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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité mixte permanent des langues officielles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 12 mars 2002




¹ 1535
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger (Ottawa--Vanier, Lib.))
V         M. Tory Colvin (président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law)
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Tory Colvin

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Gérard Lévesque (directeur général, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law)

¹ 1555
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. André Braëns (professeur de droit, Université d'Ottawa)

º 1600
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Joe Elliot Magnet (professeur de droit, Université d'Ottawa)

º 1605

º 1610

º 1615
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Joe Elliot Magnet
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Reid

º 1620
V         M. Joe Elliot Magnet
V         M. Reid
V         M. Joe Elliot Magnet

º 1625
V         M. Reid
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Gérard Lévesque

º 1630
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. André Braëns
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Ms. Thibeault

º 1635
V         M. Tory Colvin
V         Ms. Thibeault
V         M. Tory Colvin
V         Mme Yolande Thibeault
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ)
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Gérard Lévesque
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Gérard Lévesque
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Joe Elliot Magnet

º 1640
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. André Braëns
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. André Braëns

º 1645
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. André Braëns
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Joe Elliot Magnet
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. André Braëns

º 1650
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Gérard Lévesque
V         
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ottawa—Vanier, Lib.)

º 1655
V         M. Tory Colvin
V         Le sénateur Jean-Robert Gauthier
V         M. André Braëns
V         Le sénateur Jean-Robert Gauthier
V         M. André Braëns
V         L'hon. Gauthier
V         M. Joe Elliot Magnet

» 1700
V         L'hon. Gauthier
V         L'hon. Beaudoin

» 1705
V         M. André Braëns
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le sénateur Jean-Robert Gauthier
V         M. Godin

» 1710
V         M. André Braëns
V         M. Yvon Godin
V         M. Gérard Lévesque
V         M. Yvon Godin
V         M. Gérard Lévesque

» 1715
V         M. Yvon Godin
V         M. Gérard Lévesque
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         M. Tory Colvin
V         M. André Braëns
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le sénateur Gérald A. Beaudoin

» 1720
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le sénateur Gérald A. Beaudoin

» 1725
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le sénateur Gérald A. Beaudoin
V         M. Mauril Bélanger
V         M. Joe Elliot Magnet
V         M. Joe Elliot Magnet
V         Le sénateur Gérald A. Beaudoin
V         M. Joe Elliot Magnet

» 1730
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le cogreffier auprès du comité (M. Jean-François Pagé)
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le sénateur Jean-Robert Gauthier
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)
V         Le sénateur Jean-Robert Gauthier
V         Le coprésident (M. Mauril Bélanger)










CANADA

Comité mixte permanent des langues officielles


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 mars 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Français]

+

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger (Ottawa--Vanier, Lib.)): Bonjour, messieurs et mesdames.

    Nous entamons aujourd'hui le travail que le comité directeur et le comité entier avaient établi portant sur l'application de la partie VII, article 41 de la Loi sur les langues officielles. Le comité directeur avait déterminé que l'on commencerait par le ministère de la Justice, que l'on passerait ensuite au ministère de la Santé et, après, au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, et que l'on continuerait ainsi en intercalant au besoin certaines réunions portant sur d'autres choses. Le comité plénier a entériné cela.

    On avait espéré rencontrer cette semaine des représentants des communautés francophones et anglophones vivant en situation minoritaire, mais il appert qu'ils seront ici, à Ottawa, pour une autre raison, en fin de semaine. Les deux sessions prévues pour ça ont donc été reportées à lundi et à mardi de la semaine prochaine. Le 18, il y aura donc une rencontre prolongée avec des représentants de toutes les provinces et territoires. Le lendemain, le 19, on rencontrera des représentants d'associations nationales. Cela fait suite à la résolution de M. Sauvageau que le comité a adoptée, voulant que le comité entende ces représentants afin de pouvoir faire part des doléances de ces gens au ministre Dion pour qu'il les incorpore, s'il le veut bien, dans son plan d'action. Ces deux sessions auront donc lieu lundi et mardi de la semaine prochaine.

    Pour ne pas perdre totalement cette occasion que l'on a de se rencontrer, on accueille donc aujourd'hui des gens qui comparaîtront, d'ailleurs, à une réunion de l'un des comités du Sénat portant sur la même question, soit l'article 41. Comme le comité l'a demandé et pour amorcer cette partie de nos travaux sur l'article 41 de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, on va entendre des experts, des gens qui connaissent assez bien la chose, afin que l'on puisse avoir une idée qui nous vienne de l'extérieur de la portée de l'application de l'article 41 de la loi. C'est essentiellement le but de cette rencontre. Vous vous souviendrez que nous avons déjà eu deux séances de breffage avec la commissaire aux langues officielles à ce sujet. Ces rencontres sont la suite à ces deux sessions de breffage.

    Sur ce, je vais céder la parole à nos témoins, qui seront entendus selon l'ordre dans lequel ils figurent sur l'avis de réunion. Messieurs Gérard Lévesque et Tory Colvin de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law commenceront. Nous entendrons par la suite le professeur André Braëns et Joe Magnet de l'Université d'Ottawa.

+-

    M. Tory Colvin (président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law): Madame le sénateur, monsieur le président, honorables sénateurs et honorables députés, je vous remercie tout d'abord de nous avoir invités à comparaître devant vous pour vous parler de l'article 41, de sa portée et de son effet.

    Notre fédération de juristes représente les sept associations de juristes d'expression française du Canada, c'est-à-dire toutes les provinces à majorité anglophone, sauf l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve et le Labrador. Nous sommes donc en mesure de faire un survol de tout le Canada.

    J'aimerais tout d'abord demander aux sénateurs de bien vouloir nous excuser si nous répétons largement ce que nous avons dit devant eux lors de notre comparution du 20 février, il y a de cela à peine trois semaines.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Il y a un problème technique mais continuez, monsieur Colvin.

+-

    M. Tory Colvin: Je vous en prie, monsieur le président.

    J'ai l'honneur d'être accompagné de notre directeur général, Gérard Lévesque, qui est un peu notre encyclopédie ambulante pour tout ce qui traite des droits linguistiques.

    Je veux vous parler un peu, si je peux m'exprimer ainsi, de ce qui se passe dans la rue, c'est-à-dire de ce que nous rencontrons dans la vie quotidienne devant les tribunaux et des problèmes que nous rencontrons à cause de... [Note de la rédaction: Inaudible] ...de l'article 41, émis surtout par Justice Canada quand nous comparaissons devant eux devant les tribunaux.

    Les honorables sénateurs se souviendront que, lors de notre comparution du 20 février, nous avons parlé d'une affaire qui se déroule à London, l'affaire Boutin. C'est une cause où le juge de première instance a déclaré nullités des dénonciations écrites en anglais dans le cadre d'un procès qui se déroulait en français. Il estimait que l'État, quand il accuse un citoyen, a l'obligation de parler au citoyen dans sa langue. Cela ne semble vraiment pas trop étonnant; il y a des décisions d'une cour d'appel du Québec qui disent la même chose. La Cour suprême du Canada l'a répété dans Beaulac, et pourtant nous sommes en train de refaire un peu le même débat. À propos de l'affaire Simard, qui a passé en cour d'appel de l'Ontario, nous discutons de ce même point.

    Dès le 22, deux jours après notre comparution devant le Sénat, où nous avions parlé des difficultés que nous avons de plaider en français à London, dans une ville qui est théoriquement bilingue, dans une cause pénale où on a le droit de procéder, soit en français, soit en anglais, nous avons fait notre comparution pour demander que l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario soit acceptée comme intervenant dans cette cause, puisqu'elle pouvait plaider les aspects linguistiques qui ne seraient pas forcément à la portée des quatre intimés.

    Cette date avait été choisie à peu près un mois et demi auparavant pour être une journée en français. Or, quand nous sommes arrivés le 22, il y avait un juge qui parlait français, heureusement, mais il n'y avait ni greffier, ni sténographe. Il paraît qu'on avait fait venir un greffier, qu'on était supposé faire venir greffier et sténographe de North Bay, mais à cause d'une pluie givrante, ils n'avaient pu venir. Le résultat, c'est que le 22, on était obligés, soit de ne pas procéder du tout, ou bien, pour tout ce qui était officiel, si vous voulez, de parler anglais et, quand on s'adressait au juge ou à nos clients, en français.

    C'est justement ce manque de ressources qui crée toujours le problème. Je sais très bien que... [Note de la rédaction: inaudible] ...mais tout ce qui traite du côté administratif est du domaine provincial, certes. Mais, c'était quand même un tribunal de compétence fédérale, puisque c'était une affaire pénale. Notre choix était tout simplement de remettre le procès à un jour où on aurait pu trouver une équipe ou un cadre capable de travailler en français ou bien de procéder en anglais. C'est malheureusement ce qui arrive trop souvent devant les tribunaux.

¹  +-(1540)  

    Des instances ont été soulevées en 1995 par le commissaire aux langues officielles dans son rapport. On peut, par exemple, se marier en français, mais on ne peut pas forcément se divorcer en français. On peut avoir un commerce qui marche en français, mais on ne peut faire faillite en français partout dans le pays. Et j'estime que ça devient un peu anormal, alors qu'il y a une loi fédérale en vertu de laquelle on est supposé avoir deux langues à niveau égal, qu'elles ne le soient pas dans les faits. Théoriquement, à London, je peux me divorcer en français. La réalité, c'est que même pour une garde provisoire, une pension alimentaire provisoire, j'aurais probablement à attendre deux mois pour qu'il y ait un juge qui parle français. Le résultat, c'est que ça se fait en anglais, parce que personne ne veut attendre deux ou trois mois pour une pension alimentaire provisoire ou une garde provisoire d'enfant. Bien sûr, après, on nous signale qui n'y a pas de demandes, et parce qu'il n'y a pas de demandes, il y a donc des difficultés à avoir le cadre qu'il faut comme, justement, ce qu'on a vécu le 22 février, où il n'y avait ni greffier ni sténographe, parce qu'il n'y a pas de demandes. C'est l'excuse.

    À mon avis, s'il y avait le cadre qu'il faut, c'est-à-dire des juges, des greffiers, des sténographes, des gens au comptoir capables de servir dans les deux langues, il y aurait une demande. Car la ville de London est désignée région bilingue depuis la Loi sur les services en français et la Loi sur les tribunaux judiciaires, deux lois de l'Ontario. Cela veut donc dire qu'elle a une population qui compte 5 p. 100 de francophones, pour être ainsi désignée. S'il y avait une capacité de servir les gens dans les deux langues, je suis sûr qu'il y aurait beaucoup plus de demandes, parce qu'il y a des avocats spécialistes en droit de la famille, autant qu'en pénal et qu'en litige civil, qui parlent français. Donc, ce n'est pas le manque d'avocats, c'est plutôt les difficultés de faire valoir ce droit.

    Je vais vous parler un peu aussi d'autres provinces. London, théoriquement, est bilingue, mais imaginez la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse, où on n'a pas le droit de procéder dans le domaine civil en français. Alors, les divorces, les faillites ne peuvent pas être faits en français. Au moins à Toronto ou à London, ça peut se faire en français. Ces problèmes ont été soulevés par le commissaire aux langues officielles en 1995 quand il a déposé son rapport sur les tribunaux judiciaires au congrès annuel de l'ACFO. Malheureusement, ça n'a pas avancé depuis.

    Le problème revient, je crois, à la façon dont on voit l'article 41. Chaque fois que nous plaidons une cause linguistique, même si ce n'est que pour protéger des droits déjà acquis comme, par exemple, dans la cause que nous avons menée devant le juge Blais sur Loi sur les contraventions, il y a peu près un an... Dans cette cause, la plainte de l'ACFO était tout simplement de protéger les droits linguistiques, l'accès au procès en français qui existait, et non pas d'élargir. Notre adversaire dans cette cause était justement Justice Canada. Donc, nous avions à plaider contre eux pour garder, pour protéger un droit qui existait déjà, celui d'avoir un procès en français. Donc, toute cette cause s'est déroulée non pas pour acquérir un autre droit, non pas pour avancer les droits, mais pour protéger ce qui existait déjà. Nous étions, suite à la Loi sur les contraventions, dans une position qui était vraiment un peu bizarre.

¹  +-(1545)  

    Par exemple, si je commets une infraction d'excès de vitesse sur l'autoroute qui fait le tour de l'aéroport, l'autoroute 401 à Toronto, j'ai droit à un procès, soit en français, soit en anglais. Le choix me revient. Par contre, sur le territoire, domaine de l'aéroport de Toronto, je n'ai plus ce droit à un procès en français parce que le pouvoir de poursuite a été renvoyé à la ville de Mississauga et que les municipalités ne sont pas sujettes à la Loi sur les services en français. J'ai donc plus de droits linguistiques dans la ville de Toronto que j'en ai sur un territoire fédéral, c'est-à-dire l'aéroport international Pearson à Toronto. Je comprends que cela est en train d'être renégocié. On peut supposer que la ville de Mississauga sera donc obligée d'être en mesure de faire des procès en français et des poursuites en français. Dans cet exemple, le résultat des démarches de Justice Canada a été une diminution du droit de procéder en français devant les tribunaux.

    Je peux vous citer un autre exemple. Le vice-président de notre fédération, Roger Lepage, avocat à Regina, est en train de plaider devant la Cour fédérale ce mois-ci que les Territoires du Nord-Ouest sont du domaine fédéral et qu'ils sont donc obligés d'offrir des services dans les deux langues. Il plaide contre Justice Canada, qui est en train de plaider qu'en créant une nouvelle assemblée territoriale, ils ne peuvent mettre les obligations linguistiques qui existent au niveau fédéral dans les Territoires du Nord-Ouest. Autrement dit, il plaide exactement ce qu'ils ont plaidé dans l'affaire des contraventions. Cela marque encore, à notre avis, un grand pas en arrière pour les droits linguistiques existants. Les Territoires du Nord-Ouest sont du domaine fédéral. Les obligations linguistiques doivent donc continuer d'y exister.

    Un autre problème que nous avons soulevé le 20 février, c'est la question de la nomination des juges. En ce moment, on attend la nomination d'un troisième juge du territoire du Nunavut. Jusqu'à présent, les deux juges qui ont été nommés sont unilingues anglais. Il y a quand même une compétence fédérale sur le territoire du Nunavut. Ils sont donc obligés d'être en mesure d'offrir des procès pénaux dans les deux langues. Nous voulons exercer des pressions, et nous le faisons, pour que la troisième et dernière personne nommée soit capable de siéger en français.

    Je vais céder la parole à Gérard pour qu'il parle un peu de l'aspect des formulaires. C'est un autre problème auquel nous faisons face.

¹  +-(1550)  

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Permettez-moi de faire un bref commentaire. Vous pourriez peut-être, si vous le voulez, faire référence au mémoire qui a été distribué, puisque l'intérêt du comité porte principalement, à ce moment-ci, sur l'article 41. Je vous remercie.

+-

    M. Gérard Lévesque (directeur général, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law): Dans ce sens-là, on peut noter que pour l'article 41, le grand débat est de voir s'il y a des conséquences à l'engagement qui est mentionné dans cet article-là, ou si c'est juste une déclaration politique. Si c'est juste une déclaration politique, on ne peut pas faire grand chose, mais s'il y a des obligations, il y a lieu de revoir comment l'engagement a été surveillé.

    À l'heure actuelle, les politiciens s'engagent chaque jour envers leurs commettants. Lorsque l'engagement est consacré dans un texte de loi, il ne s'agit plus seulement d'un engagement politique. Cela a des conséquences juridiques. On peut argumenter devant les tribunaux qu'il y a, dans tel texte de loi, une obligation, un engagement de faire quelque chose. C'est ce qui arrive dans le cas de l'article 41 en vertu de cet engagement à promouvoir la minorité en situation minoritaire.

    Jusqu'à présent, l'interprétation donnée a été minimaliste. On peut le voir dans les résultats, ou les non-résultats, qu'on a pu avoir dans cette situation-là.

¹  +-(1555)  

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. Monsieur Braëns.

+-

    M. André Braëns (professeur de droit, Université d'Ottawa): Monsieur le député, madame la sénatrice, messieurs,dames du comité, dans un premier temps, je vous remercie de votre invitation. Veuillez croire que j'en suis très honoré.

    On m'a demandé de parler brièvement de la partie VII et plus particulièrement de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles et de répondre à vos questions, si vous en avez.

    Vous savez que cette partie VII de la Loi sur les langues officielles a été ajoutée lors de la refonte de la législation sur les langues officielles en 1988. À l'époque, on s'était plaint, enfin plusieurs se plaignaient, de failles dans la première législation. On se plaignait de l'absence d'un mécanisme disons plus contraignant, judiciaire, en ce qui concerne l'application de certaines dispositions de la loi.

    En fait, il fallait, pour donner suite à l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, compléter et même ajouter aux garanties qui étaient inscrites dans la loi. On s'était plaint aussi, à l'époque, de l'absence d'un engagement clair de la part des autorités fédérales à promouvoir le développement des langues officielles et des minorités de langue officielle. En 1988, l'ajout de cette partie VII, et plus particulièrement de l'article 41, constituait donc une réponse à ces critiques qui avaient émanées à l'époque.

    Tel que l'article 41 se lit, vous vous en doutez, il présente des difficultés d'interprétation qui ne sont pas faciles à résoudre. Vous savez qu'au plan de l'interprétation exécutive, ça a donné lieu à une double interprétation dans un rapport, dans une étude que le Commissariat aux langues officielles avait rendue publique en 1996. Après une enquête, on avait souligné le fait que, parmi les cadres de la fonction publique fédérale, plusieurs voyaient dans cet énoncé un principe politique important certes, mais sans obligations sur le plan juridique. Tandis que pour d'autres, au contraire, il y avait effectivement un engagement clair qui devait s'ensuivre.

    Alors, l'affaire que mon collègue a mentionnée, l'affaire de la Loi sur les contraventions, a bien mis en évidence la double perception ou la double interprétation qui pouvait être accolée à l'article 41.

    C'était peut-être un petit peu normal, d'autant plus que sur le plan juridique, il y avait, comment dire, une valse-hésitation qui pouvait nuancer, si vous voulez, l'interprétation qui sied à cet article 41. Vous savez que l'interprétation, judiciaire en particulier, sert à donner un sens aux mots qui sont utilisés par le législateur dans la mesure où pendant assez longtemps l'interprétation que la Cour suprême du Canada a conférée aux garanties linguistiques était ambivalente.

    D'une part, on y allait très largement, très libéralement, on se fondait sur le principe de l'égalité des langues officielles, de l'égalité des groupes linguistiques, de la dualité linguistique enchâssée dans l'article 16 de la Charte pour donner véritablement une étendue très forte aux mots qui étaient utilisés, soit par le constituant, ou encore par le législateur. Mais, dans d'autres domaines, c'était l'inverse, la Cour suprême s'appuyait sur la notion de compromis politique pour en arriver à donner une interprétation très étroite aux mots utilisés par le législateur.

    Bref, on pouvait, à partir de cette danse judiciaire, appuyer l'une ou l'autre des deux interprétations qu'on doit donner de l'article 41. Depuis l'affaire Beaulac, depuis l'affaire Arsenault-Cameron, je pense que le doute n'est plus permis sur ce point, dans la mesure où on a vraiment balayé l'interprétation restrictive en matière linguistique, dans la mesure où la Cour suprême invite les tribunaux à aborder les dispositions linguistiques, les garanties linguistiques, que ce soit dans la Constitution ou encore dans une loi, quelle soit provinciale ou fédérale, avec beaucoup de générosité, en se fondant sur le principe de la dualité, sur celui de l'égalité, en renvoyant au contexte qui peut ou qui a pu entourer l'adoption d'une législation à caractère linguistique.

º  +-(1600)  

    À mon avis, sur le plan juridique, on peut avancer que l'article 41 met véritablement une obligation à la charge des autorités fédérales. Je ne pense plus maintenant que l'on puisse, sur le plan juridique, avancer le fait que cet article n'énonce qu'un voeu pieux, finalement; il doit aller beaucoup plus loin. S'il va beaucoup plus loin, ça ne veut pas dire qu'il est pour autant beaucoup plus certain. Lorsqu'on lit cet article 41, on peut le lire en se disant que le Parlement canadien a imputé aux autorités fédérales une obligation d'agir. Dans ce sens-là, le gouvernement n'a pas le choix: il doit agir.

    Compte tenu du libellé, il faut se rendre compte par ailleurs que le législateur, que le Parlement canadien a quand même conféré toute une discrétion à l'autorité exécutive, c'est-à-dire que si le gouvernement n'a pas le choix d'agir—il doit agir en vue de développer la dualité linguistique, en vue de développer, de favoriser les minorités de langue officielle—il conserve néanmoins le choix des moyens. Quand on dit qu'il conserve le choix des moyens, dans ce domaine-là, ça reste, encore une fois, assez vague. Il y aurait peut-être lieu de s'interroger sur la nécessité de rechercher une interprétation plus claire à ce niveau.

    Ça peut se faire de deux façons. On peut aller devant un tribunal et, encore une fois, sur le plan de l'interprétation, demander au tribunal si en plus, par exemple, l'obligation qui est faite à l'article 41 se traduit d'une façon concrète sur le plan administratif par l'adoption, par exemple, d'un plan ou d'un cadre général, et ainsi de suite. On peut aussi le faire par la voie législative en ajoutant des précisions à l'article 41 qui verraient, par exemple, à l'obligation pour le gouvernement d'adopter un cadre de mise en application de cet article 41.

    Quoi qu'il en soit, c'est ce que j'avais à vous dire en termes d'introduction. Je resterai à votre disposition pour des questions, s'il y a lieu.

[Traduction]

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Professeur, merci beaucoup.

    Monsieur Magnet.

+-

    M. Joe Elliot Magnet (professeur de droit, Université d'Ottawa): Merci, Monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs et membres, je suis ici à la demande du comité et de son personnel. J'ai l'honneur et le privilège de comparaître devant vous pour essayer de vous apporter mon aide. Je dois exprimer mon respect au sénateur Gauthier. Il a livré une longue et honorable bataille pour la promotion des droits relatifs au statut des minorités de langues officielles. Le projet de loi S-32 poursuit le combat. Sa cause est juste. Ses intentions sont nobles.

    Je vais aborder les quatre aspects que je considère comme étant au coeur de la question qui est devant vous. La partie VII de la Loi sur les langues officielles, en particulier son article 41... dans sa forme actuelle, est-elle exécutoire ou déclarative? Je voudrais examiner brièvement l'objet du projet de loi S-32 tel que je le comprends. Le projet de loi S-32 atteint-il son objectif, ne l'atteint pas ou pas complètement, et j'ai de petites modifications que vous voudrez peut-être envisager pour un meilleure résultat.

    L'aspect exécutoire ou déclaratoire, vocabulaire encombrant absent des autres débats, provient du célèbre cas du sénateur Joyal, Joyal c. Air Canada, une décision de 1976 de la Cour suprême du Québec. Le cas concerne 40 pilotes et un parlementaire qui ont attaqué la validité d'une politique interne d'Air Canada interdisant l'utilisation du français pour les raisons de sécurité dans les communications d'exploitation et en cabine. Le sénateur Joyal, alors député, avec les pilotes, a remis cette politique en question, et le Commissaire aux langues officielles est intervenu pour soutenir la proposition globale affirmant que l'article 2 de la Loi sur les langues officielles n'est pas simplement politique ou déclaratif, comme le disent mes collègues, et l'article 2 peut donner droit à une action pour violation des droits qui sont en fait justiciables ou légaux et pas une simple déclaration d'intention.

    Le juge en chef Deschênes a approuvé la proposition que l'article 2 est plus que déclaratif car il peut servir de base à un recours judiciaire--un recours judiciaire qui pourrait protéger le statut du français en tant que langue de travail et qui pourrait renverser la politique interne d'Air Canada. Le cas a été porté en appel devant la Cour d'appel du Québec, et la décision du juge en chef Deschênes portant que l'article 2 était exécutoire a été renversée par une cour d'appel mixte. Le juge Monet a conclu que l'article 2 n'était pas d'application automatique, que la mise en oeuvre du bilinguisme au travail nécessitait une action exécutive.

    Le débat a maintenant lieu pour des raisons très pratiques. Quand la politique et la loi sur les langues officielles ont pris effet en 1969, Ottawa était une ville anglaise. Le français était virtuellement chassé de l'administration fédérale, et pour des raisons soulignées par mes collègues, l'engagement d'appliquer le français ne pouvait pas se faire du jour au lendemain. Cela devait se faire progressivement en allant vers un objectif. L'idée de l'aspect exécutoire de l'article 2 de la loi d'alors reflétait l'idée que les impatients devraient avoir voix au chapitre, et si le gouvernement retardait les choses sans juste raison, il devrait y avoir un recours judiciaire pour accélérer le processus, sans que cela soit un voeu pieux. Nous voulons arriver à un but, y parvenir rapidement, à la vitesse voulue. Voilà l'idée, et c'est cela qui est à l'origine du débat. C'est le sujet du projet de loi S-32.

º  +-(1605)  

    L'article 2 de la Loi sur les langues officielles est inséré dans l'article 16 Charte canadienne des droits et libertés en 1982. C'est intéressant car cela a retiré l'article 2 du mécanisme de la Loi sur les langues officielles, là où la mise en place du français dans les institutions fédérales devait se faire de manière exécutive, sous la supervision d'un commissaire, avec un mécanisme général d'enquête et de publicité afin d'accélérer le processus. L'article 2 est inséré dans la Charte et soumis à une clause d'application. Il a donné aux gens le droit de dénoncer la violation des droits. Cela n'était soumis à aucune détermination exécutive comme les commissaires, la publicité et ainsi de suite. L'article 2 était indépendant.

    De nombreux membres du comité constitutionnel pensaient que cela mettait fin au débat commencé en 1976. Il est maintenant exécutoire dans la langue de l'ancien cas car l'ensemble du mécanisme politique d'application-- -commissaire, reddition de comptes, surveillance parlementaire--avait disparu et avait été soumis à l'article 24 de la charte, qui accordait aux gens le droit de se plaindre à la cour.

    Nous pensions avoir atteint un certain degré de clarté avec l'insertion de l'article 2 mais il a été obscurci par l'étrange attitude de la Cour suprême dans les cas abordés par mes collègues--la Société des Acadiens et MacDonald. En ce temps-là, au milieu des années 80, nous avions eu des problèmes sérieux au Manitoba, nous avions des difficultés avec l'accord du lac Meech, et nou savions lancé des actions énergiques sur les langues. Nous avions le gouvernement du PQ.

    L'action s'est simplement arrêtée à la Cour suprême. Cette dernière a dit: «Ce n'est plus aux cours de se charger du dossier. Nous ne le ferons plus. Cela devra se faire par action politique.» Avec de telles déclarations et cette attitude claire, l'idée que l'article 16 s'appliquerait automatiquement--pour donner aux personnes impatientes un moyen de porter plainte en cour et de faire avancer le processus sur le plan judiciaire--perdait tout rôle moteur. En fait, l'article 16 ne paraissait pas avoir une telle force. La majeure partie des décisions dans l'affaire SAANB - MacDonald ont entériné une telle décision.

    Mes collègues vous ont dit que l'affaire SAANB - MacDonald, dans la mesure où cela étoufferait le développement judiciaire des droits des communautés linguistiques, a été rejetée par la Cour suprême. Cela est clair et le débat, vieux de 17 ans, reprend aujourd'hui.

    Mes collègues ont supposé que le mécanisme de mise en oeuvre de l'article 2 de la Loi sur les langues officielles, soit l'article 41, est maintenant exécutoire. Il a force juridique et constitue un droit d'action. Nous avons entendu des arguments à ce sujet. Bien sûr, le projet de loi S-32 vise à régler la question, à dire clairement que l'article 41 est exécutoire, qui comporte un droit d'action et qu'en dehors du processus politique, les gens auront recours aux tribunaux pour accélérer le processus ou si le gouvernement ne leur paraît pas agir assez rapidement.

º  +-(1610)  

    Il est sûr que les choses ont changé. Le français n'est plus exclus de cette ville. Il y a eu des progrès remarquables dans l'administration fédérale. Il y a une représentation équitable au sein de la fonction publique fédérale. Il y a des points sensibles, bien sûr. Mes collègues en ont signalé d'intéressants, et il y en a d'autres. Le processus n'est pas facile et des gens y résistent. Notre travail n'est pas terminé et, dans le nouveau contexte d'aujourd'hui, il est bon d'envisager ce qui arriverait si le droit de saisir la cour à propos de ces problèmes était complètement reconnu dans la Loi sur les langues officielles.

    Le Sénateur Gauthier a clairement exprimé l'objet de son projet de loi. Il a dit au comité qu'il visait à renforcer l'article 41 pour lui donner force exécutoire. Si vous partagez un tel objectif, le problème qui se pose à vous est le suivant: pensez-vous que le projet de loi S-32 atteint un tel objectif? Je pense que c'est le problème principal.

    Un problème protentiel attend le projet de loi S-32: il puise sa force des paragraphes 16(1) et 16(3) de la Charte. Il suppose que ces paragraphes sont exécutoires, que le débat a été clos par peut-être Beaulac, Arsenault-Cameron, qui est notre nouveau contexte. Mais il est sûr que la Cour suprême n'en a pas parlé.

    Dans Beaulac, la Cour suprême utilise un language musclé. Voilà un échantillon qui peut vous aider:

Ce principe d’égalité réelle a une signification. Il signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en oeuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l’État.

    S'il est vrai que l'article 41 protège des droits institutionnels, cela clorait le débat. Mais est-ce le cas? Après tout, certains peuvent penser que les droits institutionnels sont le droit de s'adresser au tribunal et d'être servi par l'administration fédérale dans la langue officielle de son choix, et les autres droits relatifs à l'égalité entre les communautés ne sont peut-être pas institutionnels, mais plutôt une politique vers laquelle nous nous dirigeons--article 41 a été déclaré politique gouvernementale--et c'est le moteur de toutes nos actions. Si tel est le cas, alors les droits ne sont pas institutionnels et l'article 41 ne rend rien exécutoire. C'est le genre de débat de base que le projet de loi S-32 a suscité.

º  +-(1615)  

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Le professeur Magnet, mon collègue et moi pensons que vous devriez savoir que le projet de loi S-32 n'est pas devant ce comité, et ne le sera probablement pas. Nous nous intéressons à l'article 41, juste pour que cela soit clair pour vous.

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Je pense qu'il s'agit de l'activité législative qui a lieu, et je pense toujours qu'il est nécessaire de se demander quelle direction la loi prendra, dans sa forme actuelle, sera-t-elle exécutoire ou déclarative, avec la modification proposée au Sénat?

    Je pense que le débat ne peut pas aller plus loi, autrement dit, les obligations du gouvernement en vertu de l'article 41 doivent être affirmées en cour, et cela n'a pas été fait. Et nous avons vu des cas se aborder cette question sans la résoudre complètement. Encore une fois, mes collègues ont abordé certains de cas de l'année dernière qui ont traité du sujet.

    Je pense que de telles observations vous aideront à étudier les questions qui vous sont soumises.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.

    Monsieur Reid.

+-

    M. Scott Reid (Lanark--Carleton, Alliance canadienne): Merci, Monsieur le président.

    Je voudrais expliquer aux témoins ma perception de l'article 41 puis vous demander si elle est erronnée quant à savoir si l'article 41 est déclaratif ou exécutoire--c'est-à-dire s'il a force obligatoire.

    Les preuves que je considère montrent que en l'état actuel l'article 41 est un passage déclaratif sans force exécutoire. Je me fonde sur trois preuves que je vous soumets pour vos observations.

    Tout d'abord, le passage pertinent est au début de la partie VII d'une loi qui est thématiquement divisée en 14 parties, et ainsi, il semble servir de préambule à la partie VII de la loi. La partie VII est intitulée «Promotion du français et de l'anglais». Les autres parties on des titres similaires--par exemple partie VI,«Participation des canadiens d'expression anglaise et d'expression française»; partie VIII «Attributions et obligations du Conseil du Trésor en matière de langues officielles», et ainsi de suite. Ainsi, il semble servir de préambule à cette partie thématiquement définie de la loi.

    Ensuite, je remarque que le paragraphe ou l'artcile est presque identique dans sa formulation à un des paragraphes ou un des Attendu que du préambule de la Loi sur les labgues officielles. Pour soulever la question, je me demande si je peux juste citer l'article 41, puis l'article pertinent à l'article 41 ici.

    Le gouvernement fédéral s'engage à

    a) favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement; et à

    b) promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

    

    Puis, en regardant le préambule, on trouve la formulation suivante:

ET ATTENDU QUE le gouvernement fédéral s'est engagé à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement et à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Il semble donc que l'un est le reflet de l'autre.

    Enfin, le troisième point saillant est le suivant: dans une loi, lorsque les dispositions de nature plus générale entrent en conflit avec une autre plus spécifique, en règle générale, c'est la disposition la plus spécifique qui a force exécutoire.

    Dans le contexte de l'article 41, je note que si l'article 41 doit avoir force exécutoire au lieu d'être déclaratif, il faudra alors que les autres articles de la partie VII de la loi soient lus différemment de leur forme actuelle.

    Par exemple, le paragraphe 43(1) se lit actuellement comme suit:

Le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure

Ensuite est énumérée une série de mesures proposées, de l'alinéa 43(1)a) à l'alinéa 43(1)h).

    Il me semble que si on devait considérer que l'article 41 a force exécutoire, on devra lire l'article 43 comme suit: «et, sans restreindre la généralité de ce qui suit, doit prendre toute mesure pour», contrairement à «peut prendre toute mesure».

    Peut-être pourra-t-on me dire si mon interprétation est correcte.

º  +-(1620)  

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Supposez, monsieur Reid, que le ministre responsable de Patrimoine Canada, du BCP, dise je ne fais rien; j'admets qu'il y a là des inégalités mais je vais m'en tenir aux autres choses et je ne ferai rien; et pour ma part, je n'ai pas appuyé cette loi, de toute façon, et les choses peuvent rester comme elles sont.

    Examinons votre question sous cette perspective, car vous avez invoqué des arguments comme s'ils étaient adressés à la cour, ce qui est très intéressant, et peut-être...

+-

    M. Scott Reid: Elle sont transmises à un éminent spécialiste en droit.

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Peut-être qu'un jour vous aurez cette nouvelle vocation.

    Que dirait un tribunal face à de telles preuves? Dirait-il, nous n'y pouvons absolument rien, ce n'est pas justiciable? Comme nous l'a signalé M. Reid, le paragraphe 43(1) ne fait qu'accorder le pouvoir discrétionnaire au ministre; c'est au ministre de décider et pas à nous de faire des conjectures.

    En droit administratif, je pense que quelquefois de telles indiscrétions peuvent être canalisées, structurées et régies par les buts et objets de la loi où elles se trouvent. Le mot «peut» met en relief un pouvoir discrétionnaire que vous avez signalé, mais cela n'est pas déterminant pour la question de savoir ce que le ministre peut ou doit faire. La question, encore une fois, concerne les buts et objets de la loi.

    Vous nous avez parlé du préambule, qui comporte quelques-uns des buts et objets de la loi. Il est intéressant que le gouvernement soit engagé, mais supposez que nous ayons la preuve qu'un tel engagement n'est pas honoré. L'engagement consiste à atteindre un objectif, il me semble. Le gouvernement s'est engagé à renforcer la vitalité.

    Dans les provinces, et en Ontario par exemple, nous sommes connus non pas pour renforcer mais pour frapper ce qui fait la vitalité des collectivités, connus pour étouffer la langue française dans les écoles de l'Ontario. Supposez qu'une telle attitude soit revenue. Un tribunal dirait-il que, non seulement nous n'allons pas aussi vite que le veulent des personnes mécontentes, mais vous prenez des mesures énergiques pour sapper la vitalité des collectivités? Peut-on dire qu'on ne peut rien faire?

    Encore là, je pense qu'il y a un engagement. L'engagement, c'est d'atteindre un résultat, et en tout respect, la question n'est pas de savoir si on peut trouver un remède--à mon avis, oui--, mais c'est de savoir quelles circonstances, quels types de preuves, quelles actions fautives, négligence, ou soins malveillants, ou jusqu'où faut-il ne pas aller assez ou aussi vite que certains le veulent, le pied au plancher, pour que le droit devienne actif?

    À cette question, je dirais que les dissentions au sein de la SAANB étaient vraiment intéressantes. La juge Wilson a dit que vous deviez avancer et, la question est de savoir ce que vous avez fait, à quelle vitesse, et si vous allez dans la bonne direction et à la bonne vitesse. C'était son point de vue.

    Une opinion intéressante de Michel Bastarache, alors professeur de droit, a été déposée de l'autre côté, au Sénat, où il a exprimé, plus en détail que moi, certains de ces points administratifs bruts. Il a dit c'est exécutoire et que cela peut donner lieu à un droit d'action. Je présume que l'opinion de cet humble professeur a maintenant plus de poids parce qu'il est peut-être en mesure de représenter un des neufs votes là-dessus.

    Voilà la perspective je pense. J'espère qu'elle vous sera utile.

º  +-(1625)  

+-

    M. Scott Reid: Oui, tout à fait. Merci.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Mr. Lévesque.

+-

    M. Gérard Lévesque: Je voudrais citer les principes de rédaction, et puisque je suis autorisé à exercer en Ontario, les protocoles de rédaction législatives, où il est écrit que:

À l'occasion, le préambule peut servir à exposer des faits historiques appuyant le caractère constitutionnel de loi publique. Le préambule ne doit pas servir à des déclarations politiques ou à des intentions de déclarations.

    Selon moi, la raison est que s'ils veulent qu'une chose ait des conséquences légales, elle doit figurer dans le corps du texte, tout comme l'article 41 de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

    Ce qui est inacceptable pour nous, c'est que l'interprétation qui est donnée de l'article 41 est tellement minime qu'on ne sait même pas, encore aujourd'hui, si on peut utiliser les deux langues officielles dans des sphères qui relèvent de la compétence du Parlement canadien, par exemple dans les domaines du divorce et de la faillite. Ce n'est pas clair et on a passé bien des années à demander des modifications pour confirmer que les Canadiens ont le droit d'utiliser le français et l'anglais, à leur choix, dans les domaines relevant du Parlement canadien, comme le divorce et la faillite.

    À l'heure actuelle, les études et les consultations continuent, mais il n'y a toujours pas d'action. Même un rapport du Sénat, intitulé Pour l'amour des enfants, a demandé des modifications à la Loi sur le divorce pour confirmer ce droit. Et comme on a même, en plus de nos arguments, le sens de l'humour, on a fait appel au Père Noël l'an passé pour demander une modification à ces lois-là. Si vous voulez une copie de cette carte de Noël—le Père Noël parlait seulement français, donc la carte est unilingue française—vous pouvez en demander une à mon assistante ici; elle va vous en donner une.

    C'est réellement un bon exemple qui démontre à quel point l'engagement du gouvernement qui apparaît à l'article 41 ne s'est pas traduit par des actions dans les domaines qui relèvent du Parlement canadien, comme le divorce et la faillite. Cela veut dire que ceux qui veulent utiliser le français dans les provinces de common law vont avoir énormément de difficulté à l'utiliser, non seulement devant le tribunal mais également dans les simples formulaires.

    Je sais qu'au mois de septembre dernier, vous avez reçu au comité le ministre Dion, qui parlait de progrès. Il annonçait un plan d'action et il a fait allusion à la situation des couples mixtes, non pas Sénat et Chambre des communes mais anglais et français. Il disait que l'État ne devait pas intervenir dans les relations amoureuses. Mais l'État a une responsabilité au niveau des couples mixtes. Si les formulaires sont seulement disponibles sous couvertures séparées en français et en anglais, dans les situations mixtes, on va pouvoir utiliser seulement un ou l'autre; on ne pourra pas utiliser les deux et une des deux parties va devoir renoncer à ses droits linguistiques. Or, dans une situation de domination, c'est habituellement la personne en situation minoritaire qui est bilingue et qui va accepter d'utiliser la langue majoritaire.

    Alors, le divorce est un bon exemple. Si deux personnes de langue différente veulent divorcer, qu'elles veulent faire une requête conjointe au tribunal et que la requête n'est pas disponible dans un format avec deux colonnes côte à côte, comme c'est le cas partout au pays à l'heure actuelle, elles vont devoir prendre le formulaire français ou le formulaire anglais. Donc, une des deux parties va devoir renoncer à l'exercice de son droit linguistique pour aller devant le tribunal. C'est une des choses à corriger avec l'engagement, soit clarifier l'article 41.

º  +-(1630)  

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. On dépasse largement le temps alloué, mais M. Braëns a demandé à faire un commentaire.

+-

    M. André Braëns: Très brièvement, monsieur le président, je crois que monsieur le député a bien démontré les diverses méthodes d'interprétation qui peuvent être apportées lorsque vient le temps de trouver le sens exact de l'article 41. On peut y aller d'une façon corrélative, vérifier où s'insère exactement cet article 41 à la partie VII parmi l'ensemble de la loi, renvoyer au préambule de la loi. On pourrait citer l'article 2c) qui définit les objets de la loi en disant: «préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.»

    On peut par ailleurs adopter une méthode plus textuelle et vérifier les mots qui sont utilisés aux articles 42 et 43 que vous avez mentionnés. D'autres pourront, sur la même base, dire que l'article 41 énonce une obligation générale et que les articles 42 et suivants énoncent les acteurs à qui va incomber l'obligation de mettre en oeuvre cet engagement.

    Alors, il y a toutes sortes de façons d'interpréter tout ça. Tout ce que je sais, c'est que compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada qui fait appel au principe d'une interprétation large, libérale, généreuse, réparatrice, qui fait appel au principe de la protection des minorités dans l'interprétation de textes constitutionnels et de textes législatifs, il y aurait de fortes chances qu'on en arrive au plan juridique pour conclure sur un véritable engagement de l'article 41. Mais même là, encore une fois, comme je le disais au tout début, est-ce que c'est là le vrai débat? Dans la mesure où même si on conclut sur l'existence d'un véritable engagement, il est énoncé en termes tellement généraux et la discrétion qui est conférée au gouvernement est tellement vaste que finalement, il y aurait peut-être lieu, pour plus de certitude, de préciser un tout petit peu plus l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. Madame Thibeault.

+-

    Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je ne suis pas juriste; vous allez vous en apercevoir très vite. Alors, s'il vous plaît, soyez patients avec moi.

    Plusieurs de mes collègues ici, au comité, ont toujours la frustration de demander à tous et chacun de bien vouloir se soumettre à la Loi sur les langues officielles pour toujours arriver devant une situation où, si monsieur ou madame le veut bien, il ou elle fera autrement. Le gouvernement ne peut rien faire à cause, justement, du problème exécutoire que l'on retrouve dans tout cela.

    Monsieur Colvin, la situation que vous avez rencontrée à London m'a intéressée: «Attrape 22», pour ne pas dire Catch 22. Vous arrivez devant la justice et ils n'ont pas le personnel nécessaire parce qu'il n'y a pas assez de causes, et il n'y a pas assez de causes parce qu'ils n'ont pas le personnel nécessaire. C'est une première chose.

    Dans une situation comme celle-là, celle de London, qui, vous l'avez dit, est une ville régie par la Loi sur les langues officielles, qui a la responsabilité, à ce moment-là, de voir à ce que les services soient disponibles dans les deux langues? Est-ce la municipalité, la province? Est-ce le gouvernement fédéral? Si toute cette loi était éclaircie et que l'on savait si c'est exécutoire ou pas, est-ce que ce serait plus facile d'arriver et de dire qu'on a le personnel et que les choses se passent ainsi?

º  +-(1635)  

+-

    M. Tory Colvin: Quant à la responsabilité, ça dépendrait des poursuites auxquelles nous aurions à faire face, parce que nous avons des poursuites qui sont faites par les municipalités, nous avons des poursuites qui sont faites par les provinces et, bien sûr, nous avons des poursuites qui sont faites par le gouvernement fédéral. Théoriquement, tout ce qui est du côté administratif dans les tribunaux est de compétence provinciale.

    Cela dit, c'était une poursuite pénale, un appel en pénal, donc c'était devant un juge qui exerçait sa compétence fédérale. Si on avait voulu vraiment déclencher la guerre, ce qu'on a pas fait parce qu'on voulait justement procéder à l'appel parce que... [Note de la rédaction: inaudible] ...de l'article 41 et pourrait être exécutoire. Donc, nous avons renoncé à notre droit linguistique. Mais en fait, nous aurions pu dire à monsieur le juge que ce n'était pas une cour compétente, que ce n'était pas un tribunal compétent parce que, justement, nous ne pouvions pas plaider dans notre langue. Nous aurions pu lui demander de déclarer toute cette procédure nulle, et la poursuite aurait été obligée de recommencer à zéro, de refaire... [Note de la rédaction: inaudible]

    Certes, si on avait voulu être difficiles, on aurait pu faire cela, mais il y a quelque chose de plus large... [Note de la rédaction: Inaudible] ...le 22 avril, et c'est justement l'article 41. Donc, on a dû accommoder un... [Note de la rédaction: Inaudible] ...mais on aurait pu demander au juge fédéral de reprendre à zéro.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Alors, si je comprends bien, à ce moment-là, vous auriez couru le risque de voir Justice Canada plaider contre vous.

+-

    M. Tory Colvin: En ce moment, Justice Canada ne fait pas partie de l'appel. L'appel, c'est le procureur général de l'Ontario, parce que c'est lui qui se charge des poursuites pénales. Par contre, si les traditions de Justice Canada se respectent, si nous arrivons au niveau de la cour d'appel d'Ontario, leurs avocats vont probablement intervenir. Malheureusement, c'est toujours contre nous. En fait, j'aime beaucoup quand ils plaident contre nous. Ils sont très gentils. Ils sont d'excellents plaideurs et ça fait une journée fabuleuse.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Je vous souhaite bonne chance, monsieur Colvin.

    M. Tory Colvin: Merci, madame.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Y a-t-il d'autres commentaires?

    Alors, je passe à monsieur Sauvageau.

+-

    M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Messieurs, merci d'être présents. Ce serait tellement intéressant de pouvoir intervenir lorsqu'on a nos questions parce qu'après cela, on en oublie, et il y en a plusieurs qui se bousculent.

    Ma première question s'adresse à M. Colvin. À votre connaissance, existe-t-il au Québec un organisme semblable au vôtre pour défendre le droit des anglophones d'être défendus dans les cours de justice au Québec?

+-

    M. Tory Colvin: Nous sommes l'Association des juristes d'expression française, donc nous comptons des avocats, des juges, des juges de paix....

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je sais tout cela. Ce que je veux savoir, c'est si les anglophones du Québec qui vivent en minorité ont besoin d'être défendus par une association comme la vôtre.

+-

    M. Tory Colvin: Je ne peux pas vous le dire: je ne suis pas au courant. S'il y a quelque chose au niveau du Barreau du Québec ou du Barreau canadien, ça...

+-

    M. Benoît Sauvageau: Ils peuvent probablement se faire entendre en anglais dans tous les tribunaux, donc ils n'en ont pas besoin. On respecte la loi, au Québec.

+-

    M. Tory Colvin: Vous y êtes obligés. C'est la Constitution canadienne qui vous oblige à avoir des tribunaux dans les deux langues.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Oui, mais ils sont obligés de respecter la loi ailleurs aussi, et il ne la respectent pas. On se comprend. Je ne suis pas un constitutionnaliste, non plus. Je veux juste comprendre des choses.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Lévesque.

+-

    M. Gérard Lévesque: Je pense qu'on en aurait entendu parler si quelqu'un n'avait pas pu avoir un divorce en anglais au Québec. On l'aurait entendu beaucoup plus qu'à l'heure actuelle, où il est très difficile d'avoir un divorce en français.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Ils ont un journal. Entre autres, ils ont The Gazette pour faire la première page avec ces cas-là. C'est dommage que Mme...

+-

    M. Gérard Lévesque: Plusieurs de nos membres sont membres des deux barreaux, celui du Québec et celui de l'Ontario, anglophones comme francophones... [Note de la rédaction: Inaudible] ...dans les deux provinces.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Mais il y a moins de problèmes au niveau de l'éducation, des soins de santé et des tribunaux.

[Traduction]

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Puis-je répondre?

    Quelquefois, la théorie n'est pas le meilleur guide en la matière. exercé des poursuites dans les tribunaux de l'Ontario. Quelquefois mon français n'est ni parfait, ni même très bon, mais juste pour faire le travail, quelquefois...

    Il m'est arrivé d'être le procureur de la Couronne dans un procès en français, et on s'est retrouvé à dire: «Joe, peux-tu m'aider?» Oui, ce n'est pas l'idéal d'avoir quelqu'un de ma compétence linguistique comme procureur. C'est un des problèmes.

    Si on considère le reste de la question, à propos du Québec, j'ai également eu l'occasion de proposer à la Cour supérieure, au nom de la Société franco-manitobaine, un affidavit rédigé dans ma langue, en anglais. Le juge nous a fait des observations peu flatteuses. Nous exercions des droits linguistiques constitutionnels dans la province et, ce faisant, nous en étions pratiquement empêchés, disons, et cela rendait la chose difficile. J'ai appris ma leçon; je ne le referai plus, même si c'est mon droit constitutionnel de le faire.

º  +-(1640)  

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Cela m'arrive rarement de remercier mon ami du Reform ou de l'Alliance, mais il nous a démontré clairement que ça n'était pas clair du tout et que l'interprétation que l'on peut faire de l'article 41 et de la Loi sur les langues officielles, c'est à peu près n'importe quoi. Quant à moi, c'est comme si on se chicanait sur le sexe des anges et qu'à la fin de notre consultation, on n'arrivait pas à dire si on croit aux anges ou si on n'y croit pas.

    Admettons que toutes les jurisprudences découvrent des ententes précédentes pour rendre l'article 41 exécutoire. S'il n'y a pas de volonté de l'appliquer, cela va revenir à peu près à la même chose. Premièrement, y a-t-il un libellé que vous pourriez nous proposer maintenant ou nous envoyer par écrit par la suite, qui rendrait l'article 41 exécutoire?

    J'ai fouillé le site parlementaire Intranet qui avait été mis à jour le 21 février 2002. Une erreur s'est peut-être glissée, mais j'y ai lu que les ministres responsables de la Loi sur les langues officielles—cela aussi, c'est assez... [Note de la rédaction: Inaudible] ...comme situation—étaient Jean Chrétien et John Manley. Comme je n'étais pas sûr de mon affaire, j'ai continué ma recherche. On y disait que les porte-parole étaient Benoît Sauvageau, Yvon Godin et John Herron. Ça devait donc être la bonne liste puisse qu'on avait les bons porte-parole. Je ne sais pas si on avait les bons ministres, mais enfin.

    Aux articles 42 et 43, si on changeait «Le ministre du Patrimoine canadien, en consultation... » pour «premier ministre en consultation...», est-ce que ce serait plus clair? L'article 43 se lirait donc comme suit: «Le premier ministre prend les mesures qu'il estime...». La ministre du Patrimoine est au même échelon horizontal que les autres ministres. Elle les consulte. Elle n'a donc aucun pouvoir pour dire aux autres ministres d'appliquer ou de ne pas appliquer ça. C'est mon interprétation de politicien, et non de constitutionnaliste, de l'article 42. Si on enlève «le ministre du Patrimoine canadien» et que l'on y met «le premier ministre», il me semble qu'on a donc une personne hiérarchiquement supérieure qui va consulter les autres personnes. Si on veut vraiment donner du poids à cet article ou à cette loi, ça, ça leur en donne. Peut-on changer «le ministre du Patrimoine canadien» pour que l'on y lise «le premier ministre»? C'est ma deuxième question.

    Je passe à ma dernière question. Aux alinéas d), f) et g), que veut-on dire, par exemple, lorsqu'on parle d'encourager les anglophones à obtenir des services municipaux dans leur langue, ou lorsqu'on dit: «pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais...»

    Je vais utiliser une anecdote, un exemple, une caricature. Je suis sûr que ce n'est pas cela, mais enfin. Dans la ville de Charlemagne, il y a une population de 6 000 personnes et il y a un anglophone parmi celles-ci. En vertu de l'alinéa f) de la Loi sur les langues officielles, est-ce que ce dernier pourrait demander que son compte de taxe soit en anglais? Je ne crois pas qu'il pourrait exiger cela. Pourquoi note-t-on cela si ça ne peut pas s'adresser à ces organismes-là?

    Merci.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Braëns.

+-

    M. André Braëns: Je dois avouer bien modestement que j'ai oublié quelle était votre première question.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Pouvez-vous nous donner un libellé qui serait clair, qui ferait en sorte que l'article 41 serait exécutoire? Présentement, on peut en parler en disant qu'il est exécutoire ou qu'il n'est pas exécutoire.

+-

    M. André Braëns: On pourrait toujours changer des mots. On pourrait utiliser le mot «doit», par exemple. On pourrait adopter un cadre d'application et ainsi de suite. Il y a certainement quelques mots qui pourraient s'ajouter pour préciser le caractère exécutoire de l'article 41. Mais ce qu'il est important de souligner, c'est que si c'est clair, cela veut dire que, non seulement, par exemple, le commissaire aux langues officielles a la capacité de faire rapport sur la progression de l'article 41 devant le Parlement, mais il y a là, en plus, un fondement légal, c'est-à-dire que l'on pourrait s'adresser avec certitude devant un tribunal pour se plaindre, par exemple, de l'inaction des autorités fédérales. À ce moment-là, cela devient très important.

    Par ailleurs, en ce qui concerne votre deuxième question, je verrais mal que l'on puisse désigner le premier ministre. Il n'est pas titulaire d'un ministère. Généralement, il préside, évidemment, le Cabinet. C'est le personnage le plus important. Plutôt que de parler du premier ministre, on pourrait parler du gouvernement lui-même. Vous auriez là vraiment le sommet de la hiérarchie administrative, et là, ma foi, ça viendrait de haut.

º  +-(1645)  

+-

    M. Benoît Sauvageau: Donc, on pourrait changer «le ministre du Patrimoine» par «le gouvernement». C'est bien ça?

+-

    M. André Braëns: Oui, certainement. En plus de son rôle administratif, le gouvernement joue un rôle politique. Certaines questions pourraient alors lui être posées par rapport à cela.

    En ce qui concerne vos préoccupations concernant certains alinéas de l'article 43, je vous dirais qu'il s'agit d'une législation sur la question linguistique. Le Parlement canadien peut légiférer sur la question linguistique en autant que cela se rattache à l'exercice d'une compétence qui lui appartient. Autrement dit, il ne peut pas aller jouer dans les plates-bandes des provinces. Il peut, par ailleurs, au moyen d'ententes administratives et de l'exercice de son pouvoir de dépenser, favoriser l'extension ou la promotion des langues officielles, non seulement sur la scène fédérale, mais aussi sur une scène autre que fédérale. C'est évident qu'à ce moment-là, il est plus limité.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci beaucoup. Professeur Magnet.

[Traduction]

+-

    M. Joe Elliot Magnet: J'ai des termes qui peuvent vous aider. J'ai donné au greffier un amendement qui vous sera distribué après traduction.

    Mais, pour avancer la discussion, permettez-moi de vous lire des termes, à mon avis, appropriés.

    Supposons que ce qu'il y a ici devienne le paragraphe 41(1). Je suggère l'ajout de 41(2), (3) et (4). Le paragraphe 41(2) se lirait: «Le paragraphe 41(1) est exécutoire.»

    Le paragraphe 41(3) dirait:

Les institutions fédérales sont tenues de mettre en pratique l'engagement du par. 41(1) avec la rapidité voulue, sous réserve d'exigences raisonnables, formulées par règlement, justifiées clairement dans une société libre et démocratique composée de deux communautés linguistiques officielles et égales.

    Le paragraphe 41(4) dirait:

Toute personne lésée par une institution fédérale qui refuse de respecter ses obligations en vertu du présent article, après avoir épuisé tous les autres recours prévus par la loi, peut s'adresser à la Cour fédérale, Section de première instance, pour un tel recours comme la cour l'estime approprié et juste dans les circonstances.

    Je pense que cela clorait le débat. Cela clarifierait leurs obligations aux institutions fédérales qui sont de mettre en pratique les obligations avec la rapidité requise pour favoriser la vitalité des collectivités.

    Après enquête du commissaire, reddition de compte, publicité et supervision parlementaire, si la personne n'est toujours pas satisfaite, elle aurait le droit de s'adresser au tribunal pour obtenir de la cour une réparation juste et appropriée.

[Français]

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Sauvageau, le document qui nous a été donné est en anglais. Nous allons le faire traduire et le faire circuler parmi tous les membres du comité, dès que ce sera fait.

    Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Sauvageau, une dernière question.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Peut-être peut-on faire un lien avec ce que monsieur vient de dire. Vous avez dit qu'on devrait préciser les obligations du gouvernement dans l'application de l'article 41. Pourriez-vous, peut-être pas immédiatement mais plus tard, nous faire parvenir une forme de précision que nous pourrions mettre là-dedans, dans la loi?

+-

    M. André Braëns: Oui, bien modestement, je pourrais vous faire des propositions, effectivement.

    M. Benoît Sauvageau: Merci.

º  +-(1650)  

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Vous les enverrez au greffier du comité.

    Monsieur Lévesque.

+-

    M. Gérard Lévesque: J'aimerais simplement faire une précision sur les mots. Justement, le sénateur Gauthier a proposé les mots « Le gouvernement prend les mesures nécessaires ». Ça serait nécessairement plus clair que ce qu'il y a à l'heure actuelle. Si on avait une disposition qui disait que cet article-là est exécutoire, j'aurais peur que cela exporte le problème à toutes les autres lois où on n'aurait pas une phrase qui dirait que cet article-là est exécutoire. Il faut vraiment clarifier ce texte, et on a, avec le projet du sénateur Gauthier, une excellente occasion, avec ces mots-là, de clarifier l'intention qui était, à l'origine, de protéger et de promouvoir la minorité.

    Maintenant, on a fait allusion tout à l'heure à ce qui pourrait être fait au niveau des municipalités. Je pense que c'est une bonne occasion pour rappeler que lorsque le fédéral a dévolué à la province d'Ontario des responsabilités en vertu de la Loi sur les contraventions, l'Ontario a, à son tour, dévolué cette dévolution-là aux municipalités qui voulaient remplacer le gouvernement fédéral dans la poursuite des citoyens au niveau des contraventions fédérales. C'est ce qui nous a fait peur, parce que la loi fédérale en vertu de laquelle on avait fait cette dévolution n'avait pas protégé les droits linguistiques acquis, et nous, en Ontario, avons été pris avec près de 90 municipalités qui s'étaient illégalement déclarées unilingues anglaises, et c'était dorénavant ces municipalités qui allaient avoir la responsabilité de gérer la justice. C'est elles qui nommeraient le greffier, c'est elles qui nommeraient le poursuivant et c'est elles qui donneraient les services aux comptoirs municipaux pour ces contraventions.

    Heureusement, on a gagné, avec le projet de loi 108 de l'Ontario qui a dévolué cela aux municipalités, un minimum de garanties. Mais ça n'a pas été facile de demander à l'Ontario de tenir compte des droits linguistiques, parce que Queen's Park nous demandait pourquoi l'Ontario devrait nous donner des garanties linguistiques en envoyant cela aux municipalités alors que le gouvernement fédéral lui avait dévolué la responsabilité, sans exiger d'elle un respect des droits linguistiques acquis.

+-

     Alors, c'est pour cette raison que nous avons dû porter le dossier des contraventions devant la cour. Mais si on avait un engagement très clair, ça éviterait de telles situations.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. Sénateur Gauthier.

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ottawa—Vanier, Lib.): Il faut être patient quand on est sénateur. Ça fait une heure et demie que nous sommes là. On nous a appelés tous les deux pour retourner à la Chambre. On pourrait peut-être alterner, monsieur le président: un intervenant de la Chambre des communes et un du Sénat à l'occasion, plutôt que d'avoir trois ou quatre députés avant d'avoir un sénateur.

    Je vous accueille avec beaucoup de plaisir. Je vais vous lire un article qui nous concerne tous. M. Magnet le connaît encore plus que moi.

...les gouvernements fédéral et provinciaux, s'engagent à:

a) promouvoir l'égalité des chances...

b) favoriser le développement économique pour réduire l'inégalité des chances;

    C'est le libellé utilisé à l'article 36 qui touche la péréquation. Comment se fait-il qu'on peut dépenser des milliards de dollars en vertu d'un engagement fédéral, mais qu'on ne peut pas le faire dans l'article 41? Je connais la réponse. La réponse, monsieur Magnet, c'est que l'article 41 n'est pas judiciable. On ne peut pas aller devant les tribunaux avec l'aide de la commissaire aux langues officielles; ce n'est pas permis. Il faudrait avoir les goussets profonds et de bons avocats comme vous autres pour aller défendre à la Cour fédérale l'article 18 de la loi fédérale qui nous permettrait de faire cela. On n'en a pas les moyens et on n'a pas non plus les ressources humaines et financières requises.

    J'étais ici en 1988 quand la loi a été adoptée. On a essayé de faire dire au gouvernement que c'était exécutoire. On n'a pas réussi. Depuis ce temps-là tous les ministres de la Justice nous répètent ad nauseam que c'est déclaratoire, que c'est même—j'aime le mot—politique. Eh bien, c'est ma game, ça! Alors, j'ai pris le libellé qui existait et le mot «engage», qui avait l'air de créer des problèmes, je l'ai enlevé. Je l'ai remplacé par «prendre les moyens nécessaires». Je suis un profane du commun des mortels dans ce domaine. Je me suis dit que si «engage» les achale, on va le changer.

    Ce que je veux savoir, c'est comment il se fait que l'article 36 dit clairement que le gouvernement s'engage à dépenser des milliards de dollars alors qu'à l'article 41, le gouvernement s'engage mais ne fait rien, ou très peu. Vous avez tous fait allusion à cela: le divorce, la faillite, les difficultés que pose une loi qui s'applique de façon asymétrique dans l'ensemble de notre pays. La loi fédérale est symétrique, mais elle s'applique de façon asymétrique.

    Ma première question est pour monsieur Colvin.

º  +-(1655)  

+-

    M. Tory Colvin: Je dois avouer, monsieur le sénateur, que lorsque je regarde l'article 41 tel qu'il est: «Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser» et que je fais une lecture tout à fait simple de ces mots, j'aurais tendance à croire que le gouvernement fédéral prend sur lui l'obligation de faire respecter un droit linguistique, une obligation. Si j'ai le droit de voter, ça veut dire qu'il doit y avoir un scrutin quelque part de façon que je puisse voter, sinon, c'est de la... [Note de la rédaction: Inaudible] ...qui ne vaut rien. Dès que le gouvernement s'est engagé à favoriser, j'avoue qu'a priori, j'aurais cru que la solution était déjà là. Mais avec tous les débats à gauche et à droite là-dessus, visiblement, il faut rendre plus clair, il faut modifier. Avec l'article 41 tel qu'il est, nous avons vécu le dossier des contraventions. On a failli perdre le droit à l'accès à la justice en français. On est en train de se battre pour assurer que les Territoires du Nord-Ouest respecteront les obligations linguistiques qui découlent du fédéral. Donc, je suis complètement d'accord avec vous que, visiblement, il faut modifier l'article 41.

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Tout à l'heure, l'un d'entre vous à demandé des preuves. Je pense que c'était M. Magnet. Ça prend des preuves. Regardez l'assimilation galopante des groupes minoritaires. En Ontario, un francophone sur trois ne parle plus français à la maison. Est-ce assez éloquent? Des preuves, il y en a en masse. Je peux vous en donner autant que vous en voudrez.

    Peut-être que M. Braëns aurait quelque chose à dire là-dessus.

+-

    M. André Braëns: L'article 36 de la Charte renvoie à une règle qui paraît, à prime à bord, mieux établie ou, en tout cas, beaucoup moins contentieuse que la question linguistique. C'est pour cette raison qu'on s'est peut-être un petit peu moins cassé la tête. L'article 41 renvoie à la question linguistique, donc on sait que c'est l'essence d'un contentieux dans la vie canadienne. C'est peut-être pour cette raison que l'on s'interroge sur le sens véritable de l'article 41. Je pense que les mots que vous proposez, effectivement, ajoutent. À mon avis, c'est déjà exécutoire. À mon avis, on peut, par le biais, par exemple, d'une certaine jurisprudence qui s'est développée depuis quelques années en Cour suprême du Canada, l'affaire Baker, c'est-à-dire le contrôle par les cours de justice de la discrétion gouvernementale, tenter d'aller devant un tribunal et de le questionner sur l'inaction, par exemple, des autorités fédérales. Il est certain, à mon avis, que les mots que vous proposez ajoutent du poids.

    J'irais un petit peu plus loin en disant... Je ne sais pas, mais «...prend les mesures nécessaires...» Il me semble qu'il y a encore moyen de resserrer l'exercice de la discrétion. Plus on a une discrétion, plus l'inaction peut se justifier.

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Vous êtes au courant que la commission Séguin a fait un paragraphe important sur la péréquation, dans lequel on remet en question la constitutionnalité de l'article 36. Êtes-vous au courant de ça?

+-

    M. André Braëns: Je n'ai sorti que cela.

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je vous recommande de lire le rapport Séguin là-dessus. C'est important.

[Traduction]

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Sénateur, j'ai une opinion plutôt différente à ajouter. Si on nous avait dit en 1969 que l'administration fédérale ressemblerait à ce qu'elle est maintenant et que les francophones de l'Ontario auraient des droits plus garantis dans une institution plus largement représentée, et que ces droits seraient légalement reconnus, nous aurions pensé à une plaisanterie.

    Ce que nous avons fait ensemble est vraiment considérable et pas prévisible. En 33 ans, nous avons fait beaucoup de chemin depuis la politique sur les langues officielles. C'est une réalisation pour notre pays. En tant que communauté politique, nous avons démontré que notre système permet un meilleur progrès aux communautés nationales. Prenez la province de Québec, où la langue française est passée lentement de 79 à 82 p. 100 et quelque actuellement.

    L'assaut formidable de l'anglais comme langue dominante du globe a été incroyable. Cependant, nous voyons dans notre pays qu'une communauté nationale peut être plus assurée de sa langue en faisant partie d'une province non souveraine qu'elle ne le serait dans une petite communauté souveraine en Hollande ou au Danemark, dont les langues sont plus sévèrement érodées, alors que les nôtres sont plus sûres.

    Je suis conscient des points de pression car ils sont réels et frustrants. Les avocats du ministère de la Justices ont quelquefois des gens très intéressants pour prendre une bière avec eux.

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): En anglais ou en français?

    M. Joe Elliot Magnet: Je pense que ces nouvelles circonstances sont pertinentes. Dans les années 70 et 80, c'était des questions très controversées et fractionnelles, menaçant la sécurité de notre pays. Non pas que n'ayant pas de problèmes maintenant, mais les problèmes sont plus gérables. Notre justice est beaucoup plus forte qu'il y a 33 ans.

    Ces nouvelles circonstances permettent actuellement de faire ce que vous proposez dans le projet de loi S-32, qui vise en d'autres termes, à donner aux gens plus impatients--qui veulent faire des recours judiciaires partout--le droit de pousser les boutons sensibles et interdits selon la Cour suprême; et qui osera dire que ces gens ont tort?

    L'atmosphère est maintenant changée et, compte tenu de cela, il faudrait s'occuper davantage de la vitalité des collectivités car nous avons moins à nous soucier de la sécurité de notre pays. En ce sens, notre sécurité est plus grande.

    Je pense donc que nous proposons ce qu'il faut pour l'article 41--que mon collègue, le professeur Braëns trouve que cela y est déjà, ou que, selon vous, nous devons renforcer l'article pour le rendre plus clair. La formulation que j'ai proposée est vraiment claire.

»  +-(1700)  

[Français]

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Monsieur Magnet, je vais répondre à votre argument. Admettons que soit judiciable l'article 41. Ça énerve plusieurs ministres, cette affaire-là. On dit que ça va augmenter la judiciarisation. C'est du jargon juridique; je ne sais pas ce que ça veut dire.

    En 1982, quand on a adopté la Constitution, une nouvelle Charte des droits et libertés, j'y étais. J'ai voté contre, mais en tout cas... Je me suis ouvert la veine, comme on dit.

    Les provinces étaient énervées, à ce moment-là, surtout à cause de la portée des lois, de celle sur les langues officielles en particulier, en ce qui a trait à l'article 41. La réponse du gouvernement à cela a été qu'elles ne devaient pas s'en faire, que c'était le droit de dépenser qui était en jeu, pas autre chose.

    Je pense que c'est monsieur Braëns qui a mentionné le droit de dépenser, tout à l'heure. L'un de vous a mentionné le droit de dépenser. C'est un argument qu'il faut utiliser, ça aussi, parce que le premier article est non seulement exécutoire, mais il donne au gouvernement, il explique la portée de l'article 41 en disant que le gouvernement s'engage, mais que la ministre du Patrimoine canadien peut faire ci ou ça. Il y a une liste de suggestions.

    Est-ce que je me trompe en disant que si on allait devant la Cour suprême du Canada pour lui demander ce que veut dire l'article 41, s'il est exécutoire, déclaratoire ou politique, on aurait une chance d'avoir votre appui?

+-

    Le sénateur Gérald A. Beaudoin (Rigaud, PC): Je pense que depuis la décision Beaulac, tous les gouvernements et tous les tribunaux sont appelés à réétudier les positions antérieures en matière de langues officielles. Ce qui explique la grande différence entre l'engagement du gouvernement dans le domaine de la péréquation et l'engagement du gouvernement en matière de langues officielles, c'est que le gouvernement s'inspire encore, malheureusement, de la décision antérieure qui touchait l'interprétation des droits linguistiques au Canada dans la question de la Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick.

    Cette décision-là revenait à dire que les Acadiens avaient le droit de parler français, mais qu'ils n'avaient pas nécessairement le droit d'être compris directement en français. Le droit à l'utilisation de l'une ou l'autre des langues officielles n'est pas un droit à l'interprète. Plus tôt, on demandait de qui relève la justice? La justice est partagée entre les provinces et le fédéral.

    Le gouvernement de l'Ontario, l'Assemblée législative de l'Ontario a déclaré que le français et l'anglais sont les deux langues officielles des tribunaux de l'Ontario. Il nous faut la collaboration du Parlement canadien et du gouvernement pour s'assurer que, là où les juges sont nommés par le fédéral, il y ait un nombre suffisant de juges bilingues. Si on n'a pas cela, on ne peut pas exercer notre droit qui est reconnu par la province.

    Alors, l'inspiration actuelle au sein du gouvernement, et qui vient de Justice Canada, vient du fait que, lorsqu'ils ont déposé leur mémoire dans la cause sur la Loi sur les contraventions en avril 1999, il était basé sur l'interprétation de la décision de la cause de la Société des Acadiens, qui disait que tous les droits linguistiques étaient un compromis politique, qu'il fallait que les tribunaux soient très prudents en interprétant ça.

    Un mois plus tard, au mois de mai 1999, la décision Beaulac venait dire que la Cour suprême ordonnait à tous les tribunaux d'interpréter dorénavant de façon libérale et généreuse les droits linguistiques. C'était changer complètement l'interprétation. Avant, les tribunaux se faisaient dire par la Cour suprême qu'ils devaient donner le moins possible dans leur interprétation des lois sur les droits linguistiques, de peur de trop en donner. 

    Maintenant, la Cour suprême nous demande de faire l'inverse au niveau de l'interprétation des tribunaux, soit de donner beaucoup plus pour être sûrs de donner assez, afin que ceux qui sont en situation de minorité de la langue officielle puissent obtenir le traitement équitable auquel ils ont droit en vertu de la loi.

»  +-(1705)  

+-

    M. André Braëns: Monsieur le sénateur, vous connaissez fort probablement le cas Charlebois du Nouveau-Brunswick, dans lequel la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a statué qu'en vertu de la Constitution et de la législation sur les langues officielles de là-bas, les municipalités avaient l'obligation de procéder à l'adoption et à la publication de leurs règlements municipaux dans les deux langues.

    C'est quand même assez particulier, parce que la Cour suprême du Canada, en interprétant des dispositions similaires, l'article 133 et ainsi de suite, l'affaire Blaikie, avait exclu les règlements municipaux de l'obligation du bilinguisme législatif. Or, voilà qu'en l'an 2000, alors qu'existe cette jurisprudence, la question se pose au Nouveau-Brunswick. Que font les tribunaux du Nouveau-Brunswick? Eh bien, ils disent que la situation a changé au Nouveau-Brunswick et que l'article 16.1 a été ajouté à la Charte canadienne pour proclamer l'égalité de statut et de privilège des deux langues officielles. Puis, ils s'appuient sur les cas Beaulac et Arsenault-Cameron ainsi que sur le principe de la protection des minorités pour déclarer que, dorénavant, il fallait inclure le cas des règlements municipaux dans cette obligation du bilinguisme législatif, .

    Alors, pour répondre très précisément à votre question, si on se présentait devant la Cour suprême, à l'heure actuelle, je pense que l'on aurait de fort bonnes chances que celle-ci conclue en faveur du caractère exécutoire. Toutefois, cela ne veut pas dire pour autant que la cour dirait quoi faire au gouvernement. Cela serait tout autre chose.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Un instant, sénateur Gauthier. Je me dois maintenant de passer la parole à M. Godin. Monsieur Godin, c'est à vous.

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est très bien.

+-

    M. Yvon Godin (Acadie--Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.

    Premièrement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue. Je peux dire que j'étais vraiment fier de la décision de Moncton concernant les municipalités. Je pense que cela a montré que l'enchâssement de la loi 88 dans la Constitution a eu son effet au Nouveau-Brunswick.

    Mais voilà une des questions qui m'importent: quand on parle de remplacer le texte de l'article 41 par le projet de loi S-32, est-ce qu'on ne fait pas encore une fois la même erreur en remettant à plus tard ce qu'on devrait faire tout de suite? Modifier le texte, si la volonté n'y est pas, ne changera pas grand-chose. Si le gouvernement décide de dire que le nouveau texte n'est pas plus impératif—c'est le mot que vous utilisez—que l'ancien, on fait du sur-place.

    Alors si, comme vous semblez le dire, l'article 41 a déjà du poids, il faudrait en faire le test en Cour suprême. Et si on décide de ne pas le vérifier auprès de la Cour suprême, on va se retrouver avec le projet de loi S-32, ce qui va revenir au même puisqu'on ne veut pas, dirais-je, le respecter. Ça fait déjà depuis 1988 qu'ils se renvoient la balle en se demandant si le texte a un caractère impératif ou déclaratoire.

    Je suis ici depuis cinq ans et, depuis assez longtemps, je fais partie de ce comité-ci où j'entends constamment le sénateur Beaudoin dire que ce texte a un caractère impératif et qu'on devrait aller en cour. Nous allons l'entendre tout à l'heure et je vais le laisser parler lui-même. De mon côté, je crois qu'on perd du temps puisque vous autres, qui êtes supposément des experts, qui êtes des professeurs d'université qui instruisez nos jeunes, vous nous dites qu'il en est ainsi. Mais tous les autres ne veulent pas vous croire, ne sont pas d'accord avec vous. C'est regrettable. Je pense qu'on devrait peut-être continuer en 2002...

    Je vais juste en donner un petit exemple, celui d' Air Canada, On vient de faire une étude de ce cas et de faire une présentation à la Chambre des communes et des recommandations à Air Canada. Or, pendant qu'on était à faire cette étude, un francophone assis dans un avion a voulu qu'on s'adresse à lui en français. Il en est peut-être venu à élever la voix car ces situations finissent par devenir agaçantes et énervantes. C'est donc la police qui a mis fin à la situation en venant l'arrêter parce qu'il voulait se faire parler en français. Si c'est ça que les francophones sont obligés de faire pour faire entendre leur point de vue, c'est terrible et inacceptable.

    Alors, peut-être serait-ce vraiment le temps de prendre l'article 41... Parce que même avec un amendement, le problème perdurerait et il faudrait aller le tester devant les tribunaux. Alors, pourquoi ne pas le faire tout de suite. Et si l'article 41 n'est pas bon, on reviendra à la charge avec des amendements. On fera ce qu'on a à faire en tant que politiciens membres du Parlement.

»  +-(1710)  

+-

    M. André Braëns: Monsieur le député, j'ai répété à plusieurs reprises, je pense, que même si on conclut au caractère exécutoire de l'article 41, la discrétion laissée au gouvernement est tellement vaste que, finalement, la vraie question n'est pas vidée. Dans la mesure où le cadre d'application de cet engagement n'est pas précisé dans la loi, comme vous dites, on pourrait continuer à argumenter et à discuter très longtemps sur ce qu'il faut faire et ne pas faire dans ce domaine-là.

    Je suis évidemment très favorable à préciser l'exercice de la discrétion qui serait attribuée ou reconnue au gouvernement canadien. Le problème est que vous entrez alors dans la joute politique. Et, dans la joute politique, est-ce que le Parlement serait prêt à donner suite aux demandes de précision qui seraient formulées? Ça, c'est autre chose.

+-

    M. Yvon Godin: Mais alors...

+-

    M. Gérard Lévesque: Le projet du sénateur Gauthier a un aspect important; il relierait le texte révisé de l'article 41 à la Constitution, à la Charte canadienne des droits et libertés en mettant au début:

Conformément aux paragraphes 16(1) et (3) de la Loi constitutionnelle de 1982,

    Cela donnerait aux tribunaux qui auraient à se pencher sur l'interprétation de l'article 41 une définition très claire du statut d'égalité telle que contenue dans l'article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce serait une nette amélioration sur le texte actuel en plus du fait d'employer des mots nouveaux qui permettraient au gouvernement prendre les mesures nécessaires.

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur le président, le témoin dit que ce serait une nette amélioration. Pourrait-on, d'experts comme vous, obtenir des mots qui ne seraient pas seulement une amélioration mais des termes directs, clairs et nets, noirs sur blanc.

+-

    M. Gérard Lévesque: On peut demander un avis, mais l'idéal serait de préciser le texte de la loi. Étant donné que les gens disent que le texte n'est pas clair à l'heure actuelle, précisons le texte à l'aide de modifications et, par la suite, si le problème se pose encore, on retournera devant les tribunaux.

»  +-(1715)  

+-

    M. Yvon Godin: Si les amendements du sénateur Gauthier étaient refusés, il semblerait alors que le gouvernement ne veut pas de ces précisions, précisions qu'on recherche en réalité.

    J'aimerais avoir l'avis de chacun de vous sur l'interprétation que vous donneriez à un refus de l'amendement de notre collègue le sénateur Gauthier.

+-

    M. Gérard Lévesque: Un refus de préciser l'engagement du gouvernement, ce qui semble causer un problème à l'heure actuelle... C'est qu'il y a des mots très clairs qui signifient qu'il y a là un engagement à promouvoir quelque chose. Pourtant, quand on voit ce qui se passe, on ne sait toujours pas si on peut utiliser le français dans des domaines qui relèvent du fédéral. Il y a donc un manque de cohérence. S'il y a un engagement et que l'action s'ensuit sans ambiguïté, et on n'a plus à se demander si on peut utiliser le français en matière de divorce à Toronto ou ailleurs.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?

+-

    M. Tory Colvin: Pour ajouter à la réponse, je crois que nous vivons vraiment dans un monde très différent depuis les décisions de la Cour suprême dans les cas Arseneault-Cameron et Beaulac. Je crois que, avant ces décisions, les droits linguistiques n'étaient pas vraiment des droits, c'étaient plutôt des grâces accordées qui pouvaient être retirées. Je crois que depuis ces décisions— je crois que c'est avec Beaulac que cela a vraiment commencé—ce ne sont plus des grâces, ce sont des droits qui ne peuvent, donc, être retirés.

    Je crois que c'est largement pour cela que le juge Blais a abondé dans notre sens dans le domaine des contraventions. Et c'est pourquoi, à moins qu'il y ait peut-être un avocat qui cherche encore des dossiers à traiter, je crois que si jamais nous nous trouvons devant la Cour suprême pour traiter justement de l'article 41, ou de quelque chose comme l'amendement proposé par le sénateur, je préfère être optimiste et croire que ce sera respecté. Je crois, en effet, que les choses ont énormément changé depuis Beaulac. Je voudrais être rendu au 22 avril.

+-

    M. André Braëns: Peut-être qu'une façon de donner plus de poids serait de préciser que le recours judiciaire prévu à l'article 77 peut s'exercer également. On prévoit, à l'heure actuelle, que le commissaire aux langues officielles ou une personne qui a déposé une plainte peut s'adresser aux tribunaux concernant une violation de ces droits. On le précise aux articles 4 à 7, 10 à 13 ou aux parties IV ou V. On n'a qu'à ajouter la partie VII. Mais là, je vous dirai tout de suite qu'elle sera très exécutoire.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur Braëns. Sénateur Beaudoin.

+-

    Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Je pense que j'aime bien votre dernière phrase, quand vous dites que Beaulac a tout changé. D'après moi, il faut oublier l'arrêt sur la Société des Acadiens. Cela n'existe quasiment pas.

    Alors, il y a Justice Canada qui dit que le texte de l'article 41 n'est pas exécutoire. C'est une opinion que je respecte. Il y a une autre thèse selon laquelle l'article 41, qui ressemble étrangement à l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982, est exécutoire. Moi, je suis partisan de cette théorie. À ce moment-là, s'il y a deux thèses qui s'affrontent, rien ne se passe. Alors, il faut aller plus loin. À ce moment-là, ou bien on amende l'article 41, comme mon collègue le sénateur Gauthier veut le faire, ou bien on va en Cour suprême.

    Il faut prendre les instruments que nous avons. Nous avons un Parlement et nous avons une Cour suprême. Le Parlement légifère et la Cour suprême interprète. S'il y a un problème d'interprétation, cela finit toujours en Cour suprême, en droit constitutionnel. Si c'est un problème purement politique, il ne se passe rien si le gouvernement ne veut pas aller plus loin, si le Parlement ne veut pas aller plus loin, ou il se passe quelque chose s'il y a une volonté politique de régler le problème. C'est aussi simple que cela.

    Après avoir entendu toutes ces thèses-là, le statu quo m'apparaît... C'est ce que nous avons actuellement. Il y a des gens qui disent de ne pas toucher pas à l'article 41, qu'il est très bien comme il est, sauf qu'il n'est pas exécutoire. Et ils acceptent cette thèse-là. Ils l'acceptent, mais il y en a d'autres qui ne l'acceptent pas.

    J'ai toujours pensé que le législateur ne légifère pas pour rien. J'ai vécu le débat de 1982 d'un bout à l'autre et les cours inférieures... Dans le procès de M. Forest du Manitoba, il perdait partout, tout le temps. On disait que ce n'était pas exécutoire le cas de M. Forest, que c'était indicatif. Il était désespéré. Il a consulté. Je me rappelle lui avoir dit qu'il allait perdre partout, que c'était certain, mais qu'il allait gagner à un moment donné, et que le seul endroit où il pouvait gagner, c'était à la Cour suprême. Et ce n'est pas vrai que la Cour suprême ne change pas les choses; c'est l'inverse. C'est la seule cour qui change, par une décision, le droit constitutionnel. Il ne faut jamais oublier cela: une décision de la Cour suprême, ça fait partie de la Constitution. Il ne faut pas oublier cela. Évidemment, si le Parlement dit dans un amendement à l'article 41, comme le professeur Magnet l'a dit, que c'est exécutoire, ça règle une partie des problèmes, c'est sûr. Et si la cour dit que c'est exécutoire, ça règle une partie du problème.

    Maintenant, c'est évident que même avec cela, il va falloir faire des règlements pour préciser davantage comment va se faire cette exécution de la loi. Pour ma part, je suis partisan de la théorie selon laquelle, si on ne s'entend pas, il faut aller en cour, et personne, actuellement, n'a trouvé mieux que cela.

    Si on s'entend sur un amendement, tant mieux. Qu'on le fasse adopter par le Parlement canadien et ce sera un grand jour, mais si on ne réussit pas cela, pensons à aller devant les tribunaux. M. Forest, en gagnant sa cause devant la Cour suprême du Canada, a changé toute l'histoire constitutionnelle du Canada. C'est un grand homme, M. Forest. Il a changé l'histoire constitutionnelle, et la Cour suprême a déclaré que toutes les lois qui n'avaient pas été passées en français et en anglais étaient nulles, mais qu'elles étaient réputées valides le temps qu'il faudrait pour les traduire. C'est ce qu'on a fait. C'est la plus belle décision que la Cour suprême ait jamais rendue. Cela a fait le tour du monde, le tour du Commonwealth.

»  +-(1720)  

Aucun pays au monde n'a eu un arrêt comme celui-là.

Je ne sais pas ce qui va arriver de l'article 41, mais une chose est certaine, je pense que c'est exécutoire, et si on ne convainc pas notre entourage, il faut agir, il faut aller une marche plus haut. La marche plus haut, c'est la cour ou le Parlement, c'est l'un ou l'autre. L'idéal, c'est les deux. Il faudrait peut-être que le Parlement dise qu'il est temps d'amender l'article 41, de le rendre exécutoire. Il se peut qu'il soit contesté et, à ce moment-là, il va falloir aller devant la cour. Il n'y a pas d'autre solution. C'est ça, le droit; on n'en sort pas.

J'ai dit à mon collègue Gauthier que j'allais l'appuyer. J'aime mieux qu'on amende l'article 41, parce qu'il est contesté. Il y en a qui disent que ça ne veut rien dire, d'autres qui disent oui. En l'amendant, on va une marche plus haut. Si jamais c'est contesté, il va falloir, à un moment donné, aller devant la Cour suprême. Quelle est l'autre solution?

Si le Parlement n'agit pas, les cours agissent à sa place. N'oubliez jamais cela. Regardez ce qu'on a fait avec la Charte des droits. Quand on n'a pas réglé les problèmes d'euthanasie, de suicide, d'avortement, etc., qui a réglé le problème? C'est la Cour suprême qui a réglé le problème. C'est toujours comme ça. Alors, on note. Notre pays est une grande démocratie. Je l'aime bien mon pays, mais il faut savoir comment ça marche. Si on ne réussit pas à faire ce qu'on doit faire, si on n'a pas le courage de faire ce qu'on doit faire, c'est la cour qui va le faire à notre place. On ne sort pas de ce problème-là. C'est l'un ou c'est l'autre, ou c'est les deux ensemble. On a réglé beaucoup de problèmes comme cela. Vous allez me dire que ça prend du temps et de l'argent. Ça, ce n'est pas mon problème. Je ne suis pas ministre des Finances, je suis un juriste. Juridiquement, c'est ce qu'on doit faire. Politiquement, iI y a des gens qui disent que ça va coûter trop cher.

La Cour suprême peut dire que c'est obligatoire, mais ça ne veut pas dire que le Parlement est obligé de tout faire en une journée. Ce n'est pas vrai. Le Parlement fait ce qu'il peut. Jamais la cour ne va blâmer le Parlement de ne pas faire telle ou telle chose en quelques heures. Ça n'existe pas ça. Il faut être raisonnable. Moi, je dis toujours que le pouvoir s'exerce. Il s'exerce dans le Parlement et dans les cours. Je ne critique pas la Cour suprême quand elle se mêle de telle ou telle chose. Si nous, au Sénat et à la Chambre des communes, n'avons pas eu le courage de faire ce que nous devions faire, à ce moment-là, je ne critique pas. Elle a réglé un problème qu'on n'a peut-être pas eu le courage de régler. L'unilinguisme, au Canada, ça va durer des siècles.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Ils ne sont pas élus, eux, c'est pour ça.

+-

    Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Ils ne sont pas élus à la Cour suprême. C'est normal. On ne va pas avoir une cour élue, quand même.

»  +-(1725)  

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Ça, c'est un autre comité.

+-

    Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Ou on agit par des amendements, ou on s'adresse... Ou on accepte un amendement comme celui-là, qui m'apparaît... On peut l'améliorer, c'est sûr. Il n'y a rien de parfait sur Terre, mais on peut l'améliorer. Au moins, je trouve que l'on avance en faisant quelque chose. Les discussions sur «exécutoire» et «indicatif», ça dure jusqu'au moment où la Cour suprême dit que l'on a tort, que c'est exécutoire. Une fois que la Cour suprême a parlé, c'est fini.

[Traduction]

+-

    M. Mauril Bélanger: Professeur Magnet, vous vouliez réagir.

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Merci.

    Il est très intéressant d'aller en cour.

    Des voix Oh, oh!

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Il arrive toutes sortes de choses.

    Si cette question, qui est la même, avait été posée en 1988 à la Cour suprême, mon collègue admettra peut-être que la réponse aurait été différente. L'affaire Mercure était alors décidée; la SAANB était enragée; et Shakespeare a dit: «Dans les affaires humaines, la vague prise à la base conduit à la fortune». Cela dépend du choix du moment et de la constellation des forces.

    Je suis d'accord avec mon collègue qu'à présent, la Cour suprême ferait la réponse qu'il dit. Mais cela dépend encore de l'affaire; cela dépend de la disposition factuelle; cela dépend du genre de fouillis de procédures qui le compose ou non. Cela dépend de beaucoup de choses et puis la cour peut aussi ne rien dire et commencer de nouveau. Delgamuukw est un bon exemple: une belle prémisse, mais un renvoi en procès pour une autre génération.

+-

    Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Laquelle?

+-

    M. Joe Elliot Magnet: Delgamuukw, en rapport avec le peuple Autochtone.

    Sénateur Gérald A. Beaudoin: Oh, cela reviendra.

    M. Joe Elliot Magnet: Pas dans cette génération. Je pense que plusieurs choses doivent se produire. En d'autres termes, nous n'épousons pas la thèse qu'il existe un bouton magique qu'un génie pousserait pour que ce problème et tout ce qui l'entoure... Le problème c'est l'épanouissement des communautés linguistiques, afin qu'elles aient égalité et vitalité, et non pas pour prouver des propositions de droit abstraites. Le problème c'est de trouver le meilleur moyen pour l'épanouissement des communautés.

    Comme le suggère le sénateur Beaudoin, je pense que l'action judiciaire est une bonne chose, tout comme l'action législative, comme l'a mdifié le sénateur Gauthier, et il y a d'autres amendements proposés par la commissaire aux langues officielles devant le comité du Sénat, et je pense que c'est bvien car mes collègues à ce bout de la table ont vu des problèmes qu'il faut corriger. Ils ont trait à la viatlité et à l'égalité des collectivités.

    Je crois qu'il fautse concentrer sur ces problèmes, et le comité s'occupe de l'étude de l'article 41. Il doit se concentrer sur la vitalité et l'égalité des comunautés de sorte que cet esprit que nous semblons partager se réalise. S'il y a blocage, il se peut fort bien que la cour doive le lever, et cela dépendra du choix du moment, et de beaucoup d'autres choses. Il se peut que votre étude vous persuade que l'activité législative du genre du projet de loi S-32 ou autre est un moyen d'avancer. C'est une telle coordination de vue qui est nécessaire, je pense.

»  -(1730)  

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je dois interrompre, monsieur Magnet, car la lumière clignote, ce qui signifie qu'il y a vote à la Chambre des Communes. Il est deux heures, et je vous renmercie, au nom de mes collègues. Merci beuacoup pour vos interventions. Nous vous en sommes reconnaissants, et elles seront certainement très utile pour nous aider dans cette voie.

[Français]

    Je me permettrai de vous rappeler notre prochaine rencontre. Elle aura lieu lundi prochain, le 18, et ce sera une réunion prolongée. Monsieur le greffier, pourriez-vous nous mentionner brièvement de quoi il s'agit?

+-

    Le cogreffier auprès du comité (M. Jean-François Pagé): On va entendre les organismes de chaque province, lundi, de 15 h 30 jusqu'à au 19 heures au moins, puisque les 13 organismes vont comparaître devant nous. Donc, on va scinder le groupe en deux. On va faire une première partie jusqu'à 17 heures, et ensuite on va compléter.

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Et il y aura un repas fourni.

    Sénateur Gauthier.

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Si j'ai bien compris, c'est la partie VII qui sera à l'étude en comité. Là, depuis aujourd'hui, vous avez ciblé l'article 41, particulièrement. Était-ce volontaire?

+-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): C'était le voeu du comité tel qu'établi par le comité directeur et ratifié par le comité à une réunion précédente.

    La semaine prochaine, vous vous en souviendrez, c'est pour donner suite à la motion de M. Sauvageau qui avait été adoptée par le comité, et qui visait à rencontrer des représentants des communautés linguistiques en situation minoritaire afin d'alimenter la réflexion du ministre Dion.

    Sur ce, je vous remercie beaucoup. La séance est levée.

+-

    Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est la partie VII.

-

    Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On est assez ouverts pour faire les deux.

    Merci.