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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 mai 2000

• 1538

[Français]

La coprésidente (Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue à la 11e séance du Comité mixte permanent des langues officielles en ce mardi 9 mai 2000. Conformément à l'alinéa 108(4)b) du Règlement, nous procédons à l'étude des politiques et des programmes de langues officielles.

Nous avons aujourd'hui le bonheur d'accueillir Mme Françoise Bertrand, présidente du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Avant de demander à Mme Bertrand de nous présenter les personnes qui l'accompagnent, je voudrais simplement vous dire que j'agirai comme présidente au début de la séance de cet après-midi et que ma coprésidente, l'honorable Rose-Marie Losier-Cool, sera ici d'ici une vingtaine de minutes et prendra alors la relève.

Madame Bertrand, je vous invite à nous présenter vos collègues.

Mme Françoise Bertrand (présidente, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Avec plaisir. Je suis accompagnée de Mme Ursula Menke, la nouvelle secrétaire générale au conseil; de M. Jean-Pierre Blais, directeur exécutif de la radiodiffusion; et de M. John Keogh, chef du contentieux.

• 1540

Avant de commencer, je voudrais m'excuser de ne pas vous avoir fait parvenir les documents à l'avance. En contrepartie, je vous dirai qu'il s'agit d'une série de documents existants portant sur les décisions déjà rendues par le conseil. Si, après avoir assisté à cette rencontre et lu ces documents, les membres du comité jugeaient important de nous revoir, sachez que nous serions à leur entière disposition pour revenir. Je voulais m'excuser.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): J'aimerais vous demander de nous présenter un exposé assez bref puisque je sais que les membres du comité ont plusieurs questions à vous poser et qu'ils préfèrent habituellement consacrer plus de temps à la période des questions et réponses. Je vous accorderai d'abord 10 minutes, puis j'accorderai sept minutes à chaque membre du comité pour vous poser des questions et entendre vos réponses. Ce sera le premier tour. La parole est à vous, madame Bertrand.

Mme Françoise Bertrand: Merci beaucoup. J'aimerais passer en revue quelques initiatives du conseil.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous en prie, sénateur.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.): J'aimerais obtenir une précision. Mme Bertrand est ici présente avec les membres de son exécutif. Je comprends qu'il n'est pas facile de prévoir les questions que nous vous poserons. Nos questions porteront probablement sur des documents qui nous ont été remis ici aujourd'hui. Comme le soulignait M. Bélanger, il arrive malheureusement souvent qu'on nous surprenne à la dernière minute avec des documents qu'on n'a pas le temps de lire. Je vous dis tout de suite que je ne lirai pas ce document ici et que j'écouterai plutôt la présentation de Mme Bertrand. Nos questions porteront évidemment sur la déclaration de Mme Bertrand devant ce comité. J'aimerais bien qu'on ait l'assurance qu'elle va revenir, comme elle a offert de le faire, pour répondre aux questions que pourrait susciter la lecture de ces documents, et surtout la lecture de celui-ci.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Vous avez tout à fait raison, sénateur. Mme Bertrand a toujours répondu rapidement à toute demande qui est venue de ce comité. J'espère que cette tradition va se poursuivre et que si ce comité lui demande de revenir dans un avenir prochain afin de répondre à nos questions portant directement sur le document, elle trouvera un moment pour venir nous en parler.

Mme Françoise Bertrand: Avec plaisir.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Voilà. Madame Bertrand, je vous en prie.

Mme Françoise Bertrand: J'aimerais passer en revue quelques initiatives du conseil sur le plan des grandes politiques qu'il a mises de l'avant dans le secteur de la radiodiffusion, plus particulièrement en ce qu'elles affectent la diversité culturelle du Canada et sa dualité linguistique.

J'aborde en tout premier lieu les questions touchant le contenu canadien dans le domaine de la radio commerciale et communautaire et dans celui de la télévision.

En 1998, le conseil mettait à jour sa politique sur la radio commerciale afin de mieux positionner l'industrie canadienne de la radio dans l'environnement changeant des communications. Cette politique met l'accent sur une augmentation et une meilleure répartition des pièces musicales canadiennes. Ainsi, le contenu canadien des pièces musicales populaires diffusées chaque semaine aux stations de radio canadiennes passe de 30 à 35 p. 100.

J'aimerais noter au passage que le rôle du conseil s'exerce autant par les politiques qu'il adopte que par celles qu'il refuse de mettre en pratique. Je m'explique. Dans les marchés bilingues, par exemple, plusieurs radiodiffuseurs nous ont demandé de baisser les quotas de musique francophone, qui sont de 65 p. 100, pour des raisons d'ordre concurrentiel. Le conseil n'a pas accédé à ces demandes. Par analogie, je dirais que c'est la face cachée de l'action du conseil. Dans cet exemple, il a contribué au soutien de la présence francophone hors Québec en maintenant le statu quo. Bien qu'il soit rarement mis en évidence, c'est un aspect important du rôle du conseil.

J'aimerais maintenant dire quelques mots sur la radio publique et sur les conditions de licence que le conseil a imposées à la Société Radio-Canada lors du renouvellement de sa licence. Plusieurs touchent le contenu canadien de la programmation et plus précisément le contenu francophone destiné aux francophones hors Québec. Ainsi, le conseil s'attend à ce que la chaîne culturelle de Radio-Canada étende le rayonnement de son service à au moins 50 p. 100 de la population de langue française de chaque province et à au moins 75 p. 100 de cette population au Nouveau-Brunswick et en Ontario, et à toutes les capitales provinciales d'ici la fin de la période d'application de la licence. À la fin de cette période, il faut s'attendre à ce qu'il existe d'un bout à l'autre du Canada une masse critique de contenu français diffusé sur les ondes de la radio de Radio-Canada qui répondra aux attentes des auditeurs francophones et qui, par ricochet, pourra constituer un terreau fertile au développement de la radio communautaire.

• 1545

La radio communautaire est en effet un secteur extrêmement dynamique de la radiodiffusion canadienne, en particulier chez les francophones hors Québec. Fait important à signaler, c'est en février 1998 que le conseil accordait une licence de réseau national à l'ARCC, l'Alliance des radios communautaires du Canada. Ce réseau comprend 18 radios communautaires hors Québec qui rejoignent un peu plus de 400 000 auditeurs.

Au conseil, nous croyons que la radio communautaire doit occuper une place importante à cause de son potentiel de développement. C'est un médium dont les coûts d'exploitation sont bas et qui colle de très près à la réalité des communautés qui l'animent et auxquelles il est destiné. En ce sens, ce médium est un peu comme un réseau Internet communautaire. Il n'est donc pas surprenant que les communautés francophones en comptent 46, dont 27 hors Québec.

Cette réalité a nourri les consultations publiques tenues par le conseil dans le cadre de la révision de sa politique sur les radios communautaires. Il rendait publique sa nouvelle politique en janvier 2000. Elle vise principalement à simplifier les exigences réglementaires et à donner à la radio communautaire une plus grande marge de manoeuvre au niveau du financement. Cette nouvelle politique a d'ailleurs reçu un accueil très favorable de la part des organismes communautaires, notamment de l'Alliance des radios communautaires du Canada. Nous en sommes très heureux.

Du côté de la télévision, le foisonnement de la production de langue française et son niveau d'écoute constituent un vif succès. Dans sa politique sur la télévision canadienne, le conseil a voulu s'assurer que la diversité dans l'expression francophone soit préservée, tout comme d'ailleurs du côté anglophone, dans la mesure où on a reconnu les productions régionales comme étant des émissions prioritaires à l'heure de grande écoute. Le conseil a ainsi proposé que, pour être reconnue comme émission prioritaire, une émission régionale soit autre que des nouvelles ou du sport, et que les prises de vue principales proviennent de plus de 150 kilomètres de Montréal, de Toronto ou de Vancouver. Cette politique devrait donc encourager les talents en région.

Voilà qui m'amène à la télévision de Radio-Canada. Le renouvellement des licences de la société s'inscrit dans le contexte de la révision des grandes politiques du conseil, notamment celle concernant la télévision, dont je viens de parler.

C'est en se fondant à la fois sur le mandat législatif de la société, sur la multitude de témoignages recueillis au cours des consultations tenues dans 11 villes canadiennes et lors de l'audience publique et sur les engagements pris par la titulaire elle-même que le conseil a élaboré sa décision.

Compte tenu de la diversité culturelle et sociale canadienne et des besoins et intérêts des auditoires tant francophones qu'anglophones, la Société Radio-Canada devra mettre l'accent sur une programmation qui reflète l'ensemble des collectivités du pays dans les émissions d'information et d'affaires publiques en particulier. Cette obligation est inscrite au coeur même de son mandat. En s'appuyant sur sa longue tradition de qualité, de rigueur et de professionnalisme, la société doit donner une image juste et équilibrée des valeurs canadiennes, de la dualité linguistique, de la diversité culturelle de notre pays et de sa créativité sur le plan culturel. Le conseil s'attend à ce que, pour ce faire, la société consacre une somme de 7 millions de dollars sur toute la période de la licence à la production régionale indépendante pour diffusion en réseau. La Fédération des communautés francophones et acadienne a applaudi à cette initiative.

Je dirai maintenant quelques mots sur une décision importante du conseil en matière de télévision privée et de diffusion de contenus francophones. Il s'agit, bien entendu, de sa décision d'autoriser la diffusion pancanadienne du réseau de télévision TVA. Cette décision a été très favorablement accueillie par les communautés francophones hors Québec pour des raisons évidentes. J'en prends à témoin la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, qui en a fait un événement significatif dans son bilan de l'année 1998-1999.

Dans sa décision, plusieurs engagements de TVA sont devenus des conditions de licence, dont celle d'offrir aux téléspectateurs francophones hors Québec une programmation dans laquelle ils puissent se reconnaître. Il faut noter également la mise sur pied d'un comité-conseil formé de membres provenant de diverses régions du Canada qui verront à ce que les préoccupations et les réalités des francophones hors Québec soient traduites au petit écran. Ce dernier engagement a particulièrement plu aux leaders des communautés francophones.

La décision du conseil d'autoriser quatre nouveaux services spécialisés de langue française a aussi contribué à un plus grand rayonnement de la présence francophone. Le conseil a cherché à enrichir le système de radiodiffusion de langue française en renforçant l'expertise d'entreprises déjà en place afin qu'elles puissent offrir des émissions de qualité qui stimulent encore davantage les talents et la création au pays.

Ces quatre nouveaux services, qui s'ajoutent aux 11 déjà existants, constitueront un nouveau volet facultatif qui offrira une programmation diversifiée à un prix abordable. Le conseil a voulu ainsi graduellement rééquilibrer l'offre de chaînes spécialisées en français par rapport à celle qui existe dans le marché anglophone.

• 1550

J'aimerais maintenant aborder brièvement la question des services numériques. Le conseil annonçait au début de l'année le cadre réglementaire qu'il a retenu pour l'attribution des licences aux nouveaux services numériques de télévision payante et spécialisée. Notre objectif est d'assurer la transition entre la distribution analogique et la distribution numérique, et d'offrir aux consommateurs canadiens plus de choix, tant au plan de contenu qu'au plan de l'assemblage et de la présentation des émissions.

En résumé, nous offrirons deux catégories de licences. Je vais sauter cette partie du texte puisqu'on y traite de détails réglementaires.

L'intérêt de l'industrie est considérable puisque le conseil a reçu 452 demandes, ce qui constitue un record. Vous serez sans doute intéressés de savoir que parmi ces demandes, nous en avons reçu 13 pour des services français et 4 pour des services bilingues dans la catégorie 1, ainsi que 23 pour des services français et 13 pour des services bilingues dans la catégorie 2.

Je termine par les services de radiodiffusion de langue française aux communautés de minorités francophones du Canada. C'est une question d'intérêt prioritaire au conseil puisqu'elle retient notre attention et celle du public canadien depuis un certain temps. Déjà, en mai 1998, le conseil amorçait à l'interne l'étude et l'analyse des questions reliées aux services de radiodiffusion de langue française aux communautés de minorités francophones du Canada. Cette étape fut complétée en mai 1999, alors que le conseil lançait un avis public afin d'obtenir les commentaires du public canadien. Le 20 avril dernier, le conseil rendait public un projet de politique et sollicitait à nouveau l'avis du public. Vous serez heureux d'apprendre que nous avons redéfini comme marché bilingue toute communauté ayant 5 000 habitants et où 10 p. 100 de la population connaît le français. Nous nous sommes éloignés de notre notion de 50 p. 100 d'il y a deux ans.

Vous n'êtes pas sans savoir que tout récemment, le gouvernement canadien a demandé au conseil de tenir une consultation publique sur le même sujet. Lorsque l'ordre en conseil nous a été remis, il nous est apparu plus sage de suspendre le processus que nous avions entamé dès 1998 afin de pouvoir l'enrichir des nouvelles questions que le gouvernement nous demandait de traiter. Nous tiendrons à cet effet des consultations régionales en septembre et une audience publique en octobre.

Nous croyons quand même pouvoir rendre publique la nouvelle politique du conseil au printemps 2001. C'est une échéance importante, car c'est à la fin du premier trimestre de 2001 que le conseil annoncera le lancement d'un bouquet de stations numériques. Il faut donc que la politique du conseil sur ces questions soit connue à ce moment-là.

C'est sur ces dernières remarques que je termine la partie formelle de ma présentation. Nous serons très heureux de répondre à vos questions.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous remercie, madame la présidente. Vos remarques ont effectivement été bien brèves. Je sais que les membres portent beaucoup d'intérêt à ces questions et qu'ils vous attendaient avec impatience.

M. Hill est la première personne qui désire vous poser quelques questions. Monsieur Hill, la parole est à vous.

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Merci beaucoup pour votre témoignage.

Je ne suis pas certain d'avoir bien compris cet élément de 10 p. 100 dont vous avez parlé à la fin. Pourriez-vous reprendre cela?

Mme Françoise Bertrand: C'est la nouvelle politique et c'est à ce sujet que le Conseil demande l'opinion du public. Au départ, nous nous étions dit qu'une communauté serait considérée bilingue à condition que 50 p. 100 de ses membres soient francophones. Toutefois, nous nous sommes vite aperçu après recherches et analyses que cette notion ne risquait pas vraiment d'aider les minorités à s'exprimer. Pour cette raison, cette nouvelle politique prévoit que si dans une communauté il y a 5 000 habitants ou 10 p. 100 de la population qui connaissent le français, elle aura besoin de plus de services dans la langue de la minorité.

M. Grant Hill: Je vois. Autrement dit, quand vous dites «connaissance du français», vous ne voulez pas dire que c'est la langue parlée à la maison?

Mme Françoise Bertrand: Non.

M. Grant Hill: Est-ce que quelqu'un comme moi qui a une certaine connaissance du français figure dans cette catégorie?

Mme Françoise Bertrand: Oui. C'est un critère plus exigeant que par le passé. Au départ, il s'agissait uniquement de la langue maternelle. Toutefois, après avoir écouté les observations de beaucoup de gens, nous nous rendons compte qu'on a beaucoup investi pour convaincre la population d'acquérir une meilleure connaissance du français. Il convient donc de reconnaître cette tendance dans la politique, au lieu de tenir compte uniquement de la langue à la naissance.

• 1555

M. Grant Hill: Très bien.

J'aimerais maintenant parler de l'Internet; vous n'en avez pas parlé vous-même, mais dans votre résumé vous dites que vous avez pris la décision de ne pas trop vous ingérer dans l'Internet, de ne pas trop réglementer ce médium, bien qu'il y ait de la radiodiffusion sur l'Internet. J'aimerais savoir comment vous pourriez réglementer l'Internet. Comment pourriez-vous faire ce que vous faites à la télévision et à la radio sur l'Internet?

Mme Françoise Bertrand: Pour commencer, je précise que nous n'avons pas décidé de ne rien faire maintenant pour intervenir plus tard. Autrement dit, nous ne nous sommes pas demandés si c'était possible, si des outils existaient pour le faire, mais nous avons amorcé un processus public pour mieux comprendre la nature de ce médium et pour déterminer dans quelle mesure il est déjà réglementé par la Loi sur les télécommunications ou la Loi sur la radiodiffusion. Pour ce faire, nous avons employé deux méthodes: nous nous sommes demandés si certaines des activités sur l'Internet constituaient de la radiodiffusion ou bien si certaines activités dans le système de radiodiffusion actuel étaient menacées par l'Internet? Voilà l'exercice auquel nous nous sommes livrés.

Ce que nous avons découvert, c'est qu'il y a encore énormément d'activités alphanumériques sur l'Internet. Or, tout ce qui est alphanumérique n'est pas considéré comme un programme selon la définition de la Loi sur la radiodiffusion.

Le deuxième élément, c'est qu'une bonne partie de l'Internet est adaptable, c'est-à-dire que cela peut être taillé sur mesure pour une personne en particulier. On peut modifier la toile de fond ou les messages. Et lorsqu'on fait cela, cela échappe à la définition d'un programme selon la Loi sur la radiodiffusion.

Restent ensuite toutes les activités qui ressemblent beaucoup plus à de la radiodiffusion ou à de la télédiffusion. Je pense au système MP3, par exemple. Dans ce domaine, nous avons jugé que l'activité augmentait. Quand nous disons que 5 p. 100 du contenu de l'Internet semble être canadien, cela ne veut pas dire que ce niveau devrait en rester là à tout jamais. Nous espérons bien entendu que cette proportion va augmenter. Mais en attendant, nous avons pensé que la tendance était bonne.

Nous avons pensé qu'une intervention réglementaire ferait plus de mal que de bien, car il existe actuellement une certaine culture, un certain entrepreneuriat, qui ne tient absolument pas à ce que ce médium soit réglementé car ce n'est pas vraiment un mass média. Cela s'adresse en fait à des auditoires beaucoup plus restreints. Pour que ce phénomène de radiodiffusion atteigne les proportions qui existent ailleurs, dans le système de radiodiffusion conventionnel, il faudra en fait une bande large, il faudra attendre quelques années encore pour que cela atteigne tous les foyers du pays.

Il y a donc des distinctions. Pour l'instant, nous ne réglementons pas, mais nous avons l'intention de revenir sur la question à une date ultérieure. Pour l'instant, nous considérons que ce n'est pas de la radiodiffusion sous la forme que nous connaissons. C'est plus un phénomène complémentaire, par exemple l'industrie cinématographique complète la télévision, d'une certaine façon. Pour cette raison, nous pensons qu'il ne serait pas vraiment utile de réglementer. Quant aux moyens dont nous disposerions pour réglementer, si nous avons de la chance, nous n'aurons jamais besoin de nous attaquer à ce problème.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Il nous reste quelques secondes, monsieur Hill, si vous le voulez.

M. Grant Hill: Votre dernière observation continue à m'étonner. J'aimerais vraiment beaucoup savoir comment vous vous y prendriez. Vous dites qu'il y a 5 p. 100 de contenu canadien sur l'Internet. Évidemment, la population du Canada n'est pas 5 p. 100 de la population mondiale.

• 1600

Mme Françoise Bertrand: Ce que nous expliquons dans nos décisions est basé sur ce que nous avons trouvé dans les documents publics. En même temps, toutes sortes d'études nous ont été fournies, et c'est sur la base de ces études que nous disons que 5 p. 100 du contenu est canadien, et 5 p. 100 est francophone. D'après ces mêmes études, 65 p. 100 des communications sur l'Internet aboutissent en Californie.

Par conséquent, un contenu canadien de 5 p. 100 n'est pas énorme, mais quand on compare cela aux autres chiffres, on constate que c'est un réseau qui reste très contrôlé par les Américains. Pour que cela devienne le réseau international qu'on nous promet, il va falloir le développer, et pas seulement ici, mais partout dans le monde.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Hill.

[Français]

Monsieur Plamondon, la parole est à vous. Je vous rappelle que vous avez sept minutes pour la question et la réponse.

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Oui. Ce sera court.

J'ai une question courte pour vous, madame Bertrand. D'abord, soyez la bienvenue. Merci d'être venue comparaître devant le comité avec votre équipe. Selon vous, dans combien d'années la télédistribution numérique aura-t-elle préséance sur l'analogique?

Voici ma deuxième question. Rogers, à Ottawa, offre 16 p. 100 de ses services en français. Vidéotron, dans l'Outaouais, offre 60 p. 100 de ses services en anglais. Est-ce normal, selon vous, que les services francophones ne soient pas majoritaires dans les marchés francophones, alors que les services anglophones sont nettement majoritaires dans un marché où la population est anglophone?

Mme Françoise Bertrand: Vous ne voulez pas une réponse courte à cela.

M. Louis Plamondon: La deuxième réponse sera plus longue.

Mme Françoise Bertrand: Je vais d'abord répondre à la première question. On a fait sortir des chiffres. Je vais vous les faire parvenir et, comme je l'ai dit, on pourra revenir, parce que les compagnies de câble et de distribution nous alimentent constamment avec les chiffres les plus récents. Je peux vous dire que présentement, il y a 8,6 millions d'abonnés en tout à la distribution, que ce soit par câble, par ExpressVu, etc. De ces 8,6 millions d'abonnés, il y en a 870 000 qui sont abonnés au câble par les services numériques. Du côté DTH, c'est-à-dire ExpressVu et Star Choice, il y en a 813 000 autres. Alors, présentement, 20 p. 100 des abonnés le sont à des services en mode numérique. On a vu une nette progression au cours des trois dernières années.

Le coût n'est certainement pas étranger à cela. Il y a deux ans, lorsque nous avons comparu devant le comité, il y avait une barrière énorme du côté numérique, surtout si on pensait à ExpressVu ou à Star Choice, parce que la soucoupe coûtait jusqu'à 900 $. Aujourd'hui, elle coûte 200 $ et les entreprises satellitaires projettent d'offrir la même soucoupe à 100 $ à l'automne. Donc, cette barrière est en train d'être franchie. Évidemment, quand les distributeurs numériques satellitaires ont de meilleures offres pour le consommateur, l'industrie du câble les rattrape rapidement parce qu'elle ne veut pas perdre sa part de marché. Donc, il y a vraiment une nette progression.

Quant à la question du pourcentage des services, si on prend l'ensemble des services qui ont obtenu des licences au Canada, le nombre est nettement moins élevé du côté francophone que du côté anglophone. C'est un peu pour cette raison que nous avons avons fait des efforts pour qu'il y ait d'autres licences au niveau francophone, avec la décision, l'an passé, d'ajouter quatre nouveaux services.

• 1605

Or, l'histoire révèle que même au Québec, bien que la décision du conseil ait été d'offrir ces services dans un bouquet strictement francophone, la demande n'a été que de 10 à 12 p. 100. Les distributeurs et les services nous ont demandé d'ouvrir la porte à un bouquet bilingue. Dans l'histoire de la radiodiffusion et de la télévision au Canada, l'ensemble de la population francophone a l'habitude d'avoir un appétit à la fois pour les services en français et les services en anglais. Présentement, à Ottawa, Rogers offre l'ensemble des services en français par voie analogique et numérique, mais il est certain que ces services restent moins nombreux que la totalité des services en anglais si vous prenez les services canadiens et américains.

M. Louis Plamondon: Lorsque vous avez accordé la licence à 690 AM pour les nouvelles en français, tout le monde a été surpris que vous choisissiez une entreprise privée plutôt que Radio-Canada. Quand je compare ce que j'entends à la télévision, par exemple les nouvelles continues en français à RDI, qui m'apparaissent de très bonne qualité, et ce que j'entends à la fréquence 690, j'ai l'impression que vous avez fait un mauvais choix. À 7 h 30 le matin, vous écoutez les nouvelles et quand vous reprenez votre voiture vers 23 heures, vous entendez encore exactement les mêmes nouvelles et les mêmes commentaires. On répète continuellement la même chose. Il y a quatre nouvelles par jour. On les répète toute la journée et on passe des messages publicitaires.

J'ai lu tous les textes et toute votre argumentation, et je ne suis pas encore capable de comprendre pourquoi, si ce n'est par réaction à des pressions politiques ou en vertu de quelque lien que je qualifierais de dangereux, vous avez pu prendre la décision d'accorder à l'ancienne station CKVL la responsabilité de donner des nouvelles continues en français plutôt que de la donner à Radio-Canada.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Excusez-moi de vous interrompre, madame Bertrand. Je vous demanderais d'être très brève.

Mme Françoise Bertrand: Je ne suis pas ici pour défendre la qualité du service offert par CKVL présentement, mais je peux vous assurer que nous n'avons pas agi sous la pression mais bien en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, qui demande qu'il y ait une diversité de voix. Or, Radio-Canada avait déjà, dans le marché de Montréal, deux voix anglaises à la radio AM et FM et deux voix françaises à la radio AM et FM, sans compter les voix de la télévision. Il nous apparaissait important d'améliorer une des voix de nouvelles, celle de CKVL, qui avait une fréquence moins intéressante au niveau du rayonnement. C'est ce qui nous a animés.

Maintenant, est-ce bien ce que l'on souhaite? Ce n'était pas un concours de beauté afin de déterminer quel était le meilleur joueur pour offrir un service de nouvelles. C'est en ces termes qu'on a parlé de la décision, mais ce n'était pas ça. Le but était de s'assurer que dans le marché de Montréal, on puisse avoir d'autres concurrents pour Radio-Canada, qui avait déjà une présence importante, et CKVL avait une voix qui était un peu limitée par la fréquence qui lui était réservée.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Plamondon, je vais maintenant donner la parole à M. Bellemare. Vous aurez la possibilité de revenir au deuxième tour.

Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Madame Bertrand, soyez la bienvenue. Ça fait déjà deux ans qu'on s'est vus.

La dernière fois, je vous ai posé des questions concernant la capitale du Canada, Ottawa, qui est, d'après moi, une ville bilingue, une ville où on doit reconnaître les deux langues officielles. Il y en a d'autres, à différents niveaux de gouvernement, qui ont des opinions différentes pour des raisons qui, j'imagine, sont personnelles.

J'aimerais revoir cette situation. Si j'ai bien compris votre présentation et ce que vous avez dit au sujet du pourcentage, vous laissez de côté la notion des 50 p. 100 plus un qui justifiaient la désignation de marché bilingue pour une municipalité, une région ou un secteur, et vous optez plutôt pour 10 p. 100 de la population ou 5 000 habitants parlant français.

• 1610

M. Jean-Pierre Blais (directeur exécutif, radiodiffusion, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Pour répondre à votre question, je dirai que l'ancienne règle du conseil définissait ce qu'était un marché francophone. Pour qu'un endroit soit désigné marché francophone, il fallait que les francophones comptent pour 50 p. 100 plus un de la population de la zone où le câblodistributeur offrait le service. Cette règle demeure, mais on a créé une nouvelle définition: il s'agit des marchés bilingues. On reconnaît que dans certains endroits, il y a une réalité francophone minoritaire très importante. Évidemment, c'est aussi le cas quand les anglophones sont majoritaires au Québec, mais nous parlons surtout des minorités francophones. Dans ce cas-là, pourvu que la part francophone du marché atteigne 10 p. 100 de la population totale ou 5 000 habitants, ce marché est considéré comme bilingue et est assujetti à la politique proposée du conseil.

M. Eugène Bellemare: Maintenant, si j'ai bien lu, vous avez tenu une consultation et vous reprendrez la consultation dans quelques semaines.

Mme Françoise Bertrand: C'est-à-dire que lorsqu'on a fait notre analyse et qu'on a demandé des suggestions sur la façon d'aborder cette problématique, on a proposé une politique incluant cette dimension. Par exemple—et c'était d'ailleurs la suggestion du commissaire aux langues officielles—, plutôt que de tenir compte de la langue maternelle, on tient compte de la connaissance du français. On nous a dit que ce serait une meilleure lecture de la réalité au Canada. Donc, avec l'ensemble des interventions, nous avons eu un processus écrit. À quel moment avions-nous entamé ce processus, Jean-Pierre? En octobre? Non, c'était en février. Lorsque nous avons eu l'arrêté en conseil, il nous a semblé que la question que le gouvernement nous posait était plus large que celle que nous avions posée. Il nous a semblé important de joindre les deux plutôt que de faire une démarche parallèle, et c'est ce que nous nous proposons de faire. Pour faire le tour de la question correctement, nous allons faire une consultation régionale dans l'ensemble des villes au Canada où il y a de fortes représentations francophones. Deuxièmement, nous allons tenir une audience publique ici, au mois d'octobre, pour faire le tour de l'ensemble de la question.

M. Eugène Bellemare: Est-ce que vous consultez les citoyens?

Mme Françoise Bertrand: Oui.

M. Eugène Bellemare: Est-ce que vous consultez les commerçants de radiodiffusion ou de câblodistribution?

Mme Françoise Bertrand: Lorsqu'on fait une consultation régionale, on fait habituellement des annonces publiques. On va probablement utiliser les hebdos régionaux et faire ce que l'on appelle des PSA. On va inviter tout le monde. Les gens n'ont pas besoin de faire des études et d'amener des consultants. Nous allons vers le public, comme on l'a fait autrefois pour Radio-Canada. Nous allons écouter ce que les citoyens ont à nous dire.

Ensuite, on va compléter cette consultation par une audience publique qui sera tenue ici pour s'assurer de bien boucler la boucle et que la politique qu'on veut mettre de l'avant en soit une qui serve bien ce que nous avions entamé et qui est requis en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, mais qui réponde aussi aux préoccupations de l'arrêté en conseil.

M. Eugène Bellemare: Lors de ces consultations, il va sûrement y avoir des réactions de la part des communautés auxquelles vous vous adresserez. Dans les communautés, on remarque souvent qu'il y a un certain groupe minoritaire, à l'intérieur d'un groupe majoritaire, qui se préoccupe du nombre et qui devient écrasant pour la minorité linguistique. Comment faites-vous face à cela à une réunion où il y a un certain nombre de personnes qui se font bien entendre, qui sont peut-être opposées aux langues officielles et au bilinguisme et qui donnent l'impression que tous les participants dans la salle sont en faveur de l'unilinguisme? Il me semble que si on fait un sondage populaire, la majorité risque d'écraser la minorité.

Mme Françoise Bertrand: D'abord, ce n'est pas un sondage. Premièrement, nous sommes guidés avant tout par la Loi sur la radiodiffusion. Selon cette loi, il est absolument essentiel de servir l'objectif de la dualité des cultures et des langues au Québec et dans le reste du Canada. Donc, pour nous, il s'agit d'aller écouter les préoccupations des gens, d'être à l'écoute, tout comme cela a été le cas pour la politique que nous avons proposée en février, lorsque nous avons entamé le processus. À ce moment-là, ce n'étaient pas tous les intervenants qui étaient d'accord pour que nous prenions en considération les parlant français et les gens ayant une connaissance du français plutôt que de prendre en considération ceux dont la langue maternelle est le français. Cependant, nous pensions que c'était ce qu'il fallait faire pour atteindre l'objectif de la dualité de la Loi sur la radiodiffusion. Nous reconnaissons bien que c'est loin d'être parfait, mais nous voulons continuer à avancer et à améliorer les choses. Cela nous apparaît comme une espèce de balancing act, comme on dit en anglais. Nous cherchons à atteindre un certain équilibre quant aux divers intérêts et essayons d'identifier ce qui correspondra le mieux aux objectifs de la loi. Dans ce cas-ci, il ne fait pas de doute que la Loi sur la radiodiffusion est très claire quant au besoin de servir la dualité au pays.

• 1615

M. Eugène Bellemare: On a établi un nouveau principe à la suite des consultations.

Mme Françoise Bertrand: Oui, comme je l'ai indiqué, nous avions déjà préparé une ébauche de politique et nous tentons, grâce à l'arrêté en conseil qui nous a été donné, d'aller encore plus loin.

M. Eugène Bellemare: Allez-vous prévoir certaines exceptions? Je pense à la capitale du Canada, qui est une ville exceptionnelle. Ce n'est pas une ville comme les autres. Vous proposez-vous de mettre en vigueur cette nouvelle philosophie immédiatement en ce qui a trait à la capitale du Canada?

Mme Françoise Bertrand: Notre politique ne suit pas cette approche à l'heure actuelle, laquelle est plutôt axée sur l'ensemble des communautés. Nous abordons la question d'une autre façon. Si, dans le cadre du processus public qu'on tente d'élargir à l'heure actuelle en vue de l'enrichir, cette notion ressort fortement, nous serons très certainement réceptifs.

Jean-Pierre, voudrais-tu ajouter quelque chose?

M. Jean-Pierre Blais: Oui. Le 5 mai 1999, nous avions suivi ce processus quant à la notion de service aux minorités francophones. Le 10 mars, nous proposions une politique qui contenait des règles et directives plus précises.

M. Eugène Bellemare: Vous vous éloignez de ma question. Je vous demandais si vous établiriez des politiques pour toutes les communautés canadiennes.

M. Jean-Pierre Blais: C'est ça. Oui.

M. Eugène Bellemare: Ottawa est une ville exceptionnelle.

M. Jean-Pierre Blais: Oui.

M. Eugène Bellemare: C'est la capitale du Canada. Est-ce que vous établirez immédiatement le fait que c'est la capitale, qu'elle doit satisfaire aux exigences en matière de langues officielles et qu'elle devrait être un modèle partout le Canada? Puisque c'est la capitale, la désignerez-vous immédiatement région bilingue?

M. Jean-Pierre Blais: J'y arrivais. Je pense que dans le processus...

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous invite à nous donner une réponse assez brève.

M. Jean-Pierre Blais: Dans l'avis public du 10 mars, qu'on va réamorcer, on indiquait qu'on s'attendait à ce que les gens soulèvent ce point. Bien que nous ayons proposé de tenir compte de 10 p. 100 de la population, il est possible qu'on exige dans certaines communautés un pourcentage qui reflétera davantage la situation particulière.

Mme Françoise Bertrand: Serait-il possible de déclarer qu'Ottawa est la capitale nationale et qu'elle représente un cas exceptionnel? On veut améliorer la situation partout, mais serait-il possible que dans l'avis public, nous soulevions cette question et écoutions les points de vue émis?

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Plamondon.

Sénateur Rivest, la parole est à vous.

Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Un réseau des arts existe également sur la chaîne anglaise de Radio-Canada, n'est-ce pas?

Mme Françoise Bertrand: Oui, il s'agit du canal Bravo! de CHUM.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Où en est-ce rendu? Je vous pose la question le plus simplement du monde parce que cette préoccupation a semblé se dégager de votre présentation. De toute façon, il s'agit généralement d'une des préoccupations du CRTC en termes de radiodiffusion, de télédiffusion et de diversité culturelle. Ce sont des éléments qui existent déjà d'une façon magnifique sur le plan de l'information; on n'a qu'à penser à RDI. Le projet de réseau des arts de la Société Radio-Canada s'enracinerait drôlement bien non seulement parce qu'il permettrait, comme vous le savez et comme on vous l'a répété, aux artistes et aux créateurs de se produire, mais aussi parce qu'il comporte une dimension qui nous préoccupe davantage au plan des langues officielles, comme c'est le cas du Réseau de l'information qui diffuse de l'information régionale. Il y aurait aussi une possibilité extrêmement intéressante au niveau de la diversité et de la dualité linguistique canadienne, celle de permettre à des créateurs et à des artistes francophones de l'extérieur du Québec de se faire valoir.

• 1620

Même si la Société Radio-Canada a fait des efforts au niveau de sa programmation en vue de souligner la diversité canadienne, on sait très bien que la dimension francophonie hors Québec est presque totalement absente au niveau de la production d'émissions et de téléromans, cela malgré les demandes formulées par le CRTC et les efforts qu'a sans doute faits Radio-Canada pour corriger cette situation. Je voudrais que vous fassiez brièvement le point sur ce dossier.

Mme Françoise Bertrand: Nous avons reçu en avril deux demandes relativement au canal des arts, dont l'une de la part du consortium qui faisait partie du premier tour et qui a présenté cette fois-ci une demande légèrement modifiée qui semble s'inscrire essentiellement dans la même voie, et l'autre de la part de CHUM, qui exploite le canal spécialisé anglophone avec Astral Communications inc. Nous avons les deux demandes. Les audiences publiques auront lieu les 27 et 28 juin. Nous examinerons les commentaires reçus et devrions être en mesure de rendre une décision au début de l'automne.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Est-ce qu'on évitera de nous faire un CKVL 2 dans le domaine des arts? Merci.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, sénateur. Il vous reste du temps si vous désirez poser une autre question. Merci.

La parole est à M. Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Madame Bertrand, vous pourrez peut-être m'aider à mieux comprendre la situation. Je crois que le CRTC a des responsabilités en matière de radiodiffusion et de télédiffusion en français à l'échelle du pays. Il y a un problème qui persiste depuis toujours et dont mes collègues m'ont maintes fois entendu parler. Je viens du Nouveau-Brunswick et j'avais l'habitude de dire que la télévision de Radio-Canada était la télévision de Radio-Québec. Mes collègues m'ont corrigé et indiqué que c'était la télévision de Montréal. De nos jours, c'est la télévision de Québec. On éprouve toujours ce problème-là. Allons-nous devoir le supporter pendant toute notre vie? Radio-Canada appartient au pays. Je m'étais réjoui de la venue de RDI parce que je croyais qu'on pourrait finalement entendre parler d'autre chose que de Montréal. Mais chez nous, au Nouveau-Brunswick, on ne diffuse RDI que pendant moins d'une heure en matinée et environ 10 minutes le soir vers 23 h 30. Pendant le reste de la journée, c'est la même chose qu'on vit dans toutes les villes et provinces, à l'exception de Montréal. On n'a jamais réglé ce problème. Le réglera-t-on un jour? Quels sont les pouvoirs du CRTC en la matière? Est-ce uniquement une question politique? Faut-il accepter que Montréal est une grande ville et que les plus petites villes doivent continuer à vivre comme cela?

Mme Françoise Bertrand: Je crois que le conseil a démontré sa volonté d'être à l'écoute des auditeurs et téléspectateurs dans le cadre de la démarche qu'il a entreprise relativement au renouvellement des licences de Radio-Canada, que ce soit à la radio ou à la télévision en langue française ou en langue anglaise. Nous avons tenu maintes consultations régionales et tenté tant bien que mal, dans la décision que nous avons rendue au mois de janvier, de bien refléter cette voix des Canadiens qui, comme vous, nous disent qu'ils veulent être vus et entendus. À la lumière du projet qu'on nous avait présenté à l'époque—il faut se rappeler que ces audiences ont eu lieu au printemps 1999—, nous avons, par le ton ainsi que par les objectifs que nous avons retenus du plan qui nous était proposé et les conditions de licences, signifié l'importance de la présence de reflets régionaux sur le réseau national. Nous ne voulions pas simplement diffuser des voix qui ne seraient entendues que dans certaines communautés; nous souhaitions favoriser une plus grande dissémination des idées. Maintenant, vous connaissez tout comme moi l'accueil qu'ont reçu nos décisions. Il n'y a pas eu appel. L'équipe de Radio-Canada travaille actuellement très fort en vue non seulement de se réorienter, mais aussi de satisfaire aux exigences financières et aux besoins des publics qu'elle doit desservir. Il est difficile à l'heure actuelle de savoir exactement comment elle va réaligner ses actions.

• 1625

Comme je le mentionnais dans ma brève intervention, il est certain que nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Il ne nous appartient pas de leur dire exactement où ils doivent diffuser ni comment ils doivent le faire. Nous avons très fortement soutenu ce que nous avons entendu lors des consultations régionales que nous avons tenues partout au pays. Il est important que Radio-Canada—que ce soit la chaîne anglaise ou la chaîne française, ou que ce soit à la radio ou à la télévision—, RDI et Newsworld parlent de tous les Canadiens et non pas seulement de quelques Canadiens. Ce problème est grave pour les communautés minoritaires de langue française. Elles n'entendent parler que de Montréal, tandis que de leur côté, les anglophones n'entendent parler que de Toronto. Nous avons un problème aigu, semble-t-il. C'est ce que nous avons entendu dire lors de ces consultations.

M. Yvon Godin: Mais cela n'est pas satisfaisant parce que les problèmes subsistent. Je veux qu'on consigne ce fait dans les comptes rendus de ce comité. On pourrait en quelque sorte parler d'une relation at arm's length entre Radio-Canada et le gouvernement. Puisqu'il s'agit de Radio-Canada, je crois que le gouvernement et le CRTC devraient intervenir afin qu'on puisse régler ces problèmes. On fait des nominations et bien d'autres choses, mais on ne règle toujours pas les problèmes. Le Nouveau-Brunswick est une province et non pas une région. Nous faisons partie du Canada. On a l'impression que Radio-Canada est le reflet de Montréal et que nous ne sommes qu'un groupe de régions. C'est cette attitude, cette mentalité qu'on devrait faire disparaître. C'est vous qui êtes responsables de vous assurer que nous soyons représentés et que Radio-Canada joue son vrai rôle, que ce soit à la radio ou à la télévision. Quand écoutera-t-on un film ou une émission de télévision en provenance de Moncton ou de Caraquet? On ne voit pas de tels films ou émissions, mais on voit Montréal. S'ils veulent passer à la télévision de Radio-Canada, nos artistes devront-ils déménager à Montréal? À mon avis, Radio-Canada et le CRTC ont des responsabilités à cet égard. Disposez-vous de quelque pouvoir ou est-ce que vous n'en avez aucun?

Mme Françoise Bertrand: Nous avons le pouvoir de prendre une décision et d'imposer certaines conditions de licence, comme nous l'avons fait. Il faut admettre que le budget de 7 millions de dollars qu'on consacrera à la réalisation de productions régionales hors Québec est un geste important. Nous avons relevé cette action comme étant une expression significative. De plus, lorsque nous avons accordé une augmentation tarifaire à RDI, nous l'avons fait en vue de permettre une meilleure couverture régionale et internationale. Nous estimons qu'il s'agit d'un geste d'appui très concret visant à atteindre des objectifs précis que la société d'État nous avait présentés au moment du renouvellement de la licence. Nous avons exercé le pouvoir que nous avions en reconnaissant que c'est très important et que cela correspond à ce que nous avons entendu. D'une part, la loi l'exige et, d'autre part, c'est ce qui s'est dégagé de l'ensemble des consultations.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Godin.

Sénateur Gauthier, la parole est à vous.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Bonjour, madame Bertrand. Ça me fait plaisir de vous voir.

Je voudrais continuer dans le même ordre d'idées, à savoir la définition d'un marché, d'une zone ou d'une région soi-disant francophone, anglophone ou bilingue. Vous établissez cette distinction en fonction de barèmes, de jalons. Si 50 p. 100 et plus des gens d'une région parlent une langue X, c'est une zone linguistique X, tandis que si ce pourcentage s'établissait à 49 p. 100, ce ne serait pas le cas.

Permettez-moi de prendre l'exemple de Timmins, en Ontario, où il y a une masse critique de francophones, mais qui est une zone ou un marché anglophone d'après le CRTC. Par contre, je suis certain que dans l'ensemble de la province de Québec, 10 p. 100 des Québécois comprennent l'anglais. Si j'appliquais la philosophie du CRTC, toute la province de Québec serait une zone bilingue ou un marché bilingue. Est-ce que je me trompe? Je reconnais que ce sont deux exemples assez extrêmes.

Mme Françoise Bertrand: Nous avons proposé un changement à ce niveau. Vous avez raison de faire allusion à cette barre des 50 p. 100 dont nous avions parlé lors de notre comparution ici il y a deux ans et qui était le barème que nous utilisions lorsque nous analysions les marchés. Conformément à la nouvelle politique que nous avons énoncée en février en vue d'améliorer l'offre télévisuelle aux minorités francophones et à la lumière des interventions que nous avons entendues, en particulier celles du commissaire aux langues officielles, nous nous proposons désormais de tenir compte du nombre de personnes qui parlent le français et non plus du nombre de personnes dont la langue maternelle est le français.

• 1630

Deuxièmement, nous examinons la situation différemment puisque, dès qu'il y a une minorité francophone ou anglophone qui représente 10 p. 100 de la population, nous exigeons qu'on porte une attention très particulière à cette minorité en vue de nous assurer qu'elle bénéficie de meilleurs services et qu'on sache préserver sa culture.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Lorsque vous avez répondu à M. Hill, j'ai cru comprendre que vos chiffres étaient basés sur la langue maternelle.

Mme Françoise Bertrand: C'est ce que nous faisions auparavant.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Ce n'est pas ce que vous avez dit.

Mme Françoise Bertrand: Non, il y a eu changement.

M. Jean-Pierre Blais: Nos données reflètent maintenant la connaissance de la langue.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Qui vous fournit ces chiffres-là?

M. Jean-Pierre Blais: C'est Statistique Canada.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Est-ce qu'on tient compte de la langue parlée à la maison?

M. Jean-Pierre Blais: Non, on tient compte de la connaissance de la langue, ce qui nous donne un chiffre beaucoup plus généreux. Nous tenons compte de tous les gens qui connaissent le français, et pas seulement de ceux qui parlent le français à la maison ou dont le français est la langue maternelle.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Lorsque vous avez comparu devant ce comité le 5 mai 1998, vous nous avez dit que vous feriez des changements en vue d'améliorer la situation et que vous examineriez les marchés francophones et les marchés anglophones. Est-ce que vous pouvez résumer les faits saillants positifs des deux dernières années? Moi, je n'ai rien vu de positif en tout cas.

Mme Françoise Bertrand: À mon avis, notre proposition visant à modifier notre définition des marchés bilingues est le geste le plus significatif, puisque cela sous-entend de nouvelles obligations qui se traduiront par des services de langue française accrus dans l'ensemble du Canada. C'est vraiment notre dossier le plus important. De plus, comme je l'indiquais dans mes remarques d'ouverture, nous avons étendu la distribution du réseau de télévision TVA à l'échelle pancanadienne. S'il y a un élément qui est très significatif et très structurel, c'est bien celui qui a consisté à modifier notre approche quant aux marchés bilingues en vue de mieux soutenir les communautés francophones en leur offrant un plus grand éventail de choix dans leur langue.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Madame Bertrand, je me demande si, en réponse à la question du sénateur, vous pourriez préciser les conséquences de ce changement de politique et de cette nouvelle façon d'analyser la francophonie d'une communauté donnée, en nous indiquant le nombre de postes et en quantifiant la diffusion en langue française d'un bout à l'autre du Canada. Avez-vous des chiffres par rapport à cela?

Mme Françoise Bertrand: Non, puisqu'il s'agit d'un processus que nous sommes en train de compléter à la suite de l'arrêté en conseil que nous avons reçu. Nous allons même enrichir cette approche, ce qui nous permettra probablement de classer Ottawa, la capitale nationale, comme un cas exceptionnel. Nous ne sommes pas à l'étape des résultats; nous procédons à la modification de cette approche.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Sénateur Gauthier, est-ce qu'on a su répondre à votre question?

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Madame Bertrand, environ 18 p. 100 de la programmation que diffuse le réseau autochtone APTN est en langue autochtone, environ 25 p. 100 de cette programmation est en français et le reste est en anglais. Ma question est fort simple. Puisqu'il y a des marchés francophones autochtones, au Québec en particulier, pourquoi n'a-t-on pas demandé qu'on divise la programmation pour s'assurer que ces gens bénéficient de la radio et de la télédiffusion dans leur langue?

• 1635

Selon la politique actuelle, est-qu'une personne ne parlant ni l'anglais ni le français est considérée comme un anglophone? Pour vous, est-ce qu'un allophone fait partie de la catégorie anglophone?

Mme Françoise Bertrand: Non, pas du tout.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est pourtant ce qui semble être le cas. Si une région comptait 45 p. 100 de francophones et de personnes de langue autochtone et 20 p. 100 d'allophones, cette région serait selon vous une région anglophone.

Mme Françoise Bertrand: Les analyses de marché que nous avons faites jusqu'à ce jour ont toujours été faites en collaboration avec Statistique Canada et le ministère du Patrimoine canadien. Je dois vous avouer que nous ne sommes pas les maîtres de cette définition. Je me tourne vers Jean-Pierre, qui est plus expert que moi en la matière. Je ne sais pas exactement comment on les qualifie.

M. Jean-Pierre Blais: On propose de créer une nouvelle catégorie qui irait de 10 p. 100 à 50 p. 100 afin de reconnaître la dualité linguistique qui existe dans certaines régions. Nous pourrions supposer qu'il y a un fort pourcentage de non-francophones et de non-anglophones, bien que je n'aie pas connaissance de quelque territoire câblé qui ait un groupe linguistique significatif qui représente plus de 10 p. 100 de la population, sauf possiblement à Toronto où il y a une forte concentration de personnes qui parlent l'italien.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Pourriez-vous me faire parvenir la définition d'une zone, d'une région ou d'un marché francophone, anglophone ou autochtone?

Mme Françoise Bertrand: Avec plaisir. Je crois qu'il serait utile que nous vous fassions parvenir l'ancienne définition ainsi que celle que nous proposons afin que vous puissiez bien voir la différence et évaluer les résultats qu'on prévoit. Cela vous permettra d'entrevoir les répercussions de cette modification au niveau des services offerts, parce qu'au bout de la ligne, c'est cela, l'intérêt de la chose. Nous le ferons avec plaisir.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Madame Bertrand, puis-je vous demander de faire parvenir ces documents à notre greffière? Nous nous assurerons de les transmettre à nos membres le plus rapidement possible.

Mme Françoise Bertrand: Avec plaisir. Je couvrirai en même temps les derniers développements relatifs à la distribution numérique puisque ces renseignements pourraient aussi s'avérer utiles.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci. Vous invoquez le Règlement?

M. Eugène Bellemare: Oui, j'aimerais obtenir une précision. Tout à l'heure, Mme Bertrand a semblé accepter ma suggestion...

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Non, monsieur Bellemare, vous traitez d'une question de contenu. Vous aurez la possibilité de poser d'autres questions au deuxième tour. Nous sommes presque arrivés là.

J'aimerais à mon tour vous poser une question, madame Bertrand. Il n'y a pas si longtemps, des témoins sont venus nous parler des communautés francophones minoritaires au Canada. Un des témoins nous a dit que le CRTC avait décidé de décharger Radio-Canada de la responsabilité radiophonique à l'intention des minorités francophones et de confier cette responsabilité aux radios communautaires. Vous me regardez comme si c'était quelque chose qui vous est étranger.

Mme Françoise Bertrand: J'ai peut-être des yeux de merlan frit!

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Non.

Mme Françoise Bertrand: Ce n'est pas une question qui nous été soumise. Je devrais peut-être me tourner vers mon collègue. Ce n'est pas un sujet dont nous avons entendu parler. On a cependant entendu dire et lu dans les journaux que Radio-Canada cherchait à concilier les nouvelles idées avec les moyens. En ce moment, nous n'avons rien devant nous qui nous permette de nous prononcer de quelque manière que ce soit là-dessus. Je pense qu'ils n'ont pas terminé leurs travaux à cet égard.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci. Nous en sommes maintenant au deuxième tour. Monsieur Hill, je vous accorde cinq minutes.

• 1640

[Traduction]

M. Grant Hill: Merci.

Vous avez dit que vous aviez l'intention de changer la politique en ce qui concerne les seuils dans ces marchés. Est-ce que vous envisagez d'inscrire cela dans la Loi sur la radiodiffusion?

Mme Françoise Bertrand: Absolument.

M. Jean-Pierre Blais: Il faudrait que nous adoptions des modifications à nos règlements.

M. Grant Hill: Qui est-ce qui fait cela?

M. Jean-Pierre Blais: C'est nous qui adoptons les règlements. Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, le Conseil peut adopter des règlements d'application générale. C'est donc nous qui adoptons les règlements.

M. Grant Hill: Vous pensez donc qu'il est raisonnable pour le CRTC de prendre une décision d'une telle importance à la suite d'un mécanisme de consultation publique quelconque, et avec l'accord de quelques Canadiens. Je ne suis absolument pas d'accord avec vous. À mon sens, c'est un changement majeur de la politique et, à ce titre, seuls des représentants élus de la population devraient pouvoir effectuer ce changement. En effet, ils disposent de moyens de consultation du public beaucoup plus approfondis, je ne saurais trop insister sur ce point. À mon avis, vous vous aventurez en terrain très dangereux quand vous dites cela.

M. John Keogh (conseiller législatif principal, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): À titre d'information, la définition actuelle d'un marché francophone dont nous discutons depuis tout à l'heure figure dans la réglementation et a été adoptée par le Conseil. Autrement dit, lorsque le Conseil adopte ces règlements, c'est conformément au pouvoir qui lui a été conféré par le Parlement dans le cadre de la Loi sur la radiodiffusion. Quant aux différents marchés, c'est dans les règlements adoptés par le Conseil que figurent les obligations de distribuer certains services, et ces règlements ont été adoptés conformément au pouvoir accordé par le Parlement. Il s'agit d'un processus public, comme vous l'avez mentionné, et ce processus sert à la fois à établir la politique et à adopter les règlements. D'ailleurs, ces règlements sont également soumis au public qui est appelé à les commenter et à participer au processus.

M. Grant Hill: Permettez-moi de présenter les choses autrement et de vous poser la question suivante: Puisque la connaissance du français va devenir une qualité requise et que les chiffres seront très différents de ce qu'ils étaient par le passé, appliquerez-vous les mêmes critères dans les régions unilingues du pays qui souhaitent être francophones unilingues—autrement dit, au Québec? Utiliserez-vous ces critères en inversant le principe et en disant que la connaissance de l'anglais, dans une collectivité de 5 000 personnes ou 10 p. 100, sera traitée de la même façon?

M. John Keogh: La politique ne fait aucune distinction entre les marchés francophones et anglophones. C'est un énoncé de principe visant à répondre aux besoins des groupes linguistiques minoritaires là où ils se trouvent dans le pays.

M. Grant Hill: Je veux que tout le monde soit d'accord. Je vois certaines personnes faire signe que oui, mais cela ne sera pas retranscrit.

Mme Françoise Bertrand: Oui, nous sommes tous d'accord. C'est un sujet dont nous avons discuté au Conseil.

M. Jean-Pierre Blais: Il est écrit noir sur blanc dans l'avis public CRTC 2000-38 du Conseil, qui a été publié le 10 mars 2000, que la politique proposée s'applique aux deux groupes linguistiques minoritaires.

M. Grant Hill: Vous voulez dire dans cet énorme document que vous nous avez remis?

M. Jean-Pierre Blais: Je pense que cela s'y trouve. C'est à l'onglet un, à la quatrième ou cinquième page.

M. Grant Hill: Je le lirai une autre fois, pour ne pas abuser du temps des personnes présentes.

Je vous remercie. J'ai terminé.

• 1645

[Français]

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Sénateur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je voudrais corriger une erreur que j'ai faite tout à l'heure en raison de ma surdité. J'avais été surpris par votre intervention et j'avais oublié les chiffres exacts. J'avais cité certaines données de mémoire et je m'étais trompé.

J'aurais dû dire à Mme Bertrand que le réseau APTN diffuse des émissions pendant environ 30 heures par semaine et qu'il consacre 18 p. 100 du temps d'antenne à la programmation en langue autochtone, 15 p. 100 à la programmation en français et le reste, soit les deux tiers, à la programmation en anglais. Pourquoi le pourcentage de la programmation en français est-il si faible?

Mme Françoise Bertrand: C'est une bonne question. Nous avons approuvé la création de ce réseau autochtone en même temps que nous avons autorisé la distribution nationale du réseau TVA. Je dois avouer, sénateur Gauthier, que je ne connais pas la réponse à votre question. Je vais demander à mon collègue Jean-Pierre de nous aider.

M. Jean-Pierre Blais: Ce pourcentage reflète la disponibilité de la production autochtone. Ce nouveau service doit relever de nombreux défis, y compris au niveau de la production de thèmes autochtones en anglais. Il éprouve des problèmes en matière de disponibilité et de financement, des problèmes qui sont encore plus aigus au niveau des productions de thèmes autochtones en français. Cette programmation reflète la disponibilité de la production.

Mme Françoise Bertrand: Et non pas une réponse aux auditoires.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Vous dites que c'est un reflet du marché.

Mme Françoise Bertrand: Il s'agit plutôt de la capacité de produire et de la disponibilité des produits.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: J'avais cru comprendre que votre philosophie était basée sur le marché. Vous venez toutefois de me dire qu'elle est basée sur la disponibilité des programmes.

Mme Françoise Bertrand: Lorsque nous avons approuvé la création de ce réseau, nous cherchions à atteindre l'objectif de la diversité culturelle et à renforcer l'expression autochtone au pays. Nous étions conscients qu'il ne fallait pas exiger que les abonnés paient des tarifs trop élevés pour se prévaloir de ces services. Le budget qu'on a proposé était extrêmement modeste, et c'est pourquoi ce réseau a dû se contenter de vivre en grande partie de productions existantes. Nous avons été sensibles à la fois à la capacité du consommateur de débourser des frais plus importants et à la disponibilité des émissions. Je vous rappelle que l'objectif principal qui sous-tendait cette décision était de permettre le renforcement de l'expression autochtone au pays.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Permettez-moi, sénateur...

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: On y reviendra.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Tout à fait. Je cède maintenant la parole au sénateur Robichaud.

Le sénateur Louis-J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): Merci, madame.

Je remercie nos témoins d'être venus. Le CRTC est une institution fédérale qui doit respecter la dualité linguistique ainsi que les lois du pays. Le CRTC donne des licences à des postes de radio et de télévision partout au pays. Si certains de ces derniers ne respectent pas et même violent les dispositions de la Loi sur les langues officielles, quelles sanctions le CRTC peut-il imposer?

Mme Françoise Bertrand: Je me tourne vers mes collègues qui sont tous avocats, alors que je ne le suis pas. J'avoue que depuis que je suis en poste, nous n'avons pas vraiment eu à sévir, bien qu'il faille avouer que ce n'est pas parce que l'envie manquait parfois. On nous dit qu'il n'y a pas assez de services, mais il n'y a pas vraiment eu manquement au règlement à cet égard.

Jean-Pierre.

• 1650

M. Jean-Pierre Blais: Parlez-vous d'un manquement des radiodiffuseurs à leurs obligations relativement aux langues officielles?

Le sénateur Louis-J. Robichaud: Non. Si, par exemple, un poste de télévision disait ouvertement que le bilinguisme dans ce pays est une injustice sociale flagrante, quelle sanction le CRTC pourrait-il appliquer?

M. Jean-Pierre Blais: Tous les radiodiffuseurs, quand ils traitent de questions d'intérêt public, ont l'obligation de maintenir un équilibre et de ne pas diffuser de propos contraires à leur déontologie. Je sais que parfois, sur les ondes, on entend des propos choquants. Nous recevons alors des plaintes.

Sans doute faites-vous allusion à des choses qui se passent à l'heure actuelle. Si nous recevons une plainte ou si nous enquêtons sur une situation, nous avons pleins pouvoirs pour entendre la position des parties, de la plaignante et de l'autre partie, pour enquêter sur la situation et pour prendre les mesures nécessaires. Donc, nous avons un système pour traiter formellement des plaintes. Les radiodiffuseurs sont redevables et responsables de ce qu'ils diffusent en ondes, que ce soit dans leur programmation ordinaire ou dans leur publicité.

Le sénateur Louis-J. Robichaud: Si je me plaignais ouvertement aujourd'hui devant vous de ce qu'une annonce commerciale—vous savez ce que je veux dire—qui nous vient de CJOH, à Ottawa, est une flagrante violation de la Loi sur les langues officielles de ce pays et est pratiquement de la littérature haineuse retransmise par le poste, quelle action le CRTC pourrait-il prendre? J'ai vu cette annonce au moins deux fois et, d'après ce que j'en sais, elle est censée rester en ondes, à la télévision, jusqu'au 21 mai. Si je protestais tout de suite, quelle action le CRTC pourrait-il prendre?

M. Louis Plamondon: Je fais appel au Règlement.

Le sénateur Louis-J. Robichaud: Pour empêcher...

M. Louis Plamondon: Est-ce qu'on pourrait savoir ce que c'est? Pouvez-vous nous parler davantage de cette annonce?

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Puisque vous avez nommé la station, sénateur, allez jusqu'au bout.

Le sénateur Louis-J. Robichaud: C'est CJOH. Je l'ai nommée.

M. Louis Plamondon: Oui, mais qu'est-ce qu'on y dit?

Le sénateur Louis-J. Robichaud: On y dit que le bilinguisme est une chose terrible pour ce pays ou quelque chose qui va dans ce sens. Je n'ai pas le texte exact. On y dit que le fédéral dépense des sommes énormes pour le bilinguisme et très peu pour l'environnement, et que cela constitue une injustice sociale pour les Canadiens. On dit des choses de ce genre.

M. Louis Plamondon: On entend cela à la Chambre des communes aussi.

Le sénateur Louis-J. Robichaud: Non, pas tel quel.

M. Louis Plamondon: Eh bien, oui.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Excusez-moi. La question est adressée à Mme Bertrand et à ses collègues.

M. Jean-Pierre Blais: Nous avons déjà été saisis de ce problème et nous faisons enquête. Je prends note de votre plainte. Vous me permettrez de ne pas me prononcer parce que c'est quand même un processus...

Le sénateur Louis-J. Robichaud: D'accord.

M. Jean-Pierre Blais: On doit entendre ce que la station a à dire. Donc, nous faisons activement enquête à l'heure actuelle. Vous n'êtes pas seul à avoir soulevé la question auprès de nous.

Le sénateur Louis-J. Robichaud: Merci. Je suis content de l'avoir soulevée, parce que chaque fois que je vois cette annonce commerciale, les cheveux me dressent sur la tête, les cheveux qui me restent.

Des voix: Ah, ah!

M. Yvon Godin: Ça ne pourrait pas m'arriver.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon: Je veux revenir sur ce que le sénateur Gauthier a dit et en même temps vous faire part de mon inquiétude. Vous m'avez dit tout à l'heure que lorsque vous aviez choisi CKVL, vous aviez choisi la diversité plutôt que la qualité. Ce genre de jugement que vous portez lorsque vous recevez une demande, soit de choisir la diversité plutôt que la qualité, me paraît inquiétant.

Deuxièmement, vous dites que lorsque vous avez accepté le réseau autochtone, vous saviez bien que les autochtones francophones seraient mal desservis parce qu'on connaissait la disponibilité des productions pour ceux qui vous demandaient le réseau.

Il m'apparaît imprudent de ne pas s'assurer, lorsqu'on offre un réseau à un producteur, que tant les francophones que les anglophones auront leur part de production et d'écoute. Ces deux décisions que vous avez prises me fatiguent.

• 1655

Ma troisième question concerne l'interprétation que vous faites du fait français et du fait anglais à partir des données de Statistique Canada. On sait que le dernier rapport de Statistique Canada était complètement biaisé et a été très critiqué par les démographes. La question anciennement formulée ainsi, «Êtes-vous francophone, anglophone ou autre?», c'est-à-dire d'origine italienne, etc. a été remplacée par «Êtes-vous d'origine canadienne, française ou anglaise?». Or, dans Chicoutimi, par exemple, 65 p. 100 des gens ont répondu «canadienne». Ainsi, tout est déséquilibré, rien ne tient plus.

Si vous vous en tenez à ces données, comment allez-vous interpréter «canadienne»? C'était fait correctement depuis des années. On a changé cela lors du dernier recensement. Ce sera modifié pour 2001, alors qu'on reprendra la même question qu'autrefois. J'ai reçu le questionnaire.

Si vous vous basez là-dessus, j'ai peur qu'on s'en tienne au nombre de réponses données à la catégorie francophone et que tout le reste soit attribué aux anglophones. Ainsi, la proportion d'anglophones deviendra extrêmement grande et vous permettra de justifier une certaine paresse en ce qui regarde les services offerts aux francophones.

Mme Françoise Bertrand: Sur la question de l'indicatif 690, je n'ai pas dit qu'on avait privilégié la diversité plutôt que la qualité. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que lorsque nous avions accordé l'indicatif, il ne s'agissait pas de choisir le meilleur service de nouvelles. Ce n'est pas ce que nous avons fait. Ce n'était pas du tout le cas.

Nous nous sommes demandé si, pour s'assurer qu'il y ait une nouvelle voix sur le marché, il valait mieux accorder une licence supplémentaire à Radio-Canada ou permettre à CKVL d'étendre son rayonnement. De toute façon, l'indicatif 850 reste libre pour ajouter une nouvelle voix sur le marché. C'est la réflexion que nous avons faite.

La remarque que j'ai faite sur la qualité aujourd'hui—d'abord je ne l'ai pas entendue,—c'est que qu'ils n'observent pas des règles assurant la qualité, l'auditoire ne sera pas au rendez-vous. C'est la meilleure façon de leur rappeler leurs obligations.

Sur la question d'APTN, je vous rappelle que la Loi sur la radiodiffusion attribue plusieurs objectifs au conseil et qu'il arrive parfois que ces objectifs se fassent concurrence. Nous tentons de maintenir un équilibre. Peut-être arrivons-nous mieux à le maintenir sur l'ensemble de nos décisions que sur chacune d'elles. Dans chaque cas particulier, nous ne pouvons prétendre qu'il y ait un équilibre parfait.

Il est certain que dans la décision concernant APTN, la priorité a été de desservir les autochtones au moyen d'un réseau dont la programmation et les émissions leur ressembleraient. Si 15 p. 100 de la programmation est en français et les deux tiers en anglais, il n'en demeure pas moins que 18 heures de la programmation sont en langues autochtones, ce qui était le but premier de l'instauration de ce réseau, soit de donner un service en langues autochtones.

Quand aux données de Statistique Canada et à la proposition contenue dans la nouvelle politique, notre nouvelle façon d'aborder les choses nous a été suggérée par le commissaire aux langues officielles. Je pense qu'il y aura lieu de l'examiner très attentivement. D'une part, je pense qu'on fait un grand pas en avant quand on arrive à parler de francophiles et de connaissance du français plutôt que de langue maternelle.

Cependant, vous avez soulevé un très bon point que nous devrons certainement éclaircir, à savoir comment on doit établir des catégories pour les autres ou les allophones. Devrait-on pousser notre examen plus loin? C'est une très bonne question.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Comment est-ce que le CRTC vérifie si les conditions d'émission d'une licence ou d'un permis quelconque sont respectées? Quel mécanisme utilisez-vous pour le faire?

• 1700

Mme Françoise Bertrand: Nous recueillons l'information de deux manières. Nous le faisons d'abord par un contrôle régulier. Cependant, au moment du renouvellement de la licence, nous faisons habituellement une écoute par échantillonnage que nous confrontons aux conditions de la licence. Cela s'applique à tous les titulaires de licence.

M. Mauril Bélanger: Si la licence a été accordée pour cinq ans, il n'y a vraiment rien qui se fait jusqu'à la demande de renouvellement. Est-ce bien ainsi?

M. Jean-Pierre Blais: On peut le faire dans le cas où une plainte est déposée ou à l'occasion de la publication du rapport annuel que tous les radiodiffuseurs produisent. Si on décèle un manquement à une des conditions de la licence, on a le pouvoir de demander au titulaire de comparaître en audience publique.

M. Mauril Bélanger: Il faut que des gens se plaignent.

M. Jean-Pierre Blais: Pas nécessairement dans le cas où on décèle un manquement. Les plaintes sont une des façons de déceler un manquement.

M. Mauril Bélanger: Faites-vous une révision annuelle quelconque?

Mme Françoise Bertrand: Oui, au moyen du rapport annuel. On le fait aussi à propos d'une condition particulière, auquel cas on demande un rapport spécifique à cet égard.

M. Mauril Bélanger: Est-ce que ces documents sont publics?

M. Jean-Pierre Blais: Le rapport annuel est en grande partie public.

M. Mauril Bélanger: Par exemple, comment sait-on si la station TVA, qui est soumise à des conditions très spécifiques, respecte ces conditions? Et que faites-vous si elle ne les respecte pas?

M. Jean-Pierre Blais: Je suis content que vous nous donniez un cas précis. Nous sommes justement en train de faire enquête parce que TVA devait produire certaines émissions en région. Elle a déposé un rapport, qui est un mécanisme qui nous permet d'examiner la situation, et nous sommes troublés par la réponse qu'il contient. Nous sommes en train d'enquêter au moment où nous nous parlons.

M. Mauril Bélanger: Le résultat de cette enquête sera-t-il rendu public?

M. Jean-Pierre Blais: Absolument. En fait, l'échange de correspondance est public.

M. Mauril Bélanger: J'aimerais que vous notiez mon désir d'en avoir une copie, parce que je ne suis pas toujours tout ce que vous émettez.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Vous disposez encore d'un certain temps. Avez-vous une autre question?

M. Mauril Bélanger: Je vais poser toutes mes questions, car j'en ai plusieurs.

La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Excusez-moi, je ne vous coupais pas la parole. Je parlais du rapport.

M. Mauril Bélanger: J'ai été patient, madame la présidente.

Pour ce qui est des zones, sur quoi le CRTC se base-t-il pour définir une région géographique? Est-ce qu'il se base sur la pénétration du câblodistributeur?

M. Jean-Pierre Blais: Chaque titulaire qui obtient une licence sur le câble se voit attribuer une zone à desservir définie dans les termes de sa licence.

M. Mauril Bélanger: Si Rogers fait l'acquisition de Vidéotron, est-ce qu'il acquerra en même temps la zone à desservir?

M. Jean-Pierre Blais: À l'heure actuelle, Vidéotron a plusieurs licences. Vidéotron n'a pas qu'une seule licence pour tout le Québec, mais plusieurs licences. Par exemple, je crois que l'île de Montréal constitue une licence et l'île Jésus, une deuxième licence.

M. Mauril Bélanger: C'est le même propriétaire.

M. Jean-Pierre Blais: Mais ce sont des licences séparées.

M. Mauril Bélanger: Si un jour Rogers faisait une demande de licence globale pour tout son réseau, ce qui n'est qu'une hypothèse, est-ce qu'en théorie sa licence pourrait s'appliquer à tout ce territoire?

M. Jean-Pierre Blais: Cela se pourrait. Nous prenons en considération et nous étudions les demandes de regroupement. À ce moment-là, cela devient l'octroi d'une nouvelle licence.

M. Mauril Bélanger: Si un câblodistributeur veut noyer sa minorité, il n'a qu'à élargir son territoire. Est-ce cela?

M. Jean-Pierre Blais: C'est une technique que quelqu'un pourrait tenter d'utiliser. Cependant, nous avons l'esprit plus vif que ça, monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Qu'est-ce que vous feriez pour prévenir cela?

M. Jean-Pierre Blais: Je suis certain que les gens vont intervenir pour nous dire qu'un câblodistributeur a des obligations vis-à-vis de ses abonnés, ce que nous prendrons en considération. Je ne peux pas préjuger de ce que nous allons faire.

M. Mauril Bélanger: Permettez-moi de douter de votre rapidité, du moins à certains moments. Je vis dans cette région-ci et je suis desservi par Rogers. Or, je n'ai pas accès à tout ce qui est offert en français par le réseau analogique de Rogers. Les quatre réseaux spécialisés qui sont maintenant offerts au Québec, on ne les a pas ici, dans la région.

Mme Françoise Bertrand: Vous les avez cependant en numérique.

M. Mauril Bélanger: Savez-vous ce qu'est l'article 41 de la Loi sur les langues officielles? Est-il arrivé au CRTC de se pencher sur cet article depuis qu'il existe, soit depuis 1988?

Mme Ursula Menke (secrétaire générale, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Nous n'avons pas encore pris de position officielle sur cette question. Nous l'avons examinée, évidemment, mais nous n'avons pas de position officielle.

M. Mauril Bélanger: Vous savez de quoi je parle?

Mme Ursula Menke: Oui, absolument. Vous parlez de la désignation.

M. Mauril Bélanger: De l'article 41 de la Loi sur les langues officielles.

Mme Ursula Menke: C'est ça.

M. Mauril Bélanger: De la désignation?

Mme Ursula Menke: D'accord, je me suis peut-être avancée trop vite. On parle de l'obligation, bien sûr...

M. Mauril Bélanger: De?

Mme Ursula Menke: ...de desservir... Est-ce que vous voulez que j'emploie les mots précis?

M. Mauril Bélanger: C'est de promouvoir les communautés minoritaires de langue officielle. Est-ce que le CRTC attend d'être désigné avant de faire quelque chose?

• 1705

Mme Ursula Menke: Non. Nous avons déjà cette obligation en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.

M. Mauril Bélanger: A-t-on préparé un plan d'action depuis que cet article de la loi a reçu la sanction royale en 1988?

Mme Ursula Menke: Non. On n'a pas préparé de plan d'action.

M. Mauril Bélanger: Est-ce qu'on pourrait espérer que le CRTC se prête volontairement à cet exercice annuel que quelque 26 agences et ministères se sont vu imposer?

Mme Ursula Menke: Quand vous touchez à cet aspect, il y a certaines questions qui ont été soulevées, évidemment.

M. Mauril Bélanger: C'est ma dernière question.

Mme Ursula Menke: Dans la Loi sur la radiodiffusion, il y a évidemment une gamme d'obligations et d'objectifs proposés pour le CRTC, et à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles, il n'y a qu'un objectif principal. Le problème, c'est que pour nous, la Loi sur la radiodiffusion comporte plusieurs objectifs de même niveau et que si on essaie d'établir un plan d'action qui touche spécifiquement un de ces objectifs, cela pose une certaine difficulté compte tenu du fait que nous sommes un tribunal. En effet, ce serait possiblement...

M. Mauril Bélanger: Permettez-moi de vous interrompre. J'aimerais qu'on vérifie quelque chose. Je sais que le sénateur Beaudoin a fait une déclaration en ce sens lors d'audiences précédentes. Je croyais que la Loi sur les langues officielles avait un statut quasi constitutionnel et j'avais l'impression—et on me corrigera si j'ai tort—que le CRTC y était soumis.

Mme Ursula Menke: Bien sûr.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Il ne fait pas partie des 24 organismes...

M. Mauril Bélanger: Non, mais il est soumis à la loi quand même. Donc, il est soumis à cet article également. C'est ce que je voulais savoir.

J'ai une dernière question.

Mme Françoise Bertrand: Pour ce qui est de votre souci, si ça peut clarifier notre volonté de soumettre nos actions précises à l'intérieur de notre rapport annuel, je pense qu'on pourrait le faire.

M. Mauril Bélanger: De toute façon, je pense que vous avez mentionné un décret que le gouvernement a émis il n'y a pas tellement longtemps. Vous parlez d'audiences. J'aimerais savoir où auront lieu ces audiences.

Mme Françoise Bertrand: D'abord, il va y avoir des consultations régionales. Jean-Pierre, c'est toi qui as le détail de cela.

M. Jean-Pierre Blais: Oui, mais je n'en ai pas la liste. On est en train de la finaliser. On songe à aller partout au pays. On pensait à Vancouver, Toronto et Moncton. Pour la Saskatchewan, on est en train de finaliser le travail avec la communauté à Saint-Boniface et à Gravelbourg.

M. Mauril Bélanger: C'est là que se trouvent la majorité des francophones.

M. Jean-Pierre Blais: Je n'ai pas fini la liste. Il y aura aussi des audiences dans l'est, l'ouest et le nord de l'Ontario, et il y aura aussi une audience régionale et une audience publique centrale à la fois à Ottawa et à Hull. Hull est située au Québec.

M. Mauril Bélanger: Mais vous n'irez pas ailleurs. C'est parce que votre quartier général est là.

Mme Françoise Bertrand: C'est aussi parce que c'est la Capitale nationale.

M. Mauril Bélanger: Vous n'allez pas ailleurs au Québec.

M. Jean-Pierre Blais: Comme je vous l'ai dit, la liste n'est pas terminée. Le décret portait sur les services offerts aux minorités francophones hors Québec.

M. Mauril Bélanger: Il ne s'agissait pas seulement de cela, malgré tout le respect que je vous dois. Je vais trouver le décret. Je l'ai ici quelque part. On y parlait d'autre chose aussi. On y parlait de la façon dont la présence des francophones est reflétée dans toutes les régions du pays. Que je sache, le Québec est une région du pays.

M. Jean-Pierre Blais: Absolument.

M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente.

Mme Françoise Bertrand: Est-ce que je peux poser une question? Quelle serait votre suggestion pour le Québec? Dans quelles villes devrait-on faire une consultation régionale?

M. Mauril Bélanger: Ce n'est pas à moi de vous dire comment gérer votre boîte. C'est à moi de poser des questions, madame.

M. Yvon Godin: Vous pourriez aller en Gaspésie.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, monsieur Bélanger.

Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare: Tout à l'heure, vous avez dit à M. le sénateur Gauthier que vous feriez parvenir à tous les membres du conseil votre nouvelle définition proposée d'une zone bilingue. Si j'ai bien compris votre proposition, les chiffres seront dorénavant basés sur les personnes qui connaissent la langue, plutôt que sur la langue maternelle de la minorité.

• 1710

Lors de notre dialogue du début, vous avez réagi d'une façon positive à une suggestion que j'ai faite, mais je veux bien comprendre. Dois-je comprendre que vous vous pencherez sur la question de faire de la capitale du Canada une zone exceptionnelle, étant donné que c'est la capitale du Canada et qu'elle devrait refléter la Loi sur les langues officielles et être le modèle canadien? Dois-je aussi comprendre que vous ferez des démarches pour ajouter cela à vos énoncés?

Mme Françoise Bertrand: Oui, tout à fait. Nous allons émettre un nouvel avis public pour inviter les gens à la consultation et à l'audience et, dans cet avis public, nous allons reprendre les éléments de la politique en y ajoutant les préoccupations énoncées dans l'arrêté en conseil. C'est une des propositions que nous allons faire.

M. Eugène Bellemare: Je vous dis bravo et je vous remercie en même temps!

Mme Françoise Bertrand: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.

Monsieur Godin.

M. Yvon Godin: J'ai juste une petite question. Plus tôt, vous parliez de la radio communautaire. Vous disiez que les radios communautaires étaient plus proches des gens et de la communauté. Cependant, on se plaint de ce que dans les radios communautaires, il y a beaucoup de bénévoles. Il y a plusieurs bénévoles qui en font et ils se sentent pris parce que Radio-Canada—je reviens toujours à Radio-Canada, je m'en prends à eux, à Radio-Montréal—ne fait pas vraiment ce qui devrait être fait. En vertu de la licence obtenue du CRTC par Radio-Canada, cette société ne serait-elle pas supposée aller dans les régions et y faire vraiment son travail? On ne serait pas alors obligé de se monter des radios communautaires pour servir la communauté.

Mme Françoise Bertrand: Je pense qu'au chapitre de la radio, Radio-Canada et CBC font un travail assez remarquable. D'ailleurs, c'est ce qu'on a entendu partout. Si la télévision faisait autant pour faire parler et faire voir les Canadiens partout dans les régions au niveau du réseau, je pense qu'on aurait certainement un meilleur dialogue dans le pays.

Les radios communautaires ne sont pas un substitut mais davantage un complément à la radio de Radio-Canada. Cela n'enlève pas à Radio-Canada ses obligations. C'est important. On disait plus tôt que la diversité des voix a fait en sorte qu'on n'a pas donné une licence supplémentaire à Radio-Canada pour le marché de Montréal. De la même façon, je pense qu'il est important que Radio-Canada puisse servir les communautés, mais il ne faut pas que Radio-Canada soit l'unique voix.

Il est important qu'il y ait au Canada un système de radiodiffusion qui s'appuie très solidement sur un système public et sur un système privé. Selon moi, la politique des radios communautaires a été une espèce d'ouverture pour reconnaître que les radios communautaires ne pouvaient pas vivre de façon strictement bénévole et qu'il fallait être plus libéral sur la question de la publicité afin de leur permettre d'avoir un meilleur financement et de meilleures ressources.

M. Yvon Godin: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Bélanger, avez-vous une autre question?

M. Mauril Bélanger: Oui. Je suis perplexe devant cette volonté de diversité de voix. Comment explique-t-on la décision du CRTC au sujet de TFO à ce moment-là?

Mme Françoise Bertrand: Puisque TFO est présentement en appel, je préférerais ne pas commenter cette décision.

M. Mauril Bélanger: C'est parfait. Merci.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Avez- vous une question, monsieur Hill?

M. Grant Hill: Pour en revenir à la définition de la connaissance d'une langue ou de l'autre, il est facile de dire: parlez-vous français ou anglais à la maison? Il est très difficile de déterminer son niveau de connaissance de la langue. Pourriez- vous me donner une idée de la façon dont vous comptez procéder pour le faire?

M. Jean-Pierre Blais: Monsieur Hill, c'est précisément à cause des préoccupations que vous soulevez que le Conseil n'a ménagé aucun effort, dans l'avis public dont je parlais plus tôt, pour demander au paragraphe 11 un avis sur l'utilisation de la définition de «connaissance» par opposition à «langue maternelle» ou «langue parlée à la maison». C'est une question sur laquelle nous avons précisément demandé l'avis des Canadiens.

Pour toutes ces raisons, même si vous ne l'avez pas dit clairement, je constate un certain malaise à l'égard de ce test de connaissance, et c'est précisément pourquoi nous avons soulevé la question.

M. Grant Hill: Donnez-moi une petite idée de ce qui se fait sur le plan pratique.

[Français]

Je parle un peu français: bonjour, mon ami. C'est là ma connaissance du français.

• 1715

[Traduction]

M. Jean-Pierre Blais: Oui, c'est la commissaire aux langues officielles qui a proposé d'utiliser un test fondé sur la connaissance du français. Son bureau a présenté des arguments que le Conseil a acceptés, du moins à première vue car il s'agit simplement d'un projet de politique, disant que puisqu'il existe—notamment, dans l'ouest du Canada—un grand nombre d'écoles d'immersion française auxquelles les parents choisissent d'envoyer leurs enfants, il conviendrait de passer à un test fondé sur la connaissance du français, ce qui serait plus conforme à la réalité canadienne.

M. Grant Hill: Vous ne répondez toujours pas à ma question. Pouvez-vous me donner une idée de la façon que vous allez définir la connaissance du français?

M. Jean-Pierre Blais: Nous accepterons la définition. Statistique Canada pose précisément une question dans ses sondages sur la connaissance du français, qui est donc définie. C'est la définition que nous comptons utiliser pour définir un marché bilingue.

M. Grant Hill: Il y a un autre problème. Vous avez dit qu'il n'y a pas d'endroit au Canada où, à votre connaissance, 10 p. 100 de la population parle une autre langue. Dans ma région, 10 p. 100 des électeurs sont des Autochtones qui parlent le Blackfoot. Dans certaines parties de Vancouver, il y a bien plus de 10 p. 100 de gens qui parlent le chinois. Je pense donc que cette observation est inexacte.

M. Jean-Pierre Blais: Je parlais des secteurs desservis par les titulaires de licence. Vous avez raison de dire que, dans certaines régions, il y a une forte proportion de gens qui parlent une autre langue, mais nous tenons compte des secteurs de service des câblodistributeurs pour les circonscriptions et nous ne tenons compte que d'une seule langue, en fonction de la langue maternelle.

M. Grant Hill: Très bien. Merci.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): La période des questions est terminée. Il me reste, mesdames et messieurs, à vous remercier pour votre disponibilité et pour vos questions et commentaires.

Honorables membres du comité, vous serez convoqués la semaine prochaine, le 16 mai, alors que nous recevrons un ministre de Dublin, en Irlande, qui veut nous faire une courte présentation sur la façon dont se vit le bilinguisme dans son pays. Il est ministre d'État et il était autrefois directeur d'une coopérative.

Après la réunion, il y aura un petit vin d'honneur. Ce n'est pourtant pas la fête des Irlandais, mais enfin!

La séance est levée.