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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 novembre 1998

• 1544

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour à ma coprésidente, madame Finestone; cela me fait plaisir de vous revoir.

Nous avons le quorum et nous commencerons par l'adoption du septième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure, que vous avez en main. Si nous ne l'adoptions pas, nous serions obligés de remercier nos visiteurs et de leur dire de rentrer à la maison, parce que ce rapport recommande que ces témoins comparaissent devant nous.

Le sénateur Louis J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): J'en proposerai l'adoption si on peut répondre à ma question. Qu'est-ce que l'Association des Townshippers?

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Ce sont les Anglais en dehors de Montréal, par exemple dans Sherbrooke.

Le sénateur Louis Robichaud: Dans les Cantons de l'Est?

• 1545

M. Louis Plamondon: Oui, dans le Cantons de l'Est et dans toutes les villes où il y a de petits regroupements d'anglophones.

Le sénateur Louis Robichaud: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Ça va?

(Le septième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure est adopté—Voir le Procès-verbal)

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je ne sais pas si tous les membres du comité se sont familiarisés avec les procédures que nous avions adoptées l'année dernière, tout particulièrement celles qui portent sur l'attribution du temps. Nous n'avons pas à les adopter à nouveau, puisqu'elles sont toujours en vigueur. Notre greffière distribuera une copie de ces directives aux membres du comité.

Nous sommes maintenant prêts à entendre nos témoins.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Madame la présidente et chers membres du comité, pendant que nous attendons les témoins, j'aimerais vous signaler la présence du Commissaire aux langues officielles du Canada, le Dr Victor Goldbloom. Je voudrais que le comité sache qu'à la suite d'un malheureux conflit d'horaire, nous ne pouvions pas rencontrer le commissaire à ce moment-ci. Dès que nous aurons terminé l'ordre du jour, nous verrons quand nous pouvons l'entendre.

[Français]

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: Monsieur Gino LeBlanc, je vous invite à présenter les deux personnes qui vous accompagnent et à commencer votre présentation.

M. Gino LeBlanc (président, Fédération des communautés francophone et acadienne du Canada): Madame la présidente, merci. Je suis accompagné de Manon S. Henrie, qui travaille chez nous à la FCFA du Canada, et de notre directeur général, Richard Barrette.

M. Richard Barrette (directeur général, Fédération des communautés francophone et acadienne du Canada): Bonjour.

M. Gino LeBlanc: Nous avons le plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis également accompagné par une délégation de Canadiennes et de Canadiens qui font partie de la francophonie. Au cours des prochains jours, nous rencontrerons au-delà d'une quarantaine de ministres, députés et sénateurs pour parler de la francophonie et de moments importants pour nous, c'est-à-dire du renouvellement par Mme Copps du programme d'appui aux langues officielles, y compris des ressources qui appuient notre développement au niveau de nombreux secteurs d'activité, dont l'éducation.

Je vous remercie de m'accorder ces quelques minutes pour que je puisse vous entretenir des préoccupations courantes des communautés francophones et acadienne par rapport à l'application de la Loi sur les langues officielles. Je m'amène chez vous à la tête d'une délégation d'une cinquantaine de personnes issues de nos communautés. Nous sommes de passage ici dans la capitale pour sensibiliser le Parlement canadien aux défis que nous devons relever en vue du renouvellement des ententes Canada-communautés, qui sont le mécanisme de financement de l'ensemble de la francophonie canadienne. Comme vous le savez, c'est en vertu de ces accords que le ministère du Patrimoine canadien appuie le développement de nos collectivités. J'aurai l'occasion de vous parler de ce sujet particulier dans quelques minutes.

Il est vrai que les communautés francophones et acadienne ont connu un développement important au cours des 30 dernières années. La Loi sur les langues officielles et l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés y sont pour quelque chose. Ces mesures ont permis au français d'obtenir droit de cité à l'extérieur du Québec.

Nos collectivités en ont profité pour se doter d'un réseau important d'infrastructures, tant scolaires que culturelles, communautaires et économiques. Elles ont fait preuve de courage et de détermination. Elles n'ont pas hésité à avoir recours aux tribunaux, plus souvent qu'autrement, hélas, pour obtenir le respect de leurs droits. Personne, à ce que je sache, ne conteste ces réalisations, mais je demeure inquiet pour l'avenir.

• 1550

J'entrevois une érosion graduelle de nos acquis, à moins que le gouvernement fédéral ne change tout de suite son fusil d'épaule. Prenons l'étude du commissaire aux langues officielles, ici présent, sur les effets des transformations du gouvernement sur le programme des langues officielles, étude publiée le printemps dernier.

Parmi les transformations citées par le commissaire, on retrouve la dévolution, le développement des partenariats, la privatisation, la restructuration et la mise en oeuvre des compressions. Les conclusions de l'étude du commissaire sont accablantes. Ces transformations ont entraîné une érosion subtile, mais cumulative, des droits linguistiques premièrement. Ensuite, elles ont affaibli le programme des langues officielles au sein de l'administration fédérale. Enfin, le gouvernement fédéral n'a pas accordé suffisamment d'importance à son engagement de favoriser l'épanouissement et à appuyer le développement des communautés minoritaires de langue officielle. Voici quelques exemples concrets de transformations qui se font au détriment des communautés francophones au Canada.

Le ministre du Développement des ressources humaines, Pierre Pettigrew, doit signer prochainement une entente avec la Colombie-Britannique. La province héritera à ce moment-là des responsabilités dans le domaine des mesures visant le développement des marchés du travail, financées par les fonds d'assurance-emploi.

La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique a demandé au ministre d'accorder une attention particulière aux obligations linguistiques qui seraient ainsi transférées à la province, le gouvernement de Glen Clark ayant démontré peu de sympathie pour sa population francophone.

Le ministre Pettigrew a répondu:

    Les clauses linguistiques des ententes sur le développement du marché du travail sont toutes relativement différentes, reflétant en cela la situation particulière de chaque province.

Il affirme aussi que les prochaines ententes fédérales-provinciales reliées au développement du marché du travail assureront la disponibilité des programmes et services dans les deux langues officielles «là où l'importance de la demande le justifie».

S'il y a une expression qui donne de l'urticaire aux francophones partout au pays, c'est bien «là où la demande le justifie».

En l'utilisant, le ministre Pettigrew fait fi de l'esprit de la Loi sur les langues officielles et de l'engagement du gouvernement fédéral de favoriser l'épanouissement de nos communautés.

Pendant ce temps, à Whitehorse, au Yukon, la gestion de l'hôpital général de l'endroit, jadis sous la responsabilité de Santé Canada, a été transférée au gouvernement territorial. Aucune clause linguistique n'a été incluse dans l'entente. D'autres programmes relevant de Santé Canada ont été transférés à ce territoire sans égard à leur disponibilité en français.

Ces exemples parmi tant d'autres démontrent que nous perdons ici et là notre accès à des services fédéraux jadis disponibles dans notre langue. Ce faisant, c'est aussi la visibilité du français partout au Canada et la perte d'emplois bilingues qu'on met en cause.

Pourquoi nous sommes-nous battus pour l'obtention d'institutions d'enseignement en langue française si, dans plusieurs régions du pays, nous ne serons bientôt plus en mesure de garantir à nos enfants que leur apprentissage du français constituera un atout pour accéder au marché du travail?

Il faut dire que le Conseil du Trésor s'est empressé de répondre à l'étude du commissaire aux langues officielles. Quelques jours après le dépôt de l'étude, il mettait sur pied un groupe de travail chargé d'examiner l'application de la Loi sur les langues officielles dans les institutions fédérales, à la lumière de ces compressions et privatisations.

A première vue, l'initiative nous est apparue heureuse. Le groupe de travail est composé de personnes bien connues des communautés de langue officielle. La bonne volonté et l'intégrité du groupe n'est pas en doute.

Par contre, force nous est de constater que le conseil lui a donné peu d'outils pour mener à bien sa mission: un échéancier serré—son rapport final devra être livré le mois prochain, peut-être après Noël—, une période de consultation plutôt brève, peu de temps et de ressources pour faire des recherches approfondies et tout au plus une demi-douzaine de rencontres face à face.

Tout cela semble indiquer que le Conseil du Trésor n'a pas pris au sérieux autant qu'on l'aurait aimé les observations du commissaire aux langues officielles. Après tout, le conseil n'est-il pas responsable, parmi d'autres, de la restructuration et des compressions qui ont contribué à l'érosion de nos droits linguistiques?

• 1555

De plus, nos collectivités vivent ces jours-ci avec des compressions budgétaires apportées par Patrimoine canadien à son programme d'appui aux langues officielles. Ainsi, le ministère a réduit son appui à nos collectivités de 20 à 40 p. 100 au cours des dernières années.

Nos organismes et nos institutions passent maintenant plus de temps à essayer de décrocher des «projets spéciaux» pour boucler leurs budgets qu'à consacrer à leur mission première, soit d'assurer le développement de nos communautés.

Mais j'entrevois certaines solutions. Premièrement, l'avis émis cet été par la Cour suprême sur le droit du Québec à la sécession contenait des observations importantes pour nos communautés. Je me contenterai d'en citer un passage.

    Une constitution peut chercher à garantir que des groupes minoritaires vulnérables bénéficient des institutions et des droits nécessaires pour préserver et promouvoir leur identité propre face aux tendances assimilatrices de la majorité.

C'est ce que nous réclamons en exigeant le respect de la Loi sur les langues officielles.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit se doter d'un mécanisme pour assurer le respect et la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles dans toutes ses initiatives. Il existe des précédents à cet égard, notamment en Ontario, où l'Office des affaires francophones est appelé à commenter les initiatives ministérielles pour s'assurer qu'elles respectent la Loi ontarienne sur les services en français.

Troisièmement, le gouvernement fédéral doit se doter d'une politique globale pour appuyer le développement des communautés de langue officielle. On reproche parfois à nos collectivités de manquer de vision lorsque vient le temps de parler de l'avenir. Pourtant, chacune d'entre elles possède son propre plan de développement global. À ce point-ci, c'est plutôt Ottawa qui traîne la patte. Il nous ferait plaisir de l'aider, à notre tour, dans sa réflexion en vue de développer une politique de développement global.

Enfin, comme je vous l'ai mentionné au début, nous entreprendrons sous peu des négociations avec Patrimoine canadien en vue du renouvellement des ententes Canada-communautés. Nous souhaitons que le ministère puisse bonifier l'enveloppe budgétaire de ces accords, question de rattraper le temps perdu et de réparer les pots cassés. Nous nous opposerons, s'il y a lieu, à toute coupure additionnelle ou au plafonnement du budget du programme d'appui aux langues officielles pour 1999-2000 et au-delà.

Je voudrais conclure mon intervention en citant une pensée de l'écrivaine québécoise Micheline La France. Elle affirme que «contempler l'avenir, c'est l'inventer.»

J'espère maintenant que nous trouverons ensemble des éléments de vision que nous pourrons partager et réaliser pour le mieux-être des communautés minoritaires de langue officielle. Je vous remercie beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): C'était une très belle présentation et je vous en remercie, monsieur LeBlanc. Je suis assurée que nous aurons une bonne discussion à la suite de votre présentation.

Comme je vous le disais au début, chers collègues, nous suivrons la procédure établie et j'accorderai donc d'abord, dans le cadre de ce premier tour, sept minutes à l'opposition officielle. Monsieur Mark.

[Traduction]

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, Madame la présidente.

Encore une fois, bienvenue et merci d'être venu devant le comité.

Je devrais peut-être faire une préface à mes commentaires. Contrairement à ce que l'on croit de façon générale, le Parti réformiste ne croit pas à la nature bilingue de ce pays. Nous croyons que les institutions fédérales doit respecter cette règle et s'y conformer. Je devrais dire que dans ma propre circonscription il y a deux communautés où le français est une langue vivante. C'est aussi important pour moi pour des raisons personnelles. Mon épouse est francophone, et je suis donc conscient de l'importance du maintien du français à l'échelle du pays.

À titre de commentaire, vous avez mentionné le jugement de la Cour suprême sur la langue. Je crois qu'il devrait être respecté partout au pays et non seulement de province en province. On devrait y adhérer de façon uniforme et le gouvernement fédéral devrait assurer un suivi pour voir à ce que l'on respecte les jugements de la Cour suprême.

• 1600

Pour ce qui est de l'appui financier, je reçois des demandes de mes commettants et de gens à l'extérieur du Manitoba au sujet de l'immersion en français et du système scolaire. Je sais qu'il n'y a jamais assez d'argent, alors je vous poserai la question suivante: combien faudrait-il d'argent pour assurer que tous les programmes nécessaires soient en place et que nous progressions de façon positive, en suivant les bonnes étapes, sur toute la question linguistique.

[Français]

M. Gino LeBlanc: Merci, monsieur Mark. Une chose est certaine: la décroissance a été très importante. Elle a fait très mal. Comme vous le savez, nos communautés sont en train de se développer. La loi n'a été adoptée qu'il y a 30 ans et nous sommes donc souvent dans une situation de rattrapage lorsque nous essayons de nous doter d'institutions pour que la communauté francophone puisse agir dans les domaines de la santé, des services sociaux, de l'économie, de la jeunesse, etc. Les coupures nous font doublement mal, dans la mesure où nous ne nous étions par encore dotés du réseau d'institutions que nous aurions dû avoir pour être complètement actifs dans la société. On parle de compressions de l'ordre de 20 à 40 p. 100. Il est évident qu'il faudra retrouver des niveaux de financement beaucoup plus acceptables.

Dans leurs relations avec le ministère du Patrimoine canadien, nos communautés ont développé des plans de développement global. Les ententes Canada-communautés misent vraiment sur un partenariat entre les ministères et les communautés. Le financement se fait selon un ordre de priorité établi à l'intérieur des provinces et au niveau national.

Ces ententes-là arrivent effectivement à leur fin et on s'apprête à entamer un processus d'évaluation sans plus tarder. Nous sommes à la veille de la fin de cet exercice-là. La FCFA tiendra une réunion de son conseil d'administration à la fin novembre et nous serons en mesure, d'ici quelques semaines, de vraiment chiffrer les besoins des communautés et de les justifier. Une chose est claire: nous avons besoin à tout le moins de ce que nous avions avant les coupures. On devrait même accroître ces fonds puisqu'au cours de cette période-là, nous nous sommes développés. Depuis le début des coupures, en 1992-1993, on a établi d'autres institutions et développé d'autres axes d'intervention. Nous espérons donc pouvoir très prochainement discuter avec Mme Copps et les décideurs dans ce processus-là afin de leur faire part de nos besoins.

Au-delà du financement accordé à nos organismes, l'enveloppe du programme d'appui aux langues officielles est beaucoup plus importante que cela. Elle comprend tous les transferts consentis aux provinces au niveau de l'éducation, de la formation, des échanges, etc. Cela est également très important pour nous. On espère que l'ensemble de l'enveloppe sera augmenté de façon significative, parce que toutes ces choses-là sont évidemment interreliées.

[Traduction]

M. Inky Mark: J'ai une autre question très brève, madame la présidente.

Dans le cas de ces ententes de partenariat avec les provinces, le processus est-il le même ou varie-t-il de province en province selon les besoins?

[Français]

M. Gino LeBlanc: C'est une bonne question. Nous, à la Fédération des communautés francophones et acadienne, ne sommes pas partie prenante du processus entre le ministère et les provinces, c'est-à-dire au niveau de la façon dont cette négociation-là se fait. J'ignore vraiment quel est le processus exact qu'on a mis en place entre les gouvernements provinciaux et le ministère, bien que je sois certain qu'il y a une stratégie de demandes et de revendications, comme dans le cas des organismes communautaires. Malheureusement, nous ne connaissons pas ces chiffres-là. On appuie les demandes des provinces pour s'assurer que la ministre ait les fonds nécessaires pour satisfaire aux besoins des provinces, ce qui est très important, mais nous ne sommes malheureusement pas partie prenante dans ces délibérations-là.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Ça va, M. Mark? Peut-être au prochain tour.

[Français]

Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon: Merci. Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

Vous avez parlé de négociations et de nouvelles ententes qui sont prévue pour mars 1999. Au fond, vous semblez espérer qu'on vous accordera un budget équivalent à celui de 1993.

M. Gino LeBlanc: Non, ce n'est pas tout à fait exact. Je vous donnais l'exemple du budget de 1993 comme point de chute, au moment où les coupures budgétaires ont vraiment commencé à faire mal. En ce qui nous concerne, pour les institutions communautaires des minorités francophones, nous parlions d'un budget de 28 millions de dollars en 1993. Ce budget a connu une décroissance constante et il est de 21 millions de dollars à l'heure actuelle.

• 1605

Je ne peux pas prévoir le niveau des besoins que tous les processus d'évaluation de chaque province vont m'indiquer. Cependant, à mon avis, en ne tenant compte que du développement qui s'est produit depuis 1992—radios communautaires, enseignement postsecondaire, etc.,—il sera beaucoup plus élevé. Il me semble assez évident que nos communautés n'ont pas stagné depuis cette époque et qu'il faut réévaluer les besoins en se basant sur le niveau de 1992-1993. On s'est développé depuis ce temps. À mon avis, l'ordre de grandeur devra être bien au-delà des chiffres de 1992-1993 si on veut que nos communautés puissent accomplir ce que leur commande leur dynamisme.

Je pense que la question se pose toujours de savoir ce que vous voulez qu'il advienne de la francophonie à l'extérieur du Québec. Quels devraient être sa vitalité et son dynamisme? Est-il intéressant, du point de vue du Parlement canadien, qu'il existe une vitalité française ailleurs qu'au Québec et que les francophones soient bien outillés?

Rappelez-vous que dans beaucoup de cas, les gouvernements provinciaux ne sont pas le lieu privilégié où s'adresser pour obtenir de l'aide pour notre développement. Il y a beaucoup de réticence. Nous avons dû lutter devant les tribunaux pendant de nombreuses années—vous le savez, monsieur Plamondon—, pour obtenir la gestion de nos écoles. Dans la plupart des cas, à l'heure actuelle, nous l'avons obtenue, de façon plus satisfaisante dans certaines provinces que dans d'autres.

Je dirais que le niveau de financement de 1992-1993 n'est qu'un point de référence et doit absolument être bonifié. À la fin du processus d'évaluation du partenariat qui existe entre Patrimoine Canada et les diverses communautés francophones pour chaque entente, évaluation qui devrait se terminer très bientôt, on sera en mesure de fixer un chiffre, de donner un ordre de grandeur de nos besoins.

M. Louis Plamondon: Parfois, je me demande si vous n'avez pas une attitude trop douce dans vos négociations avec les gouvernements existants et par rapport à vos revendications auprès d'eux. On sent que vous avez de nombreuses rencontres, que les communautés francophone et acadienne, généralement, votent pour le Parti libéral. Le gouvernement libéral est en quelque sorte assuré de vos votes et, par conséquent, n'a pas peur de vos revendications.

Il est vrai, et cela a été une belle exception à la règle générale, que l'Acadie, lors des dernières élections, s'est éveillée à d'autres réalités et a brisé avec la façon de voter qu'elle conservait depuis des années. Mais ce n'est pas vraiment une question de partisanerie. Je ne veux pas dire qu'il ne faut pas voter pour le Parti libéral ou le contraire. Je dis que le fait est là et que, devant ce fait, vos revendications peuvent sembler molles ou faibles. C'est ce qu'il me semble, parfois.

Par contre, vous réussissez de très bons coups. Je pense par exemple à SOS Montfort qui mène une lutte extraordinaire; c'est revendicateur; c'est le passage du bulldozer et il faut que ça marche. C'est quasiment seulement dans ces moments-là, quand vous avez mis le paquet et fait beaucoup de bruit, que vous avez remporté de grandes victoires.

Actuellement, ce que je vois, c'est la négociation qui s'en vient, qui est déjà en cours. Je vois l'attitude de Mme Copps lorsqu'elle vient répondre à nos questions ici, à ce comité. Vous savez, retourner à 1993, c'est revenir à 100 millions de dollars, je pense. Vous dites que vos espérances sont encore plus grandes. Moi, je vous dis qu'il va falloir remuer ciel et terre pour qu'elles se réalisent.

N'oubliez pas que le gouvernement actuel a coupé de 15 p. 100 les subventions de vos associations. Quand il l'a fait, tous les députés du parti au pouvoir, y compris les députés francophones, ont voté en faveur de cette décision. Je me demande donc s'il ne vous faudrait pas une forme de lobby plus solide, plus public, plus revendicateur.

M. Gino LeBlanc: Je pense que le caractère de votre intervention reflète bien la plateforme sur laquelle vous prenez la parole, soit celle de l'opposition, et c'est tout à fait légitime, je crois.

• 1610

En ce qui a trait à votre premier commentaire à propos du vote d'un groupe linguistique donné qui serait dédié à un parti particulier, j'ai suffisamment de données à vous communiquer qui contredisent grandement ce que vous avancez, soit que les Acadiens votent en bloc pour le Parti libéral. Il est vrai qu'à l'époque, M. Robichaud recevait un bon appui des Acadiens, mais le vote de la francophonie canadienne dans son ensemble est assez diversifié et ne va pas qu'au Parti Libéral. Je pense que cela est assez clair.

Le sénateur Louis Robichaud: C'est une époque révolue.

M. Louis Plamondon: Il est plus diversifié que le vote des anglophones au Québec.

M. Gino LeBlanc: L'autre commentaire que j'aimerais faire est à propos de ce que vous avez dit, à savoir qu'on obtient gain de cause seulement quand on crie ou qu'on chiale. Eh bien, c'est une des stratégies qu'on peut utiliser. Je pense qu'un groupe social comme le nôtre peut avoir une approche conciliante. Qu'il s'agisse du Nouveau parti démocratique, du Parti conservateur ou de celui qui est au pouvoir, on l'aborde en faisant connaître nos besoins et les obstacles qui nous font face, et en lui demandant de nous aider à les surmonter. À partir du moment où un partenariat se développe, ça va. À partir du moment où il y a conflit, où toute entente est impossible, nous sommes capables de monter du cran, d'adopter une attitude revendicatrice. Ni notre communauté ni les autres communautés de langues officielles ne se sont gênées pour monter le ton et revendiquer.

C'est un commentaire que je fais, moi aussi.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Monsieur Plamondon, vous avez encore deux minutes.

M. Louis Plamondon: Je reprendrai la parole tout à l'heure.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): D'accord. Sénateur Robichaud.

Le sénateur Louis Robichaud: Une question sur une chose qui m'a intrigué pendant les remarques de M. LeBlanc. Vous avez revendiqué vos droits—disons nos droits—devant les tribunaux à plusieurs reprises. À plusieurs reprises, vous avez obtenu du succès, mais pas dans toutes les provinces.

Vous avez dit que certaines provinces se montraient encore récalcitrantes. C'est ce que j'ai cru comprendre. Pourriez-vous nous dire quels territoires et provinces respectent la Loi des langues officielles et lesquels ne la respectent pas?

M. Gino LeBlanc: Je peux vous donner des exemples plus flagrants que d'autres. Par exemple, je sais que mes collègues de la Colombie-Britannique seraient les premiers à venir dire ici qu'ils ont un projet de loi qui porte sur la gestion scolaire, mais que la structure proposée et même les ressources qui y sont rattachées sont loin d'être parfaites. Sur les détails, je préférerais qu'ils puissent vous en parler plus en profondeur eux-mêmes. Le commissaire serait sans doute mieux en mesure d'en parler.

Il y a d'autres cas, comme en Nouvelle-Écosse où il existe une loi—il en a été question aux nouvelles dernièrement—, mais où le sens de cette loi n'est pas respecté en certains endroits en ce qui a trait aux écoles homogènes francophones. Il y a d'autres cas où on en est encore à mettre les structures sur pied. Je pense que la plupart des provinces sont allées de l'avant en proposant des projets de loi. Elles en sont à l'étape de la mise au point de structures. Il y a des endroits où il y a plus de bonne volonté que dans d'autres et où les ressources sont suffisantes. Dans d'autres endroits, les structures sont en place, mais les ressources manquent pour la gestion, les institutions, le corps professoral, etc.

Je peux vous donner l'exemple de Terre-Neuve et du Labrador qui, sous M. Tobin, ont conclu une entente avec Mme Copps. Un système de gestion scolaire est en train d'être instauré à Terre-Neuve et au Labrador. Il semble, à ce jour, satisfaire la communauté francophone de Terre-Neuve et du Labrador.

Ma réponse n'est pas aussi tranchée que votre question. C'est plutôt un commentaire qui concerne tant les ressources que les structures de gestion, ainsi que les intentions qui sont meilleures à certains endroits qu'à d'autres. En général, c'est un dossier qui requiert beaucoup de temps, et nous le déplorons. Il est déplorable que depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés et l'article 23, il se soit passé presque deux décennies. Dépenser tant d'argent et consacrer tant d'heures de travail aux poursuites devant les tribunaux a essoufflé plusieurs communautés.

En somme, 20 ans plus tard, nous sommes encore à mettre sur pied des structures comme celles du Nouveau-Brunswick. Vous aviez compris depuis longtemps qu'une structure dualiste, comportant deux systèmes homogènes, était importante et vous l'aviez mise sur pied quand vous dirigiez le gouvernement.

Le sénateur Louis Robichaud: Il n'y a pas de cas pendant devant les tribunaux, à l'heure actuelle.

M. Gino LeBlanc: Oui. Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, il se pose certains problèmes techniques par rapport à une institution que nous revendiquons, alors que le gouvernement prétend que les élèves pourraient être amenés par autobus à une autre institution située à une heure de là.

• 1615

Vous voyez, finalement, où se situe la problématique de la gestion scolaire et ce que peut signifier la gestion d'institutions homogènes.

Le sénateur Louis Robichaud: Dans des cas comme celui que vous venez de mentionner, est-ce que c'est votre association qui poursuit le gouvernement ou si ce sont les autorités scolaires locales?

M. Gino LeBlanc: Moi, je travaille à la Fédération nationale. Dans la plupart des cas, dans chaque province à l'extérieur du Québec, il y a un groupe politique, un groupe de porte-parole qui mène habituellement la lutte contre le gouvernement provincial, soit avec des comités de parents, soit avec le conseil scolaire. Ce sont surtout des intervenants des provinces.

Le sénateur Louis Robichaud: Et les frais de cour sont couverts par la fédération?

M. Gino LeBlanc: Non. Il y a...

Le sénateur Louis Robichaud: Vous ne réclamez pas de budget pour...

M. Gino LeBlanc: Le premier réflexe est de faire appel au programme de contestation judiciaire qui existe au gouvernement fédéral. Si le projet est admissible du point de vue des critères—ils le sont parfois, dans d'autres cas, moins—, le financement est octroyé. Quand il ne l'est pas, on fait souvent des collectes de fonds dans les communautés ou on se sert de ressources accordées par des institutions acadiennes ou francophones afin de mener ces luttes-là.

Le sénateur Louis Robichaud: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Robichaud, est-ce que vous avez terminé? Deux minutes vous sont encore allouées.

Le sénateur Louis Robichaud: J'aborderai un autre thème plus tard.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): D'accord. Madame Finestone, vous aviez une question. Peut-elle être traitée en deux minutes? Vous voulez utiliser les deux minutes du sénateur Robichaud?

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je suis très curieuse. Gino, vous citez des chiffres pour appuyer la raison pour laquelle vous êtes ici aujourd'hui. Vous penchez-vous seulement sur la question de l'appui aux institutions et organisations communautaires de langues officielles, qui est présentement de 21,8 millions de dollars? Vous ne comptez pas les 207,2 millions de dollars accordés à toutes les institutions, n'est-ce pas?

[Français]

M. Gino LeBlanc: En particulier, nous sommes affectés par la colonne dont le total est de 21 millions de dollars, mais nous ne pouvons pas nous développer sans le reste de l'enveloppe, qui va au gouvernement, qui va à des programmes d'appui à la gestion scolaire. Selon nous, c'est l'enveloppe globale qui doit être bonifiée. C'est un tout qui se tient.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): C'est exactement le motif de ma question. Vous ne voulez pas seulement bonifier le montant alloué aux organismes qui assurent le leadership, mais aussi celui qui finance tout ce qui rend la communauté de langue minoritaire capable de fonctionner et de recevoir des services en français. Ce n'est pas une question de langues officielles. C'est une question de services dans votre langue.

Je voudrais vous poser une seule question. Croyez-vous qu'il soit aussi de la responsabilité des familles de s'assurer que leurs enfants et leur milieu puissent vivre en français autant que possible? Disons que lorsque on allume la télévision, c'est plutôt à une chaîne française; quand on cherche une école pour ses enfants, on cherche d'abord une école française. Comment percevez-vous la fusion entre la culture et la langue, pour que ce soit vivant?

[Traduction]

Ne t'inquiète pas, Mauril. J'attendais parce que je sais que tu souligneras toutes mes erreurs. Ce sera parfait.

Alors, bien que le dollar de financement soit dans le total que vous regardez, il est en fait réparti à l'échelle du pays. Il faut cependant que tous les services et toutes les institutions puissent offrir les services en français et que le contenu et le mode de vie en français soient disponibles. Est-ce une évaluation exacte?

[Français]

M. Gino LeBlanc: Si je vous comprends bien, madame Finestone, vous dites que nous sommes ici pour réclamer nos 21 millions de dollars. Nous sommes conscients de l'importance du montant global de 210 millions de dollars. Nous voyons cela comme un ensemble de mesures. Le blitz que nous faisons, aujourd'hui et hier, et que nous appelons Équipe Francophone, c'est pour aborder la question de l'enveloppe, parce que tout cela se tient. C'est de l'argent qui doit servir à inciter les gouvernements provinciaux à offrir des services en français, la gestion scolaire, etc.

• 1620

Vous demandiez aussi si on encourageait les familles à vivre en français autant que possible. Je vous dirai qu'on n'a pas le choix. Nous savons bien que le phénomène de l'assimilation se produit plus facilement dans certains lieux. Par exemple, l'école peut être un lieu d'assimilation important. Donc, avoir une école homogène francophone, c'est très important. Si l'école n'est pas homogène, elle devient un lieu d'assimilation. Si dans la famille on ne parle pas français, la famille devient un lieu d'assimilation important.

La télévision est, d'après les études qu'on a faites sur l'assimilation, un des facteurs d'assimilation des plus importants. C'est pourquoi, à la FCFA, on encourage fortement le CRTC à favoriser l'avènement de la télévision française et c'est pourquoi on appuie le projet de TVA de devenir une chaîne nationale. Nous voyons comme une victoire le fait d'avoir obtenu cette semaine la distribution obligatoire.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. C'est maintenant le tour de M. Muise.

M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Merci, madame la présidente. J'aimerais tout d'abord remercier nos témoins d'aujourd'hui. En tant qu'Acadien de la Nouvelle-Écosse, j'aimerais faire un commentaire à propos des interventions de M. Plamondon. Je pense que cela est dû plutôt à une manière de penser si les Acadiens font parfois les choses, semble-t-il, plus calmement et d'une façon moins voyante. Mais je pense quand même, comme l'a dit M. LeBlanc dans son commentaire, que lorsqu'on a besoin de nous, nous sommes là et notre présence se fait sentir assez vigoureusement.

C'est mon premier commentaire. Je comprends ce que vous dites, mais je voulais au moins faire valoir cet argument.

J'aimerais en plus vous demander, monsieur LeBlanc, quel devrait être le rôle de Patrimoine Canada dans le cadre des ententes entre le Canada et les communautés, selon la FCFA.

M. Gino LeBlanc: Le rôle du ministère est très important. Évidemment, c'est de là que provient la majeure partie du financement direct aux organismes. En plus, une des choses intéressantes, que les communautés apprécient, je pense, c'est le mécanisme des allocations. L'idée qui se trouve au coeur des ententes Canada-communautés, c'est celle du partenariat, du partnership. Il ne s'agit plus seulement de fonds octroyés par Patrimoine Canada. Les communautés se partagent des fonds. Chaque communauté, en Nouvelle-Écosse, en Acadie, a un plan de développement global et les fonds sont attribués selon les priorités établies. Patrimoine Canada joue un rôle à l'intérieur de cette structure-là.

Il y a un autre élément sur lequel on attend sous peu un rapport, qui concerne le plan interministériel. Patrimoine Canada doit aider la FCFA à mettre sur pied un mécanisme selon lequel, comme le veut la Partie VII de la Loi sur les langues officielles dans ses articles 41 et 42, d'autres ministères que Patrimoine Canada devraient normalement injecter des fonds. Le Conseil privé a demandé à M. Donald Savoie de préparer une étude à cet effet. On l'attend sous peu et nous espérons que Patrimoine Canada sera en mesure de nous aider.

Pour revenir à l'idée de partenariat, le ministère doit aussi consulter les communautés. J'en ai un peu parlé dans mon allocution; il est bien beau d'élaborer des plans de développement global, de développer un partenariat pour l'établissement de priorités, mais Mme Copps est en train d'établir son nouveau budget et nous attendons toujours d'être consultés par le ministère sur la nature de nos besoins.

Nous savons que les échéances sont proches. Le comité d'union sociale doit se rencontrer avant Noël. Le nouveau budget devrait être présenté au Cabinet des ministres avant Noël et nous attendons toujours, aussi bien la FCFA que tous ses membres, d'être consultés sur les résultats des évaluations des ententes.

Ces ententes existent depuis trois ou cinq ans, selon les endroits. Nous les avons évaluées; nous sommes en mesure de dire quels seront nos besoins au cours des cinq prochaines années, mais nous n'avons pas encore été consultés. J'ai bonne confiance que Mme Copps et ses fonctionnaires respecteront leur engagement de partenariat et viendront nous voir avant d'aller proposer des chiffres au comité d'union sociale et au Cabinet.

• 1625

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Gino, comment savez-vous que la ministre doit avoir ses chiffres à la date que vous venez de mentionner?

[Français]

M. Gino LeBlanc: On imagine que le budget doit être préparé...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Vous imaginez, mais vous ne savez pas.

M. Gino LeBlanc: Non, mais j'ai reçu de bonnes indications selon lesquelles ce serait avant Noël.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Muise.

M. Mark Muise: Gino, votre commentaire m'amène à une autre question. La grande majorité des organismes semblent faire face à des problèmes de financement. Le gouvernement peut-il faire autre chose pour les aider que de leur accorder du financement?

M. Gino LeBlanc: On a peut-être une mauvaise perception des organismes. On semble souvent croire qu'ils sont complètement dépendants du gouvernement fédéral, des deniers publics et qu'ils manquent d'autonomie. Nous avons beaucoup discuté de cette question dernièrement. Par exemple, lorsqu'on va dans la communauté, qu'on se rend au niveau local, on constate que des organismes comme le théâtre francophone de la Baie Ste-Marie reçoivent non seulement des fonds du ministère du Patrimoine canadien, mais qu'ils vendent des billets et sont appuyés par des parrains et commanditaires. En fin de compte, plus on se rend près de la communauté, plus on constate qu'il y a une diversification au niveau du financement. Il ne faut pas faire croire qu'on dépend complètement, à 100 p. 100, du ministère du Patrimoine canadien.

L'exemple de l'hôpital Montfort représente un autre excellent effort de diversification; on a mené une lutte, sensibilisé une communauté plus large que le gouvernement et élevé une contestation judiciaire sans aller chercher des deniers publics. Plus on se rapproche du milieu local, plus on voit une diversification au niveau des activités et du développement.

Je concède toutefois qu'il est peut-être plus difficile pour les groupes politiques et les porte-parole des communautés de trouver des commanditaires ou du financement. C'est bien normal. Le Parlement canadien appuie les communautés de langue officielle et il se doit de les appuyer afin qu'elles soient représentées au sein des gouvernements.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): M. Bélanger voulait poser une question.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Le secrétaire parlementaire est le dernier.

[Français]

M. Dan McTeague: Je ne savais pas qu'il était secrétaire parlementaire.

Monsieur LeBlanc, j'ai grandement apprécié votre intervention ici aujourd'hui.

Vous avez cité des exemples où le gouvernement fédéral pourrait davantage trouver de moyens pour promouvoir le fait français en Colombie-Britannique. Je crois me souvenir que vous avez aussi parlé du Yukon. Dois-je comprendre que dans ces régions, il y a davantage de personnes qui pourraient en profiter pour avoir des emplois bilingues et qui, à l'heure actuelle, sont sans emploi?

M. Gino LeBlanc: Les transformations gouvernementales sont plus qu'à la mode; c'est une réalité du gouvernement fédéral que de vouloir confier des responsabilités aux provinces et de privatiser des services en vue de réduire la taille de l'État. Au niveau fédéral, on jouit de droits très particuliers dans le cadre de la Charte des droits et libertés. Aux termes de la Loi sur les langues officielles, nous pouvons avoir recours au commissaire aux langues officielles si jamais on brime nos droits. Dès qu'une responsabilité ne relève plus de l'État fédéral, par exemple dans le cas de la santé à Whitehorse auquel vous avez fait allusion, nos recours sont réduits, voire presque inexistants. Qui devient alors le fiduciaire de nos droits? Qui protège nos droits? Cela devient moins évident. Ce sera peut-être une province ou une compagnie privée. À ce moment-là, on subit de véritables pertes.

Le rapport du commissaire est excellent; c'est une perle. On y démontre jusqu'à quel point c'est une perte de droits très subtile. Je vous ai donné ces exemples pour vous démontrer que nous n'avons pas nécessairement toutes les ressources pour évaluer l'ampleur de ces transformations-là et que nous risquons de nous faire prendre. À la fin de ce processus, il y a une érosion de nos droits.

Il est intéressant de noter que M. Massé, le président du Conseil du Trésor, a mis sur pied un comité d'étude présidé par Yvon Fontaine qui devrait soumettre sous peu un rapport sur l'impact de ces transformations sur les communautés francophones et acadienne.

• 1630

La Fédération et les millions de francophones hors Québec espèrent qu'une fois les recommandations faites, il y aura des ressources ou autre chose pour nous permettre d'analyser comment ces transformations se font. De plus, il y a peut-être des endroits, dans nos communautés, où on aurait la capacité d'offrir certains services en français afin d'éviter l'érosion de nos droits et une perte.

Je vous lance cette idée. On constate qu'il y a une l'érosion subtile, mais véritable et importante de nos droits. Nous n'avons pas nécessairement la capacité de faire l'analyse de toutes ces transformations gouvernementales. C'est énorme. Mais chaque fois qu'on quitte le fédéral pour aller au privé, pour aller aux provinces, il y a danger réel d'une érosion de nos droits.

M. Dan McTeague: Est-ce que vous êtes au courant des problèmes ou des tensions qui existent au Québec chez la minorité anglophone en raison des compressions budgétaires qui ont été imposées par le gouvernement péquiste? Vous préoccupez-vous de parler à la minorité québécoise de son sort, de ses problèmes?

M. Gino LeBlanc: On a des relations avec la minorité au Québec, par des groupes tels qu'Alliance Québec, ou encore la Quebec Farmers' Association, que M. Maynard préside. On a de bonnes relations avec les membres de la communauté anglophone au Québec. Évidemment, si vous me parlez de compressions du gouvernement provincial, il serait inapproprié pour moi de parler politiquement de ce sujet, alors que je suis porte-parole des communautés à l'extérieur de la province du Québec.

M. Dan McTeague: Par contre, vous avez quelque chose en commun, n'est-ce pas?

M. Gino LeBlanc: Absolument. Je vous dirai qu'on partage beaucoup d'affinités. On a des luttes communes.

Au niveau de la santé, par exemple, dans la Beauce, dans les Cantons de l'Est, il y a des problèmes réels d'érosion. De plus, il y a des problèmes au niveau de la démographie. Je me souviens d'avoir eu une discussion avec Constance Middleton-Hope, qui me disait que beaucoup de jeunes de nos communautés quittaient le Québec pour aller vivre à l'extérieur. Retenir la jeunesse anglophone au Québec pose vraiment un problème. Ces deux exemples que je viens de citer sont des problèmes réels et, dans ce sens, il y a effectivement des points communs dans nos luttes.

Par contre—et je pense que même les leaders de la communauté anglophone au Québec le reconnaissent—, on ne peut pas établir de symétrie entre les deux. Il y a quand même un réseau associatif, un réseau d'institutions, dans la communauté anglophone du Québec, qui est un peu plus développé que dans beaucoup de nos communautés. Il y a les universités McGill et Concordia, entre autres. Ils ont des institutions universitaires de première classe, tandis que nous, nous commençons à en avoir. L'Université de Moncton a presque 30 ans. C'est l'oeuvre de M. Robichaud. On commence à se doter d'institutions, mais on n'est pas au même niveau de développement. En général, je pense qu'on s'entend bien pour dire qu'il y a une asymétrie dans le niveau de développement de nos deux communautés. On le reconnaît.

M. Dan McTeague: J'espère qu'il n'y a pas ici d'étudiants de l'Université Laurentienne ou bien de l'Université d'Ottawa.

M. Gino LeBlanc: Ou bien de l'Université Sainte-Anne, etc. Il y en a d'autres.

M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente. Merci, monsieur LeBlanc.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Madame Vautour, du Nouveau parti démocratique.

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Premièrement, je veux vous remercier de votre présentation. Étant Acadienne, je veux aussi vous remercier de continuer à garder notre langue en vie. Il y a 30 ans, on ne pouvait pas se faire servir en français dans nos propres communautés parce que tout se déroulait en anglais.

On sait que la SAANB au Nouveau-Brunswick a été obligée de fermer ses portes, cet été, à cause d'un manque de financement. Combien d'organisations comme celle-là à travers le pays ont été obligées de faire la même chose? Je pense qu'il est important qu'on voie des exemples concrets de l'impact des coupures. La fermeture de la SAANB au Nouveau-Brunswick est un exemple concret de l'impact des compressions. Pouvez-vous nous en donner d'autres comme celui-là?

M. Gino LeBlanc: Oui, je peux vous donner d'autres exemples. Dans la plupart de nos associations, on a dû réduire le nombre d'hommes et de femmes qui travaillaient. Sans entrer dans les petits détails, on a dû réduire les heures de travail, par exemple.

Cet été, vous avez raison, la SAANB a dû fermer ses portes. Il y a des secteurs d'activité qu'on aimerait développer, mais on n'a pas des ressources adéquates pour faire du développement. Il y a des situations où on voudrait agir ou revendiquer nos droits face à une coupure, mais on n'a pas les ressources pour le faire.

• 1635

C'est un peu l'idée d'Équipe Francophonie. J'aurais pu m'asseoir avec les 45 personnes qu'on a rencontrées dans les derniers deux jours, vous dire ce que je vous dis aujourd'hui et essayer de vous convaincre qu'on a besoin d'une augmentation. La force d'Équipe Francophonie, dont certains membres sont ici, c'est que chacun a sa réalité provinciale, sa réalité locale. Dans les rencontres qu'on a eues avec beaucoup d'entre vous, on a pu partager des choses réelles, des choses qui se passent dans nos communautés. Elles ont fait mal, ces coupures-là. Il n'y a pas de doute qu'il y a eu une érosion et une diminution du niveau d'activités qu'on aurait pu avoir. Il n'y a aucun doute là-dessus. Si on veut avoir comme principe fondamental la dualité linguistique au Canada, on doit mettre un minimum de ressources pour garder les institutions qu'il y a. De plus, il faut se déployer, comme je le disais tout à l'heure, dans de nouveaux secteurs où on n'est pas toujours actifs.

Dans plusieurs communautés, on se préoccupe nouvellement de la santé. Les gens se disent qu'ils ont fait la lutte dans le secteur de l'éducation et qu'ils ont obtenu la gestion scolaire. Maintenant, ils se disent que ce serait intéressant d'avoir des services sociaux, des services de santé en français dans leurs communautés. Il n'est pas nécessaire de bâtir des hôpitaux ou de créer des infrastructures, mais il faudrait qu'il y ait là gens pour poser des gestes médicaux en français. Probablement que le secteur de la santé a été ralenti à cause des coupures. Je vous assure qu'il y a de nombreux exemples où il y a dû y avoir des réductions au niveau du personnel et des réductions dans les secteurs d'intervention. Ça a fait évidemment très mal. Notre capacité d'agir en a été réduite.

En même temps, comme citoyens canadiens, on accepte qu'il faut réduire le fardeau fiscal qu'on avait. On ne dit pas qu'il n'aurait dû y avoir aucune coupure. On accepte qu'il y avait une responsabilité à ce niveau. Mais, en même temps, comme gouvernement, on doit choisir les secteurs dans lesquels on coupe et dans lesquels on investit.

Mme Angela Vautour: Ce qui m'intéresse, c'est que vous êtes prêts à accepter les coupures. Dans un contexte où l'unité nationale fait partie d'un grand dossier, on essaie de démontrer aux Québécois que la langue française est une langue réelle qui compte dans le pays, mais ensuite on impose des coupures qui affectent directement les communautés francophones hors Québec.

Je vois qu'on dit une chose et qu'on en fait une autre. Si j'étais séparatiste, je dirais qu'on a toutes les preuves au monde que notre gouvernement libéral n'est pas sérieux concernant la sauvegarde de la langue française. C'est important dans le pays et je pense que vous avez donné de très bonnes raisons. Ça m'inquiète, parce qu'on sait que l'unité nationale, c'est un gros dossier aujourd'hui, c'est important. On croit à un Canada incluant le Québec, mais on donne des munitions aux séparatistes pour qu'ils disent qu'on néglige les francophones hors Québec. Je pense que je ne me trompe pas en disant ça.

Ce que j'ai appris il y a deux semaines et qui m'a surprise un peu, c'est qu'à Summerside, on est rendu en Cour suprême pour avoir une école française à cet endroit. Est-ce que vous avez de l'information à ce sujet? Pourriez-vous nous éclairer un petit peu plus sur ce dossier? Je ne pensais pas qu'on avait besoin de se rendre à ce point pour avoir une école. J'aurais cru qu'étant donné qu'il y a des francophones, on leur aurait donné une école et qu'on serait passé à autre chose. Est-ce qu'on a reculé au cours des années?

M. Gino LeBlanc: Vous dites que le gouvernement fédéral donne des messages en ne nous appuyant pas. Il y a eu des réussites sous tous les gouvernements, tous partis politiques confondus. Il y a eu effectivement des coupures, en particulier depuis 1992-1993. On ne peut pas le nier, c'est sur papier. En même temps, il y a eu un engagement politique de ce gouvernement, et je suis heureux d'entendre M. Mark dire que le Parti réformiste appuie aussi le concept du bilinguisme. Il y a eu quand même des réussites à ce moment, mais en même temps, on a eu une érosion sans aucun doute, avec les coupures qu'on a faites, et c'est pour ça qu'on vient vous voir aujourd'hui pour vous dire qu'on est dans un nouveau contexte budgétaire, qu'il y a un surplus à l'horizon et qu'une des priorités, dans la perspective de l'unité canadienne et de la dualité linguistique, pourrait être qu'il y ait une mobilité pour les francophones coast to coast. On pourrait réinjecter des fonds pour nous permettre de garder cette vitalité et pour démontrer à certains citoyens québécois qu'effectivement, au Canada, il peut y avoir un dynamisme à l'extérieur du Québec.

• 1640

L'autre question que vous me posez touche particulièrement le gouvernement de M. Binns à l'Île-du-Prince-Édouard, soit la situation à Summerside. J'y ai fait allusion brièvement en répondant à la question de M. Robichaud. On veut prendre des autobus et transporter des étudiants de cette région dans la région Évangéline, dans l'ouest de l'île, où il y a une école homogène francophone. Le gouvernement provincial conteste la construction d'une nouvelle école en disant que c'est raisonnable de transporter les enfants vers la région Évangéline qui est, dans certains cas, à au-delà d'une heure d'autobus soir et matin.

C'est sûr que la FCFA déplore le fait qu'on refuse la construction de l'école. D'ailleurs, je crois que le gouvernement provincial a dépensé des sommes très importantes devant les tribunaux pour contester la demande de la communauté acadienne de l'île d'avoir son école à Summerside. C'est déplorable qu'on mette autant d'argent dans une contestation judiciaire, alors que la Charte des droits et libertés, a priori, semble donner raison à la communauté acadienne. Il y a pourtant un litige devant les tribunaux. C'est à peu près l'état de la situation.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Est-ce ça va? Est-ce que c'est tout?

Un député: Oui, merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): J'encourage les gens de Summerside à tenir le coup parce que j'ai fait cela pendant quatre ans quand j'étais jeune. Pour aller à l'école secondaire, il y avait 40 milles à faire. C'étaient des milles et non des kilomètres à cette époque; je ne suis pas si vieux mais c'étaient des milles. Donc, on devait faire 66 kilomètres, matin et soir, pour aller à l'école. Ce n'était pas facile, mais cela en valait la peine.

Je voudrais accueillir M. LeBlanc, Mme Henrie et M. Barrette et les féliciter de leur initiative. On en avait discuté d'ailleurs. Je suis fort aise de voir cette équipe qui circule dans les corridors du Parlement depuis deux jours, qui rencontre des députés, des sénateurs et des ministres de tous les partis. Je pense que c'était très utile et j'ai confiance que cela va porter fruit. J'inviterais aussi, à l'occasion, les partis d'opposition qui sont représentés ici à signifier formellement au gouvernement leur appui à ces revendications, cela par écrit. Ce serait fort utile. C'est cela, l'exercice qu'on fait ici.

Lorsqu'on était en situation d'assainissement des finances—et M. LeBlanc l'a bien dit—, les communautés en situation minoritaire, faisant partie de la même nation, ont accepté de signer ces ententes. Maintenant que la situation financière semble être un peu rétablie—du moins, le déficit est éliminé et on parle d'un petit surplus—, il serait normal qu'il y ait une bonification de certains budgets, pas seulement pour les ententes Canada-communautés, mais aussi pour de l'enveloppe dont on parle. L'exercice qui se fait depuis deux jours cadre fort bien dans le calendrier qui mène à des décisions budgétaires, qu'on connaîtra tous, en même temps, au mois de février.

Je suis aussi content d'entendre M. LeBlanc dire qu'il y a eu certains développements intéressants, même si on a vécu, depuis trois ans, des compressions dans les budgets. En Ontario, il y avait certains dossiers qui me tenaient à coeur. Un des dossiers portait sur la question de la gestion scolaire, 15 ans après la Charte. Effectivement, depuis cet automne, on est en train de mettre sur pied, sur tout le territoire de la province, des commissions scolaires francophones. Le gouvernement canadien y contribue à raison de 90 millions de dollars sur cinq ans. On est allé chercher cela. Mme Copps est allée le chercher.

Il y a quand même eu, dans ces années, et vous y avez fait allusion plus tôt, monsieur LeBlanc, un développement assez considérable du réseau des radios communautaires. On s'attend à avoir bientôt un réseau national de ces radios. C'est une autre infrastructure qui va aider nos communautés à s'épanouir.

Comme vous, j'applaudis la décision du CRTC—je ne devrais peut-être pas le faire, mais je le fais quand même—d'étendre TVA sur tout le territoire canadien et de le mettre sur le service de base.

• 1645

J'ose espérer que la chaîne TFO sera sous peu diffusée au Québec, comme elle l'est actuellement au Nouveau-Brunswick. Mais il semble y avoir des réticences à Télé-Québec et ailleurs; j'espère qu'on pourra faire fi de ces résistances.

Il ne faut pas oublier de mentionner qu'il y a maintenant un réseau de théâtres qui grandit hors Québec. Bien que nous convenions qu'il y a eu des compressions qui ont pu freiner certains efforts, elles sont maintenant terminées et nous espérons pouvoir bonifier certaines enveloppes. Mais entre-temps, il y a eu quand même une continuation de ce développement de l'infrastructure qui soutient ces communautés.

Il y a des défis à relever et j'en ai noté un en particulier, soit la mise en oeuvre de la Partie VII, articles 41 et 42, de la Loi sur les langues officielles. Vous avez parfaitement raison de dire que, même s'il y a eu des efforts entre 1988, au moment où l'amendement dont on parle a été adopté, et 1993, ils n'ont pas encore porté fruit. Nos points de vue se rejoignent à ce sujet. D'ailleurs, l'étude à laquelle vous avez fait allusion sera bientôt terminée et nous proposera des façons tangibles de mettre en application ces articles 41 et 42, comme le gouvernement l'a d'ailleurs fait lorsqu'il a été décidé que le Conseil du Trésor devait partager la responsabilité de l'article 42 avec le ministère du Patrimoine. Je reconnais qu'il y a eu des efforts en ce sens et j'espère qu'ils seront bientôt amplifiés.

Il y a un autre défi à relever, celui des collèges. Il faudra s'arrêter à cette question parce que les collèges francophones hors Québec font face à des problèmes de financement et qu'il faudra rafistoler leurs infrastructures. J'espère qu'au cours des prochaines années, on réussira à créer des espaces financiers pour les aider. Ce sont là des défis auxquels font face nos communautés. La santé représente elle aussi un défi. Je ne mordrai pas à l'hameçon que me tend M. Plamondon; on va laisser le temps régler les choses, comme il le verra bientôt. Il fait être conscient de ce qui se passe de ce côté-là. Il faut s'assurer que même si ces droits ne sont pas enchâssés au paragraphe 80(2), nos communautés aient accès à certains services. Je parle de «nos communautés» parce que j'en fais partie. Je ne me gêne pas de le faire et si j'ai à me faire taper sur les doigts, je me ferai taper dessus. Je suis un de ceux qui croient mordicus à la dualité linguistique au pays.

Je tiens à vous dire que j'estime que ce que vous faites est très bien et que je n'ai aucun reproche à vous faire. Vous avez raison d'avoir confiance que nous vous consulterons au sujet des ententes. Nous attendons que vous ayez terminé votre exercice d'évaluation. Vous prévoyez que ce sera probablement à la fin novembre. À ce moment-là, il est entendu que nous vous consulterons, tout comme la ministre vous a consultés lorsqu'elle s'est rendue à votre assemblée annuelle à Terre-Neuve, et tout comme il y a eu des consultations l'an dernier à Ottawa ou encore à Winnipeg. N'en déplaise à certaines personnes autour de la table, il y a une consultation continue entre le gouvernement canadien et ses communautés et, à mon avis, elle va se poursuivre.

Il serait intéressant, madame Vautour, de faire un tour de table, de nous donner une image et de se demander s'il y a vraiment une place pour la francophonie au Canada. Madame Vautour, vous en êtes un très bel exemple puisque vous venez d'une province Maritime, tout comme notre collègue Mark Muise. Je viens de l'Ontario. La sénatrice Fraser parle très bien le français, tout comme M. Plamondon et même M. Mark. J'ai appris aujourd'hui que son parti appuyait maintenant le bilinguisme partout au Canada. Bravo! Vous avouerez qu'autour de cette table, il y a quand même une image intéressante de la francophonie au Canada.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: Est-ce que vous aimeriez réagir aux propos de M. Bélanger, monsieur LeBlanc?

M. Gino LeBlanc: Oui, très brièvement. Je suis ravi et je me réjouis, madame la présidente, d'entendre le secrétaire parlementaire confirmer que nous serons effectivement consultés, dans cet esprit de partenariat, avant que Mme Copps aille chiffrer les besoins des communautés devant les décideurs du Cabinet. Ça me rassure et je m'en réjouis. Nous serons ouverts et très disponibles pour rencontrer le secrétaire parlementaire et la ministre dès que nous aurons ces chiffres-là en main. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: Nous sommes prêts à passer au deuxième tour de questions. Monsieur Mark, avez-vous d'autres commentaires?

[Traduction]

M. Inky Mark: Oui, j'en ai. Ce ne sont que de brèves questions. Merci, madame la coprésidente.

• 1650

Je peux certainement dire au secrétaire parlementaire que j'ai étudié le français tout au long de mon éducation scolaire.

Le sénateur Fernand Robichaud: Votre épouse peut vous l'enseigner aussi.

M. Inky Mark: Oui. En fait, lorsque je suis venu à Ottawa l'été dernier, tout au cours de l'automne et pendant tout l'hiver j'ai suivi des cours de français. Je les ai trouvés très difficiles. Mais j'ai l'intention de passer du temps à Saint-Jean afin de traverser la phase immersion pour devenir bilingue.

Ce dont j'aimerais convenir avec vous c'est qu'on met l'accent sur le financement à la base. Ayant été un enseignant dans le système public pendant toute ma vie, je suis très au courant des programmes d'immersion dans les écoles. Là d'où je viens, l'immersion durait jusqu'aux niveaux supérieurs, mais depuis le transfert de responsabilités du gouvernement provincial aux conseils scolaires locaux, ces derniers ne pouvaient plus justifier le maintien des cours d'immersion pour les 10e, 11e et 12e années. Ils ont été obligés d'arrêter en 9e.

En écoutant le débat aujourd'hui, j'ai de plus en plus l'impression qu'on parle essentiellement d'argent. Je reviens à ma première question au sujet du partenariat entre les provinces et le gouvernement fédéral: quel est le rôle de l'argent? Est-ce le fond du problème, où est-ce les fins pour lesquelles l'argent est utilisé? Où est-ce la quantité d'argent?

[Français]

M. Gino LeBlanc: Comme je vous le disais, lorsqu'on dépense de l'argent, on le fait dans le cadre d'un exercice très, très rigoureux. C'est le cas lorsqu'on dépenses les sommes qui sont versées aux institutions ou aux organismes de la francophonie canadienne. On identifie des priorités en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien et on va ensuite de l'avant dans le déploiement de ces projets ou exercices pour assurer la vitalité de nos communautés.

Ce ne sont pas des sommes énormes qu'on accorde aux programmes d'appui aux langues officielles; on parle d'environ 0,1 p. 100 du budget total fédéral. On ne parle pas ici du budget du ministère de la Défense nationale ou de sommes très, très importantes. Nous espérons qu'il y aura une augmentation substantielle des fonds qui nous sont accordés.

Quant à l'imputabilité face aux sommes dépensées, on fait là aussi preuve d'une très grande rigueur au niveau des communautés. Nous sommes d'ailleurs confiants qu'il en est de même au niveau des provinces et que, lorsque le fédéral leur donne de l'argent, elles le dépensent dans les secteurs d'activité où elles sont censées le faire. Nous ne sommes pas partie prenante au processus d'imputabilité de la vérification à ce niveau, mais il serait peut-être intéressant d'examiner où les sommes d'argents versées aux gouvernements provinciaux par le fédéral s'en vont et s'assurer qu'elles sont dépensées pour ce à quoi elles ont été allouées.

À la suite des propos de M. Mark quant à son appréciation du bilinguisme et à l'importance qu'il y accorde, j'aimerais lui dire que les membres de la FCFA seraient très heureux de le rencontrer, ainsi que les gens de son parti, pour discuter de cette question. Je sens qu'il y a vraiment une ouverture. Là où nous divergeons peut-être face au projet de loi sur le nouveau Canada que votre chef a déposé, c'est que nous croyons que le gouvernement fédéral joue un rôle très, très important au niveau du maintien des acquis de la dualité linguistique. Dans ce projet de loi, vous proposez de remettre ce pouvoir aux provinces. À notre avis, il serait très, très dangereux de n'avoir qu'une juridiction exclusivement provinciale, comme votre projet sur le nouveau Canada le prévoit. Nous pourrions avoir des échanges, ce qui permettrait peut-être au Parti réformiste de mieux saisir les enjeux des communautés francophones et acadienne. Mais j'applaudis votre ouverture.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Mark, est-ce que ça suffit?

M. Inky Mark: C'est très bien, merci.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Du côté ministériel, est-ce que M. Bélanger ou Mme Finestone ont des questions? Nous commençons le deuxième tour.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Est-ce à mon tour?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Oui, c'est à votre tour. Allez-y, Mme Finestone.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je me demande, M. Barrette ou Madame Henrie, si vous voulez ajouter quelque chose avant que je continue avec mes questions. Nous ne vous avons pas entendus encore. D'où venez-vous?

[Français]

Mme Manon Henrie (agente de liaison, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Je suis de l'est de l'Ontario, de la région....

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous pouvez parler dans les deux langues.

[Français]

Je peux aussi m'exprimer en français, mais j'avais choisi d'utiliser ma langue maternelle.

[Traduction]

D'où venez-vous?

• 1655

[Français]

Mme Manon Henrie: Je suis de l'Est ontarien, de la région de Rockland, plus précisément d'un village qui porte un nom très francophone, Clarence Creek.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Ce n'est pas bien loin de la circonscription de notre secrétaire parlementaire.

Mme Manon Henrie: En effet.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Bien. Et vous, M. Barrette?

[Français]

M. Richard Barrette: Je suis originaire de Montréal. Je suis Québécois d'origine, mais j'ai habité longtemps dans les Territoires du Nord-Ouest et en Alberta. Je vis maintenant à Ottawa.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Vous parlez donc couramment les deux langues, n'est-ce pas?

M. Richard Barrette: Oui.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Bien. Alors vous vous sentez plus à l'aise en venant ici parce que vous parlez de questions au sujet de vos collègues et de vos concitoyens francophones et que vous êtes plus à l'aise en français.

N'est-ce pas un pays merveilleux, où vous pouvez être à l'aise en parlant les deux langues et en ayant la possibilité de vous adapter à l'autre langue selon votre répondant et l'endroit où vous êtes? Il n'y a pas beaucoup de pays au monde où il est possible de le faire en paix et en harmonie. Je crois que c'est un des grands attraits de ce pays.

Mme Manon Henrie: Nous avons beaucoup de talent.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Pardon?

Mme Manon Henrie: Nous avons beaucoup de talent et de vertu.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Et de la vertu—eh bien, c'est aussi virtuose.

Une des choses auxquelles le présent comité songe est d'étudier les effets des modifications aux responsabilités du Conseil du Trésor à l'égard du patrimoine et de rencontrer les communautés afin de voir ce qui manque en termes de transfert de responsabilités, surtout en ce qui à trait à la santé et à la formation à l'emploi. Y a-t-il eu une érosion? Où est-elle? Où sont les lacunes? Où sont les écarts? Quels sont les problèmes? C'est ainsi que nous pourrons présenter un rapport qui tient compte des préoccupations que vous exprimez mais ne pouvez pas quantifier.

Est-ce que cela serait utile?

[Français]

M. Gino LeBlanc: Oui, cela ne ferait pas de tort si vous questionniez ces transformations-là. Bien qu'il vous appartienne de déterminer votre mandat, il serait peut-être intéressant que vous l'élargissiez un peu et que vous abordiez les transformations gouvernementales, sans toutefois oublier de vous pencher sur les questions de financement et les secteurs prioritaires qui se dessinent peut-être à l'horizon pour les francophones et la communauté anglophone du Québec. Cela est entre vos mains. Les points que vous avez identifiés sont sans aucun doute très importants. Il serait sûrement utile de sortir sur le terrain et d'aller rencontrer ces communautés.

Je vous suggère aussi d'élargir la portée de votre étude. Il est intéressant de voir comment l'État fédéral a évolué. Ce programme n'existe que depuis 30 ans et il serait utile de faire une évaluation de la Loi sur les langues officielles 30 ans plus tard.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Monsieur LeBlanc, vous avez parlé de l'importance de la consultation et manifesté votre appréciation face aux observations du secrétaire parlementaire.

J'en profiterai maintenant pour vous poser la question suivante. Nous nous proposons de mener une consultation auprès de notre population, de nos Canadiens et Canadiennes. Nous avons préparé une ébauche des questions que nous aimerions leur poser afin que nous soyons bien préparés lorsque nous les rencontrerons. En tant que fédération regroupant plusieurs organismes francophones, seriez-vous disposés à revoir notre ébauche et à y proposer des changements? Seriez-vous disposés à travailler en collaboration avec nous, dans le cadre d'un partenariat?

M. Gino LeBlanc: Oui. Je n'ai aucune objection face à cette proposition. Permettez-moi de souligner que la Fédération des communautés francophones et acadienne a déjà soumis un projet au ministère. Au cours de la dernière année, nous avons fait une étude du discours que nous tenions comme organisme. Nous nous sommes demandé quels sont les dossiers qu'on essaie de défendre et de quelle façon on les articule. On a appelé cette étude «Le renouvellement du discours à la FCFA».

Un rapport très intéressant, soumis par la firme PGF, a fait un peu de bruit cet été. Ce rapport va beaucoup plus loin que le débat qu'on a entendu jusqu'ici; on y parle de santé, du secteur économique, de l'assimilation, de la façon dont on articule le défi que présente l'assimilation, etc. Dans le cadre de la deuxième phase, nous prendrons ce document de discussion, nous irons nous aussi auprès de nos communautés et nous tenterons de déterminer quels seront les axes de développement pour l'avenir, comment nous pourrons améliorer le discours politique, comment nous pourrons favoriser la communication entre les francophones, mais aussi à la majorité, avec les anglophones, comment on pourra tendre la main et expliquer pourquoi on a des écoles homogènes, etc.

• 1700

Ce projet a été soumis au ministère du Patrimoine canadien. Nous poursuivons en quelque sorte la même approche, bien que nous ne soyons évidemment pas des parlementaires et que nous ne disposions pas des mêmes ressources que votre comité mixte. Nous poursuivons cette même approche consultative et tenons le même discours. Il serait effectivement intéressant que vous examiniez l'évolution des mécanismes d'allocation de fonds au cours des 30 dernières années, les changements survenus au sein du gouvernement fédéral et leurs répercussions sur les francophones. Je réponds donc oui à votre question. Nous sommes prêts à collaborer avec vous et à réviser ces documents.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Partagerez-vous votre document—pas votre projet, mais le document, ses conclusions, et le processus?

[Français]

M. Gino LeBlanc: Oui, absolument.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci beaucoup. Ce serait très apprécié. Merci beaucoup, madame.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, Madame Finestone. Monsieur Plamondon.

[Français]

M. Louis Plamondon: Merci. Monsieur LeBlanc, à la suite des propos de mon ami Mark au sujet de la dynamique acadienne, j'aimerais vous dire que je suis complètement d'accord avec vous quant aux luttes remarquables que vous avez menées pour la survie du français.

Par contre, j'aimerais soulever le fait que si mon collègue Mark était député en Nouvelle-Écosse et unilingue francophone, il ne pourrait pas faire son travail de façon efficace. Au Québec, lors de l'avant-dernière élection, on a élu quatre députés du Parti Égalité, dont trois étaient unilingues anglophones. Ils ont pu très bien faire leur travail parce qu'au Québec, il y a vraiment une place pour la minorité de langue anglaise.

Je reviens, Gino, à la réponse que vous avez donnée à Dan. Vous avez parlé de comparaisons et de collaboration entre les minorités anglophones du Québec et les minorités francophones hors Québec. Vous disiez que certaines de leurs revendications étaient communes. J'aimerais savoir si vous avez déjà fait une comparaison poussée entre les droits des deux minorités, par exemple au niveau de l'accessibilité des services de santé. L'éducation et la santé sont les deux grandes priorités de tous les gouvernements du monde, de tous les peuples et nations. Avez-vous évalué les sommes qu'a dépensées le gouvernement du Québec dans les domaines de la santé et de l'éducation? Si nous avions en main les résultats d'une telle comparaison, nous aurions peut-être un argument qui nous permettrait de pousser le gouvernement fédéral à orienter davantage ses fonds vers la minorité la plus en danger, la minorité francophone hors Québec.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Lorsque vous êtes malade, vous êtes malade. La langue dans laquelle vous êtes malade n'importe pas; vous avez besoin de services.

[Français]

M. Louis Plamondon: Excusez-moi, je n'ai pas compris parce que mon écouteur ne fonctionnait pas.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Allez-y, excusez-moi.

[Français]

M. Louis Plamondon: J'ai toujours la parole, madame la présidente? Merci.

À partir de cette comparaison et sachant exactement ce que les anglophones du Québec ont, la minorité francophone hors Québec pourrait dire plus fort qu'elle aussi revendique qu'on lui accorde la même chose et qu'on lui consacre plus d'argent pour qu'elle obtienne au moins autant que les anglophones du Québec. Je ne dis pas qu'on devrait abandonner ou délaisser la minorité anglophone, car ce n'est pas là que je veux en venir. Lorsque vous avez répondu à Dan, vous n'avez pas dit que si les francophones hors Québec avaient ce que les anglophones du Québec ont, ce serait déjà un grand pas. Lorsqu'il est venu témoigner devant notre comité, M. le commissaire aux langues officielles reconnaissait cela. Il considère que la minorité francophone est plus en danger que la minorité anglophone. Il y a une semaine, un titre assez dramatique et alarmant au sujet de la minorité francophone de l'Ontario faisait la manchette du journal Le Droit et rapportait une analyse des dernières statistiques compilées par Statistique Canada. J'aimerais vous entendre réfléchir tout haut avec moi à ce sujet.

M. Gino LeBlanc: Quel lien établissez-vous entre la santé et l'article paru dans Le Droit?

• 1705

M. Louis Plamondon: Non, il n'y a pas de lien. Je me dis que la Loi sur les langues officielles, lorsqu'elle a été faite, devait permettre à un francophone ou à un anglophone de vivre n'importe où au Canada dans sa langue. C'était, disons, l'objectif idéal de M. Trudeau et c'était un objectif très valable.

Or, je sens que depuis quelque temps, depuis quelques années, on a transformé cet objectif pour faire plutôt de la Loi sur les langues officielles un hymne au bilinguisme. L'objectif de départ n'était pas de rendre les francophones bilingues pour qu'ils puissent obtenir des emplois. Ce n'était pas ça. C'était que les francophones puissent vivre dans leurs communautés, en dehors du Québec, comme les anglophones le peuvent dans toutes les communautés du Québec. Si on déménageait d'un endroit à un autre, on devait avoir droit aux mêmes services.

Je me demande si on ne devrait pas commencer à insister sur le fait que les droits d'existence impliquent, en plus de l'éducation, les services de santé. J'étire peut-être un peu ces droits, mais il me semble qu'il en va ainsi. Quand on compare la situation des francophones par rapport à l'hôpital Montfort, qu'on voit la lutte qu'ils ont à mener pour contester une décision prise par le gouvernement provincial, et la situation des anglophones au Québec, on constate une grande différence. C'était le sens de mon interrogation.

M. Gino LeBlanc: Je ne peux m'empêcher de réagir à la remarque que vous avez faite à M. Muise, à savoir qu'il ne pourrait pas faire son travail s'il était unilingue francophone. En Acadie, me semble-t-il, un unilingue anglophone pourrait être député d'Acadie—Bathurst et faire son boulot quand même. Peut-être la même chose pourrait-elle se dire d'autres régions, en Ontario. Il reste que je ne pense pas qu'on puisse...

M. Louis Plamondon: C'est un peu plus difficile à l'extérieur du Québec.

M. Gino LeBlanc: Je pense que si M. Godin était unilingue francophone, il pourrait quand même faire son travail. Je ne vois pas de lien avec le parallèle que vous faites. Je tenais à souligner qu'il n'y a pas qu'au Québec qu'un unilingue peut être député.

Revenons à ce que vous dites à propos de la santé. Oui, je crois que la santé peut devenir une orientation dans laquelle il faudrait s'engager dans l'avenir. Vous avez tout à fait raison. Malheureusement, la loi fédérale sur la santé n'impose pas, dans ses conditions de base, la dualité linguistique dans les services de santé ou la prestation de services particuliers à la communauté francophone. Nous avons fait des efforts récemment pour corriger cela. Nous avons fait une étude, à la FCFA, sur le dossier de la santé et il est clair que c'est très important.

Quant à votre comparaison avec les anglophones du Québec, où vous dites que ceux-ci ont un statut institutionnel plus complet, s'en servir pour obtenir davantage ne me paraît pas recommandable. Le faire pourrait tourner au désavantage de l'autre communauté ou laisser entendre que nous ne sommes pas aussi avancés qu'elle. Ils ont d'ailleurs eux aussi des problèmes. Je tiens à le dire. Il y a une diminution de la population anglophone au Québec qui constitue un véritable problème. En ce sens, nous ne souhaitons pas vivre exactement la situation des anglophones du Québec. Ils ont un problème démographique qui ne nous intéresse pas.

Il faut faire attention aux comparaisons qu'on fait. Je ne pense pas que les communautés francophones de partout veuillent des hôpitaux comme ceux de Montréal, du moins de cette envergure. Dans certaines communautés, on a besoin d'hôpitaux, comme la lutte pour Montfort le démontre. Cette lutte est très importante et constitue une question d'unité nationale. Cependant, dans d'autres cas, les services de santé peuvent comprendre la mise sur pied de cliniques, de services en français, de services sociaux, etc.

C'est très important pour nous et nous aimerions bien découvrir un mécanisme qui obligerait les gouvernements provinciaux à agir sur le plan de la santé, qui est leur responsabilité, évidemment. Pour les francophones, ce serait essentiel, à notre avis, et nous travaillons dans ce sens. C'est pourquoi je dis qu'avec une augmentation substantielle des ressources allouées à nos communautés, ce pourrait être un nouvel axe de développement. Cela voudrait dire mettre une nouvelle équipe sur pied pour s'en occuper.

À propos de votre dernier commentaire, à savoir que la Loi sur les langues officielles serait devenue un hymne au bilinguisme plutôt qu'un hymne à la dualité linguistique, certains exemples démontrent le contraire, entre autres celui de la gestion scolaire. Ce n'est pas parfait et il y a des lacunes, mais le principe des écoles homogènes est un exemple d'application, non pas du bilinguisme, mais plutôt de la dualité linguistique, selon l'esprit de la loi, celui que M. Trudeau avait voulu lui donner. En tout cas, dans l'esprit du rapport de la Commission Laurendeau-Dunton, il s'agissait d'instaurer la dualité linguistique.

M. Louis Plamondon: Je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés. Je ne disais pas, monsieur LeBlanc, qu'il fallait retirer leurs budgets aux gens de la minorité anglophone. Je disais que, dans la perspective d'une augmentation des budgets, une plus grande proportion de l'argent devrait aller au budget de la minorité francophone—on augmenterait aussi celui de la minorité anglophone—, parce que les francophones se trouvent en situation plus difficile et davantage menacés de disparition. C'était le sens de mon intervention. Ce n'était pas pour priver les anglophones de leurs droits, dont nous sommes très fiers au Québec.

• 1710

M. Gino LeBlanc: Oui. Le ministère fédéral de la Santé pourrait effectivement, s'il existait une volonté politique de le faire, accorder des fonds pour élaborer des projets dans ce but.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Madame la présidente, je voudrais revenir sur ce dernier échange de propos, que j'ai trouvé des plus intéressants. Je me demande si nous ne sommes pas témoins d'un changement d'attitude assez important; autrefois, on aurait vu des représentants du gouvernement du Québec prendre position pas toujours en faveur des droits des francophones dans certaines causes, peut-être même devant les tribunaux canadiens.

Sommes-nous en train d'assister à un revirement d'attitude qui nous permettrait de croire qu'on pourrait appuyer l'enchâssement, soit dans la loi, soit même dans certains textes de la Constitution, d'un droit à un service en français dans le domaine de la santé, dont l'exercice serait supervisé par le gouvernement canadien? Je trouve cela intéressant, je l'avoue. J'espère qu'il sera un jour possible d'explorer cela. Je trouve cela très intéressant. C'est un revirement qui serait probablement le bienvenu.

Je voulais revenir sur une chose qui s'annonce pour bientôt. Si je ne m'abuse, le comité a déjà accepté que l'on rencontre, ou du moins qu'on essaie de rencontrer, les représentants ou le président du groupe de M. Fontaine, qui doit, je crois, déposer un rapport ce mois-ci. Il se peut que ce soit un peu plus tard.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): À la mi-janvier.

M. Mauril Bélanger: Ce serait en janvier. Donc, l'étude en sera sans doute reportée à après Noël. Je ne suis pas aussi convaincu que vous que ce rapport soit inutile. Vous semblez avoir des doutes sur l'utilité de cet exercice, parce que le mandat accordé avait été court. Ils n'auront peut-être pas eu suffisamment d'échanges, selon vous. Mais quand même, je pense qu'on devrait réserver son jugement jusqu'à ce qu'on ait pris connaissance du rapport. Si vous l'avez vu, vous êtes beaucoup plus avancé que moi; en tout cas, je ne crois pas qu'il soit rédigé.

J'avais exprimé publiquement, au mois d'août dernier, certaines craintes à propos de la dévolution et de l'impact qu'elle pourrait avoir sur les communautés vivant en situation minoritaire. Je pense maintenant qu'on devrait plutôt attendre le rapport avant de juger, si vous êtes d'accord sur cette suggestion.

M. Gino LeBlanc: Merci. Là-dessus, dans ma présentation initiale, j'avais souligné les hésitations que nous avions par rapport aux ressources et aux échéanciers qui avaient été fixés. Entre autres, à un moment donné, nous avions cru qu'il serait bon d'explorer certaines pistes de façon plus approfondie. On nous avait répondu qu'on n'avait ni le temps ni les ressources pour le faire.

Néanmoins, je suis d'accord avec vous que les recommandations contenues dans le rapport pourraient avoir beaucoup d'importance et d'envergure. Nous espérons qu'elles seront adoptées par M. Massé et par le gouvernement fédéral. Nous espérons qu'elles seront mises en oeuvre et que des ressources seront affectées à un mécanisme de contrôle, un mécanisme d'évaluation. En effet, à l'heure actuelle, quand un ministère veut faire une dévolution ou une privatisation, il n'y a rien qui exige des hauts fonctionnaires, du ou de la sous-ministre, qu'ils évaluent l'impact que cela aura sur les francophones.

M. Mauril Bélanger: Je vous ferai remarquer, monsieur LeBlanc, que trois des membres du comité assis autour de cette table, M. Muise, Mme Vautour et moi-même, ont l'an dernier, lors d'une étude du projet de loi C-29 portant, si je me souviens bien, sur la création d'une agence pour Parcs Canada... Était-ce bien cela?

M. Gino LeBlanc: Oui.

M. Mauril Bélanger: J'ai proposé un amendement, qui a été appuyé par M. Mills ou Mme Vautour et par Mme Tremblay, qui représentait à ce moment-là le Bloc québécois au Comité du patrimoine. Nous avions amendé le projet de loi. Disons que certaines personnes n'en avaient pas été tellement heureuses.

C'est simplement pour vous dire que certains membres de la députation se préoccupent de la question. À ce moment-là, nous avons fait insérer un amendement, qui a été accepté, entériné et qui est maintenant à l'étude au Sénat, stipulant que l'agence mise sur pied devait être assujettie à la Loi sur les langues officielles.

• 1715

Tout cela pour vous dire que nous sommes avertis de l'existence de ce problème. Pour ma part, je suis un de ceux qui ont hâte de voir le rapport du groupe Fontaine pour qu'on puisse s'engager dans certaines voies, quitte à ce que ce comité devienne un des instruments de sa mise en oeuvre.

Cela dit, madame la présidente, je vous prierais de me permettre un autre commentaire. Je m'en voudrais sûrement si j'oubliais de souhaiter la bienvenue à certaines personnes ici présentes. Depuis que j'ai été élu, je me suis fait un devoir et un plaisir de me rendre dans les communautés un peu partout, surtout dans celles de l'Ouest que je connaissais moins bien.

Je pense qu'il faudrait quand même reconnaître la présence parmi nous de gens de la Colombie-Britannique, des amis de la Saskatchewan surtout, et des gens de l'Ontario naturellement qu'il ne faut pas oublier. Il y a même le président de la Fédération des caisses populaires. Je trouve de bon augure, encore une fois, que tous ces gens se soient joints à Équipe Francophonie.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, monsieur Bélanger, d'avoir souhaité la bienvenue à toutes ces personnes.

À l'intention des membres du comité qui sont encore ici, le rapport de M. Fontaine doit paraître en janvier seulement. Cependant, nous sommes à négocier intensivement une rencontre prochaine et assurée, prenez-moi au mot, entre ces personnes, dont M. Fontaine, et les membres du ce comité. Merci.

Une voix: Avant?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Avant.

Madame Vautour.

Mme Angela Vautour: Je voudrais d'abord revenir à ce qu'on a dit à propos de de la circonscription d'Acadie—Bathurst. On a dit que M. Godin pourrait faire son travail s'il était unilingue francophone. Je crois qu'il serait très difficile à M. Godin ou à moi-même de faire notre travail au Nouveau-Brunswick si nous étions tous deux des députés unilingues francophones. Je pense qu'il faut le reconnaître. Ma circonscription est à 50 p. 100 anglophone. Il serait donc injuste que je ne puisse communiquer en anglais avec les anglophones.

Il serait également injuste qu'un anglophone ne sache pas répondre aux francophones ou soit incapable de les rencontrer. En particulier, au Nouveau-Brunswick, il me serait très difficile de faire mon travail si j'étais unilingue francophone.

Je voudrais aussi vous demander si vous avez une idée de l'impact qu'ont eu les coupures dans le domaine de l'éducation. On sait qu'il y a eu des coupures dans les transferts aux provinces. Je vous pose donc la question, parce que je ne connais pas la réponse; savez-vous si les écoles francophones et les écoles anglophones ont été touchées également par ces coupures, ou si certaines communautés l'ont été plus durement que d'autres?

M. Gino LeBlanc: C'est difficile à dire. Notre association n'est pas vraiment partie prenante aux tractations entre le fédéral et les provinces. On a pu observer, à certains moments, que là où on s'attendait à recevoir un tel montant d'argent pour la gestion, on en a eu un peu moins. On peut s'adresser à nos gouvernements provinciaux pour savoir si les transferts ont été absorbés par le budget général pour être ensuite réaffectés à la gestion scolaire francophone. J'ai déjà constaté certaines situations au sujet desquelles on s'interroge. Mais comme nous ne sommes pas partie prenante au processus décisionnel, il est très difficile de blâmer qui que ce soit en particulier.

Pour répondre à votre question concernant l'égalité de traitement entre écoles anglophones et francophones, je dois dire que je ne le sais pas. Nous n'avons pas jugé bon de faire une étude pour savoir si les anglophones ont été plus touchés que les francophones. Je sais que des fonds provenant du fédéral s'appliquent très spécifiquement à l'immersion, à des programmes pour former des moniteurs de langue. Au-delà, il m'est difficile de vous répondre parce que nous ne sommes pas vraiment partie prenante aux discussions entre gouvernements. Je peux seulement parler des fonds qui proviennent...

Mme Angela Vautour: Avez-vous reçu des plaintes des communautés francophones disant qu'elles avaient été plus touchées que... Avez-vous eu de telles plaintes?

M. Gino LeBlanc: Oui, oui. Il y a eu des plaintes. On se préoccupe de savoir, dans le cas où le fédéral consacrerait de nouvelles sommes à la gestion scolaire en français, si l'ensemble de ces fonds seraient attribués aux besoins exprimés par la communauté.

Vous avez raison de dire, madame Vautour, qu'il nous arrive de nous interroger. Mais il est très difficile pour nous de dire comment l'argent est étiqueté et s'il doit aller à tel ou tel programme. Il est presque impossible pour nous de le faire. Mais vous avez raison de dire que certaines de nos préoccupations vont dans ce sens et que nous aimerions être en mesure de mieux identifier comment les fonds, une fois remis à la province, sont ensuite dépensés. Vous avez raison de dire qu'il y aurait lieu d'améliorer ce mode de fonctionnement.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): C'est une question qu'on peut poser au ministère responsable dans la province. Je vois que M. Bélanger a peut-être un élément de réponse.

M. Mauril Bélanger: Effectivement, les représentations qui ont été faites ont été fructueuses.

• 1720

Je vous cite en exemple l'entente intervenue cette année entre le gouvernement canadien et celui de l'Ontario sur la gestion scolaire. C'est une entente de cinq ans selon laquelle le gouvernement canadien versera, par l'entremise du ministère de l'Éducation, 90 millions de dollars pour la mise en oeuvre de la gestion scolaire.

Il y a des ententes semblables avec chaque province, à cette différence près qu'on a ajouté à celle-ci un protocole de mise en oeuvre, c'est-à-dire un calendrier de production s'étalant sur cinq ans, comportant des objectifs très spécifiques qui précisent explicitement à quoi l'argent doit être utilisé et comportant un mécanisme d'évaluation à la fin.

C'est la première fois qu'un plan d'action détaillé fait partie intégrante d'une entente signée. C'est le résultat des représentations qui ont été faites et nous espérons faire la même chose quand d'autres ententes devront être renouvelées avec d'autres provinces.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): C'est du financement lié.

M. Mauril Bélanger: Ce n'est pas du financement lié. Il y a une entente signée par les deux parties qui stipule que l'argent sera utilisé à cette fin. Ce n'est pas du financement lié en ce sens. C'est une entente conjointe signée par les deux parties.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Mais je pense qu'à la lumière de nos discussions il y a deux sortes de financement. Vous avez du financement global qui n'est pas lié.

M. Mauril Bélanger: Ce n'est que pour les dépenses reliées aux langues officielles.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Si la question porte sur votre capacité de juger si le financement va à des institutions de langue anglaise au Québec comparativement à des institutions francophones hors-Québec, je pense que vous parlez de pommes et d'oranges.

D'abord, il s'agit d'institutions établies, qui sont souvent bilingues. Les institutions anglophones au Québec sont toutes mandatées et doivent servir le public dans les deux langues officielles.

La quantité d'argent qui passe par le CHST est d'un autre ordre. Si vous voulez tout quantifier, c'est un triste reflet du développement au Canada.

M. Mauril Bélanger: Madame la présidente, je faisais référence à....

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Je ne parlais pas de vous, je parlais de lui.

M. Mauril Bélanger: Je ne faisais référence qu'aux programmes de langues officielles du ministère du Patrimoine, en ce sens que chaque province signe une entente avec le ministère au sujet de l'appui aux langues officielles.

En réponse à la question de Mme Vautour à savoir si lÂon a l'impression qu'il y a des endroits où certains groupes sont moins bien traités que d'autres, et aux commentaires de M. LeBlanc à propos de ce qu'ils avaient en fait entendu, nous avons posé des gestes à cet égard. La dernière entente signée était avec l'Ontario, et il y a un plan d'action, un plan de mise en oeuvre qui précise les trois domaines dans lesquels l'argent doit être utilisé dans le cadre du mandat de gestion scolaire.

Cela ne touche aucunement le CHST. Il s'agit strictement du programme des langues officielles du ministère du Patrimoine canadien.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup.

Chers collègues, avez-vous d'autres questions ou d'autres commentaires? Je vous remercie donc de votre participation. Je vous remercie beaucoup, monsieur LeBlanc. Quant à vous, madame Henrie, c'est toujours un plaisir de vous revoir. Il en va de même pour vous, monsieur Barrette. La discussion a été des plus intéressantes.

La séance est levée.