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LANG Rapport du Comité

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AIR CANADA : LES BONNES INTENTIONS NE SUFFISENT PAS!

INTRODUCTION

        L’article 88 de la Loi sur les langues officielles énonce le mandat du Comité mixte permanent des langues officielles (ci-après appelé le Comité) :

Le Parlement désigne ou constitue un comité, soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, chargé spécialement de suivre l’application de la présente loi, des règlements et instructions en découlant, ainsi que la mise en œuvre des rapports du commissaire, du président du Conseil du Trésor et du ministre du Patrimoine canadien.

        Conformément à ce mandat, le Comité a entrepris, en mai 2001, une étude sur les services dans les deux langues officielles offerts par Air Canada. Un rapport intérimaire a été soumis au Sénat et à la Chambre des communes en juin 2001. Le Comité a poursuivi son étude sur Air Canada à la reprise des travaux parlementaires à l’automne en vue de soumettre au Parlement un rapport final sur la question. (La liste des témoins figure à l’annexe A.)

        La première partie de ce rapport présente un survol de l’évolution de la Société Air Canada. La deuxième partie consiste en un rappel historique de la persistance de la non-application de la Loi sur les langues officielles par Air Canada. La troisième partie expose les obligations linguistiques d’Air Canada à l’égard de ses propres activités et celles qui lui incombent à l’égard des activités de ses filiales. La quatrième partie rend compte des témoignages entendus durant la session d’automne. Dans la cinquième partie, le Comité présente ses observations et formule ses recommandations en vue de contribuer à ce qu’Air Canada respecte pleinement ses obligations linguistiques, et ce, dans les meilleurs délais. Dans la dernière partie, le Comité soumet au gouvernement quelques questions qui ont surgi au cours de ses travaux.

 

AIR CANADA : UNE SOCIÉTÉ EN ÉVOLUTION


        A.    De société d’État à société privatisée

        En tant que société d’État, Air Canada a été assujettie d’abord à la Loi sur les langues officielles de 1969, puis à celle de 1988. La Société a été privatisée le 18 août 1988 par l’entrée en vigueur de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada. Le Parlement a voulu s’assurer qu’après sa privatisation, Air Canada continue d’être assujettie aux mêmes obligations linguistiques et, pour ce faire, a adopté l’article 10 qui précise : « La Loi sur les langues officielles s’applique à la société ».

            B. L’acquisition des transporteurs régionaux et la restructuration de l’industrie aérienne
                        au Canada

 

        Depuis sa privatisation, Air Canada s’est portée acquéreur de plusieurs transporteurs régionaux. Une restructuration majeure de l’industrie aérienne au Canada s’est ouverte avec l’annonce, le 21 décembre 1999, que le gouvernement du Canada était prêt à approuver l’achat des Lignes aériennes Canadien par Air Canada. L’achat a eu lieu et, le 1er janvier 2001, les Lignes aériennes Canadien International Limitée et les Lignes aériennes Canadien Régional Limitée deviennent des filiales à part entière d’Air Canada. Les anciennes filiales d’Air Canada (Air BC, Air Ontario et Air Nova), fusionnées avec les Lignes aériennes Canadien Régional Ltée, sont maintenant connues sous la raison sociale Air Canada Régional Inc.

        C. La révision de la législation

        La restructuration de l’industrie aérienne a amené le gouvernement à revoir sa législation en raison du quasi-monopole d’Air Canada dans ce secteur d’activités. Dans le cadre du processus législatif entourant cette révision, la Commissaire aux langues officielles est intervenue auprès d’Air Canada, du ministre des Transports, du Comité permanent des Transports de la Chambre des communes et du Comité sénatorial des Transports afin de souligner l’importance de protéger le droit du public d’être servi dans l’une ou l’autre langue officielle par les transporteurs aériens.

        Le 5 juillet 2000, par l’entrée en vigueur de l’article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, modifié par le projet de loi C-26 : Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence, le Parlement clarifiait les obligations linguistiques d’Air Canada et de ses filiales. Les dispositions du nouvel article 10 confirment que l’ensemble de la Loi sur les langues officielles s’applique toujours à la Société et spécifient les obligations linguistiques applicables à ses filiales. Lorsque la Société détient plus de 50 p. 100 des actions d’une filiale, elle doit donc veiller à ce que celle-ci respecte la partie IV de la Loi (communications avec le public et prestation des services) en ce qui a trait aux services aériens, y compris les services connexes. Les parties VIII, IX et X de la Loi relatives aux enquêtes et recours judiciaires sont également applicables dans ce contexte.

RAPPEL HISTORIQUE

        Avant d’exposer les obligations linguistiques d’Air Canada dans le contexte d’aujourd’hui, il nous paraît utile de rappeler certains problèmes que les commissaires aux langues officielles successifs ont identifiés au cours des 30 dernières années comme des obstacles majeurs au plein respect de la Loi sur les langues officielles par Air Canada. Le lecteur ne saurait y voir un recensement exhaustif du rendement linguistique d’Air Canada mais plutôt une mise en évidence de problèmes qui ne sont toujours pas réglés de façon satisfaisante à ce jour.

        A.    Air Canada, société d’État

        Dès son deuxième rapport annuel, le Commissaire Keith Spicer constate que la répétition du même genre de plaintes touchant les services ou les communications avec le public indique clairement que la Société est encore loin de servir son public francophone de façon satisfaisante. Il exhorte la Société à redoubler d’efforts :

Le Commissaire estime qu’Air Canada doit accorder une priorité bien plus grande aux services bilingues, conformément aux dispositions de l’article 10, qui ne comportent aucune limite géographique, et à cause du rôle considérable que joue la compagnie dans la sensibilisation du public à l’image d’un Canada bilingue. Le Commissaire s’attend qu’Air Canada, en s’appuyant largement sur l’étude spéciale que le Bureau a faite au printemps 1972 des orientations adoptées par le siège de la compagnie, fasse de bien plus gros efforts dans le proche avenir pour que ses réalisations soient à la hauteur de la bonne volonté évidente dont font preuve tant la direction que les employés.1

        L’année suivante, le Commissaire présente cette appréciation peu élogieuse :

Du point de vue de la Loi sur les langues officielles, Air Canada n’a pas encore vraiment effectué son décollage. Malgré quelques améliorations récentes et certains projets très prometteurs, les efforts de la société pour se conformer à la Loi sur les langues officielles ont été parcimonieux et sporadiques.2

 

        Le Commissaire ne s’estime pas convaincu par les explications fournies par Air Canada pour justifier l’absence répétée de services en français :

Selon la société, la lenteur manifestée dans la mise en œuvre de plusieurs des recommandations découlant de nos études spéciales et des plaintes que nous avons reçues (notamment en ce qui concerne la prestation automatique de services dans les deux langues officielles sur tout le réseau) serait imputable au manque de collaboration et de motivation des employés et à leur résistance, nonobstant ses efforts en vue de les informer … À ce sujet, on peut dire que si tel était le cas (et rien ne le prouve), il faudrait plutôt jeter le blâme sur le manque d’audace et d’imagination dont a fait preuve la direction. Des consultations plus ouvertes et régulières engagées par celle-ci avec les syndicats au cours des derniers mois, laissent néanmoins entrevoir la possibilité d’un climat de réforme linguistique plus positif et produiront, peut-être, des résultats à long terme qui rendront inutiles des appréciations aussi décourageantes que celles-ci.3

        En 1976, le Commissaire déplore l’attitude négative de la Société et lance un appel au nouveau président d’Air Canada :


[1]     Commissaire aux langues officielles. Deuxième rapport annuel 1971-1972, Information Canada, Ottawa,
          janvier 1973, p. 165.
[2]     Commissaire aux langues officielles. Troisième rapport annuel 1972-1973, Information Canada, Ottawa,
         mars 1974, p. 155-156.
[3]     Commissaire aux langues officielles. Quatrième rapport annuel 1973-1974, Information Canada, Ottawa,
         mars 1975, p. 83-84.

Il n’existe pas un seul problème, technique ou administratif, posé par la réforme linguistique que la Société Air Canada ne pourrait résoudre si son attitude était autre. Malheureusement, elle a abordé la question des langues avec crainte et méfiance et s’est retranchée dans une attitude négative. Il n’est donc pas surprenant que ses employés aient compris que le respect du choix linguistique des passagers ne constituait pas une grande priorité. Cela explique également que le désir légitime de ses propres employés de travailler au moins partiellement dans leur langue officielle d’élection l’ait presque traumatisée.

Le nouveau président d’Air Canada  nous devons le reconnaître en toute honnêteté  a tenté d’opérer bon nombre de changements qui, au cours des sept dernières années, auraient dû relever de l’initiative de la Société ou découler de nos nombreuses pressions. Malheureusement, l’institution qu’il dirige n’est guère bien disposée, dès le départ, à appuyer ses bonnes intentions. Abstraction faite des détails présentés ci-dessous, le président se doit de relever le défi de taille qui consiste à inculquer aux 20 000 employés la notion selon laquelle nos deux langues, loin de représenter un obstacle, sont au contraire un atout dont peuvent s’enorgueillir la plupart des employés et que la Société peut compter parmi ses bénéfices. S’il réussit à atteindre ce but, grâce à une intensive campagne d’information que la Société s’est toujours refusée à entreprendre, les attitudes changeront. Les problèmes linguistiques y sembleront alors à portée d’une solution.4

        En 1978, le Commissaire fait état de la tiédeur de la Société vis-à-vis la Loi sur les langues officielles :

Face à certains problèmes, comme ceux des communications des pilotes et de l’affectation du personnel syndiqué, la Société semble reléguer au second plan la Loi sur les langues officielles en privilégiant, au détriment de celle-ci, certaines règles des conventions collectives ou certaines exigences commerciales. Tout en reconnaissant les besoins commerciaux d’une société comme Air Canada et la nécessité d’avoir des relations harmonieuses avec les syndicats représentant ses employés, le Commissaire ne peut accepter que certaines exigences fondamentales d’un loi aussi importante que celle sur les langues officielles soient subordonnées à des éléments qui n’ont pas force de loi.5

        En 1979, le Commissaire publie des statistiques sur la composition linguistique de l’effectif de la Société :

La proportion de Francophones dans la haute direction est passée à 24,4 p. 100, alors que pour l’ensemble de la société elle se chiffre à 19,4 p. 100. Cependant, elle n’atteint que 15,8 p. 100 chez les cadres et 15,6 p. 100 au niveau du soutien administratif et technique. Les Francophones sont aussi nettement sous-représentés aux opérations aériennes, puisqu’ils n’y fournissent que 10 p. 100 des pilotes et 5 p. 100 des cadres. À la maintenance, ils représentent


[4]     Commissaire aux langues officielles. Sixième rapport annuel 1976, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa,
         mars 1977, p. 63-64.
[5]     Commissaire aux langues officielles. Rapport annuel 1978, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa,
         février 1979, p. 98-99.

          35 p. 100 des syndiqués, mais seulement 15 p. 100 des cadres. Par contre, leur proportion
          se situe autour de 75 p. 100 dans la Région Est, au Québec.
6

        En 1980, le Commissaire constate que la primauté donnée au principe de l’ancienneté dans le choix des postes de travail va à l’encontre des obligations linguistiques de la Société :

La primauté donnée au principe de l’ancienneté dans le choix des postes de travail constitue la pierre d’achoppement de toute action en faveur du bilinguisme, puisqu’elle empêche l’utilisation rationnelle du personnel bilingue. À cet égard, la société a manqué le coche en 1980 lorsqu’elle n’a pas suffisamment profité de la renégociation des conventions collectives de trois de ses principaux groupes d’employés pour acquérir une plus grande latitude dans les affectations du personnel. Elle n’a donc pu donner suite à notre demande de pourvoir tous les équipages desservant un point quelconque du Québec d’un personnel entièrement bilingue.7

        La représentation des francophones au sein de l’effectif de la Société s’établit comme suit en 1986 :

Sur les 21 483 employés que compte la Société, 21,9 p. 100 sont francophones. Bien que ce taux soit identique à celui de l’an dernier, les francophones représentent maintenant 19,1 p. 100 de la catégorie Gestion, comparativement à 18,9 p. 100 en 1985. Des efforts importants devront toutefois être consentis pour accroître la proportion des pilotes de langue française au sein d’Air Canada, qui est, pour l’ensemble du Canada, de 14 p. 100.8

        En 1987, le Commissaire résume son appréciation du rendement linguistique d’Air Canada comme suit :

En 1987, la situation linguistique d’Air Canada est demeurée stationnaire. En matière de service au public, les acquis importants des dernières années se sont généralement maintenus, mais les problèmes de l’offre active de service et de l’attitude de certains employés à l’endroit des passagers désirant être servis en français attendent toujours les solutions appropriées. Par ailleurs, il y a encore du chemin à faire avant que les francophones, même au Québec, puissent en tout temps travailler dans leur langue. De plus, la question du régime linguistique des partenaires commerciaux d’Air Canada réclame une attention immédiate en raison de son effet sur les minorités francophones hors du Québec. Les modifications apportées dernièrement à la gestion du programme des langues

 


[6]     Commissaire aux langues officielles. Rapport annuel 1979, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa,
         avril 1980, p. 100.
[7]     Commissaire aux langues officielles, Rapport annuel 1980, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa,
         mars 1981, p. 101.
[8]    Commissaire aux langues officielles, Rapport annuel 1986, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa,
         mars 1987, p. 84.

officielles devraient cependant entraîner une amélioration du rendement linguistique de la
Société.
9

La même année, le Commissaire fait état des plaintes suivantes visant Air Canada :

Des 174 plaintes reçues à l’endroit d’Air Canada cette année, 154 mettaient en cause la langue de service à la clientèle : le service en vol a fait l’objet de 38 griefs alors que les services au sol en ont généré 89; 27 autres concernaient les services des transporteurs partenaires de la société. Cinq plaintes ont été enregistrées au chapitre de la langue de travail, et une quinzaine touchant l’affichage. Enfin, en plus de ces plaintes en bonne et due forme, nous avons reçu de nombreuses communications signalant la non-parution d’annonces publicitaires dans la presse écrite de langue minoritaire, une question qui semble en voie de se régler.10

        B. Air Canada, société privatisée

        En juillet 1988, le Parlement adopte la nouvelle Loi sur les langues officielles. Le mois suivant Air Canada cesse d’être une société d’État mais la loi qui autorise sa privatisation la soumet néanmoins à la Loi sur les langues officielles. Enfin, la plupart des dispositions du Règlement sur les langues officielles communications avec le public et prestation des services entrent en vigueur en décembre 1992.

        En 1990, le Commissaire Fortier évalue sévèrement le rendement linguistique d’Air Canada :

Le rendement linguistique d’Air Canada ne s’est guère amélioré depuis la privatisation de la Société en 1988. À l’extérieur du Québec, Air Canada ne parvient toujours pas à servir promptement ses clients dans les deux langues officielles et la situation en matière de langue de travail n’a pas progressé ces dernières années. Chaque pouce que nous avons gagné dans ces domaines a nécessité de longs pourparlers avec les représentants d’Air Canada. Cependant, nous espérons que la Société donnera suite à un certain nombre d’améliorations promises pour 1991. Dans l’ensemble, cette année, l’analyse des résultats atteints et le dynamisme dont cet organisme a fait preuve dans la mise en œuvre du programme indiquent que la Loi sur les langues officielles a eu peu d’effet depuis sa promulgation en 1988.11

        Durant les années 90, les commissaires commencent à dénoncer dans leurs rapports annuels la non-collaboration de la Société Air Canada dans le cadre de


[9]       Commissaire aux langues officielles, Rapport annuel 1987, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa,
           mars 1988, p. 84.
[10]     Ibid., p. 87.
[11 ]    Commissaire aux langues officielles. Rapport annuel 1990, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa,
           1991, p. 158.

l’instruction des plaintes. Ils signalent aussi que la Société ne fournit pas de données précises quant à la participation équitable de son effectif entre les francophones et les anglophones. Mais surtout, insatisfaits des suites données à leurs recommandations, les commissaires vont utiliser les pouvoirs que leur confère la partie X de la Loi de 1988, qui porte sur le recours judiciaire, afin de tenter de régler les problèmes systémiques.

        1.   La presse minoritaire

        En septembre 1990, après avoir épuisé tous ses autres recours, le Commissaire Fortier a saisi la Cour fédérale de 11 plaintes concernant le fait qu’Air Canada n’insérait pas ses annonces dans la presse de langue française dans les régions de Winnipeg et de Moncton. Il alléguait que la Société ne respectait pas les exigences minimales de l’article 30 de la Loi qui porte sur l’utilisation des médias francophones et anglophones afin de rejoindre les deux communautés linguistiques au pays. Le Commissaire s’est désisté de ce recours suite à un accord avec la Société qui a mené à la signature d’un protocole d’entente. La Société Air Canada s’engageait à utiliser la presse de langue officielle minoritaire lorsqu’elle a recours à la presse de la majorité, à moins qu’il ne lui soit impossible de le faire. Cependant, au cours de l’acquisition des filiales, la Société Air Canada a transféré la plupart des responsabilités des campagnes de publicité dans les journaux aux transporteurs régionaux. Les manquements à l’article 30 de la Loi ont par le fait même persisté.

        2.    Les services au sol

        Au fil des ans, les commissaires ont insisté sur le fait qu’en acceptant la pratique du libre choix des quarts de travail basé uniquement sur l’ancienneté, la Société Air Canada compromettait trop souvent la mise en œuvre de ses obligations linguistiques à tous les points de services bilingues des aéroports. Malgré tous les énoncés de bonnes intentions d’Air Canada, le Commissaire Goldbloom constatait, en 1996, qu’Air Canada n’avait pas donné suite aux recommandations de ses rapports d’enquêtes portant sur les aéroports de Toronto (Pearson) et Halifax et concluait que le nombre et le type de plaintes démontraient l’existence de problèmes systémiques à ces deux aéroports.

        En septembre 1996, le Commissaire a entrepris deux recours juridiques distincts à la demande des plaignants, en vertu de la partie X de la Loi sur les langues officielles. Les recours traitaient de l’absence de service en français à ces deux aéroports en contravention avec la partie IV de la Loi (notamment les articles 23 et 28). Ils soulevaient également la question de la préséance de la Loi sur le contenu et l’application des dispositions des conventions collectives. Le syndicat des employés d’Air Canada est intervenu dans ces litiges. La Cour fédérale a ordonné la tenue d’une séance de médiation. Cet exercice, dirigé par l’un des protonotaires de la Cour, a réuni les trois parties en cause. La deuxième séance de médiation, le 30 août 2001, a donné lieu à la conclusion d’une entente.

        Le protocole d’entente a été signé par la Commissaire aux langues officielles, le président et chef de la direction d’Air Canada et deux représentants du syndicat des employés, à l’automne 200112. Il détermine les procédures d’enquête à suivre lors de la tenue des prochaines enquêtes concernant les services dans les aéroports et la collaboration qu’Air Canada et le syndicat devront assurer dans le cadre de l’instruction de ces plaintes, ainsi que certaines mesures de mise en œuvre des obligations linguistiques d’Air Canada.

        La Commissaire aux langues officielles a déposé des avis de désistement dans chacun des deux dossiers de Cour, ce qui a mis fin aux deux recours judiciaires intentés en 1996. Étant donné le règlement hors cour intervenu, la Cour fédérale n’aura pas à se prononcer sur la question de la préséance de la Loi sur les dispositions des conventions collectives.

        3.   Les services des transporteurs régionaux

       Il convient de rappeler qu’entre le mois d’octobre 1989 et le mois de février 1995, Air Canada s’est portée acquéreur de 100 p. 100 des actions des sociétés constituant les transporteurs régionaux (Air Nova, Air Ontario et Air BC). Le Commissariat a constaté un effritement des acquis linguistiques des Canadiens, notamment l’absence de services dans les deux langues officielles offerts par les transporteurs régionaux d’Air Canada. En 1997, le Commissaire Goldbloom a déposé devant la Cour fédérale une demande de renvoi afin d’obtenir des précisions sur la question de l’application de la Loi sur les langues officielles aux transporteurs régionaux. Cette démarche était devenue nécessaire étant donné qu’Air Canada soutenait que les transporteurs étaient des entités distinctes non assujetties à la Loi et qu’ils n’agissaient pas non plus comme des tiers pour son compte au sens de l’article 25 de la Loi.

        En raison de ce désaccord, il était impossible pour le Commissaire de mener ses enquêtes sur les plaintes à l’endroit des services au public offerts par les transporteurs régionaux. Seule une décision de la Cour pouvait confirmer l’interprétation du Commissaire des dispositions de la Loi en regard des transporteurs régionaux. L’entrée en vigueur du nouvel article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada a provoqué le désistement de cette demande de renvoi et du recours portant sur les services en vol d’Air Ontario.

 


[12]     Voir le texte à l’annexe B.

 

LES OBLIGATIONS LINGUISTIQUES D’AIR CANADA

        A.    Les obligations linguistiques d’Air Canada pour ses propres activités

        La Société Air Canada est assujettie à l’ensemble de la Loi sur les langues officielles. En matière de service au public, elle a des obligations linguistiques lorsqu’il existe une demande importante ou lorsque la vocation du bureau le justifie (partie IV de la Loi). Le Règlement sur les langues officielles  communications avec le public et prestation de services précise la portée de ces obligations.

        Pour les services en vol, il y a obligation de les fournir dans les deux langues officielles sur les trajets qui répondent aux conditions suivantes : 1) la tête de ligne, une escale ou le terminus est situé dans la région de la capitale nationale, la région métropolitaine de recensement de Montréal ou la ville de Moncton; 2) la tête de ligne et le terminus sont situés dans une même province dont la minorité linguistique représente au moins 5 p. 100 de la population (l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick); 3) le trajet qui relie ces provinces. Sur les autres trajets, les services doivent être offerts dans les deux langues officielles lorsque la demande de services dans la langue officielle de la minorité atteint au moins 5 p. 100 de la demande globale.

        Les services au sol doivent être offerts dans les deux langues officielles aux aéroports qui reçoivent un million de passagers par année ou si la demande de services dans la langue officielle de la minorité atteint au moins 5 p. 100 de la demande globale. Les bureaux qui offrent les services de billetterie et réservations ou de fret dans les villes ou autres localités sont assujettis aux mêmes dispositions du règlement qui s’appliquent aux bureaux qui servent le grand public. Le Conseil du Trésor est chargé de les identifier.

        En ce qui concerne les médias de communication, l’article 30 de la Loi sur les langues officielles (partie IV) exige que la Société ait recours aux médias les plus appropriés afin de rejoindre efficacement, dans la langue officielle de leur choix, les personnes intéressées par l’information qu’elle diffuse.

        En matière de langue de travail, la partie V de la Loi oblige la Société à fournir à son personnel, dans les deux langues officielles, les services qui lui sont destinés à titre individuel ou à titre de services centraux, ainsi que la documentation et le matériel d’usage courant dans les régions désignées bilingues.

        La Société, en vertu de la partie VI de la Loi, doit veiller à ce que, d’une part, les Canadiens d’expression française et d’expression anglaise aient des chances égales d’emploi et d’avancement, et, d’autre part, à ce que ses effectifs tendent à refléter la présence des deux collectivités de langue officielle. Air Canada doit concrétiser cet engagement en s’assurant d’ouvrir les emplois disponibles à tous les Canadiens, qu’ils soient francophones ou anglophones.

        Étant assujettie à la partie VII de la Loi, la Société doit veiller à s’acquitter de ses responsabilités envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

 

        B. Les obligations d’Air Canada pour les activités de ses filiales

        Le paragraphe 10(2) de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, modifiée en 2000, précise qu’Air Canada doit veiller à ce que ses filiales respectent la partie IV de la Loi sur les langues officielles en ce qui a trait aux services aériens, y compris les services connexes. Les services aériens correspondent aux services en vol. Les services connexes que doivent offrir les filiales sont définis au paragraphe 10(10) de la Loi modifiée et incluent :

a) les services de billetterie et de réservation;

b) les renseignements relatifs aux trajets et tarifs — notamment les avis
     et annonces — que les filiales publient ou font publier à l’intention de
     leurs clients;

c) les services que les filiales offrent à leurs clients à l’aéroport,
    notamment le contrôle des passagers à l’embarquement et au
    débarquement, les annonces faites aux clients et les services au
    comptoir;

d) la procédure applicable à la réclamation des bagages ou du fret et des
    services à la clientèle.

        Les obligations linguistiques imposées aux filiales sont en vigueur depuis le 5 juillet 2000 pour les filiales offrant des services dans l’Est du Canada et depuis le 5 juillet 2001 pour les filiales desservant l’Ouest du pays. Les Lignes aériennes Canadien International Limitée devront se conformer aux mêmes obligations linguistiques à compter du 1er janvier 2004. Cependant, si les Lignes aériennes Canadien International Limitée ou les Lignes aériennes Canadien Régional Limitée remplacent Air Canada ou l’une de ses filiales sur un service aérien qui était fourni par Air Canada ou l’une de ses filiales le 21 décembre 1999 ou par la suite, Air Canada est tenue de veiller à ce que le service dans les deux langues officielles soit maintenu comme si la Société continuait d’offrir elle-même le service.

COMPTE RENDU DES TÉMOIGNAGES

        Le rapport intérimaire de juin 2001 du Comité a fait état des témoignages entendus en mai 2001. Ces témoignages provenaient de fonctionnaires du ministère des Transports et du Secrétariat du Conseil du Trésor; de l’ombudsman et première directrice, Équité en matière d’emploi et Affaires linguistiques à Air Canada; du president-directeur général de la Commission canadienne du tourisme et du président de l’Association des Gens de l’Air du Québec. Il va sans dire que le Comité a pris ces témoignages en considération dans la rédaction de son rapport final.

        À la reprise des travaux parlementaires à l’automne, le Comité a tenu deux réunions publiques portant sur des sujets spécifiques découlant de son mandat général. Le 18 septembre 2001, l’honorable Stéphane Dion, président du Conseil privé, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable de la coordination du dossier des langues officielles au sein du gouvernement, a brossé un tableau de la situation des langues officielles au Canada et a indiqué quelques pistes qui guideront la rédaction du plan d’action qu’il élabore en collaboration avec le comité ministériel de liaison. M. Dion a signalé avoir parlé à Air Canada depuis le dépôt du rapport intérimaire du Comité et a fait remarquer que le gouvernement aviserait une fois le rapport final publié.

        Le 26 septembre 2001, la Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, a présenté au Comité son rapport annuel traitant de la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2001. Elle a résumé son évaluation du rendement linguistique d’Air Canada en ces termes :

Air Canada constitue probablement le plus bel exemple d’une institution qui a un dossier peu reluisant et chronique en matière de langues officielles. Au fil des ans, Air Canada est souvent apparue en tête de notre liste d’institutions faisant l’objet du plus grand nombre de plaintes pour infraction à la Loi sur les langues officielles.

De multiples enquêtes du Commissariat ont révélé qu’Air Canada était incapable de fournir adéquatement des services en vol et au sol dans les deux langues officielles. Les commissaires ont successivement formulé des recommandations, mais le transporteur n’y a pas donné suite. Compte tenu de ces antécédents, la haute direction d’Air Canada a beaucoup à faire pour convaincre les voyageurs qu’elle se soucie du besoin et du droit de sa clientèle de se faire servir dans la langue officielle de son choix.

Notre transporteur national doit offrir des services de qualité égale dans les deux langues officielles du Canada. Je demande à Air Canada de changer d’attitude et de mettre en œuvre la stratégie que le Commissariat a élaborée en vue de renforcer et de mieux gérer le programme de langues officielles à tous les paliers de la société, tant pour le service au public que pour ses propres employés dans ses activités internes.13

La Commissaire a dit s’attendre à ce que le ton du rapport final du Comité soit sans équivoque et à ce que le rapport contienne des recommandations ciblées qui viseront à faire en sorte qu’Air Canada respecte ses obligations linguistiques.

        Le Comité a poursuivi son étude sur Air Canada en tenant une session de breffage à huis clos avec des représentants du Commissariat aux langues officielles. Au cours d’audiences publiques, il a entendu les témoignages de représentants syndicaux d’employés d’Air Canada et du président et chef de la direction d’Air Canada. Il a conclu

 


[13]           Canada, Sénat du Canada et Chambre des communes. Délibérations, Comité mixte permanent des langues
                  officielles, fascicule no 14, 26 septembre 2001, p. 13.

ses audiences publiques en invitant la présidente du Conseil du Trésor et le ministre des Transports à comparaître.

        A.    Les représentants syndicaux des employés d’Air Canada

        Le 29 octobre 2001, le Comité a entendu les témoignages de trois représentants syndicaux d’employés d’Air Canada, soit M. Serge Beaulieu, président du conseil exécutif local de l’Association des pilotes d’Air Canada et porte-parole national de l’Association des pilotes, M. Edmond Udvarhelyi, représentant de la Section locale 4001 Air Canada affiliée au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), et M. Gary Fane, directeur des transports au Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada).

        M. Beaulieu a déclaré, qu’à l’heure actuelle, il y a un peu moins de 300 pilotes d’expression française à Air Canada, ce qui représente un peu moins de 8 p. 100 du total de l’effectif qui comporte quelque 3 500 pilotes, alors que le ratio était de 16 p. 100 avant la fusion avec Canadian International. Il a signalé que, depuis plusieurs années, les pilotes francophones ainsi que l’Association des pilotes font des démarches auprès de la direction d’Air Canada afin de promouvoir le respect de la Loi sur les langues officielles ainsi qu’une embauche plus représentative du tissu social canadien.

        M. Beaulieu s’est dit en désaccord avec Air Canada, qui invoque le manque de candidats qualifiés d’expression française pour expliquer la situation. Il a fait remarquer qu’à lui seul, le Centre québécois de formation aéronautique, au CEGEP de Chicoutimi, décerne, chaque année, un diplôme d’études collégiales à 25 étudiants à la suite d’un cours de trois ans qui est l’équivalent du cours qui se donne dans les écoles reconnues en Ontario et en Alberta. Il a fait valoir qu’il y a un bassin considérable de pilotes francophones qualifiés au sein duquel Air Canada pourrait recruter.

        M. Udvarhelyi a précisé qu’il représente les agents de bord de Montréal, soit environ 1 000 personnes, auxquelles devraient s’ajouter 170 employés de l’ex-compagnie Canadien. Il a fait état du problème de l’absence de convention collective en français. Il a expliqué que la convention collective a été négociée au mois de juillet 1999, qu’il a fallu dix mois pour l’imprimer et la distribuer en anglais, mais qu’il n’a toujours pas reçu de convention collective en français. Il a déploré le fait que les documents distribués en octobre 2001 pour informer les employés des programmes de partage du travail, sur lesquels ils avaient à prendre une décision très rapidement, n’étaient pas disponibles en français. Il a aussi signalé que certains programmes de formation annoncés pour novembre 2001, à Montréal, n’étaient offerts qu’en anglais.

        M. Fane a signalé que son syndicat représente environ 11 000 personnes qui travaillent pour Air Canada et ses compagnies régionales à titre d’agents auprès des passagers dans les aéroports et d’agents de réservation. Il a affirmé que tous les jours des clients sont servis par quelqu’un qui n’a pas eu la formation linguistique appropriée pour communiquer avec eux dans la langue officielle de leur choix. Il a soutenu que la situation, qui s’était un peu détériorée après la privatisation d’Air Canada, s’est considérablement aggravée à l’issue de l’absorption de Canadien, qui n’avait pas le même souci de bilinguisme. Il a signalé qu’Air Canada affirme ne pas être en mesure de financer la formation linguistique et a souhaité que le gouvernement aide la Société à régler le problème. Il a fait remarquer que les licenciements prévus au sein des compagnies régionales toucheront les agents les plus jeunes, qui sont bilingues. Il a aussi fait état du fait que les conventions collectives ne sont disponibles que dans une seule langue, l’anglais.

        Les témoins ont été interrogés sur leurs allégations touchant la non-disponibilité de la version imprimée des conventions collectives en français. M. Udvarhelyi a précisé que son syndicat a déposé une plainte à ce sujet auprès de la Commissaire aux langues officielles. Il a aussi signalé que toutes les négociations ont eu lieu en anglais étant donné que les négociateurs d’Air Canada étaient unilingues anglophones.

        Afin de s’assurer que le libellé des textes en cause soit consigné au compte rendu de la réunion, le coprésident a lu deux passages de la version anglaise de la convention collective entre Air Canada et le Syndicat canadien de la fonction publique, Division du transport aérien, qui était en vigueur du 1er novembre 1998 au 31 octobre 2001.

        L’article 19.10 qui porte sur la « Langue de la convention » précise que :

Les versions anglaise et française de cette Convention collective ont toutes deux valeur officielle. En cas de différence entre les deux versions, celle qui correspond à la langue dans laquelle la convention a été négociée doit prévaloir.

et la clause 19.11.01 énonce ce qui suit :

La Convention est imprimée en anglais et en français, et les frais d’impression sont répartis à parts égales entre la compagnie et le syndicat. La présentation de la brochure fait l’objet d’une entente mutuelle entre le syndicat et la compagnie.

        Interrogé sur les moyens d’assurer la prestation des services dans la langue officielle préférée du client, M. Fane a déclaré que son syndicat serait en faveur d’une formation linguistique obligatoire pour les préposés aux ventes et aux services. Il s’est dit prêt à faire preuve de souplesse sur la question de l’ancienneté, afin d’éviter le licenciement de jeunes employés bilingues, mais à condition que la formation linguistique soit offerte aux employés unilingues ayant de l’ancienneté. Il a reconnu que la Loi sur les langues officielles a préséance sur les conventions collectives.

        En fin de séance, le coprésident a invité la Commissaire aux langues officielles à présenter ses commentaires. Mme Adam a affirmé qu’Air Canada doit corriger un problème persistant et recueillir des données complètes permettant d’évaluer si elle respecte les dispositions de la Loi portant sur le taux de participation des anglophones et des francophones au sein de son effectif. Elle a aussi signalé les manquements d’Air Canada au chapitre de la langue de travail. Elle a rappelé qu’au cours des années, Air Canada a commis des infractions répétées aux mêmes aspects de la Loi et a fait valoir qu’un changement de culture en profondeur s’impose. Elle a souhaité qu’en présence d’un récidiviste invétéré comme Air Canada, le Comité se penche sur des mesures plus sévères et coercitives.

        B. Le président et chef de la direction d’Air Canada

        Le 3 décembre 2001, le Comité a entendu le témoignage du président et chef de la direction d’Air Canada, M. Robert A. Milton, accompagné de gestionnaires de la Société, qui ont répondu à certaines questions touchant leur secteur de responsabilités. D’entrée de jeu, M. Milton a abordé la question des 137 plaintes déposées contre Air Canada en 2000 par des personnes qui estimaient que la Société ne respectait pas ses obligations linguistiques aux termes de la Loi sur les langues officielles. Se défendant de vouloir minimiser les droits de ces plaintifs, il a signalé qu’Air Canada avait transporté, cette année-là, un peu plus de 30 millions de passagers et qu’Air Canada a beaucoup plus de contacts avec sa clientèle que n’importe quelle autre institution fédérale.

        M. Milton a reconnu qu’après son intégration avec les Lignes aériennes Canadien Limitée, Air Canada a eu quelques problèmes à se conformer à la Loi sur les langues officielles étant donné que cette compagnie n’était pas assujettie à la même loi et que, par conséquent, elle n’appliquait pas de politique de recrutement d’employés bilingues. Il a précisé que les effectifs d’Air Canada sont passés du jour au lendemain de 23 000 à environ 40 000, ce qui a réduit considérablement la capacité bilingue de la nouvelle Air Canada. Il a rappelé les mesures prises par la Société afin de faire face à la situation, notamment la mise sur pied de programmes de formation linguistique à l’intention des employés de l’ancienne compagnie Canadien et les directives demandant aux services qui établissent l’emploi du temps du personnel au sol et en vol de tenir compte des exigences d’ordre linguistique de la Société dans toutes les mesures futures d’intégration des effectifs.

        M. Milton a fait état de sa rencontre, quelques semaines auparavant, avec la Commissaire aux langues officielles, à l’issue de laquelle ils se sont entendus pour élaborer conjointement un plan d’action visant à donner suite aux engagements de la Société. Il a passé en revue les pratiques instituées, au fil des ans, par la Société et qui permettront, selon lui, d’élaborer un cadre solide pour assurer le respect des obligations linguistiques qui lui incombent, soit la constitution d’un groupe d’employés chargés exclusivement des questions liées aux langues officielles, sous la direction d’un directeur principal qui relève directement du président et chef de la direction; la création, il y a plus de 25 ans, d’une école interne de langues; une politique visant à recruter exclusivement des employés bilingues s’ils sont chargés du contact avec la clientèle; des services offerts dans les deux langues officielles à bord de tous les vols d’Air Canada; des annonces publiques au début des vols précisant la capacité linguistique du personnel navigant; des enquêtes internes tant à Air Canada qu’auprès des compagnies régionales pour vérifier la qualité des annonces dans les deux langues officielles aux aéroports.

        M. Milton a rappelé qu’Air Canada a signé avec le commissaire Goldbloom un protocole d’entente visant les annonces publiées dans la presse minoritaire et qu’il a lui-même signé, l’automne dernier, avec la Commissaire et le syndicat en cause un protocole d’entente pour les services au sol aux aéroports d’Halifax et de Toronto. Il a aussi fait état de la collaboration de la Société avec le Conseil du Trésor pour concevoir une question sur la participation équitable qui soit conforme à l’esprit de la Loi, ce qui permettra de mieux connaître la représentation des francophones et des anglophones au sein de la Société. Il a conclu sa présentation en reconnaissant qu’il y a peut-être des lacunes dans le rendement linguistique de la Société, mais il a soutenu que ce n’est jamais par manque de détermination.

        Répondant à la suggestion d’un membre du Comité voulant que le président d’Air Canada s’engage à réaliser le plan d’action prévu pour mars 2002 en 180 ou 360 jours, M. Milton a invoqué la complexité de la gestion d’une compagnie aérienne et celle des conventions collectives qui renferment des dispositions précises concernant l’ancienneté et les mutations. Il a expliqué que l’atteinte des objectifs inscrits dans le plan d’action exigera des efforts soutenus.

        Mme Michelle Perreault-Ieraci, ombudsman et première directrice, Langues officielles et Diversité, a été invitée à commenter la recommandation contenue dans le rapport intérimaire du Comité demandant à Air Canada de mettre, dans la pochette derrière les sièges de ses aéronefs, un formulaire permettant aux passagers d’inscrire leurs commentaires ou de déposer une plainte auprès de la Commissaire aux langues officielles. Elle a fait valoir que la mise en œuvre de cette recommandation qui, selon elle, aurait généré 30 millions de formulaires, aurait représenté des coûts exorbitants et que, de plus, la gestion de ces formulaires aurait été extrêmement difficile. Elle a expliqué que la solution de rechange adoptée par la compagnie consiste à mener un sondage téléphonique mensuel auprès de plusieurs centaines de passagers à qui l’on pose quatre questions sur les langues officielles portant sur les services et les annonces aux aéroports et en vol.

        Les gestionnaires d’Air Canada ont réagi aux allégations du représentant syndical des agents de bord de Montréal (Syndicat canadien de la fonction publique) et de celui des agents auprès des passagers (Travailleurs canadiens de l’automobile-Canada), qui dénonçaient la non-impression de la convention collective en français, ainsi qu’aux commentaires du représentant syndical des agents de bord déplorant que les négociations collectives se déroulent en anglais exclusivement. Mme Sue Welscheid, vice-présidente, Employés, Air Canada, a affirmé que les négociations ont effectivement eu lieu en anglais parce que les présidents des syndicats dans tous les cas sont des anglophones unilingues. Elle a déclaré que la compagnie n’a jamais obtenu du SCFP l’approbation de la version française de la convention collective des agents de bord et a précisé que dès que cette approbation sera obtenue, la convention collective sera imprimée. Mme Perreault-Ieraci a signalé que la convention collective des TCA est produite exactement en même temps en français qu’en anglais.

        Interrogé à savoir ce qui prévaudrait en cas de conflit entre les responsabilités d’Air Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et l’application d’une convention collective, M. Milton a reconnu la primauté de la Loi, mais il a précisé que jusqu’à maintenant ce sont les obligations contractuelles envers les syndicats qui ont prévalu. Il a allégué que les syndicats ont toujours soutenu que la Loi sur les langues officielles ne devait pas primer sur leurs conventions collectives.

        Mme Perreault-Ieraci a signalé que le protocole d’entente tripartite signé à l’automne 2001 constitue une avancée importante puisque, pour la première fois, le syndicat (TCA) s’est engagé à aider Air Canada à trouver des solutions au problème des services bilingues à assurer dans les aéroports. Elle a expliqué que la compagnie et le syndicat ont six mois pour travailler ensemble avant de faire connaître à la Commissaire le fruit de leur travail. Elle a fait remarquer que cela devrait permettre de régler une très grande partie des problèmes en autorisant une certaine flexibilité dans l’affectation des employés dans les aéroports, alors que, présentement, la règle de l’ancienneté prime au détriment de la capacité linguistique.

        Plusieurs membres du Comité ont déploré le fait que les mises à pied annoncées à l’automne 2001 aient visé les jeunes recrues d’Air Canada, qui étaient bilingues. Mme Welscheid a déclaré que, lorsque la compagnie a constaté qu’il faudrait mettre des employés à pied et que cela aurait des effets négatifs sur les ressources bilingues, elle a adressé une lettre à chacun de ses syndicats pour leur demander de négocier d’autres critères que l’ancienneté pour effectuer les mises à pied envisagées. Elle a affirmé que la compagnie n’a reçu aucune réponse à ces lettres.

        Invité à préciser ce que le Comité pourrait recommander au gouvernement pour aider Air Canada à respecter ses obligations, M. Milton a insisté sur les précisions à apporter pour affirmer clairement la primauté de la Loi sur les langues officielles sur les conventions collectives afin de permettre à la Société d’affecter les personnes bilingues là où leurs services sont requis. Invoquant la situation financière difficile qui existe dans le transport aérien à l’échelle mondiale, il a demandé au Comité de considérer la possibilité d’un financement gouvernemental qui aiderait Air Canada à accélérer la cadence de la formation linguistique donnée aux employés unilingues de l’ex-compagnie Canadien.

        C. La présidente du Conseil du Trésor et le ministre des Transports

        L’honorable Lucienne Robillard, présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l’Infrastructure, a rappelé que la Loi sur les langues officielles établit clairement qu’il incombe à chaque institution visée, dont Air Canada, de mettre en œuvre les dispositions des parties IV, V et VI, portant respectivement sur la prestation des services au public, la langue de travail et la participation des Canadiens et des Canadiennes tant d’expression française que d’expression anglaise. Elle a précisé que la partie VIII de cette même loi confie au Conseil du Trésor le rôle et les responsabilités de veiller à l’élaboration et à la coordination générales des principes et programmes fédéraux d’application des parties nommées précédemment, ainsi que de surveiller et de vérifier l’observation par les institutions assujetties à cette loi de leurs obligations en matière linguistique.

        La présidente du Conseil du Trésor a expliqué que celui-ci utilise divers moyens pour faire respecter la Loi sur les langues officielles. À titre d’exemple, elle a expliqué que le Conseil du Trésor a mené en 2000-2001 les plus importantes vérifications effectuées jusqu’ici sur l’offre active et la prestation de services au public voyageur dans les aéroports de Vancouver, Calgary, Winnipeg, Toronto (Pearson), Dorval, Moncton et Halifax et que, dans l’ensemble, les constatations portant sur les services offerts par Air Canada étaient satisfaisantes. Elle a signalé que le Conseil du Trésor prévoyait mener des suivis à ces vérifications en 2002 pour s’assurer que les améliorations nécessaires ont été apportées.

        La présidente du Conseil du Trésor a fait remarquer que les préoccupations du Comité relativement aux statistiques incomplètes recueillies par Air Canada sur le nombre d’employés francophones et anglophones ont été entendues. Elle a rappelé que la Direction des langues officielles du Conseil du Trésor et Air Canada ont convenu, l’été dernier, d’une question plus précise sur l’identification à l’une des deux langues officielles du Canada. Elle a affirmé que cette nouvelle question permettra d’obtenir des données plus précises dès la parution en 2002 des résultats du sondage effectué auprès des employés à l’été 2001.

        La présidente du Conseil du Trésor a signalé que, depuis l’entrée en vigueur des modifications à la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada en juillet 2000 et l’intégration des employés des Lignes aériennes Canadien International Ltée, Air Canada a fourni au Secrétariat du Conseil du Trésor, dans son bilan sur les langues officielles pour 2000-2001, des renseignements concernant les mesures prises pour assurer des services bilingues sur les nouveaux trajets. Elle a indiqué que la réponse du secrétaire du Conseil du Trésor au président et chef de la direction d’Air Canada reconnaissait le travail accompli à ce sujet et l’incitait à poursuivre ses efforts dans ce domaine. Elle a ajouté qu’en ce qui concerne la mise en œuvre des autres aspects du programme, le secrétaire a demandé que des mesures soient prises afin de corriger les lacunes reconnues, telles que la capacité linguistique des points de service désignés bilingues, ainsi que les données sur la participation équitable.

        La présidente du Conseil du Trésor a commenté les préoccupations exprimées par certains membres du Comité au sujet du Règlement sur les langues officielles  communication avec le public et prestation de services. Elle a rappelé que ce règlement s’appuie sur de solides assises juridiques, soit la Loi sur les langues officielles, qui assujettit les institutions fédérales et Air Canada à son application, de même que sur la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que les services doivent être assurés dans les deux langues officielles lorsque la demande est importante ou que la vocation du bureau le requiert.

        La présidente du Conseil du Trésor a conclu sa présentation en reconnaissant que tout n’est pas parfait. Elle a affirmé que le Secrétariat doit continuer d’effectuer le travail qui lui est imposé par la Loi, mais qu’il doit le faire en étroite collaboration avec Air Canada et le Commissariat aux langues officielles, pour veiller à ce que les Canadiens et les Canadiennes qui voyagent reçoivent les services qu’ils réclament dans la langue officielle de leur choix, là où ils y ont droit.

        L’honorable David Collenette, ministre des Transports, a décrit brièvement le régime linguistique applicable à Air Canada. Il a rappelé qu’en vertu des modifications législatives apportées à l’article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada et entrées en vigueur le 5 juillet 2000, Air Canada est tenue, en ce qui concerne ces filiales dont elle contrôle le capital-actions à plus de 50 p. 100, de veiller à ce que celles-ci offrent les services aériens aux clients dans l’une ou l’autre des langues officielles selon les exigences de la partie IV de la Loi sur les langues officielles et le règlement connexe. Il a précisé que la prise d’effet de cette obligation varie selon la région ou la filiale qui offre le service.

        Le ministre des Transports a rappelé que la présidente du Conseil du Trésor, la Commissaire aux langues officielles, les tribunaux et lui-même ont tous un rôle à jouer pour veiller à la mise en application de la Loi sur les langues officielles. Il a convenu, qu’en sa qualité de ministre des Transports, il est bien placé pour faire valoir auprès d’Air Canada l’importance que le gouvernement accorde à cette question, convaincu que la prestation de services aériens bilingues représente une bonne pratique en affaires, et pour lui signifier qu’il s’attend de l’entreprise qu’elle se conforme à toutes les exigences de la Loi.

        Le ministre des Transports a fait état du protocole d’entente intervenu entre son ministère et le Commissariat aux langues officielles relativement au traitement des présumés manquements aux consignes de sécurité données aux passagers à bord des aéronefs. Il a précisé que le protocole reconnaît explicitement la responsabilité du ministère des Transports à l’égard des sanctions à prendre à ce chapitre.

        Le ministre des Transports a conclu sa présentation en assurant le Comité que le gouvernement n’est pas disposé à donner suite aux suggestions récentes voulant qu’Air Canada soit libérée de ses obligations linguistiques, sous prétexte qu’elles sont plus strictes que celles d’autres transporteurs. Il a expliqué que ces obligations demeurent en vigueur, même pour les autres fournisseurs fédéraux de services de transport qui exercent leurs activités avec succès dans le secteur privé, par exemple le chemin de fer Canadien National.

        Durant la période de questions qui a suivi, un membre du Comité a déploré que le ministre des Transports ait simplement renvoyé à Air Canada la recommandation contenue dans le rapport intérimaire du Comité demandant l’insertion d’un formulaire de plaintes en quatre exemplaires dans la pochette derrière chaque siège des aéronefs d’Air Canada. Interrogée sur le même sujet, la présidente du Conseil du Trésor a répondu que le Secrétariat du Conseil du Trésor pouvait recommander fortement la mise en œuvre d’une telle mesure à Air Canada, mais non pas l’y obliger.

        Invités à commenter les affirmations de M. Milton selon lesquelles les conventions collectives ont obligé Air Canada à mettre d’abord à pied ses employés bilingues ayant peu d’ancienneté, ce qui a réduit sa capacité bilingue, les deux ministres ont rappelé qu’Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles depuis 1969 et que, par conséquent, une bonne proportion de ses employés ayant plus d’ancienneté devraient aussi être bilingues. La présidente du Conseil du Trésor a reconnu que les conventions collectives pouvaient poser un problème, mais elle a rappelé que les représentants syndicaux avaient affirmé devant le Comité être prêts à respecter la Loi sur les langues officielles.

        Interrogée au sujet des moyens d’intervention disponibles si une institution fédérale ou Air Canada ne respecte pas ses obligations linguistiques, la présidente du Conseil du Trésor a expliqué que c’est la Commissaire aux langues officielles qui, par suite d’une plainte, peut entreprendre un recours en Cour fédérale. M. Jacques Pigeon, avocat général principal de Transports Canada, a précisé que c’est la partie X de la Loi sur les langues officielles qui prévoit un recours judiciaire. Il a cité le paragraphe 77(4) de la Loi, qui énonce que « [l]e tribunal peut, s’il estime qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu’il estime convenable et juste eu égard aux circonstances ».

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

        Les membres du Comité rappellent ici l’engagement pris par le président et chef de la direction d’Air Canada, devant eux, de présenter un plan d’action détaillé en mars 2002 et de le mettre en œuvre dans les meilleurs délais afin que la Société s’acquitte pleinement des obligations linguistiques qui lui incombent. Ils s’associent à la Commissaire aux langues officielles qui, dans son rapport annuel pour l’exercice 2000-2001, demande à Air Canada de relever le défi de la fusion linguistique. Ils souhaitent que la mise en œuvre des recommandations qu’ils formulent dans le présent rapport contribuent à ce qu’Air Canada remplisse ses obligations linguistiques comme le stipule la Loi sur les langues officielles.

A. Au président et chef de la direction de la Société Air Canada

        1.     Le leadership

        Air Canada ne répond pas pleinement aux exigences de la Loi sur les langues officielles. Bon an mal an, les différents commissaires aux langues officielles ont dénoncé, dans leurs rapports annuels, la non-collaboration de la Société dans le cadre de l’instruction de plaintes à la suite d’infractions liées au service au public, à la langue de travail et à la participation équitable. Depuis la privatisation de la Société, en 1988, le Commissariat a mené une dizaine d’enquêtes approfondies dans divers domaines. Les lacunes notées touchaient, entre autres le service à la clientèle, la langue de travail, la formation des employés, l’achat d’espaces publicitaires dans les médias de langue minoritaire. Plusieurs recommandations ont été faites aux administrateurs de la Société afin que ces lacunes soient corrigées. Les cinq commissaires successivement en poste ont encouragé les dirigeants de la Société, à maintes reprises, à faire preuve de plus d’imagination, d’audace et d’engagement pour trouver des solutions durables.

        Lors de son témoignage devant le Comité, le président d’Air Canada, M. Robert A. Milton, a déclaré que même en l’absence de la Loi sur les langues officielles, Air Canada s’efforcerait d’assurer des services bilingues à ses clients puisque faire des affaires en plusieurs langues comporte des avantages sur le plan commercial. Cependant, vu l’absence de progrès réels, et ce, depuis trop longtemps, le Comité est d’avis que le président doit faire preuve d’un leadership véritable pour que le programme des langues officielles soit pleinement mis en œuvre et que la dualité linguistique canadienne, valeur qu’il dit partager, soit reconnue à tous les échelons de sa société.

RECOMMANDATION 1

Le Comité recommande au président d’Air Canada de veiller personnellement à ce que ses gestionnaires chargés de la planification et du déroulement des opérations quotidiennes prennent conscience de l’engagement d’Air Canada envers les langues officielles du Canada et de leurs responsabilités à cet égard, et qu’ils s’assurent que cet engagement soit également épousé par tous les employés de la Société.

        2.    Le plan d’action

        La plupart des membres du Comité considèrent que le nombre de plaintes déposées à l’endroit de la Société Air Canada ne représente que la partie visible de l’iceberg, puisqu’ils sont régulièrement témoins de manquements à la Loi sur les langues officielles lors de leurs déplacements en avion. Les enquêtes menées par le Commissariat aux langues officielles ont démontré que des utilisateurs des services d’Air Canada et de ses filiales vivent trop souvent des expériences très désagréables et stressantes lorsqu’ils revendiquent leurs droits linguistiques. Pour corriger cette situation, le président d’Air Canada s’est engagé à préparer un plan d’action pour mars 2002. Dans son rapport intérimaire, le Comité avait formulé deux recommandations visant la promotion des droits linguistiques des voyageurs. Le gouvernement, par l’entremise de son ministre des Transports, a indiqué que cette responsabilité incombait au transporteur aérien.

        Au cours de l’été 2000, donnant suite à une requête du Comité sénatorial des transports, la Commissaire aux langues officielles avait produit un guide intitulé Mise en place d’un régime d’application approprié de la Loi sur les langues officielles par la Société Air Canada14. Ce document, qui se voulait un cadre pour la reddition de comptes, a été porté à l’attention du président d’Air Canada par le ministre des Transports, l’honorable David Collenette.

RECOMMANDATION 2

Le Comité recommande au président d’Air Canada de s’inspirer, pour la production de son plan d’action, du guide intitulé Mise en place d’un régime d’application approprié de la Loi sur les langues officielles par la Société Air Canada rédigé par la Commissaire aux langues officielles et de transmettre ce plan à la Commissaire, à la présidente du Conseil du Trésor, au ministre des Transports, ainsi qu’au Comité tel qu’il s’est engagé à le faire devant ce dernier le 3 décembre 2001. Dans le cadre de ce plan d’action, les gestionnaires d’Air Canada devraient se voir confier des objectifs et des échéanciers précis et être évalués sur ce volet de leurs responsabilités.

        Avant l’adoption du nouvel article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, il était difficile pour la plupart des clients d’Air Canada de savoir s’ils étaient en droit de recevoir des services dans la langue officielle de leur choix. Par exemple, un citoyen francophone achetant un billet d’Air Canada en partance d’Halifax pour North Bay, pouvait traiter en français s’il se rendait au bon guichet à l’aéroport d’Halifax. Toutefois, selon la Société, il n’avait plus ce droit sur le vol d’Air Nova entre Halifax et Montréal avant l’adoption du nouvel article 10. À l’aéroport de Dorval, il retrouvait un service en français, et ce, jusqu’à Toronto. Cependant, lorsqu’il quittait l’aéroport Lester B. Pearson sur Air Ontario, ses droits linguistiques s’envolaient eux aussi. S’il était chanceux, il les récupérait à North Bay avec ses bagages.

        Dès l’adoption du nouvel article 10, Air Canada a cru bon de faire des sondages sur les trajets auparavant offerts par ses transporteurs régionaux, ainsi que sur ceux offerts par Canadien et ses filiales, afin de déterminer l’importance de la demande de services au public dans la langue de la minorité. Cependant, les voyageurs francophones des filiales d’Air Canada ont trop rarement reçu d’offre active de services dans les deux langues officielles et une bonne partie d’entre eux ignorent leurs nouveaux droits linguistiques. Il aurait été préférable de faire la promotion des droits linguistiques à ce groupe cible avant de procéder à ces sondages qui, dans ce contexte, sont sujets à interprétation.

 


[14]       Voir le texte à l’annexe C.

 

RECOMMANDATION 3

Le Comité recommande au président d’Air Canada d’inclure dans son plan d’action des mesures visant à mieux informer sa clientèle de l’existence de ses droits linguistiques et des moyens à sa disposition pour se plaindre, en l’occurrence à la Commissaire aux langues officielles. Pour ce faire, il suggère notamment que soit inclus dans la pochette derrière les sièges de tous ses aéronefs un formulaire de plainte en bonne et due forme, préaffranchi, destiné au Commissariat aux langues officielles; que soit exprimée  visiblement et clairement sur des affiches sur les comptoirs des aéroports, par des panneaux sur les murs, et sur le formulaire de plainte, ainsi qu’à l’intérieur des messages télédiffusés dans les aéronefs pendant les consignes de sécurité l’obligation qu’a Air Canada de respecter la Loi sur les langues officielles.

RECOMMANDATION 4

Le Comité note que la Fiche de sondage d’Air Canada n’inclut pas l’usage des langues officielles au nombre des rubriques à évaluer. Il recommande que dans toutes les évaluations de la satisfaction de ses clients au moyen de cartes-réponses ou d’autres mécanismes, Air Canada demande des commentaires sur les services offerts dans les deux langues officielles.

        La presque totalité des plaintes déposées auprès de la Commissaire aux langues officielles touchent l’absence de services en français, et ce, même au Québec. Devant cet état de fait, Air Canada doit inscrire dans son plan d’action des mesures ciblées à l’intention de sa clientèle francophone.

RECOMMANDATION 5

Le Comité recommande au président d’Air Canada que des sondages sur la disponibilité et la qualité des services en français et en anglais soient menés périodiquement auprès de sa clientèle. La méthodologie devrait être approuvée au préalable par le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Commissariat aux langues officielles, et les résultats devraient être communiqués à la présidente du Conseil du Trésor, à la Commissaire aux langues officielles et au Comité.


        3.     Des mécanismes de suivi

        Le Comité désire suivre de près l’évolution de la mise en œuvre du plan d’action des langues officielles de la Société. À cette fin, il sollicitera la collaboration de la Commissaire aux langues officielles, de la présidente du Conseil du Trésor et du ministre des Transports.

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande au président d’Air Canada de metttre au point dès maintenant des mécanismes de suivi afin de pouvoir évaluer périodiquement les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles et l’atteinte des objectifs inscrits à son plan d’action. Air Canada devra remettre au Comité et au Commissariat aux langues officielles un rapport annuel afin de démontrer les progrès réalisés et l’efficacité des mécanismes de suivi. Le Comité invite Air Canada à inclure ce rapport sur les langues officielles dans le rapport annuel soumis à ses actionnaires.

        4.     Un protocole d’entente tripartite

        En novembre 2001, Air Canada, le Commissariat aux langues officielles et le Syndicat national des travailleurs et des travailleuses de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage du Canada ont conclu, dans le cadre de deux recours, un protocole d’entente. Ces recours devant la Cour fédérale avaient été intentés par le précédent Commissaire aux langues officielles en raison de l’absence répétée de services en français aux aéroports de Toronto (Pearson) et d’Halifax. L’application des modalités du protocole d’entente devrait inciter Air Canada à mieux collaborer lors de la tenue des enquêtes de la Commissaire et amener le syndicat à revoir toute la question de l’affectation des agents bilingues de manière à respecter la Loi sur les langues officielles. Le Comité entend évaluer les résultats de cette initiative de collaboration en matière d’instruction des plaintes et d’affectation d’employés bilingues, et ce, en consultation avec la Commissaire aux langues officielles.

RECOMMANDATION 7

Le Comité recommande au président d’Air Canada d’étendre les principes du protocole d’entente tripartite à l’ensemble des services de la Société.

        5.   La participation équitable

        Depuis la fin des années 80, les données compilées par Air Canada sur la première langue officielle de ses employés comportent un trop grand pourcentage de cas où l’employé n’a pas fourni le renseignement (jusqu’à 37,7 p. 100). Le président d’Air Canada s’est engagé devant le Comité à régler le problème des statistiques incomplètes compilées sur la première langue officielle de ses employés, une condition indispensable pour juger si l’effectif de la Société tend à refléter la présence des deux collectivités de langue officielle, ainsi que l’exige la partie VI de la Loi sur les langues officielles. Le Comité rappelle que la présidente du Conseil du Trésor l’a assuré que la question sur l’identification linguistique des employés dont ont convenu le Conseil du Trésor et Air Canada permettra d’obtenir des données plus précises dès 2002.

RECOMMANDATION 8

Le Comité recommande au président d’Air Canada de procéder à l’identification linguistique de ses employés en ce qui a trait aux langues officielles et d’inclure les données recueillies, y compris la ventilation par catégories d’emploi, dans le Bilan annuel sur les langues officielles de 2001-2002 qu’il soumettra au Conseil du Trésor.

        Un an avant la privatisation d’Air Canada, le président et directeur général d’Air Canada, M. Pierre Jeanniot, informait le Comité que le pourcentage de pilotes francophones s’établissait à 14 p. 100. Il s’engageait à améliorer la situation en ces termes :

Notre objectif, c’est évidemment, d’arriver à la pleine participation, c’est-à-dire à ce que, éventuellement, 24 ou 25 p. 100 des pilotes d’Air Canada soient francophones.15

        Malgré l’absence de données complètes récentes sur la première langue officielle des pilotes d’Air Canada, il est évident que l’objectif annoncé le 15 avril 1987 n’a jamais été atteint. Selon le témoignage de M. Serge Beaulieu, président, Conseil régional de Montréal, Association des pilotes d’Air Canada, les pilotes d’expression française représentent actuellement un peu moins de 8 p. 100 de l’effectif total des pilotes, alors que la proportion était d’environ 16 p. 100 avant l’intégration de Canadien.

        Le 30 mai 2001, M. Serge Martel, président de l’Association des Gens de l’air du Québec (AGAQ) a réagi au témoignage de la représentante d’Air Canada voulant que la Société n’ait aucun problème de sous-représentation francophone, ni en général ni chez ses pilotes. Il a soumis au Comité le rapport préliminaire d’enquête de la Commissaire aux langues officielles relatif à la plainte de l’AGAQ alléguant que la participation des francophones chez les pilotes de la Société ne reflète pas la proportion de la collectivité francophone dans la société canadienne. Ce rapport constatait, entre autres que les droits linguistiques des candidats francophones aux postes de pilotes n’étaient pas pleinement respectés au cours des entrevues et de la formation.

RECOMMANDATION 9

Le Comité recommande au président d’Air Canada d’inclure dans son plan d’action des mesures concrètes visant à corriger la

 


[15]      Canada. Parlement. Procès-verbaux et témoignages, Comité mixte permanent des langues officielles, 15 avril 1987, p. 15:17.

sous-représentation des pilotes francophones au sein de son effectif, notamment en adoptant une stratégie de recrutement reposant sur une démarche proactive pour attirer des pilotes francophones qualifiés et en respectant leurs droits linguistiques dans le processus de recrutement et dans le programme de formation à l’intention des candidats pilotes.

 

B. Au ministre des Transports

        1.    La clarification de l’application de la Loi sur les langues officielles dans son entièreté
               aux filiales d’Air Canada

        Depuis trop longtemps déjà, les voyageurs se demandent quand ils ont le droit d’être servis dans les deux langues officielles, au sol et dans les airs, lorsqu’ils font appel aux services d’Air Canada et de ses transporteurs régionaux. Dans le contexte de la restructuration de l’industrie aérienne, cette confusion a augmenté. Après avoir acquis Les Lignes aériennes Canadien International Ltée et Les lignes aériennes Canadien régional Ltée, la Société Air Canada a aussi procédé à la réorganisation de ses transporteurs régionaux (Air Ontario, Air Nova, Air BC, Canadien régional) en les regroupant sous le vocable Air Canada Régional Inc. Parallèlement, le Parlement a adopté le nouvel article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada. Le libellé a confirmé que la Société Air Canada a toujours été assujettie à l’entièreté de la Loi sur les langues officielles et que ses filiales le sont en partie avec des dates d’entrée en vigueur et des obligations distinctes. Comme, en réalité, toutes les activités des divers transporteurs aériens semblent de plus en plus fusionnées ou intégrées, sans que l’on puisse faire de distinction entre eux, il est clair que le nouvel article 10 ne répond pas de façon satisfaisante à l’esprit et à la lettre de la Loi sur les langues officielles, puisqu’il ne précise pas les obligations des filiales à l’égard des parties V (langue de travail) et VI (participation des Canadiens d’expression française et d’expression anglaise) de la Loi. Cet état de faits (les activités enchevêtrées) justifie une révision législative de l’article 10.

RECOMMANDATION 10

Le Comité recommande au ministre des Transports de commander un réexamen de l’article 10, dans le cadre de la révision législative prévue à la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, afin que le libellé précise que la Société Air Canada et ses filiales doivent être assujetties à la Loi sur les langues officielles, dans son entièreté, au même titre qu’une institution fédérale.

 

        2.     Le renforcement du régime d’application des obligations linguistiques de la Société
                Air Canada

        Le Comité constate que, plus de 30 ans après l’adoption de la première Loi sur les langues officielles, Air Canada ne rencontre pas pleinement les obligations linguistiques qui lui incombent. Il rappelle qu’Air Canada commet des infractions répétées aux mêmes aspects de la Loi, et ce, malgré les recommandations des commissaires aux langues officielles successifs. Il constate aussi les difficultés à faire respecter une loi quasi constitutionnelle qui se fonde sur l’une des valeurs principales de la société canadienne.

RECOMMANDATION 11

Le Comité recommande au ministre des Transports de modifier l’article 10 de la Loi sur la participation publique du capital d’Air Canada, la Loi sur l’aéronautique et toute loi connexe afin de faire en sorte que les règlements et les dispositions linguistiques visant Air Canada soient adéquates et comportent un régime d’exécution efficace, entre autres à l’aide de sanctions, contraventions ou autres mesures en cas de non-observance.

        3.   La préséance de la Loi sur les langues officielles sur les conventions collectives

        Les syndicats privilégient la règle d’ancienneté, prévue dans les conventions collectives, pour l’affectation des employés à des postes et quarts de travail. La Société Air Canada a souvent déclaré que cette pratique l’empêchait de respecter ses obligations linguistiques. En 1996, le Commissaire Goldbloom a dû intenter des recours judiciaires qui soulevaient notamment la question de la préséance que devrait avoir la Loi sur les langues officielles sur les conventions collectives. Ces recours ont récemment été réglés hors cours, mais la question de droit relative à la préséance de la Loi sur les langues officielles n’a pas été tranchée.

        Dans leurs témoignages devant le Comité, les représentants syndicaux et le président d’Air Canada ont affirmé que la Loi sur les langues officielles devrait avoir préséance sur les conventions collectives. Le président d’Air Canada a suggéré au Comité de recommander au gouvernement d’affirmer clairement la préséance de la Loi sur les conventions collectives afin que la Société soit en mesure d’affecter ses employés bilingues là où leurs services sont requis.

        Le Comité reconnaît que la règle de l’ancienneté constitue un obstacle majeur au respect des obligations linguistiques de la Société à l’égard de sa clientèle. Il estime que le gouvernement ne saurait tolérer plus longtemps que la règle de l’ancienneté prime sur le respect de la Loi sur les langues officielles, une loi quasi constitutionnelle.

RECOMMANDATION 12

Le Comité recommande au ministre des Transports de proposer une modification législative à la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada afin qu’il soit établi clairement que la Loi sur les langues officielles a préséance sur les conventions collectives.

        4.     L’utilisation des deux langues officielles dans les exposés sur la sécurité à
                bord des aéronefs

        Le Règlement de l’aviation canadien, qui découle de la Loi sur l’aéronautique, oblige les exploitants aériens utilisant des aéronefs ayant une configuration de 20 sièges ou plus, sans compter les sièges des pilotes, à utiliser les deux langues officielles dans les exposés sur la sécurité qu’ils doivent donner aux passagers. Lors de leurs déplacements en avion, les membres du Comité constatent souvent que la qualité de la présentation de l’exposé en français est déficiente, ce qui, de toute évidence, va à l’encontre du statut d’égalité des deux langues officielles du pays.

RECOMMANDATION 13

Le Comité recommande au ministre des Transports de donner des directives à la Direction de l’aviation civile de son ministère pour que les exposés sur les consignes de sécurité présentés par l’équipage de cabine soient conformes à l’esprit et à l’intention de la Loi sur les langues officielles et de faire le suivi au Comité.

          C. À la présidente du Conseil du Trésor

         Le Conseil du Trésor est chargé de l’élaboration et de la coordination générales des principes et programmes d’application de la Loi sur les langues officielles. L’alinéa 46(2)d) précise que, dans le cadre de sa mission, le Conseil du Trésor peut surveiller et vérifier l’observation des principes, instructions et règlements en matière de langues officielles. En ce sens, le Conseil du Trésor dispose de plusieurs moyens pour appuyer les efforts de la Commissaire aux langues officielles à l’égard de la mise en œuvre des recommandations qu’elle formule au président d’Air Canada. Étant donné la feuille de route d’Air Canada, le Comité demande à la présidente du Conseil du Trésor de se montrer plus vigilante dans la surveillance du rendement d’Air Canada. Le Comité songe notamment à la collecte et à la publication des statistiques sur la première langue officielle de l’effectif d’Air Canada, ainsi qu’à l’affichage et à l’offre active de services dans les deux langues officielles dans les aéroports.

RECOMMANDATION 14

Le Comité recommande à la présidente du Conseil du Trésor de surveiller de très près l’évolution de la situation linguistique au sein de la Société Air Canada et de veiller à ce que les engagements de son administrateur soient tenus et à ce que les recommandations de la Commissaire aux langues officielles et du Comité soient mises en œuvre.

RECOMMANDATION 15

Le Comité recommande à la présidente du Conseil du Trésor de s’assurer que soit clairement indiquée la disponibilité des services d’Air Canada dans les deux langues officielles en vol et au sol. En outre, il lui demande de s’assurer que les administrations aéroportuaires des aéroports à demande importante s’acquittent bien de leurs obligations linguistiques tant au niveau de l’affichage qu’au niveau du service en personne et qu’ils surveillent adéquatement la mise en œuvre des clauses linguistiques des contrats de location avec les tiers conventionnés.

        D. Au gouvernement

        Le Comité constate que l’intégration des employés de l’ex-compagnie Canadien, qui n’était pas assujettie à la Loi sur les langues officielles, a créé une demande substantielle de formation linguistique. Il reconnaît que la prestation de la formation linguistique à plusieurs milliers d’employés sur une courte période entraîne des déboursés considérables à un moment où la Société doit gérer la crise qui frappe actuellement le secteur du transport aérien. Le Comité souhaite que le gouvernement accorde une assistance financière spécifique et non récurrente à Air Canada afin de lui permettre d’améliorer sa capacité bilingue dans les meilleurs délais.

RECOMMANDATION 16

Le Comité recommande au gouvernement d’accorder une assistance financière spécifique et non récurrente à Air Canada afin de lui permettre d’accélérer la cadence de la formation linguistique.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

        Le Comité porte à l’attention du gouvernement quelques questions qui découlent de ses travaux. Il a choisi d’utiliser cette approche novatrice pour mettre en évidence certaines questions sur lesquelles il n’est pas prêt maintenant à soumettre des recommandations, mais qu’il demande au gouvernement de prendre en considération. Il s’attend à ce que le gouvernement lui communique ses commentaires sur ces questions dans sa réponse au présent rapport.

        A.    La règle du 5 p. 100 de la demande dans la langue officielle minoritaire

        Le Règlement d’application de la partie IV de la Loi sur les langues officielles prévoit des situations où les services doivent être offerts dans les deux langues officielles de façon automatique (par exemple, sur les vols intérieurs en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick). Il impose la même obligation si la demande dans la langue officielle de la minorité s’établit à 5 p. 100 de la demande globale annuelle. Dans son témoignage au Comité, le président-directeur général de la Commission canadienne du tourisme a fait valoir que le bilinguisme officiel du Canada constitue l’un des principaux traits distinctifs du pays et est de toute évidence un atout dans le contexte de la concurrence qui règne sur le marché touristique mondial. Le président d’Air Canada a déclaré devant le Comité que la prestation de services dans les deux langues officielles représente une bonne pratique commerciale auprès des touristes étrangers qui voyagent au Canada ou qui empruntent les vols d’Air Canada à destination des États-Unis. Il a affirmé qu’Air Canada s’efforce d’offrir des services bilingues dans le monde entier sans égard à la règle du 5 p. 100 de la demande dans la langue officielle de la minorité.

        Le Comité est d’avis que la règle du 5 p. 100 engendre beaucoup de confusion chez la clientèle d’Air Canada qui ne sait pas, en toutes circonstances, quels sont ses droits à un service dans la langue officielle de son choix. Le Comité estime souhaitable que, par égard aux voyageurs, les services d’Air Canada soient offerts dans les deux langues officielles partout au pays, tant sur les vols que dans les aéroports, sans égard à la règle du 5 p. 100. Il demande, par conséquent, au Conseil du Trésor, d’étudier la possibilité d’abolir la règle du 5 p. 100 en ce qui concerne les services d’Air Canada.

        B.      Absence de données sur le bassin de pilotes professionnels de langue française

        Les témoignages entendus au Comité ont mis en évidence les divergences d’opinions entre d’une part, l’Association des Gens de l’air du Québec (AGAQ) et le représentant des pilotes d’Air Canada et d’autre part, la Société Air Canada. Les représentants des pilotes réfutent la position d’Air Canada voulant que la sous-représentation des pilotes francophones au sein de la Société soit due à un bassin de recrutement trop petit.

        Dans le cadre de son enquête sur la plainte de l’AGAQ mentionnée précédemment, la Commissaire aux langues officielles a reconnu le bien-fondé de la position d’Air Canada voulant qu’il convenait de comparer le taux de participation chez les pilotes de la Société et ceux du bassin de recrutement pertinent i.e., des pilotes formés et expérimentés possédant le brevet voulu pour piloter des avions de lignes commerciales. Toutefois, Air Canada ne disposait pas de données sur la composition linguistique du bassin de pilotes professionnels au Canada. Le Commissariat a dû établir lui-même, dans la mesure du possible, la composition linguistique du bassin de pilotes professionnels au Canada, mais a reconnu que les données obtenues sont incomplètes.

        Afin de tirer cette question au clair, le Comité demande au gouvernement d’obtenir de Statistique Canada, de la Défense nationale et de Transports Canada les renseignements pertinents afin d’établir la composition linguistique du bassin de pilotes professionnels au Canada. Selon les résultats de cette étude, il conviendra ensuite de déterminer s’il y a lieu d’assister financièrement l’établissement d’une deuxième école publique de pilotage de langue française.

        C. La responsabilité financière des administrateurs d’Air Canada à l’égard des
             infractions à la Loi sur les langues officielles

        Le Comité juge essentiel que la plus grande compagnie aérienne canadienne reflète la dualité linguistique du Canada autant à l’étranger qu’à l’intérieur du pays. C’est pourquoi il invite le gouvernement à étudier la possibilité de rendre les administrateurs d’Air Canada financièrement responsables à l’égard des infractions à la Loi sur les langues officielles.

        Le Comité note que la responsabilité des administrateurs existe déjà au Canada dans divers domaines. Ainsi, lorsqu’une société commet certaines infractions, diverses lois prévoient expressément la responsabilité pénale personnelle de leurs administrateurs et de leurs dirigeants. C’est particulièrement le cas en matière de santé et de sécurité au travail, et de protection de l’environnement. Les lois prévoyant la responsabilité pénale des administrateurs et des dirigeants de société en cas de perpétration d’une infraction l’étendent souvent aux agents « qui l’ont ordonnée ou autorisée, ou qui y ont consenti ou participé » (Code canadien du travail, par. 149(2); Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), par. 280(1); et Loi sur la concurrence, par. 65(4)).

        Une formulation plus nouvelle de la responsabilité pénale des administrateurs et des dirigeants de société prévoit qu’ils sont tenus responsables s’ils omettent d’empêcher la perpétration d’une infraction ou quelque chose d’interdit (Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, c.O-1, art.32; et Workers Compensation Act, R.S.B.C 1996, c. 492, par.77(1)). Une variante de la responsabilité pénale des administrateurs et des dirigeants de société tient certains dirigeants responsables dans certaines circonstances à moins qu’ils ne puissent prouver qu’ils ont fait preuve de « diligence raisonnable » ou qu’ils ont pris autrement toutes les mesures raisonnables pour empêcher la perpétration de l’infraction par la société.

        Cependant, il n’est pas nécessaire que la responsabilité financière à l’égard d’une infraction vise une infraction réelle pour laquelle on peut être traduit devant les tribunaux. La sanction pécuniaire administrative ou SPA est une option plus efficiente et de plus en plus utilisée dans certains secteurs de réglementation. Les dispositions de ce genre fixent simplement, à l’égard de certains actes interdits, une sanction pécuniaire due au gouvernement et exigible du délinquant à titre de dette civile. Les SPA sont actuellement prévues dans au moins 19 lois fédérales.

        Comme le titre du présent rapport l’indique, les bonnes intentions ne suffisent pas. Le Comité soumet ces options au gouvernement dans le but de faire en sorte que la Société Air Canada devienne un modèle de respect de la Loi sur les langues officielles.

CONCLUSION

        Les bonnes intentions ne suffisent pas surtout lorsqu’il s’agit de respecter les obligations imposées en vertu d’une loi quasi constitutionnelle. À l’issue de leur étude, les membres du Comité constatent que la haute gestion d’Air Canada doit mettre en place un régime d’application approprié de la Loi sur les langues officielles et changer la culture organisationnelle de la Société. Cela s’avère d’autant plus nécessaire qu’à la suite de l’intégration de l’effectif de Canadien, Air Canada se doit d’améliorer son rendement linguistique avec un effectif comportant une capacité bilingue proportionnelle-ment plus faible.

        Les membres du Comité attachent la plus haute importance à la réalisation de l’engagement pris devant eux par le président d’Air Canada de présenter un plan d’action pour encadrer l’application de la Loi sur les langues officielles d’ici la fin mars 2002. Cependant, étant donné que les bonnes intentions ne suffisent pas, ils s’attendent à ce que le plan d’action soit mis en application dans les meilleurs délais. Ils exhortent les syndicats représentant les employés d’Air Canada à collaborer avec la Société à la réalisation de son plan d’action.

        Les membres du Comité demandent à la présidente du Conseil du Trésor et au ministre des Transports de s’assurer qu’Air Canada s’acquitte des obligations linguistiques qui lui incombent et reflète la dualité linguistique du Canada tant au pays qu’à l’étranger. Ils souhaitent que le gouvernement du Canada rappelle à la haute direction et aux employés d’Air Canada l’importance qu’il accorde au respect des droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes.

        Les membres du Comité sont déterminés à collaborer avec la Commissaire aux langues officielles pour suivre de près l’évolution du rendement linguistique d’Air Canada car rappelons-le, les bonnes intentions ne suffisent pas, ce sont les résultats qui comptent.