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Projet de loi S-216

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Deuxième session, quarante-troisième législature,

69 Elizabeth II, 2020

SÉNAT DU CANADA

PROJET DE LOI S-216
Loi édictant la Loi sur l’esclavage moderne et modifiant le Tarif des douanes

PREMIÈRE LECTURE LE 29 octobre 2020

L’HONORABLE SÉNATRICE Miville-Dechêne

4321926


SOMMAIRE

Le texte édicte la Loi sur l’esclavage moderne, laquelle oblige certaines entités à faire rapport sur les mesures qu’elles prennent pour prévenir et atténuer le risque du recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de marchandises par l’entité — au Canada ou ailleurs — ou de leur importation au Canada. La loi donne au ministre le pouvoir d’exiger qu’une entité lui fournisse certains renseignements et crée un régime d’inspection.

Le texte modifie aussi le Tarif des douanes afin de permettre l’interdiction d’importer des marchandises fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par recours au travail forcé ou au travail des enfants au sens de la Loi sur l’esclavage moderne.

Disponible sur le site Web du Sénat du Canada à l’adresse suivante :
www.sencanada.ca/fr


2e session, 43e législature,

69 Elizabeth II, 2020

SÉNAT DU CANADA

PROJET DE LOI S-216

Loi édictant la Loi sur l’esclavage moderne et modifiant le Tarif des douanes

Préambule

Attendu :

que le travail forcé et le travail des enfants sont des formes d’esclavage moderne;

que le Canada, en tant que partie aux huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail portant sur les droits fondamentaux du travail, en particulier la Convention sur le travail forcé, 1930, adoptée à Genève le 28 juin 1930, la Convention sur l’abolition du travail forcé, 1957, adoptée à Genève le 25 juin 1957 et la Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999, adoptée à Genève le 17 juin 1999, est déterminé à contribuer à la lutte contre l’esclavage moderne;

que le Parlement estime qu’il est essentiel de contribuer à la lutte contre l’esclavage moderne par l’imposition d’obligations en matière de rapport à l’égard des entités qui participent à la fabrication, à la production, à la culture, à l’extraction ou au traitement des marchandises — au Canada ou ailleurs — ou à l’importation de marchandises fabriquées, produites, cultivées, extraites ou traitées à l’extérieur du Canada,

Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :

Titre abrégé

Titre abrégé

1Loi sur l’esclavage moderne.

Définitions

Définitions

2Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

entité Personne morale ou société de personnes, fiducie ou autre organisation non constituée en personne morale :

  • a)soit dont les actions ou titres de participation sont inscrits à une bourse de valeurs canadienne;

  • b)soit qui a un établissement au Canada, y exerce des activités ou y possède des actifs et qui, selon ses états financiers consolidés, remplit au moins deux des conditions ci-après pour au moins un de ses deux derniers exercices :

    • (i)elle possède des actifs d’une valeur d’au moins 20 000 000 $,

    • (ii)elle a généré des revenus d’au moins 40 000 000 $,

    • (iii)elle emploie en moyenne au moins 250 employés;

  • c)soit qui est désignée par règlement. (entity)

ministre Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. (Minister)

production de marchandises Comprends la fabrication, la culture, l’extraction et le traitement de marchandises. (production of goods)

travail des enfants Travail ou services qui sont fournis ou offerts au Canada par des personnes âgées de moins de dix-huit ans dans des circonstances qui, selon le cas :

  • a)sont contraires au droit applicable au Canada ou, s’ils sont fournis ou offerts à l’extérieur du Canada, seraient contraires au droit applicable au Canada s’ils y étaient fournis ou offerts;

  • b)constituent les pires formes de travail des enfants au sens de l’article 3 de la Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999, adoptée à Genève le 17 juin 1999. (child labour)

travail forcé Travail ou services qui sont fournis ou offerts par une personne :

  • a)soit dans des circonstances dont il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elles lui fassent croire que sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connait serait compromise si elle ne fournissait pas ou n’offrait pas son travail ou ses services;

  • b)soit dans des circonstances qui constituent du travail forcé ou obligatoire au sens de l’article 2 de la Convention sur le travail forcé, 1930, adoptée à Genève le 28 juin 1930. (forced labour)

Objet de la loi

Objet

3La présente loi a pour objet de mettre en œuvre les engagements internationaux du Canada en matière de lutte contre l’esclavage moderne par l’imposition d’obligations en matière de rapport à l’égard des entités qui participent à la production de marchandises — au Canada ou ailleurs — ou à l’importation de marchandises produites à l’extérieur du Canada.

Sa Majesté

Obligation de Sa Majesté

4La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province.

Champ d’application

Entités

5La présente loi s’applique à toute entité qui, selon le cas :

  • a)produit ou vend des marchandises au Canada ou ailleurs;

  • b)importe au Canada des marchandises produites à l’extérieur du Canada;

  • c)contrôle l’entité qui se livre à une activité décrite aux alinéas a) ou b).

Contrôle

6(1)Sous réserve des règlements, une entité est contrôlée par une autre si elle est contrôlée par celle-ci directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit.

Contrôle réputé

(2)L’entité qui en contrôle une autre est réputée contrôler toute entité qui est contrôlée, ou réputée l’être, par cette autre entité.

Obligation de faire rapport

Rapport annuel

7(1)Au plus tard cent quatre-vingts jours après la fin de chaque exercice, l’entité est tenue de fournir au ministre un rapport qui indique les mesures qu’elle a prises au cours de l’exercice en cause pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de marchandises par l’entité — au Canada ou ailleurs — ou de leur importation au Canada.

Renseignements supplémentaires

(2)Dans son rapport, l’entité inclut également les renseignements suivants :

  • a)sa structure et les marchandises qu’elle produit au Canada ou ailleurs, ou qu’elle importe au Canada;

  • b)ses politiques relatives au travail forcé et au travail des enfants;

  • c)les activités qu’elle mène et qui comportent un risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants et les mesures qu’elle a prises pour évaluer ce risque et le gérer;

  • d)l’ensemble des mesures qu’elle a prises pour éliminer tout recours au travail forcé ou au travail des enfants;

  • e)la formation donnée aux employés sur le travail forcé et le travail des enfants.

Attestation

(3)Le rapport comprend une attestation, faite par un dirigeant ou administrateur de l’entité, portant que les renseignements qui y sont fournis sont véridiques, exacts et complets.

Modalités

(4)Le ministre peut préciser par écrit les modalités selon lesquelles le rapport est fourni. Il met ces modalités à la disposition du public de la manière qu’il estime indiquée.

Accessibilité du rapport

8L’entité, lorsqu’elle fait rapport au ministre en application de l’article 7, rend public le rapport, notamment en le publiant à un endroit bien en vue de son site Web.

Registre électronique

9(1)Le ministre tient un registre électronique contenant une copie de tous les rapports qui lui sont fournis en application de l’article 7.

Accessibilité du registre

(2)Le registre est rendu public sur le site Web du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Exécution et contrôle d’application

Désignation

10Le ministre peut désigner toute personne — individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie déterminée — pour l’exécution et le contrôle d’application de la présente loi.

Pouvoirs de la personne désignée

Accès au lieu

11(1)La personne désignée peut, à toute fin liée à la vérification du respect de la présente loi, entrer dans tout lieu lorsqu’elle a des motifs raisonnables de croire que s’y trouvent un objet visé par la présente loi ou un document relatif à l’application de celle-ci.

Pouvoirs

(2)La personne désignée peut, à cette même fin :

  • a)examiner toute chose se trouvant dans le lieu, notamment tout document;

  • b)faire usage, directement ou indirectement, des moyens de communication se trouvant dans le lieu;

  • c)faire usage, directement ou indirectement, de tout système informatique se trouvant dans le lieu pour examiner les données qu’il contient ou auxquelles il donne accès, reproduire ou faire reproduire ces données sous forme d’imprimé ou toute autre forme intelligible et emporter tout imprimé ou sortie de données pour examen ou reproduction;

  • d)établir ou faire établir tout document à partir de ces données;

  • e)faire usage, directement ou indirectement, du matériel de reproduction se trouvant dans le lieu;

  • f)prendre des photographies, effectuer des enregistrements et faire des croquis de toute chose se trouvant dans le lieu;

  • g)ordonner à toute personne de faire fonctionner ou de cesser de faire fonctionner de l’équipement se trouvant dans le lieu;

  • h)interdire ou limiter l’accès à tout ou partie du lieu ou à toute chose se trouvant dans le lieu;

  • i)emporter toute chose se trouvant dans le lieu afin de l’examiner.

Personnes accompagnant la personne désignée

(3)La personne désignée peut être accompagnée des personnes qu’elle estime nécessaires pour l’aider dans l’exercice de ses attributions au titre du présent article.

Assistance

(4)Le propriétaire ou le responsable du lieu, ainsi que quiconque s’y trouve, sont tenus de prêter à la personne désignée toute l’assistance qu’elle peut valablement exiger pour lui permettre d’exercer ses attributions au titre du présent article et de lui fournir les documents, les renseignements et l’accès aux données qu’elle peut valablement exiger.

Mandat pour entrer dans une maison d’habitation

12(1)Dans le cas d’une maison d’habitation, la personne désignée ne peut toutefois y entrer sans le consentement de l’occupant que si elle est munie d’un mandat délivré en vertu du paragraphe (2).

Délivrance du mandat

(2)Sur demande ex parte, le juge de paix peut délivrer un mandat autorisant, sous réserve des conditions qu’il y fixe, la personne désignée à entrer dans une maison d’habitation s’il est convaincu, sur la foi d’une dénonciation sous serment, que sont réunies les conditions suivantes :

  • a)la maison d’habitation est un lieu visé au paragraphe 11(1);

  • b)l’entrée est nécessaire à toute fin liée à la vérification du respect de la présente loi;

  • c)soit l’occupant a refusé l’entrée à la personne désignée, soit il y a des motifs raisonnables de croire que tel sera le cas ou qu’il sera impossible d’obtenir le consentement de l’occupant.

Entrave

13Il est interdit à toute personne d’entraver l’action d’une personne désignée qui exerce des attributions sous le régime de la présente loi.

Arrêté — mesures correctives

Pouvoirs du ministre

14Si, sur la base de renseignements obtenus en vertu de l’article 11, le ministre estime qu’une entité ne respecte pas les articles 7 ou 8, il peut, par arrêté, lui ordonner de prendre les mesures qu’il estime nécessaires pour en assurer le respect.

Règlements

Règlements

15Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre les mesures nécessaires à l’application de la présente loi et, notamment :

  • a)désigner d’autres entités pour l’application de la définition de entité;

  • b)régir les circonstances dans lesquelles la présente loi ne s’applique pas à l’égard d’entités;

  • c)prévoir les circonstances dans lesquelles une entité est contrôlée par une autre;

  • d)prendre toute mesure d’ordre réglementaire prévue par la présente loi.

Infractions et peines

Infraction

16(1)Quiconque omet de se conformer aux articles 7 ou 8, au paragraphe 11(4) ou à un arrêté pris en vertu de l’article 14, ou contrevient à l’article 13, commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 250 000 $.

Déclaration ou renseignement faux ou trompeur

(2)Quiconque, sciemment, fait une déclaration fausse ou trompeuse ou fournit un renseignement faux ou trompeur au ministre ou à la personne désignée en vertu de l’article 10 commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 250 000 $.

Responsabilité pénale — dirigeants, administrateurs, etc.

17En cas de perpétration par une personne ou entité d’une infraction à la présente loi, ceux de ses dirigeants, administrateurs ou mandataires qui l’ont ordonnée ou autorisée, ou qui y ont consenti ou participé, sont considérés comme des coauteurs de l’infraction et encourent, sur déclaration de culpabilité, la peine prévue, que la personne ou l’entité ait été ou non poursuivie ou déclarée coupable.

Perpétration par un employé ou mandataire

18Dans les poursuites pour une infraction visée au paragraphe 16(1), il suffit, pour établir la culpabilité de l’accusé, de prouver que l’infraction a été commise par son employé ou mandataire, que cet employé ou ce mandataire ait été ou non identifié ou poursuivi. Toutefois, nul ne peut être déclaré coupable de l’infraction s’il prouve qu’il a exercé la diligence voulue pour en empêcher la perpétration.

Rapport au Parlement

Rapport annuel

19(1)Le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement, au plus tard le 31 décembre de chaque année ou, si l’une ou l’autre chambre ne siège pas, dans les trente premiers jours de séance ultérieurs de cette chambre, un rapport contenant un résumé général des activités des entités ayant fourni un rapport au titre de la présente loi pour leur dernier exercice qui comportent un risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants, les mesures prises par les entités pour évaluer et gérer ce risque et, le cas échéant, les mesures prises par les entités pour éliminer tout recours au travail forcé ou au travail des enfants.

Publication

(2)Il publie le rapport à un endroit bien en vue sur le site Web du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile dans les trente jours suivant la date de son dépôt devant les deux chambres du Parlement.

Examen de la loi

Examen par un comité

20(1)Au début de la cinquième année suivant la date d’entrée en vigueur du présent article, un examen approfondi de la présente loi doit être fait par un comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, constitué ou désigné à cette fin.

Rapport au Parlement

(2)Dans l’année qui suit le début de son examen, le comité visé au paragraphe (1) remet à la chambre ou aux chambres l’ayant constitué ou désigné un rapport accompagné des modifications, s’il en est, qu’il recommande d’apporter à la loi.

1997, ch. 36

Tarif des douanes

21Le sous-alinéa 132(1)m)‍(i.‍1) du Tarif des douanes est remplacé par ce qui suit :

  • (i.‍1)modifier ce numéro pour soustraire à son application des marchandises extraites, fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par Début de l'insertion recours au Fin de l'insertion travail forcé Début de l'insertion ou au travail des enfants au sens de l’article 2 de la Loi sur l’esclavage moderne Fin de l'insertion , ou fixer les conditions d’une telle exclusion,

Entrée en vigueur

1er janvier

22La présente loi entre en vigueur le 1er janvier de l’année suivant celle de sa sanction.

Publié avec l'autorisation du Sénat du Canada



NOTES EXPLICATIVES

Tarif des douanes
Article 21 :Texte du passage visé du paragraphe 132(1) :

132(1)Sur recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par règlement :

  • [. . .‍]

  • m)pour l’application du no tarifaire 9897.‍00.‍00 :

    • [. . .‍]

    • (i.‍1)modifier ce numéro pour soustraire à son application des marchandises extraites, fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par du travail forcé, ou fixer les conditions d’une telle exclusion,


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