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AMAD Rapport du Comité

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Introduction

Depuis des décennies, les tribunaux et les législateurs canadiens s’attaquent à la question de l’aide à mourir. En 2014, après plusieurs années d’étude de cette question par le législateur et le gouvernement québécois, ce dernier a adopté la Loi concernant les soins de fin de vie. Une partie de cette loi énonce les droits en matière de soins de fin de vie ainsi que les règlements relatifs à « l’aide médicale à mourir ».

En 2016, en réaction au jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Carter c. Canada (Procureur général)[1] (l’arrêt Carter), on a ajouté au Code criminel (le Code) l’autorisation de l’aide médicale à mourir (AMM) pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible (c.-à-d. voie un), pourvu que celles-ci satisfassent à certains critères. Ensuite, on a modifié la loi afin de permettre aux personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible d’y avoir aussi recours (c.-à-d. voie deux). Les personnes dont la demande est présentée au titre de la voie un n’ont pas à observer de période d’attente. Les gens qui font une demande en vertu de la voie deux ont une période d’attente de 90 jours, qui peut être levée s’il y a perte imminente de leur capacité de consentir à l’AMM[2].

La question de déterminer quelles personnes devraient avoir accès à l’AMM au Canada fait l’objet d’un vif débat. Comment la loi peut-elle contribuer à protéger les personnes vulnérables tout en respectant l’autonomie et le choix individuel? Comment les obstacles à l’accès aux soins de santé ainsi qu’à du soutien social et financier pourraient-ils influer sur le choix d’avoir recours à l’AMM? L’élargissement de l’application de l’AMM à d’autres personnes que celles dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible nous entraîne-t-il sur une « pente glissante »? Ce ne sont là que quelques-unes des questions auxquelles le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (le Comité) a tenté de répondre ces neuf derniers mois, alors qu’il a entrepris l’examen de la loi et de son application. Cet examen comprenait l’étude de l’état des soins palliatifs au Canada, de la protection des Canadiens handicapés, de l’aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué (AMM TM‑SPMI) et pour les mineurs matures, ainsi que des demandes anticipées d’AMM.

Tout au long de son étude, le Comité a entendu près de 150 témoins et a reçu plus de 350 mémoires et autre correspondance. L’intérêt considérable que suscite son travail en dit long sur l’importance que revêt ce dossier pour les Canadiens. Des praticiens des soins de santé, des universitaires et des avocats ainsi que des représentants d’organismes de revendication et d’organismes religieux ont comparu, de même que des témoins individuels directement touchés par l’AMM. Les membres du Comité tiennent à exprimer leur plus sincère reconnaissance aux personnes qui ont fait part de leur expérience personnelle, y compris en faisant des récits de perte, de deuil, de douleur et de vulnérabilité[3].

Le Comité reconnaît que, pour de nombreuses personnes, le sujet concerne de profondes valeurs morales et religieuses. Certains Canadiens estiment que l’AMM n’est acceptable en aucune circonstance, et d’autres considèrent que l’admissibilité, selon les critères actuels, des personnes handicapées dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible les singularise. Toutefois, certains autres témoins estiment que la loi actuelle sur l’AMM continue d’exclure des personnes qui devraient y avoir accès, ce qui, dans certaines circonstances, porte atteinte aux droits que leur confère la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Dans cet esprit, le Comité a tenu attentivement compte des questions proposées par les témoins et dans les mémoires présentés, et partage ci-dessous son résumé de ses débats et de ses recommandations.

Contexte parlementaire et législatif

En 2015, la Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Carter que l’alinéa 241b) et l’article 14 du Code, qui interdisaient l’aide à mourir, portaient atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne prévus par la Charte (article 7).

À la suite de cet arrêt, le Parlement a créé le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (PDAM), le chargeant de formuler des recommandations sur un cadre d’intervention du gouvernement fédéral. En février 2016, le PDAM a présenté son rapport[4], et, peu de temps après, le gouvernement présentait le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir). Celui-ci a reçu la sanction royale en juin 2016, de sorte que des personnes de 18 ans ou plus ayant la capacité de donner leur consentement, étant atteintes de problèmes de santé graves et irrémédiables, et dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible puissent avoir accès à l’AMM dans la mesure où elles respectent certaines exigences additionnelles.

Dans le projet de loi C-14, il était prévu que trois principaux éléments qui intéressaient les membres de PDAM, soit l’AMM pour les mineurs matures, les demandes anticipées d’AMM et l’AMM dans les cas où le trouble mental est le seul problème médical invoqué (AMM TM-SPMI), devaient faire l’objet d’un examen indépendant[5]. Le Conseil des académies canadiennes a mené ces examens et les a publiés en 2018. Dans le projet de loi C-14, il était aussi prévu qu’un comité parlementaire examinerait la loi (examen législatif) cinq ans après sa sanction royale.

En 2021, les dispositions du Code liées à l’AMM ont de nouveau été modifiées par l’entremise du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir) pour permettre aux personnes souffrant d’un problème de santé grave et irrémédiable, mais dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, d’avoir accès à l’AMM. Ces modifications donnaient suite au jugement de la Cour supérieure du Québec dans l’arrêt Truchon c. Procureur général du Canada (l’arrêt Truchon)[6]. Dans la décision concernant cette affaire, la Cour a statué que le critère de la mort raisonnablement prévisible en vertu du Code contrevenait aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne (article 7 de la Charte) et à l’égalité (article 15), et que l’exigence de fin de vie de la loi québécoise portait aussi atteinte au droit à l’égalité. Cette atteinte n’était pas justifiée au sens de l’article premier. Ni le gouvernement fédéral ni celui du Québec n’ont interjeté appel de la décision rendue dans l’arrêt Truchon.

Le projet de loi C-7 excluait initialement l’admissibilité à l’AMM TM-SPMI, mais, selon d’autres modifications apportées à la version finale, il était prévu qu’un particulier pourrait présenter une demande d’AMM TM-SPMI dès le 17 mars 2023. Dans la version finale du projet de loi C-7, on exigeait également la tenue d’un examen de l’AMM TM-SPMI par des experts indépendants[7].

En outre, étant donné que l’examen législatif par un comité parlementaire exigé en vertu du projet de loi C‑ 14 n’avait pas encore eu lieu, l’article 5 du projet de loi C-7 prévoyait la création d’un comité parlementaire mixte qui serait chargé d’examiner les dispositions du Code relatives à l’AMM et leur application, ainsi que « des questions portant sur les mineurs matures, les demandes anticipées, la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés ».

L’examen de la loi a commencé en mai 2021. Le Comité n’a toutefois tenu que quelques réunions en raison de la dissolution de la 43e législature par suite du déclenchement des élections fédérales en août 2021. Il a été rétabli en mars 2022. Il a publié un rapport provisoire sur l’AMM TM-SPMI en juin 2022[8], et le gouvernement a fourni sa réponse à ce rapport en octobre 2022[9].

Le 15 décembre 2022, l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé, et l’honorable Carolyn Bennett, ministre de la Santé mentale et des Dépendances, ainsi que ministre associée de la Santé, ont publié un énoncé selon lequel « notre gouvernement entend collaborer avec nos collègues parlementaires à la Chambre des communes et au Sénat afin de négocier un report de la date d’admissibilité (17 mars 2023)[10] » à l’AMM TM-SPMI. Cette prolongation s’appuie sur les témoignages reçus, et le Comité approuve la décision des ministres. Le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir) a été présenté à la Chambre des communes le 2 février 2023; il propose de repousser d’un an la date d’admissibilité à l’AMM TM-SPMI.

Enjeux systémiques et pratiques

Qui a recours à l’AMM?

Le Dr James Downar, médecin en soins intensifs et en soins palliatifs, a déclaré que, principalement, ceux et celles qui demandent l’AMM « ont presque toujours beaucoup plus facilement accès à des soins palliatifs que le reste de la population ». Selon le Dr James Downar et l’avocat Bryan Salte, College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan, les faits permettent de déterminer que ceux et celles qui accèdent à l’AMM au Canada ne sont pas des personnes marginalisées. Constance MacIntosh, professeure, croyait que les médecins pourraient reconnaître les cas de désavantage social ou manque de soutien et que, dans ces cas, ils pourraient ne pas approuver l’AMM. Selon Jocelyn Downie, professeure de recherche universitaire aux Facultés de droit et de médecine de l’Université Dalhousie, et Dr Derryck Smith, professeur émérite de médecine, Service de psychiatrie de l’Université de la Colombie-Britannique, des recherches empiriques réalisées dans plusieurs administrations ne parviennent pas à démontrer que l’AMM présente un risque pour les populations vulnérables, y compris pour les personnes handicapées. Ces témoins estimaient qu’au contraire, les membres de ces populations font face à des obstacles à l’accès à l’AMM.

Le Dr Harvey Max Chochinov, professeur distingué en psychiatrie à l’Université du Manitoba, a laissé entendre cependant qu’au Canada, les données concernant les personnes qui demandent l’AMM sont limitées en ce moment, car elles portent plutôt sur celles dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible.

Diane Reva Gwartz, infirmière praticienne, a parlé de certains obstacles à l’accès à l’AMM :

Malheureusement, dans de nombreuses collectivités, les politiques institutionnelles empêchent de fournir l’aide médicale à mourir à ceux qui en font la demande. Chez moi, par exemple, vu les politiques et les ressources des hôpitaux, il est difficile de recevoir l’AMM dans le système hospitalier. Le centre de réadaptation et le centre de soins palliatifs ont tous deux des politiques qui en interdisent expressément la prestation chez eux. Il est inéquitable et injuste que les divers établissements puissent établir des politiques qui privent ceux qui ont besoin de leurs services de la possibilité d’obtenir cette aide.

Elle a aussi informé les membres du Comité que le lieu géographique pouvait nuire à l’accès à l’AMM, et que les patients et leur famille sont peu sensibilisés à l’AMM. Le petit nombre d’évaluateurs et de prestataires de l’AMM peut aussi y limiter l’accès[11], une difficulté susceptible d’être exacerbée par le fait que de plus en plus de gens peuvent devenir admissibles à demander l’AMM[12]. Le Comité a appris que le fait de remédier à l’absence de rémunération des infirmiers praticiens qui évaluent les demandes et fournissent l’AMM pourrait contribuer à y améliorer l’accès[13].

Accès aux soins de santé

L’accès aux soins de santé est l’un des nombreux déterminants sociaux de la santé[14]. Un certain nombre de témoins ont émis des commentaires au sujet des répercussions des problèmes d’obtention de soins de santé primaires et spécialisés sur les personnes dans le contexte de l’AMM. Par exemple, en réponse à la question de savoir s’il avait été témoin de situations dans lesquelles un patient était informé qu’aucun médecin n’était disponible pour lui fournir un traitement adapté à son état et se voyait ensuite offrir l’AMM, le Dr Félix Pageau, médecin, gériatre et éthicien, Université Laval, a informé les membres du Comité que, « dans la recherche que j’ai faite dans le cadre de ma maîtrise, un cas conflictuel a été soulevé ». Lorsqu’on lui a demandé s’il était possible d’obtenir des statistiques permettant d’indiquer la fréquence de ce genre de situations, le Dr Pageau a répondu que, à son avis, « [s]elon les données du Québec, l’une des premières raisons pour lesquelles on demande l’aide médicale à mourir, c’est qu’on trouve qu’on n’a pas les services ou les soins appropriés ». Le Comité constate que l’allusion aux données du Québec va à l’encontre du Rapport annuel 2021‑2022 de la Commission sur les soins de fin de vie du Québec, dans lequel on explique que 66 % des personnes qui ont reçu l’AMM avaient reçu un diagnostic de cancer[15]. De plus, 65 % d’entre elles avaient un pronostic de trois mois ou moins, et 84 % avaient un pronostic d’un an ou moins[16].

Dans le cadre de consultations menées auprès des membres, Tim Guest, directeur général de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, a informé le Comité que « nous avons entendu dire que l’accès limité aux soins primaires dans les régions rurales et éloignées a amené des patients à se tourner directement vers les centres urbains pour obtenir des services d’AMM ». Il a en outre déclaré que des personnes pourraient accéder à l’AMM plus tôt que cela aurait été le cas si elles avaient un meilleur accès aux services de santé et aux services sociaux. L’infirmière praticienne Julie Campbell a informé les membres du Comité que, « [a]u fur et à mesure que nous augmentons la complexité des patients qui peuvent être admissibles [à l’AMM], nous devons avoir accès à une connaissance experte de diverses situations, y compris les services pour lesquels il y a des listes d’attente importantes, comme la gestion spécialisée de la douleur et les soutiens psychiatriques ».

Tenant compte des divers déterminants sociaux de la santé, le Dr James Downar a indiqué au Comité :

J’estime primordial de vraiment faire le nécessaire au chapitre de ces déterminants sociaux, comme le logement, la sécurité alimentaire, l’assurance-médicaments et les soins dentaires, parce que ce sont des éléments très importants pour la santé de tous les Canadiens. Il convient cependant de reconnaître que ces mesures ne concernent pas du tout l’aide médicale à mourir, car les personnes en situation de vulnérabilité structurelle sont déjà beaucoup moins susceptibles d’y avoir recours. Nous devrions prendre des mesures en ce sens, simplement parce que c’est la bonne chose à faire.

La Dre Stefanie Green, présidente de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM (ACEPA), prestataire d’AMM, et conseillère du ministère provincial de la Santé, a expliqué les difficultés inhérentes au processus d’évaluation de l’AMM alors que l’accès à des soins de santé ou à d’autres formes de soutien est insuffisant :

Que faisons-nous dans la situation où une personne répond vraiment aux critères d’admissibilité à l’AMM, mais où le clinicien croit qu’on pourrait peut-être lui offrir quelque chose de plus qui n’est pas raisonnablement accessible à ce patient? C’est une cause de détresse chez certains de mes collègues, et nous ne faisons pas avancer ces dossiers, mais nous demandons cependant aux gouvernements, fédéral et provinciaux, de nous aider à corriger la situation et de fournir des ressources plus étoffées.

Selon la Dre Stefanie Green, il faudrait que l’« AMM et les ressources communautaires consacrées à la santé mentale, aux soins palliatifs et aux soutiens aux personnes handicapées soient élargies et financées en parallèle ».

La Dre Cornelia Wieman, psychiatre, a insisté sur l’importance de comprendre le terme « accès » au sens large :

[C’est] qu’il ne se limite pas à la disponibilité d’une équipe de professionnels de la santé ou de services permettant de fournir des soins dans un délai raisonnable. Les soins et l’attention médicale peuvent être entravés par des personnes qui choisissent de ne pas utiliser les services en raison, dans le cas présent, d’un racisme envers les Autochtones ou d’un traitement discriminatoire. Les Autochtones décident de ne pas se prévaloir des services de santé par crainte de la façon dont ils seront traités.

Enjeux liés à la compétence et harmonisation

Aucun renvoi précis à la « santé » n’est prévu aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais, au paragraphe 92(7), la compétence en matière d’hôpitaux est conférée aux gouvernements des provinces. Beaucoup d’autres dispositions liées à la santé, comme celles traitant de la prestation des soins de santé, de l’exercice de la médecine et de la réglementation des travailleurs de la santé, sont aussi des domaines de compétence provinciale en vertu des paragraphes 92(13) et 92(16).

Parallèlement, le Parlement peut exercer sa compétence sur des questions de santé (ce qu’il a déjà fait) en vertu de son pouvoir de légiférer en matière de droit criminel (paragraphe 91(27)), de son pouvoir de dépenser (paragraphe 91(1A)) et de son pouvoir général d’imposition (paragraphe 91(3)). Par son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral peut assortir les subventions à la santé qu’il accorde aux provinces et aux territoires de conditions, y compris des conditions relatives à l’exercice des compétences provinciales au sujet desquelles le Parlement ne saurait directement légiférer[17].

Plusieurs témoins ont insisté sur la nécessité de s’assurer que les lois, les politiques et les pratiques liées à l’AMM sont uniformes à l’échelle du pays. Jennifer Chandler, professeure, a abordé la question des difficultés de l’harmonisation dans un État fédéral. Alors qu’une réglementation détaillée à l’échelle fédérale pourrait être considérée comme empiétant sur les compétences des provinces en matière de soins de santé, les gouvernements des provinces et des territoires peuvent élaborer des approches incohérentes si on leur laisse une trop grande marge de manœuvre. Jennifer Chandler voyait dans les associations de professionnels telles que l’ACEPA une source prometteuse pour l’élaboration d’une approche uniforme sur l’AMM à l’échelle du Canada.

Selon la Dre Donna Stewart, professeure à l’Université de Toronto, scientifique chevronnée, Toronto General Hospital Research Institute, Centre de la santé mentale, « [i]l est essentiel que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s’efforcent de faciliter la collaboration entre les organismes de réglementation des médecins et des infirmières en ce qui concerne l’élaboration de normes de pratique professionnelle pour l’AMM ». Elle a laissé entendre que cela pourrait permettre d’éviter une législation lourde. Bryan Salte s’en remettait de la même manière à la décision des professionnels de la santé, en suivant les conseils des organismes de réglementation :

Je suis un régulateur. Je travaille dans le milieu de la réglementation professionnelle depuis longtemps. L’un des rôles de tout organisme de réglementation d’une profession est de veiller au respect des normes professionnelles. Ce qui me préoccuperait, si ce critère était intégré dans une forme de règlement ou de loi, c’est qu’il deviendrait difficile de le modifier et que son application pourrait être assez rigide. Je serais en faveur de l’inclusion à la loi de mesures minimales de protection. […]
Concernant l’ajout d’exigences, je pense que vous pouvez vous fier aux organismes de réglementation de l’ensemble du Canada, comme nous l’avons fait. Lorsque nous conseillons nos membres à cet égard, nous leur disons ce que nous attendons d’eux si jamais ils devaient participer à l’aide médicale à mourir.

Les membres du Comité ont appris que le manque d’uniformité entre le Code et la Loi du Québec en ce qui concerne les soins de fin de vie créait de la confusion pour les prestataires de soins de santé et les patients[18]. En particulier, le Dr Louis Roy, médecin au Collège des médecins du Québec, et le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec, ont souligné que, dans les critères d’admissibilité du Code, on parle de « maladie », d’« affection » et de « handicap », alors que, dans la loi du Québec, on renvoie seulement à la maladie. Selon le Dr Mauril Gaudreault, il en résulte que l’accès à l’AMM est plus restreint au Québec. La question du handicap en lien avec l’AMM est abordée plus en détail sous la rubrique « Protection des Canadiens handicapés ».

Catherine Claveau, bâtonnière du Québec, a fait observer que le Barreau du Québec et d’autres ordres professionnels avaient demandé à maintes reprises que les lois québécoise et fédérale soient harmonisées. Au même moment, elle a affirmé que l’exercice des compétences provinciales et fédérale relativement à l’AMM pouvait se faire de manière concurrente, et a demandé instamment le soutien des initiatives provinciales visant à élargir l’accès à l’AMM, comme celles qui s’appliquent déjà au Québec à l’égard des demandes anticipées.

Surveillance des balises et collecte de données

Dans le cadre des rencontres, les témoins ont rappelé qu’améliorer la collecte de données pourrait aider à évaluer l’efficacité des balises de l’AMM. En particulier, ils ont recommandé d’améliorer la collecte de données sur l’accès et la qualité des soins palliatifs dans le contexte de l’AMM et de façon plus générale, ainsi que sur l’accès aux services de soutien des personnes handicapées. Le Comité constate que la récente promulgation du Règlement modifiant le Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir, le 1er janvier 2023, tient compte de certaines des préoccupations soulevées concernant l’amélioration de la collecte de données, mais pas de toutes.

Il convient de signaler qu’en décembre 2022, la Commission sur les soins de fin de vie du Québec a déposé son rapport annuel, qui comprend des données sur les endroits où des patients ont reçu des soins palliatifs[19].

Prestataires : soutien, formation, éducation et normes

Les membres du Comité ont appris que le soutien et la formation de tous les professionnels de la santé étaient la clé de la prestation efficace, équitable et sécuritaire du régime d’AMM au Canada.

Tim Guest a indiqué qu’une étude de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada avait permis de constater que certains infirmiers limitaient leur participation à l’AMM en raison du manque de soutien. Diane Reva Gwartz a mentionné quant à elle l’importance du soutien administratif et des activités de liaison avec les membres de la communauté. De plus, ce soutien comprend une rémunération appropriée[20].

Dans un document d’information, le Dr Gordon Gubitz, professeur à la Division de neurologie du Département de médecine de la Faculté des études supérieures de l’Université Dalhousie, explique l’évolution du Projet d’élaboration d’un programme de formation canadien sur l’AMM de l’ACEPA[21]. La formation offerte dans le cadre du Projet aux évaluateurs et aux prestataires prend en compte les besoins des Canadiens autochtones, racisés, handicapés et marginalisés, et conduira à l’élaboration d’une « approche normalisée en ce qui concerne les évaluations et les dispositions relatives à l’AMM dans l’ensemble du Canada ».

La Dre Mona Gupta, professeure agrégée de clinique et présidente du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale (le Groupe d’experts), a souligné l’importance de la formation dans le contexte de l’AMM TM-SPMI, ce dont le Comité parle également dans son rapport provisoire sur les troubles mentaux. Dans la réponse du gouvernement au rapport provisoire, le ministre fédéral de la Santé, l’honorable Jean‑Yves Duclos, a expliqué qu’en plus de financer l’élaboration du programme de formation de l’ACEPA, le gouvernement fédéral « mobilise activement les provinces et les territoires et la Fédération des ordres des médecins du Canada pour l’élaboration des normes de pratique uniformes[22] ». Dans son mémoire, l’Association médicale canadienne énonce que ses consultations attestent du fait que les participants appuient vigoureusement la clarté accrue et l’application uniforme que procureraient des directives cliniques.

Les membres du Comité conviennent que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de chef de file dans l’élaboration de normes de pratique et de formation. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada, de concert avec les provinces et les territoires, continue de faciliter la collaboration entre les autorités réglementaires, les médecins et les infirmiers praticiens pour établir des normes à l’intention des médecins et des infirmiers praticiens à des fins d’évaluation des demandes d’AMM, et ce, en vue de permettre l’harmonisation de l’accès à l’AMM à l’échelle du pays.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada, par l’entremise des ministères fédéraux pertinents et en collaboration avec les autorités réglementaires, les médecins et les infirmiers praticiens concernés, continue de se préoccuper de la qualité et de la normalisation de l’évaluation et de la prestation de l’AMM.

Consultations avec les peuples autochtones

Certains témoins ont souligné l’importance de susciter la participation des peuples autochtones au sujet de l’AMM. Les membres du Comité ont abordé cette question dans leur rapport provisoire dans le contexte de l’AMM TM‑SPMI :

Bien que le Comité soit conscient que la consultation des communautés autochtones au sujet de l’AMM TM-SPMI ne tombait pas sous le mandat du Groupe d’experts, ce dernier a affirmé que « les peuples autochtones du Canada ont un point de vue sur la mort qui leur est propre et qui doit être pris en compte dans le contexte de l’émergence de l’AMM, y compris l’AMM TM-SPMI. Toutefois, la mobilisation auprès des peuples autochtones du Canada concernant l’AMM n’a pas encore eu lieu[23]. »

La Dre Cornelia Wieman a convenu qu'il n'y a pas eu de consultation significative avec les peuples autochtones. Elle a rappelé que la comparution de témoins autochtones au cours de l’étude du Comité « ne peut être considérée comme une consultation complète des Premières Nations, des Métis ou des Inuits ».

En outre, la Dre Cornelia Wieman a mentionné que les peuples autochtones avaient des opinions diverses concernant l’AMM :

Les points de vue au sujet de l’AMM figurent à divers degrés d’une échelle. J’ai entendu parler de décès attribuables à l’aide à mourir qui surviennent dans des communautés des Premières Nations et qui sont ancrés dans des cérémonies, où toute la communauté est consciente de ce qui se passe et où la personne mourante est emmenée dans l’autre monde au son du tambour. À l’autre bout de l’échelle, il y a ceux qui sont encore profondément bouleversés par leurs expériences personnelles de traumatismes historiques, intergénérationnels et contemporains. Pour eux, l’AMM équivaut essentiellement à un génocide.
Les choses deviennent encore plus compliquées lorsque nous prenons en considération l’AMM de type TM-SPMI. De fausses informations risquent d’être propagées, comme nous l’avons vu pendant la pandémie de COVID, à un tel point que certaines personnes risquent de croire que les jeunes Autochtones suicidaires pourront avoir accès à l’AMM. Nous savons tous que cela ne sera pas autorisé, mais ce sont les raisons pour lesquelles une mobilisation plus vaste est nécessaire.
Enfin, selon mon expérience en Colombie-Britannique, je tiens à souligner que les communautés des Premières Nations sont fatiguées d’être mobilisées et consultées. Les communautés ont dû faire face à tellement d’événements au cours des dernières années qu’il est décourageant de leur demander de participer à une consultation supplémentaire sur un sujet aussi délicat que l’AMM en général, et l’AMM TM-SPMI en particulier. Les communautés des Premières Nations sont plus susceptibles de vouloir discuter de la vague de suicides chez les jeunes que de l’AMM TM-SPMI, mais malgré cela, elles doivent être consultées.

Dans sa réponse au rapport provisoire du Comité, le gouvernement a souligné ce qui suit en ce qui a trait à la consultation des peuples autochtones et l’AMM :

Santé Canada reconnaît l’importance d’une mobilisation significative et d’un dialogue continu avec les peuples autochtones pour appuyer la mise en œuvre de I’AMM sécuritaire sur le plan culturel. Nous sommes déterminés à collaborer avec les partenaires autochtones afin de déterminer et d’appuyer les priorités fondées sur les distinctions en ce qui concerne un processus de mobilisation à l’échelle fédérale. Jusqu’à ce jour, Santé Canada a communiqué avec les organisations autochtones nationales pour discuter du rôle qu’elles préfèrent jouer dans le cadre d’une consultation nationale des Premières Nations, des Inuits et des Métis sur le sujet de I’AMM.
Le Ministère complétera toute mobilisation sur I’AMM avec les commentaires reçus des organisations autochtones dans le cadre des activités suivantes : le processus de révision du règlement sur la surveillance de I’AMM (actuellement en cours); recherches antérieures sur les points de vue fondés sur les distinctions concernant les soins de fin de vie; témoignage devant les comités parlementaires en lien avec I’AMM, ainsi qu’avec les processus de mobilisation de Services aux Autochtones Canada sur le continuum holistique des soins et la loi sur la santé des Autochtones. De plus, la consultation et la collaboration avec les partenaires autochtones seront éclairées par toute obligation applicable en vertu de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones[24].

Le Comité constate l’engagement du gouvernement du Canada à collaborer avec les partenaires autochtones « afin de déterminer et d’appuyer les priorités fondées sur les distinctions en ce qui concerne un processus de mobilisation à l’échelle fédérale » et tient à souligner l’importance de la production de rapports périodiques sur ce processus de mobilisation. Puisque le Comité est un comité mixte spécial qui cessera d’exister après le 17 février 2023, il conviendrait de saisir d’autres comités parlementaires permanents de cette question.

Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 3

Que, tous les six mois, Santé Canada rende compte au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes et au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de la consultation des Premières Nations, des Inuits et des Métis sur l’AMM.

Eu égard au rôle fondamental que jouent des organismes comme l’ACEPA dans la prestation de l’AMM au Canada, de même que les organismes de réglementation provinciaux et territoriaux et les associations provinciales et territoriales de professionnels de la santé, le Comité fait également la recommandation suivante :

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada travaille en partenariat avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, les organismes compétents, tels que l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM, les autorités réglementaires et les associations de professionnels de la santé afin de sensibiliser les intervenants à l’importance de consulter les Premières Nations, les Inuits et les Métis sur l’AMM.

L’AMM et les pénitenciers

En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral a une compétence législative à l’égard des pénitenciers fédéraux (paragraphe 91(28)). Le Comité a appris que, selon le principe internationalement reconnu d’équivalence des soins, les détenus devraient avoir accès aux mêmes soins de santé, y compris à l’AMM, que les personnes vivant dans la communauté[25]. Cependant, les lacunes systémiques des soins de santé des détenus, y compris des soins palliatifs, sont bien documentées[26]. Adelina Iftene, professeure de droit, a noté que les personnes atteintes de démence et d’autres troubles cognitifs recevaient souvent un diagnostic erroné en prison à cause du manque d’expertise des premiers intervenants.

Selon le témoignage entendu, la libération conditionnelle en cas exceptionnels (libération pour motifs humanitaires) devient d’autant plus importante lorsque l’on songe à l’AMM pour les détenus. Aux termes de l’article 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la libération conditionnelle peut être accordée dans des cas exceptionnels. Le détenu qui est malade en phase terminale peut en bénéficier, ainsi que les détenus qui ne sont pas condamnés à perpétuité, mais dont la santé risque d’être « gravement compromise » ou ceux pour qui l’incarcération constituerait une « contrainte excessive » s’ils devaient rester en prison.

Jessica Shaw, professeure agrégée, et Adelina Iftene ont notamment expliqué que, malgré le faible risque que représentent la plupart des prisonniers en phase terminale ou qui sont atteints de souffrances intolérables, dans la pratique, il est très rare qu’on leur accorde la libération conditionnelle à titre exceptionnel. Selon Jessica Shaw, sur les trois prisonniers ayant été documentés comme ayant reçu l’AMM, deux avaient présenté une demande préalable de libération conditionnelle, qui leur a été refusée. Jessica Shaw et Adelina Iftene s’entendaient pour dire qu’il faudrait rendre plus accessible la libération conditionnelle à titre exceptionnel à ceux qui veulent avoir recours à des soins de fin de vie, y compris, mais pas uniquement, à l’AMM.

Les membres du Comité ont aussi été sensibilisés aux difficultés de s’assurer que le consentement à l’AMM est volontaire dans le contexte carcéral. Adelina Iftene a expliqué :

Je pense que le débat est plus complexe quand il est question de personnes incarcérées, simplement parce qu’on s’inquiète de leur capacité à donner leur libre consentement. Selon moi, tant que nous ne disposons pas de mécanismes de traitement humanitaire fonctionnels pour les personnes ayant des problèmes qui limitent l’espérance de vie ou qui éprouvent des souffrances intolérables… afin de leur permettre de choisir d’être transférées dans la communauté pour prendre des décisions de fin de vie, le débat sera très complexe.

Jessica Shaw a fait remarquer que la légalisation de l’AMM TM-SPMI présente des défis particuliers pour les détenus, qui pourraient être poussés à chercher à mourir à cause des souffrances psychologiques associées à leur emprisonnement. Elle a souligné la nécessité de faire la distinction, dans ce contexte, entre souffrances remédiables et trouble mental incurable.

Des témoins ont également exprimé des préoccupations au sujet des politiques et des processus qui régissent l’AMM dans les prisons. Adelina Iftene s’inquiétait du manque de surveillance, étant donné que le Service correctionnel du Canada est exempté, dans les cas d’AMM, de son obligation habituelle d’examiner tous les décès qui surviennent en prison. Jessica Shaw était reconnaissante de l’établissement par le Service correctionnel du Canada de lignes directrices en matière d’AMM, mais elle a affirmé que, dans certains cas, celles-ci ne correspondaient pas à la politique fédérale. Dans un document préparé pour Sécurité publique Canada, elle souligne, par exemple, que les lignes directrices exigent que tout détenu qui demande l’AMM rencontre le chef des services de santé avant que son admissibilité fasse l’objet d’une évaluation. Le cas échéant, cela peut entraîner une troisième évaluation ou, du moins, un retard bureaucratique. Les lignes directrices empêchent aussi un détenu de demander un autre avis si l’un ou l’autre des deux évaluateurs le juge inadmissible à l’AMM. Il n’en est pas de même des Canadiens à l’extérieur du système carcéral, lesquels peuvent demander une autre évaluation s’ils sont jugés inadmissibles.

Le Comité est d’accord pour permettre aux individus incarcérés de recevoir l’AMM et les soins de fin de vie connexes dans la communauté dans certaines circonstances, en portant une attention particulière aux problèmes de sécurité qui pourraient survenir. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada, par l'entremise du Service correctionnel du Canada, appuie la possibilité pour les bénéficiaires d’AMM de la voie un approuvés de mourir à l'extérieur du milieu carcéral, uniquement pour l'événement proprement dit et les soins palliatifs préparatoires immédiats qui sont nécessaires.

Les soins palliatifs au Canada

Financement

Si la prestation des soins de santé, y compris des soins palliatifs, relève d’abord de la responsabilité des provinces, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans son financement par l’entremise des transferts en santé.

Dans le budget de 2017, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il accorderait 6 milliards de dollars sur 10 ans, à compter de 2017–2018, aux provinces et aux territoires pour des initiatives de soins à domicile, ce qui doit comprendre des soins palliatifs[27].

Ce financement est accordé aux provinces et aux territoires dans le cadre d’un transfert fédéral distinct, le Transfert en matière de soins à domicile et services de santé mentale[28]. L’ensemble des provinces et des territoires ont conclu des accords bilatéraux avec le gouvernement fédéral sur la façon dont les fonds accordés seraient dépensés, conformément à L’énoncé de principes communs sur les priorités partagées en santé, publié en août 2017[29].

En décembre 2018, la ministre de la Santé a déposé le rapport Cadre sur les soins palliatifs au Canada, comme l’exige le projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada. En août 2019, Santé Canada a publié le Plan d’action sur les soins palliatifs — Construire sur le cadre sur les soins palliatifs au Canada (Plan d’action). Ce dernier document décrit le plan quinquennal du Ministère, lequel comprend cinq objectifs avec divers domaines d’action. Santé Canada y précise que les progrès seront mesurés dans chaque domaine à l’aide d’un ensemble d’indicateurs qui seront mis au point[30]. Voici ces cinq objectifs :

  • sensibiliser le public aux façons dont les soins palliatifs peuvent améliorer la qualité de vie;
  • améliorer les compétences en soins palliatifs et le soutien aux fournisseurs de soins;
  • améliorer la collecte de données et la recherche;
  • améliorer l’accès aux soins palliatifs pour les populations mal servies;
  • améliorer l’accès des communautés autochtones à des soins palliatifs sensibles à leur culture.

Un certain nombre de témoins ont relevé l’importance du rôle du gouvernement fédéral dans l’établissement de normes nationales relatives aux soins palliatifs[31] et ont exprimé la nécessité de financer le Plan d’action de manière appropriée[32].

Abby Hoffman, conseillère exécutive principale au sous-ministre, ministère de la Santé, a expliqué que, même si le financement fédéral consacré aux soins à domicile et en milieu communautaire (qui comprennent les soins palliatifs) a augmenté, ce sont les provinces qui déterminent les ressources devant être affectées aux soins palliatifs.

La Dre Leonie Herx, présidente et professeure agrégée de médecine palliative à l’Université Queen’s et présidente du Comité de spécialité en médecine palliative du Collège Royal, la Dre Ebru Kaya, présidente de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs et professeure agrégée en médecine à l’Université de Toronto, et le Dr José Pereira, professeur et directeur à la Division des soins palliatifs du Département de médecine familiale de l’Université McMaster, ont indiqué que la prestation de l’AMM avait un effet négatif sur les ressources pour les soins palliatifs. Abby Hoffman ne pensait pas que « ces fonds sont détournés des soins palliatifs au profit de la promotion de l’aide médicale à mourir », et le Dr Alain Naud, médecin de famille et en soins palliatifs, n’a pas constaté de preuve que l’AMM avait mené à une réduction du financement des soins palliatifs. En réponse à une question sur l’effet négatif de l’AMM sur le financement des soins palliatifs, le Dr James Downar a expliqué que « les provinces reçoivent l’argent et qu’elles décident de la façon dont il est dépensé, mais qu’il n’est jamais indiqué nulle part dans les budgets sur les services médicaux que “ceci est destiné aux soins palliatifs et à l’aide médicale à mourir”, faisant en sorte qu’on doit se battre pour obtenir les fonds[33] ».

Les membres du Comité sont d’accord que le budget de mise en œuvre du Plan d’action sur les soins palliatifs doit être suffisant pour permettre d’y améliorer l’accès pour les Canadiens. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada, par l’entremise des ministères fédéraux responsables et en respectant la compétence des provinces et des territoires, envisage d’augmenter le financement prévu pour la mise en œuvre du Plan d’action sur les soins palliatifs : Construire sur le Cadre sur les soins palliatifs au Canada, et investisse de façon ciblée et soutenue dans des approches novatrices et des recherches préliminaires visant à améliorer le rendement du système de santé et la qualité des soins pour les personnes atteintes d’une maladie limitant la durée de vie et les aidants naturels[34].

Accès

Alors qu’Abby Hoffman a indiqué que l’AMM et la fourniture de soins palliatifs « ne sont pas entièrement séparées et distinctes », d’autres témoins ont également souligné l’importance de faire la distinction entre les deux[35]. La Dre Leonie Herx a dit, par exemple : « Les soins palliatifs n’accélèrent pas la mort et sont reconnus à l’échelle internationale comme une pratique distincte de l’aide médicale à mourir sur les plans philosophique, clinique et juridique. » Dans la même veine, le Dr José Pereira a déclaré : « Les sociétés ou associations de soins palliatifs ne sont pas les seules à juger que l’AMM ne fait pas partie des soins palliatifs : l’Organisation mondiale de la santé en pense autant. » Selon la Dre Madeline Li, psychiatre et professeure associée, bien que, « [d]’un point de vue conceptuel, on peut dire que l’AMM et les soins palliatifs sont distincts […] d’un point de vue clinique, il faut une meilleure intégration pour assurer des soins de fin de vie de haute qualité, en prêtant attention à la vulnérabilité[36] ». Dipti Purbhoo, directrice exécutive du Dorothy Ley Hospice a expliqué qu’un examen de son personnel effectué récemment avait permis de faire la preuve que 70 % des médecins avaient changé leur point de vue sur la fourniture de l’AMM :

Les médecins ont vu dans l’aide médicale à mourir une option de plus parmi les moyens à leur disposition en matière de soins palliatifs […] Ils ont changé et évolué pour considérer l’aide médicale à mourir comme une option parmi tous les moyens à leur disposition pour assurer les soins palliatifs plutôt que comme une solution tout à fait à part.

Dans le cadre des critères d’admissibilité, selon le Code, une personne doit consentir «de manière éclairée à recevoir l’aide médicale à mourir après avoir été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment les soins palliatifs[37] ». Dans le cas des personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, toujours selon le Code, le médecin ou l’infirmier praticien doit également « s’assurer que la personne a été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment, lorsque cela est indiqué, […] les soins palliatifs et qu’il lui a été offert de consulter les professionnels compétents qui fournissent de tels services ou soins[38] ». Derek Ross, directeur exécutif de l’Alliance des chrétiens en droit, a recommandé non seulement d’informer les personnes de leurs options, mais aussi de leur proposer de consulter les prestataires concernés.

Abby Hoffman, de Santé Canada, a fait valoir que plus de 80 % des personnes qui avaient choisi l’AMM avaient reçu des soins palliatifs et que, parmi celles qui n’en avaient pas reçu, la « vaste majorité » avait accès à ces soins. Elle a noté que des difficultés étaient liées à la prestation de services de soins palliatifs à domicile, et que les membres des collectivités autochtones étaient nettement défavorisés.

Parlant de l’accès aux soins palliatifs au Canada de façon plus générale, la Dre Leonie Herx a déclaré que, si vous êtes « pauvre, Autochtone, sans abri, incarcéré ou si vous vivez dans une région rurale », vous avez moins de chances de recevoir des soins palliatifs, et qu’entre 30 et 50 % seulement des Canadiens avaient accès à ces soins. Le Dr José Pereira a également expliqué que seulement entre 15 et 25 % des patients avaient accès à des équipes spécialisées en soins palliatifs. Selon le Dr David Henderson, directeur médical, Integrated Palliative Care Nova Scotia Health, en raison du manque d’accès de certains patients aux soins de première ligne, le seul moyen d’avoir accès à des soins palliatifs est de passer par les services d’urgence.

Cheryl Romaire a été avisée qu’elle n’était pas admissible à des soins palliatifs du fait que son diagnostic n’en était pas un de maladie terminale. Elle a dit que, peu importe le diagnostic, les patients qui sont jugés admissibles à l’AMM devraient tous avoir accès à des soins palliatifs. Certains témoins ont signalé le manque de soins palliatifs pédiatriques et de soins palliatifs pour les personnes atteintes de démence[39]. On explique plus en détail les soins palliatifs pédiatriques à « Mineurs matures », sous « Accès à de l’aide et à des services ».

La Dre Romayne Gallagher, professeure clinicienne de médecine palliative, Université de la Colombie‑Britannique, a indiqué que, si on élargissait l’accès à Internet haute vitesse, les patients pourraient avoir recours aux services de télésanté, et l’accès aux soins palliatifs s’en trouverait amélioré. Cet accès pourrait aussi être amélioré si les personnes étaient mieux renseignées sur le rôle des soins palliatifs[40]. À cette fin, la Dre Marjorie Tremblay, médecin, a proposé que le gouvernement mette en œuvre une campagne nationale de sensibilisation aux soins palliatifs.

Les membres du Comité sont d’accord avec les témoins qui ont affirmé l’importance des soins palliatifs[41]. Inquiet du fait que les Canadiens n’ont pas un accès suffisant et équitable à des soins palliatifs de qualité, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 7

Que, étant entendu que les soins palliatifs ne sont pas une condition préalable pour accéder à l’AMM, le gouvernement fédéral travaille en partenariat avec les provinces et les territoires sur les points d’action suivants :

  1. Continuer le Plan d’action sur les soins palliatifs : Construire sur le cadre sur les soins palliatifs au Canada et examiner les approches innovantes et les recherches préliminaires visant à améliorer les performances du système de santé et la qualité des soins pour les personnes atteintes d’une maladie limitant la durée de vie et leurs aidants.
  2. Soutenir les efforts des provinces et des territoires pour développer des initiatives visant à améliorer les soins palliatifs à domicile et les soins palliatifs culturellement appropriés pour les populations mal desservies ainsi que l’accès à ces soins.
  3. Identifier des moyens d’améliorer l’accès aux soins palliatifs et de fin de vie de haute qualité et culturellement appropriés, en temps opportun, par les moyens suivants :
    • En soutenant les soins palliatifs à domicile;
    • En soutenant les soins palliatifs pédiatriques spécialisés;
    • En soutenant l’accès à la planification préalable des soins.

Données et recherches

Comme il a été mentionné précédemment, l’un des objectifs du Plan d’action sur les soins palliatifs du Canada est d’« [a]ppuyer l’amélioration de la qualité du système de santé grâce à une meilleure collecte de données et de la recherche ».

Abby Hoffman a constaté des limites en ce qui a trait aux renseignements qui sont actuellement recueillis en vertu des exigences en matière de rapports des praticiens qui fournissent l’AMM :

Nous avons des renseignements pour déterminer si la personne a reçu des soins palliatifs, mais l’étendue de ces soins n’est pas bien documentée. Dans de nombreuses régions du pays — dans la plupart des régions du pays, en fait —, il y a des limites de temps pour les soins palliatifs pour ce qui est de la quantité de soins que l’on peut recevoir et de l’imminence de la mort, etc.

Mike Kekewich, directeur, Champlain Regional MAID Network, Champlain Centre for Health Care Ethics, à l’Hôpital d’Ottawa, a ajouté qu’à l’avenir, Santé Canada colligerait d’autres données sur les soins palliatifs[42].

De nombreux témoins ont convenu que, pour améliorer les soins palliatifs au Canada, il fallait établir des normes ainsi que mesurer l’accès aux soins palliatifs et leur qualité[43]. La Dre Leonie Herx a parlé « d’un système national lié aux normes d’Agrément Canada et administré de façon à ce que les provinces recueillent des données sur les résultats qui soient déclarées par les patients ». Outre la mesure de la qualité des soins palliatifs et de l’accès à ces soins, la Dre Ebru Kaya a souligné l’importance de savoir qui prodigue des soins palliatifs aux patients susceptibles de recevoir l’AMM. L’infirmière praticienne Julie Campbell a expliqué que la collecte de données sur les soins palliatifs en dehors du contexte de l’AMM était également importante. Dans son mémoire, la Société canadienne du cancer recommandait de « mettre sur pied des systèmes de données pour améliorer la recherche sur les soins palliatifs ainsi que la collecte systématique et standardisée de données afin de mesurer l’accès aux soins palliatifs, tant à domicile que dans des milieux communautaires comme les établissements de soins de longue durée et les maisons de soins palliatifs ».

Le Dr Pierre Viens, médecin de famille, a souligné l’importance d’une définition plus précise des soins palliatifs, particulièrement pour des fins de rapport, en vertu du Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir.

Les membres du Comité sont d’accord sur le fait que l’amélioration des données sur l’accès aux soins palliatifs et l’établissement de normes permettant d’évaluer la qualité de ces soins constituent une étape importante de leur amélioration. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada, de concert avec les provinces et les territoires, collabore à l’élaboration de systèmes de données servant à recueillir des données désagrégées sur les communautés noires, autochtones, racisées, handicapées et 2ELGBTQ+ qui dépassent les exigences réglementaires entrées en vigueur le 1er janvier 2023.

Formation et accréditation

Des témoins ont recommandé un financement accru des programmes de formation en soins palliatifs, y compris pour les spécialistes[44], et ont affirmé qu’« intégrer une approche palliative des soins dans tous les milieux de soins[45] » devrait faire partie de cette formation.

Dans son mémoire, la Société canadienne du cancer recommande au gouvernement fédéral de « donner à tous les fournisseurs de soins de santé, dont les fournisseurs paramédicaux, un enseignement et une formation appropriés sur les principes et pratiques de base en soins palliatifs, afin de garantir que les personnes atteintes de cancer reçoivent des soins de la plus haute qualité ». Elle lui recommande aussi de « donner à tous les fournisseurs de soins de santé et aux étudiants un enseignement et une formation appropriés sur tous les aspects des soins de fin de vie, notamment sur leurs obligations et leurs responsabilités quant à l’AMM ».

Le Comité est d’accord sur le fait que l’on doit mettre l’accent sur la formation et les cours en soins palliatifs pour les spécialistes ainsi que pour tous les fournisseurs de soins de santé afin de leur permettre d’offrir des soins palliatifs de haute qualité.

Souffrance existentielle

Selon la Dre Nathalie Zan, même si des soins palliatifs optimaux sont offerts, la souffrance existentielle est difficile à soulager. Selon la Dre Madeline Li, le fait de mettre l’accent sur des soins psychosociaux dans le cadre même des soins palliatifs, comme la thérapie CALM (thérapie pour gérer le cancer et vivre en paix), peut contribuer à apaiser la souffrance existentielle. Le Dr Harvey Chochinov a expliqué l’importance de l’affirmation du statut de la personne à la fin de vie, appuyant également la thérapie de la dignité et la thérapie CALM.

Les membres du Comité ont appris que les substances psychédéliques, et la psilocybine en particulier, pourraient aider les personnes aux prises avec une détresse existentielle, mais que des obstacles empêchaient les patients d’y avoir accès. Actuellement, on ne peut obtenir la psilocybine qu’au moyen du Programme d’accès spécial de Santé Canada. Un certain nombre de témoins se sont prononcés en faveur du financement de la recherche sur les substances psychédéliques[46]. Spencer Hawkswell, président et directeur général de TheraPsil, et le Dr James Downar ont tous deux recommandé que les règlements concernant l’accès à la psilocybine soient examinés[47]. La Dre Valorie Masuda a parlé de son expérience de traitement de patients à l’aide de la psilocybine :

Au cours des trois dernières années, j’ai légalement — et avec succès — traité 20 patients atteints de démoralisation, de crainte et de dépression irrémédiables en vertu d’une exemption prévue à l’article 56 ou au titre du programme d’accès spécial. J’ai traité ces patients avec de la psilocybine, un médicament psychédélique très efficace et sécuritaire. Avec un traitement, j’ai observé une disparition totale de la démoralisation et de la peur. J’offre maintenant ce traitement aux patients souffrant de ce genre de détresse qui, sinon, auraient pu réclamer l’AMM.

La Dre Madeline Li, qui a présenté une demande pour obtenir des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada afin d’étudier le recours à la psilocybine dans le traitement du cancer et les soins palliatifs, a déclaré que les psychédéliques ne seront « pas la panacée ou l’antidote à l’AMM », et que cela « n’amène pas nécessairement le patient à changer d’avis ».

Le Comité est d’accord que l’on devrait réviser le processus réglementaire en ce qui concerne les thérapies prometteuses, telles que la psilocybine, pour repérer les obstacles ou les lacunes possibles. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 9

Que Santé Canada revoie le Programme d’accès spécial, les autres programmes et politiques, ainsi que les lois et les règlements pertinents afin de déterminer si certaines mesures pourraient permettre d’améliorer l’accès à des thérapies prometteuses, telle celle à la psilocybine, tant à des fins de recherche que pour un usage individuel dans le cadre des soins palliatifs.

La protection des Canadiens handicapés

Contexte

Pour être admissible à l’AMM en vertu du Code, une personne doit être « affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables[48] », à savoir être « atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables » qui entraîne un « déclin avancé et irréversible[49] » ainsi qu’une souffrance intolérable. Ces dispositions respectent l’arrêt Carter, la Cour ayant estimé que l’interdiction de l’accès à l’AMM par une personne adulte compétente était inconstitutionnelle lorsque, entre autres :

La personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition [paragraphe 4].

Comme on l’indique sous « Enjeux liés à la compétence et harmonisation », dans le cadre de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec, l’admissibilité est restreinte aux personnes atteintes d’une « maladie grave et incurable[50] »; aucune mention de « handicap » n’est faite.

Comme il en a été question sous « Contexte parlementaire et législatif », initialement, l’AMM n’était offerte qu’aux personnes dont la mort naturelle était raisonnablement prévisible ou, au Québec, à celles qui étaient en fin de vie. Dans l’arrêt Truchon, la Cour supérieure du Québec a cependant conclu que ces critères étaient inconstitutionnels, ce qui a entraîné l’élargissement de l’AMM par le projet de loi C-7. Par conséquent, l’AMM est maintenant accessible aux Canadiens handicapés dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, du moins à l’extérieur du Québec, à la condition que ceux-ci satisfassent également aux autres critères d’admissibilité.

Les membres du Comité ont entendu de nombreux témoignages sur les difficultés socioéconomiques et le capacitisme généralisé auxquels sont exposées les personnes handicapées. Les initiatives actuelles du gouvernement fédéral à cet égard incluent le Projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu, présenté le 2 juin 2022, qui vise à établir une prestation canadienne pour les personnes handicapées. Les critères d’admissibilité et le montant de la prestation doivent être établis par règlement (articles 4 et 5 et alinéa 11(1)c)). Le 7 octobre 2022, le gouvernement fédéral a lancé le Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap du Canada, 2022. Le Plan mise sur les consultations qui ont eu lieu de juin à septembre 2021.

Le Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir nécessite l’obtention de renseignements au sujet des services de soutien aux personnes handicapées reçus par les personnes qui demandent l’AMM ou accessibles par elles. Le 1er janvier 2023, le Règlement a été modifié pour permettre de savoir si le demandeur de l’AMM est handicapé, s’il consent à fournir cette information, ainsi que d’obtenir plus de détails au sujet du type de services de soutien reçus.

Établissement d’un équilibre entre autonomie individuelle et protection des personnes vulnérables

Les témoins ont exprimé des opinions très divergentes sur la manière de trouver un équilibre entre l’autonomie individuelle des personnes handicapées et leur vulnérabilité structurelle. Nombreux sont ceux qui considéraient que ces personnes devaient être traitées de façon individualisée, et que leur vulnérabilité devait être évaluée au cas par cas[51]. Le Dr Alain Naud a cité la conclusion de l’arrêt Truchon, qui voulait que :

La vulnérabilité d’une personne qui demande l’aide médicale à mourir doit exclusivement s’apprécier de manière individuelle, en fonction des caractéristiques qui lui sont propres et non pas en fonction d’un groupe de référence dit « de personnes vulnérables ». Au-delà de divers facteurs de vulnérabilité que les médecins sont en mesure d’objectiver ou de déceler, c’est l’aptitude du patient lui-même à comprendre et à consentir qui s’avère somme toute déterminante en sus des autres critères prévus à la loi [paragraphe 466].

Certains témoins, dont des personnes handicapées, se sont prononcés contre le paternalisme médical, insistant sur le droit de ces dernières de prendre elles-mêmes les décisions qui concernent leurs soins de santé[52], lequel, selon Colleen Sheppard et Derek Jones[53], est conforme à la Charte et à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. « Il faut pouvoir assumer pleinement son autonomie, durant la vie et à l’approche de la mort également : il n’y a pas de démonstration plus grande de ce que signifie être un humain », a déclaré Ghislain Leblond, ex-sous-ministre. Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle, a ajouté que beaucoup de personnes présentant une déficience intellectuelle étaient en mesure de prendre d’importantes décisions au sujet de leur vie, y compris des décisions autour de l’AMM.

Par contre, d’autres ont insisté sur les risques de répercussions plus vastes de la politique de l’AMM sur les personnes handicapées[54] et le fait qu’il nous appartient de protéger celles qui peuvent être vulnérables. Tim Stainton, directeur du Canadian Institute for Inclusion and Citizenship de l’Université de la Colombie-Britannique, trouve que cette obligation est noyée dans une notion d’autonomie de plus en plus individualiste. Selon Sarah Jama, directrice exécutive du Disability Justice Network of Ontario, les personnes handicapées sont confrontées à une « coercition systémique » en raison de l’expansion de l’AMM, et les droits individuels « ne devraient pas l’emporter sur les torts subis par les autres ». « Les changements apportés à la loi sur l’AMM influeront considérablement sur la mesure à laquelle les personnes handicapées se sentiront acceptées et valorisées au pays », a expliqué Catherine Frazee, professeure émérite à l’École d’étude sur la condition des personnes handicapées de l’Université métropolitaine de Toronto.

De nombreux témoins, y compris ceux qui appuyaient le choix individuel, se demandaient si les personnes handicapées qui sont accablées par des désavantages socioéconomiques et manquent d’accès aux soutiens ainsi qu’aux services essentiels pouvaient faire des choix significatifs au sujet de l’AMM[55]. Ahona Mehdi, membre et chef de recherche, Just Recovery, Disability Justice Network of Ontario, a insisté sur la « responsabilité collective » de lutter contre les circonstances sociales qui contribuent à la souffrance. Jocelyn Downie a quant à elle appuyé une amélioration de l’accès aux soutiens et aux services, mais a conseillé : « Ne restreignez pas l’accès à l’AMM, car vous ne devriez jamais tenir des personnes en otages pour régler des problèmes systémiques. » Jessica Shaw a déclaré : « [S]i nous ne vivons pas dans un pays où les gens sont soutenus […] la question se résume encore à décider combien de temps la personne doit souffrir et combien de souffrance elle doit endurer, et je pense que c’est à la personne de décider. »

Les membres du Comité reconnaissent qu’il faut trouver un équilibre délicat entre la promotion de l’autonomie individuelle et la protection contre les vulnérabilités socioéconomiques.

Discrimination et stigmatisation

Les différentes opinions concernant la façon de trouver le juste équilibre entre les choix individuels et la protection contre les préjudices étaient souvent liées à des interprétations divergentes de la discrimination. Plusieurs témoins ont souligné l’omniprésence du capacitisme auquel sont confrontées les personnes handicapées, auquel s’ajoutent l’âgisme et le racisme[56], dans le système de santé et de façon plus générale[57]. Le Comité a entendu parler de l’institutionnalisation historique et continue des personnes handicapées ainsi que des mauvais traitements qu’elles subissent,[58] du manque d’infrastructures qui leur permettent de participer également à la société[59] et de la tendance des fournisseurs de soins à sous-estimer leur qualité de vie potentielle ou réelle[60].

Certains témoins craignent que la discrimination préexistante fondée sur le handicap et toute autre forme de discrimination intersectionnelle puissent aboutir à une offre de l’AMM par coercition ou prématurément aux personnes handicapées[61]. Kerri Joffe, avocate-conseil à l’interne, ARCH Disability Law Centre, et Gabrielle Peters, cofondatrice, Le filibuster du handicap, ont signalé que cela pouvait nuire à la relation entre les patients handicapés et leur médecin. Jessica Shaw croyait par contre, après avoir fait ses recherches, que le capacitisme médical dissuadait les personnes handicapées d’accéder à de l’information sur les soins de santé et les services, notamment à l’AMM.

L’ admissibilité à l’AMM des personnes handicapées a également été décrite comme stigmatisante, car cela inscrit dans la loi la notion selon laquelle la vie des personnes handicapées a une valeur moindre[62]. Selon de nombreux témoins, la suppression du critère de la mort raisonnablement prévisible du projet de loi C-7 cible les personnes handicapées de manière discriminatoire, car celles-ci font ainsi partie du seul groupe vulnérable disposant d’une « forme particulière d’aide médicale à mourir[63] » si leurs souffrances sont intolérables[64]. Krista Carr, vice-présidente à la direction, Inclusion Canada, a expliqué :

Ce dont il est question, c’est le fait qu’il y a deux voies. Il y a une voie pour les personnes en fin de vie qui subissent d’intolérables souffrances. Ces personnes ont le droit de choisir le moment, etc. Toutefois, il y a cette autre voie qui vise un groupe de personnes en particulier. Au pays, n’importe quelle autre personne appartenant à une autre population marginalisée — les Autochtones, les personnes racisées, etc. — qui dit subir d’intolérables souffrances découlant de facteurs autres que ses caractéristiques personnelles ne se verra pas offrir la mort, mais plutôt du soutien afin qu’elle puisse vivre une bonne vie.

D’autres ont soutenu que le fait de refuser aux personnes handicapées l’accès à l’AMM serait en soi stigmatisant et discriminatoire, puisque cela laisserait entendre que celles-ci sont moins compétentes pour prendre leurs propres décisions concernant l’AMM[65]. Comme l’a fait remarquer Catherine Claveau, ce point de vue s’harmonise avec la décision rendue dans l’arrêt Truchon.

Accès aux mécanismes de soutien et aux services

Un thème récurrent tout au long des audiences du Comité a été le niveau de désavantage socioéconomique auquel sont confrontées les personnes handicapées, un phénomène lié à la discrimination et à la stigmatisation, comme l’a souligné Gabrielle Peters. Les témoins ont insisté sur le lien entre un handicap et la pauvreté[66], et la nécessité de prévoir de meilleures formes de soutien social, comme une aide au revenu ainsi que des logements accessibles et abordables[67]. Krista Carr a déclaré que 73 % des Canadiens handicapés qui habitent en dehors de leur foyer familial vivent dans la pauvreté. Tim Stainton a affirmé que, même si la Chambre des communes était actuellement saisie d’un projet de loi visant l’adoption d’une prestation canadienne pour les personnes handicapées, elle tardait à le faire progresser.

Les témoins ont également mentionné que les personnes handicapées étaient confrontées à de longues périodes d’attente et aux coûts élevés des soins de santé spécialisés, et ont sollicité un meilleur accès à des services comme le soulagement de la douleur, des appareils fonctionnels, des services psychiatriques et psychologiques, un accompagnement psychologique, des soins à domicile ainsi que des soins palliatifs[68].

Des témoins ont notamment indiqué que des personnes handicapées, y compris de jeunes adultes, étaient contraintes de vivre en institution en raison du financement inadéquat des soins à domicile[69]. Tout en prenant acte du manque de données sur les personnes handicapées vivant en institution, Megan Linton, candidate au doctorat, était d’avis que celles-ci recevaient des soutiens moins élevés que celles hors institution, et que souvent, elles vivent dans des établissements en mauvais état.

Certains témoins craignaient que des personnes handicapées puissent se voir offrir l’AMM au lieu de soins de soutien, palliatifs ou autres[70], et Krista Carr a dit avoir entendu des personnes témoigner de tels cas. Des témoins ont dit craindre que les mauvaises conditions de vie dans les établissements de soins de longue durée ne poussent les personnes handicapées à demander l’AMM[71]. Kerri Joffe a raconté que des clients avaient demandé, et parfois obtenu l’AMM parce que leurs besoins liés à leur handicap n’étaient pas satisfaits. D’autres témoins ont aussi cité de tels cas en référence[72]. « Je pense que nous avons créé un système où il est plus facile pour les personnes handicapées de mourir que de vivre dans la dignité », a déclaré Heidi Janz, professeure adjointe associée. D’autre part, la Dre Chantal Perrot a formulé les remarques suivantes dans un mémoire :

Je vais vous parler du cas d’une patiente dont la vie et la mort ont été fortement médiatisées après son décès par AMM. Elle m’a demandé de prendre la défense des autres personnes qui sont dans sa situation. Elle m’a donné la permission de divulguer publiquement des renseignements la concernant. Il a été dit erronément de cette femme réfléchie, mature et intelligente qu’elle avait choisi l’AMM simplement parce qu’elle n’arrivait pas à trouver un logement. Sa décision a été beaucoup plus complexe et réfléchie que ce qu’ont laissé entendre les médias. […] Elle a écrit une note que j’ai reçue après sa mort : « […] MERCI de m’aider à mettre fin à mes souffrances […] de croire que la sensibilité chimique multiple existe réellement, et de croire que ma souffrance est RÉELLE […] d’être restée de mon côté, et d’avoir cru que je méritais de recevoir l’AMM, plutôt que d’avoir essayé de me persuader de rester en vie […]. Même si j’avais trouvé une résidence abordable et sûre sur le plan médical, je serais demeurée isolée du reste de la communauté, incapable d’entrer dans des bâtiments publics OU de rendre visite à des amis ou à de la famille [en raison du risque d’exposition aux déclencheurs] […] Compte tenu de ma santé qui se détériore […] j’ai pris la seule décision qui me semblait possible. J’ai choisi l’AMM maintenant […] ».
Elle a également été décrite à tort comme vivant dans la pauvreté. Cela la consternerait. Oui, elle recevait de l’aide sociale, mais, outre le fait qu’elle n’était pas en mesure de construire sa bulle de sécurité, elle a clairement fait savoir qu’elle disposait de ressources suffisantes pour vivre, qu’elle n’avait pas de dettes, qu’elle épargnait, et que son choix d’avoir recours à l’AMM était exempt de toute préoccupation financière. Malheureusement, les opposants à l’AMM et les groupes d’intérêts particuliers qui veulent détourner le sens de sa vie et de son histoire ont créé une fausse représentation de la personne qu’elle était et de la façon dont elle a choisi de vivre et de mourir.

Selon le Dr James Downar, certains faits semblent indiquer que seul un petit nombre de personnes qui ont reçu l’AMM avaient difficilement accès à des services de soutien aux personnes handicapées et à des soins palliatifs. Celui-ci a déclaré qu’il « n’existe absolument aucune donnée permettant de conclure que le recours à l’aide médicale à mourir serait à ce moment‑ci le résultat, dans quelque mesure que ce soit, d’un accès insuffisant aux soins palliatifs, d’un dénuement socioéconomique ou d’un isolement quelconque ».

Plusieurs témoins ont fait valoir qu’il conviendrait que l’AMM s’accompagne de ressources telles que les soins de santé mentale, les soins palliatifs et les mesures de soutien aux personnes handicapées[73]. Jocelyn Downie estimait que, dans le cadre de la conversation actuelle sur l’AMM, il était possible de discuter des mesures de soutien aux personnes handicapées et aux personnes atteintes de maladie mentale au Canada.

Le manque d’accès des personnes handicapées à des soins et à des services de soutien adéquats préoccupe beaucoup le Comité. Il faut absolument s’attaquer à ce problème parallèlement à l’amélioration de l’accès à l’AMM. Nulle demande d’AMM ne devrait être approuvée si elle est le résultat de souffrances socioéconomiques. Pour cette raison, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada continue de soutenir les personnes qui vivent en situation de handicap en mettant en œuvre des mesures visant à réduire la pauvreté et à garantir la sécurité économique.

Critères d’admissibilité et mesures de sauvegarde

Certains ont évalué que les critères d’admissibilité et les mesures de protection étaient suffisants pour permettre de protéger les personnes handicapées[74], tandis que d’autres s’y opposaient.

De nombreux défenseurs des droits des personnes handicapées étaient convaincus qu’il fallait rétablir le critère de mort raisonnablement prévisible, dont ils disaient qu’il mettait « tout le monde sur un pied d’égalité[75] », afin de ne pas créer de discrimination envers les personnes handicapées[76]. « Tout le monde meurt, et c’est la seule garantie qui élimine de l’équation les jugements sur la valeur de la vie des personnes handicapées », a expliqué Isabel Grant, professeure à la Faculté de droit Peter A. Allard de l’Université de la Colombie‑Britannique. Toutefois, comme l’a souligné Catherine Frazee, rétablir le critère irait à l’encontre de l’arrêt Truchon.

Amélie Duranleau a mis l’accent sur le fait que le handicap « ne devrait jamais être un critère permettant l’accès à l’AMM ». David Shannon, avocat, a fait valoir qu’on ne pouvait considérer les handicaps comme « des problèmes de santé graves et irrémédiables » si celles-ci étaient enracinées dans des barrières sociales remédiables. Le Dr Mauril Gaudreault, par contre, a soutenu l’harmonisation des lois québécoise et fédérale afin que les personnes handicapées résidant au Québec aient le même accès à l’AMM que les autres Canadiens handicapés.

Catherine Frazee a dit qu’il fallait clarifier le fait que la réalité socioéconomique ne peut constituer le fondement d’une demande d’AMM, puisque, en vertu du Code, les souffrances intolérables doivent être associées à un problème de santé.

Comme nous l’avons vu sous « Les soins palliatifs au Canada », lorsque la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, aux termes du Code, une personne doit être « informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances », et se faire offrir des consultations pertinentes pour les services. Selon l’expérience de plusieurs témoins, le problème ne tient cependant pas à l’absence d’information, mais plutôt à l’accès difficile aux services[77]. Comme l’explique Kerri Joffe :

ce qui préoccupe les clients avec lesquels j’ai travaillé, ce n’est pas tant qu’on ne les informe pas de ce qui est offert, mais c’est que, pendant des années, des mois ou de longues périodes, ils ont essayé de se prévaloir des services qui sont, en fait, à leur disposition, et qu’ils se sont heurtés à des obstacles importants qui les ont empêchés d’y accéder ou que le soutien dont ils avaient besoin n’était tout simplement pas offert.

Bill Adair, directeur général de Lésions médullaires Canada, et la Dre Karen Ethans, professeure agrégée, ont laissé entendre que le délai d’attente pour l’AMM dans le cas des demandes pour lesquelles la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible devrait être supérieur à 90 jours. Ils ont indiqué qu’il arrivait assez souvent que les patients songent au suicide à cause d’un traumatisme grave, et qu’il fallait des années pour qu’ils s’adaptent à leur handicap, auquel cas ils disaient souvent avoir une qualité de vie élevée[78]. L’expérience vécue par David Shannon a confirmé ces affirmations. Alicia et Christie Duncan ont aussi recommandé l’imposition d’une période d’attente obligatoire pour les patients atteints de troubles mentaux ou ayant un handicap non mortel, sur la base de leur expérience familiale de l’AMM, et ce, sans exceptions.

Certains témoins étaient favorables à la création d’un organe indépendant chargé d’examiner les évaluations relatives à l’AMM de manière prospective[79] ou d’assurer une surveillance rétrospective des cas d’AMM[80]. D’autres ont souligné l’importance de l’amélioration de la collecte et du suivi des données[81], y compris celles concernant les personnes handicapées placées dans des institutions[82]. Selon la Dre Ramona Coelho, médecin, les cas de non-respect des mesures de sauvegarde ne sont pas saisis avec précision par le régime de surveillance de Santé Canada, ce qui fait craindre que la collecte de données soit insuffisante. D’autres encore ont soulevé des préoccupations à propos du non-respect des obligations en matière de mesures de sauvegarde[83].

Compte tenu des préoccupations exprimées par les défenseurs des droits des personnes handicapées, les membres du Comité estiment qu’il est important de clarifier que ces personnes peuvent être admissibles à l’AMM, mais que leur seul handicap ne suffit pas à permettre de déterminer leur admissibilité. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada examine, par l’entremise du ministère de la Justice, et en consultation avec des organismes représentant les personnes handicapées, la possibilité d’apporter d’éventuelles modifications au Code criminel, afin de permettre d’éviter toute stigmatisation des personnes handicapées sans pour autant les priver de l’accès à l’AMM. Les options devraient inclure le remplacement des références au « handicap» au paragraphe 241.2(2) du Code criminel, en portant attention aux ramifications juridiques potentielles d'une telle modification à travers le Canada.

Nécessité de procéder à des consultations

Mausumi Banerjee, directrice du Bureau de la condition des personnes handicapées au ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada, a déclaré que le Bureau s’assurait que les organisations qui représentent des personnes handicapées participent à l’élaboration des politiques sur l’AMM[84]. Or, un certain nombre de témoins ont déclaré que des personnes handicapées n’ont pas été consultées adéquatement au sujet de l’AMM[85].

Gabrielle Peters, Krista Carr et Tim Stainton estimaient que les personnes handicapées n’ont pas été entendues dans les discussions sur les politiques entourant le projet de loi C-7. D’autres ont exprimé des inquiétudes au sujet du rôle et du traitement réservés aux personnes handicapées dans les audiences tenues par le Comité[86]. Selon Isabel Grant, « [m]alheureusement, le capacitisme a également gagné les audiences que vous tenez ». Sarah Jama considérait pour sa part que le processus relatif au dépôt de mémoires au Comité excluait les personnes handicapées incapables de faire des présentations écrites en ligne. Des témoins ont également insisté sur la nécessité d’entendre des membres des communautés noires, racisées et autochtones ainsi que de jeunes handicapés sur la question de l’AMM[87].

Dans sa réponse au rapport provisoire du Comité, le gouvernement a décrit le projet suivant, dont le financement était prévu dans le budget de 2021 :

Un autre projet prévu à court terme […] serait axé sur les points de vue et les expériences des personnes handicapées qui éclaireront et compléteront les renseignements recueillis au moyen du système fédéral de surveillance de I’AMM. Cette recherche devrait produire des données probantes qui répondent aux préoccupations des organisations qui représentent les personnes handicapées et éclairer l’élaboration de politiques futures.

Le Comité tient à reconnaître l’importance de consultations continues et approfondies avec les personnes et les organisations représentant les personnes handicapées, notamment les personnes noires et racisées, les Autochtones et les jeunes handicapés, à mesure qu’évoluent les lois et les politiques sur l’AMM. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada réunisse un groupe d’experts chargé d’étudier les besoins des personnes handicapées en ce qui concerne l’AMM et d’en faire rapport, à l’instar du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale.

L’AMM lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué

Contexte

Lorsque les dispositions du Code criminel relatives à l’AMM ont été modifiées par le projet de loi C-7 pour inclure les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, l’AMM TM-SPMI avait été explicitement exclue jusqu’au 17 mars 2023. Les modifications prévoyaient que des experts réalisent un examen indépendant « portant sur les protocoles, les lignes directrices et les mesures de sauvegarde recommandés pour les demandes d’AMM de personnes atteintes de maladie mentale[88] ». Cet examen a été réalisé par le Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale, qui a publié son rapport final en mai 2022.

Sachant que les témoins s’inquiétaient de savoir si les protocoles, les lignes directrices et les mesures de sauvegarde au niveau provincial et territorial seraient en place en mars 2023, le Comité a publié, en juin 2022, un rapport provisoire exclusivement consacré à l’AMM TM-SPMI. Dans ce rapport, le Comité a résumé les témoignages qu’il avait recueillis au printemps 2022 au sujet de l’AMM dans les cas où le trouble mental est le seul problème médical invoqué, y compris celui de la Dre Mona Gupta, présidente du Groupe d’experts. Le rapport provisoire se concluait ainsi :

Le Comité tient également à souligner que pour mettre en œuvre les recommandations du Groupe d’experts, des mesures doivent être prises rapidement, étant donné que mars 2023 approche rapidement. Il faut mettre en place des normes de pratique et des lignes directrices claires, offrir une formation adéquate aux professionnels, faire en sorte que les patients soient rigoureusement évalués et établir un cadre de surveillance utile pour permettre l’AMM TM‑SPMI. Pour y arriver, il faudra la collaboration des organismes de réglementation, des associations professionnelles, des comités institutionnels et de tous les ordres de gouvernement, et il est important que tous ces intervenants soient engagés et appuyés dans le cadre de ce travail important.
Bien que du travail soit déjà en cours pour mettre en œuvre les recommandations du Groupe d’experts, des inquiétudes demeurent quant aux efforts encore requis afin de s’assurer que toutes les mesures nécessaires soient en place d’ici mars 2023, lorsque l’AMM pourra être considérée dans le cas de personnes souffrant de troubles mentaux comme seul problème médical invoqué. Nous exhortons le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces, les territoires et les autres intervenants pour s’assurer que les recommandations du Groupe d’experts soient mises en place de façon ponctuelle[89].

Le gouvernement du Canada a répondu au rapport provisoire en octobre 2022. Le ministre fédéral de la Santé, l’honorable Jean-Yves Duclos, a indiqué que les efforts du gouvernement pour donner suite aux recommandations du Groupe d’experts avaient « également porté sur l’état de préparation du système de santé pour traiter les cas complexes d’AMM, y compris, sans toutefois s’y limiter, ceux qui comportent un diagnostic de trouble mental[90] ». Dans la réponse, on explique que « [b]ien que l’élaboration de normes de pratique ne relève pas directement de la responsabilité fédérale, nous dirigeons le travail de collaboration avec des partenaires clés afin de terminer ce travail avant mars 2023 ».

Comme mentionné précédemment, le 15 décembre 2022, les ministres Lametti, Duclos et Bennett ont annoncé qu’ils chercheraient à repousser la date d’admissibilité à l’AMM TM-SPMI. Cela répond à la principale préoccupation du Comité, à savoir qu’il faut plus de temps pour élaborer des normes et donner des formations avant que la loi n’autorise l’AMM TM-SPMI. Le projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir) a été présenté à la Chambre des communes le 2 février 2023; il propose de repousser d’un an la date d’admissibilité à l’AMM TM-SPMI.

Comme les questions abordées lors des réunions de l’automne sur les troubles mentaux reflètent celles entendues au printemps et qu’elles ont été examinées en détail dans le rapport provisoire, dans le rapport final, on trouve un résumé des grandes lignes des témoignages.

Discrimination possible

Plusieurs témoins ont laissé entendre qu’interdire l’AMM TM-SPMI pouvait être discriminatoire[91] et qu’une distinction dans la loi entre les problèmes de santé mentale et physique « a peu de chances de résister à une révision judiciaire[92] ». Shakir Rahim, avocat, Kastner Lam LLP, s’est appuyé sur l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada en 2020 dans l’affaire Ontario (Procureur général) c. G.[93] pour dire au Comité que « la recommandation du Groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué est conforme à l’esprit et à la lettre de la jurisprudence relative à l’article 15 [droit à l’égalité] ».

Capacité

Avoir la capacité de prendre des décisions en matière de soins de santé est l’un des principaux critères d’admissibilité à l’AMM et une composante essentielle du consentement éclairé dans le contexte médical de manière plus générale. Comme l’a expliqué la Dre Gail Beck, psychiatre en chef et chef du personnel par intérim et directrice des services cliniques du Programme de psychiatrie pour jeunes adultes des Services de Santé Royal Ottawa, « avoir la capacité » suppose comprendre son état et les options de traitement disponibles, mesurer les répercussions de la décision et être en mesure de communiquer son choix[94]. Le Comité a appris que l’évaluation de la capacité dans un contexte de trouble mental fait partie de la routine[95], tout comme le fait de déterminer si une personne est en crise.

Le Groupe d’experts qui a examiné la question de la capacité dans un contexte d’AMM TM-SPMI a expliqué que :

Dans d’autres domaines de la pratique, les difficultés liées à l’évaluation de la capacité ne sont pas résolues par le refus d’autoriser l’accès à l’intervention à toutes les personnes ou à un sous‑groupe de personnes. Lorsque l’évaluation est si difficile ou incertaine que les cliniciens impliqués ne peuvent pas établir qu’une personne est apte de donner un consentement éclairé, l’intervention n’est pas fournie. De même, les évaluateurs doivent être d’avis que la personne est apte prendre des décisions concernant l’AMM, et si les évaluateurs ne peuvent pas former cette opinion, alors ne peut être fournie[96].

Le Dr Georges L’Espérance, neurochirurgien et président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, a recommandé pour sa part « de garder un interdit complet et définitif sur l’admissibilité à l’AMM pour les personnes en situation de déficience intellectuelle importante, à moins d’une certitude absolue sur l’aptitude décisionnelle de la personne[97] ».

Caractère irrémédiable

Pour être admissible à l’AMM, une personne doit être affectée de « problèmes de santé graves et irrémédiables ». Comme l’a expliqué Jennifer Chandler, « irrémédiable » n’est pas un terme médical ou scientifique. En fait, comme il est indiqué plus haut, le caractère de ce qui est « grave et irrémédiable » est défini dans la loi comme étant de l’incurabilité, soit un déclin avancé et irréversible des capacités d’une personne qui « lui cause des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables[98] ».

De nombreux témoins ont parlé de la difficulté d’évaluer le caractère irrémédiable dans le contexte de l’AMM TM-SPMI. Certains témoins étaient d’avis que l’AMM TM-SPMI ne devrait pas être autorisée, parce qu’on ne peut pas être certain qu’un trouble mental va demeurer incurable[99]. D’autres témoins ont dit au Comité qu’il n’est pas nécessaire d’avoir cette certitude[100], et qu’il y a des façons de considérer le caractère irrémédiable (comme une réponse négligeable à des années de traitement, par exemple)[101].

Concernant les discussions du Groupe d’experts sur le caractère irrémédiable, la Dre Justine Dembo, psychiatre et assesseure de l’AMM, a dit ceci au Comité :

Le rapport indique que les évaluateurs de l’aide médicale à mourir doivent établir que le problème de santé est incurable et irréversible à la lumière des tentatives de traitement effectuées, des résultats de ces traitements et de la gravité de la maladie ou du handicap. Le Groupe d’experts précise en outre que, comme c’est le cas pour de nombreuses maladies chroniques, l’incurabilité d’un trouble mental ne peut être établie en l’absence de multiples tentatives d’intervention à but thérapeutique. Cela signifie qu’un patient qui n’a pas eu accès à des soins adéquats ne peut pas être admissible à l’aide médicale à mourir. Par conséquent, l’aide médicale à mourir ne pourra jamais se substituer à des soins psychiatriques de qualité.

Dans son rapport final, le Groupe d’experts insiste également sur la nécessité d’examiner l’admissibilité au cas par cas, et sur le fait qu’il n’est pas possible d’établir des règles quant au nombre de types de traitements et d’interventions, ou au nombre de fois qu’il faut effectuer des tentatives de traitement pendant une période donnée[102]. Le Groupe d’experts explique en outre que pour établir l’incurabilité et l’irréversibilité, la personne qui demande l’AMM et l’évaluateur doivent parvenir à une vision commune. Comme l’a affirmé au Comité la Dre Alison Freeland, présidente du conseil d’administration et coprésidente du groupe de travail sur l’AMM de l’Association des psychiatres du Canada,

ces décisions sont idéalement prises d’un commun accord puisque le patient écoute la perspective et les conseils du psychiatre, dont le rôle est de réfléchir à l’espoir et au rétablissement. Parallèlement, il faut écouter la perspective et les souhaits d’un patient apte afin de prendre une décision pour son avenir qu’il trouvera convenable… idéalement ces conversations sont transparentes, éclairées et entre deux personnes qui se soucient des résultats, du traitement et des soins du patient.

Des psychiatres ont déclaré devant le Comité qu’ils avaient rencontré très peu de personnes répondant aux critères de l’AMM TM-SPMI[103]. La Dre Donna Stewart a fait remarquer qu’aux Pays-Bas, 95 % des demandes d’AMM fondées sur des troubles mentaux ont été rejetées en 2020.

Même si le Groupe d’experts et certains témoins se sont penchés sur la façon dont on pourrait prendre en compte le caractère irrémédiable en l’absence de certitude, Nancy Guillemette, députée de Roberval, gouvernement du Québec, qui a présidé les travaux de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie au Québec, a expliqué que la province avait décidé que l’AMM TM-SPMI ne devait pas être autorisée pour le moment, à cause de la difficulté à déterminer le caractère irrémédiable et de l’absence de consensus social sur la question.

AMM et suicide

Les témoins n’étaient pas d’accord sur la question de savoir si l’on peut faire la distinction entre une demande d’AMM TM-SPMI et des pensées suicidaires. Par exemple, la Dre Donna Stewart a expliqué que « [l]a capacité de distinguer les pensées suicidaires d’une demande d’AMM bien réfléchie, qui a été présentée par une personne répondant aux critères d’admissibilité, après qu’elle a souffert pendant de nombreuses années, qu’elle a essayé de nombreux traitements, qu’elle a mûrement réfléchi à la question et qu’elle a conclu que c’était la meilleure solution pour elle », incombe au psychiatre. Le Groupe d’experts a déclaré que « [l]es évaluations individualisées du suicide […] font déjà partie des pratiques actuelles d’évaluation de l’AMM, tout comme les efforts de prévention du suicide lorsqu’ils sont justifiés[104] ». De plus, le Groupe d’experts a expliqué que :

Dans ces situations cliniques aux enjeux importants, le clinicien doit entreprendre trois actions simultanément : 1. tenir compte de la capacité de la personne à donner son consentement éclairé pour prendre de telles décisions; 2. déterminer si des interventions de prévention du suicide doivent être déclenchées ou non, y compris contre la volonté de la personne, si cela est nécessaire; 3. et déterminer quels autres types d’interventions pourraient être utiles à la personne, y compris la non‑intervention[105].

Le professeur Brian Mishara, directeur du Centre de recherche et d’interventions sur le suicide, Enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE), à l’Université du Québec à Montréal a dit ne pas croire qu’il soit possible de faire la différence entre une personne qui demande l’AMM et une personne qui a des pensées suicidaires[106]. Brian Mishara a ajouté que, selon lui, le Groupe d’experts n’avait pas abordé cette question, disant que : « Dans leur rapport, les experts font valoir à répétition qu’il est impossible d’établir des règles fixes lorsqu’on tente de faire la distinction entre une personne qui est suicidaire et une personne qui demande l’aide médicale à mourir. » Cependant, ainsi que le Dr Tyler Black[107], professeur adjoint d’enseignement clinique à l’Université de la Colombie-Britannique, l’a expliqué au Comité,

les motivations pour l’aide médicale à mourir et le suicide sont rarement les mêmes. Pour ce qui est du suicide, il est très rare d’avoir une combinaison de motivation fataliste, qui est une réponse contrôlée à un stress perçu, d’absence convenue de remède et de calcul rationnel sur la probabilité du changement, alors que c’est presque toujours le cas dans le contexte de l’aide médicale à mourir. Dans la littérature, les psychiatres s’entendent généralement sur la souffrance insupportable du patient et l’inutilité du traitement dans les cas psychiatriques d’aide médicale à mourir dans les pays où cet enjeu a été étudié.
[…] le désir de mourir ne signifie pas qu’on est atteint d’une maladie mentale. Bien que la suicidalité fasse partie des neuf critères de la dépression, il n’existe aucun diagnostic de maladie mentale grave dans 40 à 50 % des cas de suicide. Parmi ceux qui ont des idées suicidaires, nombreux sont ceux qui n’ont pas de diagnostic de maladie mentale, et la majorité ne se suicide pas.

Le Dr Black a poursuivi en ces termes :

[C]ertains pays ont des décennies d’expérience en matière d’aide médicale à mourir pour des maladies physiques et psychiatriques. Pour ce qui est des cas psychiatriques, la pratique semble bien acceptée et ne représente qu’une infime fraction des morts par aide médicale à mourir, soit de 1 à 2 %. Compte tenu du nombre de personnes ayant des pensées suicidaires, la peur que la décision de permettre la prestation d’aide médicale à mourir pour des maladies psychiatriques mène à une avalanche de décès au Canada n’est tout simplement pas justifiée.
Une étude a estimé que les adultes aux Pays-Bas avaient 8 % de risque d’avoir des pensées suicidaires au cours de leur vie. Or, 65 adultes reçoivent l’aide médicale à mourir pour des raisons psychiatriques chaque année aux Pays-Bas, ce qui représente 0,000 4 % de la population adulte.

La Dre Natalie Le Sage, médecin, clinicienne-chercheuse et prestataire de l’AMM, et Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, ont indiqué qu’une personne en crise ou aux prises avec un trouble de santé mentale non traité ou pas suffisamment bien traité ne serait pas admissible à l’AMM TM-SPMI.

Au-delà des avis sur la question de savoir s’il est possible de faire la différence entre une personne qui demande l’AMM TM-SPMI et une personne qui a des pensées suicidaires, les témoins s’accordaient généralement sur la nécessité d’améliorer la prévention du suicide[108].

Vulnérabilité structurelle et accès aux soins de santé

Des témoins se sont exprimés devant le Comité au sujet de la vulnérabilité structurelle et de ses implications possibles sur l’AMM TM-SPMI. Comme l’a résumé le Groupe d’experts :

Bien que la vulnérabilité structurelle puisse contribuer à l’expérience d’une personne souffrant d’une maladie chronique, le Groupe ne pense pas que les personnes en situation de vulnérabilité structurelle devraient être systématiquement exclues de l’accès à l’AMM. Les services de coordination locaux de l’AMM doivent plutôt s’assurer que les évaluateurs possèdent ce qu’il faut pour pouvoir présenter aux demandeurs l’ensemble des moyens supplémentaires disponibles pour soulager la souffrance et doivent déployer tous les efforts raisonnables afin de s’assurer que les demandeurs ont accès à ces moyens[109].

Le Dr Guillaume Barbès-Morin, psychiatre de l’Association des médecins psychiatres du Québec, a expliqué que « [l]a vulnérabilité des personnes qui éprouvent des problèmes de santé mentale n’est pas quelque chose de nouveau. Des mécanismes existent déjà pour prendre cela en considération et les cliniciens s’entourent déjà d’équipes multidisciplinaires pour essayer d’évaluer le mieux possible l’ensemble des facteurs pertinents. »

Le Groupe d’experts et les témoins étaient d’accord sur la nécessité d’avoir de meilleurs soutiens sociaux et un plus grand accès aux soins, mais la plupart des témoins ne croyaient pas que l’AMM TM‑SPMI devrait être interdite à cause d’un manque de soutiens sociaux[110]. Diane Reva Gwartz a fait observer que des ressources supplémentaires sont nécessaires pour les praticiens qui administrent l’AMM, particulièrement en ce qui concerne l’AMM TM-SPMI vu la complexité des évaluations en la matière.

Mesures de sauvegarde, normes et considérations d’ordre pratique

Nombre de témoins favorables à l’AMM TM-SPMI ont fait référence aux mesures de sauvegarde qui sont énoncées dans le rapport du Groupe d’experts et dont certaines sont abordées plus haut dans les sections intitulées « Caractère irrémédiable » et « AMM et suicide ». Alors que le Groupe d’experts a conclu qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter dans le Code des mesures de sauvegarde supplémentaires propres à l’AMM TM-SPMI, la Dre Marie Nicolini, chercheuse principale à l’Université KU Leuven et à l’Université de Georgetown, n’était pas d’accord sur ce point, et a fait valoir qu’on ne pouvait discuter des mesures de sauvegarde tant qu’on n’aurait pas défini les normes régissant l’AMM TM-SPMI. Georgia Vrakas, psychologue et professeure agrégée, a déclaré pour sa part que, selon elle, il n’existait pas de mesure de sauvegarde pouvant être mise en place pour permettre de rendre l’AMM TM-SPMI sûre.

La conclusion du Groupe d’experts voulant que les mesures de sauvegarde prévues actuellement dans le Code soient suffisantes pour l’AMM TM-SPMI ne signifie pas pour autant que des mesures de sauvegarde supplémentaires ne soient pas nécessaires au niveau clinique. À ce propos, la Dre Donna Stewart a dit au Comité : « Sachez que c’est l’incertitude entourant la teneur des normes qui suscite le plus de préoccupations. Plus les normes seront établies rapidement, plus les praticiens seront rassurés. » La Dre Justine Dembo a indiqué toutefois que l’on avait déjà de l’expérience avec d’autres évaluations de la voie deux, et « que les enjeux de ces patients sont très semblables à ceux des patients aux prises avec des problèmes de santé mentale », et « qu’évaluateurs et prestataires ont déjà acquis l’expérience voulue et sont prêts à mettre en œuvre ces recommandations d’ici mars 2023 ». Dans le même ordre d’idées, Jennifer Chandler a expliqué que les évaluateurs évaluaient déjà la capacité des personnes qui ont des troubles mentaux lorsqu’il y a présence de comorbidité pour laquelle elles sont admissibles à l’AMM, tant pour la voie un que pour la voie deux, et la Dre Mona Gupta a déclaré qu’il n’y avait pas un manque important de formation à combler pour les personnes qui réalisent déjà des évaluations.

Bien que la prestation des soins de santé relève de la compétence des provinces et des territoires, le Comité a appris que les normes de pratique, les processus et les mesures de sauvegarde devraient être harmonisés à l’échelle du Canada[111]. C’est d’ailleurs la première recommandation du Rapport final du Groupe d’experts :

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient faciliter la collaboration des autorités réglementaires, des médecins et du personnel infirmier à l’établissement de normes de pratique à l’intention des médecins et des infirmiers praticiens à des fins d’évaluation des demandes d’AMM dans des situations qui soulèvent des questions sur l’incurabilité, l’irréversibilité, la capacité, les tendances suicidaires et l’incidence des vulnérabilités structurelles[112].

Même si le Groupe d’experts n’a pas recommandé que deux psychiatres évaluent chaque demande d’AMM TM-SPMI, cela était la recommandation du Dr Guillaume Barbès-Morin. La Dre Justine Dembo a indiqué pour sa part que deux évaluations psychiatriques pourraient parfois être nécessaires, et, dans son rapport, le Conseil des académies canadiennes sur l’AMM-TM-SPMI parle du rôle potentiel de deux psychiatres, comme le préconise l’Association flamande de psychiatrie :

[L]e récent document consultatif de la VVP [Association flamande de psychiatrie] recommande que, pendant le processus d’évaluation de l’admissibilité à l’EAS [euthanasie et aide au suicide] en contexte psychiatrique, les médecins maintiennent un processus à « deux volets » auquel participent deux psychiatres : l’un procédant à une évaluation approfondie et exhaustive de l’admissibilité à l’AMM, l’autre abordant les options de traitement avec la personne qui demande l’intervention, dans une optique de rétablissement[113].

La Dre Natalie Le Sage a fait remarquer, toutefois, qu’exiger deux évaluations psychiatriques pourrait constituer un obstacle à l’accès à l’AMM. Christine Grou a recommandé d’inclure éventuellement l’expertise des psychologues et des neuropsychologues, peut-être en tant qu’évaluateurs indépendants.

Le Dr Michael Trew, psychiatre et professeur agrégé de clinique à l’Université de Calgary, a laissé entendre que, si l’on juge qu’une personne n’est pas admissible à l’AMM TM-SPMI, il devrait y avoir un délai d’attente avant que cette personne puisse consulter un autre professionnel de la santé, afin d’éviter le « magasinage de médecins ».

Dans la recommandation 16 de son rapport, le Groupe d’experts dit que « le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle actif en soutenant l’élaboration d’un modèle de surveillance prospective pour la totalité ou une partie des cas de la voie 2, qui pourrait être adapté par les provinces et territoires[114] ». Alors que la surveillance prospective « dans de nombreux cas de la voie 2 » est une approche à laquelle la Dre Donna Stewart et l’Association des psychiatres du Canada étaient favorables, la dernière ayant indiqué que la surveillance pourrait commencer au niveau fédéral puis faire l’objet d’une surveillance rétrospective par les provinces et les territoires après un certain temps, le Dr Louis Roy, du Collège des médecins du Québec, a fait valoir que cette surveillance devrait être réservée aux cas plus « litigieux ». Ellen Cohen, coordinatrice nationale du Réseau national d’inclusion en santé mentale et Jennifer Chandler ont insisté quant à elles sur l’importance du suivi et de la collecte de données.

Admissibilité à l’AMM TM-SPMI en mars 2023

Bien que le Comité respecte le point de vue de certains témoins selon lequel les personnes dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental ne devraient pas être admissibles à l’AMM, le Comité estime au contraire que ces personnes devraient pouvoir obtenir l’AMM, à condition de répondre aux critères d’admissibilité. Le Comité est également conscient de la nécessité de veiller à ce que les personnes vulnérables ne cherchent pas à demander l’AMM à défaut de pouvoir bénéficier d’un soutien social et médical adéquat. Le Comité est favorable à l’AMM TM-SPMI, mais il est inquiet du fait qu’il n’y a pas eu assez de temps pour l’élaboration des normes de pratique mentionnées par le Groupe d’experts. Les témoins ont clairement indiqué que ces normes sont essentielles pour garantir une approche réfléchie et cohérente à l’égard de l’AMM TM-SPMI. Le Comité a pris acte de l’annonce faite par les ministres de repousser l’admissibilité à l’AMM TM-SPMI. Comme nous l’avons mentionné, le projet de loi C-39 propose de repousser l’admissibilité d’un an, jusqu’en mars 2024. Le Comité est conscient du fait que ce report pourra prolonger les souffrances de certaines personnes.

Le Comité reste néanmoins saisi de cette question et veut s’assurer que les normes seront en place avant que l’AMM TM-SPMI ne soit permise. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 13

Que, cinq mois avant l’entrée en vigueur de l’admissibilité à l’AMM lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué, un comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir soit rétabli par la Chambre des communes et le Sénat afin de vérifier le degré de préparation atteint pour une application sûre et adéquate de l’AMM (en situation de TM-SPMI). À la suite de cette évaluation, le Comité mixte spécial fera sa recommandation finale à la Chambre des communes et au Sénat.

Mineurs matures

Contexte

L’AMM pour les mineurs au Canada et ailleurs dans le monde

Au Canada, pour demander l’AMM, il faut être âgé d’au moins 18 ans. Toutefois, les mineurs ayant la capacité requise peuvent généralement prendre leurs propres décisions en matière de soins de santé[115]. Les paramètres exacts concernant le consentement des mineurs aux soins de santé varient selon les provinces. Une étude de la Société canadienne de pédiatrie citée par plusieurs témoins démontre que les pédiatres reçoivent des questions sur l’AMM pour les mineurs[116].

Il n’y a que quelques pays dans le monde où l’AMM pour les mineurs est permise par la loi. Aux Pays-Bas, l’AMM est autorisée pour les mineurs à partir de l’âge de 12 ans, et elle pourrait être étendue bientôt aux enfants plus jeunes[117]. En Belgique, il n’y a pas d’âge minimal, tant que le mineur a la capacité requise[118]. Comme l’ont fait remarquer plusieurs témoins, dans les pays où c’est légal de le faire, le nombre de mineurs qui demandent l’AMM est très faible[119].

Qu’entend-on par «mineur mature»?

Le terme « mineur mature » renvoie au principe établi en common law selon lequel « on respecte dans une certaine mesure les volontés de l’adolescent en matière de traitement, compte tenu du développement de sa maturité[120] ». Ce principe a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille). Selon Bryan Salte :

À la table des discussions du Conseil des académies canadiennes, les participants ont dit que l’expression « capacité décisionnelle » était de beaucoup préférable à « mineurs matures », parce que même si l’expression juridique « mineurs matures » est bien comprise des avocats et des juges, elle ne l’est pas autant du grand public.

Jay Potter, avocat-conseil par intérim au ministère de la Justice, a laissé entendre que le Parlement pourrait devoir définir ce qu’on entend par « mineurs matures », si l’AMM devait être étendue à ce groupe.

Nécessité de poursuivre les consultations et la recherche

L’un des messages des témoins qui est ressorti le plus concerne la nécessité de consulter davantage les jeunes directement touchés et leur famille au sujet de l’AMM pour les mineurs matures, y compris les jeunes atteints d’une maladie en phase terminale, les jeunes handicapés, les jeunes dans le système de protection de l’enfance et les jeunes autochtones[121]. « [P]our assumer nos responsabilités envers les jeunes, il faudrait étudier leurs perspectives et entendre ce qu’ils ont à dire dans le cadre des délibérations sur l’accès élargi à l’aide médicale à mourir », a déclaré la Dre Randi Zlotnik Shaul, directrice du Département de bioéthique, Hospital for Sick Children. Le Comité a trouvé préoccupant d’apprendre que les jeunes avaient été largement exclus de ces discussions, en ce qui concerne tant les soins cliniques que l’élaboration des politiques[122], et qu’il existait peu de données nationales ou internationales permettant de connaître leurs points de vue sur les questions de fin de vie et leurs expériences à ce sujet[123].

Le Comité a appris que ce manque de connaissances était une source de préoccupation majeure pour le Groupe de travail du Comité d’experts sur l’AMM pour les mineurs matures du Conseil des académies canadiennes (le Groupe de travail du CAC sur les mineurs matures)[124]. Mary Ellen MacDonald, titulaire d’une chaire dotée en soins palliatifs à l’Université McGill, a décrit

une expérience de frustration du fait que nous essayions de faire valoir des idées politiques et pratiques sans disposer de beaucoup de données provenant des jeunes eux-mêmes sur le sujet. Nous revenions sans cesse au manque de recherches sur lesquelles nous appuyer pour réfléchir à ce que pourrait et devrait être l’AMM pour les mineurs matures.

Cette expérience les a conduits, ses collègues et elle, à présenter à Santé Canada une proposition d’étude à mener sur trois ans pour examiner les points de vue des jeunes et des personnes qui leur fournissent des soins à propos de l’AMM et d’autres questions sur la fin de vie, ce qui pourrait servir de base de connaissances sur laquelle se fonder pour formuler des recommandations[125].

Des témoins ont parlé d’autres initiatives préliminaires destinées à mieux comprendre ce que pensent les jeunes de ces questions. Franco Carnevale, professeur et éthicien clinique, et fondateur d’un programme de recherche sur l’enfance appelé Voix de l’enfant, à l’Université McGill, a mené des entrevues auprès de jeunes leaders vivant avec des handicaps à l’hôpital de réadaptation pour enfants Holland Bloorview. Kevin Liu, membre du Conseil consultatif du programme Voix de l’enfant, a réalisé une étude pour savoir ce que pensent les jeunes de 16 à 24 ans de l’AMM (ce qui n’a pas inclus des jeunes atteints de maladies terminales), étude dont les résultats sont en cours d’examen pour publication. Les participants avaient des avis partagés sur la question, mais beaucoup reconnaissaient que l’AMM a des avantages et que les jeunes pouvaient prendre des décisions concernant cette aide. Kevin Liu a déclaré ensuite qu’il est important de demander l’avis des groupes vulnérables, notamment des jeunes autochtones et des jeunes atteints d’une maladie en phase terminale. Il a été recommandé de s’adresser aux conseils de jeunes et aux hôpitaux pour enfants, considérés comme de bons points de départ[126].

Le Comité a entendu des témoignages convaincants au sujet de l’expérience vécue par deux familles dont leurs fils adolescents respectifs sont décédés d’un cancer des os. Caroline Marcoux a raconté que son fils Charles voulait obtenir l’AMM pour soulager son angoisse et sa douleur et aussi pour avoir le contrôle sur sa propre mort :

Je sais que la décision d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux mineurs matures n’est pas à prendre à la légère. Charles non plus, du haut de ses 17 ans, en fin de vie, ne la prenait pas à la légère. Cela n’aurait peut-être pas devancé sa mort de beaucoup, puisqu’il était déjà en fin de vie… Cependant, il était prêt et il méritait ce choix. Cela aurait été sa décision, finalement. C’est lui qui aurait choisi à quel moment partir et qui aurait choisi les gens qui l’auraient accompagné.

D’un autre côté, Mike Schouten a raconté combien les excellents soins palliatifs prodigués à son fils ont permis à sa famille « de passer chaque dernier instant avec [leur fils] Markus, de lui assurer une bonne qualité de vie », sans avoir à mettre fin prématurément à ses jours[127].

Même s’ils ont reconnu l’importance d’écouter les jeunes, Cheryl Milne, directrice exécutive du David Asper Centre for Constitutional Rights, et la Dre Randi Zlotnik Shaul ont insisté sur la nécessité de tenir compte également des besoins immédiats des mineurs qui voudraient obtenir l’AMM. « Le report de la décision n’est pas une position neutre », a fait valoir la Dre Randi Zlotnik Shaul[128].

Le Comité est d’accord qu’il faut trouver un équilibre entre la nécessité de répondre aux besoins urgents des mineurs qui souffrent actuellement et la recherche d’informations supplémentaires auprès des jeunes, afin de s’assurer que les décisions de politiques sur l’AMM reposent bien sur des données probantes. Pour cette raison, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 14

Que, dans les cinq années suivant le dépôt du présent rapport, le gouvernement du Canada consulte les mineurs au sujet de l’AMM, notamment les mineurs souffrant d’une maladie en phase terminale, les mineurs handicapés, les mineurs dans le système de protection de l’enfance et les mineurs autochtones.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada finance, par l’entremise de Santé Canada et d’autres ministères concernés, des travaux de recherche sur le point de vue et l’expérience des mineurs en ce qui concerne l’AMM, notamment les mineurs souffrant d’une maladie en phase terminale, les mineurs handicapés, les mineurs dans le système de protection de l’enfance et les mineurs autochtones, travaux qui devront être terminés dans les cinq années suivant le dépôt du présent rapport.

Accès à de l’aide et à des services

Comme dans le cas des adultes, certains témoins ont exprimé des inquiétudes quant à la possibilité que l’on accorde l’AMM à des mineurs qui pourraient ne pas avoir un accès adéquat aux soins, aux soutiens et aux services[129]. Si certains y voyaient là une raison de ne pas étendre l’AMM[130], d’autres considéraient qu’il s’agit d’une question distincte qui devrait être traitée parallèlement à la prestation de l’AMM[131].

Myeengun Henry, gardien des connaissances autochtones à l’Université de Waterloo, et Conrad Saulis, directeur général du Conseil Wabanaki sur le handicap, ont insisté sur l’importance des pratiques de guérison autochtones pour aider les jeunes autochtones qui souffrent. Conrad Saulis a dit qu’il y avait « un énorme vide en matière de programmes pour les jeunes et de soutien aux jeunes autochtones ». Roderick McCormick, professeur, s’inquiétait que de nombreux jeunes autochtones et autres ne connaissent pas les possibilités de traitement qui s’offrent à eux ou ne les comprennent pas bien. Il a également insisté sur la nécessité d’améliorer les services en santé mentale pour les jeunes autochtones et les autres.

Kimberley Widger, professeure associée, a parlé de l’importance des équipes spécialisées en soins palliatifs pédiatriques, ce qu’a confirmé Mike Schouten en relatant l’expérience de sa propre famille :

[C]’était extrêmement réconfortant de savoir qu’[elles] avaient toujours une longueur d’avance sur nous […] chaque jour où elles venaient à la maison, les infirmières du Canuck Place Children’s Hospice évaluaient Markus et déclaraient : « Je crois que nous avons besoin de ce type de médicament » ou « Il faut une dose supplémentaire de ce type de médicament pour traiter ceci » ou encore « Ajoutons de la literie », des oreillers ou de l’oxygène. Peu importe de quoi il avait besoin, elles avaient toujours une longueur d’avance sur nous.

Les travaux de recherche de Mme Widger ont révélé que beaucoup de mineurs n’ont pas accès à ce type de soins, et qu’il y a des « inégalités préoccupantes » en ce qui concerne l’accès. D’autres témoins ont exprimé des préoccupations similaires au sujet des soins palliatifs pour mineurs de manière générale[132]. Et Roderick McCormick a parlé de « l’absence presque absolue de soins palliatifs » pour les jeunes autochtones.

Or, selon les témoignages de plusieurs professionnels de la santé, même d’excellents soins palliatifs ne suffisent pas toujours à soulager les souffrances d’un mineur[133]. C’était le cas de Charles, le fils de Caroline Marcoux : « Cette équipe [de soins palliatifs] faisait de son mieux, dans les limites des possibilités qu’elle avait, mais elle n’arrivait jamais à calmer totalement la douleur », a expliqué Mme Marcoux.

Le Comité tient à insister sur la nécessité d’offrir à tous les mineurs l’accès aux soins, aux soutiens et aux services dont ils ont besoin, y compris à des soins palliatifs pédiatriques spécialisés dispensés d’une manière qui respecte la culture de la personne (voir les recommandations sous « Soins palliatifs »).

Capacité et âge

La norme applicable à la capacité de prendre des décisions en matière de soins de santé et le processus d’évaluation clinique de la capacité sont similaires, quel que soit l’âge de la personne[134].

Les témoins ont parlé des divers facteurs contextuels pouvant influer sur la capacité décisionnelle d’un mineur, notamment son niveau de développement[135], son expérience de la maladie[136], les influences culturelles et familiales[137] et la façon dont il participe au processus décisionnel en tant que tel[138]. Il était largement reconnu que le lobe frontal du cerveau, qui joue un rôle clé dans l’évaluation des risques et la prise de décisions, n’est pas pleinement développé avant d’avoir atteint l’âge adulte[139]. Par ailleurs, Bryan Salte a fait état de données indiquant que les personnes atteintes d’une maladie en phase terminale sont « bien conscientes de leur état et prennent des décisions très réfléchies ». Plusieurs autres témoins ont affirmé, à la lumière de leurs expériences professionnelles et personnelles, que les adolescents souffrant de maladies graves ont tendance à posséder un niveau de maturité peu commun[140].

Le Dr Timothy Ehmann, psychiatre pour enfants et adolescents, et Mike Schouten ont dit craindre qu’il y ait de nombreuses influences systémiques sur la prise de décision d’un mineur, dont la politique gouvernementale sur l’AMM elle-même. Selon Cheryl Milne, si les mineurs prennent souvent les décisions avec leur famille, cela ne signifie pas pour autant que leur consentement n’est pas volontaire.

Plusieurs témoins ont fait valoir le fait que la capacité décisionnelle variait en fonction du moment et du traitement, et que le seuil de capacité dépendait de la gravité de la décision[141]. Certains estiment que la décision de demander l’AMM est tout simplement trop lourde à prendre pour un mineur[142]. D’autres ont fait remarquer qu’au Canada, les mineurs sont déjà autorisés à prendre des décisions concernant le refus ou l’arrêt d’un traitement, même lorsque ces décisions peuvent précipiter le décès[143]. Elizabeth Sheehy, professeure émérite de droit à l’Université d’Ottawa, et le Dr Timothy Ehmann considéraient ces décisions comme fondamentalement différentes de la décision de demander l’AMM, alors que la Dre Dawn Davies, pédiatre et médecin en soins palliatifs, les jugeait comparables. Kathryn Morrison, éthicienne clinique et organisationnelle, a dit pour sa part qu’une décision qui conduit à la mort quand un long avenir est possible peut être plus lourde que la décision de demander l’AMM quand on se sait déjà en fin de vie.

Beaucoup de témoins étaient fermement convaincus que la souffrance[144] et la capacité[145] n’ont rien à voir avec l’âge, ce qui a souvent été étayé par des observations cliniques[146]. D’autres ont remis en question la constitutionnalité, ou du moins le caractère justifiable, du refus de l’accès à l’AMM sur la base de l’âge[147]. À ce propos, la Dre Randi Zlotnik Shaul a expliqué ceci :

[J]e crois que le fait de ne pas lier cette aptitude exclusivement à un âge reconnaît le fait que le vécu d’un individu influe sur son aptitude à comprendre et à évaluer la question à laquelle il fait face. Le contexte social et l’expérience de la maladie, tout cela va donner forme et ajouter à leur maturité éventuelle face à leur situation actuelle.

La plupart des cliniciens étaient sûrs que les professionnels des soins de santé seraient en mesure d’évaluer correctement la capacité au cas par cas[148]. La Dre Arundhati Dhara, médecin de famille, a déclaré ceci :

Nous devons aborder l’AMM pour les mineurs matures de la même façon que nous l’abordons pour tous les autres patients : chacun est unique et doit être traité dans le respect de sa situation personnelle et de son contexte de vie unique.

Elle a fait remarquer que les prestataires de l’AMM font partie d’une « communauté de pratique » qui leur permet d’obtenir d’autres avis lorsqu’ils font face à des cas complexes. D’un autre côté, le Dr Timothy Ehmann a dit que, selon sa compréhension des travaux de recherche, les évaluations de la capacité des mineurs ne sont pas fiables.

Même si les cliniciens sont généralement favorables à une approche fondée sur la capacité, selon Elizabeth Sheehy, il est important de fixer un âge minimal clair pour éviter les recours devant les tribunaux. Si on devait choisir un âge minimal, Constance MacIntosh a recommandé que ce soit 12 ans, à la lumière des preuves psychologiques selon lesquelles il est très peu probable qu’un enfant de moins de 12 ans ait la capacité décisionnelle nécessaire concernant l’AMM.

Selon une recommandation de positionnement publiée par le Collège des médecins du Québec en décembre 2021, les mineurs âgés de 14 ans et plus devraient avoir accès à l’AMM avec le consentement parental[149], ce qui est conforme à la loi québécoise existante sur le consentement aux soins de santé[150]. Plusieurs représentants du Collège ont réitéré cette position dans leur témoignage[151], y compris le président du Collège, le Dr Mauril Gaudreault, qui a fourni l’explication qui suit :

[P]our les mineurs matures âgés de 14 à 18 ans, notre réflexion se base sur les considérations suivantes. Tout d’abord, la souffrance ne tient pas compte de l’âge. La souffrance n’a pas d’âge. Ensuite, la loi reconnaît déjà aux mineurs, à partir de 14 ans, le droit de consentir seuls à certains soins, comme l’avortement. Finalement, le consentement des parents ou du tuteur est obligatoire, bien sûr, lorsque les soins représentent un risque sérieux pour la santé du mineur.

Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, le Collège formule la même position :

Le Collège considère que le mineur âgé de 14 à 17 ans peut demander l’AMM conjointement avec le titulaire de l’autorité parentale ou le tuteur. Le Collège appuie sa position sur le fait que la souffrance ne tient pas compte de l’âge et que chez les mineurs elles peuvent être aussi intolérables que chez les adultes.

La Dre Randi Zlotnik Shaul, même si elle appuyait une approche fondée sur la capacité décisionnelle, a proposé un élargissement progressif de l’accès, en commençant par les jeunes de 16 ou 17 ans, afin d’avoir l’occasion de susciter davantage la participation des jeunes à la question.

Compte tenu des nombreux facteurs qui influencent la capacité de décision d’un mineur, le Comité estime que l’admissibilité à l’AMM ne devrait pas être refusée sur le seul critère de l’âge. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada modifie les critères d’admissibilité à l’AMM établis dans le Code criminel pour inclure les mineurs réputés avoir la capacité de décision requise après évaluation.

Autres critères d’admissibilité et mesures de sauvegarde

Les mineurs matures forment un groupe potentiellement vulnérable nécessitant une protection plus grande de la société[152]. Tout en reconnaissant que l’AMM pour les mineurs matures devrait impliquer des mesures de sauvegarde particulières, plusieurs témoins ont tenu à souligner que celles-ci ne devraient pas créer des obstacles qui compliqueraient l’accès[153].

Mort raisonnablement prévisible et trouble mental

La plupart des témoins étaient d’accord pour dire que l’AMM ne devrait être étendue qu’aux mineurs matures dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, au moins au départ[154]. Comme l’ont expliqué Kathryn Morrison et Cheryl Milne, il y a une plus grande incertitude entourant les vulnérabilités en jeu dans les cas où la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible; c’est une question qui nécessite une étude plus approfondie. Le Dr Gordon Gubitz a indiqué que la société canadienne n’est peut-être pas prête à accepter la voie 2 de l’AMM pour les mineurs, et il a recommandé, avec d’autres, l’adoption d’une approche prudente et graduelle[155]. Bryan Salte, cependant, a remis en question la constitutionnalité de la limitation de l’AMM pour les mineurs matures à la voie 1.

D’autres témoins étaient fermement convaincus que la voie 2 de l’AMM et l’AMM TM‑SPMI étaient inacceptables pour les mineurs, et craignaient que tout élargissement de la voie 1 entraîne inévitablement l’accès des mineurs à la voie 2 de l’AMM et à l’AMM TM‑SPMI[156]. Elizabeth Sheehy était particulièrement préoccupée par les conséquences discriminatoires que pourrait avoir le fait de permettre l’AMM pour les mineurs handicapés, qui sont souvent confrontés à des problèmes de santé mentale et peuvent avoir du mal à envisager un avenir positif pour eux-mêmes. Ahona Mehdi craignait pour sa part que les mineurs handicapés puissent sentir qu’ils représentent un fardeau, à cause des coûts associés à leur prise en charge et aussi du fait que leurs parents doivent s’absenter du travail pour s’occuper d’eux. Conrad Saulis s’est fait l’écho des inquiétudes des jeunes autochtones au sujet de l’AMM, étant donné les problèmes de santé mentale et de suicide chez les jeunes dans les communautés. Kathryn Morrison était cependant d’avis que les incertitudes entourant la voie 2 de l’AMM et l’AMM TM-SPMI « ne devraient pas miner les arguments en faveur de l’admissibilité d’un mineur mature à l’AMM lorsqu’il s’agit du premier volet ».

Même si certains témoins sont demeurés ouverts à la possibilité de recourir à la voie 2 de l’AMM pour les mineurs matures à l’avenir, il semblait y avoir un consensus sur le fait qu’il n’est pas approprié de permettre l’AMM pour les mineurs matures qui souffriraient seulement de troubles mentaux[157]. La Dre Randi Zlotnik Shaul et la Dre Dawn Davies approuvaient la conclusion du Groupe de travail sur les mineurs matures du CAC voulant qu’il soit peu probable qu’un trouble mental soit jugé irrémédiable avant l’âge de la majorité[158]. La pédopsychiatre Dre Gail Beck a expliqué qu’une personne ne pouvait pas épuiser tous les traitements pour un trouble mental avant d’avoir atteint l’âge de la majorité.

Le Comité est d’accord avec les nombreux témoins qui considèrent que l’AMM pour les mineurs matures devrait être limitée à la voie 1, à ce stade-ci, surtout compte tenu du fait qu’on ne dispose pas suffisamment de données sur les points de vue des jeunes sur la question. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada limite l’AMM pour les mineurs matures à ceux dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible.

Autres mesures de sauvegarde

Certains témoins ont souligné le fait qu’il existe déjà de solides mesures de sauvegarde dans l’approche clinique de l’évaluation de la capacité des mineurs qui prennent des décisions concernant leurs soins de santé[159]. À ce propos, Constance MacIntosh a recommandé que l’on codifie — soit dans le Code soit par des règlements — et éventuellement que l’on améliore le processus d’évaluation de la capacité des mineurs qui demanderaient l’AMM. Elle a recommandé également que les associations de soins de santé fournissent des lignes directrices plus détaillées et accessibles au public sur l’aide à la prise de décision chez les jeunes, et qu’il y ait plus de cohérence dans la façon dont les provinces abordent ces décisions. Kathryn Morrison a renvoyé le Comité aux mesures de sauvegarde qui étaient présentées dans le rapport du Groupe de travail sur les mineurs matures du CAC, qui comprennent la création de normes de pratique pour l’évaluation de la capacité des mineurs qui souhaiteraient obtenir l’AMM, et l’élaboration de mesures de sauvegarde telles que des exigences concernant les compétences professionnelles au niveau provincial.

Kimberley Widger pensait pour sa part que les équipes spécialisées en soins palliatifs pédiatriques devraient intervenir dans l’évaluation des mineurs voulant obtenir l’AMM, afin de s’assurer que toutes les options de soins ont été pleinement envisagées — une proposition que d’autres témoins ont approuvée[160].

Le Comité convient que, dans le cas de l’AMM pour les mineurs matures, il faudrait fixer des normes de pratique pour l’évaluation de la capacité. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces, les territoires ainsi que les communautés et les organisations inuites, métisses et de Premières Nations à établir des normes pour l’évaluation de la capacité des mineurs matures qui souhaiteraient obtenir l’AMM.

Le Comité a également recueilli des témoignages sur l’importance de l’implication des parents dans le processus décisionnel, qui a finalement une incidence sur toute la famille[161]. Comme indiqué précédemment, la position du Collège des médecins du Québec est que le consentement parental devrait être requis pour permettre à un mineur de demander l’AMM. Le consentement parental est également exigé en Belgique et aux Pays-Bas pour certains groupes d’âge[162]. D’autres témoins étaient favorables à ce qu’il soit nécessaire de consulter les parents, mais pas d’obtenir leur consentement[163]. Kathryn Morrison a fait remarquer que, comme c’est le cas avec les adultes, les membres de la famille peuvent « favoriser l’autonomie, mais aussi la limiter ». Elle a averti le Comité que le fait d’exiger le consentement parental serait incompatible avec le cadre actuel du consentement au traitement. Bryan Salte a ajouté que les parents peuvent être réticents à consentir à la mort de leur enfant. Malgré ces préoccupations, des témoignages ont révélé que dans la plupart des cas, les jeunes et ceux qui leur prodiguent des soins s’entendent sur les décisions concernant la fin de vie[164].

Il a également été question d’autres mesures de sauvegarde, notamment la nécessité d’obtenir l’avis d’un psychiatre au sujet de la maturité du mineur, comme c’est le cas en Belgique[165], la nécessité d’avoir une période d’« attente obligatoire » entre la demande d’AMM et son administration[166], ainsi que la présence d’un guérisseur ou d’un praticien autochtone pour accompagner les jeunes autochtones dans leur processus de prise de décision[167]. La Dre Dawn Davies estimait que, si un quelconque degré supplémentaire d’examen objectif était nécessaire, cet examen devrait être réalisé au niveau de l’équipe de soignants du mineur, plutôt que par l’entremise d’une commission d’examen externe, afin de permettre d’éviter d’imposer un fardeau supplémentaire au mineur. Constance MacIntosh a recommandé la mise en place de comités d’examen post facto.

Le Comité est d’accord avec les témoins qui préconisent la nécessité de consulter les parents, mais pas d’obtenir leur consentement, dans les cas de demandes d’AMM par des mineurs matures. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada établisse l’obligation, lorsque c’est approprié, de consulter les parents ou les tuteurs légaux d’un mineur mature pendant le processus d’évaluation d’une demande d’AMM, mais qu’ultimement la priorité soit donnée à la volonté d’un mineur ayant la capacité décisionnelle requise.

Le Comité est aussi d’accord avec les témoins qui ont rappelé la nécessité de faire preuve de prudence pour ce qui est de permettre l’AMM pour les mineurs matures. Pour cette raison, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada nomme un groupe d’experts indépendant pour l’évaluation des dispositions du Code criminel relatives à l’AMM pour les mineurs matures dans les cinq ans suivant la date à laquelle ces dispositions auront reçu la sanction royale, et que ce groupe d’experts fasse rapport de ses conclusions au Parlement.

Demandes anticipées

Contexte

Actuellement, les dispositions du Code permettent de renoncer au consentement requis immédiatement avant l’administration de l’AMM dans certaines circonstances. Une personne dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, dont la demande d’AMM a été approuvée et qui a pris des dispositions pour que cette AMM lui soit administrée à une certaine date peut, dans le cadre d’une entente écrite, consentir à ce qu’on lui donne l’AMM si elle perd sa capacité de consentement[168]. En pareil cas, cette personne pourra recevoir l’AMM, à moins qu’elle manifeste « un refus que la substance lui soit administrée ou une résistance à ce qu’elle le soit[169] ».

Une demande anticipée d’AMM permettrait à une personne risquant de perdre sa capacité de consentir à l’AMM d’indiquer les conditions dans lesquelles elle voudrait que l’AMM lui soit administrée, advenant une telle perte de capacité. Il ne faut pas confondre une demande anticipée d’AMM avec des directives médicales anticipées, selon lesquelles une personne autorise une autre personne à prendre des décisions en son nom concernant ses soins de santé si elle devenait incapable de le faire elle-même. Une directive médicale ou une directive de santé anticipée peut aussi comprendre les préférences d’un patient en matière de traitement comme directives à l’intention d’un mandataire désigné[170].

Plusieurs sondages révèlent que les Canadiens sont favorables à la possibilité de faire une demande anticipée d’AMM[171] et de nombreux témoins l’ont d’ailleurs rappelé[172]. Helen Long, directrice générale de Mourir dans la dignité Canada, a dit au Comité que « [d]e loin, les questions les plus fréquemment posées sont celles qui ont trait aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir ». Le Dr David Lussier, médecin gériatre, a fait remarquer que les demandes anticipées suscitent une large adhésion au Québec, y compris chez les personnes « ayant un trouble neurocognitif majeur et leurs proches », ainsi que parmi les professionnels de la santé. Le PDAM et le Groupe consultatif provincial-territorial d’experts sur l’aide médicale à mourir ont tous deux recommandé que soient autorisées les demandes anticipées, tout comme la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec[173]. Au printemps 2022, le Québec a présenté le projet de loi 38, qui aurait permis les demandes anticipées d’AMM dans certaines circonstances[174], mais ce projet de loi a été mis en veilleuse et n’a pas été adopté avant le déclenchement des élections provinciales.

Dans un témoignage poignant, Sandra Demontigny, qui est âgée de 43 ans et atteinte d’une forme précoce de la maladie d’Alzheimer, a expliqué ce que signifierait pour elle une demande anticipée :

[J]e ne veux pas vivre la dernière phase de la maladie, alors que les gens sont complètement dépendants, incapables de s’exprimer ou à peu près. Je l’ai vu et je ne veux pas le vivre. C’est ce que je voudrais préciser dans une demande anticipée. Bien sûr, cela me donnerait plus de temps.
Par exemple, sans vouloir vous mettre de la pression, si les demandes anticipées ne sont pas acceptées par le Parlement, malheureusement, je devrai choisir seule de partir avant d’entrer dans cette phase, sinon j’y serai coincée.

Le Dr Serge Gauthier, professeur émérite et neurologue, a insisté sur le fait que nombre de ses patients souhaitent faire des demandes anticipées, certains ayant même signé des documents à cet effet exprimant leurs volontés. Quelques-uns de ses patients lui ont indiqué qu’ils envisageraient de se suicider s’ils n’avaient pas la possibilité de faire des demandes anticipées.

La Dre Ellen Wiebe a fait remarquer que même si ses travaux de recherche ont confirmé un très fort appui du public en faveur des demandes anticipées, ceux qui administrent l’AMM hésiteraient à y donner suite si la loi permettait de telles demandes.

Même si certains témoins trouvaient problématique d’aller de l’avant avec les demandes anticipées pour l’AMM, la majorité des témoins étaient favorables à ce que cette option soit permise. Des témoins ont expliqué certains des moyens par lesquels les personnes qui font de telles demandes ainsi que leur famille et les équipes qui leur prodiguent des soins peuvent avoir confiance que l’AMM sera administrée au moment opportun. Le Dr David Lussier a mentionné qu’il y avait déjà eu des cas de personnes atteintes de démence qui avaient la capacité de consentir à l’AMM et qui y ont eu accès, car « [i]l y a effectivement un certain moment où le déclin est avancé et où la maladie est assez grave pour qu’on la considère comme incurable ».

Les éventuels risques liés aux demandes anticipées, l’expérience d’autres pays où les demandes anticipées pour l’AMM sont permises, ainsi que le processus et les mesures de sauvegarde suggérés par les témoins sont résumés ci-après.

Risques possibles liés au fait de permettre les demandes anticipées d’AMM

De l’avis de certains témoins, le fait qu’il puisse être difficile de prédire la rapidité à laquelle l’état de santé d’une personne atteinte d’une maladie neurodégénérative peut décliner, et qu’il soit compliqué de prévoir ce qu’une personne pourrait trouver intolérable à l’avenir, rend les demandes anticipées problématiques[175].

Des témoins inquiets de la possibilité qu’on permette les demandes anticipées pour l’AMM ont laissé entendre que ces demandes sont le résultat d’une discrimination fondée sur le capacitisme, l’âge et la stigmatisation[176]. Le Comité a appris que certaines personnes pourraient faire une demande anticipée par crainte d’être un fardeau pour ceux qui s’occupent d’elles.

Selon Trudo Lemmens, professeur et titulaire de la chaire Scholl en droit et politique de la santé à la Faculté de droit de l’Université de Toronto, une demande anticipée d’AMM « traduit aussi en droit l’opinion selon laquelle la vie avec un handicap cognitif suppose une perte de dignité ». Parallèlement à cela, Jocelyn Downie a laissé entendre qu’empêcher quelqu’un de faire une demande anticipée « revient en quelque sorte à dire qu’on ne peut pas faire confiance aux personnes atteintes de démence pour prendre des décisions pour elles‑mêmes à l’avenir parce qu’elles sont trop vulnérables aux pressions externes, etc. […] cela stigmatise les personnes atteintes de démence ».

Certains témoins ont insisté sur la nécessité de mieux soutenir les personnes atteintes de démence, notamment en favorisant l’accès à des gériatres (dont il y a une pénurie)[177], ainsi qu’aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie[178]. La Dre Melissa Andrew, professeure de médecine en gériatrie à l’Université Dalhousie, a souligné la nécessité de prendre des mesures dans le cadre de la Stratégie nationale sur la démence.

Le Dr Félix Pageau a insisté sur le fait que la recherche « pourrait établir des échelles d’évaluation de la souffrance physique, psychologique et existentielle fiables pour les patients atteints de démence avancée ». Selon le Dr Ross Upshur, professeur au Département de médecine familiale et communautaire de la Dalla Lana School of Public Health de l’Université de Toronto, il est essentiel de combler le manque de connaissances relevé par le Conseil des académies canadiennes[179], « afin qu’il y ait des mesures de soutien fondées sur des données probantes pour les mandataires, les cliniciens et les autres intervenants, car de nombreuses personnes participent à l’aide médicale à mourir ».

Certains témoins étaient d’avis que le consentement anticipé n’est pas un véritable consentement[180], puisqu’il ne peut être pleinement éclairé[181] et qu’il ne peut pas non plus être retiré[182]. Trudo Lemmens a opiné que, dans le rapport du Conseil des académies canadiennes sur les demandes anticipées, « rien ne montre que des solutions procédurales peuvent facilement dissiper les préoccupations juridiques et éthiques ». Enfin Michael Bach, directeur général, Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société, a laissé entendre que permettre des demandes anticipées, c’est s’engager sur une pente glissante, car « [i]l suffit d’autoriser les demandes anticipées pour que la situation dégénère ».

Plusieurs témoins craignaient que ce soit le mandataire qui décide quand exécuter la demande anticipée[183]. Jocelyn Downie n’était pas d’accord là-dessus, disant :

[C]e n’est jamais la décision d’un subrogé. Il n’y a pas de place pour la procuration dans ce contexte. C’est la personne qui a précisé ce qu’il fallait faire au moment où elle perdrait sa capacité de prendre des décisions, et le clinicien évalue objectivement les divers facteurs parce que la personne a donné toutes les précisions dans sa demande écrite. Elle a décrit comment les choses se passeraient. Les cliniciens peuvent faire une évaluation et décider si les conditions sont respectées ou non.

En ce qui concerne la progression d’une maladie, de nombreux témoins ont parlé de la « démence heureuse », et le Dr David Lussier a expliqué son lien avec la souffrance et les demandes anticipées :

Dans certains cas, il existe une souffrance objectivable indéniable, qui s’accompagne de signes non verbaux de douleur ou de symptômes psychologiques et comportementaux associés à la démence, comme l’agressivité. Dans d’autres cas, qu’on appelle, à tort ou à raison, les démences heureuses, la personne est heureuse au quotidien malgré les troubles cognitifs et la perte d’autonomie. Par contre, si elle s’était vue dans cet état, elle n’aurait peut-être pas voulu le vivre. Le critère d’admissibilité devrait-il être la souffrance contemporaine ou la souffrance anticipée? C’est une question importante et complexe à laquelle il faudrait répondre[184].

Les témoignages de proches de personnes atteintes de démence ont remis en question le concept de « démence heureuse[185] ». Sandra Demontigny, qui a également soutenu son père qui était atteint de démence, a déclaré ceci au Comité :

Pour être bien honnête, je n’y crois pas. La démence heureuse, ce sont les symptômes d’une maladie qui s’expriment. Ce n’est pas la personne qui est contente, mais les plaques dans son cerveau qui dérèglent ses neurotransmetteurs et lui font manifester des expressions de joie.

Dans son mémoire, Catherine Leclerc parle de sa mère, qui souffre de démence depuis 16 ans :

La maladie ne l’a pas rendue agressive, elle est restée douce, elle sourit, parfois elle rit. Il est facile pour un professionnel de la santé qui l’évalue une fois par an, d’avoir la perception qu’elle est « bien dans sa maladie ». Yvette présente ce que certains appellent une « démence heureuse ». La démence heureuse est un leurre. Yvette sourit. Pas parce qu’elle ne souffre pas, mais simplement parce que la maladie ne lui a pas encore arraché la faculté de le faire.

Le Dr Judes Poirier, professeur titulaire de médecine et de psychiatrie au Centre de recherche sur la prévention de la maladie d’Alzheimer de l’Université McGill, a donné son point de vue au sujet de la « démence heureuse » :

Ces personnes sont-elles heureuses? Non. En effet, maman ne m’aurait pas demandé à mourir à répétition. Il y a des changements biologiques sur lesquels, comme je l’expliquais tout à l’heure, on n’a aucun contrôle. La sous-estimation de la douleur psychologique est souvent le problème, dans notre beau système de santé. On cherche des problèmes physiques et on voit moins les problèmes psychologiques. Je pense que c’est là que le bât blesse. En recherche, nous avons des outils pour documenter cela.
Je suis désolé, mais la démence heureuse, pour moi, c’est un drôle de mythe.

Le Comité a appris également que permettre les demandes anticipées d’AMM pourrait conduire à de la coercition et à des abus[186], et qu’il pourrait y avoir des problèmes d’interprétation des documents écrits de demandes anticipées[187]. Plusieurs témoins ont parlé de la façon de traiter les situations où une personne ayant fait une demande anticipée semble résister au moment où l’AMM doit lui être administrée[188]. Le Dr David Lussier a dit au Comité que « [d]ans un stade avancé, plusieurs personnes résistent à tout contact ou soin et deviennent agressives quand on les touche. Elles n’accepteraient donc pas l’installation d’une intraveineuse sans être mises au préalable sous sédation ou en contention. » Étant donné que toute résistance et tout refus conscients doivent être respectés[189], on pourrait aborder la question de la résistance inconsciente dans la demande anticipée en indiquant ce que doit faire ou ne pas faire le clinicien s’il y a des signes de résistance[190],[191].

Mesures de sauvegarde et portée de la demande

La plupart des témoins favorables aux demandes anticipées ont indiqué que celles-ci ne devraient être possibles qu’une fois qu’un diagnostic a été posé[192]. Danielle Chalifoux, avocate et présidente de l’Institut de planification des soins du Québec, a cependant laissé entendre que le fait de ne permettre les demandes anticipées qu’aux personnes ayant reçu un diagnostic serait contraire à la Charte, et la Dre Chantal Perrot a indiqué pour sa part que ces demandes devraient être permises pour plus de personnes que celles atteintes de troubles neurocognitifs.

Nombre de témoins ont parlé de l’importance d’avoir des critères très clairs et observables qu’une personne devrait énoncer dans une demande anticipée d’AMM, comme le fait de ne plus pouvoir reconnaître les membres de sa famille, d’être clouée au lit ou de ne pas pouvoir s’alimenter, ce qui constituerait pour elle une souffrance intolérable[193]. Comme l’a expliqué Peter Reiner, professeur en neuroéthique, Secteur de la psychiatrie, University of British Columbia, des critères clairs, ainsi qu’une explication de la raison pour laquelle une situation précise serait vécue comme une souffrance intolérable, aideraient les cliniciens, en renforçant « l’idée d’une bonne action accomplie au bon moment ».

Les témoins ont insisté sur la nécessité de s’assurer que les volontés de la personne sont connues de la famille et des soignants[194], en plus d’avoir un document écrit explicitant la demande anticipée.

Les témoins favorables aux demandes anticipées ont souligné l’importance de vérifier périodiquement que la demande tient toujours[195], même s’il n’y a pas d’entente sur la fréquence à laquelle on doit le faire. Comme l’a dit la Dre Chantal Perrot au Comité : « Je ne crois pas qu’il soit raisonnable de demander à un clinicien de répondre à une demande qui a été faite 25 ans auparavant et qui n’a jamais été revue ou réaffirmée. » Enfin, des témoins ont proposé la création d’une base de données nationale répertoriant les demandes anticipées, afin d’assurer la continuité de la demande si une personne change de province ou de territoire[196].

Sandra Demontigny a insisté sur l’importance de bénéficier de soutien en matière de soins de santé pour être en mesure de prendre une décision éclairée concernant une demande anticipée :

J’ai accès à une psychologue et à une travailleuse sociale. Je parle librement avec elles de ma démarche concernant la maladie d’Alzheimer. Cela me fait du bien. Au besoin, si je ne trouve pas de réponse à mes questions, elles vont s’informer pour moi et me transmettre les réponses. Il est important que les gens puissent avoir accès à de tels services. On sait qu’ils sont difficiles à obtenir dans le réseau de la santé. Toutefois, pour faire un choix éclairé après avoir bien examiné tout l’éventail des possibilités, il faut, à mon avis, avoir accès à des professionnels qualifiés.

Nancy Guillemette a dit au Comité : « [J]e suis convaincue que nous pouvons mettre en place un processus qui respectera les valeurs des gens et leur droit à l’autodétermination, tout en protégeant les personnes vulnérables. C’est très important de ne jamais perdre de vue cet aspect. » Le Comité est d’accord sur ce point. Comme l’a déclaré Liana Brittain devant le Comité :

Je crois qu’il est de notre responsabilité, en tant que société, d’éduquer tout le monde, en particulier les personnes ayant une déficience physique comme moi, sur les options qui s’offrent à elles, en collaboration avec la communauté médicale, alors qu’elles en sont à la dernière étape de leur parcours de fin de vie. Je veux parler de soins véritablement axés sur les personnes et les patients, de soins dont la personne est responsable et auxquels elle participe activement, selon le plan qu’elle s’est fixé. Je suis peut-être handicapée physiquement, mais je veux savoir quels sont mes choix. Je veux peser ces options et prendre une décision éclairée sur ce que je peux choisir de faire ensuite, en consultation avec les experts. Je ne veux pas me sentir vulnérable.

Conformément aux critères d’admissibilité et aux mesures de sauvegarde énoncés dans les dispositions existantes du Code en ce qui concerne l’AMM, le Comité insiste pour que toute demande anticipée soit faite volontairement et non sous la contrainte, mûrement réfléchie et formulée par une personne ayant la capacité requise.

Le Comité reconnaît que, même s’il fallait modifier le Code pour permettre les demandes anticipées d’AMM, ce serait aux provinces et aux territoires d’élaborer les normes et les mesures de sauvegarde. Comme l’a expliqué Pierre Deschamps, avocat et éthicien, au Comité :

[I]l ne fait nul doute que des lois provinciales, comme dans le cas du Québec, seront requises pour déterminer le contexte d’activation d’une demande anticipée d’aide médicale à mourir lorsqu’une personne jugée inapte à consentir sera néanmoins dans un état de conscience, même minimal.

Comme indiqué précédemment, la Commission spéciale du Québec sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a recommandé que les demandes anticipées soient permises. Le Comité convient que les recommandations de la Commission fournissent des orientations aux autres législateurs qui pourraient envisager d’autoriser les demandes anticipées, et joint donc les recommandations et les observations de la Commission spéciale en annexe du présent rapport.

Enfin, Sandra Demontigny a exprimé devant le Comité de manière éloquente et émouvante le sentiment de paix que peuvent procurer les demandes anticipées dans des situations comme la sienne :

Je travaille à apaiser mon cerveau qui se perd et mon cœur qui se serre. J’éprouve le besoin de me rassurer au sujet de mon avenir pour mieux vivre mon quotidien et ses épreuves de plus en plus présentes.
J’aspire à profiter de mes dernières années de belle vie, l’esprit libre et sans peur.

Pour ces raisons, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada modifie le Code criminel pour permettre les demandes anticipées à la suite d’un diagnostic de problème de santé, de maladie ou de trouble grave et incurable menant à l’incapacité.

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les territoires, les autorités réglementaires et les barreaux provinciaux et territoriaux ainsi que les intervenants concernés pour l’adoption des mesures de sauvegarde requises pour les demandes anticipées d’AMM.

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les territoires ainsi que les autorités réglementaires à établir un cadre de reconnaissance interprovinciale des demandes anticipées.


[1]              Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5.

[2]              Pour une comparaison des exigences de la « voie 1 » et de la « voie 2 », voir le tableau 1 — Comparaison des mesures de protection actuelles et de celles mises en place dans le projet de loi C-7, par Julia Nicol et Marlisa Tiedemann, Résumé législatif du projet de loi C-7 : Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), publication no 43-2-C7‑F, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, révisé le 19 avril 2021.

[3]              Les mémoires sont répertoriés sur le site Web du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir.

[4]              Parlement du Canada, Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, L’aide médicale à mourir : une approche centrée sur le patient, 1re session, 42e législature, février 2016.

[5]              Projet de loi C-14, article 9.1.

[6]              Truchon c. Procureur général du Canada, 2019 QCCS 3792.

[7]              Projet de loi C-7, par. 3.1(1).

[8]              Parlement du Canada, Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, Aide médicale à mourir et troubles mentaux comme seule condition sous-jacente : rapport provisoire, 1re session, 44e législature, juin 2022.

[9]              Ministre de la Santé, Réponse du gouvernement au premier rapport du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, 20 octobre 2022.

[11]            Parlement du Canada, Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (AMM); Témoignages, 25 avril 2022 (Diane Reva Gwartz; Dre Stefanie Green); Témoignages, 7 octobre 2022 (Mike Kekewich).

[12]            Témoignages, 25 avril 2022 (Gwartz).

[13]            Témoignages, 25 avril 2022 (Gwartz); Témoignages, 21 octobre 2022 (Julie Campbell).

[14]            La liste des « déterminants sociaux de la santé » peut varier selon les organisations. Voir, par exemple, Organisation mondiale de la santé, Social Determinants of Health [disponible en anglais seulement], et Gouvernement du Canada, Déterminants sociaux de la santé et inégalités en santé.

[15]            Commission sur les soins de fin de vie, Rapport annuel d’activités, décembre 2022, p. 16

[16]            Ibid.

[17]            Pour plus d’information, voir Martha Butler et Marlisa Tiedemann, Le rôle fédéral dans le domaine de la santé et des soins de santé, publication no 2011-91-F, Bibliothèque du Parlement, 20 septembre 2013.

[18]            Témoignages, 7 octobre 2022 (Dr Louis Roy); Témoignages, 18 novembre 2022 (Catherine Claveau).

[19]            Commission sur les soins de fin de vie, Rapport annuel d’activités, décembre 2022.

[20]            Témoignages, 25 avril 2022 (Gwartz; Green).

[21]            Projet d’élaboration d’un programme de formation canadien sur l’aide médicale à mourir (AMM) — Présentation générale, document d’information, novembre 2021.

[23]            Parlement du Canada, Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, Aide médicale à mourir et troubles mentaux comme seule condition sous-jacente : rapport provisoire, 1re session, 44e législature, juin 2022.

[25]            Témoignages, 25 octobre 2022 (Adelina Iftene); Témoignages, 22 novembre 2022 (Jessica Shaw).

[26]            Témoignages, 25 avril 2022 (Dre Leonie Herx); Témoignages, 25 octobre 2022 (Iftene).

[27]            Gouvernement du Canada, Bâtir une classe moyenne forte, budget de 2017, p. 178.

[28]            Remarquons que, dans L'énoncé de principes communs sur les priorités partagées en santé, on explique que le Québec a une entente asymétrique.

Reconnaissant la volonté du gouvernement du Québec d’exercer sa compétence en matière de santé et de services sociaux et ainsi d’assumer lui-même sa maîtrise d’œuvre à l’égard de la planification, de l’organisation et de la gestion des services en ces matières sur son territoire, notamment en matière de santé mentale, de toxicomanie et de soins à domicile, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ont convenu le 10 mars 2017 d’une entente asymétrique distincte du présent énoncé de principes s’appuyant sur l’entente asymétrique de septembre 2004. Le gouvernement du Québec continuera notamment de faire rapport lui-même à la population québécoise sur l’usage de l’ensemble des fonds destinés à la santé et poursuivra sa collaboration avec les autres gouvernements à l’égard de l’échange d’informations et de pratiques exemplaires.

[29]            Gouvernement du Canada, Priorités partagées en matière de santé et fonds pour la sécurité des soins de longue durée. Les ententes ont expiré en 2022, mais ont été prolongées pour 2022–2023.

[31]            Voir Témoignages, 9 mai 2022 (Dre Romayne Gallagher); Témoignages, 21 octobre 2022 (Derek Ross).

[32]            Voir, par exemple, Témoignages, 25 avril 2022 (Herx); Témoignages, 7 octobre 2022 (Dr José Pereira); Témoignages, 18 octobre 2022 (Daniel Nowoselski); Témoignages, 21 octobre 2022 (Ross; Dr Sandy Buchman).

[33]            Voir aussi Témoignages, 5 mai 2022 (Dr Georges L’Espérance); Témoignages, 23 septembre 2022 (Dre Natalie Le Sage).

[34]            Le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ont convenu d’un arrangement asymétrique distinct de l’énoncé de principe commun sur les priorités partagées en santé et fondé sur les accords asymétriques de septembre 2004.

[35]            Voir, par exemple, AMM, Témoignages, 25 avril 2022 (Herx); Témoignages, 28 avril 2022 (Dr James Downar et Dre Ebru Kaya); Témoignages, 7 octobre 2022 (Dre Geneviève Dechêne; Pereira); Témoignages, 21 octobre 2022 (Ross).

[36]            Selon le Groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale,

« [l]a vulnérabilité structurelle fait référence aux répercussions de l’interaction entre les attributs démographiques (sexe, genre, statut socio‑économique, race/ethnicité, sexualité, emplacement institutionnel) et les statuts supposés ou attribués liés à la position d’une personne dans les hiérarchies sociales, culturelles et politiques (y compris la normalité, la crédibilité et le fait de mériter de recevoir des soins). Dans le contexte des soins de santé, la vulnérabilité structurelle exige une réflexion sur ces forces qui “contraignent la prise de décision, encadrent les choix et limitent les options de vie” et la manière dont elles influent, à leur tour, sur les résultats en matière de santé. »

[37]            Alinéa 241.2(1)e).

[38]            Alinéa 241.2(3.1)g).

[39]            Témoignages, 6 juin 2022 (Maria Alisha Montes); Témoignages, 5 mai 2022 (Raphael Cohen-Almagor); Témoignages, 21 octobre 2022 (Campbell).

[40]            Voir, par exemple, Témoignages, 28 avril 2022 (Kaya; Buchman); Témoignages, 18 octobre 2022 (Dr David Henderson; Kelly Masotti); Témoignages, 21 octobre 2022 (Ross).

[41]            Témoignages, 7 octobre 2022 (Dechêne; Downar); Témoignages, 18 octobre 2022 (Dipti Purbhoo); Témoignages, 21 octobre 2022 (Buchman; Dre Nathalie Zan).

[42]            La plus grande partie des dispositions du Règlement modifiant le Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023. En vertu de la version précédente de l’annexe 3, il était exigé que, dans le cadre de l’information requise, un praticien indique si le patient avait reçu des soins palliatifs et, le cas échéant, la durée de ces soins (si elle était connue). En vertu du Règlement modifié, le praticien indique plutôt si la personne avait besoin de soins palliatifs et, si elle en avait reçu, une « mention indiquant le type de soins palliatifs qu’elle a reçus, combien de temps elle les a reçus et à quel endroit, s’il le sait ».

[43]            Témoignages, 25 avril 2022 (Herx); Témoignages, 28 avril 2022 (Dre Marjorie Tremblay); Témoignages, 9 mai 2022 (Gallagher); Témoignages, 18 octobre 2022 (Nowoselski); Témoignages, 7 octobre 2022 (Dechêne; Mike Kekewich); Témoignages, 21 octobre 2022 (Campbell).

[44]            Témoignages, 28 avril 2022 (Kaya); Témoignages, 7 octobre 2022 (Pereira).

[45]            Témoignages, 21 octobre 2022 (Campbell).

[46]            Témoignages, 7 octobre 2022 (Pereira); Témoignages, 18 octobre 2022 (Gallagher; Dre Madeline Li; Nowoselski).

[47]            Lettre envoyée au Comité.

[48]            Alinéa 241,2(1)c).

[49]            Alinéa 241.2a).

[50]            Loi concernant les soins de fin de vie, art. 26. Témoignages, 18 novembre 2022 (Dr Mauril Gaudreault).

[51]            Témoignages, 13 avril 2022 (Abby Hoffman); Témoignages, 25 avril 2022 (Dr Alain Naud); Témoignages, 16 mai 2022 (Andrew Adams); Témoignages, 18 novembre 2022 (Gaudreault).

[52]            Témoignages, 16 mai 2022 (Ghislain Leblond); Témoignages, 22 novembre 2022 (Shaw); Témoignages, 22 novembre 2022 (Liana Brittain).

[53]            Document de référence remis au Comité.

[54]            Voir, par exemple, Témoignages, 18 novembre 2022 (Gabrielle Peters); Témoignages, 25 novembre 2022 (Megan Linton; Catherine Frazee; Isabel Grant).

[55]            Témoignages, 16 mai 2022 (Sarah Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Bill Adair); Témoignages, 6 juin 2022 (Ahona Mehdi); Témoignages, 18 novembre 2022 (Krista Carr; Kerri Joffe; Peters); Témoignages, 22 novembre 2022 (Heidi Janz).

[56]            Témoignages, 25 avril 2022 (Pageau); Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Conrad Saulis).

[57]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Dre Ramona Coelho); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi); Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr; Peters); Témoignages, 22 novembre 2022 (Dre Karen Ethans; Janz; David Shannon; Shaw); Témoignages, 25 novembre 2022 (Grant).

[58]            Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr; Peters); Témoignages, 25 novembre 2022 (Grant; Linton).

[59]            Témoignages, 18 novembre 2022 (Peters).

[60]            Témoignages, 18 novembre 2022 (Peters); Témoignages, 22 novembre 2022 (Ethans).

[61]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Coelho; Saulis et Samuel Ragot); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi).

[62]            Témoignages, 9 mai 2022 (Trudo Lemmens); Témoignages, 30 mai 2022 (Ragot); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi).

[63]            Témoignages, 25 novembre 2022 (Frazee).

[64]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr; Peters); Témoignages, 22 novembre 2022 (Shannon; Tim Stainton); Témoignages, 25 novembre 2022 (Frazee; Grant; Linton).

[65]            Témoignages, 9 mai 2022 (Jocelyn Downie) (faisant référence aux personnes atteintes de démence); Témoignages, 16 mai 2022 (Leblond); Témoignages, 27 septembre 2022 (Jennifer Chandler); Témoignages, 18 novembre 2022 (Claveau).

[66]            Témoignages, 13 avril 2022 (Mausumi Banerjee); Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Adair; Coelho et Michelle Hewitt); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi); Témoignages, 22 novembre 2022 (Shannon).

[67]            Témoignages, 30 mai 2022 (Adair; Coelho; Hewitt; Ragot); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi); Témoignages, 22 novembre 2022 (Ethans; Janz; Shaw).

[68]            Voir, par exemple, Témoignages, 5 mai 2022 (Helen Long); Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Adair; Ragot); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi); Témoignages, 16 juin 2022 (Cheryl Romaire); Témoignages, 22 novembre 2022 (Ethans); Témoignages, 25 novembre 2022 (Grant).

[69]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Hewitt); Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr; Joffe); Témoignages, 22 novembre 2022 (Ethans; Stainton); Témoignages, 25 novembre 2022 (Grant).

[70]            Voir, par exemple, Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Coelho); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi).

[71]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Coelho; Hewitt); Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr); Témoignages, 22 novembre 2022 (Janz) Témoignages, 25 novembre 2022 (Linton).

[72]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Hewitt); Témoignages, 18 novembre 2022 (Peters); Témoignages, 22 novembre 2022 (Janz; Stainton); Témoignages, 25 novembre 2022 (Grant; Linton).

[73]            Témoignages, 25 avril 2022 (Green); Témoignages, 5 mai 2022 (Long); Témoignages, 9 mai 2022 (Downie).

[74]            Témoignages, 18 novembre 2022 (Sylvie Champagne); Témoignages, 22 novembre 2022 (Shaw).

[75]            Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr); Témoignages, 25 novembre 2022 (Grant).

[76]            Voir, par exemple, Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr); Témoignages, 22 novembre 2022 (Janz; Stainton); Témoignages, 25 novembre 2022 (Frazee; Grant; Linton).

[77]            Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr; Joffe; Alicia et Christie Duncan).

[78]            Témoignages, 30 mai 2022 (Adair; Coelho); Témoignages, 22 novembre 2022 (Ethans; Shannon).

[79]            Témoignages, 18 novembre 2022 (Duncan); Témoignages, 22 novembre 2022 (Stainton).

[80]            Témoignages, 22 novembre 2022 (Shannon). Trish Nichols a également recommandé la mise en place d’une « commission d’examen [fédérale] indépendante » sans préciser si celle-ci devait être prospective ou rétrospective.

[81]            Témoignages, 22 novembre 2022 (Stainton).

[82]            Témoignages, 25 novembre 2022 (Linton).

[83]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 16 juin 2022 (Trish et Gary Nichols).

[84]            Témoignages, 13 avril 2022 (Banerjee).

[85]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi); Témoignages, 18 novembre 2022 (Carr; Peters).

[86]            Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Coelho); Témoignages, 25 novembre 2022 (Grant).

[87]            Témoignages, 16 mai 2022 (Adams; Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Conrad Saulis); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi; Franco Carnevale; Montes).

[89]            Parlement du Canada, Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, L’aide médicale à mourir et le trouble mental comme seul problème médical invoqué : rapport provisoire, 1re session, 44e législature, juin 2022.

[91]            Témoignages, 25 avril 2022 (Green); Témoignages, 27 septembre 2022 (Chandler); Témoignages, 4 octobre 2022 (Shakir Rahim); Dre Chantal Perrot, Mémoire au Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir concernant l’examen législatif sur l’aide médicale à mourir.

[92]            Témoignages, 4 octobre 2022 (Dr Michael Trew). Voir aussi Témoignages, 5 mai 2022 (L’Espérance).

[93]            Ontario (Procureur général) c. G, 2020 CSC 38.

[94]            Témoignages, 6 juin 2022 (Bryan Salte); Témoignages, 4 novembre 2022 (Dre Gail Beck; Dre Arundhati Dhara); Témoignages, 1er novembre 2022 (Dr Gordon Gubitz).

[95]            Témoignages, 25 mai 2022 (Dr Derryck Smith).

[97]            Témoignages, 5 mai 2022 (L’Espérance).

[98]            Code criminel, par. 241.2(2).

[99]            Témoignages, 25 mai 2022 (Sean Krausert; Brian Mishara); Témoignages, 26 mai 2022 (Maher; Synyor); Témoignages, 4 octobre 2022 (Dre Marie Nicolini; Mark Henick).

[100]          Voir, par exemple, Témoignages, 26 mai 2022 (Gupta; Dr Tyler Black).

[101]          Témoignages, 25 mai 2022 (Smith); Témoignages, 4 octobre 2022 (Trew); Témoignages, 7 octobre 2022 (Roy).

[103]          Témoignages, 23 septembre 2022 (Dr Guillaume Barbès-Morin; Dre Justine Dembo; Dre Cornelia Wieman); Témoignages, 4 octobre 2022 (Christine Grou).

[105]          Ibid., p. 48.

[107]          Le Dr Black a également présenté le mémoire suivant au Comité : Les preuves concernant l’AMM et le suicide.

[108]          Témoignages, 4 octobre 2022 (Nicolini; Trew; Grou).

[109]          Gouvernement du Canada, Rapport final du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale, p. 67.

[110]          Voir, par exemple, Témoignages, 25 avril 2022 (Green); Témoignages, 9 mai 2022 (Downie); Rapport final du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale, p. 67.

[111]          Témoignages, 27 septembre 2022 (Chandler; Dre Donna Stewart).

[112]          Gouvernement du Canada, Rapport final du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale, p. 56.

[113]          Conseil des académies canadiennes, groupe de travail du comité d’experts sur l’AMM lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué, L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué, 2018, p. 204.

[114]          Gouvernement du Canada, Rapport final du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale, p. 82.

[115]          Voir, par exemple, Témoignages, 25 avril 2022 (Green); Témoignages, 6 juin 2022 (Salte; Carnevale); Témoignages, 15 novembre 2022 (Cheryl Milne).

[116]          Voir, par exemple, Témoignages, 6 juin 2022 (Constance MacIntosh; Mehdi).

[117]          Témoignages, 4 novembre 2022 (Dr Eduard Verhagen); Rapport du CAC, p. 138.

[118]          Rapport du CAC, p. 138.

[119]          Témoignages, 6 juin 2022 (MacIntosh); Témoignages, 1er novembre 2022 (Kimberley Widger); Témoignages, 4 novembre 2022 (Verhagen); Témoignages, 15 novembre 2022 (Dre Dawn Davies).

[121]          Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi; Montes; Carnevale); Témoignages, 1er novembre 2022 (Widger); Témoignages, 4 novembre 2022 (Neil Belanger et Mary Ellen Macdonald); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies; Milne; Dre Randi Zlotnik Shaul).

[122]          Témoignages, 6 juin 2022 (Montes; Carnevale).

[123]          Témoignages, 4 novembre 2022 (Macdonald); Témoignages, 21 octobre 2022 (Ross).

[124]          Témoignages, 4 novembre 2022 (Macdonald); Témoignages, 15 novembre 2022 (Shaul).

[125]          Témoignages, 4 novembre 2022 (Macdonald).

[126]          Témoignages, 25 novembre 2022 (Kevin Liu); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies).

[127]          Il convient de noter que Markus avait atteint l’âge de la majorité avant sa mort, et qu’il aurait donc pu demander l’AMM en tant qu’adulte si tel avait été son choix.

[128]          Témoignages, 15 novembre 2022 (Shaul).

[129]          Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 30 mai 2022 (Conrad Saulis); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi; Montes); Témoignages, 4 novembre 2022 (Belanger et Elizabeth Sheehy).

[130]          Voir, par exemple, Témoignages, 16 mai 2022 (Jama); Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi; Montes); Témoignages, 4 novembre 2022 (Belanger; Sheehy).

[131]          Voir, par exemple, Témoignages, 4 novembre 2022 (Dhara); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies; Shaul).

[132]          Témoignages, 6 juin 2022 (Montes); Témoignages, 21 octobre 2022 (Ross); Témoignages, 4 novembre 2022 (Belanger; Dhara; Sheehy); Témoignages, 15 novembre 2022 (Shaul).

[133]          Témoignages, 4 novembre 2022 (Dhara); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies; Shaul).

[134]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Gubitz); Témoignages, 4 novembre 2022 (Dhara); Témoignages, 15 novembre 2022 (Milne).

[135]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Gubitz; Kathryn Morrison).

[136]          Témoignages, 25 avril 2022 (Naud); Témoignages, 6 juin 2022 (Salte); Témoignages, 1er novembre 2022 (Morrison); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies; Shaul).

[137]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Morrison); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck); Témoignages, 15 novembre 2022 (Dr Timothy Ehmann; Milne).

[138]          Témoignages, 6 juin 2022 (Carnevale).

[139]          Témoignages, 6 juin 2022 (Mehdi; Montes; Salte); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck; Sheehy); Témoignages, 15 novembre 2022 (Roderick McCormick).

[140]          Témoignages, 25 avril 2022 (Naud); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies) (parlant de son expérience professionnelle) et Caroline Marcoux (parlant de son expérience personnelle comme mère d’un adolescent décédé des suites d’un cancer).

[141]          Témoignages, 6 juin 2022 (MacIntosh; Salte); Témoignages, 1er novembre 2022 (Gubitz; Morrison); Témoignages, 4 novembre 2022 (Dhara; Sheehy); Témoignages, 15 novembre 2022 (Milne; Shaul).

[142]          Témoignages, 6 juin 2022 (Montes); Témoignages, 4 novembre 2022 (Sheehy).

[143]          Voir par exemple: Témoignages, 6 juin 2022 (Salte; Carnevale); Témoignages, 25 avril 2022 (Green); Témoignages, 15 novembre 2022 (Milne).

[144]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Morrison); Témoignages, 4 novembre 2022 (Dhara); Témoignages, 18 novembre 2022 (Gaudreault).

[145]          Témoignages, 6 juin 2022 (MacIntosh; Salte); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck); Témoignages, 15 novembre 2022 (Shaul).

[146]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Gubitz; Widger [concernant deux mineurs du même âge, mais ayant des capacités très différentes]); Témoignages, 4 novembre 2022 (Dhara).

[147]          Témoignages, 6 juin 2022 (MacIntosh; Salte); Témoignages, 1er novembre 2022 (Kathryn Morrison); Témoignages, 15 novembre 2022 (Milne).

[148]          Témoignages, 25 avril 2022 (Green; Naud); Témoignages, 6 juin 2022 (MacIntosh; Salte); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck; Dhara); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies).

[150]          Code civil du Québec, art. 14 et 17; Témoignages, 18 novembre 2022 (Gaudreault).

[151]          Témoignages, 25 avril 2022 (Naud); Témoignages, 7 octobre 2022 (Roy); Témoignages, 18 novembre 2022 (Gaudreault).

[152]          Témoignages, 6 juin 2022 (Carnevale); Témoignages, 1er novembre 2022 (Morrison); Témoignages, 4 novembre 2022 (Sheehy); Témoignages, 15 novembre 2022 (Ehmann).

[153]          Témoignages, 6 juin 2022 (Carnevale); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies; Milne).

[154]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Morrison); Témoignages, 4 novembre 2022 (Verhagen); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies; Milne).

[155]          Voir, par exemple, Témoignages, 1er novembre 2022 (Widger); Témoignages, 15 novembre 2022 (Shaul).

[156]          Témoignages, 4 novembre 2022 (Belanger; Sheehy); Témoignages, 15 novembre 2022 (Ehmann); Témoignages, 22 novembre 2022 (Stainton).

[157]          Voir, par exemple, Témoignages, 5 mai 2022 (L’Espérance); Témoignages, 6 juin 2022 (Carnevale); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck; Belanger); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies).

[158]          Rapport du CAC, p. 195.

[159]          Témoignages, 6 juin 2022 (MacIntosh); Témoignages, 15 novembre 2022 (Milne; Shaul).

[160]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Gubitz; Morrison).

[161]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Gubitz); Témoignages, 4 novembre 2022 (Beck).

[162]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Morrison); rapport du CAC.

[163]          Témoignages, 6 juin 2022 (MacIntosh; Salte).

[164]          Témoignages, 6 juin 2022 (Salte; Carnevale); Témoignages, 4 novembre 2022 (Verhagen); Témoignages, 15 novembre 2022 (Davies).

[165]          Témoignages, 25 avril 2022 (Naud). Voir le rapport du CAC, p. 207.

[166]          Témoignages, 6 juin 2022 (Salte).

[167]          Témoignages, 6 juin 2022 (Myeengun Henry).

[168]          Paragraphe 241.2(3.2) du Code criminel.

[169]          Alinéa 241.2(3.2)c).

[170]          Pour avoir une explication sur les directives concernant les soins, voir l’Association canadienne de protection médicale, Les directives concernant les soins : ce que vous devez vraiment savoir.

[171]          Témoignages, 5 mai 2022 (Long).

[172]          Témoignages, 9 mai 2022 (Louise Bernier); Témoignages, 21 octobre 2022 (Dr Serge Gauthier); Témoignages, 25 octobre 2022 (Dr Blair Bigham); Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre Ellen Wiebe); Témoignages, 1er novembre 2022 (Perrot).

[173]          Assemblée nationale du Québec, Rapport de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, décembre 2021.

[175]          Témoignages, 25 avril 2022 (Pageau); Témoignages, 5 mai 2022 (Michael Bach); Témoignages, 9 mai 2022 (Gallagher); Témoignages, 28 octobre 2022 (Chung; Marcia Sokolowski); Mémoire de la Société dentaire et médicale chrétienne du Canada.

[176]          Témoignages, 5 mai 2022 (Bach); Témoignages, 28 octobre 2022 (Beaudry, Chung).

[177]          Témoignages, 25 avril 2022 (Pageau).

[178]          Témoignages, 5 mai 2022 (Cohen-Almagor); Témoignages, 9 mai 2022 (Gallagher).

[180]          Témoignages, 25 avril 2022 (Pageau); Témoignages, 5 mai 2022 (Bach).

[181]          Témoignages, 5 mai 2022 (Cohen-Almagor); Témoignages, 9 mai 2022 (Dre Catherine Ferrier).

[182]          Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre Alice Maria Chung).

[183]          Témoignages, 25 avril 2022 (Pageau); Témoignages, 5 mai 2022 (Michael Bach); Témoignages, 28 octobre 2022 (Dr Ross Upshur).

[184]          Témoignages, 25 octobre 2022 (Dr David Lussier).

[186]          Témoignages, 25 octobre 2022 (Pageau); Témoignages, 9 mai 2022 (Ferrier); Témoignages, 28 octobre 2022 (Chung).

[187]          Témoignages, 25 octobre 2022 (Pageau); Témoignages, 28 octobre 2022 (Sokolowski).

[188]          Témoignages, 5 mai 2022 (l’Hon. James S. Cowan); Témoignages, 9 mai 2022 (Dre Lilian Thorpe); Témoignages, 1er novembre 2022 (Peter Reiner).

[189]          Témoignages, 5 mai 2022 (Cowan); Témoignages, 9 mai 2022 (Downie).

[190]          Témoignages, 1er novembre 2022 (Reiner); Témoignages, 25 octobre 2022 (Lussier).

[191]          Comme mentionné précédemment, le paragraphe 241.2(3,2) du Code criminel traite de la situation d’une personne qui a renoncé à donner son consentement final, mais qui semble refuser qu’on lui administre l’AMM.

[192]          Voir, par exemple, Témoignages, 5 mai 2022 (L’Espérance); Témoignages, 21 octobre 2022 (Gauthier); Témoignages, 25 octobre 2022 (Lussier).

[193]          Témoignages, 25 avril 2022 (Naud); Témoignages, 9 mai 2022 (Dr Laurent Boisvert; Danielle Chalifoux; Downie); Témoignages, 21 octobre 2022 (Nancy Guillemette); Témoignages, 1er novembre 2022 (Reiner).

[194]          Voir, par exemple, Témoignages, 1er novembre 2022 (Reiner).

[195]          Témoignages, 25 avril 2022 (Naud); Témoignages, 5 mai 2022 (L’Espérance); Témoignages, 25 octobre 2022 (Lussier); Témoignages, 1er novembre 2022 (Reiner); Témoignages, 1er novembre 2022 (Jennifer Gibson).

[196]          Témoignages, 25 avril 2022 (Naud); Témoignages, 1er novembre 2022 (Perrot).