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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mars 1999

• 1534

[Français]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour, docteur Goldbloom. Nous sommes très heureux que vous soyez parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

Nous sommes ravis de vous recevoir, monsieur Goldbloom. Vous tenez toujours le flambeau. Je sais que c'est une charge onéreuse mais nous vous sommes très reconnaissants de l'assumer. Comme nous avons le quorum, pourriez-vous...? Avez-vous quelques observations liminaires à faire? Merci.

[Français]

• 1535

M. Victor Goldbloom (commissaire aux langues officielles): Madame la présidente, vous me permettrez de dire en premier lieu quelques mots sur deux sujets.

[Traduction]

Il y a quelques jours, j'ai envoyé un texte au comité. Je ne suis pas absolument sûr que tout le monde l'ait reçu et l'ait vu mais j'aimerais...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Avez-vous distribué ce texte aux membres du comité?

[Français]

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Je l'ai reçu à mon bureau.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): J'arrive à peine. Je ne le savais pas.

[Traduction]

Il semble que nous l'ayons reçu.

[Français]

M. Louis Plamondon: Vous l'avez reçu à votre bureau.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Veuillez m'en donner un exemplaire, s'il vous plaît.

M. Victor Goldbloom: J'aimerais donc vous présenter très brièvement un petit historique.

On se souviendra que la Charte a été adoptée il y a environ 17 ans et que l'article 23 traitait du droit des familles appartenant à une langue officielle minoritaire d'envoyer leurs enfants à l'école dans leur langue. Pendant des années, cet article n'a pas été mis en application comme il aurait dû l'être dans tout le pays. En fait, jusqu'à il y a encore cinq ans, seules deux provinces, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, avaient créé un système de gestion scolaire pour leur minorité d'expression française. Et ceci, malgré un jugement de la Cour suprême du Canada en 1990 interprétant l'article 23 et précisant la façon dont il devrait être mis en application par les différentes provinces.

Une autre décision de la Cour suprême en 1993, à propos du Manitoba, a poussé le gouvernement canadien à prendre l'initiative d'une assistance financière aux provinces mettant en oeuvre un tel système.

Le résultat est que nous avons maintenant dans toutes les provinces et dans les deux territoires qui existaient jusqu'à tout récemment, un système de gestion scolaire.

[Français]

Ce qui nous frappe, c'est que la longue lutte pour l'obtention de la gestion scolaire a été une belle réussite, mais que cette réussite est tout de même partielle. Il y a un peu partout au pays des parents ayants droit qui n'ont pas encore choisi l'école française pour leurs enfants. Il est évident que, si la gestion scolaire n'a pas pour résultat une augmentation des inscriptions, elle n'a pas sa pleine raison d'être.

C'est pour cette raison que nous avons entrepris une étude en vue d'évaluer les motivations des parents qui optent pour l'école française et les raisons qui peuvent amener d'autres parents à opter malgré tout pour l'école anglaise. Vous avez maintenant ce rapport entre les mains. À la page 20, vous trouverez un tableau qui donne, par ordre décroissant d'importance, les facteurs qui ont été identifiés dans les consultations que nous avons menées auprès de groupes de parents. Ce n'est pas une étude scientifique, mais une compilation d'opinions exprimées par des parents qui faisaient partie de groupes témoins.

• 1540

Nous avions deux groupes: un groupe de parents qui avaient opté pour l'école français et un autre groupe de parents qui, même s'ils avaient le droit de le faire, n'avaient pas opté pour l'école française.

Je vous laisse le loisir de regarder et d'apprécier les points de vue exprimés par les parents. Je voudrais souligner que nous n'avons pas voulu que ce document soit seulement une constatation ou une compilation d'opinions exprimées. Nous voulons le partager avec les communautés, avec les conseils scolaires, notamment les conseils scolaires francophones qui existent maintenant dans les diverses provinces, et avec des organismes nationaux comme l'ACELF, l'Association canadienne d'éducation de langue française, et la CNPF, la Commission nationale des parents francophones. Notre objectif est que des stratégies soient élaborées pour mieux inciter les parents ayants droit à choisir l'école française pour leurs enfants, cela dans l'intérêt de leur communauté et de notre pays.

[Traduction]

Ma deuxième série d'observations, madame la présidente, porte sur le rapport qui vous a déjà beaucoup occupée, à savoir le rapport du groupe de travail sur les transformations gouvernementales et les langues officielles présidé par M. Yvon Fontaine. Celui-ci s'intitule «Maintenir le cap: la dualité linguistique au défi des transformations gouvernementales».

Je dirais tout d'abord que c'est un rapport très utile et que, personnellement, professionnellement si vous voulez, je suis reconnaissant au groupe Fontaine du travail qu'il a fait et de la qualité du rapport qu'il nous a présenté. Je suis néanmoins obligé de dire qu'il y a en particulier trois points sur lesquels j'aurais espéré qu'il soit plus explicite et plus vigoureux et qui me semblent extrêmement importants.

Depuis le début de cette étude... Vous vous souvenez sans doute qu'il y a près d'un, j'avais dans mon rapport annuel évalué les transformations gouvernementales, notamment la cession de responsabilité du gouvernement fédéral aux provinces, la création d'organismes paragouvernementaux reprenant les responsabilités de certains ministères et la privatisation. Je suis convaincu que vous reconnaîtrez avec moi qu'il y a une grosse différence entre cession et privatisation ou création d'organismes paragouvernementaux.

Les deux derniers changements se font par voie législative et le Parlement peut, et le fait pratiquement toujours, inclure dans la loi l'obligation que les droits linguistiques des Canadiens soient respectés par le nouvel organisme ou par l'entité privatisée. C'est exactement ce qui a été fait dans le cas des nouveaux organismes créés pour la gestion des parcs, les douanes, la privatisation d'Air Canada, la privatisation du CN et la privatisation des aéroports. Le seul...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Mais non pas la privatisation de Petro-Canada.

• 1545

M. Victor Goldbloom: C'était l'exception que j'allais mentionner. Je reconnais que c'est une situation plus complexe.

Cela étant, la différence entre les privatisations et la création d'organismes d'un côté et la cession de pouvoirs de l'autre est que la cession est le résultat d'ententes. Or, les négociations qui ont eu lieu entre les autorités fédérales et provinciales n'ont pas toujours abouti à la protection totale des droits linguistiques des Canadiens.

Depuis que je m'intéresse à la question, je signale que lorsqu'une responsabilité est transférée du gouvernement fédéral au palier provincial, le service est le même. Le citoyen nécessitant ou demandant ce service est le même. Les droits de ce citoyen devraient donc aussi être les mêmes.

En particulier, ce qui n'a pas été transféré ni recréé est un mécanisme de réparation et de recours, un mécanisme par lequel le citoyen qui n'obtient pas un service, du point de vue linguistique, auquel il a le droit, a quelqu'un vers qui se tourner pour faire en sorte que cette lacune soit portée à l'attention des autorités responsables et que l'on remédie à la situation.

[Français]

J'aurais souhaité que le groupe de travail précise cette exigence, qu'il précise qu'il faut que l'on recrée un mécanisme de recours et de redressement afin que les droits des citoyens soient respectés et mis en vigueur.

Je reconnais deux choses. Les provinces étant des gouvernements dûment et démocratiquement élus, je reconnais qu'elles ne s'estiment pas visées par l'article 25 de la Loi sur les langues officielles. Cet article dit que, si une institution fédérale transfère à une autre instance la responsabilité d'un service que cette institution fédérale a le devoir d'assurer, la nouvelle instance doit fournir ce service dans les deux langues officielles là où le nombre le justifie.

Je reconnais que les provinces n'acceptent pas d'être perçues comme des tiers agissant pour le compte du gouvernement fédéral. Cependant, le fait demeure que le service est le même, que le citoyen est le même citoyen et que les droits devraient être maintenus et respectés.

Reconnaissant que, même si les ententes de dévolution peuvent être révisées et renégociées à un moment donné, le processus est irréversible, j'aimerais informer le comité que j'ai abordé tout récemment avec mes collègues, les ombudsmans provinciaux, la possibilité que ces derniers puissent assumer la responsabilité de répondre aux demandes, aux besoins et aux doléances des citoyens. Leur réaction a été fort positive. J'ai demandé à mes collègues de bien vouloir examiner le cadre juridique qui leur permettrait d'agir en ce sens, et ils ont accepté de le faire.

• 1550

Il y a cependant deux problèmes. En premier lieu, il n'y a que huit provinces sur dix qui ont un ombudsman. Donc, dans deux provinces, le mécanisme n'est pas encore disponible. Ensuite, la capacité des ombudsmans et de leurs bureaux de fonctionner dans les deux langues officielles n'est pas assurée comme elle l'est lorsque le commissaire fédéral aux langues officielles est chargé du mécanisme de recours et de redressement.

Le deuxième problème, c'est que même s'il en parle dans le texte, le groupe de travail n'est pas arrivé à une recommandation concernant les droits des fonctionnaires qui sont mutés du niveau fédéral au niveau provincial en ce qui concerne la langue de travail. Ces droits ne sont pas reproduits de façon précise, et ce n'est pas dans toutes les provinces que de tels droits existent.

Troisièmement, je suis un peu perplexe devant la recommandation numéro 4 du groupe de travail, qui semble faire une distinction entre une responsabilité qui est principalement fédérale et une responsabilité qui est transmise à un autre niveau de responsabilité. Cela me ramène à ce dont je parlais il y a un instant. Le rapport dit que si la protection des droits est diminuée par le processus de dévolution, l'on devrait, au niveau fédéral, trouver le moyen de renforcer cette protection.

Si cela n'a pas été effectué dans le processus de négociation fédéral-provincial, il me paraît difficile d'envisager un moyen par lequel le gouvernement fédéral pourrait intervenir auprès des provinces afin de renforcer la protection des droits des citoyens.

Voilà, madame la présidente, les préoccupations que je voulais partager avec vous. Permettez-moi de terminer en disant deux choses.

Lors de la dernière séance de ce comité, un membre a demandé à M. Fontaine en quoi il était allé plus loin que le commissaire dans son rapport d'il y a un an.

J'aimerais offrir deux éléments de réponse. Vous vous rappellerez que lorsque j'ai rendu public mon rapport sur les transformations gouvernementales, le gouvernement a réagi de façon très rapide et très efficace en créant dans les 48 heures le groupe de travail présidé par M. Fontaine.

Je vous dis en toute franchise que mon objectif était de tester la volonté politique du gouvernement. Le résultat a été extrêmement positif. Je lève mon chapeau notamment au président du Conseil du Trésor, M. Marcel Massé, qui a pris l'initiative de réagir, de former le groupe de travail et de le charger de la tâche que vous connaissez.

Deuxièmement, il arrive que le commissaire aux langues officielles dépose un rapport, que le comité l'invite à en discuter et que cela retienne l'attention des médias durant une journée ou deux, mais il n'est pas certain que l'intérêt va se maintenir.

• 1555

Je suis fort encouragé par le fait que ce comité aura consacré quatre séances au rapport du groupe Fontaine. De plus, les précisions qui viennent d'être apportées à ce qui a été annoncé dans le cadre du Discours du budget sont encourageantes en ce qui concerne l'avenir et la force vive des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire.

Finalement, madame la présidente, j'aimerais dire que tout ceci, c'est-à-dire le rapport sur les motivations des parents, le rapport Fontaine et nos préoccupations concernant les dévolutions, porte sur la nature même de notre société et sur l'existence au sein de cette société, dans chaque province et dans chaque territoire, d'une majorité linguistique et d'une minorité linguistique. C'est une responsabilité politique que nous devons assumer: nous devons définir non seulement les droits des minorités, mais aussi la nature de la société qui a des minorités en son sein. C'est sur ce projet de société que nous devons nous pencher constamment, et c'est ce que nous avons voulu faire en examinant les transformations gouvernementales et leurs effets sur la société canadienne et sur les droits des citoyens canadiens et en examinant les motivations des parents en ce qui concerne l'éducation.

Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup, monsieur Goldbloom. Vous avez certainement présenté un excellent historique chronologique de la Loi sur les langues officielles. Pour certains d'entre nous, en particulier pour les anglophones du Québec, l'évolution a été assez déroutante à bien des égards, tout comme, évidemment, pour les francophones hors Québec, en particulier quand vous signalez la décision de la Cour suprême concernant le droit des enfants d'avoir accès à la langue de leur famille, ce que l'on ne respecte pas dans tous les cas au Québec.

Avant de passer la parole à mes collègues, je voulais vous poser une question. La recommandation 4 du rapport Fontaine—je vous rappellerai que le rapport Savoie a également été très important pour notre comité—bref, cette recommandation 4 dit précisément:

    [...] que, dans le cas où il s'agit d'une fonction considérée comme étant légitimement d'un ressort autre que celui du gouvernement fédéral, le cadre précise que le régime linguistique applicable doit tenir compte des circonstances particulières de la situation et que, dans la mesure où celui-ci est moins favorable que le régime antérieur, des mesures compensatoires soient prévues pour affirmer autrement la dualité linguistique officielle; que des critères plus rigoureux soient énoncés au cadre quant à l'appui au développement et à l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire...

Hier, la ministre du Patrimoine a déposé un communiqué dans lequel elle indique comment elle va utiliser ce fonds supplémentaire de 70 millions de dollars et il n'est pas question de mesures compensatoires concernant les programmes qui, comme vous l'avez signalé, ont souffert de la cession, si je puis m'exprimer ainsi, qu'il s'agisse de DRH, Santé, Justice, Pêches, SCHL, de Tourisme Canada ou de Petro-Canada.

Diriez-vous que la responsabilité des programmes de développement du marché du travail ayant été confiée aux provinces, le gouvernement fédéral devrait prévoir de l'argent pour s'assurer que dans les diverses provinces l'accès à ces programmes soit garanti aux groupes de minorités linguistiques?

M. Victor Goldbloom: Je ne pense pas qu'il s'agisse essentiellement d'une question d'argent; c'est une question de compétence et de cadre législatif.

Le cadre législatif qui existe au palier fédéral est très précis et a été voulu comme tel par le Parlement afin de veiller à la reconnaissance de ces droits et si la loi n'est pas convenablement appliquée le citoyen a quelqu'un vers qui se tourner.

• 1600

Il y a une province officiellement bilingue au Canada: le Nouveau-Brunswick. Il y a des provinces comme l'Ontario et le Manitoba, et maintenant l'île-du-Prince-Édouard qui ont pris des mesures pour veiller à ce que les membres de leur population de langue officielle minoritaire aient accès aux services. Toutefois, nous ne disposons toujours pas de mécanisme de recours au cas où ces services ne sont pas assurés.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Pardon. Cela signifie-t-il que le rôle d'ombudsman, que vous pourriez avoir en qualité de commissaire aux langues officielles, pourrait inclure un rôle d'intervention pour assurer que les services nécessaires dans ces collectivités soient fournis?

M. Victor Goldbloom: Il me faudrait demander au comité de voir s'il est concevable que l'on intervienne auprès des provinces pour qu'elles acceptent que l'autorité du commissaire fédéral aux langues officielles continue d'être appliquée après cession de la compétence au niveau provincial. Une certaine expérience de l'histoire du Canada me pousse à croire que la réponse, en grande partie, serait non. C'est pourquoi...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Cela ne respecte pas l'engagement pris en vertu de la Charte ou de la Loi sur les langues officielles, vous ne trouvez pas? Ce serait plutôt le nier.

M. Victor Goldbloom: Les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, depuis plus d'un siècle d'existence, ont été plutôt compliquées. Nous avons essayé d'en arriver à un consensus sur la mesure dans laquelle nous souhaitons être centralisés et sur la mesure dans laquelle nous voulons être décentralisés.

La tendance générale au niveau provincial est de réclamer plus de décentralisation, d'exhorter le gouvernement fédéral à moins intervenir. Même si j'aime croire que nous pourrions entièrement transférer ou reproduire les mécanismes de protection ou de recours qui existent depuis que le gouvernement fédéral a assumé cette responsabilité, j'ai trouvé que la seule solution pratique est de s'adresser aux ombudsmans provinciaux et de leur demander d'examiner leur cadre législatif et leur aptitude à s'occuper des problèmes qui ont été transférés à la compétence provinciale du fait des accords de cession.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci de cette explication. Je trouve que s'il y a un système de valeurs national, qui inclut, par exemple, les langues officielles—dont nous sommes très fiers—l'assurance-santé et la péréquation, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Toutefois, je comprends la difficulté que posent les relations fédérales-provinciales.

Monsieur Mark.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci madame la présidente.

Je voudrais vous remercier de vos observations.

Je vais reformuler la question que madame la présidente a posée. Croyez-vous que le gouvernement fédéral a manqué à son devoir d'appuyer la décision de la Cour suprême relativement aux droits linguistiques des minorités?

M. Victor Goldbloom: Non. Je pense que ce serait une critique injuste. Le gouvernement fédéral a considérablement appuyé les collectivités minoritaires de langues officielles... mais pas assez.

Dans un rapport antérieur, lorsque nous avons examiné la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, qui engage en particulier le gouvernement fédéral à soutenir ces collectivités et à favoriser leur vitalité, nous avions signalé qu'il y avait beaucoup de carences. Toutefois, précisément à cet égard, chaque province qui a conclu une entente portant, par exemple, sur la formation de la main-d'oeuvre, a négocié individuellement avec le gouvernement fédéral, et les résultats ont varié d'un cas à l'autre.

Chose assez intéressante, l'accord qui semble avoir le mieux réussi est l'accord fédéral-provincial avec le Québec où, en annexe de l'accord, des documents précisent la manière dont les services seront offerts à la collectivité minoritaire de langue officielle de cette province en conformité des critères mathématiques habituels.

• 1605

Il est donc possible de parvenir à des arrangements satisfaisants. Malheureusement, la plupart des accords qui ont été conclus ont dit simplement et même de façon simpliste—pardonnez-moi d'utiliser un mot un peu plus sévère—que les services seraient fournis dans les deux langues là où le nombre le justifie. On ne décrit aucun mécanisme qui permette de savoir comment ces dispositions seraient mises en oeuvre. Chose encore plus importante, il n'existe pas de recours ni de mécanismes de réparation si les services ne sont pas obtenus là où on y a droit.

M. Inky Mark: La semaine dernière, des membres du comité du patrimoine ont parcouru le pays, demandant aux intervenants de s'exprimer sur les questions touchant la culture canadienne. Comme vous le savez, l'année dernière, nous avons célébré 25 ans de multiculturalisme. Ma question est donc la suivante: quelle sera l'incidence sur la Loi sur les langues officielles, quelles seront les pressions exercées par le caractère multiculturel de cette société?

M. Victor Goldbloom: Parfois, les gens voient une opposition entre, d'une part, la nature bilingue du Canada et, d'autre part, la nature multiculturelle du Canada. Personnellement, j'estime très fermement que l'on crée là un conflit inapproprié. Je pense que nous sommes et que nous devons être à la fois un pays bilingue et un pays multiculturel.

Lorsqu'on examine la mosaïque canadienne et que l'on voit un grand nombre de langues dans cette mosaïque, en chiffres ronds je dirais environ 150, y compris les langues autochtones de notre pays, nous avons manifestement un patrimoine linguistique très diversifié. Notre politique multiculturelle vise en partie à respecter et à renforcer ces héritages et à aider les gens à garder leur langue patrimoniale, s'ils le souhaitent.

C'est là une question différente de celle de savoir comment l'administration fédérale communique avec l'ensemble des Canadiens. Comment rejoignons-nous tous les Canadiens? Si nous nous servons uniquement de l'anglais, nous atteignons environ 84 p. 100 des Canadiens. Si nous parlons en anglais et en français, nous atteignons 98,6 p. 100 de tous les Canadiens. Lors du dernier recensement, seulement 1,4 p. 100 de tous les Canadiens ont déclaré ne comprendre ni l'anglais ni le français. Toutefois, si l'on ajoute n'importe quelle autre langue, même la langue numéro trois au Canada quant à l'utilisation à domicile, soit le chinois aujourd'hui, nous communiquons avec environ un million de Canadiens, ce qui signifie que nous n'atteignons pas environ 28 millions de Canadiens, plutôt que de ne pas atteindre 1,4 p. 100 de la population.

L'autre chose que l'on constate, c'est qu'il y a des forces concurrentes qui influencent l'utilisation de la langue dans notre société. Il y a, par exemple, l'immigration. Les gens ont cherché à devenir Canadiens et sont venus de tous les coins du monde. Cela va sans dire, beaucoup de gens qui viennent ici ne parlent bien ni l'anglais ni le français et, chez eux, se servent de leur langue natale pendant bien longtemps.

Toutefois, en attendant, d'autres influences s'exercent. Les enfants vont à l'école et y sont instruits en anglais ou en français, selon le cas, selon le lieu où ils habitent au Canada. Ils jouent avec d'autres enfants qui sont susceptibles d'être membres de la majorité et ils acquièrent non seulement de l'instruction, mais également des habitudes sociales qui se déroulent dans la langue prédominante de cette région au Canada.

• 1610

Cela signifie que si l'immigration est importante, l'utilisation d'une langue donnée à domicile tendra à s'accroître. Toutefois, si l'immigration diminue, le deuxième facteur amènera les enfants, et même les parents, à se servir de l'anglais ou de français plutôt que de leur langue natale comme principal moyen de communication à domicile.

Permettez-moi de tirer quelques exemples de ce que nous avons vu. Prenons le cas de trois langues dont l'utilisation à domicile a augmenté ces dernières années, le chinois, l'espagnol et le portugais. Contrastons cela avec trois langues dont l'utilisation à la maison a diminué ces dernières années: l'italien, qui jusqu'à tout récemment était la troisième langue du Canada, l'allemand et l'ukrainien. Cela signifie que nous avons une responsabilité à l'endroit de la diversité du Canada. Nous avons également, surtout dans les institutions fédérales, la responsabilité d'être capables de communiquer de façon efficace et compréhensible avec tous les Canadiens et cela nous contraint à nous servir de l'anglais et du français là où le nombre le justifie.

M. Inky Mark: Merci, monsieur Goldbloom.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

[Français]

Monsieur Plamondon, s'il vous plaît.

M. Louis Plamondon: Merci, monsieur le commissaire. Avant de parler du rapport Fontaine, je vais faire comme vous et vous poser une question sur un autre sujet qui me touche beaucoup, soit les futures nominations à la Commission du droit d'auteur.

Le ministre Manley, qui en a la responsabilité, s'apprête à nommer certaines personnes comme président, vice-président et commissaires. Nous nous sommes inquiétés du fait qu'il semblerait que sa première idée était de nommer un président unilingue anglais. Je voudrais connaître votre avis à ce sujet.

Ma consoeur, Mme Lalonde, vous a écrit pour manifester son inquiétude et demander votre intervention dans ce dossier. Vous avez décidé d'écrire au ministre Manley et d'envoyer copie de votre lettre au premier ministre, M. Chrétien. J'aimerais qu'aujourd'hui, devant le comité, vous déposiez la lettre que vous avez fait parvenir au ministre et que vous nous disiez si vous êtes d'accord sur la position que j'exprime clairement, à savoir que le président devrait être bilingue et que les commissaires, puisqu'ils ont un rapport juridique, devraient respecter les parties III et V de la Loi sur les langues officielles, c'est-à-dire être capables d'entendre les plaintes sans traduction dans les deux langues.

M. Victor Goldbloom: Monsieur Plamondon et madame la présidente, si vous me le permettez, je citerai l'article 16 de la loi. Vous le connaissez, mais j'aimerais le faire pour les fins du compte rendu:

    16. (1) Il incombe aux tribunaux fédéraux autres que la Cour suprême du Canada de veiller à ce que celui qui entend l'affaire:

      a) comprenne l'anglais sans l'aide d'un interprète lorsque les parties ont opté pour que l'affaire ait lieu en anglais;

      b) comprenne le français sans l'aide d'un interprète lorsque les parties ont opté pour que l'affaire ait lieu en français;

      c) comprenne l'anglais et le français sans l'aide d'un interprète lorsque les parties ont opté pour que l'affaire ait lieu dans les deux langues.

Il me semble que l'article est clair.

M. Louis Plamondon: Pour les commissaires, c'est clair. Pour le président du tribunal...

M. Victor Goldbloom: Si je comprends bien, la Commission du droit d'auteur est un organisme qui compte un nombre assez restreint de membres. Je me suis trouvé dans la situation suivante, que vous comprendrez, j'en suis sûr. Je ne pouvais traiter la lettre de Mme Lalonde comme une plainte, parce que si je l'avais fait, j'aurais entrepris un procès d'intention au gouvernement puisqu'aucune nomination n'avait été faite à ce moment-là.

• 1615

Par contre, en tant que médecin, je suis très attaché à la médecin préventive. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative d'écrire au ministre, citant l'article 16 de la loi, lui envoyant copie de ce texte et lui disant qu'il serait difficile de croire que l'on pourrait demander à une personne unilingue d'entendre sans l'aide d'un interprète des causes ayant lieu dans les deux langues officielles, par exemple.

M. Louis Plamondon: Êtes-vous d'accord que la partie V, qui traite de la langue de travail, s'applique aussi à la vice-présidence, qui aura le devoir de diriger?

M. Victor Goldbloom: Oui, c'est un autre élément dont il faut tenir compte. Ma principale préoccupation était d'assurer aux personnes qui se présenteraient devant ce tribunal la possibilité, selon l'article 16 de la loi, d'être entendues et comprises.

M. Louis Plamondon: Vous pouviez déposer la prescription, sinon la recommandation.

M. Victor Goldbloom: Vous m'avez demandé si je pouvais déposer la lettre. Cela me place dans une situation un peu délicate parce que la lettre a été adressée à un ministre. Le ministre a dit que la lettre lui appartenait et que c'était à lui de la rendre publique s'il voulait le faire.

M. Louis Plamondon: Mais ce n'est pas une lettre d'amitié; c'est une lettre que vous lui avez adressée en tant que commissaire. Il me semble qu'elle est du domaine public. C'est une recommandation de commissaire.

M. Victor Goldbloom: Il me semble, monsieur le député, qu'il serait extrêmement dangereux d'adopter le principe que toute lettre écrite par un haut fonctionnaire du Parlement doit être un document public. Il faut qu'il y ait la possibilité de communications privilégiées. Aussi, lorsqu'on envoie une lettre à une personne, une fois la lettre expédiée, elle appartient au destinataire. Je me sens donc obligé de vous conseiller de vous adresser au ministre et de lui demander s'il accepte de rendre la lettre publique. Mais je tiens à souligner que je viens de vous donner oralement l'essentiel de ce que j'ai écrit au ministre.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

M. Louis Plamondon: Puis-je continuer?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Il vous reste encore une minute.

M. Louis Plamondon: Ma prochaine question porte sur le rapport Fontaine, monsieur le commissaire.

Dans son rapport, M. Fontaine a écrit:

    Il appert que l'effet cumulatif des transformations gouvernementales et des mesures de réduction du financement fédéral a ébranlé la confiance des communautés de langue officielle en situation minoritaire à l'endroit du gouvernement fédéral. À moins que le gouvernement fédéral ne revoie sérieusement son engagement à l'endroit de la dualité linguistique et de l'appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, son lien de confiance avec les communautés risque d'être de plus en plus mis en doute.

Or, vous avez commencé à réévaluer les services gouvernementaux au Nouveau-Brunswick entre 1994 et 1998 et vous avez constaté un recul au niveau des services offerts. En dépit des sommes d'argent qu'on y a réinjectées et des annonces bienvenues qu'a faites aujourd'hui la ministre, je me demande si le Conseil du Trésor, qui devrait être en mesure d'assurer le leadership, saura maintenir ce lien de confiance, vu que c'est lui qui a permis que disparaissent dans l'ensemble des ministères les directions générales réservées aux langues officielles et qu'on intègre ces directions aux ressources humaines. Il m'apparaît difficile pour les groupes en situation minoritaire de faire encore une fois confiance après les compressions qu'ils ont subies et les annulations de ces postes très importants à l'intérieur des ministères.

Ne devrait-on pas recommander le retour de ces directions?

• 1620

M. Victor Goldbloom: Je ne voudrais pas que ma réponse soit perçue comme orgueilleuse, mais le groupe de travail a fait écho à ce que je dis et écris depuis un bon moment.

Effectivement, je suis déçu que, depuis mon premier rapport sur les services au public par les bureaux fédéraux désignés bilingues, lequel a été publié en février 1995 si ma mémoire m'est fidèle, il n'y ait pas eu une amélioration spectaculaire et que, dans certains cas, il y ait même eu régression de la qualité et de la disponibilité de ces services.

Aussi, je lutte non seulement pour que la partie VII de la loi soit acceptée en théorie, comme principe, mais aussi pour que les programmes des institutions fédérales tiennent compte des besoins et des droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il y a encore du chemin à faire. Je ne peux nier que l'annonce que vient de faire le gouvernement d'une bonification des ressources qui seront attribuées aux communautés est une bonne nouvelle. Cela va certainement aider les communautés à se sentir plus en sécurité face à leur avenir. Il y a encore toutefois du chemin à faire.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci. Sénateur Robichaud.

Le sénateur Louis J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je lisais dans le journal de ce matin qu'en 1970, Max Yalden était nommé commissaire aux langues officielles.

M. Victor Goldbloom: Keith Spicer.

Le sénateur Louis Robichaud: Oui, Keith Spicer, en 1970. Je veux tout simplement souligner qu'au fil des ans, nous avons eu la bonne fortune d'avoir des commissaires aux langues officielles de qualité exceptionnelle, y compris Victor Goldbloom, que nous allons malheureusement perdre prochainement. Nous avons déjà eu des contacts avec celle qui va lui succéder et nous sommes confiants que sa succession est bien assurée et que la tradition de la qualité va se continuer.

En écoutant vos commentaires, j'ai cru comprendre qu'il y avait encore, malgré tous les progrès qui ont été faits pour mettre à exécution le principe de la Loi sur les langues officielles, des régions où le bilinguisme n'était pas chose facile. Des difficultés continueront toujours d'exister et il faut en être conscient.

Monsieur le commissaire, savez-vous s'il existe au Nouveau-Brunswick des régions où des élèves sont privés d'aller à l'école dans leur langue maternelle, que ce soit l'anglais ou le français? Je ne parle pas ici de services municipaux, provinciaux ou fédéraux, mais plutôt de l'accès pour les élèves à l'enseignement dans leur langue maternelle.

M. Victor Goldbloom: Pas que je sache, monsieur le sénateur. Il y a peut-être des situations dans des régions particulières que je ne connais pas, mais ayant eu des communications soutenues avec les associations de parents et avec la SAANB, je n'ai pas été saisi de problèmes de cette nature. Ce n'est pas comme dans d'autres provinces, par exemple à l'Île-du-Prince-Édouard, où des parents se sont adressés aux tribunaux pour obtenir une école dans leur communauté. Je ne suis pas au courant de situations de cette nature au Nouveau-Brunswick. Cela peut révéler un manque de connaissances détaillées de ma part, mais je n'ai pas été saisi de problèmes de cette nature.

Le sénateur Louis Robichaud: Moi non plus. Merci, monsieur le commissaire.

Vous allez nous quitter et vous nous manquerez. Avant de partir, avez-vous des conseils particuliers à donner au Comité des langues officielles pour que notre travail soit encore plus efficace à l'avenir?

• 1625

M. Victor Goldbloom: Je ne connais pas de traduction française pour l'expression anglaise «that's a tall order». C'est un travail continu qui doit être poursuivi par le comité, d'une part, et par le commissaire de l'autre. Là où il y a des déficiences au niveau des services au public, il faut continuer d'insister sur ce que l'on peut appeler «la vérité dans l'annonce».

Si l'on indique qu'un bureau fédéral est bilingue, les citoyens des deux langues officielles doivent pouvoir, dans la réalité, y recevoir leurs services, qui doivent être de la même qualité dans les deux langues. La personne qui appartient au groupe minoritaire ne devrait pas être obligée d'attendre plus longtemps que celle appartenant à celui de la majorité. Le service rendu à une personne du groupe minoritaire doit l'être par une personne de la même compétence professionnelle que celle qui fournit ce service à quelqu'un du groupe de la majorité, ce qui est loin d'être toujours le cas. On fait intervenir une personne de bonne volonté qui veut absolument aider le citoyen, mais elle n'a pas la compétence professionnelle nécessaire, étant d'un autre secteur du ministère; cela n'est pas acceptable.

Encore plus importante pour moi, parce que plus fondamentale, est la mise en application de la partie VII de la loi. Il y a des progrès, mais ils ne sont pas encore ce qu'ils devraient être. Nous avons obtenu, de la part de 27 institutions et organismes fédéraux, la production d'un plan d'action. Dans bien des cas, il a été mis en application de façon satisfaisante. Dans d'autres cas, on constate qu'il est sur papier, mais que, dans la réalité, il n'est pas encore appliqué. Dans certains ministères, on tient pour acquis que parce qu'une politique a été mise sur papier, elle est en application partout dans le ministère; cela n'est certainement pas toujours le cas.

Enfin, je dirai que nous devons viser les résultats. C'est ce que nous a dit, il y a quelques mois, la Commission nationale des parents francophones. Ce sont les résultats qui comptent et nous devons obtenir, pour les enfants et les citoyens du groupe minoritaire, des résultats aussi bons que ceux obtenus pour les personnes du groupe majoritaire.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

Le sénateur Louis Robichaud: Merci, monsieur le commissaire.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Goldbloom, pour ce qui est des services aux collectivités minoritaires de langue officielle, il y a eu une entente signée avec le Québec relativement aux municipalités régionales de comté pour assurer qu'il y ait un fournisseur de service en anglais dans les conseils desdites municipalités, dans les districts avoisinants situés en dehors de l'île de Montréal. Est-ce là la positon adoptée et cette entente a-t-elle été renouvelée?

M. Victor Goldbloom: Si je comprends bien ce dont vous parlez, il y a eu une entente fédérale-provinciale selon laquelle des coordonnateurs de langue anglaise étaient rattachés aux conseils régionaux de la santé dans toute la province. Cette entente est expirée. À ma connaissance, elle n'a toujours pas été renouvelée.

• 1630

J'ai pris l'initiative d'écrire au ministre approprié aux deux paliers et à les exhorter à renouveler l'entente, pour que les coordonnateurs soient maintenus dans leurs fonctions, d'autant plus que nous traversons une période difficile pour ce qui est de l'approbation et de la mise en oeuvre de régimes d'accès aux soins de santé et aux services sociaux en anglais dans les divers conseils régionaux des soins de santé et des services sociaux. Cela ne fait qu'accroître, à mon sens, l'importance du rôle du coordonnateur.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup.

Sénateur Rivest.

[Français]

Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Monsieur le commissaire, j'aurais deux petites questions. La première porte sur l'étude que vous avez présentée sur...

M. Victor Goldbloom: Les ayants droit.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: ...les ayants droit francophones. Par exemple, vous parlez des francophones hors Québec qui choisissent ou décident de ne pas se prévaloir de leur droit, acquis au cours des années, à l'école française. Est-ce que la même chose existe au Québec pour les anglophones? Avez-vous fait une étude? Est-ce que les raisons sont les mêmes pour les jeunes anglophones au Québec qui ont la liberté et le choix—les francophones ne l'ont pas mais les anglophones l'ont—de préférer l'école française à l'école anglaise?

M. Victor Goldbloom: Le problème se présente différemment au Québec. Le système d'éducation en anglais et la gestion scolaire existent depuis très longtemps. Certains parents, surtout au cours des années récentes, ont voulu que leurs enfants, afin de pouvoir envisager un avenir plein et intéressant au Québec, aillent à l'école française et s'immiscent dans la culture et le contexte linguistiques. Cela a suscité quelques inquiétudes parce que la loi concernant le droit d'accès à l'école d'expression anglaise dit que les parents doivent avoir fréquenté eux-mêmes ces écoles. Les petits-enfants pourraient donc, éventuellement, se trouver dans une situation différente.

Ce qui fait l'objet de discussions et de préoccupations au Québec, c'est la définition de l'ayant droit. Cette définition, pour les communautés francophones, est contenue dans l'article 23 de la Charte et dans les interprétations de la Cour suprême de cet article. Au Québec, c'est la définition créée par le Charte de la langue française qui définit, avec certaines restrictions, la notion d'ayant droit.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Évidemment, la situation est complètement différente parce qu'il n'y a pas, au Québec—en fait je ne pense pas que cela existe—, un taux d'assimilation des anglophones qui perdent leur langue. Malgré toutes les réserves qu'il y a dans la loi, il n'y a pas un anglophone—en tout cas, que je sache—qui aurait perdu sa langue parce qu'il était au Québec, alors que dans le reste du Canada, les taux d'assimilation sont énormes, considérables. Parmi les raisons d'assimilation qu'on évoque—je comprends que ce n'est pas scientifique, et vous l'avez très bien dit, mais ce sont vraiment des raisons d'assimilation—, il y a par exemple le manque d'intérêt pour le français, etc. Enfin, les raisons énoncées sont un peu indicatives d'un facteur d'assimilation. Ce n'est probablement pas vrai au Nouveau-Brunswick, mais c'est certainement très vrai ailleurs au Canada.

Tout à l'heure, en parlant du rapport Fontaine, vous avez évoqué la question de la dévolution. Je sais que lorsque le gouvernement fédéral se départit d'un service par dévolution à un gouvernement provincial, la Loi sur les langues officielles devrait techniquement continuer de s'appliquer mais elle ne s'applique pas toujours. Vous avez aussi parlé des ombudsmans, etc., qui surveillent cela. Mais la juridiction de l'ombudsman au niveau provincial, que je sache, est limitée par l'espace juridique provincial. Par définition, ce sont des gens qui relèvent des assemblées législatives, etc. Votre initiative est certes très louable, bien que je pense que c'est un moyen qui n'est pas sûr.

• 1635

Le problème, c'est qu'en dehors du Nouveau-Brunswick, et du Québec, cela va de soi, il n'y a pas de véritable volonté politique chez les leaders politiques canadiens. Je ne me souviens pas d'avoir entendu un premier ministre provincial du Canada, sauf ceux du Québec et du Nouveau-Brunswick, se soucier des droits des minorités. Sur le plan scolaire, la plupart ont contesté ces droits devant les tribunaux, et les francophones ont dû se battre pour les obtenir.

Comment voulez-vous qu'on n'éprouve pas de sérieuses difficultés quand on sait très bien que les services fédéraux dans une province... En fait, les francophones hors Québec se tiennent un peu sur une seule patte. Il me semble que quand tu es citoyen d'un pays où existe la dualité linguistique, tu es citoyen à part entière. Alors, les services fédéraux te sont fournis dans ta langue maternelle—plus ou moins bien mais mieux que par le passé—, et les services provinciaux ne te sont garantis par aucune espèce de volonté politique de la part du leadership politique canadien dans les provinces. C'est un peu curieux. Après cela on s'étonne que, dans plusieurs régions du Canada, le taux d'assimilation des francophones soit très élevé.

Alors, qu'il y ait dévolution au niveau provincial de l'obligation fédérale d'offrir un service dans les deux langues, en français pour les gens qui le souhaitent, c'est bien, mais cela ne règle pas le problème. Le problème est beaucoup plus considérable que cela, parce que les francophones n'ont pas droit aux autres services, municipaux ou de communication. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Victor Goldbloom: Lorsque j'ai tenu une conférence téléphonique avec les ombudsmans provinciaux, j'ai été encouragé par la bonne volonté manifestée.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je vous demande s'ils sont appuyés. Ils sont bien sympathiques à cette cause, mais s'il n'y a pas de leadership politique canadien, ça ne donnera absolument rien. Les ombudsmans sont des gens sympathiques, mais s'ils ne sont pas protégés par un leadership canadien, ça ne vaudra rien.

M. Victor Goldbloom: C'est pour cela que je leur ai demandé de bien vouloir examiner le cadre juridique qui leur permet d'agir ou qui leur impose des contraintes. En toute candeur, monsieur le sénateur, je trouve que vous êtes un peu injuste à l'endroit de certaines provinces. L'Ontario, après tout, a une loi concernant les services en français et...

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, mais les autres?

M. Victor Goldbloom: ...je reconnais avec vous que le premier ministre de cette province...

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Excusez-moi, mais voici pourquoi je suis parfois assez sceptique. Au moment de l'Accord de Charlottetown, on a essayé avec le Nouveau-Brunswick de faire incorporer à la Constitution du Canada, comme on l'avait fait dans le projet de Victoria, au début des années 1970, l'usage du français dans toutes les législatures du Canada. Un seul député s'est levé pour faire usage de son droit, garanti par la Constitution, et on l'a rappelé à l'ordre.

Selon moi, le leadership dans les autres provinces du Canada, en dehors du Québec et de l'Ontario... Et même la province d'Ontario a refusé le bilinguisme récemment; elle a refusé de l'autoriser à l'Assemblée nationale.

La grande difficulté, malgré le rapport Fontaine et tout le reste, c'est que quand il n'y a pas de leadership politique au palier provincial et qu'on est obligé de se battre à Ottawa, où il y a encore des partis qui s'y opposent, on est forcé de constater qu'au niveau du citoyen et des programmes... On peut se dire que beaucoup de progrès ont été faits, ce qui est vrai, mais on constate en même temps que le taux d'assimilation augmente sur le terrain, comme le démontrent les données, et on se demande pourquoi.

M. Victor Goldbloom: Vous avez touché à toute une panoplie de sujets. Il est évident que l'assimilation nous inquiète. L'éducation est un élément important de la lutte contre l'assimilation, et c'est dans ce sens que j'ai voulu commander et publier cette étude que vous avez maintenant entre les mains.

Je dois être d'accord avec vous que ce ne sont pas toutes les provinces qui assument une véritable responsabilité à l'endroit de leur communauté de langue officielle en situation minoritaire et spécifiquement leur communauté francophone. Il y en a qui font raisonnablement bien les choses. Il y a de bonnes choses qui se font au Manitoba depuis un certain temps; le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard vient d'annoncer des mesures pour assurer des services en français.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Et aussi à Terre-Neuve.

• 1640

M. Victor Goldbloom: À Terre-Neuve, oui. Cependant, je dois vous avouer, en toute simplicité et en toute sincérité, que lorsque j'entends dire que le bilinguisme officiel—expression que je déteste—est coercitif et devrait être abandonné, que la responsabilité devrait en revenir aux provinces, les cheveux me dressent sur la tête.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Cela corrobore ce que je dis. Cela prouve exactement ce que je dis: si la confiance régnait et qu'il existait un leadership et une volonté politiques au Canada de considérer que ce pays est bilingue et de favoriser le bilinguisme, on n'aurait pas peur de confier cela aux provinces. Ce serait normal. Au Québec, on l'a et ça marche.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci, monsieur le sénateur. Je pourrais dire que c'est absent dans quelques petite zones.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui, mais ce n'est pas la même chose.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Oui, mais c'est vrai.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: On risque d'avoir de vrais problèmes. Quel est le taux d'assimilation des anglophones au Québec?

Une voix: Zéro.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je n'ai pas compté. Non, ils sont bilingues.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui, c'est cela.

Le sénateur Louis Robichaud: Il faut avoir l'esprit ouvert.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je veux qu'on ait le sens des réalités. Il y a des problèmes au Québec et il y a plusieurs revendications de la communauté anglophone que je trouve tout à fait légitimes, mais ce ne sont pas des choses comparables. Quand on compare l'existence des francophones hors Québec et celle des anglophones au Québec, on ne parle pas de la même réalité linguistique.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ça, c'est vrai.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Ce n'est absolument pas pareil.

Le sénateur Louis Robichaud: C'est comparer des pommes et des oranges.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui, exactement. Prenez juste la loi sur les services sociaux...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Mais les enfants sont les enfants.

Madame Vautour.

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Merci.

Vous mentionniez tout à l'heure qu'il arrive que des personnes qui peuvent avoir accès aux écoles françaises ne les utilisent pas. Par contre, je pense à ceux qui, à l'Île-du-Prince-Édouard essaient d'avoir une école française et sont forcés de s'adresser aux tribunaux pour l'obtenir. On voit des parents qui tiennent à ce que leurs enfants soient instruits dans leur langue maternelle.

Lorsque le ministère du Développement des ressources humaines a transféré certains de ses employés au Nouveau-Brunswick, ces employés ont perdu le droit de travailler dans leur langue. Le service au public n'a peut-être pas été touché, mais il est très clair que la majorité des réunions qui se tiennent aujourd'hui au sein de ce ministère se déroulent en anglais et que les francophones sont obligés de tenir leurs réunions en anglais.

J'entends beaucoup de rapports, beaucoup d'évaluations, beaucoup de discussions, mais il m'apparaît clairement que les francophones et les anglophones en situation minoritaire sont en train de perdre leur langue. Même si le Nouveau-Brunswick fait très bien les choses, on constate quand même une perte sur ce plan. Lorsque des employés qui pouvaient au moins tenir leurs réunions dans leur langue ne peuvent plus le faire, il y a une forme d'assimilation.

Ce sont tous des exemples qui ont pour but de vous faire comprendre qu'on parle beaucoup, mais qu'il n'y a pas beaucoup d'actions concrètes.

Il y a aussi l'exemple de ce qui se passe lorsqu'on redéfinit les circonscriptions électorales au niveau fédéral. Lorsqu'on a redéfini celle que je représente, soit Beauséjour—Petitcodiac, son nom a été changé. C'était autrefois Beauséjour. On en a retiré toute une communauté francophone qu'on a jointe à Miramichi, dont le député est anglophone. Cette communauté se trouve maintenant très minoritaire et ne pourra jamais changer cette situation. Elle ne sera jamais assez forte pour seulement espérer être représentée par un député bilingue. Quelqu'un s'est-il assuré de tenir compte de la langue de tels groupes minoritaires? On voit bien qu'ils ne recevront aucun service en français de leur député.

C'est ainsi partout. Bien qu'on ait toutes sortes d'articles de loi et de gimmicks pour essayer d'aider les francophones minoritaires, on voit quand même se perpétuer des choses qui ne devraient pas exister. Lorsque l'Agence Parcs Canada a été instituée—j'ai participé aux discussions—, on a prévu que la Loi sur les langues officielles devait être respectée. Il a fallu un grand débat pour y arriver.

Je me demande qui s'occupe de s'assurer que les choses se fassent comme elles devraient se faire.

• 1645

M. Victor Goldbloom: Chaque gouvernement devrait s'en occuper. Le commissaire est en mesure d'évaluer ce qui se fait, de faire part aux intéressés de ses constations et de recommander que des choses soient mieux faites. Il n'a pas l'autorité d'intervenir pour interdire à un gouvernement de faire quelque chose ou pour obliger un gouvernement à faire quelque chose. Il faut que les gouvernements dûment élus prennent leurs responsabilités.

Maintenant, si, en me reportant sept années et demie en arrière, je ne voyais aucun progrès, je serais extrêmement découragé et je transmettrais à Mme Adam un rapport extrêmement négatif. Je ne voudrais pas aller jusque-là. Toutefois, je constate comme vous des choses qui ne vont pas, et des choses même assez invraisemblables, comme un organisme francophone qui se trouve obligé d'utiliser l'anglais comme langue de travail. Même la politique concernant l'usage du français a été rédigée en anglais seulement. Ce sont des choses incroyables mais qui existent.

Je tiens à souligner que si je ne fais pas d'effort pour voir l'ensemble du portrait, je n'en vois que le côté négatif. Je suis chargé de recueillir les plaintes. On formule des plaintes lorsque quelque chose ne va pas; lorsque les choses vont bien, on ne se plaint pas auprès du commissaire et le commissaire n'en entend pas parler.

Il me semble que là où la gestion scolaire existe, et malgré certaines imperfections elle existe partout maintenant, on devrait en profiter et on devrait s'en servir pour assurer l'avenir de la communauté. C'est pour cela que j'ai fait l'étude que je viens de rendre publique. Comme je l'ai dit, c'est non seulement pour brosser un tableau juste de la situation réelle, mais aussi pour inciter les intéressés à développer des stratégies d'attraction et de rétention pour que les communautés deviennent plus fortes.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous avez terminé?

Le sénateur Jean-Claude Rivest: J'ai terminé.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Madame la sénatrice Fraser.

La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Permettez-moi de faire une brève observation gratuite au sujet de la situation dans les diverses provinces; il me semble parfois important de faire la distinction entre les situations sur le terrain et la nature du leadership politique exercé dans une province donnée.

Cela dit, monsieur Goldbloom, ma question porte plus sur l'avenir que sur le présent. Nous sommes tous ravis de l'augmentation des fonds pour les minorités de langue officielle. Cela arrive à point nommé au moment où les ententes Canada-communautés sont en train d'être renégociées, ce qui les rend probablement encore plus importantes qu'elles ne l'auraient été autrement.

D'après ce que vous avez observé du fait de votre situation, que pouvez-vous nous dire des points forts et des points faibles de ces ententes, vu la façon dont elles ont été conçues et mises en oeuvre? Si vous participiez à la prochaine négociation, qu'y changeriez-vous?

M. Victor Goldbloom: Les ententes Canada-communautés ont été essentiellement une bonne chose. Toutefois, l'aspect le plus difficile tient au fait que, passant du cycle précédent de négociations au cycle actuel, les sommes ont été considérablement réduites. Or, ce qui est annoncé maintenant, semble indiquer que les montants vont augmenter de nouveau.

Je pense que cela est essentiel, parce que certaines collectivités se sont trouvées obligées de congédier du personnel, de fermer leurs bureaux. Une collectivité a fermé entièrement ses bureaux pendant deux mois, l'été. Oui, bien sûr, les gens prennent des vacances l'été, mais beaucoup de gens n'en prennent pas, sont encore là et ont besoin des services que leur collectivité peut leur offrir.

• 1650

Il y a aussi un autre problème, pour lequel je n'ai pas l'impression de connaître la réponse, soit de savoir ce qui constitue le bon équilibre. Il y a deux éléments de financement... Je simplifie un petit peu, mais il y a le financement de base et le financement de projets. Je crois qu'il faut réexaminer très soigneusement l'idée selon laquelle nous sommes plus utiles si nous mettons l'accent sur le financement de projets, si nous encourageons la collectivité à s'orienter vers une plus grande autosuffisance. En effet, si la collectivité ne dispose pas des ressources de base qui lui permettent de fonctionner, nous entrons dans un cercle vicieux et la capacité de préparer des projets est moindre.

Autre élément, si la collectivité ne dispose pas de ressources humaines sur lesquelles elle peut compter à plein temps, le fardeau imposé à des bénévoles devient énorme. En général, à moins d'être à la retraite ou d'être personnellement aisés, les bénévoles ont un emploi à plein temps et doivent trouver du temps libre pour se consacrer à leurs collectivités, ce qui limite leur capacité d'offrir des services.

Tout cela doit être examiné très soigneusement. On peut peut-être dire à une collectivité donnée qu'elle n'a pas fait tout ce qu'elle pouvait faire pour trouver des sources autonomes de financement, qu'elle n'en a pas fait assez pour se rendre indépendante du soutien gouvernemental.

Or, je ne crois pas que ce soit le cas de la plupart des collectivités. Je n'arrive pas à penser à aucune collectivité où cela serait vrai. Je pense que nous devons examiner ces divers facteurs aussi objectivement que possible lorsque nous décidons du degré auquel nous voulons appuyer les collectivités et des exigences que nous allons avoir quant à l'utilisation de ces fonds.

La sénatrice Joan Fraser: Dans le même ordre d'idées, que pensez-vous de certains groupes anglophones du Québec qui se plaignent et disent qu'actuellement la part du financement destinée aux anglophones n'est pas équitable. Personne ne le contestera, pour diverses raisons, le plus souvent historiques mais pas seulement, que la communauté anglophone du Québec a plus d'universités, plus d'écoles, plus d'hôpitaux, plus de toutes ces excellentes choses que la plupart des communautés anglophones n'oseraient rêver. Toutefois, c'est une controverse qui s'échauffe de plus en plus, et certains pensent que le déséquilibre du financement du gouvernement fédéral par habitant fait plus que compenser cet état de choses. On prétend, même lorsqu'on tient compte de la situation qui est différente, que le Québec anglophone se fait avoir. Qu'en pensez-vous?

M. Victor Goldbloom: Si on considère la situation par habitant, la différence est notable. Je n'ai pas eu l'occasion d'étudier cela de façon approfondie, et par conséquent j'hésiterais à exprimer une opinion, mais il ne faut pas oublier qu'il y a des distinctions entre les responsabilités fédérales et les responsabilités provinciales. Cela m'empêche d'aborder certains sujets.

La sénatrice Joan Fraser: Sauf que vous êtes notre meilleur expert dans ce domaine.

M. Victor Goldbloom: Je vais m'exprimer simplement et directement, la question de l'accès aux services de santé et aux services sociaux me causait des préoccupations toutes particulières. Je l'ai d'ailleurs exprimé très clairement.

• 1655

Je sais bien que les droits linguistiques font partie des droits des gens en ce qui concerne leurs conditions de travail. Toutefois, lorsque les gens sont malades, ils doivent pouvoir expliquer la nature de leur maladie dans la langue où ils sont le plus à l'aise et où ils peuvent s'exprimer le plus clairement. Il est indispensable qu'ils puissent se faire comprendre et également qu'ils puissent comprendre les explications qu'on leur donne sur le diagnostic, sur les risques, le traitement, et tout ce qu'ils doivent faire pour se soigner après qu'ils ont quitté le bureau du médecin ou l'hôpital.

Pour moi, ce sont des droits humains absolument fondamentaux, des droits qui l'emportent sur n'importe quel autre droit, y compris les droits relatifs à la langue de travail, que ce soit dans les conventions collectives ou ailleurs. C'est une notion qui me tient très à coeur. Pour moi, c'est plus important que le financement car même si la communauté anglophone pouvait faire plus si elle disposait de plus de fonds, ce qui est évident, elle se heurte à des problèmes qui sont beaucoup plus cruciaux que le niveau exact de financement.

Bref, considérons le financement de façon objective, mais n'oublions pas non plus les responsabilités humaines que nous avons envers tous ceux qui ont besoin de services.

La sénatrice Joan Fraser: Merci.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup, sénatrice Fraser.

Si vous le permettez, cela m'amène à une autre question qui est liée à celle-ci. J'ai eu le privilège d'assister à une séance du Quebec Community Groups Network, le QCGN. À cette occasion, j'ai été frappé par plusieurs choses dont certaines que la sénatrice Fraser vient de soulever. Soit dit en passant, je vous remercie pour les réponses que vous lui avez données. D'un autre côté, il me semble qu'on a beaucoup parlé d'éducation, mais que d'autres éléments lient les communautés, pas seulement le milieu éducatif. En effet, il y a les arts, la culture et le théâtre. Il y a aussi les agriculteurs québécois de la communauté anglophone, les journaux communautaires, et également les services de santé et les services sociaux dont vous avez parlé.

Commissaire, on a dit que Statistique Canada devrait poser des questions d'une façon plus efficace, mais d'un autre côté, on ne leur a pas accordé des fonds pour faire de la recherche fondamentale sur une base permanente. A-t-on attiré votre attention sur ce fait? Si oui, qu'en pensez-vous?

M. Victor Goldbloom: De toute évidence, il est nécessaire de faire des recherches plus approfondies, plus perfectionnées, sur la communauté anglophone du Québec. À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion d'en discuter d'une façon générale avec les divers organismes qui représentent cette communauté, et en particulier Alliance Québec et l'Association des anglophones de l'Estrie (Townshippers' Association).

Je n'ai pas suffisamment de ressources pour entreprendre des recherches comme Statistique Canada pourrait le faire, mais je les encourage certainement à répondre aux besoins de la communauté lorsque celle-ci souhaite en apprendre plus sur elle-même. Comme vous le voyez, le rapport que nous venons de déposer porte sur 81 personnes et groupes de consultation dans quatre villes différentes. Autrement dit, c'est loin d'être une étude scientifique, et étant donné les ressources dont nous disposons, c'est le mieux que nous puissions faire.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Goldbloom, vous nous avez rendu un grand service car, en fait, c'est au Québec que je pensais quand j'ai posé cette question. De votre côté, vous l'avez placé dans une perspective élargie, et c'est très important.

Quand on considère et qu'on écoute les 15 groupes du Québec, toute cette gamme d'opinions dont je viens de parler, une évidence s'impose, le fait que si nous voulons accorder une valeur nationale à nos deux langues officielles, il ne faut pas les considérer comme une simple tâche administrative. En effet, tout dépend du palier de gouvernement qui est responsable, provincial ou fédéral. Toutefois, s'il s'agit d'une valeur exprimée—et je l'espère sincèrement—pour faire des progrès, nous avons absolument besoin de ces données statistiques.

• 1700

Comme des fonds supplémentaires ont été débloqués, il est important de noter qu'en 1983, le budget des langues officielles était de 216,28 millions de dollars. En 1993, il était passé à 287,88 millions de dollars et en 1999-2000, il sera de 293,5 millions de dollars par an. J'espère que ce budget, qui est un strict minimum, permettra de prendre des mesures dans ces domaines particulièrement importants auxquels vous vous intéressez pour notre compte. En effet, c'est le seul moyen d'obtenir des résultats concrets.

M. Victor Goldbloom: Madame la présidente, je note dans le communiqué que 4 à 5 p. 100 des fonds supplémentaires seront consacrés à ces recherches. On ne précise pas quelles sommes seront consacrées à la recherche et quelles sommes iront à d'autres enveloppes, mais au moins, on a prévu certaines ressources pour la recherche, et cela sera très précieux.

Je dois dire que les préoccupations sont différentes dans les diverses provinces; dans certaines, c'est surtout une affaire de survie. Lorsque les gens luttent contre l'assimilation, il n'est pas évident que la recherche peut les aider. Étant donné la façon dont les parents envisagent la scolarisation de leurs enfants, j'espère que cette entreprise modeste poussera les gens à réfléchir à ce qu'ils peuvent faire pour renforcer leurs systèmes scolaires provinciaux respectifs. En tout cas, des représentants de la communauté anglophone du Québec m'ont dit à plusieurs reprises qu'il était indispensable de poursuivre les recherches.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup.

Comme c'est un sujet qui tient à coeur à beaucoup d'entre nous, je vous rappelle que Mme Copps comparaîtra demain et non pas mardi prochain. Elle sera à 15 h 30 dans la pièce 237 de l'édifice du Centre. J'espère que vous assisterez tous à cette séance.

Nous avons maintenant MM. Plamondon, Mauril Bélanger et Andy Scott. Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite intervenir?

[Français]

M. Louis Plamondon: Sénateur Simard, voulez-vous parler?

Le sénateur Jean-Maurice Simard (Edmundston, PC): Non, ça va.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous êtes certain, sénateur?

[Français]

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Non.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous en êtes bien certain?

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Ça va bien au Nouveau-Brunswick.

M. Louis Plamondon: Je voulais poser une question, mais j'ai presque envie de vous faire un commentaire. Vous réagirez si bon vous semble, monsieur le commissaire.

Il y a un débat sur la dualité canadienne. Il me semble que s'il y a des problèmes, c'est du côté francophone plutôt que du côté anglophone au Québec. C'est l'évidence même, me semble-t-il. Nous sommes 3 p. 100 de francophones en Amérique du Nord. Je ne pense pas qu'on soit en train d'assimiler 97 p. 100 de la population. C'est plutôt l'inverse qui peut arriver. L'assimilation se fait donc dans chacune des provinces. Par exemple, elle se fait à un taux de 72 p. 100 chez les francophones de Colombie-Britannique, selon le dernier rapport de Statistique Canada. Même le Nouveau-Brunswick a cessé de progresser en termes de fait français.

Depuis 1951, il y a 50 000 personnes de moins qui parlent français au Canada. Il y a donc eu une diminution de 1 p. 100 du nombre de francophones depuis 1951. Si l'on croit en la dualité, on voit que la survie de l'une des deux minorités est en très grande difficulté. Vous parlez des services sociaux et de la santé. Au Québec, il y a une loi, la Loi 142, qui oblige à dispenser les services de santé et les services sociaux en anglais à n'importe quelle personne qui le souhaite. C'est un droit individuel et non pas un droit accordé là où il y a un regroupement suffisant de personnes. C'est un droit individuel. Il suffit d'une personne.

Je me rappelle que dans un hôpital d'Abitibi, on avait fait remplacer un vendredi soir une infirmière qui n'était pas bilingue parce qu'il y avait un cadre anglophone. C'est comme cela et c'est correct. C'est merveilleux que la minorité soit protégée non seulement au niveau de l'éducation, mais aussi au niveau des services sociaux et de la santé.

• 1705

Avons-nous cela dans le reste du Canada? Non. Devons-nous l'avoir? Oui. Comment? Eh bien, avec des efforts. Mais les efforts et l'argent doivent être concentrés sur la minorité la plus en danger. Il me semble que c'est l'évidence même.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Tout l'argent.

M. Louis Plamondon: C'est ce que disait aussi M. le sénateur, je pense.

Je vous donne un autre exemple, celui du transfert au Québec de tout ce qui concerne la formation professionnelle. Vous connaissez l'entente de 250 millions de dollars qui a été signée juste avant l'élection de 1997. Or, cette entente s'est faite au Québec, et Alliance Québec, qui représente les anglophones de la région de Montréal, mais pas ceux de l'extérieur de Montréal, qui ne veulent plus qu'Alliance Québec les représente...

La sénatrice Joan Fraser: Même certains de ceux qui sont à Montréal.

M. Louis Plamondon: En effet. Donc, Alliance Québec s'est montrée très optimiste et très satisfaite, et on le dit d'ailleurs dans le chapitre 4 du rapport Fontaine.

Dans un rapport que vous avez fait en 1994 sur les services fédéraux au Québec, monsieur le commissaire, vous disiez que le service en anglais au Québec de la part de la Fonction publique fédérale était presque exemplaire. Vous disiez que les gens étaient satisfaits dans 98 p. 100 des cas. Je ne suis pas sûr qu'on puisse en dire autant des francophones en Colombie-Britannique, en Saskatchewan ou à l'Île-du-Prince-Édouard. Je pense qu'on n'atteindra jamais ce degré de satisfaction. Il faut reconnaître que les efforts et l'argent devraient surtout servir à la minorité qui est en danger. L'objectif devrait être de lui faire atteindre ce qu'ont à l'heure actuelle les anglophones du Québec. Les anglophones du Québec peuvent continuer à se battre pour en avoir encore un peu plus si cela est possible. Donc, faisons une véritable analyse comparative et aidons les francophones à monter jusqu'au niveau des anglophones. Quant à ces derniers, ils doivent continuent à monter. Les minorités doivent toujours être traitées de la meilleure façon possible. Il y a toujours place pour de l'amélioration, y compris chez les anglophones du Québec.

Je ne sais pas pourquoi je dis cela, car ce n'était pas ma question. Je vais la poser, mais j'avais d'abord envie de faire un commentaire. Je vous remercie de m'avoir écouté, monsieur le commissaire; je remercie aussi les autres.

Je voulais vous dire mon inquiétude par rapport au fait que c'est le Conseil du Trésor qui fait la promotion de la partie VII de la loi. C'est lui qui a autorisé l'abolition des directions générales, comme je l'ai dit dans ma première question. Vous avez aussi exprimé des réserves à cet égard dans vos rapports. Je ne vise pas le président, M. Massé, en tant que personne. C'est plutôt le fait que c'est centralisé au Conseil du Trésor qui m'inquiète. Par exemple, dans le cas du Nouveau-Brunswick, il y avait contradiction entre le rapport annuel du Conseil du Trésor et le vôtre. Je ne veux pas vous choquer, monsieur Robichaud, car je sais que vous êtes sensible quand je parle du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Louis Robichaud: Absolument.

M. Louis Plamondon: Et vous avez raison de l'être. Vous concluiez non seulement qu'il n'y avait pas d'amélioration, mais aussi que les services diminuaient, tandis que le rapport du Conseil du Trésor disait que les choses allaient beaucoup mieux et que les services avaient augmenté. Donc, si on confie au Conseil du Trésor le soin de gérer ce nouvel argent et de remplacer les directions générales qu'il y avait dans chaque ministère, je suis inquiet. S'ils sont capables de produire des rapports qui contredisent totalement les rapports du commissaires, eh bien, je m'inquiète des décisions qu'ils vont prendre. Je ne sais pas si vous avez un commentaire là-dessus.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous avez terminé, parce que c'est un point d'interrogation.

M. Louis Plamondon: Merci d'avoir été patiente, madame.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Voulez-vous attendre une autre question, ou bien avez-vous une observation à faire tout de suite?

[Français]

M. Victor Goldbloom: Il y avait des différences de méthodologie. Nous avons pris l'initiative d'aller vérifier sur place les bureaux fédéraux. Si je comprends bien, le Conseil du Trésor a fait cela dans une certaine mesure, mais il s'est aussi fié aux rapports produit par les ministères qui—c'est humain—ont tendance à tracer un beau portrait de ce qu'ils font.

• 1710

Dans chacun de nos rapports sur les services au public dans les bureaux fédéraux désignés bilingues, nous écrivons que nous avons agi comme si nous étions un client francophone qui s'adressait à un bureau et voulait obtenir du service. La première fois, nous avons insisté un peu. La deuxième fois, nous avons décidé de ne pas insister parce que nous nous sommes dit que les citoyens qui insistent sont plutôt rares. Il y a un certain phénomène d'intimidation. On se trouve devant une autorité gouvernementale qui connaît tous les services et qui gère l'accès à ces services et on est plus intéressé à obtenir le service qu'à insister sur l'usage de sa propre langue dans bien des cas.

Il y a clairement beaucoup de travail à faire, et je suis particulièrement déçu. Je dirais que les différences ne sont pas énormes et ne seraient peut-être pas statistiquement significatives, mais il n'y a pas eu d'amélioration, et cela me laisse perplexe. Il y a moins de bureaux qu'autrefois, et notamment moins de bureaux désignés bilingues qu'autrefois. Il y a donc des personnes qui travaillaient dans des bureaux bilingues qui sont maintenant fermés. Où sont ces personnes? Mystère et boule de gomme! Dans bien des bureaux désignés bilingues, il n'y a pas assez d'êtres humains capables de s'exprimer dans les deux langues, et il me semble que cela devrait être un problème facile à résoudre. J'incite le gouvernement à se pencher très précisément là-dessus.

Je ne voudrais pas exagérer mon optimisme, mais je dois dire que nous aussi, nous avons modifié un peu notre méthodologie. Dans nos suivis, nous avons examiné spécifiquement des bureaux individuels et formulé des recommandations bureau par bureau. Je suis heureux de pouvoir dire que j'ai reçu plusieurs lettres de la part de sous-ministres qui me remercient d'avoir pointé du doigt les déficiences de tel ou tel bureau et qui s'engagent à faire corriger la situation. De mon côté, je les encourage à regarder les autres bureaux, ceux que je n'ai pas eu la possibilité d'aller voir. J'espère que cela sera fait.

Je ne crois pas que nous ayons, au Commissariat, les ressources requises pour continuer indéfiniment à faire des suivis et des suivis, mais j'espère que la situation des services au public s'améliorera.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup.

Monsieur Scott.

M. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Docteur Goldbloom, c'est un véritable plaisir.

Je suis d'accord avec cette observation. À mon avis, c'est un domaine où le statu quo n'est pas possible. Soit les choses s'améliorent, soit elles s'aggravent. La situation ne peut pas rester inchangée. D'après mon expérience, le plus gros obstacle, en particulier au Nouveau-Brunswick, c'est la question d'une offre active. Comme vous l'avez dit, vous avez réclamé le service avec beaucoup d'énergie et vous l'avez obtenu, mais quand vous avez refait la même démarche et réclamé le service avec moins d'énergie, vous vous êtes aperçu qu'on était beaucoup moins empressés, si l'on peut dire. Cela a toujours été un problème. En particulier, les gens de bonne volonté ont tendance à être conciliants et à ne pas insister. Pour cette raison, il est d'autant plus important pour le gouvernement de protéger ces droits et également de les faire connaître, de les mettre en relief, et ça, c'est toujours difficile.

• 1715

Il y a une recommandation—Je pense que c'est la recommandation trois—dans le rapport qui a trait aux possibilités que donne la cession. Dans quelle mesure est-il réaliste dans votre esprit alors que le gouvernement fédéral déplace des activités et du personnel, dont beaucoup d'entre-eux dans certaines provinces doivent faire le travail dans les deux langues officielles à un niveau qui est supérieur à ce que le gouvernement provincial offrirait en temps normal, je pense qu'on peut le dire—donc, dans quelle mesure un tel mouvement haussera-t-il les capacités en langues officielles? Ou, à l'inverse, sans l'infrastructure de soutien capable d'accueillir toutes ces nouvelles capacités, est-il probable qu'elles baissent au niveau où elles sont maintenant? J'aimerais savoir comment vous en entrevoyez les choses et s'il y a des preuves qui annoncent l'une ou l'autre éventualité.

J'aimerais aussi savoir dans quelle mesure le commissaire doit convaincre ou expliquer la politique des langues officielles aux communautés qui ne sont pas minoritaires dans les provinces et territoires. Je faisais un peu cela dans ma vie antérieure, et j'ai constaté que même si l'on était habilité sur le plan juridique, et loin de moi l'idée qu'il faut d'une manière ou d'une autre faire accepter le principe d'une habilitation juridique, j'aimerais savoir dans quelle mesure la qualité des services à la communauté minoritaire, chez moi à Fredericton, est déterminée par le secteur privé. Une bonne partie de cela est déterminée par les services que l'on reçoit dans les épiceries, dans les magasins de détail et le reste. La promotion de ces concepts, même si cela dépasse peut-être la question de l'habilitation juridique, est porteuse d'une valeur formidable au niveau de la qualité de la vie, je pense. Dans quelle mesure le commissaire joue-t-il un rôle à cet égard?

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Et le rôle des parents, Andy? Quel est le rôle des parents lorsqu'il s'agit de demander ou d'exiger des services si l'on vit dans une région où il y a un supermarché et où l'on a besoin de service en français?

M. Andy Scott: Je parle de tout cela.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): D'accord.

M. Andy Scott: Je n'écarte pas la responsabilité de quiconque ici.

M. Victor Goldbloom: Ce que nous avons vu, de manière générale, c'est qu'il existe au niveau fédéral un certain degré de service et de droits, qui dans la plupart des cas, est inférieur à ce qui existe dans le domaine provincial. Je veux dire: Quand une responsabilité est transférée au niveau provincial. Je pense que le gouvernement fédéral aurait pu, dans la négociation de ces accords de cession, dire: «nous voulons que vous, la province, assumiez cette responsabilité. Mais vous devez tenir compte du fait que nous fournissons ce service dans les deux langues officielles là où l'on respecte les critères. Si nous devons vous transférer cette responsabilité, nous devons vous demander de planifier en conséquence.»

Malheureusement, cela n'a pas été fait, à l'exception du Québec, où la négociation a duré beaucoup plus longtemps et a été, je crois, plus intense qu'elle ne l'a été dans d'autres cas. La province a accepté d'incorporer cette notion dans le texte de l'accord, qui en fait partie intégrante—parce qu'à moins de spécifier qu'elle fait partie intégrante de l'accord, une annexe n'est pas considérée comme telle. Il a été précisé que l'annexe faisait partie de l'accord, et l'annexe énonçait les conditions dans lesquelles les services seraient fournis. C'est beaucoup plus détaillé au Québec que dans la plupart des autres provinces.

Il me semble que le gouvernement fédéral, ayant vu ce que d'autres gouvernements faisaient—la Nouvelle-Zélande a probablement été le premier gouvernement à entreprendre ce genre de transformation—, a dit que si l'on allait mener à terme ce processus de simplification des responsabilités gouvernementales, on allait créer un équilibre différent entre les paliers fédéral et provinciaux. On s'est empressé d'accomplir cela mais cet enthousiasme a fait oublier la préoccupation dont on devait tenir compte.

• 1720

Ce qui me ramène à une chose que j'ai souvent dite. Il n'existe pas de réflexe Pavlovien qui force les gens à songer aux langues officielles ou aux communautés minoritaires de langue officielle lorsqu'on change quelque chose. Et je ne cesse de demander que ce réflexe s'installe dans l'esprit collectif des gouvernements fédéral et provinciaux.

Votre deuxième question portait sur le rôle éducatif du commissaire, particulièrement en ce qui concerne les majorités, parce que de manière générale, on n'a pas besoin de sensibiliser les minorités à leurs propres problèmes.

Je pense que la réponse réside dans le fait que le commissaire, de manière générale, en fait plus qu'il—ou, à l'avenir, elle—devrait probablement en faire, mais il n'y a personne d'autre qui fait ce travail. Si une personne comme vous assume cette responsabilité, soit de corriger au moins les inexactitudes qui sont répandues dans les lettres aux journaux et dans les émissions de ligne ouverte à la radio, on retombe alors dans les mêmes ornières: on répète une idée fausse sans cesse, et celle-ci pénètre l'esprit des gens et on finit par la considérer comme une vérité. Je ne voulais pas que cela se fasse.

Tous les jours, lorsque je reçois mes coupures de presse, je trouve des lettres aux rédacteurs en chef, et je m'assoie et je réponds à ces lettres. Il est rare que l'on me réponde, toutes régions du Canada confondues. J'assiste à des émissions de ligne ouverte à la radio. Je ne l'ai pas fait récemment, mais au cours des premières années de mon mandat, j'ai participé à des émissions de ligne ouverte dans toutes les régions du Canada. Au fil du temps, j'ai constaté une certaine diminution dans l'agressivité et la rage des gens qui téléphonaient, ainsi qu'une diminution certaine dans le courrier déplaisant que je recevais.

Je pense qu'il est essentiel que nous fassions tout cela. Je vous dirais, très humblement et respectueusement, que les députés et sénateurs fédéraux peuvent en faire davantage et devraient en faire davantage.

M. Andy Scott: Merci.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Goldbloom, je crois que vous venez de trouver aujourd'hui votre quatrième ou cinquième carrière. Vous pourriez être le radiodiffuseur public qui pourrait expliquer à la majorité pourquoi il est si valable d'avoir une minorité bien desservie. Vous pourriez sûrement faire un beau travail de ce côté.

Mauril.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Je suis déçu que M. Plamondon ait quitté parce que j'aurais voulu réagir à certaines de ses interventions.

Je voudrais d'abord dire qu'en Chambre, lorsque le ministre de l'Industrie a été questionné sur la Commission du droit d'auteur, il a dit très clairement que le gouvernement, lors des nominations qu'il s'apprêtait à faire, respecterait toutes les exigences juridiques et réglementaires. Je pense donc qu'il n'y a pas de questions à se poser là-dessus. J'ai bien apprécié le commentaire du commissaire, qui disait qu'il ne fallait pas faire de procès d'intention.

En second lieu, je voudrais faire un commentaire rapide sur la question des plans d'action. D'ailleurs, la ministre, qui vient demain, sera probablement en mesure d'en parler plus en détail si elle est questionnée à ce sujet. Je pense qu'il est important de voir qu'il y a une évolution au niveau des ententes de toutes sortes qui sont conclues. Le gouvernement canadien a signé tout récemment avec l'Ontario une entente sur la gestion scolaire et sur un financement pluriannuel, de cinq ans, de 90 millions de dollars de la part du gouvernement canadien. Cette entente était assortie d'un plan d'action très détaillé qui précisait là où les sommes devaient être allouées; on précisait des catégories ainsi que des objectifs mesurables de façon à ce qu'on puisse évaluer la portée de cet effort au bout de cinq ans.

• 1725

Le gouvernement a l'intention de greffer des plans d'action aux ententes qui viendront très bientôt à échéance et dont on est en train de discuter avec les fonctionnaires des gouvernements provinciaux.

Il y a une chose qui me chagrine. Je suis canadien-français, je demeure en Ontario et je suis natif de l'Ontario, et je suis très chagriné chaque fois que j'entends certains commentaires de mes frères canadiens-français qui demeurent au Québec qui, semble-t-il, choisissent de ne voir que ce qui va mal. C'est vrai qu'il y a des difficultés et des problèmes, et je suis bien placé pour les voir puisque je vis en situation minoritaire. Cependant, les porte-parole de cette communauté affirment eux-mêmes qu'il y a eu du progrès depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles, et on peut mesurer ce progrès. Avec les efforts du commissaire aux langues officielles et l'article 23 de la Charte des droits et libertés, on retrouve dans presque toutes les provinces—pas dans toutes—des institutions d'enseignement en langue française, ce qui est élémentaire à l'épanouissement de nos communautés. Pourtant, nos confrères choisissent de s'acharner sur l'assimilation et d'ignorer les progrès et même parfois de les nier. J'espère qu'ils réussiront à abandonner cette attitude un jour.

D'ailleurs, on a eu une petite leçon d'histoire, et j'aimerais poser au commissaire une question sur l'histoire de notre pays.

Commissaire, j'imagine que vous avez fait certaines lectures. Je vais aussi les faire parce que je veux me renseigner, mais vous allez peut-être me mettre sur des pistes. Dans les cas où les communautés se sont servi des tribunaux pour faire respecter les droits qui leur sont reconnus par la Charte ou la Loi sur les langues officielles, est-il arrivé que des gouvernements de provinces autres que celle où avaient lieu les contestations judiciaires soient intervenus? Si oui, était-ce pour défendre et appuyer les communautés francophones ou pour aller dans le sens contraire?

M. Victor Goldbloom: Il y a eu quelques occasions où un gouvernement provincial est intervenu dans une autre province. Je me rappelle deux occasions où le gouvernement du Québec est intervenu dans une province à majorité anglophone. Dans un cas en particulier, ce n'était pas pour appuyer la communauté francophone de cette province.

M. Mauril Bélanger: On parle de leadership. Il ne faudrait pas oublier cela.

M. Victor Goldbloom: En règle générale, les provinces qui se sont opposées aux revendications d'une communauté minoritaire ont fini par obtempérer à ce que le tribunal avait décidé. Cependant, nous avons parlé de la situation à l'Île-du-Prince-Édouard, où les parents de Summerside voulaient obtenir une école chez eux plutôt que d'être obligés d'envoyer leurs enfants à 30 ou 40 kilomètres, à l'école Évangéline d'Abram-Village. Les parents avaient eu gain de cause devant le tribunal de première instance, mais la province a interjeté appel et a eu gain de cause devant la Cour d'appel. La cause s'en va maintenant devant la Cour suprême du Canada.

Donc, même si, en règle générale, les procès coûtent cher et prennent beaucoup de temps à se régler, je trouve qu'ils sont absolument nécessaires dans certains cas, car c'est la seule façon d'obtenir ce que la loi et la Charte prévoient. C'est le cas notamment de la Colombie-Britannique, où il y a maintenant une autorité scolaire francophone.

M. Mauril Bélanger: J'imagine que le commissaire, au cours des nombreuses années de son mandat, s'est parfois trouvé dans des circonstances plus drôles que d'autres. Je me demandais s'il y en avait une ou deux qui vous étaient plus présentes à l'esprit que d'autres.

• 1730

M. Victor Goldbloom: Il m'est difficile de répondre à brûle-pourpoint. J'ai eu beaucoup de plaisir lorsque j'ai pu faire bouger des gens qui résistaient auparavant.

Non, je n'ai pas vraiment d'anecdotes...

M. Mauril Bélanger: Vous garderez cela pour vos mémoires.

M. Victor Goldbloom: ...qui pourraient vous amuser, mais s'il y en a qui me viennent à l'esprit, je vous écrirai.

M. Mauril Bélanger: J'imagine que vous allez les publier.

M. Victor Goldbloom: Peut-être, peut-être.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Avez-vous terminé, Mauril?

M. Mauril Bélanger: Merci.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Avez-vous encore quelques minutes? Le sénateur veut vous poser une question.

M. Victor Goldbloom: Oui, oui.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Rivest.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: On parlait des transformations gouvernementales, etc. Il y a eu ce qu'on a appelé une entente extrêmement importante sur l'union sociale au Canada, et je suis prêt à en convenir. Les premiers ministres, les leaders politiques se sont réunis au 24 promenade Sussex et ont parlé de l'utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, de transferts aux provinces et de droit de retrait dans certains cas. Je ne veux pas entrer dans les modalités de l'entente, mais il n'a pas été beaucoup question de la dualité et de la protection des francophones lorsqu'une province exercerait son droit de retrait. Il n'y avait rien à cet égard dans l'entente, n'est-ce pas?

M. Victor Goldbloom: Je suis obligé d'exprimer le regret que le texte qui a été produit par les participants n'ait fait aucune mention de la dualité linguistique du pays, aucune mention des minorités de langue officielle et de leur contribution non seulement à la vie du Canada mais à la nature même du Canada. Il y a eu une allusion fort générale à la diversité de la société canadienne. Je ne peux m'empêcher de dire que cela ne m'a pas satisfait comme reconnaissance de la réalité de la dualité linguistique du Canada.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: C'est ce que je disais.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Eh bien, monsieur Goldbloom, ce fut un échange des plus éclairants—long et ardu pour vous, j'en suis certaine, mais quoi qu'il en soit, vous vous en tirez toujours extrêmement bien. Je pense que notre pays a eu beaucoup de chance de vous avoir comme commissaire aux langues officielles. Je souhaite sincèrement que l'on vous donne un peu plus de pouvoir, peut-être pour imposer des sanctions quelconques. Quoi qu'il en soit, j'ai observé une évolution au cours de votre mandat, et je crois qu'elle est attribuable à votre vigilance, ce dont nous vous sommes reconnaissants. Nous n'attendons que du positif de ce côté. Chose certaine, l'esprit dont vous avez fait preuve au cours de ces nombreuses années guidera un grand nombre d'entre nous, et nous vous en remercions vivement.

M. Victor Goldbloom: Merci.

Des voix: Bravo, bravo.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): La séance est levée.