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RAPPORT

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de rendre compte de sa participation au 22e Forum parlementaire transatlantique annuel, qui a eu lieu à Washington, D.C., États Unis, du 5 au 7 décembre 2022. La délégation canadienne était composée de Julie Dzerowicz, députée (cheffe de la délégation); du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu; de la sénatrice Donna Dasko; de Charlie Angus, député; et de Christine Normandin, députée.

La délégation était accompagnée d’Andrés León, conseiller de l’Association.


RÉSUMÉ DES DISCUSSIONS

Chaque année, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN) organise un Forum parlementaire transatlantique à Washington, D.C. Le Forum a lieu à la National Defense University et est coparrainé par l’Atlantic Council. Le 22e Forum parlementaire transatlantique annuel[1] (le Forum) a été le premier forum auquel des parlementaires canadiens ont participé en personne depuis le début de la pandémie en 2020.

Un des objectifs du Forum, qui a été organisé pour la première fois en 2001, consiste à explorer l’état des relations transatlantiques et à trouver des façons de résoudre les divergences quant à la façon dont les pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) abordent les questions clés en matière de sécurité. En outre, il donne aux législateurs de l’AP OTAN l’occasion d’entendre des représentants du Congrès américain, des fonctionnaires de l’administration américaine, des universitaires et des experts en politique sur certaines questions de défense et de sécurité, et de s’entretenir avec eux.[2] Ces discussions se sont déroulées selon les règles de Chatham House.

Introduction

Au cours du Forum de 2022, des législateurs de plusieurs pays de l’OTAN, dont le Canada, ont participé à 12 sessions sur plusieurs sujets d’intérêt pour l’OTAN( ou l’Alliance) et les États Unis. L’un de ces sujets était l’invasion récente et à grande échelle de l’Ukraine par la Russie.

Parmi les autres sujets abordés lors du Forum de 2022, mentionnons les suivants :

  • la défense des valeurs transatlantiques de longue date dans un contexte stratégique antagoniste;
  • la menace que les pays autocrates et autoritaires font peser sur les valeurs démocratiques et l’ordre international fondé sur des règles;
  • la situation des droits de la personne en Russie, particulièrement la persécution et l’oppression par le Kremlin des Russes opposés au régime actuel du président Vladimir Poutine;
  • les sanctions internationales contre la Russie;
  • la sécurité énergétique;
  • la région indopacifique et les relations avec la Chine;
  • la sécurité dans l’Arctique;
  • l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN.

Réactions des États Unis et de leurs alliés à la guerre en Ukraine

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a été un thème clé du Forum. Au 6 février 2023, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme avait recensé environ 18 800 victimes civiles en Ukraine depuis le début de la guerre, dont plus de 7 200 morts.[3] En date du 10 février 2023, plus de 8 millions de réfugiés ukrainiens vivaient en Europe, et 5,4 millions d’Ukrainiens étaient déplacés à l’intérieur du pays [4].

Bien que l’OTAN, en tant qu’alliance défensive, ait fourni une assistance non létale à l’Ukraine, un certain nombre d’alliés ont fourni des quantités importantes d’équipements militaires et d’autres formes d’aide au pays, y compris des armes de plus en plus létales et modernes. Les pays de l’OTAN ont également cherché à fournir au personnel des forces armées ukrainiennes des équipements d’hiver en prévision des mois hivernaux à venir. En outre, le Canada, les États Unis et d’autres alliés ont donné de la formation au personnel des forces armées ukrainiennes avant même le début de la guerre actuelle en Ukraine.

Il a été dit aux délégués que la Russie n’a pas atteint l’un de ses objectifs : la destitution du gouvernement ukrainien dirigé par le président Volodymyr Zelensky. Les délégués ont également été informés que le secteur de la défense russe a perdu une grande partie de ses capacités de production par suite de la guerre en Ukraine et que, dans certains cas, des puces électroniques sont extraites de réfrigérateurs et d’autres appareils pour fabriquer de nouvelles armes russes.

Un fonctionnaire de l’administration américaine a fait remarquer que les pays membres de l’OTAN peuvent aider l’Ukraine à passer de l’armement de l’ère soviétique à l’armement de l’OTAN, tout en veillant à ce que l’OTAN puisse s’adapter pour faire face aux défis sécuritaires nouveaux et émergents découlant de la guerre. En outre, le même fonctionnaire a présenté la défense et la dissuasion comme deux des principaux objectifs de l’OTAN en termes de sécurité transatlantique.

Défendre les valeurs transatlantiques de longue date

Il a été dit aux délégués que le régime russe actuel représente un danger pour la sécurité européenne et que l’invasion de l’Ukraine par la Russie constitue un « signal d’alarme » pour les pays de l’OTAN. En outre, un expert a fait remarquer que le concept de « transatlantisme » est fondé sur la défense des valeurs démocratiques contre l’autoritarisme et les régimes autocratiques.

Un autre expert a rappelé l’adhésion de la Lettonie à l’OTAN, qui a eu lieu en 2004, après que les dirigeants de l’OTAN eurent invité ce pays, ainsi que la Bulgarie, l’Estonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, à adhérer à l’OTAN. Cet expert a également rappelé aux délégués que la Lettonie et d’autres pays d’Europe de l’Est ont souffert sous le « joug » de l’Union soviétique pendant la Guerre froide, et que ces pays ont exprimé leur soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.

Les relations transatlantiques

Les délégués ont été informés que les 29 et 30 novembre 2022, les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN se sont réunis à Bucarest, en Roumanie, pour examiner plusieurs questions clés en matière de défense et de sécurité, notamment les politiques et mesures coercitives de la Chine, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la situation actuelle en matière de sécurité dans les régions des Balkans occidentaux et de la mer Noire. [5] À l’issue de cette réunion ministérielle, les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN ont publié une déclaration qui, entre autres :

  • condamne les actes d’agression et les violations des droits de la personne commis par la Russie en Ukraine;
  • exprime la solidarité de l’Alliance avec le peuple polonais à la suite d’une attaque de missiles russes contre l’Ukraine, le 15 novembre 2022, qui a entraîné la mort de deux personnes en Pologne;
  • réitère l’engagement de l’OTAN à fournir du soutien à l’Ukraine;
  • souligne la participation de la Finlande et de la Suède à la réunion ministérielle;
  • décrit l’OTAN comme une alliance défensive;
  • réaffirme la « politique de la porte ouverte » de l’OTAN, selon laquelle l’Alliance est ouverte à tout pays européen en mesure de respecter les engagements et obligations inhérents à l’adhésion et de contribuer à la sécurité dans la région euro-atlantique.

Un fonctionnaire de l’administration américaine a déclaré aux délégués qu’au 5 décembre 2022, les États Unis avaient fourni ou s’étaient engagés à fournir environ 19 milliards de dollars d’aide à la sécurité à l’Ukraine depuis 2014. Ce fonctionnaire a également mentionné la trousse d’aide globale de l’OTAN, qui est « conçue pour aider l’Ukraine à assurer sa propre sécurité et à mettre en œuvre des réformes de grande ampleur fondées sur les normes de l’OTAN, les principes euro-atlantiques et les pratiques exemplaires ». La trousse d’aide globale a été créée en 2016[6]

Par ailleurs, ce fonctionnaire a déclaré que, depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la Chine a renforcé sa coopération avec la Russie, y compris en termes d’exercices militaires. Il a ensuite déclaré, malgré les efforts de la Chine pour recueillir des renseignements et des données sur les pays de l’OTAN et diffuser de la désinformation ciblant certains alliés, il y a encore des possibilités de coopération avec la Chine sur plusieurs questions, y compris les changements climatiques. Le fonctionnaire a mentionné que la Chine tente toutefois de réformer les Nations unies et l’ordre international fondé sur des règles.

En ce qui concerne les dépenses de défense, le fonctionnaire a exhorté les pays de l’OTAN à continuer d’augmenter leurs dépenses de défense afin de respecter la ligne directrice de 2 % du produit intérieur brut (PIB). Adopté lors du sommet de l’OTAN au Pays de Galles en 2014, l’engagement en matière d’investissement de défense invite tous les pays de l’OTAN à respecter d’ici 2024 des lignes directrices sur les dépenses militaires, à savoir 2 % du PIB alloués à la défense, et 20 % des dépenses annuelles de défense alloués à de nouveaux équipements majeurs . [7]

Interrogé par un délégué sur l’impact de l’état actuel de la démocratie américaine sur les relations transatlantiques, le fonctionnaire a affirmé que les résultats des élections de 2022 au Sénat et à la Chambre des représentants des États Unis avaient été avantageux pour la démocratie américaine. Le fonctionnaire a également fait remarquer que la défaite électorale de plusieurs candidats qui avaient contesté les résultats de l’élection présidentielle américaine de 2020 démontrait que la démocratie libérale avec un « L » minuscule peut fonctionner.

Enfin, le fonctionnaire a abordé la question de la sécurité énergétique et a reconnu l’engagement de certains alliés à continuer à apporter leur soutien à l’Ukraine malgré les prix élevés de l’énergie et les conséquences économiques de la pandémie. En outre, le fonctionnaire a souligné que le Canada et les États Unis sont tous deux concernés par la sécurité européenne, et a averti que la Chine « prend des notes » sur la manière dont les alliés réagissent à la situation en Ukraine.

La guerre en Ukraine

Un expert a affirmé que certains alliés ont sous-estimé la capacité de l’Ukraine à contrer les actes d’agression de la Russie et a qualifié le président Zelensky de grand chef civil de guerre, pouvant être comparé à d’autres civils qui ont joué un rôle de chef en temps de guerre, comme le premier ministre britannique Winston Churchill. L’expert a également souligné que les États Unis, d’autres pays de l’OTAN et l’Ukraine ont mené des actions pour contrer la désinformation russe concernant l’invasion de l’Ukraine. De plus, l’expert a maintenu que l’approvisionnement militaire est essentiel pour soutenir les efforts de guerre de l’Ukraine.

Un autre expert a souligné que la communauté internationale doit continuer à traiter la Russie comme un « État paria » et a déclaré que les relations entre la Russie et l’OTAN « ne doivent pas se dérouler comme d’habitude ». L’expert a également appelé les alliés à faire davantage pour contrer la désinformation russe et a déclaré que les mesures à cet égard doivent être prises de manière proactive.

Enfin, mettant l’accent sur les groupements tactiques de la présence avancée renforcée (PAR) de l’OTAN sur le flanc oriental de l’Alliance, un expert a laissé entendre que l’OTAN doit passer de la présence avancée à la défense avancée. Au 5 décembre 2022, l’OTAN disposait de huit groupements tactiques multinationaux PAR prêts au combat, en Bulgarie, en Estonie, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie. Les huit groupements tactiques PAR sont actuellement dirigés par les huit pays cadres suivants : [8]

  • le Canada dirige le groupement tactique PAR en Lettonie;
  • la Tchéquie dirige le groupement tactique PAR en Slovaquie;
  • la France dirige le groupement tactique PAR en Roumanie;
  • l’Allemagne dirige le groupement tactique PAR en Lituanie;
  • la Hongrie dirige le groupement tactique PAR en Hongrie;
  • l’Italie dirige le groupement tactique PAR en Bulgarie;
  • le Royaume-Uni dirige le groupement tactique PAR en Estonie;
  • les États Unis dirigent le groupement tactique PAR en Pologne.

Défis pour la démocratie mondiale

Dès avant le début de sa guerre contre l’Ukraine, la Russie a renforcé ses relations bilatérales avec la Chine, notamment en matière de commerce international et de coopération en matière de défense. Selon le Council on Foreign Relations, de 2014 à 2020, la valeur des exportations de marchandises russes vers la Chine est passée de 37,4 milliards de dollars américains à 49,1 milliards de dollars américains, tandis que la valeur des exportations de marchandises chinoises vers la Russie est passée de 50,9 milliards de dollars américains à 54,9 milliards de dollars américains. En outre, depuis 2003, la Chine et la Russie ont augmenté le nombre d’exercices militaires conjoints organisés dans la région indopacifique.[9]

Un expert a déclaré aux délégués que les démocraties occidentales devaient se préparer à un antagonisme à long terme avec les autocraties. Cet expert a affirmé que les États Unis et leurs alliés doivent trouver des moyens de relever les nouveaux défis de la démocratie, notamment en créant de nouvelles entités qui reflètent la coopération des alliés en matière de défense, de démocratie et de sécurité. Plus particulièrement, l’expert a proposé la création d’un Groupe des dix qui constituerait une alliance de démocraties, et il a exhorté les démocraties occidentales à travailler à la promotion des valeurs démocratiques aux côtés de la plus grande démocratie du monde, l’Inde.

Un autre intervenant a parlé de la situation des droits de la personne en Russie. En ce qui concerne la persécution, par le président Poutine, des Russes opposés au régime actuel, il a mentionné qu’Alexeï Navalny, Vladimir Kara Murza et d’autres opposants politiques sont détenus arbitrairement par les forces de sécurité russes. Depuis le 24 février 2022, plus de 19 000 personnes ont été détenues arbitrairement en Russie .[10] En outre, l’intervenant a déclaré que les opposants politiques détenus en Russie le sont souvent dans des conditions inhumaines.

Les délégués ont été informés que la Russie a adopté une loi et d’autres mesures visant à réduire au silence les mouvements d’opposition au régime actuel. Des défenseurs de l’environnement ont également été sanctionnés pour s’être opposés à la dernière invasion de l’Ukraine par la Russie. Dans certains cas, ces militants se sont vu retirer leur citoyenneté. En outre, plusieurs médias de pays occidentaux ont été interdits d’accès en Russie, et les médias d’État russes ont qualifié de « fous » les opposants au président Poutine.

Un intervenant a décrit le président Poutine comme un « tyran ». En outre, il a appelé la communauté internationale, y compris les pays de l’OTAN, à :

  • s’abstenir d’isoler la société civile russe et à lui fournir des informations fiables;
  • élaborer une stratégie concertée pour soutenir les opposants au régime russe actuel, notamment les journalistes, les universitaires et les défenseurs des droits de la personne;
  • soutenir les médias russes indépendants qui s’efforcent de fournir des nouvelles et des informations fiables;
  • collaborer pour mettre au jour les violations des droits de la personne en Russie.

Enfin, cet intervenant a prédit que la Russie pourrait connaître une période de chaos lorsque le règne du président Poutine prendra fin et que ses subordonnés lutteront pour prendre le contrôle du gouvernement du pays. Il a ensuite ajouté que la Russie utilisait le Bélarus comme terrain d’essai pour la réalisation d’actes d’oppression contre des opposants politiques et la société civile.

Les retombées économiques de la guerre en Ukraine

Depuis 2014, le Canada, les États Unis, l’Union européenne (UE) et d’autres alliés et partenaires ont imposé plusieurs séries de sanctions et d’autres mesures restrictives à la Russie.[11] Lors de sa comparution en mai 2022 devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, David Angell, ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès du Conseil de l’Atlantique Nord, a fait remarquer que « [l]’un des objectifs des sanctions était de diminuer les capacités militaires de la Russie en coupant l’accès de son secteur de défense aux technologies occidentales” [12]

Lors du Forum de 2022, il a été rappelé aux délégués que les trois objectifs de l’imposition de sanctions à la Russie étaient la dissuasion, le pouvoir de négociation et la punition. Un expert a fait valoir que les sanctions n’avaient pas réussi à dissuader la Russie d’envahir l’Ukraine et de poursuivre ses actes d’agression, mais a indiqué qu’elles étaient utilisées efficacement pour punir la Russie. Cet expert a également parlé des mesures prises par les États Unis, le Canada et d’autres pays du Groupe des Sept (G7) pour retirer les banques russes du système de messagerie SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication). Il a ensuite fait observer que le G7 a pris des mesures pour bloquer la plupart des utilisations de fonds financiers en Russie, et a déclaré que la Russie n’avait pas prévu que le G7 ferait front commun. L’expert a également attiré l’attention sur la décision des États Unis d’introduire des contrôles à l’exportation pour empêcher la Russie d’importer des technologies contenant des intrants américains, comme des puces électroniques.

Un autre intervenant a évoqué les efforts déployés par certains membres de la communauté internationale pour aider l’Ukraine dans ses efforts de reconstruction. Selon la Banque mondiale, la guerre actuelle en Ukraine a eu un impact majeur sur les niveaux de pauvreté du pays, 8 millions d’Ukrainiens supplémentaires vivant aujourd’hui dans la pauvreté. En outre, la Banque mondiale estime que le PIB de l’Ukraine a diminué de 35 % en 2022. L’intervenant a également attribué la destruction d’environ 40 % des unités résidentielles de toute l’Ukraine aux attaques militaires menées par la Russie pendant la guerre.

En ce qui concerne le soutien financier à l’Ukraine, l’intervenant a noté qu’un total de 17,8 milliards de dollars d’aide financière a été mobilisé par l’intermédiaire de la Banque mondiale, et que plusieurs pays se sont engagés à soutenir financièrement l’Ukraine. L’intervenant a également estimé que l’Ukraine aura besoin de 3 à 4 milliards de dollars par mois en aide économique pour maintenir les services publics essentiels, notamment les pensions, la santé, l’éducation et la protection sociale. L’intervenant a en outre décrit une série d’initiatives de la Banque mondiale visant à aider les pays voisins de l’Ukraine à gérer l’afflux de réfugiés ukrainiens et d’autres pays qui ont été déplacés par la guerre.


Défis énergétiques communs

La sécurité énergétique a également été abordée lors du Forum. À la suite de la récente invasion de l’Ukraine par la Russie, un certain nombre de pays européens ont cherché à diversifier leurs importations d’énergie. Nombre de ces pays dépendaient de la Russie pour leurs importations de pétrole et de gaz et cherchent maintenant à les remplacer par des importations en provenance d’autres pays.

Un expert a fait remarquer que les États Unis sont en train de devenir un important exportateur d’énergie vers l’UE et que, dans certains cas, la transition énergétique en Europe a déjà commencé. L’expert a également expliqué aux délégués que le plafonnement des prix du pétrole et du gaz pouvait avoir des effets différents sur les particuliers et pourrait ne profiter qu’à ceux qui ont des revenus élevés. De plus, l’expert a affirmé que toute restriction des exportations touchant les importations de gaz naturel et de pétrole pourrait « nuire » à la sécurité énergétique de l’Europe.

Un autre intervenant a présenté les mesures prises par l’administration Biden en réaction à la crise énergétique mondiale et aux changements climatiques. Ces mesures comprennent l’augmentation de l’approvisionnement de l’Europe en gaz américain pour remplacer le gaz russe, la promotion de mesures internationales visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, la conception et la mise en œuvre de mesures visant à créer des emplois aux États Unis dans le secteur des énergies propres, et la réduction de la dépendance envers la Chine pour des produits clés. L’intervenant a également indiqué que, d’ici 2030, les États Unis comptent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 à 52 %. L’intervenant a ensuite répondu aux questions de plusieurs délégués, notamment sur la question de savoir si la crise énergétique européenne a accéléré la transition énergétique actuelle en Europe.




La Chine et l’évolution du paysage asiatique

Dans le cadre du Forum, Mme Julie Dzerowicz, députée et cheffe de la délégation du Canada à l’AP OTAN, a animé une table ronde sur l’évolution du contexte sécuritaire dans la région indopacifique. Les discussions ont a notamment porté sur le rôle actif joué par la Chine dans la région et la nécessité de coopérer plus étroitement avec les partenaires régionaux, comme l’Australie et le Japon.[13]

Un expert a discuté des relations commerciales des États Unis avec d’autres administrations de la région indopacifique. Cet expert a fait valoir que les administrations de la région indopacifique qui sont alliées avec les États Unis ont tendance à rechercher des accords commerciaux plus solides. Il a également exprimé des regrets relativement au retrait des États Unis de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), un accord commercial entre l’Australie, le Brunei Darussalam, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle Zélande, Singapour et le Vietnam[14] . Le PTPGP est entré en vigueur le 30 décembre 2018 pour l’Australie, le Canada, le Japon, le Mexique, la Nouvelle Zélande et Singapour, le 14 janvier 2019 pour le Vietnam, le 19 septembre 2021 pour le Pérou, le 29 novembre 2022 pour la Malaisie et le 21 février 2023 pour le Chili. Depuis février 2021, plusieurs gouvernements, dont celui du Royaume Uni, ont déposé une demande d’adhésion au PTPGP ou ont exprimé leur désir d’y adhérer[15] .

Un autre intervenant a parlé des relations politiques et économiques et de la guerre commerciale actuelle entre les États Unis et la Chine, de la présence accrue de la Chine dans l’Arctique et de la présence affirmée de ce pays dans la mer de Chine méridionale.

Enfin, un expert a fait remarquer que, parmi d’autres faits nouveaux importants, les dirigeants de l’OTAN ont adopté le nouveau concept stratégique de l’Alliance lors du sommet de juin 2022 à Madrid. Contrairement au concept stratégique de 2010, la version de 2022 mentionne la Chine. Elle reconnaît les défis pour la sécurité transatlantique qui découlent de la montée en puissance d’une Chine de plus en plus affirmée et puissante, et souligne que les ambitions affichées par ce pays de même que ses politiques coercitives représentent un défi pour les valeurs, la sécurité et les intérêts de l’OTAN .[16]


Le lien entre corruption et sécurité et la politique étrangère des États Unis

Au sujet des efforts déployés par les États Unis pour lutter contre la corruption, un fonctionnaire de l’administration américaine a souligné la nécessité pour les États Unis et leurs alliés de trouver des partenaires disposés à collaborer à la mise en œuvre de mesures de lutte contre la corruption. Ce fonctionnaire a ajouté que l’examen actuel du programme de défense global des États Unis sera renforcé pour inclure des mesures de lutte contre la corruption. En outre, le fonctionnaire a mentionné que, dans le contexte de la guerre en cours en Ukraine, le Congrès américain a fourni une aide à la sécurité à l’Ukraine en exigeant en contrepartie, entre autres choses, que le gouvernement ukrainien s’attaque à la corruption.

Le fonctionnaire de l’administration américaine a ensuite répondu aux questions de plusieurs délégués, notamment sur les efforts déployés par l’Ukraine et les États Unis pour contrer la désinformation russe sur la guerre en Ukraine et sur les mesures de lutte contre la corruption prises par l’Ukraine.


Les défis liés à la sécurité dans le Nord et l’Arctique et l’évolution de la vocation nordique de l’OTAN

La sécurité dans l’Arctique et l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN ont fait partie des thèmes abordés par les délégués et les intervenants lors du Forum. Selon le service de recherche du Congrès américain, l’Arctique a souvent été caractérisé comme une région à faible tension et de coopération, en particulier entre les huit pays de l’Arctique.[17] Toutefois, la montée des tensions géopolitiques dans le contexte de la récente guerre en Ukraine et plusieurs autres facteurs ont des répercussions négatives sur la coopération et la sécurité dans l’Arctique. En outre, les changements climatiques constituent un problème de sécurité qui s’aggrave dans l’Arctique, car la fonte du pergélisol et la diminution des glaces de mer ont contribué à accroître l’intérêt pour la région et à la rendre plus accessible. [18]

Abordant la question de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques américaines concernant l’Arctique, un universitaire a souligné la participation de nombreuses parties prenantes, y compris de différents niveaux du gouvernement fédéral américain, de fonctionnaires et d’acteurs politiques. En outre, cet universitaire a ajouté que certains gouvernements locaux et autochtones des États Unis ont également élaboré et mis en œuvre des stratégies et des politiques concernant l’Arctique.

Les délégués ont appris que les trois dernières administrations américaines – l’administration Obama (2009-2016), l’administration Trump (2017-2020) et l’administration Biden (2021 à aujourd’hui) – ont chacune élaboré leur propre stratégie pour l’Arctique. L’un des intervenants a souligné certaines des priorités pour l’Arctique incluses dans ces stratégies, notamment :

  • favoriser la coopération dans l’Arctique;
  • mener des travaux d’extraction minière;
  • faire la démonstration de la puissance américaine.

En outre, un universitaire a déclaré qu’en 2020 et 2021, les États Unis ont publié trois stratégies pour l’Arctique pour les six divisions des forces armées du pays, et il a précisé que l’administration Biden a publié sa Strategy for the Arctic Region en octobre 2022. [19]

Un intervenant a fait remarquer qu’en réponse à l’agression renouvelée de la Russie contre l’Ukraine, la Suède et la Finlande – qui ont toutes deux maintenu une politique de non-alignement militaire depuis la Seconde Guerre mondiale – ont demandé à adhérer à l’OTAN en mai 2022. L’intervenant a confirmé qu’au 7 décembre 2022, 28 des 30 pays membres de l’OTAN avaient ratifié les protocoles d’adhésion concernant ces deux pays.[20] L’intervenant a également décrit la Finlande et la Suède comme des partenaires importants de l’OTAN, notant que l’ajout de la Finlande et de la Suède à l’Alliance renforcera les flancs nord et est de l’OTAN en plus d’apporter une expertise sur l’Arctique et sur la lutte contre les menaces hybrides. En outre, un expert a affirmé que la Finlande dispose de la plus grande force d’artillerie d’Europe occidentale, et a fait remarquer que les deux pays nordiques en question ont mis en œuvre plusieurs mesures pour améliorer leurs capacités militaires depuis le milieu des années 2010.

Enfin, plusieurs délégués ont posé des questions aux intervenants, notamment sur les répercussions de la construction d’infrastructures militaires et de l’extraction des ressources sur les populations autochtones de l’Arctique, et sur la question de savoir si les pays arctiques comme le Canada ont pris suffisamment de mesures pour renforcer la sécurité dans la région.


AUTRES RÉUNIONS

Le 5 novembre 2022, l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN s’est réunie à l’Ambassade du Canada aux États-Unis, en présence de Sara D. Cohen, chef de mission adjointe (politique étrangère et sécurité nationale), du major-général Michel Henri St Louis, attaché militaire du Canada aux États Unis, et d’autres représentants du gouvernement canadien. Des représentants de l’ambassade ont informé la délégation canadienne sur plusieurs sujets, notamment les relations bilatérales entre le Canada et les États Unis, la région indopacifique et la sécurité dans l’Arctique. L’objectif de la séance d’information était de préparer les délégués canadiens à leur participation au 22e Forum transatlantique annuel et de les informer sur les questions importantes en matière de défense et de sécurité.


DERNIÈRES RÉFLEXIONS

Le 22e Forum parlementaire transatlantique annuel a été une occasion précieuse pour les délégués de l’AP OTAN de s’informer sur les priorités des États Unis en matière de défense et de sécurité, tout en réaffirmant l’importance des relations transatlantiques et du dialogue entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Dans un contexte où les relations transatlantiques et avec les États Unis revêtent une grande importance pour le Canada, la réunion a donné aux délégués canadiens la possibilité de promouvoir les intérêts canadiens et de participer aux discussions en cours sur un vaste éventail de questions, notamment la guerre en Ukraine.



Respectueusement soumis,




Julie Dzerowicz, députée
Présidente de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN



[1] Le 12 décembre 2022, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN) a publié un communiqué de presse présentant les résultats du 22e Forum parlementaire transatlantique annuel. Pour plus d’informations, voir AP OTAN, Quelle réponse alliée face à la guerre menée par la Russie en Ukraine, au défi chinois et autres enjeux communs?, communiqué de presse, 12 décembre 2022.
[3] Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Ukraine: civilian casualty update 6 February 2023, communiqué de presse, 6 février 2023.
[4] Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, Ukraine – Situation Report, consulté le 3 mars 2023.
[6] OTAN, « Soutien pratique apporté à l’Ukraine – Ensemble complet de mesures d’assistance », Relations avec l’Ukraine.
[9] Lindsay Maizland, China and Russia: Exploring Ties Between Two Authoritarian Powers, Council on Foreign Relations, 14 juin 2022.
[10] Association internationale du Barreau, Interview with Evgenia Kara-Murza, wife of jailed Russian opposition leader, 29 novembre 2022
[12] Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE), Témoignages, 2 mai 2022, 1110 (M. David Angell, ambassadeur et représentant permanent auprès du Conseil de l’Atlantique Nord, Délégation conjointe du Canada à l’OTAN).
[17] Les huit pays de l’Arctique sont : le Canada, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les États-Unis. Voir Ronald O’Rourke et coll., Changes in the Arctic: Background and Issues for Congress, U.S. Congressional Research Service, 24 mars 2022, p. 19 20.
[19] Les six divisions des forces armées américaines sont l’armée, la marine, les Forces aériennes, la Garde côtière, le Corps des marines et les Forces spatiales. Voir U.S. Army, Regaining Arctic Dominance, 19 janvier 2021, p. 28 38; U.S. Department of the Air Force, The Department of the Air Force: Arctic Strategy, 21 juillet 2020, p. 7; et U.S. Department of the Navy, A Blue Arctic: A Strategic Blueprint for the Arctic, 5 janvier 2021, p. 10.
[20] Plus récemment, au 3 mars 2023, les 28 membres de l’OTAN suivants avaient achevé leurs procédures parlementaires respectives pour la ratification des protocoles d’adhésion de la Finlande et de la Suède : Albanie, Allemagne, Belgique, Bulgarie, Canada, Croatie, Danemark, Estonie, États-Unis, France, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine du Nord, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Slovénie. Les deux pays qui n’ont pas encore ratifié les protocoles d’adhésion des deux pays nordiques sont la Hongrie et la Turquie. Voir AP OTAN, Accession de la Finlande et de la Suède.