. Bellemare: De la Loi sur la radio et sur la télévision.

Mme Adam: Du ministère du Patrimoine, me dit-on. À ce moment, le CRTC est une agence théoriquement assujettie à la loi.

M. Bellemare: Non, indépendante; je veux revenir à votre attitude envers ce dossier et ce, non pas d'après les règles, non pas d'après votre manque d'expérience et non pas d'après votre manque de connaissances du dossier.

Mme Adam: Je vous révèle un peu mon style en vous demandant ces questions. Il faut d'abord être bien informé. Si vous êtes mal informé, vous allez passer à côté de la cible. C'est la première étape. Après, il faut évaluer les possibilités d'action réelle et recommander quelque chose, le plus fortement possible, au CRTC ou faire des pressions ailleurs. Il y a des gens qui influencent. Il faut agir sur le dossier.

Si je crois que c'est une valeur, sûrement que cela en est une, il faut s'assurer que les services soient accessibles dans la mesure du possible dans les deux langues officielles et qu'on reconnaisse cette région comme bilingue. Je le ferai, mais pas à l'aveuglette, sans savoir les options et la meilleure stratégie pour atteindre mes objectifs.

La coprésidente (Mme Finestone): Je veux vous informer qu'il y aura un vote à 10 h 35. J'aimerais bien que tout ceux qui veulent avoir la parole le disent. Allez-y, monsieur Muise.

M. Mark Muise (West Nova, PC): J'ai été très impressionné par votre curriculum vitae et par vos réponses. Je suis heureux de constater que vous connaissez le coin d'où je viens en Nouvelle-Écosse.

J'ai une question un peu spécifique qui va m'aider à comprendre comment vous allez jouer votre rôle. En Nouvelle-Écosse, dans la municipalité de Clyde-Argyle, nous éprouvons présentement des difficultés. Nous sommes une population francophone dans un milieu anglophone. Pendant plusieurs années, les anglophones et les francophones ont vécu en harmonie. Il y a environ cinq ou six ans, un petit groupe, à cause de la Charte, a décidé qu'il voulait avoir une école homogène. Je ne pense pas que cela soit une mauvaise idée. Mais le problème qui existe provient du fait que le commissaire d'alors n'a écouté qu'une des parties. Il a basé sa décision sur les prétentions de cette partie. Je crois au principe des deux langues officielles. Pour vivre, travailler et représenter cette population, il faut qu'il y ait une harmonie. Présentement, nous éprouvons des difficultés parce qu'un groupe -- qui est la grande majorité des personnes dans cette minorité francophone -- est en train de dire que leur point de vue n'a pas été entendu et respecté. Le petit groupe, un nombre très limité, est en train d'avoir toute la direction.

Ce que j'essaie de dire, c'est que dans cette communauté, il est très important d'écouter toutes les parties. J'ai vraiment peur que nous ne puissions plus vivre en harmonie comme par le passé, puis je voudrais voir cette harmonie se poursuivre.

C'est pour le bien-être de mes communautés, non seulement comme politicien, non seulement comme homme d'affaires, mais en tant que personne qui y demeure. J'ai bien de la difficulté avec cette situation et j'aimerais savoir si vous seriez prête à écouter les deux parties.

Mme Adam: C'est difficile pour moi de commenter parce que je ne connais pas tellement le contexte. J'ai besoin d'une précision. Si je comprends bien, quand vous parlez d'harmonie, c'est au sein de cette communauté d'expression française ou entre les deux groupes?

M. Muise: Il y avait une harmonie à l'intérieur de la communauté d'expression française et entre les francophones et les anglophones. Maintenant, à cause de cela, cela crée un manque d'harmonie à l'intérieur du groupe francophone et aussi un manque d'harmonie entre les anglophones et les francophones parce qu'ils voient un certain groupe dans cette minorité qui est en train de causer des problèmes.

Mme Adam: Je vais limiter ma réponse particulièrement au sein de la communauté francophone, par exemple, qui doit faire des choix. S'il y a un groupe qui veut se prévaloir de ses droits, en raison de la Charte, c'est tout à fait légitime.

Comment la communauté gère-t-elle cela? Des composantes de sa communauté vont dans une direction plus ou moins désirée par l'autre partie. Cela touche une question qui a été soulevée, je crois précédemment: une communauté francophone a droit à cette espèce de diversité d'opinion. À mon avis, ce n'est pas toujours malsain.

Vous êtes dans une situation de changement. Il y a peut-être un besoin de rassembler cette communauté au lieu de la polariser. Il faut qu'on s'assure de les amener à se parler et en fait, à développer leurs propres solutions.

[Traduction]

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Bonjour, madame Adam. Votre CV est particulièrement intéressant et impressionnant. Vous avez étudié dans plusieurs universités, et je vois également, dans votre biographie, que vous vous êtes occupée de groupes et d'organismes francophones, non seulement en Ontario, mais apparemment un peu partout dans le pays.

Avez-vous déjà défendu la cause d'autres groupes minoritaires au Canada? Vous avez dû y réfléchir, car on entend beaucoup dire que les droits des anglophones sont piétinés au Québec. Comment allez-vous défendre les droits des anglophones de cette province? Pouvez-vous nous dire également ce que vous pensez de la loi 101 au Québec?

Mme Adam: Vous m'avez demandé si j'avais défendu les droits d'autres minorités que les francophones. J'ai travaillé en étroite collaboration avec des groupes de femmes. Les femmes ne sont pas vraiment un groupe minoritaire, mais elles sont sans nul doute sous-représentées. J'ai donc travaillé activement, et de façon très personnelle, sur ce genre de dossier.

Lorsque j'étais à l'Université Laurentienne, je me suis occupée de recherches en santé et de développement communautaire. Nous avons organisé un groupe qui s'appelait Self-Help North-Entrée Nord et qui avait également un nom ojibway que je ne sais pas prononcer. J'ai été fondatrice et présidente de cet organisme qui regroupait tous les groupes d'entraide et de soutien mutuel.

La réponse est oui. C'est une partie de ma vie. Évidemment, je m'occuperai des besoins et des préoccupations de chacun, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent et leur origine ethnique.

M. Breitkreuz: Que ferez-vous de concret pour défendre les droits des minorités anglophones au Québec?

Mme Adam: Je ferai la même chose que pour n'importe quel autre groupe. Les anglophones du Québec doivent être considérés exactement de la même façon. Il est vrai que leur situation est différente, mais c'est le cas de tous les groupes. Les Franco-Ontariens et les minorités du Nouveau-Brunswick sont très différents des minorités de l'Ouest. Même parmi les Canadiens anglophones du Québec, je dirais que les Montréalais sont différents des anglophones du nord du Québec.

Pour tous ces groupes, je ferais fondamentalement la même chose. Chaque groupe doit être traité équitablement, à égalité. Dans tous les cas, ce sont des citoyens du Canada et leurs droits sont égaux.

M. Breitkreuz: Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la loi 101 et nous dire s'il vous est arrivé de vous prononcer contre les lois sur l'affichage au Québec?

Mme Adam: Non. Je n'ai jamais pris ce genre de position politique, non.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa--Vanier): Il y a deux choses, une que j'ai entendue et une que j'ai lue, qui me réconfortent. La première est que le gouvernement a fait un choix intéressant en vous choisissant. Vous avez dit ce matin que la dualité linguistique a été un fil conducteur dans votre vie personnelle et professionnelle. Je trouve cela très alléchant comme attitude parce que cela démontre un esprit qui n'est pas replié sur soi-même et qui est ouvert à ce qu'offre essentiellement cette dualité linguistique. Bravo, je vous encourage.

L'autre chose concerne la question de grande «dérangeuse». Je vais renchérir là-dessus et je vais inviter les médias à vous donner ce titre honorifique de commissaire aux langues officielles, la grande «dérangeuse». Il faudrait qu'ils fassent des pressions pour que vous deveniez une grande «dérangeuse». Trop souvent, il y en a qui aiment dire que tout le monde est en train de dépérir, que c'est la fin, incessamment, des communautés francophones au Canada ou des communautés anglophones pour certains au Québec. Sans broyer du noir, il ne faut pas non plus voir la vie trop en rose. Il y a des difficultés.

Dans le milieu, il y a parfois un laxisme institutionnel. Je ne sais pas si cela découle de la nature humaine, mais à mon avis, le rôle du commissaire aux langues officielles est de déranger ce laxisme, de s'assurer que lorsqu'on fait de la dévolution, lorsqu'on conclut des ententes canadiennes entre le gouvernement et les provinces, lorsqu'on vote des lois comme on l'a fait en 1988 en amendant la Loi sur les langues officielles, il faut respecter tout cela. Je vous encourage fortement, à titre personnel, d'être une grande «dérangeuse» et j'espère que vous adhérerez à ce titre que les médias vont vous donner dès demain.

Ceci dit, je voulais faire une petite histoire avant de poser ma question.

[Traduction]

Je vais vous raconter une anecdote au sujet de mon élection partielle. J'ai été élu au Parlement le 13 février 1995 lors d'une élection partielle. Le Parlement avait repris ses travaux le 6 février cette année-là.

Certains collègues de l'Ouest sont venus dans ma circonscription pour me donner un coup de main. C'est une tradition, nous nous aidons mutuellement. Il y avait un candidat réformiste que certains collègues de ce parti connaissent peut-être.

Je ne m'étais pas rendu compte que les gens pouvaient avoir des perspectives très différentes sur cette dualité linguistique, selon l'endroit où ils vivent. Vous pouvez interpréter cette anecdote comme vous le voulez. À cette occasion, les réformistes ont fait preuve de plus d'ouverture, ou peut-être cela tient-il à la dualité de leur discours.

Mes collègues de l'Ouest qui sont venus m'aider voulaient tous ramener chez eux une pancarte du candidat réformiste. Comme tout le monde réclamait une pancarte, et que je ne comprenais pas, ils m'ont dit: «Une pancarte réformiste bilingue! Il faut que nous montrions cela chez nous». Je trouve que c'est assez drôle.

[Français]

Est-ce que vous avez le sens de l'humour? Vous allez en avoir besoin.

Mme Adam: Le titre de grande «dérangeuse», on me l'a déjà décerné pour des actions et des gestes posés dans mes autres fonctions. Si jamais on me donne ce titre comme commissaire, j'espère que je l'aurai mérité. On ne donne pas un titre avant. J'espère pouvoir faire une différence, c'est mon intention, et j'espère faire avancer le Canada. Cela serait ma responsabilité fondamentale comme commisaire.

La coprésidente (le sénateur Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.): Nous devons conclure cette réunion ici, laquelle a été des plus fructueuses. J'ai été prise par votre fil conducteur, la dualité linguistique. Autour de la table, aujourd'hui, certainement que plusieurs personnes ont été accrochées par ce même fil conducteur.

Cette dualité linguistique, selon moi, est passée à l'histoire. Elle est aussi garante de l'unité nationale. J'apprécie votre implication au niveau de la communauté, des «grassroots» comme vous avez dit. C'est la direction que le comité directeur veut prendre pour la prochaine année, suite à la partie VII mentionnée par le sénateur Beaudoin, c'est-à-dire la façon de promouvoir cet épanouisssement.

Je vous félicite et je vous souhaite bonne chance. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Au plaisir de vous revoir à cette table.

La séance est levée.