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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

(1830)

[Français]

    Je déclare ouverte la 28e réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et aux gens du public qui suivent cette réunion sur le Web.

[Traduction]

     Je m'appelle Marc Garneau et je copréside ce comité pour la Chambre des communes.
    Je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin qui est la coprésidente pour le Sénat.
    Nous poursuivons notre étude de l'examen législatif des dispositions du Code criminel relatives à l'aide médicale à mourir et à leur application.
    Avant de commencer, je vais faire quelques remarques d'ordre administratif. Je rappelle aux députés et aux témoins qu'ils doivent laisser leur micro en sourdine, à moins qu'un des coprésidents ne les invite nommément à parler, et qu'ils doivent adresser tous leurs commentaires aux coprésidents.
     De plus, il est très important que vous vous exprimiez clairement et parliez lentement pour le bénéfice des interprètes. L'interprétation lors de cette vidéoconférence sera assurée comme pour une réunion en personne du comité. Au bas de l'écran, vous avez le choix entre l'anglais et le français.
    Sur ce, je souhaite la bienvenue à nos témoins du premier groupe qui sont ici pour discuter de la protection des personnes handicapées.
    Nous accueillons, à titre personnel et en vidéoconférence, Mme Heidi Janz, professeure auxiliaire agrégée, ainsi que Mme Jessica Shaw, professeure agrégée; nous aurons aussi M. Tim Stainton, directeur de l'Institut canadien pour l'inclusion et la citoyenneté à l'Université de la Colombie‑Britannique.
    Bienvenue à nos trois témoins. Merci d'être parmi nous ce soir. Notre procédure veut que vous disposiez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    Nous allons commencer par Mme Janz qui aura donc cinq minutes.

[Français]

    Monsieur le président, j'en appelle au Règlement.
    Il y a un problème de son. J'ai beau mettre le volume assez haut, je n'entends presque pas l'interprète. Peut-on régler ce problème?

[Traduction]

    J'invite les témoins à attendre encore un peu, car nous avons un petit problème de son dans la salle. Nous serons avec vous très bientôt.
     Nous allons faire une pause, le temps que nous puissions régler le problème signalé par M. Thériault.
(1830)

(1835)
    Nous reprenons la séance et commencerons par Mme Heidi Janz.
     Madame Heidi Janz, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Distingués membres du Comité, il y a deux ans, je me suis jointe aux défenseurs canadiens des droits des personnes handicapées qui ont témoigné devant le comité parlementaire de la justice chargé d'étudier le projet de loi C‑7 qui élargirait l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie ou d'un handicap dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
     Nous avons témoigné que, si cet élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir allait de l'avant dans une société canadienne affligée par le capacitisme systémique, la mort par suite de l'aide médicale à mourir deviendrait rapidement une voie socialement acceptée de moindre résistance pour les personnes malades et handicapées qui sont incapables d'accéder à un soutien suffisant pour vivre une vie digne de manière indépendante dans la collectivité. Malheureusement, nos avertissements ont été accueillis par un haussement d'épaules collectif, et le projet de loi C‑7 a été adopté.
    Aujourd'hui, je ferai la preuve que l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir prévu dans le projet de loi C‑7 est tel que de plus en plus de personnes malades et handicapées se tournent vers l'aide médicale à mourir comme solution de rechange à la pauvreté abjecte ou à l'incarcération dans un établissement de soins de longue durée. Mon espoir, aussi faible soit‑il, est que vous, en tant que décideurs politiques du Canada, reconnaissiez enfin que le régime d'aide médicale à mourir actuel du Canada est, en fait, de l'eugénisme déguisé en autonomie, et que vous preniez des mesures audacieuses et courageuses pour mettre fin à cette injustice.
     Le choix d'Hobson est défini comme une situation où une personne semble avoir le choix entre diverses choses ou actions, alors qu'en réalité, il n'y a qu'une seule option possible. Contrairement aux affirmations de certains passionnés de l'aide médicale à mourir qui ont témoigné devant le Comité depuis l'adoption du projet de loi C‑7 il y a un an et demi, comme le Dr James Downar, le recours à l'aide médicale à mourir est devenu un choix d'Hobson pour un nombre croissant de Canadiens malades et handicapés.
    En voici quelques exemples: Chris Gladders, 35 ans, a reçu l'aide médicale à mourir en janvier 2021. Il était atteint de la maladie de Fabry, une condition génétique qui affecte la capacité du corps à décomposer un acide gras spécifique et cause un certain nombre d'effets secondaires. Père de deux fillettes, Hailee, 13 ans et Savannah, 5 ans, il résidait dans un établissement de soins de longue durée à Niagara, en Ontario. Selon ce qu'a affirmé le frère de Chris, au moment où Chris a reçu l'aide médicale à mourir: « Sa literie n'avait pas été changée depuis des semaines. Il y avait des excréments et de l'urine dans son lit et sur le plancher. Sa chambre était absolument dégoûtante. » La veille de son décès, « il a tiré sur la sonnette située près de son lit. Je suis resté au téléphone avec lui pendant 40 minutes et personne n'a répondu. Ce fut sa dernière soirée. »
    Le cas de Sophia est tout aussi troublant. Sophia était le pseudonyme préféré d'une Ontarienne de 51 ans qui souffrait de polytoxicosensibilités, une maladie chronique. Elle a reçu l'aide médicale à mourir après avoir échoué dans sa tentative désespérée de trouver un logement abordable, exempt de fumée de cigarette et de produits nettoyants chimiques.
    « Le gouvernement me considère comme un déchet inutile, une plaignante, une insignifiante et une emmerdeuse, » a déclaré Sophia dans une vidéo filmée le 14 février, huit jours avant sa mort.
    Elle est décédée après que ses amis, ses supporteurs et même ses médecins aient tenté sans relâche de lui trouver un logement sécuritaire et abordable à Toronto. Elle a également laissé des lettres montrant qu'elle avait désespérément cherché de l'aide pendant deux ans. Dans ces lettres, elle supplie les autorités locales, provinciales et fédérales de l'aider à trouver un logement loin de la fumée et des produits chimiques qui se répandaient dans son appartement. Quatre médecins torontois étaient au courant du cas de Sophia et ont également écrit en son nom à des fonctionnaires fédéraux responsables du logement et des personnes handicapées. Dans cette lettre, les médecins ont confirmé que ses symptômes s'amélioreraient dans un environnement plus propre et ont demandé de l'aide pour trouver ou construire une résidence exempte de produits chimiques.
    « En tant que médecins, nous trouvons INADMISSIBLE qu'aucune autre solution ne soit proposée à cette situation, si ce n'est l'aide médicale à mourir », ont-ils écrit.
    Il y a enfin le cas tout aussi troublant et tragique de Sathya Kovak, une résidente de Winnipeg qui a reçu l'aide médicale à mourir le 3 octobre 2022. Mme Kovac était atteinte d'une sclérose latérale amyotrophique. Son état s'aggravait, mais elle sentait que ses jours n'étaient pas terminés. Cependant, elle n'a pas reçu suffisamment d'aide à domicile pour continuer.
    « En fin de compte, ce n'est pas une maladie génétique qui m'a tuée, c'est un système », a écrit Kovac dans un avis de décès adressé à ses proches.
    Elle poursuit: « Il y a un besoin criant de changement. C'est cette maladie qui cause tant de souffrances. Les personnes vulnérables ont besoin d'aide pour survivre. J'aurais pu vivre plus longtemps si j'avais eu plus d'aide. »
    Il y a effectivement un besoin criant de changement.
(1840)
     Comme l'a dit Jerome Bickenbach, chercheur canadien spécialisé dans le domaine des personnes handicapées, quand quelqu'un choisit la mort comme seule façon viable d'échapper à une situation intolérable causée en partie par l'environnement social, il semble « pervers et injuste d'en parler comme d'une expression d'autodétermination ou d'autonomie ». Il vous incombe, en tant que décideurs canadiens, de prendre des mesures courageuses pour corriger la perversion de la justice qui caractérise le régime actuel d'aide médicale à mourir du Canada.
    Merci.
    Merci, madame Janz.
    Nous passons maintenant à notre deuxième témoin, Mme Jessica Shaw.
    Madame Shaw, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame Janz.
     Je suis d'autant plus honorée de partager cet espace avec mes estimés collègues que je ne suis pas experte des questions de handicap. J'imagine que j'ai été invitée à participer à ce groupe de témoins — et j'en remercie le Comité — parce que j'ai beaucoup travaillé auprès des sans-abri, des toxicomanes et des prisonniers, qui sont aussi aux prises avec des soutiens médicaux et sociaux incroyablement limités. Comme je suis consciente d'être la seule chercheuse au Canada à avoir étudié l'aide médicale à mourir dans le cas des personnes incarcérées, je vais vous parler de leur situation. Je terminerai en parlant de la vulnérabilité des personnes handicapées, des détenus et de bien d'autres.
    Afin que nous nous conformions aux normes internationales en matière de droits de la personne, tous les détenus devraient avoir accès aux mêmes soins de santé que ceux qui sont offerts dans le reste de la société. C'est ce que les Nations unies appellent le principe de l'équivalence des soins. Au Canada, entre le moment où l'aide médicale à mourir a été légalisée et le mois d'août 2020, 11 demandes d'aide médicale à mourir ont été présentées par des détenus sous responsabilité fédérale. Trois ont été accordées et menées à terme. J'ai adressé une demande au Service correctionnel du Canada, le SCC, il y a quelque temps déjà, mais je n'ai pas encore les dernières données.
    Je vais donc m'appuyer sur la recherche que j'ai effectuée sur les détenus au Canada, ainsi que sur les rapports du Bureau de l'enquêteur correctionnel, pour me concentrer sur trois grands points.
    Premièrement, la libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel au titre des soins de fin de vie doit être élargie et plus facilement approuvée.
    Vous vous demandez peut-être quel est le lien avec l'aide médicale à mourir. Eh bien, ce que nous qualifions officieusement de libération pour des raisons humanitaires, est en fait appelée libération conditionnelle à titre exceptionnel, et il est extrêmement rare qu'elle soit accordée au Canada. Dans deux des trois cas connus d'aide médicale à mourir consentie à des patients sous la garde du SCC, les détenus avaient demandé une libération conditionnelle et se l'étaient vu refuser. Le troisième prisonnier n'a pas présenté de demande. Il savait apparemment que ses perspectives de libération étaient minimes, même compte tenu du stade avancé de sa maladie.
    Comme les patients en phase palliative présentent très peu de risques pour la société, leur corps et leur esprit étant gravement handicapés par la maladie, la raison des refus de libération conditionnelle à titre exceptionnel ne m'apparaît pas clairement. Laissez-moi vous citer l'un des prisonniers que j'ai interviewés. Il m'a dit: « Nous avions un type ici qui souffrait de démence et je ne crois même pas qu'il se savait malade. Un autre souffre de la maladie de Parkinson, et il n'y a aucune raison qu'il reste ici. Il peut à peine marcher. Il ne va pas aller voler une banque ou autre. Mettez‑le dans un établissement, quitte à ouvrir une prison pour personnes âgées, un endroit où il y a un peu plus de dignité. » Il a ajouté: « C'est vraiment triste de mourir dans une cage. »
    Le deuxième point que je souhaite soulever concerne les lignes directrices du Service correctionnel du Canada qui doivent découler de la politique fédérale, mais tel n'est pas le cas dans un certain nombre d'aspects clés. En 2017, le Service correctionnel du Canada a publié la Ligne directrice 800‑9 sur l'aide médicale à mourir, qui fournit une orientation opérationnelle en la matière pour les personnes incarcérées dans des établissements fédéraux. Le Canada est le seul pays au monde, où l'aide à mourir est légale, à disposer de lignes directrices précises sur la façon dont la politique doit être mise en œuvre dans le cas des prisonniers. J'apprécie les lignes directrices pour la clarté et l'uniformité qu'elles peuvent fournir, mais dans ce cas‑ci, il y a quelques aspects clés où celles‑ci ne correspondent pas à la politique fédérale. Je me ferai un plaisir de vous en dire plus à ce sujet pendant la période des questions ou de vous renvoyer au rapport exhaustif intitulé « Philosophical and Practical Considerations of MAID for Canadian Prisoners », que j'ai été chargé de rédiger pour Sécurité publique Canada l'an dernier.
    Troisièmement, tandis qu'il est envisagé d'accéder aux demandes d'aide médicale à mourir émanant de personnes dont les troubles mentaux sont la seule condition médicale sous-jacente, j'estime qu'il faudra faire très attention à la façon dont sont traités les phénomènes de lassitude et de souffrances psychologiques causés par l'emprisonnement. En effet, les personnes incarcérées ont décrit leurs conditions de vie en prison, la monotonie de cette vie et le fait d'ignorer si et quand elles seront libérées comme autant de raisons susceptibles de les pousser à envisager la mort, que ce soit par suicide ou par l'aide médicale à mourir. Nous savons que demander l'aide médicale à mourir comme solution de rechange à une peine d'emprisonnement n'est pas légal au Canada, et nous ne pensons pas que ce soit légal de sitôt. Je pense que le fait que les prisonniers en parlent et cherchent éventuellement à suivre cette voie mérite notre attention.
    Quand l'admissibilité à l'aide médicale à mourir sera étendue aux cas de maladie mentale, il faudra faire la distinction entre les demandes faites au titre d'un trouble mental incurable et continu et les demandes d'aide associées à des souffrances psychologiques qui pourraient être soulagées si les circonstances de vie du patient étaient autres. Je pense que cela rejoint également la déclaration préliminaire de Mme Janz.
(1845)
     Il est vrai que, dans un pays aussi riche et aussi ingénieux que le nôtre, il n'y a aucune raison pour qu'à cause d'une assistance médicale et sociale trop limitée quelqu'un estime que la seule option envisageable soit la mort.
    Je devrais maintenant vous parler brièvement de vulnérabilité, mais il est probable que mon temps soit écoulé ou presque.
    Je vais vous parler de cet aspect sous l'angle de l'invalidité. Mon point de vue à cet égard est quelque peu différent de celui de mes collègues ici présents, mais cela s'applique à quiconque pour qui le soutien médical ou social est limité.
    Je dirais d'abord que ce n'est pas à moi de parler au nom des personnes handicapées et qu'il n'appartient pas non plus à ce comité de le faire. Cependant, nous devons faire confiance aux gens pour qu'ils prennent des décisions concernant leur propre vie et leur propre mort, en reconnaissant que toute personne incapable de prendre de telles décisions ne se trouve pas, en partant, admissible à l'aide médicale à mourir.
    Pour ce qui est de la vulnérabilité, je m'inquiète aussi du fait que des gens risquent d'être privés de leurs droits en matière de soins de santé à cause de qui ils sont, et que des gens soient vulnérables à des politiques et des procédures discriminatoires pouvant les empêcher d'avoir accès à l'aide médicale à mourir sous prétexte qu'on veut les protéger. L'exclusion au nom de la protection est à la fois condescendante et discriminatoire.
    Je vais m'arrêter ici pour le moment, et je vous remercie pour...
     Merci, madame Shaw.
    Nous passons maintenant à M. Stainton. Vous avez cinq minutes.
     Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité de me donner l'occasion de m'adresser à eux ce soir.
    J'ai beaucoup réfléchi au processus entourant le projet de loi C‑7. L'absence d'appel de la décision Truchon est troublante, compte tenu de l'importance et de l'ampleur des répercussions de cette dernière.
    Au fil de l'étude du projet de loi C‑7 au Parlement, quelque 200 organisations de personnes handicapées, y compris tous les grands organismes nationaux, ont manifesté clairement et d'une seule voix leur opposition, avertissant le gouvernement de la menace que ce projet de loi représentait pour les personnes handicapées et d'autres populations vulnérables. De nombreux témoins ont fait part de leurs préoccupations, souvent en se basant sur des récits personnels convaincants. De plus, trois experts des Nations unies en matière de droits de la personne ont soulevé de graves préoccupations. Non seulement toutes ces préoccupations ont été ignorées, mais le projet de loi a été considérablement élargi par un amendement du Sénat exigeant l'inclusion de la maladie mentale dans un délai de deux ans — un élargissement important par rapport à l'intention initiale du projet de loi C‑7 —, sans étude ni examen.
     Malgré cela, le 17 mars 2021, le projet de loi C‑7 a reçu la sanction royale, le gouvernement ayant fait adopter une motion de clôture pour mettre fin au débat.
    Il est difficile d'imaginer un rejet aussi massif à l'endroit d'un autre groupe d'équité qui exprimerait de façon aussi unanime des préoccupations au sujet d'un projet de loi, avec l'appui d'experts des Nations unies en matière de droits de la personne. Cette situation peut être expliquée uniquement par la présence d'un capacitisme profond, généralisé et souvent inconscient dans la société canadienne.
    Les lois canadiennes sur l'euthanasie et le suicide assisté ont toujours été axées sur l'équilibre entre l'autonomie individuelle quant à la décision de mettre fin à ses jours et la protection des personnes vulnérables. Après l'adoption du projet de loi C‑14, il semble que la protection des personnes vulnérables ait été largement ignorée au profit d'une interprétation de plus en plus atomistique de l'autonomie.
    Il est quelque peu ironique qu'après avoir traversé la crise sans précédent de COVID‑19, pendant laquelle on nous a tous demandé de sacrifier une partie de notre autonomie personnelle pour assurer la protection de l'ensemble de la société, dans le débat sur l'euthanasie et l'aide au suicide, nous persistions à privilégier une vision de l'autonomie s'apparentant davantage à celle des personnes qui ont critiqué l'obligation vaccinale comme étant une atteinte à leur liberté individuelle.
    John Stuart Mill, l'un des plus ardents défenseurs de la liberté individuelle, utilise une analogie pour illustrer le moment où l'ingérence dans l'autonomie individuelle est permise. Il écrit que si une personne s'apprête à franchir un pont dangereux qui menace de s'écrouler, il est légitime de l'en empêcher, car son but n'est pas de tomber dans la rivière, mais plutôt de traverser le pont.
    Le Comité est sans doute au courant des nombreux cas de personnes handicapées qui ne souhaitent pas mettre fin à leurs jours, mais qui estiment ne plus avoir d'options viables, compte tenu des contraintes écrasantes de la pauvreté, de l'institutionnalisation forcée et du manque de services et de mesures de soutien nécessaires. Ce sont elles qui traversent le pont. Elles ne veulent pas tomber, mais si le pont n'est pas réparé — en mettant fin à la pauvreté et à l'institutionnalisation non désirée et en améliorant notre soutien en matière d'invalidité et de santé mentale —, elles ont l'impression de n'avoir aucune autre option. Plutôt que de les empêcher de franchir le pont, comme le suggère Mill, nous les incitons plutôt à le faire par l'entremise de l'aide médicale à mourir.
    Je m'inquiète aussi d'où cela nous mènera, compte tenu de l'expansion rapide et irréfléchie de cette pratique, qui fera du Canada le chef de file mondial des cas de suicide assisté et d'euthanasie dans à peine six ans. Je crains que l'on en appelle bientôt à la légalisation du meurtre de personnes handicapées incapables de donner leur consentement officiel, à la demande de leurs parents ou de leurs tuteurs.
    Malheureusement, nous savons, d'après la réaction à des événements comme le meurtre de Tracy Latimer et de nombreuses autres affaires, que ce qu'on appelle le « meurtre par compassion » bénéficie d'un vaste appui du public.
    Si nous continuons de réduire la nécessité d'un consentement direct en permettant les directives anticipées et l'euthanasie des enfants, nous faisons un tout petit pas vers l'euthanasie involontaire de personnes handicapées qui sont considérées comme incapables de donner leur consentement.
    J'ai un fils qui a une déficience intellectuelle. Il ne peut pas vous parler directement de la valeur de sa vie, mais il nous en fait la démonstration chaque jour par ses réalisations, ses rires, son sourire et ceux qu'il touche, mais je sais que la plupart des gens supposent à première vue que sa vie en est une de tragédie, de souffrance et de dépendance. Ces gens verraient la fin de sa vie comme une miséricorde. Je veux croire que le Canada dans lequel nous vivons valorise, soutient et célèbre sa vie. Je crains de plus en plus qu'il ne cherche qu'à y mettre fin.
    Merci.
(1850)
     Merci, monsieur Stainton.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Je vais céder la parole à ma coprésidente, la sénatrice Martin.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages de ce soir.
    Nous allons commencer le premier tour avec M. Cooper.
    Vous avez cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Ma première question s'adresse à Mme Janz.
    Madame Janz, je me souviens de votre témoignage percutant devant le comité de la justice dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑7, et vous êtes tout à fait justifiée de dire, comme l'a souligné M. Stainton, que les représentants des droits des personnes handicapées se sont opposés de façon écrasante et quasi universelle, sinon universelle, au projet de loi C‑7. Vous avez raison de dire qu'en adoptant ce projet de loi, nous avons fait la sourde oreille aux plaidoyers des représentants des droits des personnes handicapées.
    Madame Janz, je crois comprendre que vous recommanderiez que la loi prévoie de nouveau une garantie de mort raisonnablement prévisible. C'est le premier point, mais deuxièmement, dans le cas contraire, avez-vous des recommandations concernant des mesures de sauvegarde supplémentaires dans la loi pour protéger les personnes handicapées vulnérables?
    Je vous remercie de la question.
    Oui, je crois qu'en fin de compte, la meilleure façon de faire de l'aide médicale à mourir une pratique vraiment juste est de rétablir le critère de la mort raisonnablement prévisible. À défaut de cela, je pense que nous devrions mettre un soutien du revenu adéquat, ainsi que des services de logement et de soins personnels, comme conditions préalables à la présentation d'une demande d'aide médicale à mourir par quiconque. Ces conditions doivent être remplies, et il devrait s'agir de nos critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Il faut que ces mesures soient payées par le gouvernement fédéral et non pas par les provinces.
(1855)
    Merci.
    Pouvez-vous dire au Comité comment l'adoption du projet de loi C‑7 a affecté la réputation du Canada en tant que chef de file international en matière de droits de la personne en général et, plus précisément, en ce qui concerne les droits des personnes handicapées?
    Je crois que l'adoption du projet de loi C‑7 a gravement et irrémédiablement terni la réputation du Canada en tant que chef de file international en matière de droits de la personne en général et de droits des personnes handicapées. De façon plus particulière, le fait qu'il n'y ait pas un, pas deux, pas trois, mais quatre experts des droits de la personne des Nations unies qui condamnent officiellement une loi sur le point d'être adoptée comme comportant une violation des engagements de notre pays en tant que signataire de la Convention des Nations unies est un gros problème. À tout le moins, cela devrait être très important pour un pays qui se considère comme un chef de file en matière de droits de la personne. Malheureusement, ce n'était pas du tout le cas lorsque les experts des droits de la personne de l'ONU ont condamné le projet de loi C‑7 en disant qu'il violait les droits des personnes handicapées.
    Ces droits sont garantis par la Convention relative aux droits des personnes handicapées, mais le gouvernement a ignoré cela pendant des mois et a même eu le culot de citer cette convention dans le préambule du projet de loi C‑7. Évidemment, cela prend du culot ou un sens de l'éthique défaillant.
     Combien de temps me reste‑t‑il?
    J'ai fini par ajouter un peu de temps lorsque vous avez posé votre question, en raison du décalage. Nous sommes très près de cinq minutes.
    Monsieur Stainton, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
    Répondez très brièvement, monsieur Stainton.
    Pour ce qui est du premier point, je suis d'accord pour dire qu'en l'absence de critères de prévisibilité raisonnable, il n'y a tout simplement pas de mesures de protection qui empêcheront le genre de choses dont nous parlons. J'ai écrit à ce sujet dans plusieurs publications.
    Oui, j'ai parlé au rapporteur spécial de l'ONU. Je me suis entretenu avec des gens en Nouvelle‑Zélande et en Australie au cours des deux ou trois derniers mois, et ces gens se demandent ce qui se passe au Canada. C'est une honte pour un fier Canadien comme moi.
    Merci, monsieur Stainton.
    Nous passons maintenant à M. Maloney. Vous avez cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, madame la coprésidente.
    Merci à tous nos témoins. C'est un sujet difficile et très émotif. Je sais que tout le monde autour de cette table partage vos préoccupations quant à la nécessité de bien faire les choses.
    Monsieur Stainton, ma première question s'adresse à vous.
    Je ne connais aucun de vos écrits, mais êtes-vous contre l'aide médicale à mourir, quelles que soient les circonstances?
(1900)
    Non. J'ai été très clair à ce sujet.
    Si je croyais que l'aide médicale à mourir peut comporter des balises, je n'y serais pas opposé. J'ai cru dès le départ, et c'est ce qu'on nous avait dit, qu'elle ne pouvait pas comporter de balises. Je pense que ces craintes ont été confirmées à maintes reprises, et même beaucoup plus rapidement que je ne le craignais.
    D'accord. Merci. Ces explications sont utiles.
    Ma prochaine question s'adresse aux trois témoins.
    Étant donné où nous en sommes... Encore une fois, je partage vos préoccupations, à savoir que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être utilisée comme solution à la situation financière ou à d'autres circonstances malheureuses dans lesquelles les gens pourraient se trouver. Il me semble que ce que nous devons faire — le défi auquel nous sommes confrontés au sein de ce comité et la raison pour laquelle vous êtes ici —, c'est de trouver des solutions pour nous assurer que cela ne se produise pas et d'intégrer ces mesures de protection.
    Ce que j'aimerais que vous me disiez, c'est quelles mesures de protection vous aimeriez voir ajoutées aux dispositions législatives, quelles qu'elles soient, afin de veiller à ce que des situations aussi horribles que celles décrites par Mme Janz ne se reproduisent plus.
    Monsieur Stainton, pourquoi ne pas commencer par vous?
    Je vous remercie de cette question.
    Comme je l'ai dit, je ne crois pas qu'il soit possible de mettre en place des mesures de protection pour régler ces problèmes sans rétablir le critère de la mort raisonnablement prévisible. Il est certain que nous pourrions faire un bien meilleur travail de collecte et de surveillance des données. Nous ne savons pas combien de personnes sont dans la situation décrite par Mme Janz. Cela représenterait un petit pas en avant.
    Je pense que la question est de savoir si nous pouvons améliorer suffisamment notre système de soutien aux personnes handicapées. Pouvons-nous régler les problèmes d'institutionnalisation? Nous prétendons le faire depuis 30 ou 40 ans, et nous n'y sommes toujours pas arrivés. Évidemment, la meilleure solution, c'est que nous prenions ces dispositions. La réalité est... est‑ce que nous mettons la vie des gens en danger en attendant le nirvana?
    Il y a actuellement plus de 15 000 personnes handicapées en âge de travailler dans les établissements de soins de longue durée, et la plupart d'entre elles ne veulent pas y être. Nous voyons combien de temps il faut pour traiter la prestation canadienne d'invalidité. Il semble être possible de faire avancer les changements à l'aide médicale à mourir assez rapidement, mais cela fait déjà quelques années que le projet de loi est à l'étude. Nous avons encore trois ans d'étude, et nous ne savons même pas si ce sera suffisant pour commencer à nous attaquer au problème.
    Je ne veux pas avoir l'air complètement cynique, mais je ne veux pas d'un ensemble de mesures de protection qui, à mon avis, ne suffiront pas.
    Je vais maintenant céder la parole à mes collègues.
    Madame Janz, pourquoi ne pas passer à vous?
     Oui, je suis d'accord avec M. Stainton. Je pense que nous avons créé un système où il est plus facile pour les personnes handicapées de mourir que de vivre dans la dignité.
    Donc, tant que Santé Canada n'admettra pas l'aspect du capacitisme systémique dans l'aide médicale à mourir, je ne vois pas grand espoir. À l'heure actuelle, l'aide médicale à mourir est de l'eugénisme déguisé en autonomie, et la seule façon de remédier à la situation est d'accorder la priorité à la vie plutôt qu'à la mort pour les personnes handicapées.
    Merci.
(1905)
    Merci.
     Je crois que mon temps est écoulé.
     J'ai mis le chronomètre à pause pour l'interprétation, alors il vous reste environ 30 secondes si vous voulez entendre Mme Shaw.
    Oui.
    Madame Shaw, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Veuillez être très brève, madame Shaw.
    Bien sûr.
     Je dirais simplement que je pense que l'approche liée à l'élaboration et à la mise en œuvre de la loi sur l'aide médicale à mourir au Canada était très intentionnelle et que nous avons mis en place des mesures de protection. Je ne suis pas en désaccord avec mes collègues au sujet de la nécessité d'un meilleur soutien social et médical, mais je m'inquiète de savoir qui, entretemps, décidera qui souffre trop. Je pense que nous avons des mesures de protection et que dans un comité comme le vôtre, vous prenez ces décisions en tenant compte de tout cela.
     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Thériault, pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je vais m'adresser d'abord au Dr Stainton.
    Je vais citer des propos qui ont été rapportés dans un article de Maria Chang, paru le 11 août 2022, dans lequel des experts se disent troublés par les lois canadiennes sur l'euthanasie et trouvent la situation inquiétante.
    Vous avez dit que la loi canadienne était probablement la plus grande menace existentielle pour les personnes handicapées depuis le programme nazi en Allemagne dans les années 1930. J'imagine que vous parliez du projet de loi C‑7.
    C'est un peu fort, à mon avis. Maintenez-vous ces propos et les avez-vous vraiment prononcés?

[Traduction]

    Oui, effectivement...

[Français]

    D'accord, je vous remercie. Puisque j'ai peu de temps, je vais continuer.
    J'en déduis que vous vous présentez ici en tant qu'expert et que vous affirmez que le régime totalitaire, le régime de terreur de l'Allemagne nazie dont la volonté était d'éliminer des gens, de verser dans l'eugénisme, est équivalent à ce que nous faisons en tant que représentants du peuple pour essayer de répondre à des maladies, à des affections, à des personnes en situation de handicap qui souffrent. Vous comparez cela à une intention volontaire de notre part.
    Tantôt, vous avez aussi mélangé les concepts de meurtre par compassion, d'euthanasie et de suicide assisté. Ce ne sont pas les mêmes choses. L'euthanasie doit être et ne peut être qu'exclusivement et strictement volontaire. Vous le savez.
    À partir du moment où cette décision appartient à la personne, au patient, comment pouvez-vous faire un énoncé comme celui-là? C'est un peu abusif.

[Traduction]

     Peut-être puis‑je...

[Français]

     Je n'ai pas terminé.
    Vous nous demandez de considérer vos propos, je veux bien les considérer, mais quelle est votre conception du rôle de l'État en la matière?
    Je pense que le rôle de l'État, au moment le plus intime de la vie d'une personne, soit sa propre mort, ce n'est pas de décider à sa place ce qui est bien pour elle. C'est de pouvoir créer les conditions lui permettant d'exercer son libre choix et de garantir qu'elle sera libre de décider de ce qu'elle veut à sa mort, parce qu'elle souffre de façon irrémédiable et irréversible.
    Il y a une différence entre une situation intolérable et un handicap qui crée une souffrance irrémédiable et irréversible.
    Maintenant que j'ai fait ces mises en garde, je vous écoute.

[Traduction]

    Je vous remercie de me donner l'occasion de clarifier les choses.
    Ce que j'ai dit, c'est que la comparaison était avec la menace existentielle pour les personnes handicapées. Je n'ai pas comparé ce que nous faisons à ce que les nazis ont fait. J'ai comparé la menace à la vie des personnes handicapées. Vous avez tout à fait raison de dire que ces deux choses ne sont pas comparables, et je n'accuse certainement pas notre gouvernement de poursuivre les mêmes intentions.
    Ce que je disais, c'est que le résultat peut avoir un effet semblable, et ce que nous avons entendu de la bouche de Mme Janz et les autres cas — il y en a d'ailleurs eu un autre dans le journal hier —, les circonstances dans lesquelles les gens sont dirigés vers l'aide médicale à mourir ne sont pas toujours comme vous les avez décrites. Les gens se tournent vers l'aide médicale à mourir parce qu'ils sont désespérés, mais pas parce que leurs souffrances ne peuvent pas être soulagées par un logement ou un soutien adéquat, et c'est cette menace existentielle qui m'inquiète.
    À titre de précision, je ne comparais pas les processus ni les motivations, mais plutôt le résultat, si vous voulez, et le niveau de menace que cela représente pour les personnes handicapées, et je maintiens cela. Si quelqu'un peut me parler d'un autre moment de l'histoire où la vie des personnes handicapées a été autant menacée, je me ferai un plaisir de me rétracter.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de clarifier cela.
(1910)
     Merci, monsieur Thériault.
    Les cinq minutes sont écoulées. Nous passons maintenant à M. MacGregor, qui dispose également de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    J'aimerais m'adresser à Mme Jessica Shaw. J'apprécie vraiment l'expertise spécialisée que vous apportez à notre comité grâce à votre expérience dans les prisons fédérales du Canada.
    L'été dernier, j'ai eu la chance de visiter l'Établissement Mountain et l'Établissement Kent à Agassiz, en Colombie-Britannique. Ce fut certainement une prise de conscience pour moi. J'ai eu des conversations fantastiques avec les agents de programme et les agents de libération conditionnelle qui travaillent si fort et avec tant de passion pour essayer de changer les choses.
    En ce qui concerne les conditions de vie dans les prisons fédérales du Canada, vous avez parlé un peu des prisonniers et de leur accès à l'aide médicale à mourir. D'après les statistiques que vous avez mentionnées, je suppose qu'il s'agissait des personnes comprises dans le premier volet, c'est‑à‑dire celles dont la mort était prévisible. Avez-vous des statistiques sur les personnes comprises dans le deuxième volet, c'est‑à‑dire les détenus qui vivent avec un handicap? Je me demande si vous pourriez nous donner des précisions à ce sujet.
    La réponse courte est non. Je n'ai pas encore d'information sur les personnes comprises dans le deuxième volet.
    Nous devons examiner les chiffres mis à jour depuis août 2020. Je sais qu'il y a certainement une crainte au sein du système carcéral lorsque vient le temps de soulever la possibilité de demander l'aide médicale à mourir, parce que cela équivaut encore au suicide, le risque d'être mis en isolement et sous surveillance en matière de santé mentale étant très peu souhaitable.
    Trouver du personnel « favorable à l'aide médicale à mourir » est un problème.
    Mais non, nous n'avons pas encore d'information sur le deuxième volet.
    Kent est l'établissement à sécurité maximale de la Colombie-Britannique. Mountain est à sécurité moyenne, et il y a certainement une énorme différence sur le plan des libertés entre ces deux établissements.
    Dans le cas des détenus qui peuvent avoir développé un handicap, qui sont là depuis longtemps et dont la santé commence vraiment à se détériorer, que fait le Service correctionnel du Canada pour répondre à leurs besoins particuliers au fur et à mesure que leur maladie progresse?
     Plusieurs établissements offrent des soins spécialisés. Par exemple, l'Établissement du Pacifique à Abbotsford offre un programme de soins palliatifs dans ses murs. Il offre aussi un programme de soutien par les pairs. Certains des hommes plus jeunes et en meilleure santé s'occupent de certains des hommes plus âgés et en moins bonne santé. Il y a eu des discussions, ou peut-être des rumeurs, selon lesquelles ce modèle vaudrait peut-être la peine d'être reproduit à l'échelle du pays, mais les gens sont déplacés à mesure que leurs besoins changent.
    Je le répète, lorsqu'une personne en arrive au point où elle ne comprend plus pourquoi elle est en prison à cause de la démence, ou qu'elle est incapable de se faire du mal ou de faire du mal à quelqu'un d'autre, je me demande pourquoi elle est encore dans le système carcéral.
    Malgré cela, la « libération conditionnelle à titre exceptionnel » demeure l'exception. Elle est rarement utilisée, comme vous l'avez dit.
    Effectivement. Dans une autre étude qu'un de mes collègues a faite au sujet de 14 détenus en soins palliatifs qui avaient fait une demande de libération conditionnelle à titre exceptionnel, quatre l'ont obtenu. On parle de gens qui sont véritablement en fin de vie.
    Merci.
    Monsieur Stainton, j'aimerais maintenant m'adresser à vous. Vous avez mentionné les difficultés que le Parlement a eues à faire adopter une loi sur la prestation canadienne d'invalidité. Je comprends certainement cela et je suis d'accord avec vous. Nous ne savons toujours pas quelle forme prendra la prestation fédérale. Il existe un cadre législatif, mais le reste est incertain.
    Je pense que s'attaquer à l'insécurité économique dans laquelle tant de personnes handicapées vivent au Canada... Nous connaissons les statistiques. Un de mes électeurs, qui est un véritable militant, parle de « pauvreté légiférée ».
    Pour moi, lorsqu'il est question de ce thème de l'autonomie et du respect de l'autonomie d'une personne, pouvons-nous un jour arriver à un point où une personne handicapée dispose — disons hypothétiquement — de tous les soutiens nécessaires et mène une vie épanouissante, à un point où vous êtes convaincu que quelqu'un vit une vie digne avec un handicap, et à un point où vous pouvez respecter que cette personne puisse, même avec ce niveau de soutien, décider que dans son intérêt, elle doit recourir à l'aide médicale à mourir?
    Je pense que c'est le dilemme auquel fait face notre comité. Comment respecter cette autonomie personnelle si importante pour tant de personnes handicapées?
(1915)
     Je suis désolée, monsieur Stainton. Vous avez environ 30 secondes pour faire un bref commentaire.
    D'accord.
    Il est certain que si nous en arrivions à un point où il est clair que les gens ont le soutien dont ils ont besoin pour faire les choix que nous valorisons tous, et qu'ils ont l'argent dont ils ont besoin pour mener une bonne vie, alors j'aurais beaucoup moins de réserves à l'égard de ce choix, tout comme pour les personnes en fin de vie. De toute évidence, les personnes handicapées devraient avoir le même choix que tous les autres citoyens. C'est simplement que nous sommes très loin d'en être là. C'est ce qui me préoccupe.
    Je vous comprends bien.
    Merci, madame la coprésidente.
    Je vais maintenant céder la parole à mon coprésident pour la prochaine série de questions.
     Merci, sénatrice.

[Français]

     Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.
    Madame la sénatrice Mégie, vous avec la parole pour trois minutes.
    Mes questions s'adressent à la Dre Shaw et concernent les prisonniers.
    Je vais vous poser plusieurs questions, et je vous demande de prendre votre temps pour y répondre.
    Comme on le sait, les prisonniers vivent dans un milieu fermé et surveillé. Est-ce que cela peut influer sur l'évaluation du professionnel et le choix du patient? Cela a-t-il une incidence sur l'aspect volontaire de la demande d'aide médicale à mourir?
    Comment le médecin peut-il évaluer le patient dans ce milieu surveillé? Où se situe la limite quant à la confidentialité des informations médicales?
    Quels médecins évaluent les patients détenus et leur fournissent l'aide médicale à mourir? Autrement dit, fait-on appel à des médecins indépendants externes ou aux médecins du centre correctionnel?
    Je vous écoute, docteure Shaw.

[Traduction]

     La question du libre arbitre est importante.
     Pour répondre à votre question, j'ai parlé aux médecins qui sont intervenus pour chacun des trois cas connus d'aide médicale à mourir. Il est certain que les évaluateurs et les fournisseurs de services ont soulevé la question de la nécessité que des gardiens soient présents, par exemple, ou des agents du Service correctionnel. Je sais que, dans au moins un cas, un conseiller en éthique d'un hôpital a été convoqué pour être présent sur les lieux, afin de s'assurer qu'il y avait un niveau supplémentaire de surveillance pour veiller à ce que le libre arbitre soit protégé.
    Tout comme on se demande pourquoi on garderait des gens en prison qui ne peuvent plus faire de tort à qui que ce soit et qui sont en train de mourir, si quelqu'un ne peut plus se faire du mal ou faire du mal à quelqu'un d'autre, ces quelques moments de vie privée sont probablement essentiels, et c'est ce qui s'est produit pendant les évaluations.
    Quand je pense aux trois cas, les évaluations ont été faites à la fois dans le système carcéral et après un transfert à un hôpital communautaire. Pour répondre à votre question, le processus veut que l'administrateur en chef des services de santé examine d'abord la demande d'évaluation. Selon les lignes directrices, idéalement, un médecin travaillant pour Service correctionnel Canada devrait être la première personne à fournir une évaluation. S'il faut une évaluation externe, celle‑ci aura lieu. La deuxième évaluation, et parfois la première et la deuxième, est toujours externe au Service correctionnel.
    Est‑ce que cela répond à votre question?

[Français]

     Oui, je vous remercie.
    Merci, sénatrice Mégie.

[Traduction]

    Nous passons maintenant au sénateur Kutcher, pour trois minutes.
(1920)
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question s'adresse d'abord à Mme Shaw, puis à M. Stainton.
    Je pense que tous les membres du Comité conviendront que le manque de logements appropriés et de soutien communautaire ne devrait pas être le facteur déterminant de l'accès à l'aide médicale à mourir pour toute personne handicapée; cependant, ce ne sont pas toutes les personnes handicapées qui sont dans cette situation, et leur choix de recourir à l'aide médicale à mourir peut être complètement distinct de la nécessité de mesures de soutien supplémentaires.
     Quel conseil donneriez-vous au Comité pour faire en sorte que des mesures de protection s'appliquent pour les personnes handicapées qui ont besoin de mesures de soutien supplémentaires, afin qu'elles n'aient pas à se prévaloir de l'aide médicale à mourir, mais, en même temps, que l'aide médicale à mourir ne soit pas refusée aux personnes handicapées dont c'est le choix et qui n'y ont pas recours en raison d'un manque de ressources?
    Nous allons commencer par Mme Shaw, puis M. Stainton.
    C'est peut-être une réponse assez audacieuse, mais qui sommes-nous dans cette salle pour décider combien de temps une personne doit souffrir et dans quelle mesure elle doit souffrir avant qu'on lui accorde le droit au décès assisté? Je m'inquiète du fait que des mesures supplémentaires soient imposées aux gens et nuisent à leur capacité d'exercer leurs droits en matière de soins de santé.
    Je tiens à répéter qu'à mon avis, il est clair, et tout le monde l'a dit, que personne ne veut voir quelqu'un mourir parce qu'il n'a pas accès à un soutien social et médical. Si cela finit par être un facteur déterminant dans la raison pour laquelle une personne demande la mort, qui suis‑je et qui sommes-nous pour empêcher cela?
     Je suppose que c'est là que j'irais un peu plus loin dans notre réflexion, c'est‑à‑dire que si nous ne vivons pas dans un pays où les gens sont soutenus — et ce n'est pas propre aux personnes handicapées —, la question se résume encore à décider combien de temps la personne doit souffrir et combien de souffrance elle doit endurer, et je pense que c'est à la personne de décider.
    Allez‑y, monsieur Stainton.
    Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Mme Shaw. La prémisse a toujours été d'établir un équilibre entre la protection des personnes vulnérables et l'autonomie. D'un côté, oui, qui sommes-nous pour décider pour quelqu'un d'autre? Le problème est...
     Excusez-moi un instant. Je ne veux pas que vous vous engagiez dans un débat philosophique avec le témoin. J'aimerais que vous répondiez à la question. Nous avons besoin de vos conseils, alors pourriez-vous répondre à la question, s'il vous plaît? Merci.
     Bien sûr, et je vous remercie de la question.
    Comme je l'ai dit, j'ai du mal à voir quelles mesures de protection pourraient être mises en place, au‑delà du rétablissement du critère de la mort raisonnablement prévisible. Il y a des choses qui pourraient être faites.
    Dans le passé, on a recommandé qu'un comité indépendant examine une évaluation psychosociale détaillée semblable à celle que nous ferions pour le placement des enfants ou la détermination d'une peine. Ce comité pourrait étudier tous ces facteurs et voir s'il y a des options comme le logement et d'autres solutions de rechange. Il faudrait pour cela sortir du cadre médecin-patient et avoir recours à un groupe ayant un peu plus de recul et une expertise plus large.
    Le problème, que le sénateur connaît sans doute mieux que moi, c'est qu'en raison du partage des compétences entre les provinces et le gouvernement fédéral, les provinces ne peuvent pas, aux termes de la Loi sur l'aide médicale à mourir, être forcées de répondre aux besoins des personnes handicapées ou de leur fournir un logement — pas sans une lutte interminable et pénible.
    Je pense que c'est une chose qui pourrait améliorer la situation; ce genre d'examen indépendant, d'évaluation et d'ordonnance psychosociales. L'approbation de l'aide médicale à mourir ne devrait peut-être pas être accordée avant que ces mesures de soutien ne soient offertes.
    Du point de vue des politiques, c'est vraiment difficile.
     Merci, monsieur.

[Français]

     Sénateur Dalphond, vous avez trois minutes.

[Traduction]

    Comme je n'ai que trois minutes, j'aimerais d'abord remercier les témoins.
    Je vais adresser mes questions à Mme Shaw.
    Je crois savoir que vous avez fait beaucoup de recherches sur les personnes vulnérables. Vous avez écrit un article intitulé « Perceptions and Experiences of Medical Assistance in Dying Among Illicit Substance Users and People Living in Poverty ».
    Pouvez-vous nous parler de cela davantage? Je crois que vous avez parlé dans votre article du manque de connaissances sur les options de soins en fin de vie.
    De plus, avez-vous trouvé que nous étions sur une pente glissante pour ce qui est d'exercer des contraintes ou des pressions sur les personnes pour qu'elles mettent fin à leurs jours?
(1925)
     Je vous remercie de cette question.
    En un mot, non, nous n'avons pas constaté de pente glissante vers des pressions exercées sur les gens pour qu'ils mettent fin à leurs jours.
    Au contraire, les gens à qui j'ai parlé — une cinquantaine de personnes qui étaient très pauvres et qui consommaient aussi de la drogue, en Alberta et en Colombie-Britannique, surtout à Vancouver et à Calgary —, plutôt que de s'inquiéter de subir des pressions pour mettre fin à leurs jours, avaient peur d'en être empêchés et de ne pas savoir où aller pour avoir accès à des soins de fin de vie. Cela rejoint votre point au sujet de la mauvaise connaissance des ressources.
    Ces gens craignaient que, comme pour tous les autres aspects de leurs soins de santé, cela ne leur soit pas accessible. Il est très difficile d'avoir accès à des soins de santé lorsqu'on vit dans la rue, et les soins de fin de vie, ainsi que l'aide médicale à mourir, en particulier, étaient considérés comme un prolongement de cela. Plutôt que de subir des pressions, ces gens craignaient d'être empêchés d'y avoir accès.
    Si je peux, j'aimerais ajouter que je n'oublierai jamais ce monsieur qui m'a dit que ce ne sont pas toutes les surdoses qui sont accidentelles. Il m'a rappelé que ces personnes peuvent facilement mettre fin à leurs jours si elles le souhaitent.
    Je pense que la question à laquelle nous devons nous attaquer en tant que comité et en tant que société, c'est que l'État ne doit pas à quiconque une mort digne, mais si nous pouvons le faire pour quelqu'un qui souffre beaucoup, pourquoi ne le ferions-nous pas?
    Dois‑je comprendre que pour les personnes vulnérables, vous ne pensez pas qu'il soit nécessaire d'ajouter des mesures de protection?
    Nous avons besoin de soutiens sociaux supplémentaires. Les personnes vulnérables, dans de nombreux contextes différents, demandent plus de soutien, mais ces personnes — je parle des sans-abri — sont des battantes. Elles se battent tous les jours pour survivre. Elles ont besoin de plus de soutien pour survivre, mais elles n'ont certainement pas besoin de soutien supplémentaire pour décider si elles vont mourir ou non.
    Merci.

[Français]

    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Sénatrice Wallin, vous avez trois minutes.
    Ma question s'adresse également à Mme Shaw.
    Je crois comprendre que, compte tenu de la Charte des droits et libertés, des dispositions législatives relatives aux droits de la personne, et même de la décence, pour ainsi dire, les personnes handicapées ne peuvent être privées de l'accès à l'aide médicale à mourir ou en être exclues. Je pense que c'est ce que vous vouliez dire.
    Il y en aura beaucoup parmi les personnes handicapées et dans les communautés sur lesquelles vous avez travaillé qui comprendront cela et qui croiront qu'elles ne devraient pas être exclues de l'accès à l'aide médicale à mourir.
    Comment évaluez-vous où nous nous situons sur la question de l'accès à ce droit, accès qui est nécessaire pour pouvoir faire ce choix, ce dont vous venez de discuter un peu avec le sénateur Dalphond?
     Pour moi, cela a aussi à voir avec la façon dont nous concevons la vulnérabilité. Ce que j'essayais de dire dans ma déclaration préliminaire, c'est de ne pas cesser de penser à la vulnérabilité dans l'optique des gens qui en font personnellement l'expérience. Il s'agit de déterminer qui est vulnérable au fait que ses droits sont liés, qui est vulnérable au fait que ses droits sont violés en raison de politiques et, potentiellement, de mesures de protection supplémentaires qui ne sont pas nécessaires, afin d'éviter des étapes supplémentaires et d'autres obstacles à franchir, alors qu'il est déjà incroyablement difficile pour certaines de ces personnes d'avoir accès à des soins de santé, à des soins de fin de vie, dont l'aide médicale à mourir fait partie.
    À l'heure actuelle, je pense qu'il faut examiner la question du point de vue des droits de la personne et établir un lien avec la vulnérabilité, non seulement en fonction des circonstances de la vie, mais aussi des politiques et des procédures. Je crois que c'est l'occasion pour vous, en tant que comité, de vraiment bien faire les choses lorsque vous songez à élargir les critères d'admissibilité, comme vous l'avez fait de façon très intentionnelle, sans ajouter des niveaux supplémentaires inutiles qui nuiront en fait aux personnes qui ont besoin de soutien.
(1930)
     J'ai soulevé la question en partie parce que les provinces, y compris la mienne, ont même retiré l'information sur l'aide médicale à mourir du système 811. Trouvez-vous qu'il est plus difficile pour les personnes vulnérables, les personnes handicapées, et peut-être les détenus, d'obtenir ne serait‑ce que des renseignements de base sur le choix qui fait partie de leurs droits constitutionnels?
    Oui, et lorsque nous pensons à l'accès à l'information sur les soins de santé... Mes collègues témoins ont parlé du capacitisme systémique. Il y a aussi le racisme systémique. Il existe toutes sortes de raisons pour lesquelles les gens sont dissuadés d'avoir accès aux services et estiment qu'ils ne sont pas en sécurité. Les soins de santé sont l'un de ces systèmes dont l'accès suscite de l'insécurité chez les gens. L'information de base sur les soins de santé, et l'aide médicale à mourir en particulier, est un problème.
    Merci beaucoup.
     Merci, sénatrice Wallin.
    Finalement, la sénatrice Martin a la parole pour trois minutes.
     Tout d'abord, je remercie tous nos témoins.
    Ma première question s'adresse à Mme Janz.
    À votre avis, comment l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie influera‑t‑il sur la génération actuelle d'enfants et de jeunes qui grandissent avec un handicap?
     C'est une chose à laquelle j'ai beaucoup réfléchi depuis l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie.
    Ayant moi-même fait la majeure partie de mes études, de la maternelle à la 12e année, dans une école pour enfants ayant un handicap physique, je trouve le plus récent élargissement de l'admissibilité à une mort sanctionnée par l'État particulièrement terrifiant. Environ la moitié des enfants de notre école souffraient d'une maladie limitant leur espérance de vie, comme la dystrophie musculaire, pour laquelle, à l'époque, l'espérance de vie était de 14 à 18 ans.
    Tous les élèves de cette école ont grandi en sachant que certains d'entre eux vivraient plus longtemps que d'autres, mais nous savions aussi que nous profiterions de la meilleure qualité de vie possible jusqu'à notre mort. Ce n'est pas le message avec lequel les enfants canadiens handicapés grandissent dans ce « meilleur des mondes » que représente l'aide médicale à mourir.
    Un mineur ayant une certaine maturité entendra plus probablement: « Il est tout naturel que tu sois déprimé et que tu en aies assez de ta vie. Tu es handicapé. Peut-être devrais‑tu demander l'aide médicale à mourir. »
    Je compatis avec les enfants handicapés du pays et je crains pour eux.
    Ai‑je le temps de poser une autre question?
    D'accord, monsieur Stainton, pouvez-vous nous parler des plus de 15 000 Canadiens en âge de travailler qui vivent dans des foyers de soins de longue durée, ainsi que des préoccupations que vous avez au sujet de cette population dans le contexte du deuxième volet?
     Très rapidement, la plupart de ces personnes ne veulent pas être dans un établissement de soins de longue durée. Elles sont là parce que le système de soins à domicile comporte des plafonds de financement. Nous avons eu le cas tragique de Sean Tagert, en Colombie-Britannique, qui voulait simplement demeurer chez lui, pendant les années qu'il lui restait, avec son fils. Il avait uniquement besoin de quelques heures de plus de soins à domicile, et on lui a dit que ce n'était pas possible et qu'il devait aller dans un foyer de soins de longue durée, où il ne pouvait pas vraiment avoir de contact avec son fils, ce qui fait qu'il a choisi l'aide médicale à mourir.
    Je travaille en ce moment en Nouvelle-Écosse, où il y a eu une décision en matière de droits de la personne contre la province et en faveur de quelque 400 personnes, je crois, en Nouvelle-Écosse seulement.
    Nous sommes tous de cet avis. Si vous avez 30 ans et qu'on vous dit tout à coup que vous allez vivre dans un établissement de soins de longue durée, quel genre de vie aurez-vous? Quelles sont vos perspectives? Quel genre d'autonomie aurez-vous? Vos choix de vie sont limités.
    Jean Truchon et de nombreuses autres personnes ont dit que ce qui les faisait souffrir, c'était qu'ils ne pouvaient pas faire face à la perspective de vivre en établissement. Du point de vue des soins, il n'y avait aucune raison pour laquelle il n'aurait pas pu recevoir de l'aide à domicile, à part le financement.
(1935)
     Merci beaucoup.
    Cela met fin à notre premier groupe de témoins. Au nom du Comité, j'aimerais remercier Mme Janz, Mme Shaw et M. Stainton. Merci beaucoup de vos déclarations préliminaires de ce soir, des points de vue que vous avez exprimés, ainsi que des réponses à toutes nos questions sur ce sujet difficile qu'est l'aide médicale à mourir dans le contexte des personnes handicapées.
    Je vous remercie encore une fois, madame Shaw, de nous avoir parlé des détenus des services correctionnels, toujours dans le contexte de l'aide médicale à mourir. Merci beaucoup. C'est très apprécié par notre comité, qui doit délibérer sur cette question très importante.
    Sur ce, nous allons suspendre brièvement la séance et nous préparer pour le deuxième groupe de témoins.
(1935)

(1935)
    Chers collègues, nous allons commencer avec notre deuxième groupe de témoins.
    Avant cela, j'aimerais faire quelques observations d'ordre administratif.
    Je rappelle à tous les membres du Comité, ainsi qu'aux témoins, qu'avant de prendre la parole, ils doivent attendre d'être nommés par la coprésidente ou moi-même. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés aux coprésidents. Lorsque vous prenez la parole, veuillez parler lentement et clairement pour faciliter la tâche des interprètes.
    Vous pouvez poser vos questions en français ou en anglais. Utilisez le bouton au bas de votre écran pour l'interprétation si vous participez par vidéoconférence.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue au deuxième groupe de témoins.
    Nos témoins de ce soir comparaissent tous à titre personnel. Nous avons dans la salle Liana Brittain. Nous accueillons virtuellement Karen Ethans, professeure associée, et David Shannon, avocat.
    Merci à tous de vous joindre à nous ce soir, alors que nous poursuivons notre étude de l'aide médicale à mourir dans le contexte des personnes handicapées.
    Je vais demander à Mme Brittain de commencer. Chacun des témoins fera une déclaration préliminaire de cinq minutes, puis nous passerons aux questions.
    Madame Brittain, vous avez la parole pour cinq minutes. Je vous en prie.
(1940)
     Merci, monsieur Garneau.
    Je vous remercie de nous donner l'occasion de faire entendre notre voix collective à ce comité, où des décisions sont prises qui ont une incidence directe sur la vie des personnes lorsqu'elles sont les plus vulnérables. Je suis ici pour représenter symboliquement un énorme groupe de personnes handicapées qui sont en fin de vie. Nous sommes les experts qui vivent concrètement l'expérience de l'aide médicale à mourir.
    Vous avez mentionné le mot « vulnérable ». Après cinq ans et demi à défendre les droits de façon bénévole dans ce domaine, j'en suis venue à comprendre que l'aide médicale à mourir est beaucoup plus qu'une simple série d'injections ou un cocktail autoadministré par un personnel formé de façon experte lors d'une intervention médicale. Elle englobe en fait un très large éventail de services fournis par la communauté médicale à la demande d'une personne.
    Premièrement, j'aimerais que vous envisagiez de changer votre perception de ce qu'est l'aide médicale à mourir. Paul, mon défunt mari, était psychothérapeute en pratique privée. Il soutenait que si l'on pouvait modifier notre perception de cinq degrés, on verrait le problème d'un point de vue très différent, un point de vue dont on ne connaissait même pas l'existence. Je vous mets donc au défi de changer de perspective et d'envisager l'aide médicale à mourir sous un nouvel angle.
    J'aimerais vous donner des exemples de façons dont la communauté médicale aide les gens à mettre fin volontairement à leurs souffrances et à mourir dans la dignité, à leurs propres conditions, chaque jour, partout au Canada. Ce sont des aides médicales à mourir, mais nous ne les appelons pas ainsi. Pourquoi pas? Ce genre de pratiques médicales est utilisé depuis des décennies et, dans certains cas, depuis des centaines d'années dans des cultures du monde entier. J'appelle cela un « spectre » de choix, parce que cela va d'une action plus passive à une extrémité de l'échelle à un rôle plus pratique et actif à l'autre bout.
    Je crois qu'il est de notre responsabilité, en tant que société, d'éduquer tout le monde, en particulier les personnes ayant une déficience physique comme moi, sur les options qui s'offrent à elles, en collaboration avec la communauté médicale, alors qu'elles en sont à la dernière étape de leur parcours de fin de vie. Je veux parler de soins véritablement axés sur les personnes et les patients, de soins dont la personne est responsable et auxquels elle participe activement, selon le plan qu'elle s'est fixé. Je suis peut-être handicapée physiquement, mais je veux savoir quels sont mes choix. Je veux peser ces options et prendre une décision éclairée sur ce que je peux choisir de faire ensuite, en consultation avec les experts. Je ne veux pas me sentir vulnérable.
    Il y a un éventail de choix médicalement assistés qu'une personne pourrait faire si elle savait seulement qu'ils existent.
    Il y a l'arrêt du traitement. Il peut arriver un moment dans la maladie d'une personne où elle décide qu'un traitement supplémentaire n'a aucune valeur pour elle, quelle que soit la raison. C'est sa décision. C'est son choix. Personne ne peut décider de ce qui constitue une souffrance excessive, sauf la personne elle-même. À ce stade, le personnel soignant et la personne conviennent de mettre fin au traitement, sachant que cela finira par entraîner la mort de cette personne. C'est une forme d'aide médicale à mourir.
    Il en va de même pour l'ordonnance de ne pas réanimer. Il s'agit d'un contrat mutuel entre le personnel soignant et la personne. En situation de crise médicale, aucun traitement ne sera offert pour assurer le maintien en vie, ce qui mènera à la mort de la personne. Encore une fois, c'est une forme d'aide médicale à mourir.
    Il y a des pompes à morphine auto-injectées. Avant que l'aide médicale à mourir ne soit disponible, mon père a choisi cette option. Il savait qu'il allait mourir et qu'il ne lui restait que quelques heures. On lui a donné une pompe à morphine et on lui a permis de décider lui-même quand l'utiliser.
    Il en va de même du refus volontaire de manger et de boire. Notre personnel soignant appuie les gens dans diverses situations et atténue leurs symptômes lorsqu'ils décident de cesser de manger et de boire, sachant que cela entraînera leur mort.
(1945)
    La sédation palliative et le coma palliatif sont deux autres exemples d'aide médicale à mourir. La procédure d'AMM, comme nous l'appelons aujourd'hui, est celle qui vient le plus spontanément à l'esprit lorsque nous pensons à l'aide médicale à mourir. Si nous décidons de reconnaître qu'il existe d'autres formes, je propose de les renommer.
    En partageant ce genre d'information et en changeant la compréhension qu'ont les gens de ce qu'est réellement l'aide médicale à mourir, nous pouvons informer les gens ayant des incapacités physiques de leurs options éventuelles. C'est quand les gens sont au courant de leurs droits et de leurs options qu'ils peuvent prendre des décisions vraiment éclairées, des décisions qui reflètent leurs besoins et leurs désirs, des décisions qui leur confèrent la capacité et le droit de mourir dans la dignité, à leurs propres conditions. Quel cadeau extraordinaire à offrir à une personne qui passe de cette vie à ce qui vient ensuite.
    Surtout, il ne faut pas oublier les trois impératifs: envisager, éduquer et habiliter. Il est essentiel de fournir les connaissances et les renseignements dont nous avons besoin pour faire nos propres choix éclairés, ceux qui répondent le mieux à mes — à nos — besoins particuliers. Habilitez-nous à mourir dans la dignité, à nos propres conditions.
    Je vous prie de terminer très rapidement. Nous avons largement dépassé le temps prévu.
    J'ai terminé. J'en étais à ma dernière phrase.
    Parfait. Merci, madame Brittain.
    Nous passons maintenant à la Dre Karen Ethans.
    Docteure Ethans, vous avez cinq minutes.
    Je suis médecin spécialiste en réadaptation et j'ai 23 années d'expérience clinique et de recherche auprès de personnes atteintes de lésions médullaires. Je les suis depuis les soins actifs jusqu'à la réadaptation et la transition vers la collectivité, puis tout au long de leur vie afin de gérer les symptômes, de prévenir les complications et d'améliorer leur qualité de vie.
     La plupart des personnes qui ont subi des lésions médullaires vivent pendant des années, parfois jusqu'à leur espérance de vie normale. Ce qui me préoccupe au sujet de l'AMM depuis l'adoption du projet de loi C-7, c'est la suppression du critère de mort naturelle dans un avenir raisonnablement prévisible. Les personnes qui subissent un dommage neurologique grave peuvent maintenant demander de mettre fin à leurs jours après seulement trois mois. J'espère vous convaincre que trois mois, c'est beaucoup trop court.
    Je ne crois pas que les personnes qui subissent un dommage neurologique grave auront la capacité de faire un choix éclairé tant qu'elles n'auront pas eu la possibilité de vivre avec leurs nouvelles déficiences et incapacités, de réintégrer la collectivité et de se rendre compte de l'excellente qualité de vie dont jouissent la plupart des gens ayant subi de tels dommages.
    Imaginez que, reprenant conscience après un grave accident de la route, vous apprenez que vous avez une lésion médullaire. Vous ne pouvez pas bouger vos jambes, peut-être même pas vos bras. Vous seriez nombreux à ne pas vouloir continuer à vivre ainsi. Oui, c'est ce que beaucoup de gens qui viennent de subir une lésion médullaire pensent dans les mois qui suivent. Beaucoup des fournisseurs de soins actifs avec qui la personne sera en contact dans les premiers temps auront le même point de vue. Bon nombre d'entre eux n'ont jamais pris soin d'une personne atteinte d'une incapacité neurologique importante qui vit pourtant une vie bien remplie dans la collectivité. Beaucoup de ceux, parents et amis, qui lui rendront visite dans les premiers temps auront l'impression que le reste de sa vie ne sera guère heureux.
    La personne qui vient de subir une lésion médullaire passera des mois à l'hôpital, puis prendra quelques années à s'adapter à sa nouvelle condition de vie. Au cours de ces premiers mois et de ces premières années, de nombreuses personnes ont des pensées suicidaires et souhaitent mourir. Ces gens peuvent vivre des moments très sombres. Cependant, me fondant sur mes propres recherches, sur celles de collègues et d'autres et sur mon expérience clinique, je peux attester que la plupart des personnes atteintes d'une lésion médullaire chronique — c'est-à-dire, d'une durée d'au moins quelques années — estiment que leur qualité de vie est très bonne et équivalente ou supérieure à celle de bien des gens physiquement valides.
    Dans une étude que j'ai publiée récemment avec des collègues, nous avons constaté que la plupart des personnes atteintes d'une lésion médullaire chronique ont admis avoir souhaité mourir dans les premiers temps après leur blessure. Or, toutes les personnes que nous avons interrogées ont déclaré qu'elles ne voulaient plus mourir et qu'elles n'accepteraient plus l'AMM à ce moment‑ci de leur vie. Elles estimaient qu'offrir l'option de l'AMM trop tôt était une erreur et que les gens devaient faire l'expérience de vivre avec une lésion médullaire avant de pouvoir faire ce genre de choix.
    Selon la littérature sur le sujet, il faut des années aux personnes récemment atteintes d'une incapacité neurologique, comme un accident cérébrovasculaire... les gens ne peuvent pas prendre une telle décision et s'adapter à leur nouvelle normalité avant au moins deux ans.
    Je veux vous raconter une histoire, typique de bien des situations dont j'ai été témoin.
    On m'a demandé de voir un jeune homme aux soins intensifs. Il avait une lésion médullaire au niveau supérieur et était sur ventilateur. On m'a demandé de faire un pronostic. Le patient et sa mère étaient tellement soulagés quand, après examen, j'ai annoncé qu'il y avait de bonnes chances de voir une importante amélioration. Sa mère, en larmes, est venue me dire que le médecin de l'unité de soins intensifs conseillait de débrancher le ventilateur parce que la vie de son fils serait terrible et ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Vous savez quoi? Ce jeune homme est sorti en marchant de la réadaptation pour rentrer chez lui quelques mois plus tard.
    Ce que je veux souligner, ce n'est pas que beaucoup de ces patients connaissent un excellent rétablissement, mais plutôt l'importance de ne pas laisser nos idées préconçues sur ce qu'est la vie avec un handicap embrouiller notre jugement ou nos décisions en matière de soins, car nous n'avons pas vécu cette expérience.
(1950)
    L'AMM fait maintenant partie des options de soins proposées dans les premiers temps, lorsque la personne est vraiment vulnérable, qu'elle a de la difficulté à accepter son incapacité et qu'elle n'a pas eu l'occasion de se rendre compte de l'excellente qualité de vie qu'elle pourrait avoir à l'avenir. C'est un manquement grave envers ces patients. L'AMM ne devrait pas leur être proposée comme option pendant une longue période, des années même, après leur blessure.
    Merci, docteure Ethans.
    Nous passons maintenant à M. David Shannon, pour cinq minutes.
    Plusieurs récits outranciers de fins de vie douloureuses ont été rapportés au Comité dans le but de promouvoir une idéologie plutôt que de favoriser une analyse valable et un débat sérieux. Je ne m'engagerai pas dans cette voie ce soir.
    Je ne parle pas de gens réellement en fin de vie. Je parle de gens comme moi, une personne qui a subi une lésion médullaire au niveau supérieur il y a plus de 41 ans, qui a pratiqué dans le domaine des droits des handicapés et du droit de la santé mentale pendant plus de 25 ans, qui peu après son accident a connu des jours sombres et qui, depuis 41 ans, est reconnaissant de pouvoir embrasser la vie, ses merveilles, sa générosité, ses promesses.
    Cette possibilité n'existe pas, je le sais, pour bien des gens peu de temps après leur accident ou blessure catastrophique ou invalidité, et voilà que des pressions sont maintenant exercées par l'État avec cette nouvelle loi qui dit: « Votre vie ne vaut peut-être pas la peine d'être vécue. Il est acceptable d'y mettre fin. »
    D'entrée de jeu, cependant, je demande à chacun d'entre vous d'accepter une dure vérité, sur laquelle on ferme souvent les yeux, à savoir que la souffrance vécue par les personnes handicapées au Canada est souvent due à l'État. Elle résulte de l'action de l'État. Nous sommes en présence d'une forme pernicieuse de déni des droits de la personne, qui fait fond sur la pauvreté et des marqueurs inacceptables parmi les déterminants sociaux de la santé.
    Ce soir cependant, compte tenu du peu de temps que j'ai, je veux surtout parler d'une faille intrinsèque ou d'une contradiction dans la loi. L'alinéa 241.2(1)c) du Code criminel, que vous êtes nombreux à connaître, précise qu'une personne est admissible à l'AMM en raison de « problèmes de santé graves et irrémédiables ».
    La législation canadienne des droits de la personne, de même que la Cour suprême, affirment que les conditions physiques et mentales sont des effets personnels qui doivent être protégés contre les violations des droits de la personne au même titre que la race, le sexe, le genre, la religion et de nombreux autres motifs de discrimination. De plus, les tribunaux ont déclaré que l'invalidité est une construction sociale; par conséquent, si on élimine les obstacles sociaux, on élimine la discrimination, ce qui suppose que la discrimination peut être tout à fait remédiable.
    Qu'est‑ce qu'une incapacité, demandons-nous? Est‑ce une condition physique ou mentale qui rend une personne admissible à une mort donnée médicalement ou est‑ce une construction sociale remédiable?
    En analysant l'admissibilité à l'AMM, les gens qui font l'évaluation doivent considérer l'AMM comme plus qu'une décision extrême strictement médicale et la mettre en équilibre avec les normes établies en matière de droits de la personne. Je parle ici des droits de la personne qui impliquent que, s'il est possible de mettre fin aux souffrances en changeant la condition socioéconomique, c'est qu'il s'agit donc, en fait, d'une condition qui n'est pas irrémédiable.
    Je dirais que les infirmières, les infirmières praticiennes et les médecins n'ont pas l'expertise voulue. Dans le cas de gens comme moi, de gens qui vivent une vie autonome, vous devez nous considérer comme une communauté, une communauté qui parle de vie autonome, qui est capable de le faire et de parler de l'importance du fait qu'il est possible de remédier à l'incapacité, à cette construction sociale. Le terme « remédier » acquerra alors tout son poids et tout son sens. Cela introduira aussi un facteur important dans la relation médecin-patient, en ceci que, si le médecin, après analyse approfondie, constate que la condition est remédiable pour peu que la discrimination soit éliminée, il en conclura que le patient ne serait pas admissible à l'AMM.
(1955)
    Nous ne devrions pas nous précipiter pour fournir l'AMM. Nous ne le faisons pas pour donner la mort dans aucun autre contexte juridique. Bien sûr, il faut y accorder le même respect, la même considération et la même démarche analytique. Le temps ne me permet pas d'en dire beaucoup plus, mais je tiens à répéter que les règlements doivent prévoir une analyse des droits de la personne.
    Je recommande également que l'accès à l'AMM doit éviter de servir à faciliter le suicide des personnes qui souffrent d'un trouble mental ou d'une faiblesse attribuable à l'anxiété, à la dépression ou à la vulnérabilité.
    De plus, il devrait y avoir un organisme indépendant de surveillance réglementée de l'AMM qui aurait à présenter au ministre et au public des rapports annuels comprenant des analyses approfondies.
    En dernier lieu, l'AMM ne devrait pas être utilisée pour cibler une population ou une communauté, surtout une communauté en quête d'équité. Ce serait impensable pour tout autre groupe ou population au Canada. Elle tomberait également en discrédit, et il faudrait l'appeler par son nom — le capacitisme au Canada —, si elle s'appliquait de façon pernicieuse aux personnes handicapées.
    Merci de votre attention.
(2000)
    Merci, monsieur Shannon.
    Nous passons maintenant aux questions. Je cède ma place à la coprésidente, la sénatrice Martin.
    Je remercie tous nos témoins d'aujourd'hui de leurs témoignages.
    Nous allons commencer le premier tour de questions.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Docteure Ethans, vous avez parlé du consentement éclairé dans le contexte des personnes qui reçoivent un diagnostic d'incapacité neurologique grave. Pouvez-vous nous parler un peu de vos recherches sur le consentement éclairé? Deuxièmement, vous avez dit dans votre témoignage que dans de tels cas, la période d'attente de 90 jours, la période de réflexion, prévue pour les cas dans la deuxième voie, n'est pas appropriée. Cependant, vous avez ajouté que, pour composer avec son incapacité nouvelle et comprendre ce à quoi ressemblera sa vie, des années peuvent être nécessaires au patient.
    Si ce n'est pas 90 jours, quel serait donc le délai approprié et quels seraient les paramètres à cet égard?
    C'est une bonne question, et personne n'a la réponse exacte.
    L'étude que nous avons menée et celle que mes collègues de la Saskatchewan ont publiée cette année sont très semblables. Les questions que mes collègues de la Saskatchewan ont posées aux personnes handicapées... Comme nous l'avons entendu aujourd'hui, les experts sont les personnes handicapées elles-mêmes. Les personnes que nous avons interrogées sont les experts. Je ne le suis pas.
    Pour les collègues de la Saskatchewan, c'était la même chose. Ils ont interrogé des personnes atteintes de lésions médullaires et de lésions médullaires chroniques. Nous avons obtenu diverses réponses, allant d'une à cinq années. Un membre du groupe de la Saskatchewan a même dit 10 ans.
    Nous savons que cela peut prendre des années. Nous n'avons pas de définition précise de la durée. L'étude dont je vous ai parlé, sur les accidents cérébrovasculaires et autres incapacités neurologiques, a montré que c'était deux années. Nous savons que les taux de suicide associés aux lésions médullaires chutent de façon marquée après sept ans.
    Les experts — c'est‑à‑dire les personnes que nous et les gens de la Saskatchewan avons interrogées, les personnes qui avaient vécu cette expérience — ont tous dit qu'offrir l'AMM avant d'avoir eu la possibilité réintégrer la collectivité... Ils ne peuvent prendre une décision éclairée tant qu'ils n'ont pas eu cette possibilité.
    Une dame avec qui je travaille a une lésion médullaire au niveau supérieur. Elle est phénoménale. Elle a un doctorat et est mère de trois enfants. Elle dirige un département universitaire. C'est une athlète paralympique. Elle a dit qu'il lui a fallu cinq ans avant de prendre conscience qu'elle était heureuse d'être en vie, et elle juge que sa qualité de vie est excellente.
    Comment déterminer la période d'attente? Je ne sais pas, mais, selon les personnes interrogées, elle pourrait aller d'une à 10 années.
(2005)
    Recommanderiez-vous au gouvernement d'envisager de modifier la loi ou, à tout le moins, d'explorer la possibilité de la modifier, pour tenir compte des cas de ce genre?
    Encore une fois, si vous faites une telle recommandation, à quoi cela ressemblerait‑il? Vous parlez de lésions médullaires, mais où tracez-vous la ligne?
    Comment établissez-vous une autre voie?
    Il pourrait s'agir d'une condition grave nouvelle... n'importe quel problème médical, à vrai dire, qui amène les gens à dire qu'ils ne veulent pas vivre ainsi.
    Comme je l'ai déjà dit, beaucoup de patients qui se retrouvent dans une telle situation ont cette idée préconçue que beaucoup d'entre nous auraient si nous n'avions pas travaillé avec cette population, soit que de vivre avec une incapacité grave ne vaut pas la peine. Les gens doivent passer outre. Il faut qu'ils puissent vivre cette expérience et avoir la possibilité d'aller à l'université, ou faire autre chose, peu importe, s'ils en éprouvent le besoin.
    Nous avons parlé de nombreux problèmes liés à l'absence de ressources sociales, comme le logement, les services psychologiques et tout le reste. Cependant, nous devons nous assurer que les gens ont vécu une expérience de vie réelle avec leurs nouvelles déficiences et incapacités avant de pouvoir l'évaluer.
    Merci beaucoup, docteure Ethans.
    C'est maintenant au tour de M. Arseneault, pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur témoignage sur cette difficile question de l'aide médicale à mourir et des mesures de sauvegarde.
    J'ai eu la chance, avec mon collègue M. Michael Cooper, d'avoir été membre du premier Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, en 2015‑2016.
    Nous avons alors entendu plusieurs témoins, et l'un d'eux m'a beaucoup marqué. Il s'agit d'un ancien député et ministre fédéral, également ancien député provincial: M. Steven Fletcher.
    Comme vous le savez probablement, M. Fletcher était lourdement handicapé. Carriériste et ayant eu une carrière incroyable, il nous avait dit qu'il n'était pas suicidaire, mais que le jour où il en aurait assez de sa condition irréversible, il n'accepterait pas que quiconque lui fasse la morale.
    Il avait cité un poète anglais:

[Traduction]

« Je suis maître de mon destin; je suis capitaine de mon âme. »

[Français]

    Si je mets cela dans le contexte de la décision Carter, il est indéniable que la décision de recourir à l'aide médicale à mourir doit provenir de la personne concernée, et non des autres.
    Je dresse ainsi le tableau pour les questions que je poserai aux témoins.
    Monsieur Shannon, j'aimerais entendre vos commentaires sur la position centrale qu'occupe la personne qui demande l'aide médicale à mourir et sur les mesures de sauvegarde.
    En respectant l'état d'une personne et sa demande profonde, en sachant qu'elle est saine d'esprit, croyez-vous qu'il y a d'autres mesures de sauvegarde que nous devrions mettre en place?
    Je vous demande cela en espérant recevoir une courte réponse d'au plus une minute, car j'aimerais aussi poser des questions à d'autres témoins.

[Traduction]

    Je suis heureux que vous ayez évoqué M. Fletcher, un honnête homme que j'appelle un ami, une personne qui a embrassé la vie en la vivant pleinement. Au début de mon intervention, j'ai fait mention de la toute fin de la vie, puisque la décision Carter portait sur des questions de fin de vie, mais je ne crois pas que la discussion de ce soir porte sur ces questions.
    Je parlais de gens à qui il reste longtemps à vivre. En ce qui concerne les mesures de sauvegarde, ce qui importe, c'est de se demander si la souffrance résulte des conditions sociales de la personne en cause. Si c'est le cas, un médecin ne devrait pas être obligé de fournir l'AMM. Il faut examiner les conditions sociales.
    La question est tranchée dans le Code criminel. Si la condition est remédiable, l'AMM ne devrait pas être donnée. Voilà les mesures de protection. Si elle est remédiable, il doit y avoir une relation de réciprocité et il faut remédier à la condition.
(2010)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Shannon. Vous avez été très précis.
    Madame Ethans, vous avez parlé du cas d'un jeune patient que vous traitez. Un de vos collègues avait suggéré de le débrancher du respirateur parce qu'il aurait une vie impossible, une vie extrêmement difficile.
    Parliez-vous d'un processus de demande d'aide médicale à mourir lorsque cela s'est fait?

[Traduction]

    Non. Merci de poser la question.
    Je devrais préciser. Je voulais vous montrer que...

[Français]

    Excusez-moi, madame Ethans, mais j'ai très peu de temps.
    La question que je vous pose concerne l'exemple dont vous nous avez parlé.
    S'agissait-il d'un processus de demande d'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    La question qui me vient est celle-ci: est-ce que vous-même ou vos collègues, qui connaissiez le médecin ayant fait cette suggestion incroyable, avez déposé des plaintes en vertu de votre code de déontologie?

[Traduction]

    Non. Ce n'était pas une affaire de code de déontologie. Les médecins aux soins intensifs doivent prendre des décisions de counselling avec les patients tous les jours. Ils doivent aider les patients et les membres de leur famille à comprendre ce qu'il vaut la peine de garder...

[Français]

    D'accord. Merci, madame Ethans.
    J'ai peu de temps. Je voudrais poser une question à Mme Brittain.
    Madame Brittain...

[Traduction]

    Désolée de vous interrompre. Il reste environ 20 secondes.
    Madame Brittain, y a‑t‑il des mesures de sauvegarde lorsque le patient est au centre de la décision de demander l'AMM? Y a‑t‑il des mesures de sauvegarde que nous devrions mettre en place pour les personnes lourdement handicapées?
    Je pense que la seule sauvegarde nécessaire est de les informer de toutes les options afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées. Sans connaissance, sans compréhension et sans éducation, ils ne savent pas tout. Ils en ont besoin pour faire un choix éclairé, celui qui leur convient le mieux.
     Merci beaucoup.

[Français]

     Je remercie tous les témoins.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Thériault.
    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence. Je ne sais pas si je serai en mesure de poser des questions à tous les invités, mais j'ai beaucoup aimé leurs témoignages.
    Je m'adresserai d'abord à Mme Ethans.
    Si j'étais âgé de 25 ans et que j'étais victime d'une lésion médullaire, je serais rassuré de vous avoir comme médecin. Vous dites par exemple qu'il n'appartient qu'au patient de décider de sa qualité de vie. Vous parlez aussi de toute cette période d'adaptation.
    Ne croyez-vous pas que tout cela fait partie de ce qu'on pourrait appeler les bonnes pratiques médicales pour gérer les cas de lésion médullaire? Êtes-vous d'accord pour dire qu'une pratique qui irait à l'encontre de ce que vous nous avez décrit serait discutable du point de vue déontologique?

[Traduction]

    Merci.
    Je parle en tant que physiatre, ou spécialiste en médecine physique et en réadaptation. Il y a beaucoup de gens qui, comme moi, s'occupent de lésions médullaires dans un centre de réadaptation et qui auraient la même optique que moi. Or, ce sont les professionnels de la santé en soins actifs qui ont des idées préconçues. Je crois que c'est parce qu'ils n'ont pas eu l'occasion de s'occuper des personnes ayant une incapacité chronique grave qui vivent dans la collectivité.
    Il y a des études qui montrent que, quand on demande aux médecins d'évaluer la qualité de vie des gens, ils donnent une note assez basse à la qualité de vie des personnes handicapées. C'est le cas des médecins généralistes. Lorsque je parle de mes collègues, c'est leur travail: ils s'occupent de personnes handicapées. Mais si vous demandez aux patients ou aux personnes handicapées, surtout ceux ayant des lésions médullaires, quelle est leur qualité de vie, ils la jugent très élevée.

[Français]

    Il est certain que des gens de tous les milieux de vie doivent être éduqués. Vous me dites que cela devrait effectivement être l'objet d'une bonne pratique médicale. Il y a des gens qui ne sont pas des spécialistes dans votre domaine et qui peuvent être habités par certains préjugés. Cependant, ce ne sont pas eux qui auront un jour à évaluer votre patient qui demande l'aide médicale à mourir après avoir vécu l'ensemble des interventions et qui n'est pas dans un état suicidaire. Tous les gens qui ont comparu devant nous nous ont bien indiqué que, dans tous les cas de figure, l'état suicidaire excluait totalement tous les patients de l'aide médicale à mourir. C'est important de le répéter.
    Monsieur Shannon, vous considérez-vous comme une personne vulnérable?
(2015)

[Traduction]

    Voilà maintenant 41 ans que j'ai eu mon accident. Je peux parler des deux premières années. J'étais très vulnérable. Je n'avais que 18 ans, j'entrais à l'université, puis je n'y étais plus. J'avais perdu ma place et mon identité.
    Je suis retourné à l'université plus tard. J'ai des amis, j'ai une carrière. J'ai des choses qui m'auraient peut-être échappé si l'AMM avait été une option à l'époque. Si j'avais choisi l'AMM dans l'un de ces moments critiques, ç'aurait été une vie éteinte. Je suis très heureux de n'avoir pas eu cette option.
    Je salue l'estimable collègue qui, il y a quelques minutes, a cité un poète. Cela m'a fait penser à quelques vers de Dylan Thomas:
    

N'entrez pas paisiblement dans cette douce nuit.
[...]
Ragez, ragez contre la mort de la lumière.

    Je pense que c'est devenu ma devise personnelle.

[Français]

    Je vous remercie.
    Croyez-vous vraiment que, avec de bonnes pratiques médicales, les intervenants auprès de vous vous auraient fait cette proposition si cela avait été une option? Vous aviez 18 ans. Croyez-vous qu'on vous ferait cette proposition plutôt que de voir tous les exemples de gens qui ont vécu une vie pleine et entière depuis vos 18 ans? Je ne sais pas cela fait combien de printemps.
    Il y a des exemples flagrants. Mme Gladu était une femme gravement handicapée, mais elle a vécu une vie pleine et entière. Elle a dû se rendre en Cour suprême pour faire valoir sa volonté. À partir du moment où on remet le critère de mort prévisible, ce sont tous ces gens qu'on va exclure.
    N'est-ce pas de la discrimination?

[Traduction]

    Soyez concis, monsieur Shannon.
    Je ne parle pas de réintroduire le critère de la mort raisonnablement prévisible dans la loi. Il a été supprimé. Telle est la loi actuelle. Ce que je dis, c'est que, si l'on peut remédier à une souffrance, si elle est attribuable à l'État, c'est alors à l'État de l'éliminer.
    Notre dernier intervenant est M. MacGregor, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Merci à nos témoins.
    Docteure Ethans, j'aimerais commencer par vous. Votre déclaration liminaire m'a rappelé un ami d'école secondaire qui était un joueur de soccer extraordinaire. Nous étions coéquipiers. Il a été victime d'un terrible accident de la route et a traversé des journées assez sombres. Aujourd'hui, il est un avocat remarquablement prospère et père de famille. C'est une observation personnelle que je fais concernant une personne qui a traversé des moments très sombres et qui a su s'adapter à des circonstances qui ont bouleversé sa vie.
    Je vais peut-être vous accorder une certaine latitude dans ce que vous voudrez exprimer. Il est vrai que le Comité se penche sur cinq grands thèmes, mais je pense qu'il a aussi une certaine latitude quant au genre de recommandations qu'il peut formuler.
    En ce qui concerne votre domaine de spécialité, lorsque nous examinerons les mesures de soutien pour les personnes ayant des lésions médullaires, y a‑t‑il des recommandations précises sur lesquelles le Comité devrait se concentrer quant aux mesures de soutien nécessaires pour aider les gens à réaliser leur plein potentiel plus tard?
    Merci.
    Il y a une chose qui manque dans mon programme, et je pense que c'est le cas un peu partout au Canada: c'est le soutien psychologique. Vous pouvez imaginer ce que la personne dont vous venez de parler a vécu pendant ses jours sombres. Dans le cadre de notre étude, nous avons entendu la même chose. Les gens que j'ai interrogés avaient bénéficié de très peu de soutien psychologique pendant ces moments sombres.
    Je ne parle pas seulement de la réadaptation ou des soins actifs. Nous devons offrir un soutien psychologique et social aux gens dans la collectivité. Nous devons être en mesure de fournir des logements, des logements accessibles où les gens peuvent recevoir des soins, comme nous l'avons entendu. Nous avons besoin d'accroître les soins à domicile afin de garder les gens dans la collectivité. Pour certains de mes jeunes patients, la situation ressemble à celle qui a été décrite à la dernière séance au sujet des foyers de soins personnels. Certains de mes jeunes patients vivent dans des foyers de soins personnels parce qu'il n'y a pas suffisamment de soutien pour eux dans la collectivité.
    Nous devons aussi mieux faire au chapitre de la gestion de la douleur. Les listes d'attente des cliniques de traitement de la douleur sont très longues. Parfois, la douleur ne peut tout simplement pas être bien gérée, mais nous devons vraiment tenter de la gérer de façon énergique.
(2020)
    Je vous remercie de cette réponse.
    Madame Brittain, je m'adresse à vous. J'ai été heureux d'entendre le point de vue que vous avez exprimé dans votre déclaration liminaire. Vous avez vraiment mis l'accent sur l'autonomie de la personne et sur sa capacité d'exercer le choix qui lui appartient. Qu'il s'agisse de sédation palliative, d'ordonnance de non-réanimation ou de refus de nouvelles interventions médicales, ce sont toutes, d'une certaine façon, des formes différentes d'aide médicale à mourir.
    Lorsque nous examinions la question de la protection des personnes handicapées, nous avons souvent buté sur le thème de l'autonomie d'une personne qui est limitée par les conditions sociales dans lesquelles elle se trouve — pauvreté extrême, absence de soutien économique, manque de logement — et sur celui de la nécessité de lui procurer les moyens lui permettant de vivre dans la dignité avant d'être réellement en mesure de prendre la décision de mourir dans la dignité.
    Je vais aussi vous accorder une certaine latitude au cas où vous voudriez ajouter quelque chose que vous souhaitez voir dans le rapport que le Comité déposera en février prochain.
    Je pense que ce qui est d'importance cruciale ici, ce sont les droits individuels.
    Je reconnais qu'il y a des gens qui vivent des situations pénibles. Cependant, au cours des cinq dernières années et demie, de nombreuses personnes — des dizaines et des dizaines de personnes de partout au Canada, de la Nouvelle-Zélande et d'Australie — ont communiqué avec moi pour me raconter leurs histoires personnelles. J'ai écrit à leur sujet dans le blogue de Mourir dans la dignité Canada. Tout revient à la même chose: ces gens ne sont pas démunis, ils ont une maison, ils ont les moyens de se procurer toutes les nécessités de la vie. Cependant, il s'agit d'un choix personnel.
    À un moment donné, la qualité de vie se dégrade à tel point que la personne ne veut plus continuer. Voilà le point crucial. C'est à la personne concernée de faire le choix, de décider ce qui est acceptable pour elle. Il ne sert à rien que le médecin lui prédise encore trois ou quatre bonnes années devant elle et lui conseille d'attendre encore quelques années pour voir sa condition s'améliorer. Là n'est pas la question. L'essentiel, c'est comment la personne se sent sur le moment; c'est elle qui a le droit de décider.
    Lorsque ma condition me paraît irrémédiable, j'ai le droit de choisir ce qui est bon pour moi.
    Merci, madame Brittain.
    Et je peux vous dire que...
    Madame Brittain, merci beaucoup. Nous avons dépassé le temps alloué.
    Je pourrais continuer toute la soirée. Je m’excuse.
    Non. Vous n’avez pas à vous excuser. Ce sont les contraintes de temps qui sont à blâmer.
    Monsieur le coprésident, je vous cède ma place pour la série de questions des sénateurs.

[Français]

     D'abord, la sénatrice Mégie a la parole pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Ma question s'adresse à la Dre Ethans.
     Docteure Ethans, je reprends ce que M. Thériault vous a dit. C'est classique, tous les témoins experts dans le domaine nous ont dit que, lorsqu'il y a dépression, crise aigüe ou état suicidaire, on ne parle pas d'aide médicale à mourir. C'est le cas de vos patients en début de consultation, en centre de réadaptation.
    En revanche, moi, je les recevais après leur réadaptation, pour qu'ils continuent de vivre dans leur milieu. Beaucoup d'entre eux voulaient vivre. Cependant, il y en a qui, après plusieurs années, peuvent trouver que la vie est dure, que c'est difficile de vivre pour toutes sortes de raisons. À un certain moment, ils peuvent trouver leur situation intolérable.
    Jugez-vous qu'ils sont en mesure de demander l'aide médicale à mourir? Faites-vous confiance aux professionnels qui les prennent en charge et qui les évaluent pour décider si, vraiment, une personne répond à tous les critères, dont la souffrance intolérable, etc.?
(2025)

[Traduction]

    Il y a deux ou trois éléments ici.
    Quand une personne a vécu dans la collectivité et qu’elle a vécu sa vie avec une lésion médullaire... J’ai parlé à des patients, dont certains des miens qui ont demandé l’AMM. Certains se sont qualifiés, mais ont mis cette option en veilleuse. Ils veulent simplement l’avoir en réserve, au cas où.
    L’un d’eux vit avec une lésion médullaire depuis plus de 50 ans. Il est quadriplégique. Il veut tenir cette option en réserve, au cas où il déciderait à un moment donné qu’il n’en peut plus de vivre. Il est certainement capable de prendre une décision indépendante et éclairée. Il vit avec cette incapacité depuis de nombreuses années. Il le sait mieux que quiconque.
    Pour ce qui est de la confiance que je fais aux gens... Dans ma province, le médecin responsable de l’AMM est excellent. Je lui fais confiance pour... Je lui ai parlé de tout cela et du fait que les gens, au début, avant de se rendre compte de ce que c’est que de vivre avec une incapacité, ne sont pas en mesure de faire un choix éclairé. Elle est d’accord avec moi. Je suis heureuse qu’elle soit dans ma province et de pouvoir lui faire confiance.
    Est‑ce que cela répond à votre question?

[Français]

    Oui, je vous remercie.
    Merci, sénatrice Mégie.

[Traduction]

    Merci, docteure Ethans.
    Nous passons maintenant au sénateur Kutcher, pour trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    J’ai quelques questions. La première s’adresse à la Dre Ethans, puis j’en aurai une pour Mme Brittain.
    Docteure Ethans, vous avez souligné l’importance d’avoir des évaluateurs de l’AMM hautement qualifiés. Vous venez de mentionner une personne de votre province qui est très bien formée et qui comprend les enjeux dont vous avez parlé.
    Je suis sûr que vous êtes au courant du programme de formation en cours d’élaboration et d’agrément par le Collège royal des médecins et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Ce ne sont pas toutes les personnes qui demandent l’AMM qui l’obtiennent. Le point crucial ici, c’est donc l’évaluation et la qualité de l’évaluation.
    Seriez-vous d’accord pour dire que, si les évaluateurs de l’AMM sont bien formés pour évaluer une personne atteinte d’une lésion médullaire, comme la personne dont vous avez parlé, ils seraient également en mesure d’effectuer une évaluation adéquate et approfondie des problèmes?
    C’est simplement une affaire de contrôle de l’évaluation, et je ne peux pas dire que tout le monde... Si on demande à quelqu’un d’évaluer un patient qui demande l’AMM dans les premiers mois qui suivent la lésion médullaire, même s’il a suivi la formation, je ne sais pas... Comme l’a dit David Shannon...
    Désolé de vous interrompre. Nous n’avons que trois minutes.
    À votre connaissance, combien de personnes atteintes d’une lésion médullaire ont obtenu l’AMM dans les 90 jours suivant leur blessure?
    Dans ma province, je n’en connais aucune, mais je suis au courant d’un cas dans une autre province...
    Je m’excuse de nouveau, mais mon temps est limité.
    Madame Brittain, ce ne sont pas toutes les personnes handicapées qui ont de la difficulté à obtenir les services dont elles ont besoin. C’est le cas de certains, mais pas de tous. Certains sont très à l’aise financièrement.
    Les personnes handicapées devraient-elles se voir refuser l’accès à l’AMM simplement parce qu’elles sont handicapées?
    Non, en aucun cas...
    On s’attendrait à ce qu’il y ait des circonstances dans lesquelles les personnes handicapées devraient avoir accès à l’AMM.
    Je pense que quiconque a une incapacité physique a le droit d’avoir accès à l’AMM. Je m’excuse, mais je ne comprends pas la question.
    Des préoccupations ont été exprimées devant le fait que les personnes handicapées qui n’ont pas de logement et d’accès à d’autres services de soutien peuvent parfois sentir qu’elles n’ont rien d’autre à faire, faute de pouvoir obtenir ces services, que de demander l’AMM, alors qu’il y a des personnes handicapées qui, étant financièrement à l’aise, ne se retrouvent pas dans une telle situation.
    Pensez-vous que les gens de ce deuxième groupe devraient se voir refuser l’AMM?
(2030)
    Non, pas du tout. Je pense qu’il importe de comprendre qu’on ne se réveille pas un bon matin en décidant de demander l’AMM. On y réfléchit longtemps, et cette réflexion dure des semaines, des mois, des années. Il ne s’agit pas d’une décision impromptue. Je suis d’avis que tous ceux, handicapés physiquement ou non, qui sont en position de faire ce choix et qui souhaitent le faire pour eux-mêmes devraient en avoir le droit.
    Merci beaucoup.
    Merci. La parole est maintenant au sénateur Dalphond, pour trois minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci aux témoins.
     Ma question s’adresse à la Dre Ethans. Dans un article paru dans le National Post plus tôt cette année, vous écriviez que les patients qui subissent une lésion médullaire reçoivent des conseils les incitant à choisir de mourir, mais sans savoir quelle sera leur qualité de vie après six mois.
    Je suppose que vous avez affirmé cela en vous fondant sur votre expérience. À combien de patients a‑t‑on conseillé de choisir la mort? Dans le cas des patients dans cette situation qui vous sont confiés, je suppose que vous leur expliquez qu’une certaine qualité de vie est possible après six mois ou un an.
    Je ne saurais vous dire le nombre de patients. Encore une fois, la question concerne davantage ceux qui interviennent très tôt, les médecins des soins intensifs qui doivent conseiller les patients — encore une fois, pas seulement les personnes récemment atteintes d’une incapacité grave, mais dans tous les cas — pour déterminer s’ils devraient poursuivre leur traitement vigoureux ou l’abandonner.
    Quand j’ai mentionné les conseils incitant à choisir de mourir, c’est de cela que je parlais. Comme je l’ai dit, je n’ai personnellement vu aucun patient qui aurait reçu des conseils au sujet de l’AMM au cours des quelques premiers mois.
    Mais vous faisiez allusion à des collègues qui diront à ces personnes qu’elles devraient envisager de choisir de mourir. Cependant, ces médecins ne sont pas des évaluateurs, ils ne participent pas à l’évaluation si la personne décide de demander l’AMM, n’est‑ce pas?
    Non, ce sont les...
    Connaissez-vous le...
    Les évaluateurs de l’AMM ne conseillent pas aux gens de choisir de mourir. Ils leur donnent des conseils sur...
    Vous parlez de certains collègues qui pratiquent dans les mêmes hôpitaux que vous, par exemple.
    Comme je le disais, je parle des soins actifs administrés très tôt.
    Ces gens sont tenus de donner des conseils... Tous les jours, ils ont à conseiller les patients sur ces sujets, et pas seulement sur...
    S’ils conseillent à un patient de choisir de mourir, qu’est‑ce que cela signifie? Qu’on lui conseille de demander l’AMM?
    Non, comme nous l’a expliqué l’autre témoin, il y a de nombreuses façons de choisir de mourir, l’une d’elles étant de refuser le traitement. Dans les unités de soins intensifs, les médecins doivent constamment conseiller les patients afin de savoir s’ils doivent poursuivre des traitements vigoureux ou faire marche arrière et, pour tout dire, débrancher le ventilateur.
    Merci.
    Je pense que c’est très important. Je crois que vous avez également dit que l’AMM consistait à injecter un sérum mortel. Si tel est le cas, il ne s’agit pas d’une question portant sur l’AMM, mais sur la relation entre le patient aux soins intensifs et les médecins.
    Merci.
    Si vous souhaitez répondre, docteure Ethans, je vous prie d’être très concise.
    J’allais simplement dire que ce sont les perspectives qui sont communiquées aux patients recevant des soins actifs et qui colorent l’idée qu’ils se font de la valeur de leur vie. Si ce n’est pas la perspective appropriée, du fait que ceux qui en sont la source ne savent pas quelle sera la qualité de vie du patient dans cinq ans, il s’agit alors, comme je l’ai dit, d’une idée préconçue qui conditionne comment le patient considère sa blessure. Ses fournisseurs de soins de santé en sont affectés, comme le sont souvent ses proches, et cela suffit à leur donner l’impression que le patient se sent de plus en plus enclin à choisir de mourir.
    Nous avons entendu que beaucoup de personnes souhaitent la mort dans les premières années qui suivent leur blessure. Ce que je cherchais à expliquer, c’est qu’il y a d’autres raisons pour lesquelles beaucoup de ces patients souhaitent mourir. Ils ont le sentiment d’être dévalorisés du fait qu’ils sont désormais atteints d’une incapacité grave, justement parce que ce sentiment concorde avec leur idée préconçue.
(2035)
    Merci, docteure.
    Nous passons maintenant à la sénatrice Martin, pour trois minutes.
    Je tiens tout d’abord à remercier nos témoins.
    Ma question s’adresse à M. Shannon.
    Dans votre témoignage, vous avez dit que l’alinéa 241.2(1)c) précise qu’une personne est admissible à l’AMM en raison de problèmes de santé graves et irrémédiables. Vous avez ajouté: « La législation canadienne des droits de la personne, de même que la Cour suprême, affirment que les conditions physiques et mentales sont des effets personnels qui doivent être protégés contre les violations des droits de la personne au même titre que la race, le sexe, le genre, la religion et de nombreux autres motifs de discrimination. »
    J’aimerais que vous développiez davantage ce point que vous avez soulevé dans votre témoignage.
    Merci.
    Votre question nous amène au point que voici. Bien que je ne sois pas grand connaisseur du droit néerlandais ou belge, je traite de l’importance d’établir une relation de réciprocité entre le médecin et le patient qui pourrait avoir une question au sujet de l’AMM.
    L’analyse faite à la suite de l’évaluation doit être réfléchie. La question de la remédiation ne doit pas se limiter à discuter de lésions médullaires, ce dont je suis atteint. Le problème de santé est‑il grave et irrémédiable ou est‑ce quelque chose comme l’après-ACV?
    Il s’agit aussi de savoir, par exemple, si la personne dispose d’un appartement chauffé en hiver, si elle peut obtenir des soins à domicile, si elle a accès aux services de soutien à la personne?
    Il s’agit de questions fondamentales qui concernent les nécessités de la vie. De plus, ce sont des questions qu’il est essentiel de poser. S’il en résulte que telle personne n’a besoin de rien d’autre qu’un petit appartement chauffé, je dirais qu’elle ne devrait pas être admissible à l’AMM.
    Ce qui est vraiment affligeant de nos jours au Canada, c’est que des gens obtiennent l’AMM parce qu’ils sont mécontents de leurs conditions de vie, plutôt qu’en raison de leur état de santé. Cela va à l’encontre des valeurs canadiennes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Le temps prévu pour le deuxième groupe de témoins est écoulé.
    Je remercie nos témoins de ce soir, Mme Brittain, Dre Ethans et M. Shannon. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir exprimé vos points de vue et, bien sûr, d’avoir répondu à nos questions. Le Comité cherche à obtenir des éclaircissements en vue de pouvoir prendre des décisions judicieuses dans ce dossier de la plus haute importance. Vos témoignages revêtent une grande valeur à nos yeux. Merci beaucoup de nous avoir accordé de votre temps.
    Sur ce, je donne congé aux témoins.
    La séance est levée.
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