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Section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF)

Rapport

La délégation parlementaire de la Section canadienne qui a participé à la réunion de la Commission politique (la « commission ») de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), tenue au siège de l’Union africaine à Addis Abeba, en Éthiopie, les 10 et 11 avril 2017, a l'honneur de présenter son rapport. La délégation était composée de M. Paul Lefebvre, député et vice-président de la Section canadienne, et de M. Pascal Tremblay, analyste et conseiller auprès de la section.

Une trentaine de parlementaires provenant d’une vingtaine de sections représentant les quatre régions de l’espace francophone (Afrique, Amérique, Asie et Europe) ont participé à cette réunion. Outre la Section canadienne, les sections suivantes étaient représentées à la réunion : Belgique/Communauté française/Wallonie-Bruxelles, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Côte d’Ivoire, France, Gabon, Hongrie, Jura, Liban, Madagascar, Mali, Maroc, Niger, Québec, République démocratique du Congo, Sénégal, Suisse, Tchad et Togo.

La réunion a été conviée par le président de la commission, le sénateur Jacques Legendre, de la Section de la France. À l’ouverture des travaux, l’assemblée a adopté un ordre du jour modifié ainsi que le relevé de décisions et le compte-rendu de la réunion précédente de la commission du 10 juillet 2016, tenue en marge de la Session annuelle d’Antananarivo, Madagascar.

Actualités politiques

Le président a invité les parlementaires des sections à résumer l’actualité politique de leur législature respective dans le cadre d’un tour de table. Lors de son intervention, M. Lefebvre a exposé brièvement certaines des priorités énoncées dans le budget fédéral 2017. Il a aussi donné un aperçu d’autres sujets d’actualité par les parlementaires canadiens, par exemple l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne ou la présentation attendue du projet de loi du gouvernement du Canada concernant la légalisation du cannabis.[1] Il a aussi notamment informé les membres de la commission que l’année 2017 marquait le 150e anniversaire du Canada et que l’événement serait marqué de célébrations.

Rapport et déclarations sur les situations politiques

La commission a ensuite étudié le projet de rapport présenté par le délégué de la Section du Gabon concernant l'examen des situations politiques dans l'espace francophone. Le rapport a abordé la situation des pays suivants : Syrie, Égypte, Gabon, Haïti, République centrafricaine, Burundi, République démocratique du Congo, ainsi que la situation au Sahel. Dans la foulée de l’étude des situations politiques discutées dans le rapport, la commission a adopté les six déclarations suivantes :

  • une Déclaration sur la situation en République arabe syrienne confirmant le maintien de la suspension de la Section syrienne en raison des violations des principes fondamentaux prescrits par les Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, ainsi que des violations massives des droits de la personne;

  • une Déclaration sur la situation en République centrafricaine condamnant la multiplication des affrontements entre groupes armés et les violences contre la population centrafricaine, et identifiant certaines opportunités qui pourraient contribuer à une éventuelle résolution pacifique du conflit;

  • une Déclaration sur la situation au Burundi maintenant la mise en observation à titre préventif de la Section burundaise ainsi que la suspension de la coopération institutionnelle avec celle-ci, et annonçant que la commission évaluera la possibilité de recommander, lors de la prochaine Assemblée plénière, une suspension de la Section burundaise en raison notamment des violations graves, généralisées et systématiques des droits de la personne et de restrictions des libertés civiles par le gouvernement du Burundi et des personnes qui lui sont associées;

  • une Déclaration sur la situation politique en République démocratique du Congo appelant tous les acteurs politiques et sociaux congolais à la mise en œuvre et au respect de l’Accord du 31 décembre, notamment en ce qui concerne l’organisation d’élections législatives et présidentielles libres et transparentes avant la fin de l’année 2017;

  • une Déclaration sur la situation au Liban appelant la communauté internationale à aider les autorités légales libanaises à combattre le terrorisme et à gérer la crise des réfugiés qui touche le Liban;

  • une Déclaration sur les attaques terroristes en Égypte condamnant fermement le double attentat perpétré le 9 avril 2017 dans ce pays contre deux églises coptes.

Dans le cadre des discussions concernant la Déclaration sur la situation en République arabe syrienne, deux amendements proposés par M. Lefebvre ont été adoptés. Le premier de ces amendements insistait sur l’idée que seul un accord politique négocié puisse mettre un terme au conflit de manière durable. Le second appelait toutes les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire, et ce, dans le but d’assurer un accès complet, sécuritaire et sans entraves aux victimes du conflit par le personnel des organisations humanitaires.

La Déclaration sur la situation en République centrafricaine reflète elle aussi des amendements proposés par M. Lefebvre. Ceux-ci visaient à mettre l’emphase sur la dégradation de la situation humanitaire dans ce pays, et à appeler la communauté internationale à répondre promptement, efficacement et de façon concertée aux besoins humanitaires de la population centrafricaine.

Comme lors de la dernière réunion de la commission, la crise politique au Burundi a fait l’objet de discussions. Malgré les objections de la délégation burundaise, qui a argué que la déclaration se fondait sur de fausses allégations selon elle, les parlementaires ont convenu de maintenir la mise en observation préventive de la section et de suspendre toutes activités de coopération institutionnelle. Le déroulement de la rencontre n’a pas permis aux parlementaires participant au débat de proposer des amendements à la Déclaration sur la situation au Burundi.

Le parlementaire de la Section libanaise a remis en question l’absence du Liban des situations politiques étudiées par la commission. Il a aussi proposé aux parlementaires présents à la réunion un projet de déclaration concernant le Liban. La commission a adopté cette déclaration, mais plusieurs parlementaires se sont interrogés sur le caractère précipité de l’étude d’une déclaration qu’ils n’avaient pas eu la chance d’étudier préalablement.

Lutte contre le radicalisme et le terrorisme

Le projet de rapport de la Section québécoise sur la lutte contre le radicalisme religieux a été discuté en commission. Le délégué québécois a souligné que le radicalisme religieux est un phénomène planétaire qui touche plus intensément la Francophonie depuis quelques années. Il a dit que la lutte contre l’extrémisme violent nécessite de diversifier les actions, d’intervenir plus tôt et de s’attaquer aux causes du phénomène. Il a aussi affirmé que les mesures répressives doivent impérativement être complétées par des mesures préventives.

Le délégué du Québec a noté que selon l’information qu’il a reçue des différentes sections de l’APF, l’ensemble des sections reconnaît l’importance du problème de la radicalisation, et la majorité d’entre elles sont dotées d’instruments législatifs qui visent à prévenir et à lutter contre le radicalisme. Il a dit qu’un questionnaire serait envoyé à nouveau aux différentes sections de l’APF, en invitant plus spécifiquement les sections de la région Afrique à y répondre afin d’être en mesure de dresser un portrait plus représentatif de la situation dans l’espace francophone.

Plusieurs parlementaires se sont prononcés sur les meilleures façons, selon eux, de mieux comprendre les causes des actions terroristes. D’autres ont cité des exemples d’initiatives mises en place pour prévenir la radicalisation. Un parlementaire a mis l’accent sur l’importance que revêt l’éducation dans la prévention contre le radicalisme. Certains ont mis l’emphase sur des problèmes connexes, tels que la réinsertion des jeunes radicalisés revenant de l’étranger, les conséquences d’une interprétation faussée de l’Islam, ou le fait que les populations défavorisées sont souvent la cible des efforts de recrutement des groupes radicalisés.

Les discussions sur le rapport portant sur le radicalisme ont été suivies par des échanges sur la lutte contre le terrorisme religieux et politique dans l’espace francophone. Des parlementaires ont appelé leurs collègues à réfléchir à des enjeux qui, selon eux, nourrissent le terrorisme dans certains pays, par exemple aux sources du financement du terrorisme, à l’ingérence de pays étrangers dans la radicalisation de certains groupes ou la persistance de problèmes politiques non résolus. Le manque de mutualisation des efforts dans la lutte contre le terrorisme a aussi été soulevé durant les discussions.

Un parlementaire a présenté le Mali comme le « noyau » du terrorisme dans la région du Sahel et allégué que certaines actions de pays occidentaux et de la MINUSMA au Mali pourraient avoir des conséquences négatives sur l’autorité du gouvernement malien sur le territoire. Ce commentaire a généré un débat sur le sujet au sein de la commission. Certains ont affirmé qu’il est du devoir des parlementaires d’expliquer aux électeurs les raisons de la lutte commune contre le terrorisme au Sahel.

Légalisation et décriminalisation du cannabis

En remplacement du sénateur Dennis Dawson, rapporteur de la Section canadienne de l’APF auprès de la commission, M. Lefebvre a présenté une version révisée du rapport sur la légalisation et la décriminalisation du cannabis dans le monde et la Francophonie. Il a rappelé que le rapport ne vise qu’à donner un aperçu du débat, et ne vise pas à éclairer une éventuelle déclaration ou résolution concernant les politiques de contrôle du cannabis.

M. Lefebvre a expliqué que le rapport canadien dresse un portrait succinct des cadres règlementaires concernant la légalisation et la décriminalisation du cannabis mis en place par différents pays. Il a expliqué que les pays ou États américains ayant légalisé le cannabis encadrent, entre autres, l’âge minimal du consommateur, la possibilité ou non de produire du cannabis à des fins personnelles, les limites de possession à des fins personnelles, les distributeurs autorisés, la publicité, l’attribution des licences de production, la fiscalité, et les types de produits du cannabis qui sont légalisés.

Enfin, M. Lefebvre a terminé son exposé en notant que les réponses envoyées par des sections de l’APF suggèrent que la question de la légalisation ou de la décriminalisation du cannabis ne semble pas, à l’heure actuelle, faire l’objet d’initiatives parlementaires ou de débats majeurs au sein de la grande majorité des législatures concernées. Il a abordé la situation au Canada, rappelant que le gouvernement a exprimé la volonté de présenter un projet de loi visant à légaliser et à réglementer l’accès au cannabis. Le délégué canadien a noté que ce projet de loi devrait donc être étudié en profondeur par les parlementaires du Canada et faire l’objet de débats au cours de la prochaine année.

Mécanismes de vigilance démocratique de l’APF

Pendant la réunion de la commission, les délégués ont approuvé un projet de document normatif sur la révision des mécanismes de vigilance démocratique de l’APF; le document avait été préparé par la Section Belgique/Communauté française/Wallonie-Bruxelles avec l’appui d’un groupe de travail constitué d’autres sections de l’APF. Le parlementaire belge a rappelé que c’était en raison des difficultés auxquelles avait fait face l’APF lors de la suspension de la Section de la Syrie (sur la base de violences perpétrées à l’encontre de la population civile plutôt que par non-respect de l’ordre constitutionnel d’un État) qu’il était apparu nécessaire pour l’APF d’engager une réflexion sur ses mécanismes de vigilance démocratique et de sanctions.

La commission a toutefois convenu que le groupe de travail devrait revoir la définition de la notion de « violation massive des droits de l’homme » avant l’adoption du document par le Bureau de l’APF en juillet 2017. Certains ont jugé la définition trop restrictive puisqu’elle englobait uniquement les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, des actes parfois longs à démontrer en droit international. Ils ont dit craindre que cela puisse restreindre l’application de sanctions par l’APF.

Autres thèmes

Enfin, les parlementaires présents lors de la réunion ont discuté de deux autres points à l’ordre du jour, soit l’adhésion à la Cour pénale internationale et l’application de la peine de mort dans l’espace francophone. Concernant le premier point, il a été noté que le sujet redevient d’actualité alors que certains États, notamment en Afrique, manifestent aujourd’hui leur volonté de se retirer du Statut de Rome[2]. Des parlementaires qui se sont exprimés sur le sujet ont mentionné que la Cour pénale internationale souffrait du fait que plusieurs pays influents n’y aient pas adhéré et que ce soit essentiellement des pays africains qui y soient jugés. Cependant, il a aussi été dit que la Cour avait eu un effet dissuasif sur les dictateurs et qu’elle pouvait avoir contribué à des améliorations en matière de droits de la personne en Afrique.

De brèves discussions ont eu lieu sur le statut de la peine de mort dans certains des pays représentés à la réunion, mais l’étude de la question a été repoussée en raison de l’absence de la parlementaire de la Section suisse devant présenter un rapport sur le sujet.

Respectueusement soumis,


Darrell Samson, député Président de la Section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie




[1] Le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois (la Loi sur le cannabis), n’avait pas encore été présenté à la Chambre des communes au moment de la réunion.
[2] Le Burundi est officiellement sorti du Statut de Rome le 27 octobre 2017.