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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 novembre 1998

• 1548

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre patience. Nous sommes maintenant en conformité avec les règles, puisque nous avons le quorum. Nous avons l'honneur d'accueillir

[Français]

de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario, Mme Boutet et M. Colvin. Est-ce que M. Gérard Lévesque se trouve parmi vous? Voilà. C'est bien.

Je pense que nous aurons un échange assez intéressant car nous allons examiner les infractions ou contraventions qui découlent des règlements fédéraux et qui ont été transférées au niveau provincial et, de là, au niveau municipal. Nous cherchons à savoir comment il se fait que toute la procédure,

[Traduction]

que le processus de modification de la loi, ne s'est pas doublé d'un transfert de responsabilité et de fonctions d'administration.

[Français]

Telle est la situation. Qui va commencer?

[Traduction]

C'est vous qui allez commencer, monsieur Colvin?

[Français]

Me Tory Colvin (président, Association des juristes d'expression française de l'Ontario): Oui, madame la présidente.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Soyez à l'aise de nous parler dans l'une ou l'autre langue. Comme vous le voyez, je parle moi-même franglais.

M. Tory Colvin: Merci, madame.

[Français]

Je me permets tout d'abord de remercier Mme la présidente, les honorables sénateurs et les députés d'avoir accepté de nous accueillir ici aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.

• 1550

Je vous présente notre équipe: d'abord la vice-présidente de notre association, Me Nathalie Boutet, et notre directeur général, Me Gérard Lévesque. Je vais demander à Me Boutet de commencer notre présentation et je reprendrai par la suite.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

Me Nathalie Boutet (vice-présidente, Association des juristes d'expression française de l'Ontario): Je vous expliquerai brièvement le rôle de notre association. Nous sommes une association de partenariat entre des francophones et des anglophones bilingues. Entre autres, nous sommes très heureux d'avoir Me Colvin comme président. C'est notre premier président anglophone bilingue. Nous représentons les intérêts d'avocats, juges, professeurs et étudiants au niveau de l'administration de la justice. Nous voulons assurer que le français puisse être employé dans l'appareil judiciaire sans pénalité, délai, obstacle ou hésitation.

Permettez-moi de rappeler les antécédents de notre présence ici. L'AJEFO avait porté plainte au Bureau du commissaire aux langues officielles. La plainte touchait une loi fédérale, plus précisément la Loi sur les contraventions, et un règlement s'y rapportant. L'enquête du commissaire avait pour but de voir si Justice Canada avait respecté les dispositions de la Partie IV, entre autres l'article 25, et de la Partie VII, de même que l'esprit de la Loi sur les langues officielles dans le contexte de l'adoption et de la mise en oeuvre de la Loi sur les contraventions.

Je vais vous expliquer de quoi nous discuterons aujourd'hui. Nous ferons un court résumé de l'historique de la Loi sur les contraventions en rapport avec les problèmes soulevés par le commissaire. Nous allons traiter de certains passages du rapport du commissaire et aussi de l'obligation de Justice Canada de respecter la Loi sur les langues officielles et les droits constitutionnels lors de tout transfert de pouvoir à d'autres niveaux. Nous allons faire un bref rappel des problématiques soulevées en Ontario par la Loi 108, la Loi sur les contraventions et, finalement, nous allons proposer quelques recommandations pratiques pour essayer de remédier à la situation actuelle.

Voici un bref historique de la Loi sur les contraventions, que vous trouverez d'ailleurs dans notre mémoire, à partir de la page 1. La Loi sur les contraventions a été adoptée en vue de créer une procédure simplifiée concernant les infractions de nature non criminelle ou des procédures distinctes de celles qui sont prévues au Code criminel. On voulait simplifier la procédure.

La Loi sur les contraventions faisait de ces infractions des infractions punissables par imposition d'une amende. La poursuite commençait par l'émission d'un procès-verbal d'accusation, qu'on pouvait payer sur réception sans devoir se présenter en cour si on voulait plaider coupable.

En 1996, il y a eu une modification à la Loi sur les contraventions. Le gouverneur en conseil était habilité à retenir la procédure et le droit provinciaux pour la poursuite des infractions et le ministre de la Justice pouvait signer des ententes avec des provinces ou des municipalités pour leur permettre de poursuivre les infractions aux lois fédérales. Une telle entente a été négociée avec l'Ontario, la municipalité de Mississauga et la ville d'Ottawa.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Est-ce que c'étaient les seuls endroits où c'était appliqué?

Me Nathalie Boutet: D'après ce que je connais, ce sont les trois endroits où on a conclu des ententes.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): On n'en a pas conclu à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs?

Me Nathalie Boutet: Je m'excuse, madame la présidente, mais je n'ai pas d'information sur les autres provinces. Pardon! À la page 2, à l'avant-dernier paragraphe, on fait allusion à d'autres endroits. Merci de m'avoir fourni cette précision.

C'est ainsi que le gouverneur général, en 1996, a établi quelles lois de l'Ontario s'appliqueraient désormais pour la poursuite en Ontario des contraventions aux lois fédérales. Je vais maintenant céder la parole à mon président, qui fera un bref survol de ce que j'ai mentionné au début de la présentation.

Me Tory Colvin: Notre plainte auprès du commissaire aux langues officielles, qui est à l'origine de cette controverse, découlait d'un changement de procédure concernant les langues officielles. En effet, la Loi sur les contraventions n'adoptait pas les dispositions du Code criminel garantissant le droit à un procès dans l'une ou l'autre des deux langues.

• 1555

Avant la Loi sur les contraventions, un accusé avait le choix de la langue pour toute infraction, pour toute contravention. On avait le choix d'avoir un procès dans sa langue, donc d'avoir un procès en anglais ou un procès en français. Le Code criminel offrait également une troisième option: le procès pouvait se tenir dans les deux langues.

Lorsque les poursuites intentées en vertu de la Loi sur les contraventions sont renvoyées à la province, la partie XVII du Code criminel, qui reflète les droits linguistiques, ne s'applique plus. Nous sommes donc assujettis aux lois ontariennes, qui précisent que pour avoir droit à un procès ou à des services en français, vous devez habiter telle ou telle région. Vous avez soit la Loi sur les tribunaux judiciaires, soit la Loi sur les services en français.

Le résultat, à notre avis, est une diminution des droits linguistiques de l'accusé. Cela entraîne aussi une diminution des services au comptoir, comme on les appelle, pour ceux qui veulent traiter avec les bureaux responsables des contraventions. Ces services ne sont dispensés que dans des régions désignées bilingues. Ailleurs, on n'a pas droit à des services en français.

Un autre problème ressort quand la province de l'Ontario renvoie la poursuite de certaines infractions provinciales au niveau municipal. Les municipalités ontariennes ne sont pas assujetties à la Loi sur les services en français et ne sont donc pas obligées d'offrir des services en français. Elles peuvent le faire si elles le veulent. C'est ce que j'appellerais une grâce et non pas un droit.

Je peux vous donner un exemple. Si vous recevez une contravention de stationnement dans la ville de Toronto et que vous demandez un procès en français, vous allez vous retrouver devant un juge de paix qui parle les deux langues, mais c'est tout. Ni le procureur ni le greffier ne parlent français. Donc, lors du procès, le français est non pas une langue étrangère puisque le juge de paix parle français, mais il n'est certes pas de même niveau que l'anglais devant un tribunal.

Par contre, pour une infraction assujettie aux procédures du Code criminel, vous avez droit à un procès en français ou bilingue. La poursuite sera obligée de parler votre langue, de même que le juge et le greffier. Bref, l'ensemble du procès doit se dérouler dans votre langue. La transcription du procès se fait dans la langue du procès.

Vous voyez donc que ce qui existait auparavant offrait beaucoup plus de protection aux justiciables francophones. Le résultat auquel nous sommes arrivés avec les poursuites municipales d'aujourd'hui n'offre pas cette même protection.

Pendant les deux dernières années, nous avons fait un travail énorme avec le procureur général de l'Ontario afin d'inscrire des éléments de protection linguistique dans la loi qui renvoie les poursuites au niveau municipal.

La prétention du gouvernement ontarien, au début, était que les protections linguistiques seraient suffisantes dans l'entente ou l'accord qui serait signé entre les municipalités et la province.

Le problème que nous prévoyons, dans le cas de cette procédure, c'est que si l'entente n'est pas respectée, un accusé n'aura aucun moyen de la faire respecter parce qu'il n'est pas partie à cette entente. Ses droits linguistiques seront donc ignorés et il devra écrire à ses députés pour porter plainte par la suite. Cela ne reflète pas, à notre avis, la dualité sur le plan des langues officielles qui devrait exister devant les tribunaux de l'Ontario.

• 1600

Nous prévoyons cette même difficulté dans le cas des contraventions. Prenons l'exemple de la dévolution qui a été signée avec la ville de Mississauga. Si vous avez une contravention pour excès de vitesse ou stationnement illégal à l'aéroport de Toronto, sans les droits linguistiques qui existent dans le Code criminel, vous n'avez pas forcément droit à un procès se déroulant en français. Certains juges parlent les deux langues, mais pour une infraction commise en terrain fédéral, votre procès ne se déroulerait pas nécessairement dans votre langue.

Pour nous, cela représente une diminution des droits linguistiques devant les tribunaux. C'est pour cela que nous avons porté notre plainte au commissaire aux langues officielles et que nous avons demandé la permission de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler de ce problème. Je ne vais pas entrer dans les détails qui sont dans notre rapport. Il serait peut-être plus utile que je vous donne des exemples de la façon dont le problème fait surface ou va faire surface au lieu de vous lire tout simplement ce que nous avons écrit dans notre mémoire.

L'autre aspect qui risque de poser des difficultés se situe au niveau des services au comptoir. Prenons le cas d'une personne qui veut poser des questions au sujet d'une contravention qu'elle a reçue. Si cette personne téléphone pour demander des services au comptoir, elle n'aura pas forcément droit à un service en français, sauf si ce comptoir se trouve dans une région désignée bilingue en vertu de notre loi.

Si quelqu'un commet une infraction sur les eaux navigables aux alentours de Owen Sound, étant donné que ce n'est pas une région désignée bilingue, il n'aura pas droit à des services au comptoir en français, que ce soit pour tenter de fixer le jour de son procès ou pour tenter de comprendre comment mettre les éléments en preuve. Ce sont pourtant des infractions pour lesquelles les gens n'ont habituellement pas d'avocat. En ce moment, la poursuite serait faite par le gouvernement fédéral et il aurait donc droit à tous les services en français.

Pour cette raison, nous nous sommes permis de vous faire trois recommandations, qui sont à la page 11.

Premièrement, nous recommandons que la Loi sur les contraventions soit modifiée pour y inclure une garantie de maintien des droits linguistiques dans les cas où les provinces ou leurs municipalités prennent en charge la poursuite des contraventions fédérales.

L'idéal, pour reprendre ce que le commissaire aux langues officielles avait recommandé en 1995, quand il avait publié son rapport sur les tribunaux, c'est le minimum décrit dans la partie XVII du Code criminel, c'est-à-dire la procédure qui permet un procès en français, un procès en anglais ou un procès bilingue.

Deuxièmement, nous recommandons que le Comité mixte permanent des langues officielles tienne une séance de travail au sujet du rapport du commissaire aux langues officielles intitulé «L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux du Canada». C'est à ce rapport que je faisais allusion quand je parlais de notre première recommandation, car il couvre beaucoup plus que les contraventions. Il parle des autres lois fédérales qui ne prévoient pas forcément le droit de présenter une cause en français même s'il s'agit d'un pouvoir qui découle du fédéral.

Troisièmement, nous recommandons que le Comité mixte permanent des langues officielles tienne une séance de travail au sujet de la magistrature. Le droit de plaider dans sa langue et de faire face à un procès dans sa langue est minime s'il n'y a pas de juges de première instance et de cours d'appel aptes à comprendre le français et à siéger lorsque le procès se déroule dans cette langue. Le problème comporte un volet autre que celui de la langue de procédure dans la loi. En effet, il y a aussi le fait qu'il faut davantage de juges capables de siéger dans les deux langues.

• 1605

Je suis fier d'avoir pris moins de temps que les 15 minutes que vous m'aviez accordées. Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Colvin,

[Français]

je vous remercie. Monsieur Lévesque, voulez-vous ajouter quelques mots avant qu'on commence?

Je veux vérifier une chose avant qu'on commence nos démarches.

[Traduction]

Si j'ai bien compris, la partie III du Code criminel englobe un certain nombre d'articles. Vous avez toutefois parlé, si je ne m'abuse, d'Owen Sound et du canal. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Tory Colvin: J'ai dit cela...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous avez parlé d'eaux navigables.

M. Tory Colvin: ... à titre d'exemple. Owen Sound se trouve dans une région qui n'est pas désignée comme bilingue aux termes de la Loi sur les services en français de l'Ontario. Dans cette partie de la province, on n'a donc pas le droit aux services en français, par exemple dans le cas des services au comptoir. Supposons que quelqu'un tente d'obtenir de l'aide du bureau de la poursuite.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Très bien. Ce n'est pas pour rien que j'ai posé la question. Je suis contente que vous ayez apporté cet éclaircissement. Merci.

J'ai ici un document qui indique... Nous parlions de parcs nationaux, de règlements concernant la pêche, de protection contre les incendies et de règlements concernant les ordures. Nous parlions de questions comme la réglementation en général des parcs nationaux et le code de la route. Il existe aussi des règlements concernant le bois d'oeuvre. Pouvez-vous me dire quels autres règlements concernant la faune...? Qu'existe-t-il d'autre? Je suppose que c'est le cas des contraventions pour infractions au code de la route au niveau fédéral. Qu'en est-il si l'infraction est commise sur une route municipale?

M. Tory Colvin: Si l'infraction est commise ailleurs que dans des endroits qui relèvent de la compétence fédérale, c'est le code de la route de la province qui s'appliquerait. La langue dans laquelle le procès a lieu est déterminée en vertu de la procédure détaillée dans la Loi ontarienne sur les tribunaux judiciaires. Le contrevenant a le droit soit à un procès en anglais soit à un procès bilingue.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): D'accord. Ainsi, il n'y est question que...

[Français]

Dans le cas de la 401, ce serait en français. Pour les routes 416 et 417, ce serait en français ou en anglais, selon le cas et la demande de la personne accusée. Si c'est sur une route qui relève de la Ville de Toronto, il n'y aurait ni choix ni obligation.

Me Tory Colvin: L'exemple, madame la présidente, est très valide. Si je suis accusé d'un excès de vitesse sur la route 401, c'est la procédure provinciale qui s'appliquera et j'aurai donc droit à un procès bilingue ou en anglais. Imaginons que je continue et que je suis sur les routes qui font partie de l'aéroport Pearson, donc dans un territoire relevant du fédéral. Puisque cela fait maintenant partie de la Ville de Mississauga, je n'aurai pas ces mêmes protections. Ce que nous aimerions, c'est que la Loi sur les contraventions garde les protections qui existaient auparavant, c'est-à-dire la procédure linguistique qui est inscrite dans le Code criminel. Dans le cas de mon exemple cité précédemment concernant l'aéroport Pearson, j'aurais le choix d'un procès en français, d'un procès en anglais ou d'un procès bilingue. Si je veux avoir un procès en français, il faut que je me fasse arrêter avant d'arriver à l'aéroport.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je trouve cela très intéressant. Merci. La bienséance m'empêche de dire que la loi est bien mal foutue, mais il me semble bien que ce soit le cas.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Amen.

[Français]

Me Nathalie Boutet: Puis-je compléter la réponse?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Oui, s'il vous plaît, allez-y.

Me Nathalie Boutet: Dans la Loi sur les contraventions, on fait allusion à l'article 30 du Code criminel, qui porte sur les procédures linguistiques. Au paragraphe 65.1 (1), malheureusement, on n'a pas inclus l'article 30 pour les transferts aux provinces. On a spécifiquement exclu l'article 30 des transferts. Le Commissariat aux langues officielles a expliqué que ce n'était pas correct de la part de Justice Canada de faire le transfert sans incorporer l'article 30 aux lois qu'on transférait aux provinces ou sans y inscrire des droits équivalents.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Cela a beaucoup d'allure. Monsieur Breitkreuz.

[Traduction]

M. Cliff Breitkreuz: Merci, madame la présidente. Je souhaite la bienvenue aux membres du groupe.

Je trouve intéressant d'apprendre que le ministère fédéral de la Justice ne se conforme pas à la Loi sur les langues officielles, selon vous, ou à la Loi sur les contraventions, ministère qui se trouve ici même à Ottawa.

• 1610

Vous dites que le gouvernement ontarien ne respecte certainement pas la loi. La délégation va maintenant, bien entendu, jusqu'aux municipalités, si bien qu'on est encore plus loin d'Ottawa. Il n'y a vraiment rien qui est exigé relativement à la langue.

Je suis toutefois intéressé par votre organisation. Je voudrais en savoir un peu plus au sujet de votre groupe. Est-il surtout composé de juristes qui sont de la région d'Ottawa ou regroupe-t-il des juristes de tout l'Ontario? Est-ce le genre d'organisation que vous êtes? Avez-vous votre siège social ici à Ottawa ou à Toronto, c'est-à-dire dans la capitale de la province?

M. Tory Colvin: Si vous le permettez, monsieur, je dirais que nous avons en quelque sorte un siège électronique. Ma pratique à moi se trouve à London. Nous avons notre bureau ici à Ottawa. Notre directeur général est à Toronto. Nous sommes donc en fait reliés les uns aux autres par la voie électronique plus que par n'importe quel autre moyen.

Nous avons des membres dans toute la province. Nous avons des représentants de toutes les régions de la province. Nos membres comprennent des juges, des personnes chargées de l'administration judiciaire, des avocats, des étudiants en droit et des professeurs. Autrement dit, nous avons fait en sorte de tendre un filet très large afin de regrouper tous ceux qui s'intéressent au système judiciaire.

Par ailleurs, nos membres sont des personnes d'expression française. Nous accueillons aussi, et ce depuis bien des années, beaucoup de membres d'origine anglaise, qui pratiquent cependant dans les deux langues officielles.

M. Cliff Breitkreuz: Vos membres paient-ils une cotisation ou l'appartenance est-elle facultative? Avez-vous un bureau proprement dit avec un personnel rémunéré et tout le reste?

M. Tory Colvin: Nous avons un bureau ici à Ottawa, où nous avons des employés à temps partiel. Notre directeur général est un employé à temps partiel. Nos membres sont tous des volontaires. Ils se portent volontaires pour payer une cotisation annuelle qui nous permet d'exercer notre activité.

M. Cliff Breitkreuz: Ainsi, la totalité de votre budget vient des membres eux-mêmes. Avez-vous d'autres sources de financement?

M. Tory Colvin: Nous tentons d'obtenir des fonds de tous les paliers de gouvernement. Nous en avons notamment obtenus de Patrimoine Canada et de Justice Canada.

M. Cliff Breitkreuz: Pouvez-vous nous dire quels étaient les montants?

[Français]

Me Tory Colvin: Gérard, est-ce que tu as les chiffres exacts?

[Traduction]

M. Gérard Lévesque (directeur général, Association des juristes d'expression française de l'Ontario): Non, mais les chiffres se trouvent dans les documents publics.

[Français]

On pourrait vous fournir des renseignements. Nous sommes membres du PAJLO, le Programme national de l'administration de la justice dans les deux langues officielles. C'est un programme géré conjointement avec Patrimoine Canada et le ministère de la Justice. Il vient en aide à tous les partenaires au pays, que ce soit les gouvernements provinciaux, les associations de juristes comme la nôtre ou encore les centres de traduction juridique. Ce programme tente de faire en sorte que les deux langues officielles du pays soient plus accessibles. Il aide aussi le droit civil en anglais au Québec, par exemple, et la common law en français à l'extérieur du Québec. C'est un système qui donne place au progrès et qui augmente l'accès à la justice dans les deux langues officielles du pays. On reçoit une petite subvention de Justice Canada et de Patrimoine Canada dans le cadre de ces ententes.

[Traduction]

M. Cliff Breitkreuz: Mais vous ne recevez rien du gouvernement ontarien.

[Français]

Me Gérard Lévesque: Pas à l'heure actuelle, bien qu'on ait des services du gouvernement de l'Ontario. Lorsque l'association a été créée en 1980, nous avons reçu un appui fort important du procureur général de l'Ontario. En 1980, c'était celui qui est maintenant le juge en chef de la province, l'honorable Roy McMurtry. C'est d'ailleurs un de nos membres. Si ça peut aider, on pourrait faire parvenir au secrétariat du comité une copie de notre annuaire. Vous allez y retrouver les noms de tous nos membres, qui sont notamment juges, juges de paix ou juges des petites créances. On a des membres à tous les niveaux et de toutes les cours qui sont sur le territoire de l'Ontario. On a des gens de la plupart des facultés de droit de l'Ontario. On a des gens en cabinet privé de toutes les régions de la province. C'est un document public. Dans quelques mois, on aura une meilleure édition: l'édition 1999. On met même en caractères plus gros les noms de ceux qui paient plus volontiers leurs cotisations, parce qu'ils ont beaucoup de cotisations à payer.

La province nous a beaucoup aidés au niveau de la création. La province a fait un effort pour que le français devienne langue officielle des tribunaux de l'Ontario. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui a fait en sorte que les tribunaux de l'Ontario ont maintenant deux langues officielles, le français et l'anglais. C'est une loi de la province de l'Ontario qui a décrété ça en 1984.

• 1615

L'Ontario a fait une révolution juridique tranquille qui a fait en sorte qu'on est sortis d'une situation où le français n'était pas reconnu devant le tribunal. Auparavant, on avait des causes où on pouvait tous être francophones ou tous être bilingues devant le tribunal, mais il fallait parler en anglais ou, si on parlait en français, il fallait que ce soit traduit pour que le dossier soit consigné en anglais. S'il y avait un appel, c'était le dossier de la traduction qui était soumis en appel. C'était comme cela dans tous les domaines du droit. Si on avait un testament à faire en français, c'était comme le faire dans n'importe quel dialecte. La loi ontarienne présumait que la traduction, que devait payer la succession, était la copie originale du testament. En 1979, on a demandé au procureur général de l'Ontario, qui était M. le juge McMurtry qui est maintenant juge en chef, et au premier ministre Davis que le français devienne langue officielle des tribunaux, et ils nous ont dit que ce serait bien que l'on ait cela. C'est à ce moment-là qu'a débuté le changement en Ontario.

[Traduction]

M. Cliff Breitkreuz: J'ai seulement demandé si vous receviez aussi des fonds du gouvernement ontarien. C'est tout ce que je voulais savoir.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): On vous a brossé un tableau très intéressant, n'est-ce pas?

M. Cliff Breitkreuz: En effet, mais qui n'avait rien à voir avec le financement, en fait.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Non, mais...

M. Gérard Lévesque: La question portait sur le financement. Je peux vous dire qu'à l'époque, qui n'a guère duré, nous recevions au moins 100 000 $. Maintenant, nous ne recevons rien, mais il y a néanmoins un échange de services.

[Français]

Ils nous ont demandé notre aide et l'aide de nos membres pour faire en sorte que les municipalités n'aient pas trop de problèmes avec la dévolution qui a été faite par le fédéral sans garanties linguistiques. Ils savent qu'il risque d'y avoir beaucoup de causes au niveau des municipalités, entres autres linguistiques, parce qu'on a oublié de protéger les droits linguistiques lors du transfert. Dans la municipalité de Sault-Sainte-Marie, qui s'est illégalement déclarée unilingue anglaise, quels vont être les services au comptoir lorsque le procureur de cette municipalité va représenter, au nom du fédéral, dans une poursuite, un citoyen de cette ville?

Le règlement n'a pas été révoqué à l'heure actuelle et c'est un cas de cour. Cela fait maintenant jurisprudence. Les municipalités ontariennes qui se sont déclarées unilingues anglaises n'avaient pas le droit de le faire. Est-ce qu'elles vont s'occuper de donner des services en français au comptoir lorsqu'elles vont représenter le procureur général du Canada dans les poursuites des contraventions fédérales?

Aujourd'hui, grâce à ce débat, on a une occasion de corriger l'oubli qui a été fait en 1996, quand la Loi sur les contraventions a délégué aux provinces, aux territoires et à leurs municipalités la possibilité de remplacer le fédéral dans la poursuite de contraventions.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Lévesque, je vous remercie de ces explications, mais je ne veux pas vous pénaliser, monsieur Breitkreuz. Vous avez encore une minute et demie.

[Traduction]

Il vous reste encore une minute et demie.

M. Cliff Breitkreuz: Il me reste encore du temps? Merci.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Non, il ne vous en reste pas, mais je viens de vous en donner.

M. Cliff Breitkreuz: Comment pouvez-vous vous attendre à ce que les municipalités se conforment alors que le ministère de la Justice ici à Ottawa et le gouvernement ontarien ne se conforment pas? En fait, je suppose que nous allons tous réaliser des économies considérables puisqu'il était question de contraventions pour infractions au code de la route et de choses semblables. Il n'y a qu'à payer l'amende, voilà tout.

Comment pouvez-vous vous attendre à cela donc, alors que le gouvernement fédéral en place à Ottawa ne se conforme pas? C'est le gouvernement fédéral après tout, celui qui a fait adopter la Loi sur les langues officielles il y a de cela presque 30 ans. Comment pouvez-vous vous attendre à ce que les municipalités se conforment dans une province qui n'est pas officiellement bilingue?

M. Tory Colvin: Nous avons en fait négocié deux choses avec le gouvernement ontarien. Premièrement, la province a modifié sa loi afin de déléguer aux municipalités l'autorité de frapper de nullité toute décision judiciaire qui n'aurait pas respecté les règles de la justice naturelle, autrement dit, de décider que le tribunal n'était pas constitué selon les règles. Nous avons ensuite défini les règles de la justice naturelle de manière à y inclure les droits linguistiques. Nous avons également fait préciser dans la loi qu'il était possible d'invoquer dans le plaidoyer le contrat passé entre la municipalité et la province. Toutes les dispositions relatives à la protection linguistique se trouvent donc dans l'entente. Elles sont incorporées à la loi ontarienne.

Si donc quelqu'un est traduit devant un tribunal qui n'est pas disposé à lui parler dans sa langue, il est possible d'invoquer pour faire arrêter la procédure, le fait que le tribunal n'est pas constitué selon les règles. C'est que l'entente entre la municipalité et la province se trouve incorporée à la loi. C'est donc l'équivalent de dire aux municipalités que, si elles veulent avoir droit aux avantages des poursuites relatives aux infractions provinciales—si donc elles veulent avoir le droit de conserver l'argent provenant des amendes—, elles doivent offrir des services en français.

Notre association a, pour sa part, fait savoir au bureau du procureur général et aux municipalités qu'elle était prête à apporter son concours. Nous sommes prêts à leur donner les noms de personnes qui peuvent les aider pour ce qui est d'assurer les services du greffe aux personnes bilingues et de trouver des avocats de la poursuite de façon à régler le problème. Nous ne faisons pas que soulever le problème, nous tentons d'y trouver des solutions.

• 1620

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup, monsieur Breitkreuz. Merci, monsieur Colvin.

Avant que je ne cède la parole à M. Turp, je tiens à revenir à quelque chose que vous avez dit dans votre mémoire, que nous avons lu, au sujet du projet de loi C-108. Je crois savoir que, quand ce projet de loi était à l'étude, et c'est ce que disait d'ailleurs le rapport du commissaire, on n'y avait pas apporté les amendements nécessaires afin de veiller à assurer l'accès aux services dans l'une ou l'autre langue officielle. Vous venez dire que des amendements avaient été apportés au projet de loi. J'ai peut-être mal compris ou mal entendu.

M. Tory Colvin: On s'est entendu, madame la présidente, sur une solution de compromis qui a permis d'amender le projet de loi au printemps dernier, juste avant la troisième lecture.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Le 9 juin, si j'ai bien compris, le projet de loi a été adopté, mais sans amendement. Est-ce que je me trompe?

M. Tory Colvin: C'est le 9 juin qu'a eu lieu la troisième lecture, mais le projet de loi a été modifié avant cela. Je sais que l'entente à laquelle nous sommes arrivés avec le procureur général remonte à avril de l'an dernier.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci. Je crois que cette précision permettra aux membres du comité de mieux comprendre votre mémoire. Je crois qu'il est important que nous ayons des renseignements exacts. Je vous remercie donc pour cette réponse.

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): J'aimerais remercier les représentants de votre association de se présenter devant nous et d'investir du temps à notre comité. J'aimerais aussi dire que le Bloc québécois est heureux de constater jusqu'où va la promotion que vous faites de cette langue qui nous est commune, à vous qui êtes de l'Ontario et à nous, Québécois francophones, et vous dire que nous sommes tout à fait solidaires de ce combat que vous menez.

J'ai lu avec intérêt votre mémoire, qui est d'ailleurs très bien écrit en français. Je n'ai pas lu la version anglaise, qui doit aussi être bien écrite. Le problème des interprétations divergentes des pouvoirs constitutionnels de l'un et l'autre des ordres de gouvernement m'est apparu essentiellement juridique. M. le constitutionnaliste Gérald Beaudoin sera tout à fait séduit par les références que vous faites aux pouvoirs ancillaires du gouvernement fédéral.

Mais derrière le problème juridique, se pose-t-il un problème politique? Pourquoi le ministère de la Justice interprète-t-il de façon apparemment restrictive ses compétences? Pourquoi le gouvernement ontarien ne souhaite-t-il pas appliquer, comme il le pourrait sans doute, la Loi sur les contraventions en lui donnant une interprétation plus libérale? C'est ma première question.

Voici ma deuxième. Pourquoi faites-vous maintenant appel au Parlement? Est-ce que vous avez essayé sans succès d'obtenir gain de cause auprès des gouvernements? Est-ce que vous vous adressez à nous maintenant parce qu'il vous paraît incontournable que la loi soit modifiée par le biais d'une intervention parlementaire, le ministère de la Justice du Canada semblant ne pas vouloir en prendre lui-même l'initiative? C'est ma deuxième question.

J'en aurai une autre ensuite, madame la présidente.

Me Tory Colvin: Je ne voudrais pas prétendre être le porte-parole de Justice Canada, loin de là. D'après ce que je comprends, la position de ce ministère est que l'entente avec le procureur général pourra offrir toutes les protections nécessaires. Pour nous, cela ne suffit pas puisque cette entente ne fait pas partie de la loi. Donc, on ne peut pas plaider le non-respect des droits linguistiques.

Qu'il y ait une dimension politique au problème, c'est certain, puisque la solution est de modifier la loi. Et il n'y a que vous ici, bien sûr, qui êtes en mesure d'entreprendre un tel projet. C'est donc pour cela que nous avons sollicité la permission de comparaître devant vous.

M. Daniel Turp: Pourtant non. C'est le gouvernement qui peut initier un projet de loi. Avez-vous adressé une requête au ministre de la Justice lui demandant de présenter un amendement, requête qu'il aurait refusé de présenter? Est-ce là le motif de votre démarche auprès d'un comité parlementaire?

Me Tory Colvin: Nous avons eu plusieurs rencontres avec les fonctionnaires de Justice Canada, à qui nous avons signalé le problème que nous prévoyons. Nous leur avons dit qu'un amendement à la loi serait la solution. Était-ce une demande formelle?

• 1625

Oui, nous avons fait une demande formelle et, en plus, nous avons porté plainte auprès du commissaire aux langues officielles. Donc, nous tentons, par tous les moyens possibles, de faire rectifier cette erreur.

M. Daniel Turp: Quel sort a été réservé à votre demande officielle?

Me Gérard Lévesque: La réponse officielle de Justice Canada, à l'heure actuelle, c'est que les consultations se poursuivent. Mais nous savons qu'il y a controverse à savoir s'il y a eu délégation aux provinces ou incorporation par renvoi. Que ce soit l'une ou l'autre, il y a eu transformation. Il s'agissait d'une poursuite faite par le fédéral, pour violation d'une contravention, qui risque maintenant d'être faite par une municipalité en lieu et place du fédéral. Or, on n'a pas prévu de mécanisme pour protéger les droits linguistiques. Celui que nous avions n'accompagne pas automatiquement le transfert du droit de poursuivre.

C'est arrivé dans d'autres domaines; ce n'est pas la première fois qu'il y a un oubli. C'est la même chose pour la Loi sur le divorce. Une des recommandations du rapport du commissaire de 1995 y fait allusion. Il nous semblerait approprié que votre comité, compte tenu de son mandat, se penche sur le rapport et les recommandations de 1995 que le commissaire aux langues officielles a présentés à notre congrès. Lorsque le Parlement a décidé que l'application de la Loi sur le divorce serait confiée aux tribunaux des provinces plutôt qu'à la Cour fédérale, on n'a fait aucune mention des droits linguistiques.

C'est ainsi que deux francophones qui veulent demander le divorce peuvent être empêchés d'utiliser leur langue dans une procédure de divorce s'il n'y a rien de mentionné à cet effet dans la loi fédérale, comme c'est le cas à l'heure actuelle. C'est très difficile dans une province, et j'ai pu le constater même ici, à Ottawa; les deux parties étaient francophones mais, dans bien des instances, on ne pouvait pas utiliser le français, cela parce que la loi fédérale était silencieuse quant à l'utilisation du français et avait transmis au tribunal de la province la juridiction fédérale sur le divorce. C'est maintenant corrigé en Ontario, mais dans les autres provinces, ce ne l'est pas encore.

C'est là un autre point dont nous aimerions vous saisir pour que vous en débattiez, parce que c'est le cas d'autres lois que celle sur le divorce. Dans le dossier des causes criminelles, la première Loi sur les langues officielles était astucieuse: la loi de 1969 disait..

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Astucieuse?

Me Gérard Lévesque: Elle était astucieuse.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je voulais seulement comprendre le mot. Est-ce astuce?

Me Gérard Lévesque: Astucieuse. Une astuce.

M. Daniel Turp: C'est l'adjectif qui va avec le nom.

Me Gérard Lévesque: Le Code criminel...

M. Daniel Turp: Avez-vous compris, madame la présidente?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je ne le sais pas. C'est quelque chose qui m'a frappée comme cela.

Me Gérard Lévesque: Le Code criminel est de compétence fédérale, mais son application est provinciale. La première loi permettait l'utilisation du français—c'est-à-dire des deux langues, ce qui voulait dire du français—quand les causes civiles pouvaient être entendues en français dans une province. Donc, cela fournissait aux provinces du Canada autres que le Québec l'occasion de ne pas évoluer sur le plan linguistique quand elles ne voulaient pas le faire. Elles n'avaient qu'à ne pas autoriser de causes civiles en français pour ne pas avoir à tenir de causes criminelles en français.

Il n'y a que le Nouveau-Brunswick qui a accepté de le faire. En Ontario, cela s'est produit en 1979. Il a fallu 25 ans pour que, d'un bout à l'autre du pays, des causes criminelles puissent se dérouler en français. On ne voudrait pas attendre encore 25 ans pour ce qui est de la Loi sur les contraventions, de la Loi sur le divorce ainsi que de toutes les autres lois qui relèvent du Parlement canadien.

C'est pourquoi nous demandons à votre comité, qui a un mandat très spécifique quant aux langues officielles, de se pencher sur les oublis qui ont été faits. En 1996, lorsque le Parlement a modifié la loi de 1992 sur les contraventions pour permettre à des provinces, territoires et municipalités de remplacer le procureur général dans les poursuites pour des contraventions fédérales, il y a eu un oubli.

M. Daniel Turp: Je veux bien comprendre cela. L'oubli—si c'est un oubli—ne vous empêcherait tout de même pas de faire ce que vous voulez faire.

Me Gérard Lévesque: Après un an de négociations...

M. Daniel Turp: Selon votre interprétation à vous, les services devraient être donnés en langue française. Cependant, une modification législative encadrerait mieux les services ou, en tout cas, réussirait à convaincre des gens de ce que c'est obligatoire. L'obstacle que vous avez mentionné se situait au ministère de la Justice. En existe-t-il aussi un au niveau du gouvernement ontarien?

Me Gérard Lévesque: Nous sommes parvenus, avec le gouvernement ontarien, à un compromis qui n'est pas nécessairement la solution que nous recherchons. Par ce compromis, nous avons obtenu plus que la correction de l'oubli qui avait été fait. Nous avons obtenu une modification au projet de loi, après un an de débat. En Ontario, nous avions affaire à un gouvernement majoritaire qui ne voulait pas modifier son projet de loi. Au mois de mai 1997, nous avons rencontré le comité parlementaire qui étudiait le projet de loi 108 et il n'a pas accepté notre recommandation.

• 1630

Il nous a fallu un an de débat, de négociations et de rencontres avec le procureur général de l'Ontario avant qu'il reconnaisse que, oui, il pouvait y avoir un problème dans le cas où seraient transmises à une municipalité non seulement la poursuite pour des infractions provinciales mais également la poursuite pour des contraventions fédérales. En effet, au-delà des droits reconnus par la Loi sur les langues officielles, il y a le droit linguistique enchâssé dans la Constitution qui est ici en cause, avec tout ce qui s'ensuit.

Si un citoyen voulait faire valoir le point de droit contenu dans la Constitution, il aurait droit au financement qu'accorde le Programme de contestation judiciaire actuel. Mais, comme le droit linguistique constitutionnel n'a pas été précisé dans les lois qu'on a transmises aux provinces et aux municipalités, il y a une perte évidente, à l'heure actuelle, du droit au service au comptoir en français, par exemple, lequel est assujetti au paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

M. Daniel Turp: D'accord. Si c'est un droit constitutionnel, il n'est pas nécessaire de l'incorporer dans une...

[Note de la rédaction: Inaudible]).

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Turp, vous aurez droit à une autre question dans quelques minutes. Je vous ai déjà accordé trois minutes de plus. D'accord?

Madame?

[Traduction]

Pardonnez-moi. Monsieur Robichaud, avez-vous dit que vous vouliez poser une question? Avez-vous changé d'avis?

Le sénateur Louis J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): Oui, j'en ai une.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Très bien.

[Français]

Le sénateur Louis Robichaud: Je ne voulais embarrasser personne.

Je trouve que nous avons fait des progrès qui sont loin d'être minces dans l'application de la Loi sur les langues officielles. Au contraire, il y a eu des progrès énormes en Ontario et, surtout, au Nouveau-Brunswick, quand on se reporte aux années 1950, auxquelles M. Lévesque a fait allusion.

Alors que j'étais jeune avocat, j'ai vu un procès où le juge avait de la difficulté à parler anglais, où le procureur de la Couronne pouvait bien se débrouiller dans les deux langues, où l'avocat de la défense, parfaitement bilingue, parlait un français acadien, où tous les témoins étaient francophones, j'ai vu ce procès se dérouler entièrement en anglais, pour les besoins de la cause d'alors. Cela ne se voit plus à l'heure actuelle. C'est là un immense progrès.

Il y a encore des accrocs. À ce que je lis dans votre mémoire, vous faites trois requêtes. Les grands principes de l'application de la Loi sur les langues officielles sont tout de même respectés. Bien que vos requêtes n'aillent pas trop loin, je me demande si vous ne pourriez pas être plus concis. Je lis cela et j'ai de la difficulté à comprendre ce que votre association demande exactement, et qu'elle demande avec raison.

Je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce que vous réclamez exactement des autorités fédérales. Nous, du comité, n'avons pas juridiction sur la législature de l'Ontario. C'est une de mes questions; j'en aurai une autre par la suite.

Me Tory Colvin: Monsieur le sénateur, tout d'abord, je suis complètement d'accord avec vous que les droits linguistiques ont fait des progrès énormes dans les quelque 20 années qui viennent de s'écouler. Ce que nous craignons, c'est que cette loi risque d'être un pas en arrière; pas un retour complet aux années 1950, mais quand même un pas en arrière.

Dans notre première recommandation, nous demandons ce qui existe déjà comme procédure dans le Code criminel du point de vue linguistique, c'est-à-dire ce qui est prévu à la partie XVII du Code criminel, qui donne droit à un procès soit en français, soit en anglais, soit bilingue. C'était la procédure qui devait être suivie avant la Loi sur les contraventions. Ce n'est qu'à la suite de cette loi et de la dévolution aux provinces que ceci a disparu.

• 1635

Ce que nous recommandons, c'est ce que le commissaire aux langues officielles a appelé, dans son rapport de 1995, le minimum acceptable, c'est-à-dire des garanties pour les droits linguistiques. Cela constitue d'ailleurs une partie du Code criminel qui découle de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Louis Robichaud: En somme, vous demandez un amendement au Code criminel.

Me Tory Colvin: Non, monsieur le sénateur. Cela existe déjà dans le Code criminel.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Un amendement à la Loi sur les contraventions.

Me Tory Colvin: Ce que nous aimerions, c'est que la procédure qui existe dans le Code criminel, qui était la procédure qui s'appliquait aux contraventions, soit introduite dans la Loi sur les contraventions afin que cette protection linguistique se trouve dans la nouvelle loi.

Le sénateur Louis Robichaud: Est-ce ce la seule chose que vous demandez à notre comité?

Me Tory Colvin: Eh bien, les autres recommandations...

Le sénateur Louis Robichaud: Pour les deux autres, vous demandez de revenir devant le comité.

Me Gérard Lévesque: Le rapport de 1995 du commissaire aux langues officielles, qui portait sur l'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux, contenait, je crois, 13 recommandations. Beaucoup de consultations ont été faites et Justice Canada a publié un document de travail que nous citons également dans notre mémoire. Les sous-procureurs généraux des provinces se sont rencontrés et ont tenu des discussions à différents niveaux.

Il serait intéressant, toutefois, que les sénateurs et les députés qui ont un mandat particulier en matière de langues officielles puissent inviter le commissaire aux langues officielles à venir défendre ses recommandations et entendre d'autres témoins pour savoir ce qu'il est advenu de cette consultation et si certaines des recommandations seront mises en oeuvre. En effet, la collaboration du Parlement sera certainement essentielle pour que ce soit fait. Il faudra un vote pour préciser, dans certaines lois fédérales, quels droits linguistiques s'appliqueront, dans le cas où un procès ne se déroulera pas devant un tribunal fédéral ou dans un cas où le procureur ne sera pas du niveau fédéral.

Le sénateur Louis Robichaud: Je vous félicite du travail que fait votre association. Maintenant, savez-vous s'il existe une association similaire dans d'autres provinces? Je voudrais que ce soit porté au dossier.

Me Tory Colvin: Oui, il y a en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta des associations de juristes d'expression française.

Le sénateur Louis Robichaud: Est-ce qu'elles sont aussi actives que la vôtre?

Me Tory Colvin: Nous aimons nous vanter d'être l'association la plus active, mais si je le répétais devant les autres, elles nous disputeraient peut-être ce titre.

Le sénateur Louis Robichaud: Merci.

Je crois savoir ce qu'est un procès bilingue, mais j'aimerais qu'on me le précise. Est-ce un procès avec interprétation simultanée? Est-ce bien cela?

Me Tory Colvin: C'est un procès où la transcription et les documents soumis en preuve peuvent être soit en anglais, soit en français et où l'interprétation simultanée sert simplement à se faire comprendre. Dans le cas d'un procès en français, tout se fait en français; si vous avez un procès en anglais, tout se fait en anglais. Le Code criminel prévoyait les trois possibilités.

On s'imagine bien, par exemple, qu'au Québec, plusieurs procès ne se tiennent qu'en français et qu'en Ontario, plusieurs ne se tiennent qu'en anglais.

Le sénateur Louis Robichaud: Cela n'implique pas l'interprétation simultanée.

Me Tory Colvin: Pas forcément. Non, monsieur.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Sénateur Beaudoin, je vous prie.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Je voudrais revenir au principe de base. La Loi sur les langues officielles, selon moi, est une loi qui, au Canada, met le français et l'anglais sur le même pied, absolument sur le même pied. Que cela coûte de l'argent ou non, la loi n'en traite pas. Et cette loi s'applique au palier fédéral.

Je ne peux pas accepter, en tant que juriste, que le français soit moins bien protégé dans le cas où le fédéral délègue un pouvoir. D'après moi, cela va contre l'esprit de la loi, qui veut l'égalité des deux langues. Ce serait démolir ce que vous venez de construire. Alors, il faut au moins vous accorder ce que vous demandez. Autrement, on en arriverait à la situation où quand une loi fédérale est administrée par le fédéral, un procès serait bilingue, et quand la même loi est déléguée, le procès ne serait plus bilingue. Cela va contre la Loi sur les langues officielles.

• 1640

Peut-être que même la délégation d'un pouvoir va contre la loi, mais cela est une autre histoire, et, a fortiori, la délégation d'un pouvoir à une municipalité. Il y a un principe de droit qui dit: «delegatus non potest delegare»; celui à qui un pouvoir a été délégué ne peut déléguer à son tour ce pouvoir. Vous allez me dire que cela se trouve dans la loi fédérale. Si c'est dans la loi fédérale, je peux comprendre le principe, mais je ne peux pas accepter qu'une loi quasi constitutionnelle, comme celle des langues officielles... Ce n'est pas une loi comme une autre; elle est quasi constitutionnelle.

M. Daniel Turp: Dans quel arrêt a-t-on dit cela?

Le sénateur Gérald Beaudoin: On l'a dit dans je ne sais combien d'arrêts, mais il y a certainement beaucoup de juristes qui l'ont écrit en doctrine. Pour moi, il ne fait aucun doute que c'est une loi quasi constitutionnelle.

Je ne peux pas admettre que le mécanisme d'une délégation quelconque ou d'une sous-délégation quelconque permette de se soustraire à l'obligation du bilinguisme qui, elle, est constitutionnelle.

Si on choisit de conclure une entente par laquelle certains pouvoirs fédéraux sont délégués à un niveau provincial ou à un niveau municipal, je ne peux accepter que des droits acquis soient ainsi brimés alors qu'ils auraient été respectés si le fédéral avait légiféré et agi lui-même.

Donc, selon moi, il ne serait pas surprenant qu'un jour—et ce serait une belle chose à plaider en Cour suprême—, la Cour suprême arrive à la conclusion qu'il y a une obligation constitutionnelle de s'assurer que le bilinguisme est respecté quand un pouvoir est délégué.

Vous prêchez à un converti, surtout quand il s'agit du troisième pouvoir de l'État. On parle ici de contraventions, c'est-à-dire du pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont les trois grands pouvoirs de l'État. C'est fondamental. On ne peut pas aller contre cela sans aller contre la Constitution.

Je me dis qu'il faut trouver un moyen pour que le bilinguisme garanti en vertu d'une loi fédérale le demeure lorsque cette loi est déléguée, pour que le bilinguisme soit aussi garanti en matière de délégation qu'il l'est quand c'est le fédéral lui-même qui agit. Selon moi, c'est là le principe de base. D'après moi, on n'a pas le choix; il y a là une obligation.

M. Daniel Turp: Présentez donc un projet de loi au Sénat. Vous seriez capable d'en prendre l'initiative.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, oui.

M. Daniel Turp: Faites-le donc.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Certainement. Je n'y vois pas d'objection. Toutefois, il faut réussir à convaincre et je n'ai droit qu'à un vote.

M. Daniel Turp: Oui, mais vous êtes majoritaires au Sénat.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, mais...

M. Daniel Turp: C'est vrai, ils ne le sont plus.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je pense qu'il faut marteler cette idée dans les esprits. On entend souvent l'argument—que j'ai entendu l'autre jour et qui m'a scandalisé—que les francophones ne représentent que 25 p. 100 de la population canadienne. L'égalité du français et de l'anglais n'est pas garantie à 25 p. 100 dans la Loi des langues officielles. C'est l'égalité absolue du français et de l'anglais qui est garantie. Je regrette, mais c'est ce que dit la Constitution. Selon moi, c'est très clair que c'est 50-50.

Le but de mon intervention est le suivant: autant je veux qu'une loi fédérale soit intégralement appliquée dans les deux langues, autant je veux que la même loi, une fois déléguée, s'applique également dans les deux langues. Sinon, on n'a qu'à déléguer pour se soustraire à l'obligation de bilinguisme. Cela n'a aucun sens.

Oui, allez-y.

Me Tory Colvin: C'est exactement ce qui nous inquiète, monsieur le sénateur, parce que si les droits linguistiques ne sont pas inclus dans la loi elle-même, d'une façon ou d'une autre, ils ne peuvent être plaidés. Donc, s'ils ne sont inclus que dans l'accord entre les provinces et gouvernement fédéral, ce ne sont plus des droits qui peuvent être plaidés en cour, mais une grâce administrative. Je crois que nos droits linguistiques sont trop importants pour être ramenés au rang d'une grâce qu'on peut accorder et pour ne plus être considérés comme étant protégés par la loi.

• 1645

Le sénateur Gérald Beaudoin: J'ai une deuxième petite question à poser, si vous me le permettez.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Oui, monsieur Beaudoin, vous avez deux minutes.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il s'agit de... Attendez.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Voulez-vous que je revienne à vous tout à l'heure?

[Français]

Voulez-vous que je vous redonne la parole plus tard? Mme Losier-Cool a une question qui découle de la vôtre.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je vais attendre volontiers que ma collègue ait posé sa question.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Madame Losier-Cool.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Le sénateur Beaudoin vient de parler de la question de délégation des pouvoirs par le fédéral. La Commission Fontaine, qui a été nommée par le ministre Massé et doit soumettre un rapport en janvier 1999, doit examiner toute cette question de la dévolution des pouvoirs aux régions, surtout aux régions dans lesquelles il y a des minorités.

Est-ce que la question de la langue dans le système judiciaire, surtout en rapport avec la Loi sur les contraventions, fera l'objet de ce rapport? Avez-vous rencontré le groupe d'Yvon Fontaine?

Me Gérard Lévesque: Oui, on a eu l'occasion de rencontrer le groupe présidé par M. Yvon Fontaine, mais il a dit qu'il n'allait pas se mêler de la question de fond dans le dossier entre Justice Canada et nous et décider qui avait raison. Ils étudient la question au plan théorique et ne font pas de cas de cet exemple très précis. C'est un exemple assez intéressant d'une transformation de l'État fédéral. On s'attend à ce que dans le rapport de ce groupe, qui doit être publié prochainement, on traite au moins indirectement de cette question.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Cette question doit absolument être là. C'est exactement ce que le sénateur Beaudoin a dit lorsqu'il a parlé de délégation de pouvoirs. C'est la raison pour laquelle le ministre Massé a demandé au groupe Fontaine de se pencher sur toute la question de la dévolution de pouvoirs par le gouvernement fédéral. Au Nouveau-Brunswick, il n'y a pas de problème, mais en Colombie-Britannique, c'est bien différent.

Me Gérard Lévesque: C'est ce qui nous inquiète. En Ontario, on avait un système de droits linguistiques provincial auquel on pouvait avoir recours pour négocier avec notre province, mais nos collègues des autres provinces n'ont pas cette possibilité.

Dans certaines provinces, qu'arrivera-t-il lors de la poursuite de contraventions fédérales? Je pense à l'Alberta, à la Colombie-Britannique et ainsi de suite. Cet exemple est assez intéressant.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Chers collègues, si vous le permettez, monsieur Lévesque et madame Losier-Cool, je crois qu'il est important que vous sachiez que votre document a été remis à M. Massé aujourd'hui, et je peux vous donner l'assurance qu'il sera examiné. Je suis moi-même intervenue pour m'assurer qu'il sera étudié très attentivement.

M. Tory Colvin: Merci, madame.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je ne peux pas accepter qu'on puisse se libérer d'une obligation constitutionnelle en déléguant à un autre ce qu'on doit faire soi-même ou ce qu'on peut faire soi-même en respectant le bilinguisme. Je ne peux pas accepter cela.

Comme le regretté juge Brian Dickson le disait dans l'affaire des Acadiens, à quoi sert-il de parler français ou anglais si personne ne comprend? Que voulez-vous, il faut une structure. Il ne s'agit pas simplement de dire aux gens qu'ils ont le droit de parler français au mur. Cela ne marche pas. Il faut que les structures suivent. Enfin, c'est un autre problème. J'y reviendrai.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

Me Nathalie Boutet: Puis-je répondre à la question de Rose-Marie Losier-Cool?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Mais oui.

Me Nathalie Boutet: Même si on n'a pas encore le rapport d'étude, le Commissariat aux langues officielles s'est penché directement sur la question. J'invite les membres du comité à lire le rapport. Entre autres, on y fait état des problèmes de délégation et on y indique très clairement que les droits linguistiques ne sont pas négociables. C'est important.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): On l'a lu.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

Madame Bradshaw.

Mme Claudette Bradshaw (Moncton—Riverview—Dieppe, Lib.): Je veux aussi vous féliciter. En tant qu'Acadienne du Nouveau-Brunswick, ça me fait chaud au coeur de vous entendre. À titre de secrétaire parlementaire pour la Francophonie internationale, j'ai l'occasion de voyager beaucoup plus au Canada et de voir les francophones de toutes nos provinces. Je veux vous féliciter.

Je suis d'accord avec le sénateur. M. Turp a posé les questions que je voulais poser. J'ai l'impression que vous étudiez beaucoup de statistiques. Vous devez étudier les statistiques sur les personnes qui font une demande mais dont les besoins ne sont pas comblés. Avez-vous des statistiques sur cela?

• 1650

Me Tory Colvin: Non, madame, nous n'avons pas de statistiques précises là-dessus.

Mme Claudette Bradshaw: Vous n'en avez pas.

Me Tory Colvin: En Ontario, il est un peu difficile d'obtenir des statistiques sur le nombre de procès en français ou en anglais parce que, très souvent, on ne tient pas compte de cet aspect. Par exemple, on a découvert que dans l'est de l'Ontario, où on a l'habitude des procès tenus en français ou en anglais, on n'accroche pas la boîte pour dire que le procès est en français ou en anglais. C'est un procès, point, et ils n'y pensent pas. Dans les autres parties de l'Ontario, où le français est beaucoup plus rarement parlé, c'est affiché. Donc, il paraît que beaucoup de procès qui se déroulent en français dans l'est de l'Ontario ne sont pas reconnus comme se déroulant en français.

Cela dit, à mon avis, ce n'est pas une question de statistiques. C'est une question de droit fondamental. En tant que Canadien, on doit pouvoir plaider dans sa langue, surtout quand il s'agit d'une infraction fédérale. Quand bien même il n'y aurait qu'une seule personne, cette personne, à mon avis, devrait avoir ce droit. On ne doit pas le lui retirer tout simplement parce qu'on a oublié d'en parler dans la loi.

Mme Claudette Bradshaw: Je suis d'accord sur ce que vous dites: même s'il n'y avait qu'une seule personne, on devrait lui donner ce droit. Cependant, en réalité, si vous pouviez dire combien de demandes on a pu avoir, cela aurait un impact, non seulement politique mais aussi un autre impact. Je vous suggère de parler aux membres de votre association pour qu'ils soient bien conscients de cela.

Me Nathalie Boutet: Un des problèmes qui existent dans cette dynamique, c'est qu'il y a beaucoup de justiciables dont les droits linguistiques sont brimés au comptoir et qui ne connaissent malheureusement pas notre association, non plus que leurs droits. Dans nos revendications, on fait toujours la promotion de l'offre active. Ce n'est pas nécessairement au petit justiciable qui ne connaît pas ses droits d'aller se plaindre pour faire monter les statistiques. Ce n'est pas comme ça que les choses se passent. Quelqu'un se dit qu'il aimerait avoir un procès bilingue ou s'adresser à quelqu'un en français quand il paie son amende, mais la personne au comptoir lui dit: You pay or you get out or you go to jail. Il ne viendra pas nécessairement voir notre association pour faire monter les statistiques. Oui, il serait intéressant de les avoir, mais c'est une proposition qui est peut-être impossible.

Mme Claudette Bradshaw: Peut-être y aurait-il lieu de faire un petit peu de publicité là-dessus. Je crois que si les personnes étaient plus au courant de leurs droits, vous auriez peut-être plus de soutien. C'est de cette manière que je vois les choses. Je suis d'accord avec le sénateur et je cherche toujours à vous trouver une manière de régler le problème. Il faudrait peut-être sensibiliser nos francophones au fait qu'ils ont ce droit.

Me Tory Colvin: Très souvent, madame, il y a un problème quand on veut fixer la date d'un procès en français ou d'un procès bilingue. Quand je suis prêt à fixer la date d'un procès en anglais, cela se fait le jour même, point final. Mais quand je dis que ce sera un procès en français, hop, il faut remettre ça parce qu'on ne sait pas quand le juge français—on parle toujours du juge français, mais on veut dire le juge qui parle les deux langues—sera disponible. Donc, le manque de magistrats pose une autre entrave à l'accès. Les justiciables, surtout dans les causes familiales, les causes de divorce ou de garde d'enfant, se disent souvent qu'ils préfèrent que ça se déroule en anglais plutôt que d'avoir à attendre. Il y a quand même une certaine urgence dans tout cela. C'est l'autre aspect du problème.

Mme Claudette Bradshaw: Mais vous savez que plus il y aura de demandes, plus les politiciens vont s'impliquer. Merci.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): M. Breitkreuz sera le suivant, mais je veux vous demander ce qu'il arriverait si on me donnait une contravention pour une infraction au code de la route au moment où je sortais de la 401 en direction d'un aéroport qui se trouve à l'extérieur de la Communauté urbaine de Toronto? Comment ferais-je pour lire ce qui est inscrit sur la contravention? Faudrait-il que tous les agents de la police ontarienne soient bilingues pour qu'ils puissent dresser des contraventions.

M. Tory Colvin: Le formulaire de contravention qui est utilisé en Ontario est rédigé dans les deux langues officielles, mais le policier peut décider de la langue qu'il utilisera pour cocher les différentes cases. Il en va de même pour les infractions qui relèvent du Code criminel et, parce que j'étais d'avis que l'accusation pour un procès en français devait être rédigée en français, je suis passé par la Cour d'appel pour ensuite aller frapper à la porte de la Cour suprême du Canada relativement à cette question, où on m'a débouté. Le premier juge s'est dit d'accord avec moi, mais pas les autres.

Ici la contravention...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je crois que vous devriez retenir les services de M. Beaudoin. Vous gagneriez sûrement.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Eh bien, il a dit que le billet était dans les deux langues.

• 1655

[Traduction]

M. Tory Colvin: Le formulaire est imprimé dans les deux langues.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il est dans les deux langues?

M. Tory Colvin: Le formulaire est dans les deux langues. Ce qu'a inscrit le policier...

[Français]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ce qui compte, c'est ce que les policiers écrivent sur le billet. Si quelqu'un ne comprend pas la langue dans laquelle ces notes ont été écrites, est-ce que ses droits ont été violés?

[Traduction]

Vous ne voulez pas plaider la cause?

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis tenté de vous répondre que si on exigeait un très haut niveau de français ou d'anglais, il y aurait peut-être beaucoup de contraventions qui n'iraient pas jusqu'au bout.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): D'accord, je vous laisse poursuivre la discussion avec Cliff Breitkreuz, mais j'ai cru bon de poser la question. Allez-y.

M. Cliff Breitkreuz: Toute cette confusion, toutes ces plaintes, toutes ces complexités avaient en fait été prévues par le premier ministre qui nous a donné la Loi sur les langues officielles, le premier ministre Trudeau, quand il a dit en 1977 que les langues officielles étaient une erreur, car il lui semblait qu'il en résulterait une foule de problèmes sans qu'on puisse y apporter de solutions.

Vous avez demandé s'il y avait des statistiques, madame Bradshaw. Le fait est qu'il n'y a pas de plainte. J'ai ici une foule de plaintes du Bureau du commissaire aux langues officielles et pas une de ces plaintes ne concerne l'administration de la justice, si ce n'est la plainte que nous présente l'organisation que nous avons devant nous et celle qui ont été présentées par une ou deux autres organisations—qui relèvent sans doute de celles que nous avons devant nous.

D'où nous vient-il donc d'être sollicités ainsi s'il n'y a pas de plainte à part la vôtre?

M. Tory Colvin: Je crois qu'elle vient sans doute en partie du fait, monsieur, que, dans la plupart des cas, ceux qui commettent les infractions en question ne seraient peut-être pas conscients de leur droit. La situation actuelle ressemble beaucoup à ce qui s'est passé au Manitoba il y a une vingtaine d'années, quand une contravention pour infraction aux règles du stationnement a ouvert la porte aux droits relatifs à l'utilisation du français au Manitoba. À partir d'une contravention mineure, nous en sommes venus à revoir complètement la place du Manitoba dans la Constitution.

Bien des gens ne comprennent tout simplement pas la situation ou ne voient pas le problème. Ils reçoivent une contravention et se disent: bon, il faut que je la paye. Pour ma part, j'estime qu'on oublie l'autre aspect complètement. Quand on reçoit une contravention qu'on ne comprend pas, on peut la payer, mais cela fera croître le ressentiment et il me semble que le gouvernement aliène ainsi les gens. En tout cas, c'est un problème qui ne devrait pas se poser dans l'administration de la justice. La procédure est déjà assez compliquée sans qu'elle soit encore plus difficile à comprendre pour les gens moyens simplement à cause de problèmes de langue.

M. Cliff Breitkreuz: Comment pensez-vous que tout cela sera accueilli finalement? Vous parlez essentiellement de la situation au Canada anglais, mais comment cela sera-t-il accueilli au Québec, qui est une province unilingue, où on a la loi 101? Comment cela sera-t-il accueilli au Québec?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Nous avons le droit à une contravention bilingue. Nous pouvons plaider dans les deux langues.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Lisez les transcriptions du procès.

[Français]

Me Gérard Lévesque: S'il y a une modification de la Loi fédérale sur les contraventions, elle ne s'appliquera pas seulement à l'Ontario. Elle va s'appliquer à toute province qui va accepter de remplacer le procureur général dans la poursuite des contraventions fédérales. C'est peut-être une occasion intéressante. Si, par exemple, un parti politique prône une réforme du pays en disant que, dorénavant, les droits linguistiques devront relever seulement des provinces, on aura peut-être l'occasion de dire: En matière de délégation aux provinces, est-ce qu'on recommence à zéro dans le domaine des droits linguistiques en renégociant tout ce qui doit être accordé ou si on maintient le statu quo quant aux droits linguistiques?

Aujourd'hui, devant le comité, on ne demande pas de droits nouveaux. On demande une clause de maintien des droits acquis au niveau fédéral, qui va faire en sorte que chaque fois que le procureur général du Canada sera remplacé par une province, un territoire ou une municipalité dans une poursuite pour une contravention fédérale, le droit linguistique existant sera maintenu. C'est la même chose dans n'importe quel domaine fédéral. S'il y en a qui pensent réformer le pays en disant que, dorénavant, tous les droits linguistiques devront relever des provinces, ce sera l'occasion de dire, avec cet exemple-ci, qu'on maintient le statu quo ou qu'on recommence à zéro et qu'on négocie les droits linguistiques dans chaque province.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ne trouvez-vous pas qu'on a assez de choses dans la vie quotidienne sans recommencer le débat, monsieur? Je pense qu'on devrait bâtir sur ce qu'on a déjà, qui est d'ailleurs très bon, même sur le plan mondial.

[Traduction]

Pardonnez-moi, vous aviez terminé?

• 1700

M. Cliff Breitkreuz: Non. Je suppose qu'il nous faut peut-être une autre Loi sur les langues officielles et un autre commissaire aux langues officielles, sinon les choses vont simplement se poursuivre comme avant.

M. Tory Colvin: Le poste est sur le point d'être comblé.

M. Cliff Breitkreuz: Écoutez, je suis bilingue.

M. Gérard Lévesque: Vous êtes candidat? Ils en cherchent un.

M. Cliff Breitkreuz: Non, je ne voudrais pas m'imposer aux Canadiens en acceptant un poste comme celui-là.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Non. Vous voulez dire que vous aimez tellement ce que vous faites que vous n'envisageriez pas de partir.

M. Cliff Breitkreuz: Vous avez tout compris.

Des voix: Oh, oh!

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur McWhinney, s'il vous plaît.

[Français]

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Madame la présidente, j'aimerais donner un aspect bipartisan à cette discussion. Pour ce qui est du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Forest, je crois que les propos de M. Beaudoin sont tout à fait corrects. Il a raison, et je me rallie à sa thèse. Il y a peut-être des inconvénients, mais pas de confusion. Il faut corriger cette perception. Il n'y a pas de confusion quant aux implications juridiques de la Loi sur les langues officielles. Il y a des inconvénients, mais on peut régler ces choses par un élément de pragmatisme. Vous avez raison, cher collègue.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je veux corriger quelque chose. Il y a eu au moins un arrêt de la Cour suprême du Canada qui a annulé plusieurs articles de la Loi 101. En fait, il y en a eu deux: un qui disait que les lois du Québec devaient être dans les deux langues, ce qui n'est pas le cas dans les autres provinces, sauf évidemment au Nouveau-Brunswick et au Manitoba...

Une voix: C'est l'arrêt Blaikie.

Le sénateur Gérald Beaudoin: En effet, c'est l'arrêt Blaikie. Il y a même eu un arrêt Blaikie 2 pour les municipalités. Ensuite, il y a un autre arrêt qui dit que les procès au Québec sont en français ou en anglais. On ne peut pas dire que le Québec est unilingue. Ce qui est exact, c'est que le Nouveau-Brunswick, depuis 1982, va plus loin sur le plan juridique, mais il ne faut pas affirmer que le Québec est unilingue. Le Québec n'est pas unilingue. Les lois sont adoptées dans les deux langues et les procès ont lieu dans les deux langues. Je ne peux pas ne pas intervenir là-dessus, parce que c'est inacceptable.

Sur le plan du bilinguisme, je reviens encore à la question de la délégation. La Loi sur les langues officielles régit les lois fédérales. Or, la Loi sur les contraventions, qui est devant nous, est fédérale. Donc, il faut qu'elle soit conforme à la lettre et à l'esprit de la Loi sur les langues officielles.

Maintenant, on a prévu dans cette loi qu'il pouvait y avoir une certaine délégation. C'est une façon de parler, parce que le fédéral ne peut pas déléguer des pouvoirs aux provinces. Cela n'existe pas selon la Constitution. On n'a pas le droit de déléguer des pouvoirs d'Ottawa aux provinces et vice versa. Mais là on prévoit un certain mécanisme qui fait en sorte que les municipalités et la province peuvent faire ce que le fédéral pourrait faire lui-même. Mon seul argument, c'est que si une telle loi fédérale, qui est régie par la Loi sur les langues officielles, prévoit une sorte de délégation, il ne faut pas que, par délégation, on passe à côté du bilinguisme, autrement dit qu'on se décharge d'une responsabilité constitutionnelle.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): C'est fondamental. C'est dans les lois du Canada qui régissent le...

Le sénateur Gérald Beaudoin: D'après moi, c'est très fondamental. Je suis absolument certain que si cela allait devant la Cour suprême, cette dernière tiendrait à peu près le même raisonnement. Elle ne se servirait peut-être pas des mêmes mots, mais, d'après moi, l'idée est évidente. Quand vous demandez dans votre mémoire que la Loi sur les contraventions soit modifiée pour y inclure une garantie de maintien des droits, je suis tout à fait d'accord. Je pense qu'elle est déjà là, cette garantie, mais j'ai appris une chose dans ma vie de juriste, à savoir qu'il est bon de revenir sur les mêmes principes. Les gens disent qu'il y a des répétitions, mais il en faut, des répétitions, parce que les gens comprennent lentement et, surtout, ils oublient. Je me dis donc qu'il faut revenir là-dessus. Si vous me demandez mon opinion, je vous dirai que je suis tout à fait d'accord sur cela.

Une voix: Merci, monsieur le sénateur.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ainsi, la réaffirmation...

M. Ted McWhinney: C'est une obligation constitutionnelle.

Le sénateur Gérald Beaudoin: On ne se débarrasse jamais d'une obligation.

• 1705

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Y a-t-il d'autres questions?

Je crois que je peux vous offrir nos remerciements sincères.

Monsieur Lévesque, c'est une question de hasard ou de chance pour nous, mais je m'occuperai de garde d'enfants et de droits de visite ainsi que des modifications à apporter à Loi sur le divorce, demain, toute la journée, de 10 heures à 18 heures, et je vous donne l'assurance que je veillerai à ce que vos observations soient portées à notre attention et que nous y donnions suite. J'espère ne pas avoir de problème et j'espère aussi que cela sera accepté comme une condition sine qua non. Je voulais tout simplement montrer à mes trois autres collègues qui sont ici et qui sont des spécialistes du latin que je connais moi aussi une expression latine.

Je tiens donc à vous remercier sincèrement.

Si vous avez quelque chose à ajouter avant que nous ne levions la séance, nous serions heureux de vous entendre.

[Français]

Me Tory Colvin: J'aimerais simplement répéter, madame la présidente, honorables sénateurs et députés, que c'est nous qui vous remercions.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup.

Je tiens à dire aux membres du comité que la prochaine réunion aura lieu le mardi 24 novembre, à 15 h 30, dans la salle 701 de l'Édifice de la Promenade, et que nous y accueillerons la Towshippers' Association.

Merci beaucoup. La séance est levée.