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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 mai 1999

• 1533

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Bonjour, chers collègues. Avant de demander à M. Victor Goldbloom, commissaire aux langues officielles, de prendre la parole, j'aimerais vous soumettre le 11e rapport du Sous-comité du programme et de la procédure, qui s'était réuni le mardi 27 avril 1999.

Le sous-comité avait convenu de nous proposer de convoquer les témoins suivants à comparaître: Neil Morrison, ancien secrétaire de la Commission Laurendeau-Dunton; Max Yalden, ancien commissaire aux langues officielles; les membres du Groupe de travail post Sudbury, dont vous trouverez une liste ci-jointe; la Table féministe francophone de concertation provinciale; la Fédération des communautés francophones et acadienne; et l'Association canadienne-française de l'Ontario, l'ACFO.

Est-ce que vous acceptez d'adopter ce rapport?

Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): J'ai assisté à cette réunion qui a duré deux heures, et ces recommandations ne me semblent pas correspondre au rapport que nous avions adopté.

La première partie reflète fidèlement nos discussions; nous avions bel et bien convenu d'inviter MM. Neil Morrison et Max Yalden à comparaître. Nous avions par la suite parlé de trois groupes, soit l'Association canadienne-française de l'Ontario, la Fédération des communautés francophones et acadienne et la Table féministe francophone de concertation provinciale. Je crois me rappeler que nous avions convenu que la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada comparaîtrait en premier lieu et qu'elle serait suivie de l'Association canadienne-française de l'Ontario, l'ACFO, et par la suite de la Table féministe francophone.

• 1535

Nous avions discuté de la possibilité de demander aux trois groupes de venir comparaître en même temps et de ne leur accorder qu'une demi-heure chacun. C'était l'entente à laquelle nous en étions venus. Au cours des deux heures qu'ont duré nos discussions, je n'ai jamais entendu prononcer le nom du Groupe de travail post Sudbury. Je ne vois pas d'objection à ce que ses représentants viennent comparaître, mais j'aimerais m'assurer qu'ils ont présenté une demande écrite, comme le font tous nos autres témoins, ou qu'ils ont été invités à la demande d'un membre du comité. Ils pourraient venir comparaîtra après que nous aurons entendu les trois premiers groupes.

Je mettrais le nom du Groupe de travail post Sudbury à la toute fin. Je serais disposé à accepter qu'on retienne leur nom, même si on n'a jamais parlé de ce groupe au cours de nos discussions.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone, (Mont-Royal, Lib.)): Madame la présidente, je crois que nous avons eu une assez longue conversation pour ce qui est d'attendre jusqu'à ce que nous ayons tous les documents. On nous a dit qu'il y avait six gros cahiers d'information en plus des plans d'action pour chacune de ces institutions canadiennes. On a dit qu'après avoir entendu ces témoins nous nous occuperions de ces témoins, car nous aurions alors leurs plans de travail sous les yeux. Il y avait d'autres membres du comité qui ont assisté à la séance.

Monsieur Bélanger, vous rappelez-vous cette conversation, puisque c'est vous qui avez demandé ces cahiers d'information?

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Je suis essentiellement d'accord avec M. Plamondon, mais j'aimerais lui rappeler que le Groupe de travail post Sudbury est le groupe des 14 dont j'ai parlé.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Souhaitez-vous modifier la liste?

M. Louis Plamondon: J'aimerais que les noms de Neil Morrison et de Max Yalden figurent en premier lieu et qu'ils soient peut-être convoqués à comparaître le même jour pour une période d'une heure chacun.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Nous avions convenu de les accueillir le 25 mai. La Fédération des communautés francophones et acadienne viendrait par la suite.

M. Louis Plamondon: Parfait.

Est-ce qu'on n'entendra qu'un seul groupe? Je croyais qu'au cours de la même journée, nous accorderions une demi-heure ou trois quarts d'heure à la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et que nous entendrions les représentants de l'ACFO et de la Table féministe.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je ne sais pas si c'est la formule que nous avions retenue, mais je me souviens que nous avions convenu d'entendre d'abord les représentants de la FCFA.

M. Louis Plamondon: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Ces groupes viendraient comparaître après MM. Morrison et Yalden, que nous entendrions le 25 mai. Nous avions prévu rencontrer les représentants de la FCFA la semaine dernière, mais ils n'étaient pas disponibles. Nous n'avons toujours pas déterminé la date à laquelle leur comparution sera reportée. Nous ne savons pas non plus s'ils comparaîtront en même temps que d'autres groupes.

M. Louis Plamondon: MM. Morrison et Yalden viendront comparaître le mardi 25 mai. Est-ce que nous siégerons le jeudi suivant?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): En principe, oui.

M. Louis Plamondon: Si notre prochaine séance ne devait avoir lieu que le 1er juin, nous n'aurions pas le temps de rencontrer ces témoins lors de séances distinctes. Ce mardi 1er juin serait l'un des derniers mardis où nous nous réunirions si nous ajournions nos travaux vers le 9 juin. On pourrait recevoir les trois groupes au cours de la même journée.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Il revient au comité de prendre cette décision.

M. Louis Plamondon: Nous inviterons les trois groupes à comparaître le 1er juin et leur accorderons une demi-heure ou trois quarts d'heure chacun.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Le comité est-il d'accord? Merci. Nous vous ferons parvenir un avis de convocation pour la prochaine réunion du 25 mai, où figureront les noms de MM. Morrison et Yalden.

J'ai maintenant le plaisir de demander à M. Goldbloom de prendre place dans le fauteuil où il est habitué de s'asseoir et qu'il connaît bien. Nous voudrons sans doute lui poser de nombreuses questions et faire certains commentaires sur son rapport et le budget qu'il a déposé. Ce sera peut-être d'ailleurs sa dernière comparution devant notre comité.

• 1540

Sans plus tarder, monsieur Goldbloom, je vous cède la parole.

M. Victor Goldbloom (commissaire aux langues officielles): Madame la coprésidente, mesdames et messieurs, membres du comité,

[Traduction]

c'est un peu une occasion spéciale, et j'espère que vous me permettrez de prendre quelques minutes pour faire plus que vous présenter le rapport annuel pour l'année qui vient de s'écouler.

J'aimerais réfléchir pendant quelques moments à ces huit années au cours desquelles j'ai eu l'honneur d'être le commissaire aux langues officielles.

On se demande ce qui a changé, ce qui a été réalisé, ce qui n'a pas encore été réalisé au cours de cette période. Je pense que l'on peut dire qu'il y a de nombreuses choses qui se retrouvent dans chacune des deux colonnes—le côté positif et le côté négatif. Étant positif de nature, j'aimerais vous parler d'abord des choses positives.

[Français]

Lorsque je réfléchis à ces huit années, je me rappelle que lorsque je suis arrivé, la gestion scolaire pour les communautés francophones en situation minoritaire n'existait que dans deux provinces. Aujourd'hui, toutes les provinces et les deux territoires qui existaient jusqu'à tout récemment ont établi cette gestion scolaire. La province de Québec, qui avait depuis longtemps une dualité éducative, a modifié cette dualité pour établir une base linguistique remplaçant la base confessionnelle qui existait depuis si longtemps.

En relation avec la gestion scolaire, nous avons examiné le comportement des parents ayants droit, le droit à la gestion du système scolaire ayant été établi. La possibilité pour les parents ayants droit de faire inscrire leurs enfants à l'école française a ainsi été augmentée et bonifiée. Nous avons constaté que ce ne sont pas tous les parents ayants droit qui ont opté pour l'école française.

Nous nous sommes demandé quelles raisons et motivations avaient amené les parents à choisir l'école française disponible ou l'école anglaise qui est depuis toujours disponible dans les provinces à majorité anglophone. Nous avons partagé cette étude avec les ministres de l'Éducation, les communautés et les organismes du domaine de l'éducation partout au pays. Nous espérons que ce document sera traité non seulement comme un relevé des opinions de personnes ayant choisi l'une ou l'autre des écoles possibles, mais aussi comme base d'une stratégie d'attraction et de rétention afin de renforcer les communautés en question.

J'ai parlé à plusieurs reprises devant ce comité de l'intérêt que je porte à la radio communautaire et à l'appui que constitue pour chaque communauté, dans l'une et l'autre des langues officielles, la radio communautaire. Je me réjouis du fait que les radios communautaires de langue française se sont maintenant organisées en réseau, liant mieux les communautés entre elles et permettant à chacune d'avoir un meilleur reflet de sa réalité.

• 1545

Je me réjouis particulièrement de l'initiative prise par le Regroupement des universités de la francophonie hors Québec. C'est ma distinguée successeure qui préside cet organisme et qui a dirigé cette action importante. Ce regroupement s'est lui aussi organisé en réseau, permettant l'inscription à distance de jeunes francophones n'importe où au pays, dans n'importe quelle institution du réseau.

Nous avons également assisté à un certain progrès dans la mise en application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Je parle bien d'un certain progrès parce que je serai obligé de parler de ce sujet lorsque je passerai au côté négatif du bilan. Mais il y a quand même eu des progrès. Les 27 institutions fédérales ont dressé des plans d'action. À la demande de ce comité, mon bureau s'est penché sur ces plans d'action et a travaillé en vue de les bonifier. La deuxième génération de plans présentait indéniablement une amélioration, bien que cette amélioration n'était pas encore suffisante dans tous les cas. Nous sommes rendus maintenant à la troisième génération et nous constatons qu'il y a du progrès.

Enfin, une chose qui m'a beaucoup plu, parce que je m'en plains depuis un bon moment, c'est que Statistique Canada, en collaboration avec mon bureau et d'autres institutions fédérales, se penche sur les besoins en recherche démographique afin que nous puissions mieux connaître la réalité des communautés et mieux planifier leur avenir et leur renforcement.

[Traduction]

Le besoin de recherche a été porté à mon attention à plusieurs reprises au fil des ans. Les communautés francophones vivant dans des situations minoritaires font face à la réalité de l'assimilation, et les statistiques ne semblent pas, à mon humble et, je l'espère, objective opinion, tracer un portrait fidèle de ce qui arrive aux ressources humaines des communautés en question.

Je suis particulièrement heureux que nous envisagions la possibilité de faire une évaluation plus détaillée, plus nuancée, de ce qui arrive en fait sur le plan humain à la conduite linguistique des membres des communautés, et par conséquent des communautés comme telles.

Le même type de demande a été portée à mon attention à plusieurs reprises par les communautés anglophones du Québec. Là encore, il y a eu des problèmes au niveau des ressources humaines. Ces communautés ont perdu de la force. Il est essentiel que nous connaissions non seulement les chiffres exacts, mais aussi les détails des tendances qui influencent la démographie et ce que l'on peut faire pour essayer de renverser les tendances négatives que nous rencontrons.

J'ai dit que je devais parler des côtés négatifs lors de mon évaluation de ces huit années. L'automne dernier, j'ai eu l'honneur de m'adresser à un symposium qui réunissait quelque 700 personnes de toutes les régions du Canada pour parler des langues officielles. Ce n'est pas que je veuille critiquer, mais il y avait un certain ton de félicitations au cours de ces discussions. Le dernier jour, j'ai dit: «Je ne veux pas être un rabat-joie, mais je dois dire certaines choses qui ne sont pas tout à fait positives.» J'ai posé la question suivante: «Le service au public offert par les institutions fédérales dans les deux langues officielles là où le nombre le justifie est-il aussi bon qu'il devrait l'être?» J'ai dû répondre: «Non, il n'est pas aussi bon qu'il devrait l'être.» Depuis ce temps, les suivis que nous avons faits dans chacune des provinces indiquent que la situation est à peu près la même que lorsque nous avons fait nos premières études, c'est-à-dire il y a presque cinq ans.

• 1550

Ce n'est pas acceptable, car c'est une question de vérité de la publicité. Nous disons aux Canadiens que certains bureaux sont désignés comme étant bilingues et qu'ils pourront donc y obtenir des services dans l'une ou l'autre langue officielle. Si c'est ce qu'on dit aux gens, cela doit être vrai 100 p. 100 du temps. Cela ne l'est pas, et jusqu'à ce que cela le soit, nous ne pouvons être satisfaits.

J'ai posé la question: «Les communautés sont-elles plus fortes? Sont-elles mieux appuyées qu'elles ne l'étaient il y a huit ans?» Encore une fois, j'ai dû répondre: «Pas vraiment.» Nous ne reconnaissons toujours pas la particularité de la contribution des communautés de langue officielle minoritaire à l'histoire de notre pays, à la réalité d'aujourd'hui et à ce qui fait que le Canada est ce qu'il est.

Je me suis penché à plusieurs reprises sur les soins de santé et la nécessité pour les soins de santé et les services sociaux d'être offerts de façon à ce que les communications soient parfaitement compréhensibles entre les professionnels d'une part et les bénéficiaires de l'autre. Je suis extrêmement heureux de la décision du gouvernement d'investir dans la formation des professionnels des soins de la santé francophones en appuyant l'Université d'Ottawa à cet égard. Je suis toujours préoccupé par le fait que la communauté anglophone du Québec n'ait obtenu que dans une minorité de régions de la province l'approbation des plans d'accès à laquelle s'était engagée l'Assemblée nationale du Québec il y a un certain nombre d'années aux termes de la loi 42.

Enfin, il y a deux choses. Vous vous rappellerez qu'il y a un an, lorsque j'ai déposé mon rapport annuel pour l'exercice précédent, j'avais inclus un sondage sur les transformations de la structure fédérale, et plus particulièrement la dévolution de certaines responsabilités du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux et, dans certains cas, aux administrations municipales. J'ai souligné que même si chacune de ces dévolutions était logiquement justifiée, et avait une certaine valeur sur le plan de la rationalisation des relations fédérales-provinciales et de l'équilibre de l'administration publique entre les gouvernements fédéral et provinciaux, un élément majeur était absent et l'est toujours, soit l'assurance d'un recours approprié et d'un mécanisme de redressement si les services ainsi dévolus à un autre palier d'administration publique ne sont pas obtenus. Lorsque la responsabilité devient celle du gouvernement provincial ou de l'administration municipale, le citoyen ne peut plus faire appel au commissaire aux langues officielles.

J'avais espéré que le groupe de travail Fontaine, qui a fait un excellent travail, corrige cette situation, mais dans ce cas-ci en particulier, il n'est pas arrivé à une solution adéquate et constructive.

• 1555

Comme je l'ai dit au comité par le passé, j'ai pris l'initiative de consulter mes collègues provinciaux, les ombudsmans des provinces. Leur réponse a été positive. Ils ont accepté d'examiner le cadre législatif et juridique qui leur permettrait de prendre cette responsabilité. Nous n'en sommes pas encore au point où nous puissions dire à la population canadienne qu'un mécanisme de recours lui est clairement offert.

Par ailleurs, vous vous rappellerez qu'il y a un ombudsman seulement dans huit des dix provinces. Je dois reconnaître également—je ne le dis pas de façon négative, mais comme une simple observation du fait—que les bureaux de l'ombudsman dans bon nombre de provinces n'ont pas d'expérience en ce qui concerne les questions linguistiques et le fonctionnement dans les deux langues officielles.

Enfin, j'avais espéré que mes rapports successifs au Parlement, à la population canadienne, auraient sensibilisé davantage les représentants élus et les fonctionnaires administratifs responsables à la nécessité de tenir compte des deux langues officielles et des Canadiens qui parlent l'une ou l'autre de nos deux langues officielles chaque fois qu'ils mettent en place de nouveaux programmes, qu'ils allouent des ressources et tout simplement lors de la conceptualisation générale et de la mise en oeuvre des politiques publiques. J'aimerais pouvoir dire qu'en conclusion, non seulement en ce qui concerne ces observations, mais aussi à la suite de ces huit années, je suis entièrement convaincu que les gens accordent à cette question l'attention qu'elle mérite.

Je remercie les membres de votre comité de leur cordialité au fil des ans et je suis naturellement à leur disposition pour tout dialogue qu'ils voudraient entreprendre.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup, monsieur Goldbloom. J'ai beaucoup apprécié la façon dont vous nous avez présenté les côtés positif et négatif. J'aimerais vous dire qu'avant la fin de cette séance, je vous remettrai une baguette magique et vous demanderai de faire un souhait à notre intention, nous les parlementaires, afin que nous puissions bénéficier de cette sensibilisation accrue dont vous venez de nous parler et que nous sachions comment la propager.

Madame la coprésidente, si vous êtes disposée à poser vos questions un peu plus tard, je donnerai la parole à Inky.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Oui, je peux attendre.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Inky.

[Traduction]

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je tiens à vous remercier, monsieur Goldbloom, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui, et pour toutes ces années de service que vous avez données à notre pays.

J'ai plusieurs questions à poser. Tout d'abord, il ne fait aucun doute que les données démographiques pourraient devenir un gros problème dans l'avenir. Ma question concerne les sociétés autochtones et inuites. Comme vous le savez, nous avons un nouveau territoire. J'aimerais savoir de quelle façon vous voyez le rapport entre les langues officielles et les langues autochtones.

M. Victor Goldbloom: Strictement, les langues autochtones ne sont pas de mon ressort. Je m'intéresse beaucoup à la vitalité et à la survie des langues autochtones au Canada. De temps à autre, j'ai en fait consacré un petit paragraphe de mon rapport annuel à cette question. Il se trouve que plus tôt au cours de ma vie j'ai été membre fondateur du Conseil canadien pour le commerce autochtone, de sorte que mon intérêt à cet égard n'est pas simplement théorique.

• 1600

Nous avons 53 langues autochtones au Canada, et la force de chacune varie considérablement. Je ne suis pas un expert en la matière, mais d'après l'information que j'ai pu obtenir je crains que la très grande majorité de ces langues n'aient pas le fondement solide nécessaire pour survivre en tant que force linguistique vitale au XXIe siècle. Trois langues autochtones—le cri, l'ojibway et l'inuktitut—semblent avoir une base solide, et en fait, il y a quelques décennies, avec l'aide de linguistes intéressés, la population inuite a mis au point une langue écrite, ce qui est un facteur important pour la survie de la langue.

Il est important pour moi que nous ne tentions pas, comment dirais-je, de conserver les langues comme on le ferait dans un musée. Nous pouvons enregistrer des histoires orales et classer les bandes audio dans des bibliothèques, mais si nous ne sommes pas en mesure de renforcer la capacité des communautés en question d'utiliser leur langue comme outil de communication, et particulièrement comme un outil de communication entre les générations, nous n'allons pas vraiment rendre service à nos communautés autochtones comme nous devrions le faire.

M. Inky Mark: J'aimerais vous poser une question concernant votre rôle comme défenseur de la langue. Comme vous le savez, une chose que l'on reproche souvent à la Loi sur les langues officielles, c'est qu'elle peut parfois être utilisée pour faire de la discrimination fondée sur la langue, que ce soit pour une promotion ou une rétrogradation. Le commissariat a-t-il examiné ce genre de préoccupations, et avez-vous maintenu une base de données sur ce genre de préoccupations?

M. Victor Goldbloom: Oui, car de temps à autre nous recevons des plaintes sur cette question en particulier. Comme vous le savez, la loi dit explicitement que les Canadiens anglophones et francophones doivent avoir des chances égales d'emploi et d'avancement au sein de la fonction publique fédérale. Elle stipule également que si un poste doit être désigné bilingue, on doit pouvoir en démontrer la justification objective. Parfois la raison que donne un ministère en particulier pour désigner un emploi bilingue est contestée. Nous nous occupons donc du dossier et nous examinons cette raison. Comme dans presque toutes les situations, nous en arrivons parfois à la conclusion que le ministère avait raison et parfois qu'il n'avait pas raison. Nous tranchons la question de la façon la plus objective possible. En tant qu'ombudsman, j'ai voulu m'opposer fermement et vigoureusement à toute possibilité de discrimination.

M. Inky Mark: Si vous me le permettez, une petite question?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Deux minutes, monsieur Mark.

M. Inky Mark: Comme vous le savez, la position du Parti réformiste est fondée sur le bilinguisme territorial et également sur le bilinguisme dans les institutions fédérales. Vous soulevez la question du service au public au sein de la fonction publique fédérale. Pouvez-vous répondre à la question et nous dire jusqu'à quel point ce service devrait être assuré?

M. Victor Goldbloom: Ce service devrait être assuré à 100 p. 100 dans les bureaux désignés. Ces bureaux sont désignés à la suite des résultats des recensements. Permettez-moi de dire qu'on fait souvent une distinction entre ce que l'on appelle le bilinguisme territorial et le système que nous utilisons. Le fait est que nous avons un bilinguisme territorial. Il n'est pas fondé sur les provinces en tant qu'unités. Il est fondé sur les territoires établis à la suite d'un recensement comme unités. Dans chacun de ces territoires, les Canadiens anglophones et francophones sont comptés selon leurs réponses lors du recensement, et selon les chiffres et les pourcentages obtenus, on décide que tous les bureaux fédéraux, ou certains bureaux fédéraux, ou uniquement quelques bureaux fédéraux clés, seront désignés bilingues. Lorsqu'un bureau est désigné bilingue, cela veut dire que la population peut obtenir le service dans l'une ou l'autre langue, car dans ce district de recensement il y a suffisamment de gens qui parlent les deux langues pour le justifier. Si c'est ce qu'on dit, il faut que cela soit vrai. Et c'est à cet égard que je ne suis pas satisfait.

• 1605

La désignation des bureaux n'a pas toujours été faite après avoir bien consulté les communautés minoritaires concernées. Cela ne veut pas dire que les chiffres ne soient pas bons, car on se base sur des normes établies dans des règlements du Conseil du Trésor, mais il conviendrait peut-être davantage à la communauté que le bureau se trouve à un endroit plutôt qu'à un autre. Si on a choisi le mauvais endroit, on n'a pas rendu service à la communauté. Nous mettons donc beaucoup l'accent sur la consultation auprès de la communauté afin de nous assurer que nous offrons des services au bon endroit.

L'autre chose—et si ma mémoire est bonne, je l'ai déjà mentionnée à votre comité par le passé—c'est que les annuaires téléphoniques ont des pages bleues, particulièrement dans les grands centres. Les pages bleues sont en anglais et en français dans les grandes villes. On suppose donc que si un bureau fédéral est listé en anglais dans un annuaire téléphonique de Québec ou en français dans l'annuaire téléphonique d'Edmonton, c'est que le premier offre des services en anglais et le deuxième en français. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Ce n'est qu'une liste téléphonique, et les bureaux désignés bilingues ne sont pas identifiés. Nous avons fait de nombreuses pressions auprès du Conseil du Trésor et d'autres ministères afin de nous assurer que lorsque les gens consultent les pages bleues, ils puissent savoir immédiatement où ils peuvent obtenir des services bilingues. Autrement, ce n'est pas juste, et nous n'informons pas bien la population.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, monsieur Mark.

[Français]

Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon: Merci, monsieur le commissaire. Je suis heureux également de vous accueillir à ce comité. Je suis à la Chambre des communes depuis 15 ans et j'ai presque toujours siégé au Comité des langues officielles; j'ai donc vu passer plusieurs commissaires. Bien que je trouve toujours que les commissaires ont beaucoup de complaisance envers le gouvernement, je dois dire que, de tous ceux que j'ai connus, vous avez été le plus dérangeant. C'est pour moi une façon de vous lancer de belles fleurs. Je dirai que vous avez été particulièrement dérangeant dans vos deux derniers rapports et dans celui-ci.

Beaucoup de choses ont été dites depuis que vous avez publié vos rapports, et je voudrais profiter de votre dernière comparution au comité pour consulter l'homme sage que vous êtes sur des domaines qui ne sont pas contrôlés directement par la Loi sur les langues officielles mais qui, selon moi, devraient l'être. Comment pourrait-on s'y prendre? Je ne le sais pas. Ce n'est ni la faute des ministres ni celle d'un parti politique; c'est la faute d'une situation étrange.

Cette réflexion, je vous la soumets à partir d'une lettre que j'ai reçue d'un médecin, le Dr Lefebvre, qui est radio-oncologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Ce médecin fait des essais cliniques et fait affaire avec l'Institut national du cancer du Canada. Cet institut a son siège principal à l'Université Queen's, en Ontario. Pour pouvoir faire ces essais cliniques, il doit renseigner son malade et le faire dans la langue de ce dernier. Or, les documents qui sont fournis par l'Institut national du cancer sont exclusivement en anglais. Je sais que cet institut, même s'il est subventionné par le fédéral, reçoit la plupart de ses fonds de compagnies ou de cueillettes de fonds et non pas directement d'un organisme sous votre juridiction.

• 1610

Cela a une conséquence grave. Vous avez beaucoup parlé d'éducation, de services sociaux et de services de santé dans les deux langues et vous avez dit que c'était la philosophie qui sous-tendait la mise en application de la Loi sur les langues officielles. Les malades qui pourraient espérer guérir grâce aux essais cliniques de nouveaux médicaments n'ont pas accès à ces essais parce que les médecins n'ont ni les ressources ni le temps pour traduire le document à ces malades dans le but de bien leur expliquer les conséquences possibles du médicament à l'essai.

M. Lefebvre a écrit à l'Institut national du cancer du Canada pour demander s'il n'était pas possible qu'on lui fournisse les documents en français pour qu'il puisse les donner aux malades afin qu'ils comprennent bien les enjeux avant de prendre les médicaments. On lui a répondu ceci:

[Traduction]

Si nous devons faire davantage, cela aura d'importantes répercussions sur le plan des ressources.

[Français]

On lui répond donc qu'on ne peut pas le faire et qu'on le fait uniquement en anglais.

Je ne vois pas de coupable. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen d'améliorer une situation comme celle-là, et c'est pour cela que je vous pose la question. En parlant à plusieurs médecins, je me suis rendu compte que c'est la même chose dans le cas de la Croix-Rouge et de tous les organismes de santé et de recherche nationaux.

Le Québec perd ainsi des retombées économiques très importantes, et les médecins et patients francophones souffrent énormément du fait qu'ils n'ont pas accès aux ressources au même titre que les anglophones. Y a-t-il une réflexion à faire là-dessus? Je vous demande de la faire, si c'est possible, ou bien de nous la faire parvenir par écrit.

M. Victor Goldbloom: Monsieur Plamondon, je déplore comme vous la non-disponibilité de la documentation dans les deux langues.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Excusez-moi, docteur Goldbloom.

Vous voulez une précision?

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Oui. Mon collègue a tendance à généraliser. Il parle de l'ensemble des instituts de santé. Quelle recherche a-t-il faite? De quels instituts parle-t-il? Il a nommé jusqu'à maintenant l'Institut national du cancer et la Croix-Rouge. Pourrait-il me nommer tous les organismes de sa liste? Je connais des instituts bilingues. Je voulais avoir cette précision avant qu'on continue, mais je dois dire que la question de mon collègue est très pertinente, tout comme la mienne d'ailleurs.

M. Louis Plamondon: Après avoir reçu cette lettre du Dr Pierre Lefebvre, je lui ai téléphoné et il m'a fait part de son désarroi face à l'Institut national du cancer. Il m'a envoyé une copie de la lettre qu'il avait fait parvenir à l'institut. Il m'a dit que son problème en était un qui était généralisé dans les institutions de recherche au Québec. La plupart des médecins sont bilingues et ils ont une clientèle qui peut s'adapter s'ils leur expliquent le moindrement les choses en traduisant, mais ils aimeraient avoir un service direct. Sans énumérer précisément une série d'institutions, le Dr Lefebvre a indiqué qu'il s'agissait là d'un problème assez général. C'est dans ce sens que je pose la question au Dr Goldbloom, qui dit, lui aussi, déplorer la situation. Je vous laisse donc poursuivre.

M. Victor Goldbloom: Je regrette beaucoup que l'on ne puisse pas obtenir une documentation utile dans les deux langues officielles, d'autant plus que vous m'avez entendu, à plus d'une reprise, insister sur la responsabilité du professionnel de la santé de bien communiquer avec le malade et d'échanger avec lui dans les deux sens de façon absolument compréhensible.

En l'occurrence, les renseignements que j'ai obtenus m'indiquent que l'institut en question ne reçoit pas de subventions comme telles du gouvernement fédéral. Il est donc exempté de l'application de la Loi sur les langues officielles.

Sans pouvoir répondre de façon vraiment utile à la question fondamentale de savoir comment on pourrait instaurer un régime qui donnerait de meilleurs résultats, j'insiste certainement pour que les organismes nationaux, du secteur public, parapublic ou privé, assument une responsabilité à l'endroit de l'ensemble de la population, ce qui implique de l'assumer dans les deux langues.

• 1615

Je dois ajouter que je reçois chaque année un certain nombre de communications de la part d'organismes de différents domaines qui me disent constituer un organisme national, posséder des membres anglophones et francophones, mais travailler surtout en anglais parce que c'est la langue de la majorité de leurs effectifs, mais qu'ils aimeraient, lorsqu'ils tiennent une réunion nationale, être en mesure de tout traduire pour que tous les participants se sentent sur un pied d'égalité et puissent tout comprendre. Malheureusement, depuis un certain temps, les ressources affectées par le gouvernement fédéral à l'appui de l'interprétation simultanée et de la traduction de documents sont moindres. Je regrette beaucoup que ce soit le cas.

Des organismes de juges, de juristes et de professionnels de la santé me disent tous la même chose: ils aimeraient respecter tous leurs membres et être en mesure de leur communiquer leur documentation pour leur permettre de participer pleinement aux discussions dans les deux langues. Je souhaite ardemment que nous fassions davantage pour permettre à ces organismes de faire mieux.

Pour le cas particulier que vous soulignez, ce n'est pas une solution que j'apporte, mais il y a certainement une bonne volonté entre collègues dans différents domaines d'aider la personne de l'autre langue officielle à obtenir des traductions pour qu'elle ait une bonne compréhension de la documentation et puisse bien communiquer avec le client.

M. Louis Plamondon: Je vous consulte encore en tant qu'homme sage. Il est arrivé que des gens unilingues français soient emprisonnés dans une province à très grande majorité anglaise et aient des problèmes avec la direction. Je vous soumets le cas de M. Alain Ducap, emprisonné en Alberta, qui m'a écrit. Les francophones ont organisé une espèce d'association de prisonniers dont il est le président. Je vous cite deux petits paragraphes de sa lettre:

    Voici mon problème. Depuis mon arrivée le 19 novembre 1998, ils m'ont obligé d'aller à l'école pour apprendre l'anglais sous la menace de faire plus de temps car ils veulent que nous fassions des programmes uniquement en anglais.

    Alors je lui ai répondu que cette institution est fédérale, ils doivent être bilingues. Il m'a répondu qu'il n'est pas obligé.

Y a-t-il ou devrait-il y avoir dans la Loi sur les langues officielles l'obligation de permettre aux prisonniers de suivre dans leur langue des cours qui les intéressent, dans quelque domaine que ce soit? M. Ducap l'a demandé au directeur, M. Hedrick, et ce dernier lui a répondu qu'il recevait de l'argent pour ces programmes mais qu'il était libre d'en faire ce qu'il voulait. Il précisait dans sa lettre qu'il existe cependant des cours en indien, par exemple. Tant mieux s'il y a des cours dans plusieurs langues, mais y a-t-il une obligation dans la loi, ou devrait-il y en avoir une?

• 1620

M. Victor Goldbloom: Nous recevons des plaintes de la part de détenus francophones dans des régions à majorité anglophone et de détenus anglophones au Québec, qui nous disent qu'ils ne sont pas en mesure d'obtenir dans leur langue des services, des cours de formation et des communications avec les responsables. Nous traitons ces plaintes comme toutes les autres et nous faisons les recommandations qui s'imposent. Nous avons en général une bonne collaboration de la part du Service correctionnel du Canada.

En Alberta, le problème est que la langue de travail est l'anglais. Les deux langues sont à la disposition des fonctionnaires fédéraux et des autres gens qui travaillent dans des institutions fédérales dans la région de la Capitale nationale, dans certaines régions de l'Ontario, notamment le nord et l'est, dans certaines régions du Québec et au Nouveau-Brunswick. Partout ailleurs, c'est le français au Québec et l'anglais dans les autres provinces. Cela crée un problème lorsqu'il s'agit de fournir des services à un nombre restreint de personnes de langue officielle minoritaire dans une institution comme celle-là.

Je ne suis pas expert dans le domaine correctionnel, mais il me semble qu'il y a eu des transferts de gens d'une région du pays à l'autre afin de leur permettre de vivre dans leur langue. C'est la suggestion que j'aimerais faire. Sur le plan pratique, il serait difficile de créer toute une gamme de services là où le nombre de gens requérant ces services serait très restreint. J'encouragerai donc le Service correctionnel à se pencher sur cette situation et d'autres afin de faire les ajustements qui s'imposent.

Nous avons le même problème dans d'autres domaines. J'ai des discussions soutenues avec le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes sur l'affectation de militaires et de leurs familles dans des bases unilingues. Ces personnes de langue officielle minoritaire se trouvent dans une situation plus difficile.

J'espère donc que l'on adoptera des politiques assez souples pour répondre aux besoins des personnes en question.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je voudrais ajouter quelque chose. Je trouve très pertinente la question de M. Plamondon sur le Service correctionnel. Je prends l'exemple de la région de l'Atlantique, où on a une prison pour femmes à Truro, en Nouvelle-Écosse. Il y a là des femmes francophones du Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, on a une loi sur les langues officielles. Pourriez-vous demander au Service correctionnel de bien nous éclairer sur cette loi? Je reprends la question de M. Plamondon. Est-ce qu'un cours en anglais est justifié dans les services? Quels sont les services du côté des prisons? Je trouve que le comité aurait avantage à ce qu'on précise cette question, à moins que vous ayez quelque chose à ajouter.

M. Victor Goldbloom: J'ajouterai simplement que je prends acte de la préoccupation du comité et que j'engagerai un dialogue avec le directeur du Service correctionnel, qui est une personne d'une ouverture d'esprit exemplaire. Je vais en discuter avec lui pour le saisir de ce problème que vous et M. Plamondon avez soulevé.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.

Monsieur Paradis.

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Docteur Goldbloom, dans ma circonscription de Brome-Missisquoi, un hôpital qui s'appelle Brome-Missisquoi-Perkins dessert une communauté mixte. Vous connaissez les Cantons de l'Est. À l'heure actuelle, le gouvernement du Québec projette d'amputer—c'est le cas de le dire—cet hôpital de certains services importants.

• 1625

Dans notre Loi canadienne sur la santé, il y a des critères auxquels les provinces doivent adhérer pour recevoir les pleins transferts fédéraux en matière de santé. Ces critères sont les suivants: universalité, accessibilité, intégralité des services, transférabilité et gestion publique.

Est-il de votre rôle d'examiner si les institutions publiques d'une région donnée, comme celle des Cantons de l'Est, offrent les pleins services dans les deux langues officielles? Que pouvez-vous faire dans un cas comme celui-ci?

M. Victor Goldbloom: Monsieur Paradis, la santé étant surtout mais non pas exclusivement de juridiction provinciale, je ne suis pas en mesure de réclamer un droit de regard sur de telles institutions. Je signale qu'il y a une différence philosophique et mathématique entre la Loi fédérale sur les langues officielles et les lois linguistiques du Québec.

Au fédéral, nous établissons des pourcentages qui sont généralement de l'ordre de 5 p. 100 et nous disons que s'il y a au moins ce pourcentage de gens de langue officielle minoritaire dans une région, nous leur fournissons les services. Au Québec, c'est essentiellement 51 p. 100. Si on n'a pas la majorité, on n'a pas le droit d'obtenir des services dans sa langue au niveau municipal ou dans le secteur de la santé.

C'est une différence importante. Je peux comprendre l'importance pour moi, comme pour tous les Québécois, de voir à la protection et à la vitalité de la langue française, de voir à l'emploi de la langue française comme langue d'usage au Québec, mais lorsqu'il s'agit de la santé et des services sociaux, j'ai une attitude différente. J'ai évidemment mes antécédents personnels professionnels. Je suis un professionnel de la santé. Je suis donc peut-être davantage sensibilisé aux préoccupations que je mets de l'avant.

Il me semble que lorsqu'il s'agit de la santé des gens, on devrait faire preuve non seulement de souplesse, mais aussi de générosité et de compréhension et assurer une bonne communication, que ce soit par l'affichage ou par la disponibilité de services. C'est ce que nous demandons. Par exemple, j'ai parlé du ministère de la Défense nationale et des familles de militaires qui sont postées à des coins du pays qui sont essentiellement unilingues. On a quand même une responsabilité à l'endroit de ces familles. Nous avons obtenu du ministère qu'il adopte une nouvelle politique reconnaissant ces besoins.

J'aimerais que nous puissions ensemble, en toute sérénité et sans considération politique dans la mesure du possible, nous pencher sur les véritables besoins humains des gens qui sont malades ou qui ont besoin de services sociaux et être accueillants à leur endroit.

M. Denis Paradis: Monsieur le commissaire, puis-je vous demander d'examiner cette situation globalement en prenant en considération l'ensemble des communautés des Cantons de l'Est ainsi que ce service qui, à mon humble avis, devrait être donné à la population? Serait-il possible qu'à titre de commissaire, vous puissiez regarder globalement la situation et ensuite décider s'il y a quelque chose à faire ou non?

M. Victor Goldbloom: Permettez-moi d'étudier avec mes principaux collaborateurs la mesure dans laquelle je pourrai répondre positivement à votre requête.

• 1630

J'assistais, il y a deux ou trois ans, à un événement que vous connaissez fort bien, le Townshippers' Day. J'ai parlé avec émotion de ce sujet. J'ai également communiqué par lettre avec des ministres successifs de la Santé du Québec à ce sujet. Donc, je ne cherche pas à éviter une action possible et je vais voir si je puis être utile.

M. Denis Paradis: Merci beaucoup, monsieur le commissaire. J'ai un autre point à soulever.

Le gouvernement du Canada sera l'hôte du Sommet de la Francophonie à Moncton, en septembre prochain. Nous recevrons 52 chefs d'État de pays francophones et de pays ayant l'usage du français en partage. Je trouve l'expression «l'usage du français en partage» un peu... Pour plusieurs de ces pays, le français n'est pas la langue principale. En tant que commissaire aux langues officielles, vous avez pour mandat de faire la promotion de la dualité linguistique à l'intérieur du pays. Allez-vous profiter de cette extraordinaire tribune pour faire en sorte que les 52 pays de la Francophonie qui participeront à ce sommet puissent voir la vitalité des deux langues officielles au pays?

M. Victor Goldbloom: C'est un objectif personnel et professionnel qui m'est important. Je peux vous dire que je participerai, à titre de conférencier, à un colloque international de professionnels de la santé francophones à Moncton et que ma successeure, Mme Dyane Adam, participera à divers événements du sommet au moins d'août.

Je suis vivement attaché à la francophonie canadienne dans son ensemble et je tiens beaucoup à ce que cette francophonie soit reconnue comme existant d'un océan à l'autre.

M. Denis Paradis: Merci, monsieur Goldbloom.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Avant de donner la parole au sénateur Rivest, je vais la donner à Mme Finestone, qui avait exprimé le désir de faire un commentaire supplémentaire sur la première question de Denis Paradis sur les soins de santé. Je vous garantis, cher collègue, que vous aurez ensuite la parole.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Goldbloom, lorsque vous examinerez la situation dans la circonscription de Brome-Missisquoi, je me demande si vous auriez l'obligeance de vous informer également au sujet du programme pour les coordonnateurs dans le secteur de la santé, programme qui est financé conjointement par le gouvernement provincial et fédéral. Il s'agissait d'un fonds conjoint d'un million de dollars où on a tenu compte des besoins des diverses communautés. Ce programme conjoint n'a pas été renouvelé. Je crois qu'il relève de la loi 142, et je vous en saurais gré si vous pouviez examiner la situation.

M. Victor Goldbloom: Je le ferai avec plaisir. J'ai déjà écrit aux deux paliers de gouvernement pour exprimer mon profond regret du fait que ce programme n'ait pas été renouvelé. On prive ainsi la communauté anglophone, particulièrement du fait que jusqu'à présent—j'espère que cela ne durera pas—les plans d'accès n'ont pas été approuvés dans la majorité des régions de la province.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je crois comprendre qu'il y a eu des coupures importantes et que c'est une question de main-d'oeuvre. Je suis heureuse que vous y donniez suite.

M. Victor Goldbloom: Je dois dire qu'à cet égard les conseils régionaux des soins de santé et les services sociaux ont été très positifs dans leur analyse de la situation et dans leurs recommandations concernant les plans d'accès. D'après ce que j'en sais, ce sont de bons plans d'accès. J'espère qu'ils seront approuvés et mis en oeuvre.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.

Sénateur Rivest.

Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Monsieur le commissaire, c'est la dernière fois qu'on vous reçoit. D'abord, je vous remercie. Je pense que vous allez bientôt entreprendre une septième, huitième ou neuvième carrière. Pour ma part, j'ai eu le privilège d'être dans votre environnement dans au moins deux de vos nombreuses carrières. Je tiens à dire à la commission que j'ai toujours été extrêmement impressionné par sa volonté de service au public. Je pense que telle a été la marque de commerce et la grande ligne de l'engagement de Victor Goldbloom partout où il est passé, que ce soit au gouvernement du Québec, où je l'ai connu de plus près, ou ici, à Ottawa, comme commissaire aux langues officielles. Au nom de l'ensemble des Québécois et des Canadiens, on doit remercier Victor Goldbloom pour la qualité des services au public qu'il a rendus au Québec et au Canada.

• 1635

Je voudrais vous poser une dernière question. Ce sera évidemment une question large. Dans votre dernier rapport, vous avez pris la peine—et venant de vous, cela avait une signification très, très lourde—de dire au sujet de la Loi sur les langues officielles et du mandat que vous aviez à exercer que vous n'aviez pas toujours été pleinement satisfait de l'appui ou de l'écoute que les les gouvernements successifs avaient accordé à la question de la dualité canadienne. Je pense que vous évoquiez le fait que l'une des conditions majeures de la pérennité de la dualité linguistique canadienne était justement que le gouvernement et l'ensemble des formations politiques renouvellent d'une façon non équivoque et répètent très souvent leur engagement de permettre à ce pays de continuer d'exister dans le respect de la dualité linguistique et culturelle, qui est sa caractéristique fondamentale, ce qui n'exclut pas l'apport des très nombreux autres Canadiens qui nous arrivent ainsi que celui des peuples autochtones. Cependant, la dualité demeure une caractéristique fondamentale, et le pouvoir politique doit continuer de l'affirmer.

Évoquiez-vous le fait que les pouvoirs politiques avaient pris une certaine distance par rapport à cette dimension extrêmement importante du Canada?

M. Victor Goldbloom: Sénateur Rivest, je constate que les paroles sont toujours bonnes. On fait des discours, on publie des documents, on dit toujours les bonnes choses, mais dans la mise en application des programmes et des politiques, je ne constate pas une compréhension suffisante, non plus que le réflexe pavlovien qui amènerait les responsables à agir automatiquement dans la reconnaissance des besoins des êtres humains qui constituent les minorités de langue officielle.

À l'occasion de la conférence de presse sur mon dernier rapport annuel, on m'a demandé, outre le rendement des pouvoirs politiques comme tel, comment j'appréciais le rendement des parlementaires. Je vous prie de me pardonner, mais je n'ai pas été en mesure de donner une note très élevée aux parlementaires. Il y a évidemment des exceptions, et la plupart de ces exceptions ont siégé ou siègent autour de cette table.

En général, c'est un sujet que les parlementaires préfèrent éviter, et je le regrette, parce que les parlementaires ont des responsabilités vis-à-vis de leurs électeurs et électrices ou vis-à-vis de la population dans le cas des membres du Sénat. J'aurais souhaité que les parlementaires soient un peu plus éloquents et soient davantage des éducateurs du public quant à l'histoire du pays et quant à sa réalité humaine d'aujourd'hui. J'espère que vous excuserez ma franchise.

[Note de la rédaction: Applaudissements]

• 1640

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je vous remercie, docteur Goldbloom. C'est pour cela que je vous donnais la baguette magique, pour faire en sorte que les parlementaires deviennent des éducateurs.

Comme deux bons conservateurs, on a conservé du temps. Le sénateur Beaudoin a deux minutes.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): On peut lui en donner quatre.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Oui, on peut lui en donner quatre.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Je m'associe à tout ce qu'a dit mon collègue pour vous remercier du rôle que vous avez joué. Vous avez joué un rôle considérable. Je vous ai vu à l'oeuvre non seulement ici, mais dans d'autres circonstances, et je profite de l'occasion pour vous féliciter.

La plupart des questions que j'ai posées ici ont porté sur la partie VII de la loi. D'ailleurs, vous faites un rapport négatif sur la partie VII, et je suis tout à fait d'accord avec vous. J'ai toujours dit qu'il était malheureux qu'on n'ait pas autant mis en oeuvre cette partie VII, et je me demande pourquoi. Est-ce parce qu'elle est mal rédigée, quoiqu'elle soit aussi bonne que bien d'autres dispositions législatives, ou parce qu'on aurait dû aller plus souvent devant les tribunaux pour les obliger à se prononcer et à donner vie à cette partie VII? J'ai toujours dit que c'est une chose que d'avoir une obligation dans une loi, mais que la nature humaine étant ce qu'elle est, lorsque les cours n'interviennent pas, les gens ne font pas de très grands efforts pour mettre en oeuvre les dispositions impératives des lois. La partie VII, d'après moi, est impérative. Est-ce qu'on aurait dû aller plus souvent devant les tribunaux? Les lois doivent être interprétées, et mon réflexe de juriste est de dire que, pour forcer les gens à agir, il faut obliger les tribunaux à se prononcer.

Est-ce qu'il y a une lacune dans la rédaction de la partie VII ou s'il y a un manque à gagner, à savoir qu'on aurait dû aller devant les tribunaux?

M. Victor Goldbloom: Sénateur Beaudoin, vous vous rappellerez que le législateur, en adoptant la nouvelle Loi sur les langues officielles en 1988, y a introduit le recours judiciaire, mais a choisi d'exclure la partie VII de l'application de ce recours. On ne peut donc, lorsqu'on dépose une plainte et qu'on est incomplètement satisfait du résultat de l'enquête du commissaire, s'adresser aux tribunaux spécifiquement pour cela.

Il y a néanmoins des possibilités d'obtenir des interprétations par d'autres moyens. Je pense que nous sommes à la veille d'en obtenir une, parce que nous avons, au commissariat, une divergence de vues avec le gouvernement, plus précisément avec le ministère de la Justice.

Je n'irai pas dans les détails parce que l'affaire est devant les tribunaux et que je ne voudrais pas sembler plaider devant le comité, mais je me permets de citer un texte que vous connaissez très bien, l'article 41 de la loi:

    41. Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser

a) l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement,...

Le ministère de la Justice affirme que c'est un engagement général qui n'oblige pas les institutions fédérales à poser des gestes. Pourtant, je fais l'observation que le gouvernement a demandé à 27 institutions fédérales de produire un plan d'action et que ce comité a chargé le commissaire d'en faire l'évaluation.

• 1645

L'autre citation que j'aimerais vous offrir vient d'une cause entre l'Institut professionnel de la fonction publique et Sa Majesté la Reine, intimée, et le Commissariat aux langues officielles, intervenant. C'est le juge Joyal qui, en 1993, a dit ce que je cite:

    ...le préambule et l'article 41 de la loi imposent une deuxième obligation. Mon interprétation de l'article 41 va dans le sens de la proposition selon laquelle des considérations de principe obligent l'intimée non seulement à réagir ou à répondre aux pressions exercées sur elle en vue d'obtenir des services bilingues plus nombreux ou plus efficaces, mais encore à élaborer des programmes visant la prestation de ces services là où le besoin se fait sentir, besoin que ne traduiraient pas nécessairement une analyse statistique du nombre des demandes de renseignements ou des dossiers, ou encore le pourcentage de francophones et d'anglophones dans un bureau fédéral particulier.

C'est ma philosophie qui est exprimée dans cette interprétation, et je souhaite que le gouvernement du Canada n'adopte pas une interprétation minimaliste de la portée de la partie VII de la loi.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Pour moi, le mot «engage» engage à faire quelque chose. J'aimerais qu'une cour de justice dise qu'on ne peut pas garder le statu quo, qu'il faut en faire un peu plus.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Il est quand même incroyable que le gouvernement canadien prétende que cet engagement est général, lui qui est censé s'être engagé à défendre la dualité linguistique.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): C'est un commentaire. Vous parlez d'interprétation minimaliste et du fait que l'on dit «quand le nombre le justifie. Je suis sûre que si le sénateur Simard était ici, il demanderait ce que le nombre justifie. Il justifie l'argent. Lorsqu'on dit «quand le nombre le justifie», est-ce conforme à la Loi sur les langues officielles?

M. Victor Goldbloom: La Loi sur les langues officielles est basée sur la notion du nombre, et l'interprétation est faite selon le règlement adopté par le Conseil du Trésor. On parle dans la loi de demande importante. Le Conseil du Trésor s'est penché là-dessus et, il y a bientôt sept ans, a adopté un règlement qui fournit les critères statistiques ou mathématiques qui déterminent où l'on doit fournir des services.

Mais la partie VII de la loi, madame la coprésidente, va plus loin que cela. Il ne s'agit pas seulement de fournir des services à la personne qui demande un passeport ou qui veut avoir des précisions sur son rapport d'impôt; il s'agit d'appui aux communautés. En ce qui concerne les communautés, il n'y a pas de calcul mathématique. La communauté est là, elle est reconnue comme ayant des droits, et ces droits doivent trouver leur réponse dans l'action du gouvernement fédéral.

Il y a évidemment des domaines où des statistiques doivent être utilisées. Je pense à l'éducation: il faut un nombre minimal d'enfants pour créer une école, et c'est normal. On peut souhaiter que dans le village, il y ait une école pour 15 enfants, mais ce n'est pas très pratique lorsqu'on veut, en pédagogue ou en administrateur responsable de l'éducation, fournir toute la gamme des services, des programmes et des cours possibles. Donc, il faut des statistiques, mais en ce qui concerne la partie VII, ce ne sont pas les statistiques qui déterminent la responsabilité à l'endroit des communautés.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.

Sénateur Fraser.

[Traduction]

La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Comme la plupart des gens, j'aimerais commencer par vous remercier. Je pense que vous avez été un commissaire aux langues officielles remarquable. Ce n'est pas surprenant pour quiconque a suivi votre carrière.

• 1650

En vous écoutant aujourd'hui, je me rappelle la première fois que je vous ai rencontré, monsieur Goldbloom. Vous ne vous en souvenez sans doute pas, mais moi, si, car vous étiez ministre du Cabinet, et du jour au lendemain on m'a demandé de faire une entrevue avec vous sur un sujet dont je ne connaissais absolument rien, un sujet compliqué. C'était peut-être l'environnement. Je ne sais pas. Tout ce dont je me souviens, c'est que je n'y connaissais absolument rien. Je suis arrivée, et dès la première question que je vous ai posée, vous avez tout à fait compris la situation, et vous avez essentiellement dicté cette entrevue pour moi. En très peu de temps, vous avez réussi à me brosser un tableau complet d'une situation très complexe, à me suggérer les mesures qui pouvaient être prises dans un monde réel et à me suggérer une ligne d'attaque possible pour rédiger mon article, et tout cela de la façon la plus respectueuse.

Vous avez montré encore une fois aujourd'hui, comme d'habitude, que vous êtes capable de venir à bout des dossiers les plus complexes et de les expliquer.

Tout au cours de vos nombreuses carrières, vous avez fait preuve, en tant que fonctionnaire, d'intelligence, de dignité, de grâce et d'intégrité. Je sais, pour des raisons personnelles, que tous les membres de votre famille ont apporté une contribution considérable à notre pays. Vous avez été un atout extraordinaire pour le Canada, monsieur Goldbloom.

Face à l'avenir, je suis très inquiète au sujet de ce dont le sénateur Rivest parlait, et de certaines questions que vous avez soulevées dans certaines de vos réponses: c'est-à-dire une certaine relâche générale pour ce qui est des langues officielles, l'impression que nous n'avons pas vraiment besoin de faire davantage. Je regarde vos rapports et je vois entre autres qu'Air Canada est encore une fois récalcitrante pour ce qui est d'offrir certains services, et je constate que vous utilisez les outils juridiques à votre disposition, car c'est tout ce que vous pouvez faire lorsque quelqu'un est vraiment récalcitrant.

Je me demande alors s'il y a quelque chose de profond que nous oublions dans notre approche. Avons-nous adopté une approche trop rigoriste ou punitive face aux langues officielles? Est-ce que nous n'avons pas suffisamment célébré les réalisations spécifiques? Par exemple, je ne pense pas qu'il y ait un prix du gouverneur général pour la promotion des langues officielles. Qu'est-ce que nous ne faisons pas à l'heure actuelle que nous pourrions nous efforcer de faire dans les années à venir, mis à part le fait que les parlementaires pourraient jouer le rôle d'éducateur?

M. Victor Goldbloom: C'est important. Je ne peux vous donner un diagnostic complet et précis. J'ai tenté au cours de cette période, et en fait précédemment, de faire comprendre aux gens qu'ils devaient être sensibles à la réalité du Canada, à sa diversité en général et à sa dualité linguistique en particulier.

Nous tenons peut-être les choses pour acquis. Il y a une loi et il y a un commissaire devant lequel on peut porter plainte, et le fait est qu'il vaut vraiment la peine de porter plainte devant le commissaire, car dans la grande majorité des cas cela permet de régler le problème. Donc, nous avons peut-être l'impression qu'il n'est pas nécessaire de faire beaucoup plus.

Je suis cependant déçu que ce ne soit pas quelque chose que l'on célèbre comme une valeur comme nous devrions le faire à mon avis. Au fil des ans, j'ai rencontré les comités de rédaction de tous les grands quotidiens au pays, et, à quelques exceptions près, ils m'ont appuyé non seulement dans les échanges qu'ils ont eus avec moi, mais également dans les éditoriaux qu'ils ont écrits. Je dois exprimer ma tristesse devant une exception. Il y a quelques jours, le journal Ottawa Citizen a publié un éditorial qui, à mon avis, était tout à fait inexact et qui ne reconnaissait pas la réalité humaine du Canada pour ce qui est de la façon dont nous nous définissons. J'espère cependant qu'il y aura eu une certaine contagion de ce que j'ai tenté de dire aux gens.

• 1655

Je dois dire que je reçois beaucoup moins de courrier négatif qu'au cours des deux ou trois premières années de mon mandat. Est- ce parce que les gens se sont lassés de m'écrire parce qu'ils obtenaient une réponse immédiate de ma part—pourvu que ce soit une lettre raisonnablement polie—ou est-ce parce que j'ai eu un certain impact?

J'ai participé à une émission la semaine dernière, juste après le dépôt de mon rapport annuel, à une station de l'ouest du Canada qui a de nombreuses émissions de ligne ouverte. Ce n'était qu'une entrevue; je ne participais pas à une ligne ouverte. J'avais cependant l'impression que le dialogue que j'ai eu pendant environ 20 minutes avec la personne qui anime cette émission était beaucoup plus réel que les dialogues que j'avais eus précédemment.

Donc, peut-être que nous faisons des progrès. Comme vous le savez sans doute, j'ai travaillé dans un domaine quelque peu connexe, celui des relations interreligieuses. Dans ce domaine, je me suis heurté à un sentiment très répandu dans l'opinion publique selon lequel il n'y a plus de problèmes, et que nous n'avons plus vraiment besoin d'investir dans ce genre d'effort. Je pense que c'est peut-être un peu cette attitude que l'on retrouve au sujet des langues officielles. Je pense également, cependant, qu'il y a un manque de contact entre les gens qui parlent une langue et ceux qui parlent l'autre. Nous faisons des progrès. Dans les deux communautés linguistiques, il y a davantage de gens qu'auparavant qui peuvent communiquer dans une langue ou dans l'autre, mais c'est toujours une minorité de Canadiens. Et près des deux tiers des Canadiens qui sont bilingues ont le français comme langue maternelle.

Nous dépendons donc davantage des agents de communication comme le commissaire et les parlementaires que si nous étions généralement plus bilingues que nous ne le sommes. Les gens diront parfois d'une part que le Canada est un pays bilingue et d'autre part qu'il ne l'est pas. Le fait est que nous ne sommes pas un pays bilingue. Nous sommes un pays dans lequel bon nombre de gens—soit près du sixième de la population à l'heure actuelle—parlent les deux langues officielles. Nous sommes un pays où il y a deux langues officielles que nous reconnaissons et respectons. Mais nous ne sommes pas un pays bilingue, car nous ne pouvons l'être. Il n'y a pas suffisamment de gens qui sont exposés de façon continue à l'autre langue pour pouvoir acquérir et maintenir une capacité linguistique dans l'autre langue. C'est pourquoi nous avons besoin d'éducateurs et c'est pourquoi nous avons besoin d'agents de communication.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, sénatrice Fraser.

Monsieur Goldring, c'est à votre tour.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, madame la présidente. Merci, monsieur Goldbloom. Vous méritez certainement des félicitations pour votre carrière et pour avoir servi notre pays tout au long de votre vie.

M. Victor Goldbloom: Merci.

M. Peter Goldring: J'ai des questions à vous poser. Tout d'abord, je pense que ces rapports sont assez bien connus. Celui-ci provient d'un journal de Montréal dans lequel on dit que le système scolaire anglophone est lentement, systématiquement et inévitablement en train de suffoquer. Il y a d'autres rapports également, d'autres communiqués de presse. Ceux-ci proviennent d'organismes du Québec, par exemple du Parti Égalité, de Keith Henderson.

• 1700

Par ailleurs, dans votre rapport, vous parlez des communautés minoritaires anglophones du Québec qui attendent toujours après de nombreux mois que des mesures soient prises. Vous parlez des problèmes et des difficultés à cet égard.

J'aimerais que vous vous reportiez à une allocution que vous avez prononcée à Dublin. Au cours de cette allocution, vous avez dit que vous aviez le pouvoir de recommandation et que vous pouviez, lorsque les choses ne se réglaient pas de façon appropriée, présenter un rapport spécial au Cabinet, et que si cela ne donnait pas de résultats, un rapport spécial au Parlement. Je crois comprendre qu'il s'agit là de votre rapport annuel.

Ma question est la suivante, car les régions problématiques ici... et il me semble qu'il ne serait pas sensé non plus d'avoir une version condensée de ce rapport. D'après ce que vous avez dit, j'en conclus également que vous n'êtes pas entièrement satisfait de ce qui se passe au niveau des langues officielles. Je croirais que cela vous motiverait à présenter un rapport spécial. Ma question est donc la suivante: avez-vous présenté un rapport spécial au cabinet, et, dans l'affirmative, avez-vous eu une réponse satisfaisante? Pouvons-nous nous attendre à ce que vous présentiez un rapport spécial au Parlement?

M. Victor Goldbloom: Les rapports spéciaux que présente le commissaire au Cabinet et au Parlement sont des mesures exceptionnelles. Il ne m'a pas vraiment semblé nécessaire de recourir à cette mesure, surtout, je dirais, en raison de l'intérêt que porte votre comité aux diverses questions dont s'occupe le commissaire. Le comité invite assez fréquemment le commissaire à venir s'entretenir avec lui de ces diverses questions.

La raison d'être des rapports spéciaux au Cabinet et au Parlement est de faire face à des situations où l'opinion publique n'a pas été suffisamment sensibilisée, n'a pas réagi suffisamment, et où le gouvernement s'est activement opposé à faire quelque chose qui avait été proposé dans le rapport initial. Je ne pense pas que cela ait été mon problème. Ce n'est pas vraiment que le gouvernement se soit opposé et ait refusé. Le gouvernement a reconnu qu'il y avait un problème et a dit qu'il allait l'examiner. Dans certains cas il a agi de façon très utile et dans d'autres cas il ne l'a pas fait. C'est ainsi que sont les gouvernements. Je n'ai cependant pas trouvé qu'il était nécessaire de recourir à ce genre de mesures extrêmes.

M. Peter Goldring: Serait-ce considéré comme une mesure extrême ou plutôt comme une tentative de faire bouger les choses lorsqu'un dossier progresse très lentement ou est au point mort? Ce rapport constitue-t-il uniquement une mesure extrême, ou est-il, comme je l'ai déjà dit, pour résumer, un moyen de lancer et de faire avancer le processus?

M. Victor Goldbloom: Je sais bien que ce qui est extrême pour une personne est tout à fait ordinaire pour une autre, et n'allez surtout pas penser que j'accordais une telle importance au mot «extrême».

Ce sont les résultats qui comptent. C'est fondamentalement ma philosophie, et c'est aussi ce que j'ai essayé de mettre en pratique. Le comité s'est intéressé à certaines questions, et cet exercice a mené à un certain nombre de résolutions et de recommandations qui ont été transmises au gouvernement. Comme je l'ai dit, parfois le résultat est positif, parfois il ne l'est pas.

• 1705

S'il s'agissait seulement d'une tendance à se faire prier, ce ne serait pas suffisant pour que j'envoie un rapport spécial au Cabinet ou au Parlement. Le Parlement reçoit mon rapport annuel. C'est un rapport qui s'adresse au Parlement, et ce comité a reçu tous les autres rapports que j'ai préparés, a donné son opinion à leur sujet, et également s'est engagé à communiquer les conclusions de ces rapports au gouvernement. Autrement dit, il m'a semblé que le comité m'apportait de l'aide, et non pas qu'il m'obligeait à aller plus loin que ces rapports réguliers.

Dans l'avant-dernier numéro de ma lettre circulaire, nous avons publié une liste des 22 rapports spéciaux que j'ai préparés, et cette liste occupe deux pages. Ce sont des rapports dont j'ai pris moi-même l'initiative, et non pas simplement des réponses à des plaintes des citoyens. Ces rapports ont suscité beaucoup d'intérêt.

Prenez l'exemple du rapport que j'ai publié l'année dernière sur les dévolutions et autres transformations. J'ai demandé au gouvernement de mettre sur pied un groupe de travail pour approfondir cette étude, et le gouvernement l'a fait immédiatement. Après un délai très raisonnable pour un groupe de travail, celui-ci a présenté un rapport, et le gouvernement a annoncé qu'il prendrait des mesures. Bien que ces mesures n'aient pas encore été prises, je n'ai aucune raison de penser que le gouvernement se fait prier et que cela justifie des mesures plus radicales.

M. Peter Goldring: Vous avez dit tout à l'heure que lorsque la responsabilité des questions linguistiques était cédée aux provinces, cela relevait de la compétence provinciale, ce n'était plus du tout du ressort du gouvernement fédéral: est-ce que tout cela ne fait pas partie intégrante de ce processus de cession des responsabilités à la province? Est-ce qu'on ne devrait pas considérer la question dans un contexte élargi, et considérer en même temps des choses comme la Charte des droits et libertés? Par exemple, est-ce que ce n'est pas justement le genre de choses qui s'inscrivent dans le processus de cession des responsabilités à la province?

M. Victor Goldbloom: Le débat au sujet de l'équilibre entre les responsabilités fédérales et les responsabilités provinciales, la simplification des compétences qui se chevauchent, etc., tout cela dure depuis très longtemps, et je ne suis pas expert en la matière.

La Charte, qui a été adoptée en 1982, donnait des précisions sur les langues officielles et sur les droits des collectivités qui parlent une langue officielle en ce qui concerne l'éducation. Ces droits ont été soumis à l'épreuve des tribunaux, et la Cour suprême du Canada a rendu deux jugements très détaillés sur l'interprétation de l'article 23 de la Charte. Par conséquent, c'est un document canadien qui s'applique dans tout le Canada.

Le problème surgit lorsqu'une province en particulier n'accepte pas la pleine application de la Charte, n'accepte pas un article particulier de la Charte, et se comporte différemment. Cela pose un problème, mais cela ne relève pas de ma compétence. Je peux en parler, je peux écrire des articles à ce sujet, mais je n'ai pas le pouvoir de changer les choses. Tout cela doit être réglé au niveau politique.

M. Peter Goldring: Ne pensez-vous pas qu'il faudrait régler ce problème avant de céder plus de responsabilités à une province qui refuse certains passages de la Charte?

M. Victor Goldbloom: À mon avis, il y a plusieurs questions à régler avant de continuer à céder des responsabilités. Cet exercice de dévolution change certainement la nature du Canada, déplace certainement la responsabilité.

• 1710

La situation créée par une dévolution est différente de la situation créée par une privatisation. Lorsque le gouvernement privatise, le Parlement adopte une loi pour préciser que tel service est privatisé et que les conditions suivantes s'appliqueront, que les Canadiens auront accès aux services en question dans les deux langues officielles s'il y a justification par le nombre... ou encore le Parlement peut décider de créer un organisme paragouvernemental dans le secteur du revenu, ou encore pour administrer Parcs Canada, et cela se fait selon certaines conditions. Par contre, le Parlement ne peut pas adopter une loi et imposer des conditions à une province pour l'exercice d'une responsabilité qui était jadis fédérale. Ce genre de chose doit être négociée, et une entente doit être signée.

Aucune province n'accepterait d'être considérée comme une tierce partie qui agit pour le compte du gouvernement fédéral. Elles sont toutes des organismes indépendants et ne sont régies que par leur constitution législative et leurs propres lois. Cela rend souvent les négociations difficiles.

Je pense que nous pouvons tirer certaines leçons des négociations qui ont eu lieu avec toutes les provinces, même si l'une d'entre elles n'a pas encore signé d'accord avec le gouvernement fédéral dans le domaine de la formation des travailleurs. En particulier, et j'en ai parlé dans ma déclaration d'ouverture, nous devons nous demander comment nous pouvons protéger les droits des citoyens lorsque les mécanismes de recours au niveau fédéral sont différents des mécanismes provinciaux ou encore lorsqu'il n'existe pas de mécanisme de recours bien défini au niveau provincial. C'est toujours le même citoyen, qu'il s'agisse d'un service fédéral ou provincial, et c'est toujours le même service, qu'il soit assuré par le gouvernement fédéral ou par le gouvernement provincial.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je vous remercie, monsieur Goldbloom.

Monsieur Plamondon, voulez-vous participer au deuxième tour? Vous n'avez pas d'autres questions? Alors, je passe à M. Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Je vous remercie, moi aussi, de votre travail, monsieur le commissaire. Je ne vous souhaite pas trop de repos parce que vous n'êtes pas le genre à dormir sur vos lauriers ou à vous asseoir dessus. On entendra certainement parler de vous.

Je suis particulièrement intéressé par la discussion entourant toute la responsabilité de la partie VII de la loi, c'est-à-dire la notion d'un engagement général par opposition à un engagement beaucoup plus actif, visé, centré et ciblé. J'ose croire que c'est la direction dans laquelle le gouvernement s'engage en exigeant des plans d'action. J'ose également croire et espérer que si ce comité a une contribution à faire à l'évolution de la question des langues officielles au pays, ce sera à ce niveau. J'espère qu'on va cesser d'attendre et qu'on s'attaquera à cette question très bientôt. Il y a 26 agences et ministères qui attendent d'être entendus; on aura des choses à leur demander et des points de vue à faire valoir. J'oserais même suggérer qu'il serait peut-être temps d'ajouter des noms à cette liste établie par le Cabinet en août 1994, si je ne m'abuse, et qui n'est certainement pas exhaustive.

Par exemple, il serait grand temps que le Service correctionnel, dont on a parlé au comité aujourd'hui, soit également tenu d'avoir un plan d'action et de corriger les lacunes qu'on peut y retrouver.

Si je pouvais encourager le comité à aller de l'avant rapidement et de façon assez agressive, c'est de côté-là que j'irais. J'attends toujours mes cartables. Je ne sais pas où on en est, mais on m'avait dit qu'on recevrait des cartables.

Une voix: Ils sont arrivés.

M. Mauril Bélanger: Bon. Alors, commençons.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je n'ai pas encore vu cela.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): C'est de cela qu'on a discuté; vous l'avez oublié.

M. Mauril Bélanger: Oui, mais il faut y aller.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Bon, on y va.

Monsieur Scott, avez-vous une question?

• 1715

[Traduction]

L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Lorsque M. Goldbloom a fait allusion aux relations qu'il a avec les éditorialistes, j'ai eu envie de le féliciter pour son courage. Lorsqu'il a été nommé commissaire, je me souviens que la situation au Nouveau-Brunswick en ce qui concerne les langues officielles n'était pas très brillante. Au contraire, elle était plutôt mouvementée.

Je me souviens que M. Goldbloom a été une source d'inspiration et un exemple de courage pour beaucoup de gens de bonne volonté qui essayaient de faire face à une véritable insurrection provoquée par les langues officielles dans certaines collectivités. Je suis certain qu'il devait recevoir beaucoup de lettres postées à Fredericton, et qu'il ne reçoit plus ces mêmes lettres aujourd'hui. Aujourd'hui, les gens qui ne vous écrivent plus m'écrivent à moi.

Toutefois, c'est un domaine où on a souvent l'impression d'être parvenu à un plateau, et une certaine complaisance accompagne le sentiment que nous avons véritablement accompli quelque chose. Peut-être le moment est-il venu de passer à l'étape suivante, de devenir beaucoup plus proactifs, d'abandonner un peu le discours légal. C'est une conversation que nous avons déjà eue; si nous voulons vraiment faire avancer les choses, il va falloir que la population, en dehors de l'administration des services publics, etc., se mobilise véritablement.

Malheureusement, c'est un sujet qui fait peur à beaucoup de gens de bonne volonté. Ils n'ont pas peur sur le plan politique, ils n'ont pas peur des conséquences que cela pourrait leur valoir personnellement, mais ils craignent que chaque fois qu'on fait quelque chose dans ce domaine on ne suscite encore plus de résistance. Ce n'est pas une chose que j'ai constatée moi-même, mais on a l'impression que chaque fois qu'on essaie de faire quelque chose de dynamique et de positif, on réveille en même temps la résistance des gens à ce genre de politique.

Cela explique peut-être le fait que beaucoup de gens qui sont en faveur de ces mesures, beaucoup de gens, lorsqu'ils en ont l'occasion, lorsque ce n'est pas une question importante... Je sais qu'au Nouveau-Brunswick, c'est presque cyclique. On a tendance à dire: pourquoi réveiller les choses? C'est une idée qui vient trop tard.

À mon avis, il serait temps de dépasser ce stade minimaliste, cette interprétation très étroite de la loi, pour vraiment profiter au Canada de cette merveilleuse expérience.

Je pense que le commissaire a raison de lancer un défi aux députés et aux parlementaires des deux Chambres pour les encourager à éduquer la population et pour le faire avec tout le courage dont le commissaire a fait preuve dans sa carrière. Je suis l'un de ceux qui, au Nouveau-Brunswick, ont beaucoup de reconnaissance envers le commissaire pour son intervention très sage et très courageuse à un moment où toutes ces questions nous tenaient à coeur.

M. Victor Goldbloom: Monsieur Scott, vous avez raison quand vous dites que beaucoup de gens refusent de parler de quelque chose de crainte de provoquer une réaction d'antagonisme. Toutefois, je suis convaincu que cette réaction est moindre aujourd'hui que lorsque j'ai commencé.

Évidemment je ne citerai pas de noms, mais il y a un certain temps certains députés m'ont demandé pourquoi je ne laissais pas tomber toute cette affaire, pourquoi je remettais sans cesse la question sur le tapis. De toute évidence, je n'ai pas suivi ce conseil, et je n'aime pas du tout que les gens adoptent cette attitude. En effet, je considère que cette responsabilité d'éducation est particulièrement importante parce qu'il y a beaucoup d'information fausse qui circule.

J'ai déjà cité l'étude que nous avons faite sur les sondages d'opinion publique. Nous avons examiné 17 ans de sondages d'opinion publique et nous avons constaté que les résultats variaient beaucoup. Il est devenu évident que la façon de poser la question faisait toute la différence.

• 1720

Il est certain qu'il est possible de poser une question sur la dualité linguistique canadienne de telle façon que la réaction sera négative. Toutefois, ce qui est le plus important, c'est que lorsqu'on demande aux gens comment ils comprennent la Loi sur les langues officielles, ce qu'ils savent de ce que nous essayons de faire au Canada quand nous déclarons que nous avons deux langues officielles, une Loi sur les langues officielles, un commissaire, etc., les réponses sont extraordinairement erronées.

Il faut absolument que nous éduquions le public canadien, pas tellement pour surmonter les attitudes négatives, mais surtout pour corriger les impressions fausses. Si une proportion importante des Canadiens est convaincue que la Loi sur les langues officielles est là pour obliger tout le monde à être bilingue, s'ils pensent de plus que cette loi sert à privilégier les gens qui parlent une seule langue—le français—par rapport à ceux qui parlent l'autre langue, pour tout ce qui a trait à l'emploi et aux promotions dans la fonction publique fédérale, eh bien, c'est un très grave malentendu auquel il importe de remédier. Si les gens pensent que la loi oblige tous les bureaux fédéraux, partout au Canada, à offrir des services dans les deux langues, nous avons un très grave problème, un malentendu majeur. En fait, le tiers seulement des bureaux fédéraux sont désignés bilingues, et les deux tiers ne le sont pas.

Je pense à une province au hasard, en fait parce que j'étais dans cette province et que je parlais à un radiodiffuseur. Il m'a demandé: «Est-ce qu'il ne faut pas être bilingue pour travailler au gouvernement fédéral?» Je lui ai expliqué qu'en Alberta il y avait environ 10 500 emplois fédéraux et qu'un peu plus de 400 de ces 10 500 emplois étaient désignés bilingues. Parmi ces 400 et quelques emplois, la majorité est occupée par des anglophones de l'Alberta, et non pas par des francophones de l'Alberta. Les malentendus sont nombreux, et il est important d'expliquer tout cela aux gens.

Je vais même aller plus loin. Il y a des Canadiens qui ont une théorie au sujet des langues officielles: ils pensent que c'est une conspiration. Ma tâche est de démolir cette théorie de la conspiration, pas seulement parce que certaines personnes en sont convaincues, mais aussi parce que ce genre de chose est très contagieuse.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): C'est très vrai. Merci.

Madame Finestone, la coprésidente.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): J'ai une question à poser.

Je regrette que cette question arrive tout à la fin de la séance, mais je pense qu'il est important de la poser. Il s'agit de l'article 7 et du rapport Fontaine. Vous avez trouvé, il me semble, que les lacunes en ce qui concerne les dispositions de l'article 41 n'avaient pas été suffisamment évaluées. Je me demande si le rapport Savoie correspond mieux aux préoccupations que vous aviez, offre un meilleur système pour appliquer la partie VII de la loi.

M. Victor Goldbloom: Le rapport Savoie a une portée un peu élargie par rapport au rapport Fontaine, qui s'intéressait principalement au problème des dévolutions. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est un excellent rapport. Toutefois, j'ai signalé trois aspects qui, à mon avis, n'ont pas été traités aussi clairement et ne sont pas allés tout à fait aussi loin que je l'aurais voulu. Le principal de ces aspects est le mécanisme de recours et les mesures de réparation.

Je dois dire, et je le fais avec le plus grand respect et la plus grande amitié pour les membres du groupe Fontaine, qu'à mon avis leur solution, qui est de confier au président du Conseil du Trésor la responsabilité des plaintes, n'est pas une solution pratique.

• 1725

Deuxièmement, le rapport semble faire une distinction entre les responsabilités essentiellement fédérales et les responsabilités essentiellement provinciales. Or, comme j'ai essayé de l'expliquer, c'est la même personne qui reçoit le même service, et cette distinction ne se justifie pas.

Troisièmement, j'ai fait observer également qu'aux termes de certains accords de dévolution il était possible de muter des fonctionnaires de la fonction publique à la fonction publique provinciale. Dans certaines provinces, et en particulier dans tout le Nouveau-Brunswick et dans certaines régions du Québec, les gens ont le droit de travailler dans l'une ou l'autre des langues officielles, ce qui devrait permettre à la personne mutée de continuer à travailler dans la langue qui lui convient. Toutefois, il y a d'autres régions du Canada où ces dispositions n'existent pas et où il n'y a qu'une seule langue de travail. J'avais donc espéré que le rapport Fontaine recommanderait le transfert du droit à la langue de travail.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous nous avez dit que notre comité avait donné suite à un grand nombre de vos observations, et je peux vous assurer que nous avons des piles de livres et de rapports, et je sais que vous nous avez aidés très efficacement à examiner tous ces aspects. Cela dit, ne pensez-vous pas, pour revenir à ce que M. Goldring a dit, que vous devriez soumettre au Cabinet un rapport spécial sur des mesures extrêmes. Ne pensez-vous pas que cela serait justifié, puisque nous avons besoin de recours et de mesures de réparation, et étant donné que les compressions de personnel ont été décidées par ce gouvernement? C'est lui qui est responsable de la décentralisation, c'est lui qui a transféré les responsabilités qu'il avait jadis, et non pas seulement aux provinces, mais aussi dans tout le système, jusqu'aux villes et aux municipalités.

Si vous repreniez cette étude sous cet angle très précis, cela pourrait être très utile. Vous savez, pour avoir siégé suffisamment longtemps au Cabinet, à quel point les responsabilités des ministres sont lourdes, et à quel point il est difficile de les assumer toutes. Je pense qu'ils risqueraient de prendre la question beaucoup plus au sérieux si vous leur expliquiez les implications de ces transferts.

M. Victor Goldbloom: Je prends votre suggestion très au sérieux et je réfléchirai à la possibilité de faire cela avant la fin de mon mandat.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Lorsque vous rédigerez ce rapport, j'aimerais également vous suggérer de recommander qu'on donne une formation aux ombudsmans provinciaux. C'est peut-être trop tard, puisque les négociations sont terminées, mais je pense que cela devrait être fait, et sans aucune mise en garde. J'irais même jusqu'à dire que vous pourriez trouver là une nouvelle carrière. Vous avez déjà eu de multiples carrières, mais vous pourriez certainement encore une fois faire quelque chose de très utile en formant ces ombudsmans, en les sensibilisant aux besoins particuliers dans ce domaine.

M. Victor Goldbloom: Ce sont des gens qui ont beaucoup de volonté et un grand esprit de coopération, et je vais communiquer régulièrement avec eux. C'est une coïncidence, mais aujourd'hui même j'ai eu une conférence téléphonique avec mes collègues provinciaux.

C'est une idée qui me semble excellente, et je vous assure que je vais envisager cette possibilité

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Goldbloom, vous êtes le commissaire aux langues officielles, et vous êtes considéré comme un homme très consciencieux et très équitable. La situation des anglophones qui vivent au Québec est terrible. On recommence à voir des maisons à vendre dans les quartiers anglais de la ville, et je n'aime pas du tout cela. Tout semblait aller très bien, c'était prometteur, dynamique, jusqu'à ce que ces changements—ces non-changements—ces nouvelles attitudes surgissent, et tout a changé du tout au tout. Ce sont peut-être là des conditions qui permettent de gagner un référendum, mais cela n'a rien d'attrayant pour la collectivité anglophone.

• 1730

Si vous voulez bien y réfléchir... Je ne vous demande pas de réponse; je fais une affirmation. J'aimerais avoir votre avis, vu le grand intérêt que vous exprimez.

L'édition d'hier du National Post contenait un article concernant le conflit des langues officielles à la Commission du droit d'auteur. Je remarque que dans les nombreux documents que vous avez eu l'amabilité de nous communiquer et qui concernent l'équité dans l'utilisation de l'anglais et du français devant les tribunaux fédéraux et les organismes administratifs exerçant des pouvoirs quasi judiciaires, vous indiquez que dans certaines circonstances le bilinguisme n'est pas exigé des juges ou des fonctionnaires et que vous pourriez appliquer l'exigence de la loi selon laquelle l'interprétation d'une langue officielle à une autre dans des procédures civiles fait officiellement partie du compte rendu.

Vous dites également qu'avant la fixation de la date d'une audience, les parties à un procès peuvent indiquer la langue officielle dans laquelle elles ont l'intention de plaider, et que les plaidoiries peuvent être interprétées. Autrement dit,

[Français]

vous pouvez avoir une interprétation.

[Traduction]

D'après votre rapport, il me semble donc raisonnable de prévoir l'interprétation uniquement pendant la durée de ce témoignage.

En revanche, si on exige que les membres de la Commission du droit d'auteur comprennent aussi bien l'anglais que le français sans traduction, la commission se retrouve coincée, car il lui manque une tierce partie et une personne bilingue ou francophone. Comment pouvez-vous concilier cela avec le rapport que vous venez de publier?

M. Victor Goldbloom: Nous avons voulu établir trois principes connexes. On a tendance à ne mettre l'accent que sur l'un des trois, à savoir le droit du justiciable d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles devant un tribunal. Cela n'est pas suffisant. Il faut reconnaître le droit corollaire de se faire comprendre lorsqu'on utilise sa propre langue. Il doit exister un troisième droit, celui de comprendre ce qui se passe une fois qu'on s'est fait comprendre dans sa propre langue et que l'audience se poursuit. Voilà donc les trois principes fondamentaux qui sous- tendent le rapport publié samedi dernier. La question de l'interprétation simultanée devant un tribunal concerne évidemment la mise en oeuvre de ces trois principes.

Nous avons également abordé le sujet épineux de l'opportunité de faire traduire toutes les décisions de tous les tribunaux. Évidemment, si l'on parle de la Cour suprême du Canada, la réponse est oui. Tout doit être traduit. Si l'on parle d'un tribunal administratif qui se prononce sur des questions techniques, qui fonctionne dans la langue du justiciable et qui rend ses décisions dans cette langue, et que la décision n'a pas de portée jurisprudentielle et n'attire pas l'intérêt des médias ni de l'opinion publique, faut-il exiger que cette décision soit automatiquement traduite ou qu'elle soit traduite sur demande? Il nous semble que le bon sens... qui est fondé, entre autres choses, sur les directives du Conseil du Trésor, qui demandent aux institutions fédérales de se demander si un texte doit absolument être traduit avant de l'envoyer à la traduction. C'est le bon sens qui doit prévaloir dans ce domaine.

En ce qui concerne la Commission du droit d'auteur, nous avons reçu plusieurs notes avant la décision concernant la nomination de l'actuel directeur de la commission. Les auteurs de ces notes disaient craindre que l'on choisisse un directeur unilingue. J'ai estimé à l'époque que je ne pouvais traiter une plainte par anticipation. En réalité, c'est une personne parfaitement bilingue qui a été nommée à la tête de cette commission, mais l'article 16 de la Loi sur les langues officielles dit très clairement qu'une commission doit pouvoir comprendre la langue choisie par la ou les personnes qui comparaissent devant elle, ou les deux langues officielles, au besoin. C'est très clair dans la loi, et je pense que ce principe ne souffre aucun compromis.

• 1735

Madame Finestone, permettez-moi de revenir au sujet que vous invoquiez tout à l'heure, car il est trop important pour que je n'y réponde pas. La communauté anglophone du Québec a connu une période difficile. Si on compare les inscriptions scolaires d'il y a 25 ans à celles d'aujourd'hui, on constate une différence dramatique et inquiétante. Il est vrai qu'au cours des dernières années la baisse s'est atténuée et qu'il y a même eu une légère remontée, mais c'était en quelque sorte un baby-boom, et il faut s'attendre à de nouvelles diminutions.

J'ai beaucoup insisté sur les droits concernant la santé et les services sociaux. Dans mes contacts avec différents ministères du gouvernement du Québec, j'ai également insisté sur la nécessité, pour les non-francophones, d'acquérir une parfaite maîtrise du français de façon à avoir des chances égales sur le marché de l'emploi sans avoir à payer de leur poche pour acquérir cette formation linguistique.

Ce sont là des choses qui me préoccupent. La semaine dernière, à ma grande surprise, un journaliste anglophone de Montréal a consacré un article aux lettres que j'ai envoyées à divers ministres du gouvernement du Québec, notamment ceux de la Santé et de l'Éducation, et dont il citait plusieurs passages.

J'ai essayé de respecter, d'une part, la compétence provinciale et, d'autre part, la partie VII de la Loi sur les langues officielles, qui confère au gouvernement fédéral, et donc au commissaire, la responsabilité de maintenir des communications courtoises et, je l'espère, constructives avec les communautés minoritaires de langue officielle. Je le répète, c'est ce que j'ai fait en ce qui concerne les coordonnateurs des soins de santé, notamment. J'ai fait simplement cela. Ce n'est pas encore un document public, car je tiens, par courtoisie, à ce que le ministre le reçoive d'abord avant que j'en fasse part à d'autres, mais je suis intervenu dans le domaine du théâtre, par exemple, pour insister sur la nécessité d'un soutien équitable, en particulier dans la mesure où il y a quelques mois le gouvernement fédéral a conclu un accord avec la Fédération culturelle canadienne-française pour soutenir les institutions culturelles francophones dans les provinces majoritairement anglophones.

Non seulement au Québec, mais également dans les autres provinces, il peut être délicat, pour un agent du Parlement du Canada, d'intervenir sur des questions de compétence provinciale, mais dans ce domaine j'ai fait preuve de toute la détermination que je pensais devoir démontrer.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Nous vous en sommes bien reconnaissants.

• 1740

Mesdames et messieurs, il nous reste une question administrative à régler, si vous voulez bien m'accorder un instant. Ensuite, je pourrai remercier officiellement notre invité. Merci.

Cette séance est aussi consacrée au budget. J'aimerais renvoyer ce budget à la Chambre.

Des voix: D'accord.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Il se compose du crédit 25, d'un montant de 10 802 000 $, moins les trois douzièmes de ce montant, soit 2 700 498 $, votés dans le cadre de crédits provisoires.

CONSEIL PRIVÉ

    Commissaire aux langues officielles

    Crédit 25—Dépenses de fonctionnement 9 474 000 $

(Le crédit 25 est adopté)

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

Monsieur Goldbloom, par leurs questions, les membres de ce comité ont montré, je crois, le profond respect et la haute considération dans lesquels vous êtes tenu non seulement par les députés, mais aussi par leurs électeurs et les communautés qu'ils représentent. Pour ce qui est du service à notre pays, le bilan de votre mandat fait apparaître un progrès considérable grâce à votre grande compétence, vos aptitudes et votre tact. Par votre esprit encyclopédique, qui n'a échappé à aucun de nous, vous resterez dans notre souvenir comme un atout extraordinaire pour le Canada. Le temps ne pourra que renforcer le travail que vous avez amorcé ou prolongé sur la voie de la reconnaissance des deux langues officielles du Canada dans une perspective positive et constructive. Au nom de ce comité, je vous prie d'accepter nos sincères remerciements et nous vous souhaitons

[Français]

un bon voyage et un bon retour chez nous, ici et même à Montréal. Votre présence nous a enrichis. Merci beaucoup.

[Traduction]

[Note de la rédaction: Applaudissements]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Mesdames et messieurs, vous êtes invités à la Salle de la francophonie, pièce 263-S de l'édifice du Centre, pour dire bonjour et au revoir à notre invité. Merci beaucoup.

La séance est levée.