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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 décembre 1998

• 1625

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité mixte permanent de la Chambre et du Sénat sur les langues officielles.

[Français]

Mme Losier-Cool et moi vous souhaitons la bienvenue.

[Traduction]

Vous êtes tout à fait les bienvenus et je regrette de vous avoir fait attendre.

Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous M. Richards, Nancy Beattie et Erin Mallory. Installez-vous confortablement. Je vous informe que les membres du comité ont reçu votre excellent rapport et qu'ils en connaissent la teneur. Vous avez certainement un exposé à nous présenter et nous sommes prêts à vous écouter.

Vous avez la parole.

M. Gary Richards (président, Association des Townshippers): Je vous remercie.

Je suis Gary Richards et j'ai le grand honneur de présider l'Association des Townshippers.

J'ai à mes côtés Nancy Beattie, l'une de nos anciennes présidentes, et Erin Mallory, notre directrice générale.

L'Association des Townshippers a été fondée en 1979 à l'issue de l'adoption de l'ancienne Loi 22, qui est devenue par la suite la Loi 101. L'Association des Townshippers a saisi au départ cette occasion pour rassembler les forces de la collectivité anglophone des Cantons de l'Est.

[Français]

Comme vous le savez tous, la communauté anglophone, après la présentation de la Loi 22 et l'adoption par la suite de la Loi 101, a éprouvé beaucoup de difficulté à se situer dans le contexte de la société québécoise.

[Traduction]

Au fil des années, et l'on pourrait dire surtout depuis les 10 dernières années, l'Association des Townshippers s'est transformée en une organisation de masse. Nous avons tiré parti du fait que nous vivons au sein d'une collectivité qui historiquement est bilingue et biculturelle.

Ce qui nous préoccupe surtout, c'est le fait que si nous recevons des crédits, en baisse, du gouvernement fédéral, nombre des sujets qui nous intéressent relèvent de la compétence de la province. Vous n'ignorez pas que notre population vieillit rapidement. Comme la plupart et même tous les autres groupes anglophones qui habitent à Montréal ou en dehors de l'île de Montréal, nous voulons que soient adoptés les projets d'ACCÈS pour que nos personnes âgées se sentent mieux à l'aise dans leurs établissements de soins.

Nous nous préoccupons entre autres de la présence fédérale dans les Cantons de l'Est et au Québec. On peut dire, si vous voulez, que dans aucune autre province du Canada il n'existe une telle concurrence pour ce qui est de la présence du gouvernement.

[Français]

Nous sommes engagés, avec nos concitoyens francophones, dans les sociétés francophones de notre région, comme la Société Saint-Jean-Baptiste et Moisson Estrie, ainsi que dans plusieurs dossiers. Nous croyons faire oeuvre plus utile en nous engageant dans le champ des activités quotidiennes plutôt qu'en enseignant l'histoire du haut des gradins. Il ne s'agit pas seulement, en effet, d'assurer le fonctionnement de certaines choses au plan fédéral en ce qui a trait aux langues officielles.

[Traduction]

Je ne suis pas sûr qu'en accordant ses crédits, le gouvernement fédéral se rende bien compte à quel point le citoyen moyen anglophone et bilingue du Québec est en mesure de rehausser la présence fédérale grâce aux activités qu'il déploie au sein de la collectivité.

Je vais maintenant demander à Nancy de poursuivre.

[Français]

Mme Nancy Beattie (ancienne présidente; membre du comité exécutif, Association des Townshippers): Merci.

J'aimerais commencer par vous raconter un peu l'histoire de notre région, qui est pratiquement unique dans la province de Québec. Les premiers colons qui l'ont peuplée ne venaient pas de France, comme ailleurs dans la province, mais de Nouvelle-Angleterre. Ils y sont arrivés il y a environ 200 ans, vers la fin du XVIIIe siècle. Ils sont venus dans les Cantons de l'Est dans l'intention de s'y bâtir un avenir.

• 1630

Mais je ne veux pas m'attarder à raconter toute l'histoire. Qu'il suffise de dire que pendant la première moitié du XIXe siècle, la population s'est augmentée d'immigrants venant d'Irlande, d'Écosse et de Grande-Bretagne, comme de nombreux habitants des seigneuries en bordure du fleuve Saint-Laurent.

[Traduction]

Du fait de la croissance de la population anglophone, qui a atteint un sommet avec 90 000 habitants en 1861, cette collectivité s'est dotée d'un réseau d'institutions—écoles, églises, hôpitaux. Nous avons même eu une banque des Cantons de l'Est ainsi qu'une université qui est toujours là aujourd'hui dans la région. Toutefois, notre population a fortement baissé avec les années. Nous sommes aujourd'hui environ 44 000, ce qui correspond à sept pour cent de la population de la région.

L'une des caractéristiques importantes des Cantons de l'Est, qu'il convient de relever, c'est qu'il existe une longue tradition et un esprit de fraternité entre les deux collectivités linguistiques, entre les anglophones et les francophones. Il est certain que c'est l'un des meilleurs exemples dans la province. C'est particulièrement vrai pour les régions rurales les plus éloignées.

[Français]

Cela veut dire que les deux communautés linguistiques s'entendent très bien, ce dont nous sommes très fiers.

[Traduction]

Notre association cherche à refléter cette coexistence linguistique. Comme l'a fait remarquer tout à l'heure Gary, nous participons à un certain nombre d'activités et d'événements qui renforcent cet esprit de collaboration, qu'il s'agisse de concours littéraires ou de la célébration en commun de la fête annuelle des Cantons de l'Est en automne. Nous participons aussi à d'autres manifestations avec la Société Saint-Jean-Baptiste, à une course de ski, etc. Nous ne manquons donc pas de collaborer avec la communauté francophone, et nous en sommes très fiers.

Il est important de relever par ailleurs qu'après la région de Montréal, les Cantons de l'Est sont parmi les plus bilingues du pays. Près de 40 p. 100 de la population parle couramment anglais et français, ce qui est un très grand atout.

La vie de la région aura été enrichie, mais je dois vous avouer que l'on risque de voir disparaître cette situation. Notre population diminue et nous sommes de moins en moins visibles. C'est très inquiétant.

M. Gary Richards: L'ensemble des groupes anglophones du Québec—nous ne voulons pas parler au nom des autres—partagent les mêmes préoccupations. Non, je ne pense pas qu'il y ait deux communautés anglophones au Québec qui soient exactement les mêmes.

Dans les Cantons de l'Est, nous nous sommes développés au côté de nos voisins francophones. Ceux qui avaient fui la révolution américaine, et auxquels sont venus se joindre les Irlandais, les Écossais et les Britanniques, ont été suivis par les Canadiens français qui, en 1851, fuyaient les seigneuries implantées le long du Saint-Laurent pour venir travailler dans les nouvelles manufactures.

Par conséquent, dans les Cantons de l'Est, voilà deux siècles que nous partageons le même héritage, si vous voulez, et que les anglophones font bon ménage avec les francophones, et aujourd'hui avec les allophones.

Il pourra y avoir une communauté anglophone à Québec et une autre à Huntingdon. Ce sont là des exemples classiques de communautés qui coexistent en paix, mais leurs particularités et leur évolution historique ne sont pas les mêmes dans chaque cas.

Il est donc très important que l'on vous rappelle que même si vous débattez généreusement de la possibilité d'accorder une enveloppe budgétaire à la collectivité minoritaire au Québec, il y a des particularités, des préoccupations et des exigences différentes à l'intérieur de cette collectivité.

Ce que nous essayons de faire dans les Cantons de l'Est, par exemple... et je dois vous rappeler que nous parlons ici d'une population dont on dit, je cite Statistique Canada,

[Français]

en 1992, je crois, 68 p. 100 de la population anglophone des Cantons de l'Est vivait avec un revenu de 20 000 $ par année ou moins.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je dois vous dire que je suis contente de voir que vous apportez ce correctif, parce que vous parlez ici de 10 000 $ dans votre rapport, et je me demandais comment c'était possible.

M. Gary Richards: Ces 10 000 $ se rapportent à un plus faible pourcentage. Je voulais vous impressionner davantage, madame Finestone.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je dois vous avouer que j'ai cru tomber en bas de ma chaise.

• 1635

La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Mais ce chiffre est juste aussi?

M. Gary Richards: Ces 10 000 $ sont exacts, mais ils s'appliquent à un plus faible pourcentage. C'est 20 000 $ au maximum pour 68 p. 100 de la population. Bien évidemment, ce ne sont pas là les dernières statistiques, car elles n'ont pas été publiées.

C'est un exemple typique.

[Français]

L'Association des Townshippers est membre de Moisson Estrie.

[Traduction]

Moisson Estrie est une banque alimentaire communautaire qui dessert 140 organisations dans l'ensemble des Cantons de l'Est. Avant hier, trois églises protestantes nous ont appelés pour nous dire qu'elles avaient besoin d'un crédit d'urgence pour 47 familles—et non pas seulement pour le mois de décembre. Tout le monde s'occupe de la campagne des paniers de Noël, mais il y a des gens qui ont faim et qui sont nécessiteux dans l'ensemble des Cantons de l'Est.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Tous les jours.

M. Gary Richards: Vous allez maintenant me demander ce que cela a à voir avec la langue? La relation est évidente. Nos voisins francophones se rendent compte aujourd'hui que nous ne sommes pas tous riches et pleins d'argent. Nos voisins francophones comprennent de plus en plus que nous voulons avoir des relations de bon voisinage et je pense que notre action et que nos activités renforcent la présence fédérale en ce qui nous concerne, simplement parce qu'il s'agit d'une relation de citoyen à citoyen.

Je vais vous raconter deux anecdotes courtes, mais révélatrices.

Vous avez tous entendu parler l'année dernière de la grande bataille que l'on a menée contre Hydro-Québec, les lignes d'Hydro- Québec traversant Richmond. De l'autre côté, des gens dans ma situation, des gens qui habitent à South Stukley et dans toute la région qui va jusqu'à la frontière du New Hampshire, ont été soumis à d'incessantes enquêtes publiques devant permettre le passage d'un gazoduc. Au sein de nos différentes coalitions de citoyens, nous avions des souverainistes et des fédéralistes, des nouveaux venus ainsi que des agriculteurs n'ayant que trois années de scolarité, et nous nous sommes tous rendu compte finalement que nous étions avant tout des voisins, que nous soyons francophones ou anglophones, souverainistes ou fédéralistes.

Ce que nous voulons vous faire comprendre ici, c'est que les relations de voisinage, qui sont susceptibles de renforcer la présence fédérale, ne se ramènent pas simplement à différentes catégories d'enveloppes.

Nous avons des membres qui font jusqu'à 140 kilomètres de déplacement pour venir assister aux réunions de notre conseil d'administration, qui compte 29 membres. Lorsque la réunion a lieu en décembre, janvier, février ou mars, vous pouvez imaginer les complications que cela entraîne. Lorsqu'on cherche ensuite à répartir les fonds entre notre comité des services sociaux et de santé, notre structure de coordination avec la Société Saint-Jean-Baptiste ou encore les activités que nous organisons avec les étudiants de l'université, nous cherchons à couvrir toute la gamme des services, mais étant donné la nature du financement, nous avons aujourd'hui le sentiment—et nous sommes en partie responsables étant donné que nous avons accepté au départ un financement de base—qu'il y aurait beaucoup à redire. Nos crédits ont diminué d'environ 70 000 $ en six ans.

N'oubliez pas que dans les Cantons de l'Est—et je suis sûr qu'il en est de même dans nombre de régions rurales du Québec—il n'y a pratiquement pas d'entreprises ou d'industries susceptibles de nous accorder de grosses subventions. Il nous faut avant tout compter sur nos campagnes de financement et sur les subventions du gouvernement.

Voilà donc l'une de nos particularités.

Nancy, vous voulez poursuivre?

Mme Nancy Beattie: D'accord.

Cela revient en fait à dire qu'il nous faut maintenir la vitalité et la permanence de notre communauté. Notre association s'y est bien entendu employée et s'est efforcée de renforcer notre communauté, que ce soit en encourageant les jeunes entrepreneurs ou en mettant sur pied des programmes susceptibles d'intéresser la région d'un point de vue économique et social. Nous avons entrepris toute une série de choses.

Nous essayons d'inciter les gens à revenir dans la région et nous aimerions évidemment qu'ils soient plus nombreux à élire domicile chez nous étant donné que comme l'indiquent les statistiques qui figurent dans notre mémoire, nous avons perdu une bonne part de notre population, notamment chez les jeunes. Nous avons effectué nous-mêmes des études qui nous l'indiquent que la population diminue.

Tout cela pour dire que nous avons évidemment besoin de l'appui du gouvernement fédéral. Comme l'a indiqué Gary, nous pouvons contribuer à renforcer cette présence, si vous voulez, mais elle est jusqu'à un certain point indispensable pour garantir notre vitalité et notre survie.

• 1640

M. Gary Richards: Il vous faut aussi bien comprendre que d'un point de vue économique, la population anglophone du Québec est terriblement sous-représentée par la fonction publique tant fédérale que provinciale. La plupart des jeunes anglophones, et la plupart des autres, doivent créer leurs propres entreprises s'ils veulent rester dans les Cantons de l'Est.

L'absence de débouchés est chronique. Nous sommes constamment en train de faire du rattrapage. Nous essayons d'instaurer des programmes. Nous nous efforçons de donner des conseils. Nous cherchons à aider les gens à étoffer leur curriculum vitae mais, en dernière analyse, la plupart des anglophones à l'heure actuelle, ainsi que la plupart des allophones et de plus en plus, la plupart des jeunes francophones, qui trouvent ou qui occupent un emploi dans les Cantons de l'Est doivent le créer eux-mêmes. Les Cantons de l'Est sont pris en sandwich dans le triangle que constituent Montréal, Québec et Boston. Il devient de plus en plus évident que nous avons besoin d'un plus grand nombre de ressources pour trouver des solutions communautaires à un certain nombre de ces difficultés.

Je vous rappelle que récemment un des membres de notre association nous a fait une observation. En passant, je vous signale que nous avons 6 000 membres sur une population de 45 000 personnes. Je pense que cela montre assez bien que l'on respecte ce que nous faisons. Je pense qu'il s'agissait dans ce cas d'un homme qui s'était présenté dans une succursale de la Banque de la Nouvelle-Écosse, je crois; il n'y a pas à en faire un secret. Il n'y avait aucune information bancaire en anglais. Bon, c'est une chose. Il est probable que si vous écrivez au vice-président chargé des relations publiques à la Banque de Nouvelle-Écosse au Québec, il vous renverra au vice-président régional, qui vous renverra au directeur de la succursale.

[Français]

On regarde la taille de la clientèle, et cela ne suffit pas. Il n'y a pas assez d'anglophones pour justifier la mise sur pied d'un tel projet.

[Traduction]

Nous essayons de faire comprendre à la plupart de nos voisins francophones et c'est aussi dans leur intérêt, de même que nous le dirions à un responsable d'hôpital, que si un skieur de Boston se cassait la jambe au Mont Sutton ou au Mont Orford, une société qui se respecte ne va absolument pas craindre que la langue française disparaisse si elle offre des services médicaux de base en anglais.

Par conséquent, nous avons décidé non seulement de contacter la Banque de la Nouvelle-Écosse au Québec—en partant de l'hypothèse que nous cherchons à contacter tout le monde—mais nous avons demandé par ailleurs à cette banque quelle était aussi sa politique vis-à-vis des francophones dans les autres provinces. Même si nous avons le sentiment que notre évolution est différente étant donné que nous sommes ici depuis plus de 200 ans, nous estimons que toutes les mesures que nous prenons doivent en quelque sorte être en rapport avec ce que font nos voisins francophones dans les autres provinces.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Richards, ce que vous avez à nous dire est très important et nous intéresse tous mais, étant donné que notre temps est limité—il y a un vote à la Chambre—il serait peut-être important que vous nous exposiez votre situation financière particulièrement précaire. Expliquez-nous pour quelle raison le personnel du ministère du Patrimoine canadien fait preuve d'un manque de compréhension—et vous n'êtes pas le premier groupe à nous en parler—et se montre insensible aux différences entre les régions ainsi qu'entre les milieux urbains et ruraux, et indiquez-nous pour quelle raison le traitement que vous accordait DRHC était différent.

Pouvez-vous nous expliquer la différence de traitement et de dotation en personnel selon que l'on a affaire à DRHC ou au ministère du Patrimoine canadien? Si vous vous reportez à la page 11 de votre mémoire, cela vous rafraîchira éventuellement la mémoire.

M. Gary Richards: L'une des difficultés, madame Finestone, lorsqu'on est président des Townshippers, vient du fait que lorsqu'on prend ses fonctions à un moment donné on n'hérite pas nécessairement de l'ensemble des dossiers.

Tout d'abord, si je comprends bien—vous me corrigerez si je me trompe; je ne suis président que depuis trois mois—le gouvernement fédéral a décidé, par l'intermédiaire d'un organisme quelconque du gouvernement fédéral, d'informer les groupements minoritaires du Québec que s'ils voulaient continuer à recevoir certains crédits, cela se ferait d'une certaine manière. Il y aurait un financement de base d'un certain montant qui, je vous le signale, a nettement diminué, s'accompagnant d'un financement accordé à des projets spéciaux devant être évalués.

Les Townshippers n'étaient pas signataires à l'origine. Je ne sais pas qui l'était et qui ne l'était pas.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Nous savons tous cela.

M. Gary Richards: Ah, très bien.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ce que nous voulons savoir, c'est la différence selon que l'on a affaire à DRHC—et vous êtes peut-être en mesure de nous répondre, Erin—ou au ministère du Patrimoine canadien?

M. Gary Richards: J'ai dit au tout début que nous avions chacun notre personnalité. Chaque groupe et chaque région ont évolué différemment. Nous sommes terriblement dépendants des bénévoles et nous ne pouvons pas passer 30 p. 100 de notre temps à concevoir des projets et à chercher à les faire adopter.

• 1645

Mme Nancy Beattie: Je pense que l'un des gros malentendus que nous avons rencontrés auprès de certains ministères du gouvernement fédéral vient du fait que l'on comprend mal la composition de la communauté anglophone au Québec.

On ne se rend absolument pas compte qu'il n'y a pas d'organisation à l'échelle de la province, qu'il y a en fait huit associations régionales. Il y a sept groupes sectoriels et nous représentons effectivement nos propres régions. Nous avons des intérêts différents.

Les réalités ne sont pas les mêmes à Montréal que dans nos communautés rurales et très dispersées. C'est quelque chose dont il faut tenir compte à mon avis. Il est évident que ce n'est pas le cas. Il semble qu'il y ait un certain manque de sensibilisation dans certains ministères du gouvernement fédéral.

Je veux dire par là que nous ne sommes pas Alliance Québec. C'est l'un des gros malentendus. On part du principe que tout cet argent est versé à Alliance Québec et que l'ensemble de la communauté reçoit des services de cette organisation, ce qui n'est tout simplement pas le cas. Il est évident que c'est quelque chose que nous tenons à faire savoir aujourd'hui au comité.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je vous remercie.

Pourriez-vous conclure pour que nous puissions vous poser des questions?

M. Gary Richards: Disons, pour citer un poète fameux, que nous aimerions que vous nous aidiez à trouver les conditions gagnantes pour faire mieux notre travail.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je peux vous dire que je serais très heureuse que ce soit nous qui trouvions les conditions gagnantes.

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie de votre exposé, mesdames et messieurs.

J'ai une question à vous poser au sujet du financement. Le tableau qui figure à la fin de votre mémoire indique que les crédits versés s'élèvent en moyenne à 2,33 $ par personne. Est-ce pour l'ensemble de la province du Québec ou pour chacun des anglophones? À quoi ce chiffre correspond-il?

M. Gary Richards: C'est pour chacun des résidents anglophones lorsqu'on établit à environ 800 000 le nombre d'allophones et d'anglophones au Québec. Voilà comment se fait le calcul.

Nous voulons qu'il soit bien clair, cependant, que si nous touchons 2,50 $ par tête alors qu'au Yukon c'est 363 $, nous ne voulons pas que les deux choses soient mises sur le même plan, parce que ce n'est pas la même chose.

M. Peter Goldring: Pourquoi pas?

M. Gary Richards: Parce que les membres de la communauté francophone du Yukon ont un besoin bien plus grand de certaines choses qu'ils n'ont jamais eues. Nous ne voulons donc pas nécessairement obtenir 363 $ par personne. Ce serait exagéré.

Mme Nancy Beattie: Puis-je ajouter quelque chose?

Depuis que ces chiffres ont été établis et que le gouvernement fédéral a établi ses priorités de financement et alloué les différents crédits, je crois que quelque chose a changé au sein de la communauté anglophone. À l'époque, nous avions des institutions et un grand nombre d'organisations et de groupements communautaires. Avec le déclin de notre communauté, nombre de ces associations ont disparu.

Certains crédits ont été affectés en partant du principe que nous n'avions pas besoin de ce financement parce que nous disposions de ces groupes. Cependant, nous n'avons plus aujourd'hui ces groupes pour soutenir la communauté.

M. Peter Goldring: Ne pensez-vous pas cependant qu'il y a un écart assez considérable lorsqu'on part de ces 2,33 $? Vous voulez davantage de crédits pour votre communauté. Grâce au financement dont vous disposez, est-ce que vous faites des pressions sur le gouvernement provincial pour qu'il apporte certaines modifications, concernant par exemple la réglementation de l'affichage? Est-ce que vous exercez des pressions sur le gouvernement provincial ou est-ce que vous consacrez purement les crédits à la communauté?

M. Gary Richards: Tout d'abord, nous n'avons pas affaire aux partis politiques, mais aux gouvernements. Étant donné qu'au départ notre politique avouée est d'être un bon voisin, pour remédier à certaines de nos difficultés, telles que l'application de plans d'ACCÈS en anglais aux services médicaux de base, nous avons rencontré le conseil des syndicats, parce qu'il s'agit souvent d'un problème se rapportant au milieu de travail. La loi 101 nous confère le droit de travailler dans notre propre langue. Nous essayons de convaincre nos voisins francophones que nous n'avons jamais rencontré de francophones devenus moins francophones après avoir appris une deuxième ou une troisième langue.

Il y a une telle polarisation des opinions au sein de la société québécoise que nous nous efforçons d'étendre notre réseau en faisant uniquement appel à de bonnes relations de voisinage.

Mais effectivement, nous avons rencontré tous les élus provinciaux lors des deux dernières élections pour essayer de faire appliquer la loi en ce qui concerne les projets d'ACCÈS.

M. Peter Goldring: Est-ce que votre groupe a par exemple transmis de manière formelle des plaintes, des observations ou des conseils au gouvernement provincial? Que pense votre groupe des lois linguistiques du Québec? Si elles sont considérées comme étant restrictives, ne s'agit-il pas là de l'un des problèmes permanents auquel il faut remédier par des crédits pour préserver la langue anglaise, par exemple?

M. Gary Richards: Oui et non. Nous estimons que tous les changements susceptibles d'être apportés aux lois linguistiques du Québec devront être recommandés par la majorité plus large.

• 1650

Nous estimons donc qu'en étant de bons voisins et en participant dans nombre de domaines à la vie quotidienne du Québec, que notre présence, notre contribution, dans la mesure où nous avons les ressources pour le faire, seront bénéfiques pour le gouvernement fédéral parce que la participation anglophone réapparaîtra plus fermement ancrée dans la vie quotidienne de la société québécoise.

M. Peter Goldring: Vous nous dites dans votre mémoire que le bilinguisme n'est pas accepté au Québec. Avez-vous le sentiment que le Québec souhaite davantage être unilingue?

Mme Nancy Beattie: Il faut que je vous fasse un résumé historique ici. Notre association a toujours été favorable aux lois linguistiques du Québec parce qu'elle estime que rien ne s'oppose à ce que l'on appuie la langue française. Nous reconnaissons que nous sommes une minorité dans une province en majorité francophone. Toutefois, nous nous opposons totalement à l'esprit de cette loi et nous détestons la façon dont elle a été appliquée.

M. Peter Goldring: Effectivement, parce que vous mentionnez que l'anglais n'est pas une langue officielle.

Mme Nancy Beattie: Non, ce n'est pas une langue officielle au Québec.

M. Gary Richards: Toutefois, je dois vous dire une chose, et ce n'est peut-être pas ce que vous voulez entendre. En tant que Canadien, j'ai eu la chance de grandir dans les Cantons de l'Est. Toute ma vie, j'ai parlé anglais et français, et c'est une joie pour un Canadien.

L'Association des Townshippers est fermement convaincue que si le Québec redevenait entièrement bilingue, la langue française se mettrait à disparaître en moins de dix ans. Nous ne voulons pas de cette situation. Toutefois, la communauté anglophone est si isolée que pour être viable il nous faut participer dans les mêmes conditions en faisant savoir à nos voisins francophones que nous sommes de bons citoyens et de bons voisins. Ce n'est qu'alors, à notre avis, qu'ils pourront se sentir suffisamment sûrs d'eux-mêmes pour songer à inverser certaines de ces tendances linguistiques.

M. Peter Goldring: Comment donc conciliez-vous cela avec le fait que le premier ministre Bouchard déclare à l'étranger que Montréal est bilingue? Comment concilier les deux choses?

M. Gary Richards: Vous savez, c'est drôle. Nous avons eu de très nombreux contacts avec les représentants du PQ qui ont été récemment battus aux élections. Nous considérons que la population anglophone du Québec peut être le meilleur porte-parole du Québec à l'extérieur de la province et, par conséquent, le meilleur porte- parole pour le Canada.

Nombre de ceux d'entre nous qui habitent dans les Cantons de l'Est et qui possèdent leurs propres entreprises—ce sont de petites entreprises et elles deviennent de plus en plus petites parce que nous travaillons beaucoup en tant que bénévoles—estiment être bien mieux placés que M. Bouchard et que M. Landry mis ensemble pour défendre la cause du Québec à l'extérieur du Québec, à l'extérieur du Canada et dans les pays francophones. Nous travaillons et nous vivons dans cette province. Nous avons un sentiment d'appartenance. C'est notre chez-nous.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Une dernière question, Peter.

M. Peter Goldring: Quel est le sentiment de votre groupe par rapport à celui de l'Association des gens d'expression anglaise de la vallée de Châteauguay? Où se situent les allophones du point de vue linguistique?

M. Gary Richards: En ce qui me concerne, tout le monde est sur le même pied d'un point de vue linguistique, que l'on soit membre d'une communauté des Premières nations ou autre. La langue prédominante et d'expression du Québec est le français. Je n'ai aucune difficulté à l'admettre. Cela ne remet absolument pas en cause l'Association des Townshippers.

Toutefois, il n'y en a pas moins une histoire et un sentiment d'appartenance et sur un certain nombre de points fondamentaux, il convient de faire machine arrière pour le plus grand bien du gouvernement québécois, quel qu'il soit, et pour le plus grand bien de la population francophone en général. Nous considérons que si nous ne sommes pas partie prenante et si nous n'avons pas les ressources pour agir efficacement, nous allons perdre la bataille et la fédération va perdre la bataille.

M. Peter Goldring: Je vous remercie.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup. Monsieur Plamondon.

[Français]

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Merci d'être venus comparaître devant ce comité. J'ai trouvé certaines de vos réponses à M. Goldring extrêmement honnêtes et correctes, par exemple lorsque vous avez dit que la communauté française serait en péril au Québec même, sans le soutien d'une loi linguistique. Nous sommes 3 p. 100 de francophones en Amérique du Nord et si nous n'avions pas de loi linguistique pour nous défendre... Bien sûr, il ne faut pas le faire au détriment d'une autre minorité. Je reconnais que quelques ajustements devraient être apportés, que vous soulignez avec pertinence et objectivité.

Je sais que plusieurs gens de la presse anglaise sont ici et qu'ils ont une perception unidimensionnelle des anglophones du Québec, alors qu'il existe au contraire une grande diversité d'opinions chez les anglophones, comme chez les francophones. Les francophones se partagent, à 60 et 40 p. 100, entre souverainistes et fédéralistes au niveau politique, et aussi au niveau des partis. Il en va de même chez les anglophones, qui sont souvent divisés dans leur façon d'intervenir auprès du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial.

Je fais une seule petite remarque en passant, pour le bénéfice de M. Goldring.

• 1655

À la dernière élection provinciale, un anglophone du Québec a été élu député du Parti québécois. Il s'agit de M. David Payne. Donc, au Québec—vous le reconnaissez et vous devez en côtoyer aussi comme moi—il y a même des anglophones qui sont souverainistes. On se souviendra du cas de cet anglophone qui s'était adressé à M. Chrétien. Il y avait presque eu une bataille. C'était un anglophone de l'Outaouais qui était souverainiste et militant souverainiste.

Il y a donc une diversité chez les anglophones, et c'est bon que vous donniez un autre son de cloche et fassiez connaître votre façon de voir. On estime aussi, pour votre information, madame la présidente, qu'entre 70 000 et 75 000 anglophones ou allophones ont voté «oui» au dernier référendum, ce qui constitue 5 p. 100 de la population. Puisque que 95 p. 100 ont voté «non», 5 p. 100 ont voté «oui», n'est-ce pas? Cela donne à peu près 70 000.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): C'est une analyse que vous faites à votre façon et ce n'est pas intéressant.

M. Louis Plamondon: Cependant...

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): La question était trop compliquée...

M. Louis Plamondon: Nous nous retrouvons donc face aux faits que vous décrivez. Vous êtes une minorité au Québec—vous l'avez reconnu et je vous en remercie—moins en péril que la minorité francophone hors Québec. Même le commissaire aux langues officielles reconnaissait cela. Je pense que tout le monde au Canada reconnaît que, s'il y a une minorité en voie de disparition ou en difficulté, c'est bien celle des francophones. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas aider aussi les anglophones du Québec, bien au contraire.

Il y a eu des coupures énormes, au niveau du gouvernement fédéral, dans le soutien aux groupes minoritaires, coupures qui ont fait mal à votre groupe et qui ont aussi fait énormément mal aux francophones hors Québec.

Toutefois, je me trouve dans la situation où je dois dire quoi faire à mon gouvernement. Or, si j'analyse la situation des anglophones au Québec et celle des francophones hors Québec, je me rends compte que les francophones hors Québec ont plus de difficulté. Je me dis donc qu'il vaut mieux mettre plus d'argent là qu'ailleurs.

C'est un peu pourquoi il y a des différences par rapport au montant accordé par tête de pipe; selon l'endroit, c'est 2 $, 5 $ ou même 400 $ dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y a des différences qui sont facilement explicables. Cela n'a pas été décidé au hasard. Cela a été fondé sur des analyses statistiques, celles de Statistique Canada, celles de spécialistes qui sont venus conseiller le gouvernement, qu'il soit libéral, conservateur ou de quelque autre couleur. C'est la même chose quant à l'analyse de la situation.

Ainsi, quand vous parlez de soins de santé, il n'y a que deux provinces au Canada où la loi exige que la prestation des services de santé se fasse dans la langue du malade: ce sont le Nouveau-Brunswick et le Québec. Dans les autres provinces, la loi n'oblige pas à servir les francophones dans leur langue. On voit la bataille que doit mener Montfort en Ontario, par exemple.

Les dernières statistiques du recensement indiquent que la minorité anglophone au Québec est stable. Du train où vont les choses, pendant les cinq prochaines années, elle sera stable. Par contre, l'autre minorité sera en diminution grave, même au Nouveau-Brunswick, durant les cinq prochaines années.

Donc, vous comprenez qu'avec les mêmes sommes, ma priorité sera les francophones hors Québec. Mais si on a plus d'argent, je serai très heureux...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Avez-vous une question?

M. Louis Plamondon: Non, mais je situe cela...

M. Gary Richards: On n'aura pas le temps...

M. Louis Plamondon: On va prendre le temps voulu parce que j'aimerais bien avoir une discussion avec vous.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Avez-vous une question à poser?

[Français]

M. Gary Richards: J'aimerais dire à tous les membres de ce comité que je vous souhaite que votre logique ne soit pas appliquée aux fonctionnaires d'expression française du Québec au gouvernement fédéral.

M. Louis Plamondon: Dans quel sens?

M. Gary Richards: Parce que quand vous dites que les anglais sont très choyés, cela relève d'une mentalité avec laquelle vous avez grandi. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Nous souhaitons tous la meilleure chance à nos concitoyens francophones du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Quant à nous, au Québec, nous avons largement contribué à la création de nos propres institutions, de nos hôpitaux et de nos universités.

M. Louis Plamondon: Oui.

M. Gary Richards: Pourriez-vous imaginer Camille Laurin ou Louise Beaudoin dire que l'an prochain, on va donner un hôpital aux anglophones, qui sont des gens bien corrects et qui paient leurs taxes?

M. Louis Plamondon: Oui, mais vous les avez, les hôpitaux.

M. Gary Richards: Nous les avons créés nous-mêmes, et c'est pourquoi nous les avons. Ce n'est pas grâce à une élite tolérante...

M. Louis Plamondon: Je n'ai pas dit que vous ne les aviez pas créés.

• 2700

M. Gary Richards: Non, mais il faut énormément de fine tuning pour que notre réseau, qui est là depuis près de deux siècles, puisse résister aux coupures substantielles. On veut que nos concitoyens francophones et anglophones jouissent des même droits. Mais vous comparez des oranges et des bananes. Si la population anglophone réussit à demeurer stable au cours des prochaines cinq années, ce sera parce qu'il y aura eu une injection énorme d'autres gens qui sont reliés.

[Traduction]

Ils ont en commun le fait de parler anglais. L'évolution culturelle de la population anglophone est différente elle aussi. Ce n'est pas simplement une donnée statistique. Nous voulons que le gouvernement fédéral nous aide à être de bons citoyens en anglais comme en français, dans les deux langues officielles. Nous pourrons faire bien davantage pour nos concitoyens francophones dans les autres provinces si l'on nous appuie suffisamment dans la nôtre.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je vous remercie.

[Français]

M. Louis Plamondon: J'aurais aimé continuer parce que je pense qu'on essaie de dire la même chose.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Plamondon, vous verrez dans quelle mesure vous dites bien la même chose lorsque d'autres auront eu la possibilité de prendre la parole. Je vous remercie.

Le sénateur Robichaud.

[Français]

Le sénateur Louis J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): J'ai beaucoup aimé les propos qu'ont tenus nos deux témoins. Ils ont décrit une situation qui ressemble beaucoup à celle des minorités francophones hors Québec. J'ai personnellement vécu une situation semblable, je la vis encore et on en souffre. Vous êtes venus ici pour réclamer que le ministère du Patrimoine canadien vous donne une plus grande aide, et je crois que vous avez parfaitement raison. Les minorités francophones réclament la même aide et elles ont aussi parfaitement raison.

Vous avez raison de dire qu'une grande harmonie règne entre les anglophones et les francophones dans votre milieu. Je le sais par expérience. J'ai connu un couple marié de Huntington qui était parfaitement bilingue et qui n'entretenait absolument aucune rancoeur envers qui que ce soit. Un conjoint est francophone et l'autre est anglophone. J'aimerais savoir si cette harmonie qui règne chez vous repose sur les principes que je connais.

Par exemple, chez vous, lorsqu'un groupe composé d'un anglophone et de quatre francophones, ou d'un anglophone et de neuf francophones, se rencontre, la conversation a-t-elle lieu en français ou en anglais?

M. Gary Richards: Il y a 10 ans, la conversation aurait probablement été tenue en anglais, mais depuis sept ou huit ans, une telle conversation est sans aucun doute entièrement en français. C'est ce que j'observe habituellement dans les Cantons de l'Est, lorsque je voyage par affaire ou que je rencontre des étudiants. Lorsqu'il y a deux ou trois interlocuteurs de chaque langue, c'est comme le robinet: l'eau chaude et l'eau froide se mêlent. Tout le monde échange et tout le monde parle.

[Traduction]

Ils ne se rendent même pas compte dans quelle langue ils parlent, cela leur vient tout naturellement.

[Français]

S'il y a cinq ou six anglophones qui discutent avec deux francophones, on parlera habituellement, par estime, en français.

Le sénateur Louis Robichaud: Je suis très heureux d'entendre cela parce que c'est l'inverse ailleurs.

M. Gary Richards: C'est comme cela.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Comment peut-on alors maintenir un lien culturel, si l'on procède ainsi?

M. Gary Richards: Qu'entendez-vous par «lien culturel»?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Eh bien, vous avez dit—et ce n'est pas à moi d'intervenir sur ce point—que la langue et la culture sont synonymes au niveau de l'expression, par exemple, et je me demandais simplement quel était le rapport avec la question du sénateur Robichaud.

[Français]

Le sénateur Louis Robichaud: Je suis heureux de votre réponse.

[Traduction]

M. Gary Richards: J'ai grandi à Sherbrooke et je parlais français parce que j'étais gêné par le fait que nombre de mes concitoyens ne pouvaient ou ne voulaient pas parler français. J'ai mis un point d'honneur à parler français le plus souvent possible.

• 1705

Aussi longtemps que je m'en souvienne, ces dernières années, il me semble que l'on n'y pense même plus. Nous cherchons uniquement à communiquer. Bien évidemment, la plupart des francophones de ma connaissance, même les plus nationalistes, lorsqu'ils envisagent de préparer leur voiture pour l'hiver disent «la crisse de clutch» ou, s'ils font autre chose, «il faut booster cela».

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Est-ce que vos concitoyens sont essentiellement bilingues, comme vous l'êtes?

M. Gary Richards: Au sein de notre association, il y a des gens qui habitent dans les régions rurales et qui n'en ont jamais eu besoin. Il y a des agriculteurs qui font leur demande de quotas laitiers et d'autres formalités et qui ont toujours eu une connaissance sommaire du français. Il y en a d'autres, comme moi, qui habitent en ville et qui se sont davantage intégrés aux deux communautés et qui ont le plaisir de parler couramment les deux langues.

Si une personne âgée anglophone n'a jamais assimilé la langue française, elle n'en a pas moins le droit d'être soignée en anglais dans un hôpital. La génération suivante n'aura pas les mêmes difficultés, mais nous devons cela aux autres, il en va de leur dignité.

Le sénateur Louis Robichaud: Je suis très satisfait des réponses qui ont été données à cette question. Pour prouver que je suis bilingue moi aussi, je vais vous demander...

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Dans une minute.

[Traduction]

Le sénateur Louis Robichaud: Oui, mais je n'ai pas eu tout le temps qui m'était imparti. C'est la présidente qui s'en est servie.

[Français]

M. Gary Richards: Je crois que si on pouvait donner le ton dans les Cantons de l'Est, on pourrait réveiller beaucoup de communautés à l'extérieur du Québec où il y a un bon équilibre entre les anglophones et les francophones. Les anglophones des autres provinces du Canada doivent prendre conscience du fait que la langue française est fragile en Amérique du Nord et qu'ils doivent travailler à la renforcer, parce qu'elle fait partie de notre identité comme Canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Louis Robichaud: Vous avez indiqué que vos difficultés étaient essentiellement économiques. Nous en sommes conscients; vous n'êtes pas les seuls à en souffrir.

Vous avez aussi mentionné que bien des gens de votre communauté ont dû quitter la région en raison de la situation économique. Quel est le pourcentage d'anglophones et de francophones qui ont quitté la région?

M. Gary Richards: Les Cantons de l'Est fonctionnent toute l'année comme une région touristique et il est donc évident que les jeunes francophones sont eux aussi nombreux à partir pour aller gagner leur vie ailleurs, parce qu'il n'y a plus d'emplois publics dans l'un ou l'autre des gouvernements et parce que la situation n'est pas vraiment florissante sur le plan de la création d'emploi.

Notre association cherche à faire de son mieux. Nous avons aujourd'hui un projet en cours—et il faut du temps, parce que nous sommes disséminés sur 120 000 kilomètres carrés—qui s'intitulent «Bonjour Neighbour», et que nous cherchons à mettre en oeuvre systématiquement.

Ainsi, nous faisons en sorte que les étudiants de l'université de Sherbrooke viennent rencontrer les étudiants de l'université anglophone, les anglophones rédigeant les curriculum vitae en anglais pour le compte des francophones, et vice versa. Ils peuvent se rencontrer, échanger leurs points de vue et prendre des décisions sur différents points.

Éventuellement, les enseignants qui siègent au sein de notre conseil vont se réunir pour corriger la grammaire dans les deux cas. Toutefois, il s'agit là d'une toute autre dimension.

Les étudiants constituent donc la relève lorsqu'il s'agit de relancer notre communauté.

À l'autre bout, il y a la grande majorité des personnes âgées qui reçoivent des soins. Nous demandons qu'ils bénéficient des services essentiels dans leur langue.

Sur un autre plan, les Townshippers participent à un concours littéraire avec la Société Saint-Jean-Baptiste.

Je vais vous donner un exemple. La mine Magnola va dans un délai d'un an et demi à peu près s'établir à Asbestos, au Québec, si l'enquête environnementale lui est favorable. Noranda Mines a fait venir un grand nombre de cadres supérieurs dans les Cantons de l'Est. Elle souhaitait que l'Association des Townshippers forme une structure d'accueil pour souhaiter la bienvenue à ces gens et les familiariser avec le patrimoine anglophone des Cantons de l'Est.

• 1710

Notre première réaction a été d'inviter la Société Saint-Jean-Baptiste à venir nous parler des Canadiens français qui sont eux aussi dans la région depuis 1850.

Nous avons toujours eu recours à ces manifestations bilingues et biculturelles parce qu'elles font partie intégrante de nous- mêmes. Nous ne pouvons pas exister sans une forte collaboration avec nos voisins francophones. C'est tout simplement hors de question.

Le sénateur Louis Robichaud: J'aimerais avoir une réponse à la question.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ce sera votre dernière question.

Le sénateur Louis Robichaud: Y a-t-il davantage d'anglophones que de francophones qui quittent la région pour des raisons économiques?

Mme Nancy Beattie: Puis-je répondre à cette question?

Il est certain qu'il y a probablement le même pourcentage d'anglophones et de francophones qui quittent la région pour des raisons économiques, mais lorsqu'on se penche sur la collectivité anglophone, je pense qu'il faut aussi tenir compte du fait qu'en raison de son déclin, alors qu'il y a des liens entre les deux communautés, les anglophones, les jeunes anglophones, ne se sentent pas toujours aussi fortement liés à leur communauté. Ils partent donc parce qu'ils ne se sentent pas nécessairement chez eux. Il y a donc aussi cette dimension, qu'il ne faut pas négliger.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup. Monsieur Rivest.

[Français]

Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Dans la question de minorité, il y a toujours une dimension juridique et politique qui est très importante. En plus, quant on parle du Québec, il y a Montréal et il y a le Québec, dont les Cantons de l'Est.

Selon ce que j'ai compris de votre témoignage, vous voulez que dans la façon d'octroyer les subventions du gouvernement canadien, on tienne compte des activités réelles des communautés, en l'occurrence de la communauté anglophone dans les Cantons de l'Est. Avez-vous souvent l'impression que les sommes qui sont disponibles pour la minorité anglophone au Québec sont surtout attribuées à des organismes comme Alliance Québec?

Avec la politisation à outrance à laquelle on assiste avec Alliance Québec, avec tous les recours judiciaires et toutes les contestations juridiques, à un moment donné, il va y avoir moins d'argent, car on va devoir payer les avocats. Par ailleurs, il y a des anglophones qui sont sur le terrain, des Québécois anglophones qui vivent en région et qui ont besoin d'aide. On va assister à la diminution des subventions aux gens qui vivent des situations minoritaires réelles. Le ministère du Patrimoine canadien appuie surtout les contestations comme celles d'Alliance Québec parce que c'est plus spectaculaire et politique. On paie des centaines de milliers de dollars à des bureaux d'avocats pour contester des lois. Êtes-vous d'accord là-dessus?

M. Gary Richards: Je crois honnêtement que c'est le cas. Si une association de Montréal reçoit des subventions pour pour développer un personnel de recherche, cela nous empêche personnellement d'évoluer, car on ne partage pas nécessairement les mêmes valeurs.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: C'est cela. Il est important que ce soit souligné devant le comité.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): C'est ce que l'on appelle la diversité d'opinion, la diversité au sein du pays, le pluralisme.

M. Gary Richards: Vous savez, nous devons recourir à des campagnes de financement pour survivre.

[Français]

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Le ministère devrait verser des subventions aux bonnes personnes, à celles qui agissent de façon concrète, au lieu d'appuyer les gens qui font des luttes politiques. Il y a des partis politiques pour faire des luttes politiques. Voilà ce que je veux faire ressortir.

[Traduction]

M. Gary Richards: Je pense que le sénateur Rivest a bien raison ici.

[Français]

Le sénateur Jean-Claude Rivest: C'est cela, la réalité.

M. Gary Richards: Oui.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: J'ai vécu la même situation avec les anglophones de la région, quand j'étais député à Québec: ils ne recevaient rien parce que le ministère subventionnait les recours judiciaires d'Alliance Québec.

[Traduction]

M. Gary Richards: Vous voyez, madame Finestone, nous cherchons à convaincre nos voisins francophones...

[Français]

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Il y a le bureau d'avocats...

[Traduction]

M. Gary Richards: ...que nous avons beaucoup à apporter à la société québécoise, que la plupart des projets sortis de la collaboration des francophones et des anglophones dans les Cantons de l'Est sont très bien structurés, très profonds et tout à fait multiculturels.

Nous avons beaucoup à donner à la société québécoise et au gouvernement fédéral, mais nous restons à l'écart, marginalisés, dans les limbes. Nous nous disons que ce n'est pas une bonne chose.

L'autre jour, le 11 novembre, alors que je marchais dans la rue Université à Montréal, j'ai traversé la rue Ste-Catherine juste au moment où les anciens combattants la parcouraient lentement, 55 années après la fin des combats. Je me disais, vous savez, voilà où en est notre communauté anglophone, si fière de ce qu'elle a fait lors des deux guerres mondiales, lors de la guerre de Corée, etc., mais dont les membres aujourd'hui doivent se remettre à la tâche et s'afficher en même temps comme de bons citoyens québécois.

On ne peut pas se contenter de dire: «Non, ce n'est pas juste». Nous avons besoin de ressources pour pouvoir être fiers de ce que nous faisons et élaborer éventuellement des modèles susceptibles d'être utilisés par les minorités d'autres provinces. On ne peut même pas respirer à l'heure actuelle...

• 1715

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Quels sont sur vous les effets du modèle de création d'emploi? La formation de la main- d'oeuvre ayant été restituée à la province, est-ce que cela vous cause des difficultés ou en êtes-vous satisfait?

Mme Erin Mallory (directrice générale, Association des Townshippers): C'est difficile. Le transfert s'est fait lentement. Nous avons discuté de la situation avec les autres associations régionales et tout le monde semble éprouver des difficultés. Il est évident que c'est quelque chose que nous surveillons tous de près.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Rivest, vous avez encore deux minutes.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je vais les laisser à David.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Non, David parlera la prochaine fois.

Sénatrice Fraser, vous avez la parole.

La sénatrice Joan Fraser: Je me joins à ceux qui vous félicitent de votre excellent mémoire. Je ne me souviens pas d'avoir entendu un exposé aussi succinct des forces et des faiblesses de la communauté anglophone au Québec, à l'extérieur de Montréal notamment, mais aussi à Montréal.

D'après ce que j'ai pu voir, l'équilibre que vous recherchez traduit l'opinion d'une nette majorité de Québécois anglophones—un engagement constructif et non une volonté de rupture.

J'ai deux questions précises à vous poser. Pouvez-vous tout d'abord exposer à notre comité l'état de vos relations, s'il y en a, avec Alliance Québec?

M. Gary Richards: Ces cinq dernières années, nous n'assistons qu'aux assemblées d'Alliance Québec qu'à titre d'observateurs. Je suis entré l'année dernière au conseil d'administration des Townshippers et, vers le milieu de l'année, nous nous sommes mis à discuter de la possibilité de nous retirer purement et simplement de l'organisation chapeautée par Alliance Québec. Cela s'est passé bien avant que nous sachions qui allait se présenter à la présidence de cette organisation au printemps suivant.

Étant donné la gravité de cette décision, nous l'avons passée au crible lors de trois réunions successives du conseil. Nous avons finalement décidé de jeter l'éponge, si je peux m'exprimer ainsi, vers le mois d'avril dernier mais, par respect pour cette organisation, nous avons informé à l'époque Mme Middleton-Hope que notre décision était prise mais que nous ne ferions rien pour influencer l'issue du congrès devant présider à la nomination d'un chef.

Nous nous sommes donc désolidarisés d'Alliance Québec. En tant que communauté anglophone, nous partageons les mêmes préoccupations, mais quant à la façon de les résoudre, en ce qui concerne tout un paquet de choses, nous ne sommes tout simplement pas sur la même longueur d'onde.

Mme Nancy Beattie: Laissez-moi simplement apporter une précision.

Lorsque les statuts d'Alliance Québec ont été élaborés, les Townshippers existaient déjà. Notre organisation est plus ancienne. Sur la liste des membres possibles, il y avait les associations régionales existantes, et notre nom y figurait évidemment.

Nous avions déjà essayé auparavant de nous faire retirer de la liste, parce que depuis de nombreuses années nous n'étions plus que de simples observateurs. Comme avec toutes les autres associations régionales, nous nous communiquons des informations et nous collaborons sur des dossiers communs, mais cela ne va pas plus loin.

Donc, comme vous l'a expliqué Gary, nous étions finalement sur le point de boucler le dossier de retrait au printemps dernier.

La sénatrice Joan Fraser: Je vous remercie.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous pourriez peut- être nous donner davantage de précisions à la suite de la question posée par Mme Fraser, pour nous dire dans quelle mesure les crédits sont affectés à Alliance Québec alors que vous n'êtes qu'un sous- traitant. Je pense qu'il vous faut nous indiquer clairement dans quelle mesure vos crédits dépendent de cette relation.

Mme Nancy Beattie: Une partie de la difficulté vient du fait que l'on croit à tort qu'Alliance Québec dispense des services à l'échelle de toute la province alors qu'elle n'est qu'une organisation parallèle. Elle a des ramifications dans certaines régions. Elle reçoit effectivement le plus gros des crédits. Je pense que cela se situe à environ 1 million de dollars.

J'imagine que le gouvernement fédéral part du principe qu'elle dispense des services. À nous, elle ne dispense aucun service. Nous ne nous adressons pas à elle.

La sénatrice Joan Fraser: J'aimerais en second lieu aborder, comme d'autres l'ont fait avant moi, cette question de l'incompréhension de la situation de la communauté anglophone au Québec.

Vous vous heurtez en quelque sorte à plusieurs difficultés ici étant donné que nombre d'entre elles découlent des relations avec l'administration provinciale. Toutefois, en ce qui concerne l'administration fédérale, j'ai moi aussi été frappée par vos observations concernant le ministère du Patrimoine canadien et le manque de compréhension dont fait preuve ce ministère alors qu'il devrait connaître à fond toutes les minorités.

Qu'avez-vous fait pour dissiper ce malentendu et quels ont été les résultats de vos efforts?

M. Gary Richards: Nous avons écrit une lettre—comme l'avait fait cet homme pour essayer d'empêcher le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.

Je vous le répète, différents membres viennent s'ajouter de temps en temps au conseil d'administration et, si je me trompe dans l'ordre des choses, j'espère que mes collègues me corrigeront.

• 1720

Lorsque je suis devenu président des Townshippers en septembre, le directeur général du ministère du Patrimoine canadien était là et il m'a invité à venir lui parler. J'ai essayé de le faire à deux reprises. Son horaire est chargé et j'ai ma propre entreprise. La dernière fois, nous étions censés nous présenter devant vous—je pense que c'était il y a une semaine ou deux—je l'ai appelé à nouveau pour qu'il soit directement informé. Vous savez, nous n'avons pas agi de manière clandestine.

Nous avons écrit, parce que tous nos projets ont été refusés, pour...

La sénatrice Joan Fraser: Tous?

M. Gary Richards: Oui, tous.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ce qui relève de DRH, le développement des petites entreprises...

M. Gary Richards: Nous parlons ici du ministère du Patrimoine canadien.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Oui, mais je voulais savoir, lorsque vous parlez de projet «refusé», est-ce que la faille et le manque de compréhension se situent ailleurs qu'au ministère du Patrimoine canadien?

M. Gary Richards: Je vais demander à Nancy de vous donner ces explications.

Mme Nancy Beattie: Nous parlions précisément du Patrimoine.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Très bien. Vous pouvez poursuivre.

Mme Nancy Beattie: Je veux dire par là qu'il y a des projets financés par d'autres ministères fédéraux. Il y a l'enveloppe des projets de DRHC, que je ne connais pas très bien.

Nous parlons précisément des crédits du ministère du Patrimoine canadien parce qu'au cours des trois ou quatre dernières années nous lui avons soumis des projets qui, à notre avis, répondaient aux priorités établies par le Réseau des groupes communautaires du Québec, avec lequel vous êtes pour la plupart familiarisés, j'imagine. Ces projets ont été constamment refusés, même si nous avions nettement le sentiment qu'ils répondaient à ces priorités.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Pour qu'il en soit pris acte, pouvez-vous nous donner un exemple d'un tel projet? C'est parce que le Globe and Mail a parlé la semaine dernière de ces différents projets qui ont été refusés.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Pendant que vous y réfléchissez...

Mme Nancy Beattie: Non, nous en avons ici la liste.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Mesdames et messieurs, je regrette de devoir vous interrompre. Nous avons une affaire à régler et nous redonnerons ensuite la parole à la sénatrice Fraser et à M. Price. La cloche va nous appeler et il nous faudra quitter la salle.

Voilà l'affaire qu'il nous faut régler. Le comité directeur a adopté un budget et un plan d'action. Comme nous sommes limités par le temps, êtes-vous prêts à accepter la décision du comité directeur? Il n'y a ici que deux autres membres. Êtes-vous prêts à accepter et à adopter une motion entérinant notre plan d'action et notre budget?

La sénatrice Joan Fraser: Je présente cette motion.

(La motion est adoptée—Voir le Procès-verbal)

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je vous remercie.

À vous, monsieur Richards.

Je vous fais remarquer simplement qu'il reste deux minutes à la sénatrice Fraser et que vous disposez de deux minutes.

M. Louis Plamondon: À quelle heure va-t-on voter?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): À 17 h 30 et il nous reste donc très peu de temps.

La sénatrice Joan Fraser: Je vous demandais, M. Richards, quelles étaient vos relations avec le ministère du Patrimoine canadien. Vous nous avez dit que vous aviez contacté le directeur général dans l'espoir de le rencontrer.

M. Gary Richards: Il n'a pas refusé de me rencontrer; simplement, nos horaires ne concordaient pas. Je veux dire ici qu'avant de comparaître devant vous aujourd'hui nous avions absolument l'intention de rencontrer auparavant les responsables de ce ministère, parce que nous voulions leur parler de certaines questions que nous allons soulever ici.

Vous voyez, le problème que vous avez tous, à mon avis, et qu'a mon gouvernement, c'est celui de l'affirmation d'une présence au sein de la société québécoise. La plupart des fonctionnaires fédéraux en grande partie francophones que j'ai rencontrés au Québec—et nous avons rencontré les gestionnaires et différents groupes pour leur expliquer qui nous étions—ont des difficultés à assumer leur propre identité, à sortir de leur placard pour se faire l'avocat du fédéral...

L'opinion publique est tellement favorable aux bleus que c'est un gros problème pour le gouvernement fédéral. Il y a désormais ce tissu social puissant au sein de la société québécoise, tout le monde étant uni, depuis les mandarins jusqu'aux syndicats en passant par l'université, et il est difficile dans bien des cas de faire passer la présence fédérale par des francophones qui ne veulent pas admettre trop clairement qu'il reste des fédéralistes au Québec...

J'estime qu'en engageant le dialogue entre les deux communautés, nous serons en mesure de rehausser énormément la présence fédérale, parce que cela vient des anglophones si décriés, de ces gens si collet monté, si sûrs d'eux, etc. Il nous faut simplement...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Richards, les députés doivent vous quitter. Nous espérons vous revoir bientôt. Les sénateurs restent et vous pourrez donc poursuivre les questions.

M. Price et M. Paradis regrettent tous deux—ils viennent de me le faire savoir—mais ils vous rencontreront dans les Cantons de l'Est en avril. À ce moment-là, vous pourrez mieux nous dire ce qui se passe. Je vous demande de leur laisser l'information nécessaire.

J'espère que nous arriverons à temps pour voter.

• 1725

[Français]

Merci, madame la présidente. Au revoir.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Vous pouvez poursuivre, sénatrice Fraser.

[Français]

Sénateur Rivest, avec-vous d'autres questions? Non? Madame Fraser.

[Traduction]

La sénatrice Joan Fraser: Je pourrais peut-être attendre quelques instants étant donné que certains de nos collègues viennent de nous quitter.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Vous avez été interrompue à maintes reprises. Prenez quelques instants.

M. Gary Richards: Vous vouliez un exemple. Les différents groupes se sont adressés au ministère du Patrimoine canadien parce que tout le monde a compris qu'ils n'avaient pas d'autre choix s'ils voulaient que leurs projets soient retenus.

Nous avons soumis plusieurs projets, dont l'un devait mettre en valeur l'histoire et la culture des cantons. Il devait se développer selon certains critères relevant uniquement d'un des cinq secteurs prioritaires. Autrement dit, 19 participants décident quelles doivent être nos priorités dans les Cantons de l'Est en fonction de l'ensemble des secteurs.

Ce projet a reçu une note de 5,5 sur un maximum de 12, et d'autres projets ont été mieux notés. Par conséquent, il n'a pu être financé étant donné que les crédits étaient limités.

Il y a différents exemples de ce type dans les différents domaines d'activité.

Il nous faut reprendre à la base nos opérations. J'ai fait récemment un travail—j'ai une petite entreprise de communications- -pour les Premières nations. C'était le même genre de choses concernant les compressions du budget de base s'appliquant aux soins dentaires. L'une des communautés enregistrait un plus grand nombre de cas de diabète, les gens ayant par conséquent de mauvaises dents, alors que pour une autre collectivité c'était autre chose.

Eh bien, il en va de même pour les communautés anglophones des Cantons de l'Est. Nous ne sommes pas une communauté francophone de la Saskatchewan qui a besoin d'argent pour réparer l'ancienne salle paroissiale ou pour donner des cours de français. Nous sommes là depuis deux siècles. Nous voulons agir en collaboration avec nos voisins francophones parce qu'ensemble nous représentons une communauté. Si l'on pouvait établir certaines normes, cela profiterait au système fédéral. Ces normes pourraient être appliquées éventuellement à d'autres provinces parce que cela élargirait en quelque sorte notre horizon.

Mme Nancy Beattie: Si vous me le permettez, j'aimerais apporter une précision sur un point qui a été évoqué.

C'est en fait un comité de travail au sein de la direction du Réseau des groupes communautaires du Québec, qui est chargé de discuter de ces priorités, qui classe ces projets selon leurs priorités. Les cinq membres de ce comité font une recommandation au ministère du Patrimoine canadien, qui à son tour fait des recommandations au ministre. Voilà quel est le cheminement des projets.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Une dernière question.

La sénatrice Joan Fraser: Qu'avez-vous fait pour remédier à la sous-représentation des anglophones au sein de la fonction publique fédérale au Québec? Quel est le problème à la base? Qu'avez-vous fait et qu'en est-il résulté?

Nous savons tous quels sont les chiffres au bout du compte, mais j'essaie de comprendre ici le mécanisme pour essayer d'améliorer les choses.

M. Gary Richards: Je pense qu'Erin pourra vous donner des explications. Elle est ici depuis un peu plus longtemps.

Mme Erin Mallory: Voilà plusieurs années que nous nous penchons précisément sur cette question avec les ministères du gouvernement fédéral dans les Cantons de l'Est. Nous avons rencontré régulièrement les responsables pour discuter des problèmes qui se posent et des moyens de collaborer en nous efforçant, lorsque des postes étaient vacants, de promouvoir les membres de notre communauté, par exemple. Ces réunions se sont très bien déroulées.

Nous avons arrêté de le faire il y a quelques années, lorsque le gouvernement a réduit ses effectifs, et nous n'avons pas encore repris ces réunions, ce qui n'est peut-être pas une bonne chose.

Nous n'avons pas manqué de rencontrer récemment certains gestionnaires du gouvernement fédéral pour discuter d'une éventuelle collaboration avec eux ou pour qu'ils informent la communauté des services dont ils disposent, et autres choses de ce genre.

La sénatrice Joan Fraser: Avez-vous le sentiment que vous avez reçu une réponse positive? Je comprends bien qu'à la suite de la réduction des effectifs, il n'y a pas beaucoup d'emplois, où que ce soit, mais avez-vous du moins l'impression que pour ce qui est des mentalités, des engagements et des politiques, la réaction est positive?

Mme Erin Mallory: Oui.

La sénatrice Joan Fraser: Donc il faut passer des politiques à la réalisation.

Mme Erin Mallory: Oui.

La sénatrice Joan Fraser: Je vous remercie.

Mme Erin Mallory: Il est certain que les gestionnaires font preuve de bonne volonté et sont tout à fait prêts à faire quelque chose. Je sais que nous nous sommes rencontrés pendant plusieurs années. Au début, je pense que c'était difficile, mais la situation s'est bien améliorée et certains ministères ont effectivement fait de gros progrès lorsqu'il s'est agi d'engager des anglophones.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Avez-vous des difficultés à obtenir que les ministères fédéraux vous dispensent des services en anglais au Québec en dépit du fait que la majorité de la population dans cette province est francophone? J'imagine que ça arrive parfois?

• 1730

[Français]

M. Gary Richards: Dans les Cantons de l'Est, on parle automatiquement le français. Cela arrive tellement souvent que certains fonctionnaires fédéraux disent parfois:

[Traduction]

«Dites, vous pouvez me parler en anglais, si vous préférez». Voilà le genre de réaction.

Nous avons rencontré un autre responsable élu un peu plus tôt aujourd'hui, et nous avons immédiatement entrepris d'exposer nos difficultés en français. Il nous a répondu, «Dites, vous pouvez me parler en anglais, si vous préférez». Donc, non, nous n'avons pas reçu de...

J'assistais à une réunion de gestionnaires et un responsable des langues officielles nous a dit que sur les 300 plaintes que l'on avait reçues l'année dernière—je pense que je ne me trompe pas dans les chiffres—150 provenaient d'anglophones, ce qui signifie que le pourcentage d'anglophones qui déposent une plainte est bien plus élevé.

L'Association des Townshippers reçoit toutes sortes de plaintes—ainsi, un citoyen qui éventuellement n'a pas été traité de manière polie par un agent de la police provinciale, une personne qui n'a pas pu recevoir comme il se doit son permis de conduire en français, etc. Nous essayons par conséquent de remettre les choses à leur place. Toutefois, je ne pense pas que nous ayons jamais—corrigez-moi si je me trompe—reçu une plainte reprochant à des services fédéraux de ne pas avoir été fournis en anglais dans les cantons.

Y en a-t-il eues?

Mme Erin Mallory: Quelques-unes.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Ça peut arriver, par conséquent, mais ce n'est pas la règle.

Mme Nancy Beattie: Non, et nous avons certainement les moyens de régler la question. Il est possible de recourir aux plaintes. Lorsque les gens nous informent, nous les incitons à recourir à cette procédure et nous les aidons à le faire.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Très bien.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, chers collègues. Il me reste à vous remercier.

Je suis une francophone du Nouveau-Brunswick et j'ai longtemps cru et souvent dit qu'au Nouveau-Brunswick, lorsque les francophones auront ce que les anglophones du Québec ont, nous serons heureux. Vous nous avez montré un autre côté de la médaille aujourd'hui. N'oubliez cependant pas que nous, les francophones minoritaires, avons eu et avons encore à prendre souvent de grosses parties de notre budget pour aller à la Cour suprême. Vous venez de dire qu'il y a eu très peu de cas où la question des points du fédéral...

Cela dit, nous aurons peut-être le plaisir de vous retrouver en avril, lorsque nous aurons rencontré tous les autres groupes. Cette fois, nous allons aller à Sherbrooke, même si le sénateur Rivest ne veut pas y aller, car il n'aime pas prendre l'autobus. On l'amènera en voiture.

Encore une fois, merci.

La séance est levée.