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REGS Rapport du Comité

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Le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation a l’honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

(Rapport no 75 - Désaveu)

Aux termes de l’article 19.1(1) de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), chap. S-22, modifiée par le chap. 18 des L.C. (2003), et ayant donné au ministre des Pêches et des Océans l’avis exigé à l’article 19.1(2) de cette Loi, le Comité mixte adopte une résolution portant abrogation de l’article 36(2) du Règlement de pêche de l’Ontario de 1989, tel qu’il est libellé dans le DORS/89-93.

Le texte de la disposition qui serait abrogée figure à l’appendice A au présent rapport. L’appendice B contient l’avis au ministre des Pêches et des Océans exigé par la Loi ainsi que les lettres reçues par la suite des honorables Geoff Regan, C.P., député, et David Ramsay, ministre des Ressources naturelles de l’Ontario. Les raisons pour lesquelles le Comité demande l’abrogation sont exposées à l’appendice C.

Selon l’article 19.1(5) de la Loi sur les textes réglementaires, la résolution que comporte ce rapport est réputée adoptée par le Sénat ou la Chambre des communes le quinzième jour de séance suivant la présentation du rapport devant cette chambre, à moins que, avant ce moment, une motion tendant à son rejet n’ait été déposée, par un ministre, auprès du président de cette chambre.

Une copie des Procès-verbaux et témoignages pertinents (Fascicule no 9, première session, trente-huitième législature) est déposée à la Chambre des communes.



Respectueusement soumis,



Les coprésidents

L'honorable John G. Bryden Gurmant Grewal, député


APPENDICE A

36. (2) Il est interdit au titulaire d'un permis de pêche commerciale d'enfreindre les conditions de son permis.


APPENDICE B

APPENDICE C

L’article 36(2) du Règlement de pêche de l’Ontario de 1989 dispose que :

36. (2) Il est interdit au titulaire d'un permis de pêche commerciale d'enfreindre les conditions de son permis.

L’objet de cette disposition est de faire de la contravention aux conditions d’un permis une infraction à la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), chap. F-14. L’article 78 de la Loi dispose que :

78. Sauf disposition contraire de la présente loi, quiconque contrevient à celle-ci ou à ses règlements commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité :

a) par procédure sommaire, une amende maximale de cent mille dollars lors d'une première infraction ou, en cas de récidive, une amende maximale de cent mille dollars et un emprisonnement maximal d'un an, ou l'une de ces peines;

b) par mise en accusation, une amende maximale de cinq cent mille dollars lors d'une première infraction ou, en cas de récidive, une amende maximale de cinq cent mille dollars et un emprisonnement maximal de deux ans, ou l'une de ces peines.

Les conditions d’un permis ne sont des dispositions ni de la Loi ni des règlements, et y contrevenir ne revient pas à enfreindre la Loi ou les règlements au sens de l’article 78 de la Loi. L’interdiction générale que prévoit le Règlement de pêche de l’Ontario de 1989 de contrevenir aux conditions des permis a pour unique objet de déclencher l’application de l’article 78 de la Loi. Le titulaire de permis qui contrevient aux conditions de son permis n’encourt pas les peines prévues dans la Loi sur les pêches, mais depuis la prise de l’article 36(2) du Règlement, il est coupable d’une infraction à cet article. Ce dernier n’a donc pour seul objet que de faire un lien entre la contravention aux conditions du permis et les peines prévues dans la Loi. En fait, il ne vise qu’à faire indirectement ce qui ne pourrait être fait directement : imposer une responsabilité criminelle à quiconque contrevient aux conditions de son permis.

Le Comité a traité de cette disposition dans son Deuxième rapport de la deuxième session de la trente-sixième législature (Rapport no 66), et il demeure convaincu non seulement qu’elle est dénuée de fondement juridique, mais qu’elle réduit indûment certains droits et libertés et qu’elle représente un exercice inhabituel et inattendu du pouvoir de réglementation.

Il est admis que tout règlement qui prévoit une peine ou crée une infraction doit être autorisé par le Parlement soit expressément, soit par voie de conséquence nécessaire. Or, la Loi sur les pêches n’autorise pas expressément la prise de règlements créant des infractions, et on ne peut pas affirmer qu’elle l’autorise implicitement par voie de conséquence nécessaire non plus. En fait, elle implique exactement le contraire. Premièrement, les actes qui constituent des infractions à la Loi sur les pêches sont décrits dans la loi elle-même, et il faut présumer que si le Parlement avait souhaité conférer à ses délégués le pouvoir d’en allonger la liste, il l’aurait fait expressément dans la Loi. Deuxièmement, la Loi confère le pouvoir de prendre des règlements pour suspendre ou révoquer les permis, ce qui indique clairement les peines dont le Parlement entendait punir quiconque enfreindrait les conditions de son permis.

Le ministère des Pêches et des Océans admet que la Loi sur les pêches n’autorise pas le gouverneur en conseil à créer des infractions par voie de règlement, mais il n’en maintient pas moins la validité de l’article 36(2) du Règlement. Après avoir d’abord dit que l’article 36(2) crée [traduction] « l’infraction consistant à enfreindre les conditions d’un permis », il a affirmé qu’il ne crée pas d’infraction, [traduction] « mais impose simplement une norme de conduite qu’on ne peut enfreindre sans s’exposer à des poursuites en vertu de l’article 78 de la Loi ». Dans une autre lettre, il a écrit que le paragraphe énonce une [traduction] « interdiction ». La seule « norme de conduite » imposée par l’article 36(2) est l’obligation de respecter les conditions des permis. Quant à lui, l’article 78 de la Loi prévoit que quiconque enfreint le Règlement commet une infraction. Techniquement parlant, l’infraction consiste à enfreindre l’article 36(2) du Règlement plutôt que les conditions des permis.

Le Comité est d’avis que l’argument selon lequel l’article 36(2) du Règlement impose simplement une « norme de conduite » est au mieux fallacieux. Sans cet article, le titulaire de permis qui en enfreindrait les conditions ne s’exposerait pas à des poursuites criminelles. De plus, dans les faits, les exigences auxquelles il faut satisfaire ne sont pas énoncées dans le Règlement, mais dans les conditions des permis. L’article 36(2) du Règlement n’a pour objet que de rendre la contravention aux conditions des permis, qui ne sont pas des exigences de la Loi, punissable comme si elles en étaient. Ne pas tenir compte de ce point revient à ignorer l’objet et l’effet clairement visés par l’article. Sous ce rapport, il est révélateur que dans sa lettre du 14 avril 2005, l’honorable Geoff Regan, ministre des Ressources naturelles de l’Ontario, ait écrit que l’article 36(2) du Règlement est la disposition créant une infraction qui permet au gouvernement de l’Ontario de faire respecter les conditions des permis de pêche. C’est également en ces termes que le Comité mixte décrirait l’article 36(2).

Bien sûr, il est vrai également que quelle que soit la caractérisation de l’article 36(2) du Règlement, le pouvoir de le prendre doit se trouver à l’article 43 de la Loi sur les pêches, ce que le ministère a reconnu. L’adoption par un délégué du Parlement d’une interdiction visant à rendre l’auteur de la contravention à des conditions imposées en vertu d’un pouvoir administratif passible de peines que le Parlement a prévues dans l’éventualité d’une infraction à des règles décrétées en vertu d’un pouvoir législatif équivaut à légiférer sur le fond, ce qu’on ne peut faire qu’en vertu d’un pouvoir habilitant clair et précis. Or, les dispositions de la Loi que le ministère invoque à l’appui de l’article 36(2) ne confèrent absolument pas ce genre de pouvoir.

La position du ministère des Pêches et des Océans repose sur l’opinion erronée selon laquelle le pouvoir de prendre des règlements concernant la gestion et la surveillance judicieuses des pêches en eaux côtières et internes (a. 43a)), la délivrance, la suspension et la révocation des licences, permis et baux (a. 43f)) et les conditions attachées aux licences, permis et baux (a. 43g)) implique et englobe forcément celui de punir les infractions aux conditions des permis comme si elles constituaient des infractions à la Loi. Selon le ministère, on ne peut imposer de « norme de conduite » que si l’infraction à cette norme est punissable d’une amende ou d’un emprisonnement. Mais le fait que le Parlement ait conféré le pouvoir de prendre des règlements concernant la suspension et la révocation des permis n’indique-t-il pas clairement comment il prévoyait punir la contravention aux conditions des permis? Le ministère des Pêches et des Océans a déjà soutenu que le pouvoir de prendre des règlements concernant la suspension et la révocation des permis [traduction] « n’annule pas les dispositions de la Loi créant les infractions et énonçant les peines. Quiconque enfreint une des conditions de son permis peut le conserver et purger la peine prévue à l’égard de l’infraction ». Mais alors, pourquoi le Parlement a-t-il expressément prévu la suspension et la révocation des permis s’il ne jugeait pas ces peines proportionnées à la contravention aux conditions des permis? Pourquoi n’a t il pas disposé lui-même dans la Loi que contrevenir aux conditions d’un permis constitue une infraction? L’article 78 de la Loi dispose que celui qui contrevient à la Loi ou à ses règlements commet une infraction, mais il ne fait nullement référence à la contravention aux conditions des permis. Le Comité soutient que c’est parce qu’un permis est un document administratif et qu’à défaut de dispositions à l’effet contraire dans la Loi, contrevenir à un document de ce genre expose à des sanctions administratives, telles la suspension ou la révocation du permis.

Le ministère des Pêches et des Océans a aussi invoqué l’article 9 de la Loi, qui empêche le ministre de suspendre ou de révoquer un permis si une procédure prévue dans la Loi a été engagée à l'égard des opérations visées par le permis, y voyant le signe que, pour le Parlement, la contravention aux conditions d’un permis expose le contrevenant à des poursuites pour infraction à la Loi. En fait, l’article 9 indique tout le contraire. Il peut bien sûr arriver qu’un acte contraire aux conditions d’un permis enfreigne aussi la Loi ou ses règlements; c’est en prévision de ces cas-là que l’article 9 de la Loi a été adopté. Mais il faut lire cet article dans le contexte de l’article 79.1 de la Loi, lequel prévoit que lorsqu’un titulaire de permis est déclaré coupable d’une infraction à la Loi commise dans l'exercice d'activités visées par son permis, le tribunal peut, en sus de toute autre peine infligée, annuler ou suspendre le permis et interdire à son titulaire de présenter une nouvelle demande de permis sous le régime de la Loi pendant la période qu'il estime indiquée. Lorsque l’infraction aux conditions du permis constitue aussi une infraction à la Loi ou à ses règlements, l’article 9 oblige le ministre à choisir entre, d’une part, suspendre ou révoquer le permis et, d’autre part, poursuivre le titulaire en justice. S’il opte pour la seconde formule, seul le tribunal peut révoquer ou suspendre le permis, à titre de peine supplémentaire. Dans les faits, ces dispositions indiquent que le Parlement entendait faire une distinction entre contrevenir aux conditions d’un permis et enfreindre la Loi ou ses règlements, et la disposition contestée a pour objet d’éliminer cette distinction.

La réponse du gouvernement au Rapport no 66 tenait en une dizaine de lignes, et le passage qui nous intéresse disait ce qui suit :

[traduction] Le gouvernement s’estime juridiquement fondé à agir à cet égard. Néanmoins, par souci de précision et de clarté, il présentera au Parlement, à la première occasion, une modification à la Loi sur les pêches visant les infractions aux conditions des permis qui restera en vigueur jusqu’à la fin de l’examen en règle dont ses politiques font actuellement l’objet.

Dans une lettre du 30 avril 2001 au ministre des Pêches et des Océans, les coprésidents et le vice-président du Comité mixte faisaient savoir qu’il leur était difficile de voir dans une déclaration aussi lapidaire une réponse « exhaustive » au rapport du Comité et demandaient au ministère de faire une réponse complète et détaillée [traduction] « répondant à tous les arguments énoncés dans le Rapport et les réfutant ou proposant une interprétation ou une explication différentes ».

La réponse du ministre a surtout consisté à reprendre des arguments que le Comité mixte avait déjà examinés et rejetés dans son Rapport no 66. Elle comportait toutefois un nouvel élément d’importance : une référence aux décisions rendues par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale dans la cause Barnett c. Canada (ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire[1]. Après examen, le Comité conclut que ces décisions ne règlent pas la question.

L’affaire Barnett concernait l’importation au Canada d’alpagas du Chili. Alors que les animaux étaient encore en quarantaine au Canada, on a découvert que des mesures prises par des fonctionnaires chiliens avaient empêché l’importateur de respecter les conditions du permis d’importation. Une ordonnance exigeant que les animaux soient renvoyés du Canada a été délivrée en vertu de dispositions de la Loi sur la santé des animaux prévoyant la saisie ou le renvoi des animaux importés au Canada « en contravention de la présente loi ou de ses règlements ». Au procès, l’ordonnance a été annulée aux motifs que le fonctionnaire qui l’avait délivrée avait mal usé de son pouvoir discrétionnaire en négligeant de voir s’il y avait d’autres solutions que la saisie et le renvoi et que, de toute façon, l’ordonnance avait été délivrée non par le fonctionnaire qui l’avait signée, mais par un autre qui n’y était pas habilité. Mais avant d’en arriver à ces conclusions, la Cour avait dû déterminer, d’abord, si la contravention aux conditions du permis d’importation constituait une infraction à la Loi sur la santé des animaux ou ses règlements qui était de nature à entraîner l’application des dispositions de la Loi prévoyant la saisie ou le renvoi des animaux.

La juge de première instance a d’abord posé le principe selon lequel « l’infraction à une condition d’un permis ne constitue pas automatiquement une transgression de la Loi ou du règlement en vertu desquels le permis a été délivré. Elle peut cependant être assimilée à un manquement de cette nature par une disposition explicite de la Loi ou du règlement en question » (les italiques sont de nous). Elle a signalé que les articles 10(1)a) et 160.1 du Règlement sur la santé des animaux « font de l’omission de respecter les conditions dont un permis est assorti une contravention au Règlement ». Les passages de ces dispositions qui nous intéressent disent ce qui suit :

10. (1) […], il est interdit d’importer d’un pays autre que les États-Unis tout oiseau, abeille à miel, tortue de mer ou de terre ou ses œufs, ou tout mammifère sauf les rongeurs, les cétacés, les pinnipèdes et les siréniens, à moins :

a) de détenir un permis délivré par le ministre en vertu de l’article 160 et de s’y conformer;

[...]

160.1 La personne à qui est délivré un permis ou une licence en vertu du présent règlement doit se conformer aux conditions qui y sont contenues.

La juge de première instance a conclu que le fait de faire entrer au Canada des alpagas à des conditions autres que celles énoncées dans le permis constituait une violation du Règlement et que cela justifiait le recours aux dispositions de la Loi prévoyant la saisie ou le renvoi. Elle a ensuite annulé l’ordonnance de renvoi pour les raisons susmentionnées. C’est de la décision d’annuler l’ordre de renvoi que le ministre a appelé.

À l’audition de l’appel, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision rendue par la juge de première instance et rétabli l’ordre de renvoi, déclarant que le libellé de Loi sur la santé des animaux ne prévoyait d’autre solution de rechange à la saisie des animaux importés illégalement que leur renvoi. Quant à savoir si contrevenir aux conditions d’un permis revenait à enfreindre le Règlement, la Cour s’est contentée de souligner que tel était l’effet des articles 10(1)a) et 160.1 du Règlement sur la santé des animaux.

La juge de première instance et la Cour d’appel ont toutes deux signalé qu’enfreindre les conditions d’un permis constituait une infraction au Règlement sur la santé des animaux en vertu de ses articles 10(1)a) et 160.1, mais il convient de souligner que ni l’une ni l’autre ne s’est demandé si la Loi sur la santé des animaux permettait de prendre une disposition réglementaire présumant que la contravention aux conditions d’un permis une infraction au Règlement. Dans l’affaire Barnett, les deux cours ont tenu pour acquis que si le Règlement comportait une disposition précisant que contrevenir aux conditions d’un permis était une infraction au Règlement, il devait bien y avoir dans la Loi une habilitation claire permettant de prendre une telle disposition. Cela tient sans doute au fait que le demandeur n’avait pas contesté la validité des articles 10(1)a) et 160.1 du Règlement sur la santé des animaux.

Pourtant, si, comme la juge de première instance l’a signalé, la contravention aux conditions d’un permis ne constitue une infraction à la mesure législative en vertu de laquelle le permis a été délivré que lorsque celle-ci le prévoit expressément, il s’ensuit logiquement que pour qu’un règlement puisse avoir cet effet, la loi habilitante doit le prévoir expressément. Si contrevenir aux conditions d’un permis n’enfreint la mesure législative en vertu de laquelle le permis a été délivré que lorsque le Parlement lui-même l’a précisé dans la loi habilitante, comment peut-on penser que le délégué du Parlement peut décréter que contrevenir aux conditions d’un permis constitue une infraction au règlement sans que le Parlement lui en ait conféré le pouvoir en termes clairs? Les dispositions habitantes de la Loi sur la santé des animaux ressemblent beaucoup à celles de la Loi sur les pêches qui sont examinées dans le Rapport no 66, mais on ne retrouve ni dans l’une ni dans l’autre lois de disposition permettant expressément de prendre des règlements prévoyant que le manquement aux conditions de documents administratifs, comme des permis, est considéré comme une infraction à la loi. Le fait de ne pas avoir vérifié en premier lieu s’il existait une disposition d’habilitation permettant de prendre les articles 10(1)a) et 160.1 du Règlement sur la santé des animaux jette un sérieux doute sur la valeur de l’affaire Barnett comme précédent.

Le ministère a qualifié les dispositions en cause dans Barnett d’« essentiellement identiques » à l’article 36(2) du Règlement et à l’article 78 de la Loi sur les pêches, mais cela n’est pas tout à fait exact. Il convient de souligner que, dans Barnett, il n’était pas question de la perpétration d’une infraction. Le Règlement sur la santé des animaux prévoit la saisie des animaux dont l’importation ne respecte pas les conditions de la Loi sur la santé des animaux ou de ses règlements, et leur renvoi du Canada lorsqu’un inspecteur ou un agent a des motifs raisonnables de croire que c’est le cas ou que les animaux sont porteurs d’une maladie. Il peut y avoir saisie ou renvoi sans qu’il y ait eu condamnation pour infraction à la Loi ou à ses règlements. On peut voir dans ces mesures des dispositions réglementaires visant à empêcher l’entrée et la propagation de maladies au Canada plutôt que des peines pour infraction à la Loi. Dans l’affaire Barnett, la Cour n’a pas été priée de déterminer si la contravention aux conditions d’un permis pouvait être punie à titre d’infraction. La situation en ce qui a trait à l’article 36(2) du Règlement de pêche de l’Ontario de 1989 est passablement différente. Ici, le seul but est d’instaurer un moyen d’infliger une amende ou un emprisonnement à quiconque déroge aux conditions d’un permis. On est en droit de se demander si les tribunaux, dans l’affaire Barnett, n’auraient pas statué différemment s’il avait été question que M. Barnett soit emprisonné pour ne pas avoir respecté les conditions de son permis. Cela les aurait peut-être incitées, à tout le moins, à examiner plus attentivement le fondement des dispositions visées du Règlement.

Dans la mesure où elles soutiennent le principe selon lequel un libellé clair est requis pour que le manquement aux conditions d’un permis constitue une infraction à la loi ou au règlement en vertu duquel le permis a été délivré, les décisions rendues dans Barnett vont tout à fait dans le même sens que ce que pense le Comité mixte. Le problème dans cette cause, c’est que les deux cours n’ont appliqué ce principe que partiellement. Comme nous l’avons déjà expliqué, s’il faut, dans la loi ou dans ses règlements, une autorisation expresse pour que l’infraction aux conditions d’un permis constitue une infraction à la loi ou au règlement en vertu duquel le permis a été délivré, il s’ensuit logiquement qu’il doit y avoir, dans la loi habilitante, une disposition permettant expressément de prendre un règlement ayant cet effet. En n’examinant pas la question du fondement juridique des articles 10(1)a) et 160.1 du Règlement sur la santé des animaux, la Section de première instance de la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont omis de traiter de ce deuxième aspect du principe.

En résumé, l’article 36(2) vise à faire en sorte que la non-observation des conditions d’un permis constitue dorénavant une infraction. Toutefois, le Parlement a prescrit, à l’article 78 de la Loi, que seule la contravention à la Loi ou au Règlement constitue une infraction. S’il avait voulu que la contravention aux conditions d’un permis constitue une infraction, il aurait pu le faire et ne s’en serait certainement pas privé. L’article 36(2) du Règlement ne vise qu’une chose : faire de la dérogation aux conditions d’un permis — des exigences administratives — une infraction à des exigences législatives. Que cela revienne ou non à créer une infraction, il demeure que la Loi sur les pêches ne contient pas d’habilitation expresse permettant clairement de prendre une telle disposition.

Si le ministère estime que les dispositions contestées sont nécessaires pour la bonne gestion des pêches, il devrait demander au Parlement de modifier la Loi de manière à y prévoir que la dérogation aux conditions des permis est une infraction. Les responsables de l’application d’une loi ne peuvent prendre une disposition que la loi ne les autorise pas à prendre uniquement parce qu’ils la jugent indispensable sur le plan administratif, surtout pas quand la liberté de la personne est en jeu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que l’article 36(2) a pour objet de permettre au gouverneur en conseil de faire de la violation des conditions d’un permis une infraction passible d’une amende ou d’un emprisonnement. Dans la Loi sur les pêches, le Parlement a expressément réservé ces sanctions pénales au non-respect des exigences législatives précisées dans la Loi ou ses règlements d’application. On ne trouve pas actuellement dans la Loi l’habilitation claire et explicite nécessaire pour justifier la prise d’une disposition réglementaire visant à étendre l’application des dispositions pénales prévues au non-respect d’exigences imposées dans l’exercice d’un pouvoir administratif. En adoptant l’article 36(2) du Règlement de pêche de l’Ontario de 1989, le gouverneur en conseil tente de faire indirectement ce que la Loi sur les pêches ne lui permet pas de faire directement, soit étendre l’application de l’article 78 de la Loi à la violation des conditions d’un permis.

Comme le Comité l’a déjà mentionné dans un rapport au Parlement :

Tout le monde est au courant que le cadre légal actuel comporte des lacunes qui empêchent une gestion moderne de nos ressources halieutiques. Comme la loi ne lui permet pas de remplir les exigences d’une gestion moderne, l’exécutif se voit forcé d’avoir recours à des techniques réglementaires d’une validité douteuse afin de répondre à ces besoins. Bien qu’il reconnaisse ces difficultés, votre Comité ne considère pas qu’elles justifient un abus persistant et délibéré des pouvoirs réglementaires conférés par le Parlement.

Dans sa réponse du 7 septembre 2000 au Deuxième rapport (rapport no 66) du Comité mixte, le gouvernement s’est engagé à modifier la Loi sur les pêches de manière à y prévoir le fondement juridique nécessaire pour prendre l’article 36(2) et des dispositions semblables de certains autres règlements pris en vertu de la Loi. Plus de deux ans plus tard, soit le 11 juin 2003, le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur les pêches, a reçu la première lecture, mais le 12 novembre suivant, la session a été prorogée sans que le Parlement ait eu le temps d’en pousser l’étude plus loin. Il a été présenté de nouveau sous le numéro C-33 au cours de la troisième session de la trente-septième législature, qui a toutefois été dissoute avant qu’il ne reçoive la deuxième lecture. Dans une lettre du 24 mars 2005, le ministre des Pêches et des Océans a bien précisé que le projet de loi ne serait pas représenté dans l’immédiat, mais que ses fonctionnaires [traduction] « songeaient à faire une refonte plus large de la Loi sur les pêches le plus tôt possible ». Ayant déjà reçu ce genre d’assurances par le passé et sachant pertinemment à quel point il est toujours difficile de réformer la Loi sur les pêches de façon consensuelle, le Comité s’estime fondé à déduire de la lettre du ministre que des dispositions illégales, comme l’article 36(2) du Règlement, vont demeurer en vigueur pendant encore un certain temps. Sachant que ce règlement peut influer directement sur les libertés des Canadiens et jugeant pour cette raison inadmissible d’atermoyer davantage, le Comité a décidé de proposer la révocation de l’article 36(2) du Règlement de pêche de l’Ontario de 1989. Dans l’éventualité où les chambres donneraient suite à sa recommandation, le Comité compte que la décision tiendra lieu de précédent justifiant la révocation de dispositions semblables d’autres règlements pris en vertu de la Loi sur les pêches.

En terminant, le Comité tient à commenter brièvement un passage de la déclaration du ministre des Ressources naturelles de l’Ontario selon qui:

[traduction] À l’heure actuelle, les conditions [des permis] sont le seul mécanisme permettant à l’Ontario d’établir le volume admissible des prises, les endroits où il est permis de pêcher, les personnes autorisées à prendre du poisson en vertu d’un permis et les rapports à produire aux termes des permis de pêche commerciale.

Si le ministre signifie par là que rejeter l’article 36(2) priverait son gouvernement de la capacité d’imposer les conditions des permis, cela démontre qu’il n’en a pas bien saisi le sens. Rejeter ce paragraphe changerait peut-être la manière dont le gouvernement peut obliger les titulaires de permis à en respecter les conditions, mais cela ne l’empêcherait absolument pas d’imposer ces conditions.

Dans cette même lettre, le ministre va jusqu’à affirmer que le désaveu de l’article 36(2) [traduction] « mettrait en péril la viabilité de nos ressources halieutiques ». Que l’article 36(2) du Règlement soit maintenu ou abrogé, cela ne changera rien au pouvoir de délivrer des permis et d’en fixer les conditions ni à celui d’obliger leurs titulaires à respecter ces conditions. Punir la contravention aux conditions des permis en infligeant une amende ou un emprisonnement plutôt qu’en suspendant ou en révoquant les permis n’aurait aucun effet sur la viabilité de nos ressources halieutiques.

Quoique le Comité soit conscient que les ministres fédéral et provincial favorisent l’utilisation d’amendes et de peines d’emprisonnement plutôt que des mécanismes de suspension ou d’annulation de permis pour assurer le respect des conditions d’un permis, le Comité manquerait à ses obligations s’il permettait que ce choix prenne le pas sur le principe voulant que le pouvoir exécutif ne peut créer des infractions sans autorisation claire du Parlement. Il appartient à l’exécutif de demander aux Chambres de lui conférer cette autorité.


NOTES

[1] [1996], F.C.J. no 946, DRS 96-16472, dossier no T-1039-96 (non « édité »); [1996], F.C.J. no 1686, DRS 97-07370, dossier no A-618-96 (non « édité »).