Passer au contenu

LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mars 1999

• 1536

[Français]

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): Le Comité mixte permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui conformément à l'alinéa 108(4)b) du Règlement et poursuit son étude des politiques et des programmes de langues officielles.

Nous avons invité aujourd'hui des représentants du Barreau du Québec. Je souhaite à son bâtonnier, Me Jacques Fournier, et à Me Carole Brosseau, avocate au Service de recherche et législation, la bienvenue au Comité mixte permanent des langues officielles.

Nous sommes prêts à entendre votre présentation.

Me Jacques Fournier (bâtonnier, Barreau du Québec): Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs et députés, mon propos est très bref et vise à attirer votre attention sur le fait qu'il se produit quotidiennement au Québec d'excellentes décisions de jurisprudence. Vu la forte majorité francophone au Québec, la très grande majorité de ces décisions sont évidemment rendues en français. Or, il semble que, dans plusieurs provinces, l'obstacle de la langue empêche cette excellente jurisprudence de circuler et d'influencer la jurisprudence qui y a cours, alors que la jurisprudence canadienne des provinces anglophones circule abondamment au Québec, y est utilisée et sert d'inspiration à nos juges québécois.

Nous voulons vous sensibiliser strictement à cette question. Il serait bon qu'on ait recours au Commissariat aux langues officielles ou à une autre entité qui aurait en main des crédits lui permettant de faire traduire cette jurisprudence pour faire en sorte qu'il y ait une plus grande unité dans les décisions en droit fédéral principalement et en droit criminel, et que la jurisprudence québécoise puisse faire oeuvre utile ailleurs, comme la jurisprudence canadienne fait oeuvre utile au Québec.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'on est en plein virage technologique et que la jurisprudence, comme toutes sortes d'informations, va bientôt circuler librement sur l'Internet. Je crois que la réalisation du projet que nous soutenons serait très utile à l'ensemble de la communauté juridique canadienne et, par voie de conséquence, à la population canadienne.

Si vous avez des questions techniques sur des statistiques ou d'autres choses semblables, Me Brosseau, ici présente, est très bien documentée et sera heureuse d'y répondre. J'aurai aussi le plaisir de répondre aux questions que vous m'adresserez.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur le bâtonnier.

Nous allons débuter immédiatement avec notre collègue Louis Plamondon.

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Au niveau du principe, votre demande m'apparaît tout à fait justifiée. Cependant, au niveau de l'application, le texte que vous nous avez remis m'apparaît un peu complexe; peut-être est-ce parce que c'est un avocat qui l'a rédigé. Je me pose des questions quant à la partie qui serait discrétionnaire, au niveau du choix des jugements qui seraient traduits. Je présume que 95 ou 99 p. 100 des juges du Québec sont bilingues. Ils sont donc capables de lire les décisions de jurisprudence rendues en anglais.

• 1540

Par contre, dans les autres provinces, c'est l'inverse: 95 ou 99 p. 100 des juges sont unilingues anglophones et ne se préoccupent pas des jugements rendus au Québec. La situation idéale serait que tout soit publié à la fois en français et en anglais, si vraiment nous sommes un pays bilingue et un pays de deux cultures. Aujourd'hui, en Chambre, Mme la ministre a même parlé de deux peuples fondateurs. Si nous le sommes vraiment, nous devrions être égaux. Il me semble que vous devriez réclamer que tout jugement soit publié dans les deux langues, d'un bout à l'autre du Canada. Pourquoi ne le réclamez-vous pas?

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Monsieur le bâtonnier.

Me Jacques Fournier: C'est évidemment une question d'ordre économique. D'ailleurs, au Québec, nous sommes en mesure d'utiliser les jugements rendus dans les autres provinces, relevant des autres juridictions. Vous avez parfaitement raison de dire que dans un monde idéal, tous les jugements rendus au Canada devraient être publiés dans les deux langues. Mais pour l'instant, d'un point de vue pratique, je peux vous dire que nos juges, tout comme nos avocats, peuvent facilement s'inspirer de la jurisprudence anglaise et le font, bien que ce ne soit pas le cas dans la situation inverse. Monsieur le député, c'est simplement une question pratique.

M. Louis Plamondon: Ne craignez-vous pas de cautionner une notion très répandue au Canada et au Québec, à savoir que les francophones doivent être bilingues alors que les anglophones n'ont pas besoin de l'être? Vous nous dites que pour vous, ce n'est pas grave, que c'est une question d'économie, que vous parlez anglais et comprenez les jugements prononcés en anglais dans les autres provinces, que vous ne demanderez pas aux autres de se forcer et que vous proposez de faire traduire les principaux jugements à leur intention.

Je trouve que votre revendication est plutôt molle. Vous ne vous affirmez pas, vous ne défendez pas vos droits et vous ne tapez pas assez sur la table pour dire à ce pays de vous respecter et de tout faire dans les deux langues puisque c'est ce qu'il prêche dans ses discours officiels.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Monsieur le bâtonnier.

Me Jacques Fournier: Je passerai à votre autre question. Le choix des jugements qui seraient traduits ne se ferait pas sur une base linguistique, mais plutôt comme cela se fait normalement en jurisprudence. Un comité de rédaction déterminerait si le jugement présente de l'intérêt ou non en termes de jurisprudence. De nombreux jugements sont rendus, et bien rendus. Cependant, bien qu'ils suscitent beaucoup d'intérêt, ils ne sont pas nécessairement d'intérêt général ou même d'intérêt dans un domaine limité. Quand il s'agit de choisir les jugements, on fait d'abord prévaloir les critères juridiques.

Quant à votre autre question, je ne viens pas ici pour revendiquer un droit, mais plutôt pour faire valoir qu'on produit chez nous d'excellentes décisions et que je suis fier du corpus jurisprudentiel du Québec. Je viens pour dire qu'on fait bien les choses chez nous et pour faire en sorte que les autres puissent en profiter.

M. Louis Plamondon: À l'heure actuelle, ils n'en profitent pas.

Me Jacques Fournier: Si vous voulez que je frappe sur la table et que je demande que tous nos jugements soient traduits en anglais, je vais le faire, mais je vis dans l'art du pratique. Même si je faisais cela, je n'avancerais pas beaucoup. Le problème qui se présente, c'est que notre juridiction n'est malheureusement pas comprise. Arrangeons-nous pour la faire comprendre. C'est le point de vue que je fais valoir.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci.

M. Louis Plamondon: Puis-je terminer mon intervention?

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): On y reviendra un peu plus tard.

Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Je vous remercie d'être venus comparaître devant notre comité. Il est toujours intéressant d'entendre les représentants du Barreau du Québec, du barreau d'une autre province ou du Barreau canadien. Au risque qu'on m'accuse de partisanerie, je dirai que je juge important d'entendre l'opinion des juristes et des experts.

Je voudrais faire une remarque sur ce qui vient d'être dit. Les cours du Québec appliquent le Code civil et les lois québécoises, mais il ne faut pas oublier qu'une partie très importante de leur travail touche le droit fédéral. Au niveau fédéral, évidemment, tout est bilingue. L'article 2 de la Loi sur les langues officielles stipule que le français et l'anglais doivent être sur un pied d'égalité. Alors, je ne vois aucune difficulté au niveau de la traduction des jugements qui impliquent le droit fédéral, le droit canadien.

• 1545

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le Code civil québécois est rédigé dans les deux langues et qu'il est appliqué par les tribunaux québécois et, évidemment, les tribunaux fédéraux, au premier chef la Cour suprême. Donc, je ne vois pas de difficultés.

J'appuie votre principe voulant qu'on traduise les arrêts les plus importants. C'est un critère qui me satisfait. Je crois qu'il est plus important de publier des principes de droit sur la Charte des droits, la Constitution, le Code civil du Québec et d'autres sujets du même ordre que sur des sujets qui prêtent moins à des appels à la Cour d'appel ou à la Cour suprême. Sur ce plan-là, j'accepte votre principe, à savoir qu'il y ait une certaine discrétion.

Je suis toutefois d'accord avec M. Plamondon que l'idéal serait que tous les jugements soient dans les deux langues. Cependant, il faut être conscients que certaines provinces sont soumises au bilinguisme, tandis que d'autres ne le sont pas. Sur le plan fédéral, ça va; le principe est très clair.

Vous me dites que vous êtes guidés par deux principes, dont le premier est l'importance de la chose jugée. J'accepte cela. On ne peut peut-être pas tout traduire, mais il faut quand même viser une traduction très étendue. Deuxièmement, si vous en convenez et que vous dites qu'on doit faire un effort spécial au niveau du droit fédéral, du droit canadien, qui s'applique indistinctement aux 10 provinces, il me semble qu'il ne devrait même pas y avoir de distinction à ce moment-là, parce que là, ça s'applique. La preuve, c'est que la Cour suprême va référer dans ses jugements à la Cour d'appel du Québec, comme elle réfère à la Cour d'appel de l'Ontario. Elle va référer en matière pénale aux tribunaux provinciaux du Québec, comme c'est le cas pour les autres provinces. Sur ce plan, je suis partisan de la plus grande étendue possible.

Maintenant, qui doit payer? Est-ce à nous de trancher cette question? Évidemment, comme le droit fédéral, le droit canadien, est en cause, il est bien évident qu'Ottawa doit payer une très grande partie de la note. Au Canada, il y a deux systèmes: le Code civil et la common law. C'est une de nos grandes richesses, à mon humble point de vue. On a les deux systèmes de droit les plus en vogue sur toute la planète. Je suis tout à fait d'accord qu'on fasse un effort pour traduire nos jugements dans les deux langues.

Je voudrais vous poser la question suivante: est-ce que vous croyez qu'il serait très complexe de devoir faire preuve de discrétion ou si on devrait, si possible, viser à tout traduire?

Me Jacques Fournier: Je ne crois pas qu'il serait utile de tout traduire. Tout d'abord, certains jugements sont rendus en anglais.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui.

Me Jacques Fournier: Au Québec, les tribunaux ont souvent tendance à rendre le jugement dans la langue de celui qui perd sa cause.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est plus doux.

Me Jacques Fournier: Cela l'aide à mieux comprendre le jugement.

Deuxièmement, il y a des décisions qui, en tout respect pour ceux qui les rendent, sont sans intérêt pour la communauté en général.

Le sénateur Gérald Beaudoin: J'aime mieux que ce soit le bâtonnier qui dise cela que moi.

Me Jacques Fournier: Il faut bien comprendre qu'ils sont très bien rendus et présentent de l'intérêt pour les parties.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, oui.

Me Jacques Fournier: Mais je ne pense pas qu'ils aient force de précédent ou qu'il y ait intérêt à les diffuser à la communauté en général.

Tout comme vous, je suis d'accord avec M. le député Plamondon que tout devrait être traduit dans un monde idéal, mais je suis ici pour vous dire qu'on a de la bonne jurisprudence et qu'on souhaite l'exporter. Tel est l'objet de mon propos d'aujourd'hui. Je réitère que dans un monde idéal, évidemment, tout devrait être dans les deux langues.

Le sénateur Gérald Beaudoin: On a deux systèmes de droit et à la Cour suprême, on a trois juges sur neuf pour bien indiquer que c'est la base de notre système canadien. C'est une raison de plus pour que les principes qui touchent au droit civil soient traduits en anglais. On a toujours peur que la commmon law ait une influence sur le Code civil, mais c'est souvent l'inverse qui se produit; le Code civil a fréquemment une influence sur la common law, et une très bonne influence d'ailleurs.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin. Le prochain intervenant sera le sénateur Robichaud.

• 1550

Le sénateur Louis J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): Je suis un peu confus au sujet des jugements prononcés au Québec par la Cour suprême du Québec. Ces jugements, s'ils ont valeur jurisprudentielle, sont-ils automatiquement traduits dans les deux langues?

Me Jacques Fournier: C'est la Cour supérieure du Québec qui est le tribunal de première instance.

Le sénateur Louis Robichaud: Oui, supérieure, pas suprême.

Me Jacques Fournier: Je sais que les autres juridictions ont une cour suprême, et je voulais être bien certain de parler de la même cour.

Le sénateur Louis Robichaud: Oui, oui.

Me Jacques Fournier: La Cour supérieure du Québec rend ses jugements principalement en français parce qu'elle sert une population francophone. L'intérêt du jugement ne fait pas en sorte qu'il y ait une traduction.

Le sénateur Louis Robichaud: Mais la cour...

Me Jacques Fournier: Mais cela se fait automatiquement à la Cour suprême du Canada et à la Cour fédérale. Lorsque la Cour supérieure du Québec, par exemple, est appelée à rendre un jugement sur la Loi de la faillite ou sur le Code criminel, la traduction ne se fait pas de façon systématique, d'où la barrière à l'exportation vers les autres juridictions.

Le sénateur Louis Robichaud: Quelle proportion des jugements rendus par la Cour supérieure du Québec a une valeur jurisprudentielle et quelle agence fédérale, ou peut-être provinciale au Québec, devrait avoir le mandat de faire la traduction?

Me Carole Brosseau (avocate, Service de recherche et législation, Barreau du Québec): Lorsqu'on parle de pertinence, il faut tenir compte de deux choses. Il y a d'abord la traduction. Comme le disait tout à l'heure M. le bâtonnier, les jugements sont rendus en anglais ou en français tant à la Cour du Québec qu'à la Cour supérieure et à la Cour d'appel. Il y a donc des jugements tant en anglais qu'en français.

À la demande de l'une des parties, on peut obtenir la traduction des jugements, et cela se fait. Mais lorsque les jugements sont rapportés, ils le sont dans la langue dans laquelle ils ont été rendus, soit en français, soit en anglais. Vous allez retrouver ces jugements dans les recueils jurisprudentiels.

Quand on parle de la pertinence—et c'est l'objet de la première partie de votre question—, il s'agit alors d'évaluer l'utilité de cette jurisprudence pour l'ensemble des juristes et des citoyennes et citoyens de tout le Canada. Je vais vous donner un exemple. Pour une revue, quelle qu'en soit la nature, il y a toujours un comité de révision des textes soumis qui juge de leur pertinence. Vous pouvez faire de même dans le cas des jugements. Par exemple, une équipe formée de professeurs d'université et de gens qui oeuvrent dans le domaine, tant en défense qu'en poursuite s'il s'agit du droit criminel, pourrait évaluer l'intérêt que présentent les jugements rendus au cours de l'année. Les professeurs d'université, en particulier, prennent connaissance de tous les jugements rendus à tous les niveaux de juridiction, que ce soit la Cour du Québec, à la Cour supérieure et à la Cour d'appel. Ils décideraient donc de l'utilité d'un jugement pour la communauté juridique et on pourrait alors le faire traduire.

La pertinence est inégale selon la nature des jugements rendus. Parfois, le jugement est seulement au bénéfice des parties alors qu'il peut parfois être au bénéfice de toute une communauté en termes de connaissance et d'avancement du droit. Ces critères permettraient de déterminer qu'il faut faire traduire un jugement plutôt qu'un autre. Je ne sais pas si je me suis bien expliquée.

Le sénateur Louis Robichaud: C'est encore un peu obscur. L'Association du Barreau canadien ne devrait-elle pas s'occuper de faire la traduction, l'impression et la distribution des jugements de valeur prononcés par la Cour supérieure du Québec?

Me Jacques Fournier: Le marché de l'édition juridique est un marché qui...

Le sénateur Louis Robichaud: N'est pas payant.

Me Jacques Fournier: Au contraire, il est, semble-t-il, très payant. En tout cas, c'est très cher.

Le sénateur Louis Robichaud: Ah, bon.

• 1555

Me Jacques Fournier: La diffusion pourrait aussi poser un problème. Je ne vois pas comment l'Association du Barreau canadien, un barreau provincial ou même la Fédération des professions juridiques du Canada, qui regroupe tous les barreaux, aurait les moyens de faire cela.

Le sénateur Louis Robichaud: Le problème est identifié, mais je ne vois pas la solution. Je ne verrais pas le Comité des langues officielles s'impliquer dans la traduction et la distribution de décisions jurisprudentielles du Québec, pas plus que d'un jugement prononcé en Colombie-Britannique ou au Nouveau-Brunswick. Peut-être me manque-t-il certains renseignements, mais je ne vois pas.

Me Jacques Fournier: Vous avez certainement, comme comité, un pouvoir de recommandation auprès des autorités intéressées, qui peuvent être le ministère de la Justice ou un autre ministère comme celui du Patrimoine canadien, car la jurisprudence fait, à la rigueur, partie du patrimoine, la culture juridique étant un élément de la culture. Cette recommandation du Comité des langues officielles aiderait à faire connaître le problème posé par l'exportation de la jurisprudence québécoise qui, je le répète, est excellente.

Le sénateur Louis Robichaud: Je n'en doute pas.

Me Jacques Fournier: Pour répondre à votre question initiale, au moins 19 jugements sur 20 sont rendus en français au Québec. Cela tient compte de la réalité de la composition du banc et des plaideurs. La majorité de ceux qui sont de langue anglaise se débrouillent très bien en français et vice versa. À première vue, je vous dirais que 19 jugements sur 20 sont rendus en français; il nous reste un jugement sur 20, soit 5 p. 100, qui est facilement exportable et d'aussi bonne qualité.

Le problème est de transporter notre culture juridique. On s'adresse au Comité des langues officielles parce que c'est un problème de langue.

Le sénateur Louis Robichaud: Merci, monsieur le bâtonnier.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, sénateur.

Madame Fraser.

La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Vous excuserez mon ignorance totale, mais vous parlez dans votre lettre d'un projet qui circule. D'où vient-il, ce projet? Est-ce un projet du gouvernement fédéral, de l'administration ou du Barreau? Je le trouve admirable, mais quelle en est l'origine?

Me Jacques Fournier: Le projet vient d'un membre de ce comité.

La sénatrice Joan Fraser: D'un membre de ce comité?

Me Jacques Fournier: Oui, du président.

La sénatrice Joan Fraser: Excellent. Je comprends mieux alors.

J'abonde un peu dans le sens de mon collègue, le sénateur Beaudoin. Pourquoi se limiter aux jugements en matière criminelle?

Me Jacques Fournier: Ce n'est pas seulement en matière criminelle. Ce sera surtout en matière criminelle parce que la très grande majorité des décisions rendues traitent, malheureusement, d'affaires criminelles.

La sénatrice Joan Fraser: Oui, et le Code criminel...

Me Jacques Fournier: Le Code criminel est une loi fédérale. Il existe un même intérêt dans d'autres cas. Le premier exemple que je pourrais donner est celui de la Loi sur le divorce. Le deuxième exemple, pas nécessairement en ordre d'importance, est celui de la Loi sur la faillite. Il y a beaucoup de lois et de statuts fédéraux qui sont traités dans les décisions, parfois de façon incidente. Dans une décision en droit civil, il se peut qu'on ait été obligé d'intégrer des éléments du droit de la faillite. Dans une décision en droit de la famille, une bonne partie porte sur une loi provinciale, mais l'autre partie peut porter sur la Loi sur le divorce, qui est de droit fédéral.

La sénatrice Joan Fraser: Quand vous parlez dans votre lettre de jugements en matière criminelle, ce n'est pas limitatif, mais plutôt un point de départ.

Me Jacques Fournier: Oui.

Me Carole Brosseau: Dans l'application du Code criminel, il n'y a pas de juridictions concurrentes entre la Cour fédérale et la Cour supérieure. Parfois ces deux cours ont des juridictions concurrentes, mais ces juridictions s'exercent de moins en moins par la Cour supérieure du Québec au profit de la Cour fédérale actuellement. C'est pour cela qu'on a choisi cet exemple-là, mais évidemment, surtout dans un contexte bijuridique, cela touche toute la jurisprudence en provenance du Québec qui pourrait être connue. On se rend compte que le Code civil est souvent mal connu au Canada. C'est sûr que ce serait un avantage, sur le plan de la connaissance.

• 1600

La sénatrice Joan Fraser: Justement, je voudrais appuyer et même renforcer l'idée qu'il y a des jugements qui sont rendus en anglais au Québec et qui mériteraient d'être traduits en français.

Me Carole Brosseau: Nous l'avons dit.

La sénatrice Joan Fraser: Vous l'avez dit, mais je voudrais vraiment le souligner. Je pense par exemple à un jugement dont j'ai pris connaissance dans une vie antérieure, alors que j'étais journaliste, qui a été rendu lors d'un procès pour diffamation. Vous n'êtes pas sans savoir que c'est très complexe.

Le jugement qui a été rendu en anglais était un modèle. Si chaque journaliste l'avait sur son bureau, il y aurait beaucoup moins de procès pour diffamation. Mais il est uniquement en anglais; le procès s'était déroulé en anglais parce que les deux parties étaient anglophones, de même que le juge. Ainsi, mes confrères francophones ne pouvaient en avoir le bénéfice. Le résumé ne suffisait pas. Il fallait lire le jugement en entier, le déroulement logique du raisonnement étant tellement parfait.

Je ne voudrais surtout pas qu'on ait l'impression que tout ce qui se fait d'important dans les cours du Québec se fait en français.

Me Jacques Fournier: Oh, non. Ce n'est pas du tout le fond de ma pensée.

La sénatrice Joan Fraser: Je sais, je sais.

Me Carole Brosseau: D'ailleurs, vous soulevez un point important. Souvent, on peut retrouver des commentaires, par exemple dans des revues de droit, qui sont résumés en anglais et ensuite publiés dans leur version originale, en français, ce qui les rend inaccessibles aux uns, et vice versa.

Vous avez aussi fait remarquer qu'avoir un résumé n'était pas toujours suffisant. Si les avocats se contentaient de lire seulement les résumés, on... Il faut parfois lire la décision au complet parce que, même si le résumé rend compte de l'essentiel, c'est l'ensemble de la décision qui permet de saisir tous les rouages de la logique qui a mené le ou les juges à tirer telle ou telle conclusion.

Voilà pourquoi la traduction des jugements est importante. Souvent, on fait circuler des résumés dans l'une ou l'autre des langues officielles, mais il serait important que les jugements soient traduits intégralement. La difficulté ou le danger qu'on y voit, et nous l'indiquons d'ailleurs dans notre lettre, serait de commencer à traduire les jugements en anglais en faisant fi de la version originale en français. Il faudrait que cette version originale soit respectée et également communiquée.

C'est pourquoi on a donné l'exemple des recueils de jurisprudence de la Cour suprême, ou même de la Cour fédérale, où on a les deux versions, l'original en français ou en anglais ainsi que la traduction.

La sénatrice Joan Fraser: Merci.

Me Jacques Fournier: Permettez-moi, monsieur le président, d'ajouter quelque chose sur votre premier point, à savoir d'où vient cette idée.

Cette idée-là n'est pas étrangère à une autre actuellement en circulation, qui est d'établir une bibliothèque électronique, une bibliothèque virtuelle, pour permettre à tous les juristes canadiens d'avoir accès, non pas à toute la jurisprudence, mais à toute la jurisprudence sélectionnée.

La sénatrice Joan Fraser: [Note de la rédaction: Inaudible] ...de la Cour suprême.

Me Carole Brosseau: Exactement.

Me Jacques Fournier: C'est ça.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le bâtonnier.

Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): J'abonde tout à fait dans le sens de ce qui a été dit. Par contre, j'aimerais, si c'était possible, que l'on demande au personnel du comité de faire un peu de recherche et de faire une mise à jour de la situation générale au pays. Dans certaines juridictions et dans certains cas, les décisions sont traduites. Dans certaines autres, on achève de traduire les lois, souvent avec l'appui du gouvernement canadien.

Serait-il possible que l'on obtienne d'ici peu un aperçu, non pas détaillé, mais...

Une voix: C'est fait.

Mme Françoise Coulombe (attachée de recherche auprès du comité): Le commissaire a publié une étude, «L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux du Canada», dans laquelle c'est abordé.

M. Mauril Bélanger: Non. Ce que je vous demande...

Mme Françoise Coulombe: La situation de chaque province est...

M. Mauril Bélanger: Ce n'est pas ce que je demande. Je vais finir, si vous me le permettez, monsieur le président.

J'aimerais qu'on nous fasse d'abord part de ce qui se fait présentement au Canada, au niveau canadien et au niveau des provinces, en ce qui regarde la traduction des décisions.

Ensuite, je voudrais, si c'était possible, qu'on essaie d'attribuer un certain ordre de grandeur à cette demande, parce que c'est ni plus ni moins une demande d'aide financière qu'on nous fait.

• 1605

Il serait intéressant d'avoir une idée de l'ordre de grandeur de ce qui est demandé, parce que c'est toujours utile au moment de prendre des décisions ou de faire des recommandations. Avec ces deux séries de renseignements, je pense que le comité pourrait se pencher sur la possibilité de faire des recommandations à qui de droit.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Je vais demander aux attachés de recherche d'examiner ces deux points et de remettre la question à l'ordre du jour d'une des prochaines séances du comité afin qu'on puisse voir ce qu'on peut faire.

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Bélanger.

Madame Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup. Je suis désolée d'être arrivée en retard. Peut-être que j'ai manqué la question ou la réponse.

J'aimerais savoir deux ou trois choses, et je vous donnerai des explications d'abord. Au cours d'une étude sur les droits d'accès et de garde dans les meilleurs intérêts des enfants, un des cas qui nous ont été présentés était celui d'une mère au Québec, dont l'avocat était francophone, et un père, qui avait la garde de l'enfant, en Colombie-Britannique, lui aussi ayant un avocat francophone. Les deux devaient comparaître devant un juge anglophone. Le jugement original sur le partage des enfants—l'un à la mère et l'autre au père—n'avait pas été fourni en anglais au juge. Les avocats ne pouvaient pas se mettre d'accord sur la façon de présenter l'affaire.

Je ne veux pas entrer dans tous les détails, sauf pour dire que voici un dossier de droit familial qui mettait aussi en cause le droit des biens et un certain nombre d'autres questions liées à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils avaient affaire à ce que je considère une situation injuste du point de vue juridique et pour les parents et pour le juge.

Je me demande si, étant donné que nous avons un pays qui est censé être bilingue, avec deux langues officielles, et que nous voyons cela comme une valeur fondamentale au Canada, si nous ne sommes pas obligés de trouver un mécanisme qui permettrait de réaliser ce que nous prétendons être.

Je vais faire une suggestion—si quelqu'un l'a déjà proposée, tant mieux, je vais appuyer la motion. Pourquoi l'Association du Barreau canadien et les membres de l'Association du Barreau québécois—les dix provinces étant ainsi représentées par leurs organisations juridiques—ne pourraient-ils pas examiner, trois fois par année, les jugements qui ont été rendus, choisir ceux qu'ils considèrent être utiles pour les juges ou les avocats à travers le pays, et ensuite les faire traduire par les services compétents, auprès de Patrimoine Canada?

Effectivement, ce seraient les juges et les avocats qui ont entendu et plaidé les causes, qui choisiraient les dossiers pertinents. Alors personne dans ce pays ne serait privé de son droit ou d'un jugement éclairé, qu'il soit du Québec, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick ou de Vancouver. Est-ce que cela irait? Croyez-vous que cela pourrait être efficace?

[Français]

Me Jacques Fournier: Cela rejoint un peu les propos de M. le député Plamondon voulant que, dans un monde idéal, la jurisprudence puisse circuler dans les deux langues, quelle que soit son origine, et ainsi être d'une plus grande utilité.

Ce qui est proposé ici pour l'instant, c'est de permettre à la jurisprudence québécoise d'être exportée dans les autres juridictions. Mais je suis aussi certainement d'accord qu'il faut aussi trouver le moyen de faire en sorte que mes confrères du Québec, ceux qui sont de langue française et ont de la difficulté en anglais, puissent aussi avoir accès à des décisions unilingues. Cela élargit le propos qui vous est présenté, mais je ne peux qu'être d'accord.

Mme Sheila Finestone: C'est exactement l'argument que j'avance. Si on a un pays, coast to coast et une loi qui est pour tous les citoyens, elle devrait être respectée et on devrait mettre à la portée de tous la jurisprudence pouvant éclairer d'autre cas ou orienter la prise de décision ou la plaidoirie des avocats et avocates.

• 1610

On se sert de la jurisprudence de la Grande-Bretagne et des États-Unis à plusieurs endroits. J'espère que c'est la même chose au Québec et qu'on a accès à tout cela. Au Canada, on devrait avoir accès à la jurisprudence dans les deux langues.

Me Jacques Fournier: On y a accès, mais au Québec, quand cela provient de provinces anglaises, on y a accès en anglais, sauf, évidemment, quand ce sont des institutions fédérales qui rendent les jugements.

Mme Sheila Finestone: Que vous soyez de langue anglaise ou de langue française, ou que votre langue maternelle ne soit ni l'anglais ni le français, vous devez avoir accès aux jugements qui pourraient avoir un impact négatif ou positif sur votre vie quotidienne, sur la vie de votre famille ou sur la conduite de votre affaire.

Me Jacques Fournier: Parlez-vous du jugement rendu dans l'instance ou des jugements en tant que matière de jurisprudence pouvant servir... À entendre vos derniers propos, je ne suis pas convaincu qu'on parle de la même chose.

Mme Sheila Finestone: Je ne suis pas avocate et je ne veux rien ajouter à votre suggestion, qui est de s'adresser à un regroupement bien informé et bien instruit qui examinerait la matière, porterait un diagnostic et déciderait, après analyse, de transmettre certaines décisions à une instance qui en ferait la traduction. En somme, l'une se chargerait du contenu et l'autre, du contenant. Did I say that right?

Me Jacques Fournier: C'est encore mieux.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, madame Finestone.

Louis Plamondon.

M. Louis Plamondon: Pour ma part, je réaffirme que le principe de la justice rendue dans les deux langues devrait être, il me semble, quelque chose d'évident. Si la Loi sur les langues officielles a des dents ou existe réellement, il faut absolument que ce soit quelque chose d'accessible.

Je ne sais pas, cependant, ce que cela coûterait. Je ne sais pas quelle instance pourrait le faire. Je pense que M. Bélanger a demandé qu'on se penche là-dessus. Par quelle voie l'argent devrait-il être attribué et quelle instance gouvernementale fédérale devrait appuyer l'opération? Je ne le sais pas.

En tout cas, je pense qu'à la suite de votre visite, il devrait y avoir unanimité autour de cette table pour qu'une résolution énonce que tous les efforts devraient être tentés pour que la justice soit rendue dans les deux langues. Même si on dit que la plupart des juges au Québec parlent les deux langues, je suis certain que, quelquefois, certains jugements sont rendus sans qu'on ait consulté la jurisprudence pertinente à la cause qui existe en anglais parce que cela aurait demandé un effort un peu plus grand. Il est certain, par ailleurs, que la plupart des jugements sont rendus sans tenir compte de la jurisprudence accumulée en français. Pourtant, pour les uns et pour les autres, ce serait enrichissant. Comme le disait le sénateur, nous avons les deux plus grands systèmes de justice au monde, la common law et le Code Napoléon, comme on l'appelle.

Alors, je pense qu'on devrait conclure tous ensemble que non seulement nous vous appuyons, mais aussi que vous n'en demandez pas assez. Nous avons compris ce que vous désirez et nous allons faire en sorte de vous en donner davantage.

Me Jacques Fournier: Si vous étiez juge, je vous dirais que c'est la première fois qu'un juge me dit que je n'en demande pas assez.

Des voix: Ah, ah!

M. Louis Plamondon: Je ne suis pas au criminel, moi.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Plamondon.

Denis Coderre.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Je trouve intéressante la sortie de mon collègue Plamondon, d'autant plus que s'il pense que tout devrait être bilingue au plan judiciaire au Québec, cela veut dire qu'il commence à comprendre que tout doit se faire dans les deux langues, même au Québec. Je trouve cela intéressant. Je remarque qu'à force de se tenir avec nous, il commence à manifester une certaine ouverture. Je suis d'accord avec vous.

M. Louis Plamondon: [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Denis Coderre: Pour ajouter mon grain de sel, monsieur le bâtonnier, je dirai qu'on gagne à connaître l'envergure judiciaire du Québec. Je ne suis pas avocat, mais j'ai assez étudié pour comprendre que dans le domaine jurisprudentiel, le Québec a souvent été à l'avant-garde. Il est important que, peu importe la langue dans laquelle ces choses sont écrites, nos collègues des autres provinces puissent également y avoir accès.

• 1615

Cela démontre une ouverture, et je pense qu'il est nécessaire, dans la poursuite de cet objectif, de s'assurer que les peuples puissent se rassembler. Je souscris pleinement à votre demande. C'est sûr que dans le meilleur des mondes, tout devrait être dans les deux langues, mais le simple fait qu'il y ait accessibilité permettrait à nos collègues des autres provinces de voir le merveilleux travail qui se fait sur le plan judiciaire. Ce serait déjà quelque chose qui serait très apprécié et appréciable.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Coderre.

Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je crois qu'il y aurait moyen de concilier les deux points de vue. Je suis d'accord avec vous au départ que puisque nous avons deux systèmes de droit qui peuvent aller jusqu'à la Cour suprême du Canada, qui est la clé de voûte, l'idéal serait que tout soit bilingue. Je n'ai aucun problème à cet égard.

Par contre, en relisant la lettre du bâtonnier, qui est très bien faite d'ailleurs, j'arrive à la conclusion qu'on devrait peut-être dire qu'en principe, tout ce qui a une valeur jurisprudentielle devrait être dans les deux langues. Il n'est pas nécessaire de traduire la décision d'un juge qui a réglé la question d'un accident d'automobile, qui n'intéresse que deux personnes, soit le demandeur et le défendeur. Ce n'est qu'une question de faits, le droit est très clair et il n'y a pas de jurisprudence.

Par contre, dans un pays comme le nôtre, où il y a partage des pouvoirs entre Ottawa et les provinces, on devrait idéalement traduire un principe criminel, civil, constitutionnel, administratif ou autre. La preuve, c'est que la Cour suprême va y faire allusion dans un jugement. Il ne faut jamais oublier que parmi les neuf juges qui y siègent, il y a six common lawyers et trois civilistes, lesquels ont évidemment fait leur droit en français, en anglais ou dans les deux langues.

Je soutiens donc que tout ce qui a valeur jurisprudentielle devrait être traduit. Cela ne comprend pas une action en dommages où le juge de première instance accorde 130 000 $ et la cour d'appel, 140 000 $. On peut laisser passer ça. C'est une question d'évaluation.

J'irais dans le sens de votre lettre et je la concilierais avec ce que M. Plamondon veut. Je suis d'accord sur le principe que tout ce qui a valeur jurisprudentielle devrait être traduit. À mon avis, il n'y a qu'un seul ministère qui peut faire ça: le ministère de la Justice, que ce soit au palier provincial ou fédéral, ou aux deux. Le ministère du Patrimoine canadien fait un travail incroyable, mais on parle surtout ici de justice. S'il y a quelque chose qui est juridique, c'est bien la common law et le droit civil, et c'est pourquoi je propose que l'on confie cette question au ministère de la Justice. Cette traduction pourrait, grâce à des subventions, se faire au niveau provincial ou encore au niveau fédéral. Je n'entrerai pas dans ces champs de discussion. Ce qui est important, c'est le principe. Je suis très content d'être ici cet après-midi. Nos discussions sont très intéressantes. Je ne sais pas qui a eu cette idée, mais c'est très bien. Je le ou la félicite.

Une voix: C'est M. Paradis.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est M. Paradis? Eh bien, on est au paradis!

Croyez-vous qu'on devrait déterminer la nécessité de traduire un jugement en fonction de sa valeur jurisprudentielle, qu'il soit en français ou en anglais?

Me Jacques Fournier: Quand on parle d'une sélection, c'est effectivement l'objectif visé. Une sélection se fait déjà au niveau juridique et on pourrait la doubler au niveau linguistique.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Là, vous aviez une discrétion.

Me Jacques Fournier: Oui.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il y aurait un conseil qui aurait discrétion. On ne peut pas tout rapporter, car ça n'aurait pas de bon sens.

Me Jacques Fournier: Un comité de rédaction.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, et sans distinction. On conserverait aussi les jugements dans leur langue originelle.

Me Carole Brosseau: Monsieur Beaudoin, je dois vous avouer qu'avant de prendre cette position, nous avons consulté les membres du Barreau, qui nous ont dit oui pour les jugements et oui pour la traduction. D'ailleurs, ils croient qu'il serait souhaitable que les jugements rendus en anglais soient traduits en français, mais ils doutent qu'on les écoute jusque-là, puisqu'ils se débrouillent avec ce qu'ils ont à l'heure actuelle. Ils étaient d'accord qu'on devait utiliser le critère de la valeur jurisprudentielle et que tous les jugements ne méritaient pas nécessairement d'être traduits, autant de l'anglais au français que vice versa.

• 1620

C'est vraiment un processus de consultation. Je crois que si on faisait le même exercice partout au Canada, les avocats des autres provinces conviendraient que le facteur de la pertinence est important.

Le sénateur Gérald Beaudoin: L'Université d'Ottawa et l'Université de Moncton ont traduit la common law en français. C'est vraiment extraordinaire. Je ne vois pas pourquoi les jugements québécois de langue française ne pourraient pas être traduits en anglais s'ils ont une valeur jurisprudentielle. La preuve, c'est qu'on invoque les juristes français devant la cour, tout comme on y invoque les juristes britanniques, américains et canadiens-anglais. S'il y a un domaine qui doit être bilingue, c'est bien le domaine des lois. Cela m'apparaît fondamental.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin.

Denis, une petite question.

M. Denis Coderre: Je m'excuse d'avoir manqué le début de votre réponse. Est-ce que vous avez eu des réactions de la part de la ministre de la Justice du Québec?

Me Jacques Fournier: Non, pas moi.

M. Denis Coderre: Est-ce que vous avez consulté le Québec à ce sujet?

Me Jacques Fournier: Non.

M. Denis Coderre: Avez-vous l'intention de le faire?

Me Jacques Fournier: Oui, assurément.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Je pourrais ajouter que nous avons demandé à notre attaché de recherche de nous apporter deux réflexions, dont une sur ce qui se fait partout, et l'autre sur les coûts approximatifs que cela représente. Je crois que le sénateur Beaudoin a fait une suggestion excellente.

M. Denis Coderre: Je voulais savoir si le Québec comme tel avait réagi à cela.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): D'accord. Ils ont peut-être renvoyé cette question au ministère de la Justice puisqu'elle relève peut-être plus de ce dernier que du ministère du Patrimoine canadien.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis porté à choisir le ministère de la Justice plutôt que celui du Patrimoine canadien parce que là, c'est l'argent du public...

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): On aurait dû dire cela avant que Mauril parte; cela l'aurait un peu tranquillisé.

Des voix: Ah, ah!

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Louis Plamondon: Non, ça va. Merci.

Le coprésident suppléant (M. Denis Paradis): Nous vous remercions de votre présentation. Nous essaierons de faire le suivi de ce dossier.

Les membres du comité vont maintenant siéger à huis clos pour l'étude du neuvième rapport.

[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos].