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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 25 mai 1998

• 1627

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Nous allons maintenant passer à la deuxième partie de notre réunion ou à notre deuxième ordre du jour, qui porte sur le rapport annuel du commissaire aux langues officielles. Monsieur Goldbloom, je vous donne la parole pour faire la présentation du rapport.

M. Victor Goldbloom (commissaire aux langues officielles): Madame la présidente, j'aimerais, parce que le temps file, réfléchir brièvement sur les sept années que j'ai vécues au poste de commissaire aux langues officielles.

Au cours de la première partie de cette séance, nous avons discuté des plaintes formulées par des citoyens et du traitement de ces plaintes. C'est un élément important ou majeur, dirais-je, du rôle du commissaire. C'est pourtant un aspect passif de ce que fait le commissaire, l'initiative étant prise par le citoyen ou la citoyenne qui formule une plainte. Ce n'est qu'à la suite de la réception de la plainte que le commissaire entreprend son action.

Il m'a semblé que le traitement des plaintes, si important soit-il, ne représentait qu'une partie du travail utile du commissaire. Je voulais devenir plus activiste et entreprendre des études sans attendre que l'on dépose des plaintes, parce que j'avais constaté des difficultés.

La première difficulté qui m'a frappé a été l'absence, dans la majorité des provinces, d'un régime de gestion scolaire à l'intention de la communauté de langue officielle en situation minoritaire.

• 1630

De fait, au début de mon mandant et pendant un certain temps par la suite, il n'y avait que deux provinces qui accordaient cette gestion aux communautés d'expression française. Aujourd'hui, nous pouvons voir dans toutes les provinces et dans les deux territoires un régime de gestion scolaire. Ce régime n'est pas parfaitement conforme à l'article 23 de la Charte tel que la Cour suprême du Canada l'a interprété dans toutes les provinces, mais il y a au moins une structure, et cela me permet d'envisager un avenir plus intéressant et plus encourageant pour les communautés, parce que l'éducation est dorénavant entre les mains de la communauté elle-même. Ses priorités peuvent être mises en application, tout comme ses choix en ce qui concerne le contenu du curriculum et l'affectation de ressources. Lorsque la décision est prise par la majorité, tout cela, malgré la bonne volonté de cette majorité et des commissaires d'école qui la représentent, risque de ne pas tenir compte parfaitement des besoins et des désirs de la communauté minoritaire. Je suis donc extrêmement heureux que nous ayons pu accomplir un tel progrès. De plus, nous avons vu le nombre de centres scolaires et communautaires augmenter de 5 à 15. Il y en a d'autres qui sont au stade de la planification. Le fait de concentrer la vie de la communauté autour de l'école est un élément important de la vitalité de cette communauté.

Deux autres choses sont venues s'ajouter à l'appui général dont peuvent jouir les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L'Alliance des radios communautaires du Canada, qui prend des forces, se constitue maintenant en réseau. Cela veut dire qu'au lieu d'être simplement une ressource locale, ce réseau est national et permet aux communautés de communiquer entre elles.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des choses, le Regroupement des universités de la francophonie hors Québec s'est constitué lui aussi en réseau, ce qui permet à un étudiant qui se trouve à un endroit de s'inscrire à un cours qui se donne dans une autre institution ailleurs au Canada et d'en bénéficier sans être obligé de se déplacer ou de s'inscrire à une université de la communauté majoritaire.

Tout cela est important parce que—nous l'avons dit ensemble à plus d'une reprise—l'assimilation demeure un problème réel. À chaque recensement, nous sommes obligés de constater qu'il y a certaines diminutions des forces vives dans les diverses communautés. Nous avons dû déplorer cette situation sans pouvoir faire grand-chose jusqu'à l'arrivée des mesures dont je viens de parler. Je n'ose pas prétendre que ce que j'ai exposé suffira automatiquement à faire échec à l'assimilation, mais sans ces éléments-là, le problème serait toujours majeur et l'avenir, moins intéressant.

Je voudrais aussi souligner l'action que j'ai mentionnée il y a un instant, celle d'entreprendre des études systémiques. Les plus importantes de ces études, à mes yeux, sont celles qui portent sur le service au public. Je vous ai dit il y a un certain temps que l'étude effectuée en 1994 avait fait l'objet de suivis province par province. Ces suivis ne sont pas encore terminés, mais dans les provinces et territoires où nous avons effectué les suivis, nous sommes obligés de déplorer un manque d'amélioration. C'est peu compréhensible parce que le nombre de bureaux désignés bilingues a été réduit, libérant ainsi du personnel bilingue, mais nous ne retrouvons pas ce personnel ainsi libéré dans les bureaux qui restent et les services ne sont pas meilleurs.

• 1635

Nous avons modifié un peu notre façon de procéder. Cette fois-ci, nous avons visé chaque bureau individuellement et nous avons formulé des recommandations spécifiques à chaque bureau. J'ai eu le plaisir de recevoir de la part de plusieurs sous-ministres une lettre de remerciements m'indiquant que le fait d'avoir précisé les déficiences de tel ou tel bureau leur avait permis d'apporter des correctifs.

[Traduction]

La mise en oeuvre de la partie VII de la loi est l'un des sujets dont nous parlions il y a quelques instants, en réponse à une question du sénateur Beaudoin. Comme dans tout autre secteur de l'économie et de la société, il y a eu des réductions dans le financement disponible, et j'avais exprimé l'espoir que les communautés de langues officielles en situation minoritaire dans le pays, qu'elles soient d'expression anglaise ou française, seraient perçues comme essentiellement différentes des organismes—et je ne parle pas d'une manière négative de ces organismes—qui reçoivent une aide financière du gouvernement fédéral pour exercer leurs activités, que ce soit dans le secteur des sports ou de la culture, par exemple.

La vie de la collectivité dépend de la vitalité de ces organisations centrales, et j'avais espéré qu'il n'y aurait pas de réduction de l'aide financière accordée aux collectivités. De fait, dans l'ensemble du pays les communautés d'expression anglaise et française ont vu leurs ressources diminuer.

On m'a dit, et c'est ce que j'ai répondu moi-même, qu'il était indispensable d'appliquer la partie VII de la loi d'une manière absolument équitable si nous voulons compenser les réductions dans les ressources accordées à la communauté. Il est clair qu'au moment de la planification des programmes et de la répartition des ressources la partie VII de la loi et l'existence de communautés de langues officielles en situation minoritaire ne sont pas les premières choses qui préoccupent les institutions fédérales.

J'ai exprimé l'espoir que nous puissions enfin provoquer un réflexe pavlovien qui amènerait les gens à penser automatiquement aux besoins et aux droits des communautés de langues officielles en situation minoritaire lorsqu'ils planifient leurs programmes et la répartition des ressources.

Finalement, comme vous l'avez vu, ce rapport annuel, pour l'année civile 1997, comporte un élément spécial. Cet élément spécial est un examen des transformations qui sont survenues au sein du gouvernement fédéral et dans le transfert par le gouvernement fédéral de certaines compétences aux provinces, au secteur privé, à des organismes paragouvernementaux qui sont créés, comme nous en avons parlé au cours de la discussion d'aujourd'hui. Là encore, le réflexe de Pavlove ne s'est pas manifesté.

• 1640

J'ai été particulièrement préoccupé par le fait que tant qu'une compétence appartient à une institution fédérale il existe un mécanisme de recours, qui est principalement le commissaire aux langues officielles, étant donné que nous parlons de questions linguistiques.

Le transfert de compétences s'est fait sans qu'on inclut le mécanisme de recours dans l'accord conclu avec les provinces, ou dans certains cas avec le secteur privé. En toute justice, dans le cas de plusieurs privatisations, l'application de la Loi sur les langues officielles a été maintenue, mais en ce qui concerne les cessions en général, il n'y a eu rien de plus qu'un énoncé général selon lequel les services seront assurés dans les deux langues là où le nombre le justifie.

On m'a assuré que cela se fera en fonction des mêmes critères qui s'appliquent à la Loi sur les langues officielles. Jusqu'ici, il n'y a pas de problème. Mais le citoyen qui n'obtient pas un service satisfaisant n'a plus le recours qu'il avait auparavant, il n'a plus accès au mécanisme de recours. J'ai donc préparé un ensemble de principes, que j'ai répété dans ce rapport annuel, pour la conclusion d'accords de transfert et la protection des droits des citoyens ainsi que des intérêts des communautés minoritaires.

[Français]

Madame la présidente, je ne pourrai terminer cette déclaration liminaire sans remercier le Parlement du Canada qui, il y a sept ans, m'a choisi comme quatrième commissaire aux langues officielles et qui, tout le long de ce septennat, m'a écouté avec attention et avec courtoisie et, dans bien des cas—et je m'en réjouis—a répondu positivement aux recommandations que j'ai faites.

L'une des plus importantes est celle qui conclut le rapport sur les transformations du gouvernement fédéral, soit la constitution d'un groupe de travail. J'ai été—le mot n'est pas trop fort—ravi de la réponse rapide du gouvernement et de la volonté politique manifestée. Il a fallu, si ma mémoire est fidèle, 48 heures pour qu'un groupe de travail soit constitué, et ce groupe m'a fait l'honneur de m'inviter à le rencontrer. J'ai donc pu exposer le raisonnement qui m'a amené à entreprendre l'étude et le raisonnement derrière les constatations et les conclusions. J'ai prié ce groupe de travail de bien vouloir ne pas se limiter aux transformations, mais bien de se pencher en même temps, en relation avec les transformations, sur la mise en oeuvre de la partie VII de la loi et sur les services au public, qui ont fait l'objet d'autres études et rapports de ma part.

[Traduction]

Merci, madame la présidente.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup, monsieur Goldbloom, de cette présentation. Avant de céder la parole à mes collègues, j'aimerais vous dire que je suis heureuse de constater que la partie VII est pour vous une priorité. Cette partie VII de la loi représente certainement, si je puis ainsi dire, la survie de nos communautés.

Je sais que vous partirez en tournée dans la région de l'Atlantique. Vous allez certainement rencontrer les groupes communautaires qui poussent des cris d'alarme et qui s'inquiètent de ne pas pouvoir continuer leur aide à la communauté. Je pense entre autres à la Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick dont les fonds sont constamment réduits. On se demande comment on va être capable de survivre. Quand on parle de la vie communautaire, ce sont ces organismes-là qui l'assurent.

Alors, encore une fois, merci. Je cède la parole à M. Breitkreuz ou M. Jaffer.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): C'était intéressant. Je vous remercie d'avoir pris le temps, après avoir terminé votre rapport, de nous l'apporter au comité.

• 1645

La question que je veux vous poser a déjà été soulevée au comité. Nous avons parlé de l'efficacité de la Loi sur les langues officielles dans la promotion du bilinguisme au pays. Elle a été efficace au Québec, c'est évident, mais on a exprimé des doutes quant à son efficacité en dehors du Québec. Vous avez mentionné spécifiquement aujourd'hui le problème de la réduction du financement des divers groupes francophones, et il pourrait évidemment y avoir un rapport avec l'efficacité de la loi.

Souvent, la solution à bien des problèmes est d'y injecter de l'argent, et ils finiront par être résolus. Si l'on prend comme exemple ma propre collectivité, qui n'est ni d'expression française ni d'expression anglaise, la promotion de notre langue chez nous est devenue une responsabilité de la collectivité; nous ne nous fions à personne d'autre qu'à nous-mêmes à cet égard. Je suis curieux de savoir quelle importance vous accordez vraiment à l'augmentation du financement et dans quelle mesure cela pourra améliorer le produit final. Ne faudrait-il pas aussi dans une certaine mesure faire quelque chose dans la collectivité même pour promouvoir sa langue et sa culture? Cela ne se fait peut-être pas aussi efficacement que possible à l'heure actuelle.

M. Victor Goldbloom: Il est certain que si une collectivité ne manifeste aucune vigueur et aucune vitalité, on n'accomplira pas grand-chose en lui accordant une aide financière. Il y a une différence importante entre injecter de l'argent pour résoudre un problème, comme vous dites—c'est-à-dire augmenter le financement accordé à un secteur particulier—et ne pas réduire les sommes d'argent sur lesquelles un groupe compte depuis un certain nombre d'années. C'est ce que je regrette.

Je ne pense pas que l'argent constitue la seule solution. De fait, les communautés d'expression anglaise au Québec et les communautés d'expression française dans d'autres provinces ont jugé nécessaire de chercher à devenir plus efficaces, de réduire leur personnel et de réduire leurs dépenses, parce que l'argent n'est tout simplement plus là. Cela impose un fardeau vraiment très considérable aux bénévoles de ces communautés.

Je pense que nous avons tous à diverses époques de notre vie, et c'est présentement le cas de plusieurs d'entre nous, participé à des activités volontaires dans nos collectivités. C'est certainement une mesure importante de la vitalité d'un groupe. Mais les efforts des bénévoles ont des limites. Lorsqu'on essaie de diriger une structure organisée, on a besoin de soutien à temps plein afin de pouvoir accomplir certaines choses. Il est souvent difficile de remplacer cette ressource par des bénévoles.

Vous avez dit, monsieur Jaffer, que l'un des objectifs est d'accroître le bilinguisme au Canada. Sauf le respect que je vous dois, ce n'est pas ainsi que je perçois l'objet de la loi. Je me concentre sur les services à la population. Je me concentre aussi sur l'aide aux communautés, parce que c'est ce que le Parlement a fait dans la partie VII de la loi adoptée en 1988.

La question de l'apprentissage d'une deuxième ou d'une troisième langue par les Canadiens relève principalement de la compétence des provinces. Environ la moitié des provinces—cinq, je crois—ont adopté une loi stipulant qu'on doit enseigner une certaine langue, plus précisément le français, dans les écoles. Les cinq autres provinces ne l'ont pas fait, et ce sont les conseils scolaires locaux qui décident de ce qui sera enseigné, pendant combien de minutes ou d'heures, etc.

Pour des raisons historiques personnelles, j'aime beaucoup la nature multiculturelle, multilingue et à religions multiples du Canada, et je suis au comble de la joie lorsque je vois les gens aimer leur héritage, y compris leur héritage linguistique, et prendre eux-mêmes des mesures pour le préserver. Mais il y a une question particulière, c'est-à-dire comment les institutions fédérales communiquent-elles avec tous les Canadiens et comment les servent-elles? Chacune des 150 langues qui constituent la mosaïque canadienne contribue à la diversité du Canada et à la richesse de notre société. Mais lorsque nous nous demandons comment rejoindre tous les Canadiens, voici où nous en arrivons. Nous pouvons rejoindre 84 p. 100 des Canadiens avec l'anglais, et nous pouvons en rejoindre 98,6 p. 100 avec l'anglais et le français. Aucune autre langue ne nous permet d'en rejoindre autant, et de loin.

• 1650

Nous en arrivons donc à nous occuper de nos propres citoyens dans ces deux langues, parce qu'elles nous permettent d'en rejoindre 98,6 p. 100. Et cela exige, si vous me permettez d'ajouter encore un mot, un engagement du gouvernement à appuyer ce processus.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Auriez- vous quelque chose à ajouter?

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Oui, me reste-t-il plusieurs minutes?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Il vous reste deux minutes, parce qu'à vous deux vous aviez droit à cinq minutes. Vous avez déjà utilisé les cinq minutes, mais je vous en accorde quand même deux de plus.

M. Breitkreuz: Monsieur Goldbloom, vous avez mentionné que ce n'était pas votre rôle de promouvoir le bilinguisme dans notre pays. Le premier ministre qui a parrainé la Loi sur les langues officielles avait certainement pour objectif de promouvoir le bilinguisme dans le pays, et beaucoup de gens pensent que ce n'était pas tout ce qu'il voulait accomplir.

Vous devez vous sentir vraiment misérable à la fin de votre mandat de sept ans, qui est pour bientôt, je pense, parce qu'au tout début de la partie II de votre rapport vous dites essentiellement que l'année a été quelque peu consternante. Je trouve intéressant que vous le disiez juste au moment de votre départ... vous dites que l'année n'en aura pas été une d'abondance, ni pour les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire, ni pour le programme des langues officielles dans son ensemble.

Vous parlez des enquêtes, de la recherche et d'autres choses de cette nature, ainsi que des plaintes en particulier. Pourriez-vous me dire si certaines des plaintes sont venues de votre propre personnel?

M. Victor Goldbloom: Je dois me creuser les méninges, monsieur Breitkreuz, pour me rappeler si nous en avons reçu de notre propre personnel. C'est très rare. Si vous voulez plutôt savoir si nous prenons l'initiative de soulever des questions, la loi prévoit en effet que le commissaire peut de sa propre initiative déclencher un processus de plainte. Je le fais une fois de temps à autre, soit parce que j'ai moi-même vécu une expérience insatisfaisante quelque part au Canada, soit parce que je m'aperçois qu'une chose mérite d'être examinée.

Permettez-moi d'établir une distinction. Je ne dis pas que le fait d'encourager les gens à parler plus d'une langue ne m'intéresse pas; de fait, l'idée m'enthousiasme beaucoup. Je suis fier, en toute modestie, de pouvoir parler deux langues, et je regrette fortement de n'en parler que deux. Je souhaiterais que tous les Canadiens, en particulier les enfants, puissent parler trois ou quatre langues.

En fait, j'ai dit que ce n'est pas un objectif essentiel de la Loi sur les langues officielles d'amener les gens à devenir bilingues, et je le souligne pour une raison particulière. Lors d'un sondage d'opinion publique effectué il y a quelque temps, on a demandé aux gens ce qu'ils croyaient être l'objectif fondamental de la Loi sur les langues officielles, et beaucoup ont répondu que l'objectif était d'obliger tout le monde à devenir bilingue. Ce n'est tout simplement pas le cas. On a ensuite demandé aux mêmes gens s'ils estimaient que la politique de bilinguisme officiel était un succès ou un échec, et ils ont répondu qu'elle était un échec, mais en disant cela ils le faisaient parce qu'ils se méprenaient sur l'objectif de la loi.

Seulement 17 p. 100 des personnes qui ont répondu ont identifié, parmi quatre choix, la bonne réponse à la question, qui était d'assurer des services là où le nombre le justifiait. Je tiens à établir cette distinction entre l'objectif louable d'améliorer nos compétences linguistiques dans le pays, et l'objet de la loi, qui est d'assurer de bons services à la population.

• 1655

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Chers collègues, vous savez que selon nos règles habituelles, au deuxième tour, nous accordons la parole aux partis de l'opposition, puis au gouvernement. Nous tenons aujourd'hui notre dernière rencontre avec M. Goldbloom et je sais que vous voulez probablement faire connaître vos commentaires ou manifester votre appréciation pour les commentaires qu'il a faits. Selon ma liste, j'accorderai la parole à Louis Plamondon, au sénateur Beaudoin, à Mauril Bélanger, à Mark Muise et à Claudette Bradshaw. Je déroge aux règles et je m'en accuse.

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Nous serons dociles, madame la présidente.

Monsieur le commissaire, vous venez de parler des constatations que vous avez faites dans votre dernier rapport concernant la diminution des francophones hors Québec. À la page 16 figure une phrase qui est assez surprenante. Vous dites:

    La légère diminution des membres des communautés francophones dans les autres provinces et dans les Territoires du Nord-Ouest pourrait n'être que temporaire.

À la suite de cela, j'avais demandé à un spécialiste en mathématique et en démographie, M. Castonguay, de comparaître devant le comité. Il semblait surpris de votre déclaration à cause des faits suivants. Pour ce qui est du taux de renouvellement des francophones hors Québec, on constate qu'il y a 87 000 francophones hors Québec âgés de 0 à 9 ans, mais que dans le groupe des 25 à 34 ans, il y en a 150 000. Il y en a donc 58 p. 100 qui suivent la génération actuelle. C'est donc un déficit intergénérationnel de 42 p. 100. Ce sont les statistiques de 1996. Il ajoutait qu'ainsi calculé, le taux de reproduction linguistique des francophones au moment du recensement de 1996 était de 49 p. 100 à Terre-Neuve. Il faisait toujours ce lien entre ceux de 0 à 9 ans et ceux de 25 à 34 ans. Si la génération actuelle ne se reproduit pas autant, il y aura donc une décroissance à l'avenir. C'est 43 p. 100 à l'Île-du-Prince-Édouard, 45 p. 100 en Nouvelle-Écosse et 72 p. 100 au Nouveau-Brunswick. Même les francophones du Nouveau-Brunswick ne se reproduisent qu'à 72 p. 100. Pour la première fois lors d'un recensement, on constate que les francophones stagnent, que leur nombre n'augmente plus. C'est 60 p. 100 en Ontario, 56 p. 100 au Manitoba, 42 p. 100 en Saskatchewan, 36 p. 100 en Alberta et 28 p. 100 en Colombie-Britannique. Il y a donc un déficit de 72 p. 100 en Colombie-Britannique.

Il disait:

    Par conséquent, on ne saurait s'étonner que même au Nouveau-Brunswick, certainement pour la première fois de notre histoire, la population francophone stagne. [...] en Colombie-Britannique, mais un écart intergénérationnel de 72 p. 100 signifie que la minorité de langue française n'a aucune assise démographique viable dans cette province.

C'est donc une constatation basée sur des chiffres qui est très dramatique. Si on prend à part la minorité anglophone, on arrive à un taux de reproduction qui dépasse 92 ou 95 p. 100 au Québec, si bien que la minorité anglophone se sent très solide, surtout grâce à l'assimilation des immigrants et aussi des francophones. Le taux de renouvellement dont je viens de vous parler devrait, monsieur le commissaire, vous amener à faire une déclaration moins conditionnelle que celle qui est la vôtre.

Je voudrais vous laisser réagir à cela. Avec votre permission, madame la présidente, après avoir entendu la réaction du commissaire, j'aurai une question très très courte à laquelle il sera possible de répondre par un «oui» ou un «non».

M. Victor Goldbloom: Chaque recensement est composé de chiffres et ces chiffres se prêtent à des interprétations. Il y en a qui sont plus pessimistes; il y en a qui sont plus optimistes.

• 1700

Je ne suis pas un statisticien et je n'ai donc pas d'expertise personnelle dans le domaine. Cependant, ce qui me donne un brin d'optimisme, c'est justement ce dont j'ai parlé: le fait qu'il y ait la gestion scolaire et des centres communautaires et scolaires. Je sais pertinemment qu'un peu partout, il y a des ayant droit qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas profité de l'enseignement en français.

Je fonde un certain espoir sur la volonté des parents qui ont ce droit de constater qu'il y a maintenant un système scolaire francophone—pas seulement une école, mais un système scolaire—qui communique avec eux et qui leur demande quels sont leurs désirs et leurs priorités, ce qui fera en sorte que les inscriptions à l'école vont augmenter.

Je ne peux m'empêcher de dire que si rien de cela ne se produit, l'avenir sera moins rose et m'inquiétera beaucoup. Mais j'ai voulu à tout le moins—vous m'excuserez de parler personnellement—passer mon mandat à faire des choses, à travailler pour obtenir la gestion scolaire, à participer à l'ouverture de centres scolaires et communautaires, à encourager les universités et à encourager les collèges. Nous avons maintenant deux collèges francophones en Ontario qui ont été créés tout récemment, le collège Boréal et le collège des Grands Lacs. Ces ressources n'existaient pas auparavant. La Cité collégiale a pris une expansion spectaculaire.

Donc, il y a une présence plus grande des francophones dans le système scolaire à tous les niveaux. Il y a un espoir que les gens veuillent profiter de ce qui est disponible. Comme je l'ai dit dans mon avant-dernier rapport annuel, j'ai voulu encourager tout le monde à cesser de gémir—c'est le mot que nous avons utilisé; en anglais, on dit «wring your hands»—et à faire des choses. Je constate qu'il y a des choses qui ont été faites. J'espère donc que le prochain recensement montrera une situation plus encourageante par rapport aux tendances des récentes décennies que nous sommes obligés de déplorer.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Passons à la question brève à laquelle le commissaire pourra répondre par un «oui» ou un «non».

M. Louis Plamondon: Cette question brève comporte un a) et un b). Monsieur le commissaire, j'ai écouté votre explication, mais vous ne m'avez pas nécessairement convaincu. Je pense toutefois que votre point de vue est défendable. Celui de M. Castonguay est beaucoup plus mathématique alors que le vôtre est beaucoup plus philosophique.

Ma question est la suivante. Vous terminez votre mandat de sept ans, que vous avez rempli avec beaucoup d'honnêteté, de travail et également de bonne volonté. Je n'en doute pas, vous ayant bien connu avant votre nomination au poste de commissaire aux langues officielles. Vous avez été ministre au Québec et vous avez été écouté et respecté tout au cours de votre mandat. Vous l'avez été ici également.

J'aimerais vous entendre répondre oui ou non à une question bien simple, qui pourrait peut-être aider à faire voir une réalité concrète. Certains témoins qui ont comparu ici ont dit que la première chose qui devrait être faite pour aider les minorités serait de dire la vérité sur la situation des deux minorités.

Ma question est la suivante: êtes-vous d'accord, et je vous demande de répondre par oui ou par non, a) que la minorité francophone est plus menacée et plus en danger que la minorité anglophone?

M. Victor Goldbloom: Je suis obligé de dire oui.

M. Louis Plamondon: Merci.

Maintenant, b) si la minorité francophone du reste du Canada, hors des limites du Québec—si on n'aime pas l'expression hors Québec—avait les mêmes droits que la minorité anglophone du Québec, est-ce que ce serait un pas en avant très intéressant pour cette minorité francophone?

• 1705

M. Victor Goldbloom: Là je ne suis pas capable de répondre par un simple oui ou un simple non.

M. Louis Plamondon: Vous devenez diplomate.

M. Victor Goldbloom: C'est que l'histoire a créé des situations différentes. À cause de l'histoire, la communauté d'expression anglaise du Québec jouit de ressources qui ne sont pas disponibles au même degré dans la plupart des autres provinces. De toute évidence, si la situation était rendue égale, ce serait un grand avantage.

Le problème pour moi n'est pas ce qui est écrit sur papier, parce que les principes sont là. La partie VII dit que nous devons appuyer les communautés minoritaires. Le problème se trouve dans l'application pratique des mesures et dans l'absence de ce réflexe pavlovien auquel j'ai fait allusion.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Vous avez beaucoup parlé de la partie VII de la loi. La plupart des questions que j'ai posées aux séances de ce comité-ci ont porté sur cette partie de la Loi sur les langues officielles. Je pense qu'elle est fondamentale et je suis impressionné par la façon dont vous avez répondu.

Comme votre mandat tire à sa fin, on me permettra peut-être de déroger aux règles et de vous dire toute l'admiration que j'ai pour la façon dont vous avez mené ce mandat à fond. J'ai toujours pensé que les commissaires ou les hauts fonctionnaires qui rendent compte directement au Parlement du Canada ont un rôle à la fois crucial et très difficile à jouer. Je dois vous dire que la façon dont vous avez mené votre mission à bien est vraiment impressionnante. Pour le Canada, c'est très important et c'est aussi très important pour la culture en général.

Nous avons le français et l'anglais comme langues officielles dans ce pays, et ce n'est pas toujours facile. Nous avons adopté des lois et créé des institutions, mais nous avons beaucoup à faire encore, car il n'y a rien de parfait. Mais enfin, la façon dont les quatre commissaires aux langues officielles ont envisagé leur mandat est très intéressante. Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous féliciter tout simplement.

M. Victor Goldbloom: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup. Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Madame la présidente, mon intervention ne sera pas très longue. Je commencerai par une phrase que j'utilise de temps à autre, soit que toute société a besoin de pessimistes et d'optimistes. L'un invente l'avion et l'autre, le parachute.

Vous, monsieur le commissaire, êtes de toute évidence l'optimiste et je partage en partie votre optimisme. Par exemple, quand on parle des chiffres de 1996, dans plusieurs provinces, la gestion scolaire et la création d'écoles élémentaires n'existaient pas à ce moment-là. Ça foisonne maintenant. Il y a une volonté qui s'exprime. Ce n'est pas toujours facile; il y a une foule de difficultés à surmonter, mais on le sent. Si on se donne la peine d'aller voyager dans les petits patelins de l'Ouest canadien, par exemple, on peut voir cette volonté. Elle existait, mais on lui a maintenant donné certains outils qu'elle n'avait pas auparavant. Ce n'est pas dans le domaine du scientifique ou du statistique et ainsi de suite, comme notre ami M. Plamondon l'espérait, mais cette communauté, si on peut lui reconnaître cette volonté, devrait maintenant remonter une pente qu'elle a peut-être descendue au fil des dernières décennies. J'espère qu'elle continuera dans cette veine et qu'on suivra des exemples tels que le vôtre, vous qui vous êtes acharné à aller chercher des choses très tangibles et essentielles à ces communautés-là.

Pour ce qui est du pessimiste, c'est un rôle qu'on va laisser à M. Plamondon. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Vous vouliez ajouter un commentaire?

M. Victor Goldbloom: Un bref mot, madame la présidente. M. Bélanger a raison de me qualifier d'optimiste. Mais il faut aussi être réaliste. Si je n'avais pas tenu compte des possibilités pessimistes dans l'avenir des gens, je pense que je n'aurais pas été aussi utile, si vous croyez que je l'ai été.

• 1710

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.

Monsieur Muise.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Monsieur Goldbloom, j'aimerais que vous m'aidiez à comprendre une situation que je suis en train de vivre dans mon coin de Baie Ste-Marie en Nouvelle-Écosse relativement au programme d'études homogène. La grande majorité des habitants de la région de Baie Ste-Marie sont francophones, comparativement à la région de Dartmouth où il y a une majorité anglophone et une minorité francophone et où l'on retrouve l'école du Carrefour, une école qui offre un programme d'études homogène en français. Dans notre coin, où la majorité est francophone, un groupe revendique une école offrant un programme d'études homogène et c'est cela que je ne comprends pas. La situation n'est pourtant pas la même qu'à Dartmouth. Ce groupe veut une telle école dans un lieu où on n'est pas minoritaires, mais plutôt majoritaires. On revient toujours au même thème: là où les chiffres le justifient.

J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi on revendique la même chose dans notre coin, bien que cette région soit un peu différente de celle de Dartmouth. J'ai bien de la difficulté à comprendre.

Comprenez-moi bien: la langue française, c'est ma langue maternelle, la langue dans laquelle je m'exprime 80 p. 100 du temps. C'est vraiment important. Mais, de l'autre côté, je vois bien les difficultés qui sont en train de surgir à la suite de l'action de ces deux groupes. J'aimerais savoir comment on pourra en venir à combler les besoins de tous les groupes. Dans notre communauté, je m'aperçois que c'est en train de créer de graves problèmes.

M. Victor Goldbloom: Il y a en Nouvelle-Écosse une situation unique, à ma connaissance. Il y avait, comme vous le savez encore mieux que moi, monsieur le député, des écoles qu'on appelait acadiennes. Ces écoles étaient grandement appréciées de la communauté d'expression française. Lors de la création du Conseil scolaire acadien provincial, certaines gens craignaient une diminution des avantages dont jouissaient leurs enfants. L'école acadienne est plutôt bilingue et les enfants sont en mesure—parce qu'il y a de ces écoles qui existent toujours—de jouir d'un enseignement dans les deux langues.

Cela a soulevé, comme vous le savez, beaucoup de passion et créé des situations fort difficiles pour les autorités provinciales et pour la communauté elle-même. Et le problème perdure. Il y a une période de transition qui est prévue jusqu'à l'an 2001, si ma mémoire est fidèle, et il y a des gens qui aimeraient que cette période de transition soit prolongée.

Il m'est assez difficile de me prononcer là-dessus. Je comprends les gens. Je ne suis pas éducateur, mais j'ai l'impression que la crainte que l'école homogène francophone prive les enfants d'une bonne formation en anglais n'est pas vraiment justifiée. Si tel était le cas, je le regretterais beaucoup parce qu'il me semble essentiel que les enfants puissent être compétents dans les deux langues.

Il m'est difficile d'aller plus loin.

• 1715

Je sais qu'il y a des différences qui provoquent des discussions intéressantes entre les trois régions de la province. Je suis bien au courant du problème du Carrefour du Grand-Havre, qui n'a que la moitié de ses élèves dans des locaux permanents. Alors, il y a beaucoup de problèmes que doit résoudre le conseil scolaire avec l'aide, espérons-le, du gouvernement provincial.

M. Mark Muise: Monsieur Goldbloom, je comprends pourquoi vous ne pouvez pas vous exprimer sur ce point-là, mais je me demande si vous pourriez préciser des chiffres qui pourraient justifier une telle chose. Serait-ce 50 sur 300 ou 10 sur 300? C'est ce que je me demande parce que je voudrais comprendre. Le but de ma communauté est de vivre en paix et en harmonie avec toute la population. Lorsque j'ai grandi et lorsque j'étais étudiant, c'est une situation que j'ai vécue. Il y a actuellement dans notre communauté une école secondaire acadienne qui peut offrir tous les cours en français si on le veut et combler le besoin, mais ce n'est pas suffisant. Je ne suis pas en train d'exprimer une opinion, mais j'aimerais savoir ce que sont «les chiffres qui le justifient». Je comprends qu'il vous est très difficile de me répondre, mais donnez-moi une indication, s'il vous plaît.

M. Victor Goldbloom: Chaque ministère de l'Éducation établit des critères et dit: Nous n'allons établir une école de telle nature que s'il y a un nombre minimal ou un nombre x d'élèves pour fréquenter cette école. C'est normal et ce chiffre peut varier et même être appliqué avec souplesse. Nous connaissons des petites localités, un peu partout au pays, où les parents tiennent mordicus à conserver leur école locale même si le nombre d'élèves n'est pas très élevé. C'est humain et compréhensible.

C'est aussi une question de volonté des parents, qui ont une certaine liberté de choix quand vient le temps d'inscrire leur enfant à telle ou telle école. Donc, ce n'est pas nécessairement une question de chiffres. On ne doit pas appliquer de façon rigoureuse les critères mathématiques. Il y a une volonté communautaire ainsi que des principes qui ont été établis, notamment par la Cour suprême du Canada dans ses interprétations répétées de l'article 23 de la Charte.

[Traduction]

M. Mark Muise: En terminant, madame la présidente, je tiens à affirmer, pour les fins du compte rendu, que je suis d'accord avec M. Goldbloom quand il dit qu'il est merveilleux de pouvoir parler deux langues, et je souhaiterais pouvoir en parler deux ou trois de plus. Je pense que ce serait excellent, mais je posais ma question pour comprendre, et non pas pour formuler quelque critique que ce soit.

Merci, monsieur Goldbloom.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup.

[Français]

Madame Bradshaw.

Mme Claudette Bradshaw (Moncton, Lib.): Monsieur Goldbloom, j'aimerais moi aussi vous féliciter au terme de vos sept ans à titre de commissaire. Je puis vous dire, en tant qu'Acadienne de Moncton,...

[Note de la rédaction: Inaudible]... et que j'ai été parmi les premières à entrer à l'école secondaire francophone de Moncton. C'était en 1963. On s'est battus et on a réussi à obtenir des livres en français en 1967. La langue officielle est importante pour moi et surtout pour nous, Acadiens et Acadiennes, et Canadiens et Canadiennes.

Je suis la secrétaire parlementaire pour la Francophonie et j'ai eu l'occasion d'aller en fin de semaine dernière à Terre-Neuve, où on est en train d'établir un système scolaire. Ils sont 3 000 francophones et ce qu'ils font est incroyable. Ce fut pour moi une occasion très spéciale.

[Traduction]

J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi, dans notre pays, il y aurait des gens qui remettent en question les deux langues officielles. À mon avis, il y a deux volets, et j'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.

• 1720

Premièrement, il y a les classes d'immersion française, qui sont tellement importantes.

[Français]

Je pense au Sommet de la Francophonie qui aura lieu à Moncton en 1999, auquel participeront 52 pays. La seule demande que j'ai faite au comité organisateur, c'est que des élèves de classes d'immersion interprètent au moins un chant lors de l'ouverture, afin que les 52 pays puissent voir qu'au Nouveau-Brunswick, on fait un effort pour que nos anglophones puissent parler le français.

Ma question, monsieur le commissaire, est celle-ci. Quand on regarde l'économie, on dit:

[Traduction]

«C'est une économie mondiale.» Si la majorité de nos enfants voulaient apprendre le français et l'anglais, avec combien de pays du monde pourraient-ils communiquer? Je ne pense pas que nous examinions cet aspect de la chose.

Deuxièmement, si nous investissions plus d'argent dans les classes d'immersion française et si nous encouragions nos enfants à parler le français et l'anglais, comme vous êtes optimiste—et je suis optimiste aussi—pensez-vous que parce que nos enfants auraient réussi à apprendre les deux langues ils voudraient en apprendre deux, trois, quatre ou cinq autres? L'avenir, pour nos enfants, sera une économie mondiale.

Merci beaucoup.

M. Victor Goldbloom: Il est sûr que les recherches et l'expérience nous montrent que l'apprentissage d'une langue développe l'esprit. Comme il y a beaucoup de langues qui ont des origines semblables, l'apprentissage d'une langue seconde facilite l'apprentissage d'une troisième langue.

Quelqu'un, très sagement, a dit il n'y a pas très longtemps que si tous les habitants du monde parlaient anglais ce serait merveilleux, puisque nous pourrions tous communiquer les uns avec les autres, mais sur le plan culturel et intellectuel et sur le plan du patrimoine, ce serait une catastrophe pour l'avenir de la société mondiale. Nous perdrions énormément de ce fait. Il faut en arriver à un juste milieu, à un équilibre entre l'utilité d'avoir un outil de communication commun et l'importance de la diversité dans notre capacité de communiquer avec d'autres.

L'immersion française existe maintenant depuis une trentaine d'années. Ce qui me frappe, c'est cette multiplication des inscriptions qu'on a connue notamment dans les années 80. À l'époque, je me demandais—car je suis devenu commissaire en 1991—si les inscriptions commenceraient à chuter. L'immersion s'avérerait-elle avoir été une mode, quelque chose qui aurait suscité l'intérêt pendant un certain temps, sans plus? Ce qu'il y a de fascinant, c'est qu'elle n'a rien perdu de son ampleur. Les inscriptions ont peut-être baissé dans telle ou telle école, mais elles ont augmenté dans telle autre. En fait, la demande de programmes d'immersion française dépasse l'offre au Canada, dans les endroits où nous n'avons simplement pas mis en place les ressources et les écoles pour répondre aux besoins de ces gens.

Ce phénomène m'amène à faire une constatation d'importance fondamentale. Les parents sont très préoccupés par la qualité de l'éducation que reçoivent leurs enfants et par les résultats de cette éducation. Si les résultats de l'immersion française étaient aussi défavorables que le prétendent certains Canadiens, les parents de 1996 auraient dit aux parents de 1997: «Attention, n'allez pas de ce côté-là, ça ne vaut rien!» De toute évidence, les parents de 1996 disent à ceux de 1997, qui disent à ceux de 1998, que l'immersion française est une bonne expérience, qu'ils ont trouvé qu'elle avait été profitable pour leurs enfants et que d'autres parents devraient faire comme eux. Cette réaction me paraît un signe très positif.

Pour des raisons évidentes, je m'intéresse à ce qui se passe au Québec. On entend beaucoup parler des lois provinciales adoptées au Québec et des restrictions imposées à l'usage de l'anglais. Certains écrivent des lettres à la rédaction de journaux pour demander pourquoi les gens de l'Ontario ou de la Colombie- Britannique devraient s'intéresser au français quand le Québec est une province unilingue.

• 1725

Le fait est que la très grande majorité des parents au Québec reconnaissent l'importance d'avoir deux langues et veulent que leurs enfants apprennent l'anglais aussi bien que le français.

[Français]

Il y a plusieurs mois, je me suis rendu à une école à Saint-Eustache, au nord-est de Montréal, l'école Jacques-Labrie, si ma mémoire est fidèle. Cette école a été autorisée par sa commission scolaire à offrir la moitié de la sixième année entièrement en anglais. Les autorités de l'école ont dit aux parents: «Si vous acceptez ce que nous proposons, vos enfants seront appelés à prendre les bouchées doubles pendant l'autre moitié de l'année afin de bien réussir dans les autres matières.» L'enthousiasme a été formidable. On m'a fait faire le tour de l'école et j'ai visité huit à dix classes. À la porte de chaque classe, il y avait deux enfants francophones qui m'ont salué en anglais et qui ont poursuivi une conversation avec moi en anglais. Ces parents de l'école Jacques-Labrie ont formé une association provinciale de gens qui veulent que leurs enfants apprennent l'anglais langue seconde.

Tout cela nous oblige à regarder très objectivement ce que nous faisons pour appuyer l'une ou l'autre des langues, notamment en situation minoritaire. Mais il serait, à mon sens, anti-intellectuel de dire que nous pouvons être unilingues et que nous n'avons pas besoin d'autres ressources linguistiques.

Je suis attristé—je le dis avec candeur et regret—par des gens que je rencontre de temps en temps et qui manifestent leur fierté d'être unilingues. Maintenant, je dois dire avec la même candeur que dans une certaine mesure, je les comprends. Ils n'ont pas eu l'avantage de bien acquérir une langue seconde dans leur jeunesse et n'ont pas l'occasion d'utiliser une langue seconde parce qu'ils vivent dans un milieu homogène. Lorsque j'arrive et que je leur dis que c'est un avantage, un enrichissement que d'être bilingue et que ça augmente leurs chances sur le marché du travail, il y a des gens qui me disent: «Vous me dites que c'est un avantage d'être bilingue. Je suis unilingue. Vous êtes donc en train de me dire que je suis désavantagé sur le marché du travail parce que je suis unilingue.» Je ne veux pas dire cela aux gens. Je suis heureux de constater l'augmentation du bilinguisme, notamment chez les jeunes, les adolescents et les jeunes adultes d'aujourd'hui qui constituent la génération la plus bilingue de l'histoire du Canada. C'est une bonne chose.

Mais je voudrais que chaque Canadien et chaque Canadienne se sente bien dans sa peau. Et si cette peau est une peau unilingue, je voudrais quand même que cette personne s'y sente bien.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Très bien. Monsieur Paradis.

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Je veux tout simplement me joindre à mes collègues pour féliciter et remercier M. Goldbloom pour ses sept ans de travail. Vous avez mentionné que votre façon de faire consistait à faire avancer les dossiers et à faire avancer les choses. C'est par votre travail ardu et votre dévouement que vous l'avez fait pendant ces sept années.

J'ai été à même de constater votre présence sur le terrain dans mon propre comté, Brome—Missisquoi. Vous avez été présent auprès des groupes. Je pourrais vous dire que mon comté de Brome-Missisquoi compte 20 p. 100 d'anglophones et 80 p. 100 de francophones et qu'il est un peu à l'image du Québec. Les deux groupes linguistiques s'y entendent merveilleusement bien; l'harmonie, la compréhension et la générosité y règnent.

• 1730

Vous parliez plus tôt des écoles. Nous avons ce genre de système à Sutton et à Massey-Vanier, une école secondaire immense qui comprend deux campus. Les deux communautés, qui comptent plus de de 1 000 étudiants chacune, fréquentent la même école secondaire et cela fonctionne magnifiquement.

Tout cela pour vous dire que je pense que votre expérience passée au gouvernement du Québec, peut-être à titre de ministre de l'Environnement, va nous laisser ici, au gouvernement canadien, un environnement positif. Je ne dirai pas que c'est optimiste ou réaliste, mais enfin, vous nous léguez un environnement positif.

Au nom du caucus libéral du Québec, que j'ai l'honneur de présider, je voudrais tout simplement vous remercier pour ces sept années.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.

Angela.

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Moi aussi, je voudrais vous féliciter. C'est la première fois que j'ai la chance de vous rencontrer, mais je sais que vous avez fait du bon travail.

Je n'ai que quelques mots à dire. Ce qui compte au niveau des langues officielles, c'est le respect, comme vous dites. Certaines personnes anglophones sont à l'aise d'être unilingues anglophones. Je connais des francophones qui sont à l'aise de s'exprimer en langue anglaise, tandis que certains autres francophones sont à l'aise de ne s'exprimer qu'en français. Il faut respecter leurs décisions. Les langues officielles ne doivent pas être, comme on dit souvent, pushed down their throats, ce à quoi je m'opposerais.

Dans ma circonscription, il y a des anglophones, des francophones, ainsi que des autochtones. Ces derniers ont leur propre système scolaire et leurs élèves apprennent dans leur langue. Moi, j'apprécie beaucoup les différentes cultures et les différentes langues. C'est cela qui fait qu'on a un beau pays aujourd'hui. Il est triste d'entendre dire qu'on voudrait enlever cette beauté qu'on a dans notre pays. Je vous félicite pour le travail que vous faites.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, Angela.

À mon tour, comme coprésidente du Comité des langues officielles, je veux vous remercier, monsieur Goldbloom. Encore aujourd'hui, par vos commentaires, vous nous avez prouvé que vous avez fait un travail de philosophe et que vous avez accompli ce travail avec la tête, mais aussi avec le coeur. C'est cette approche qui vous a permis de faire avancer les choses. Vous avez énuméré quelques-unes de vos contributions, surtout au chapitre de la gestion scolaire. Vous avez fait avancer des choses, des choses qui font aujourd'hui une différence pour plusieurs Canadiens et Canadiennes. Je vous remercie encore sincèrement.

Nous aurons l'occasion de vous revoir et de fraterniser avec vous d'une autre façon d'ici la fin juin. On vous promet un party.

M. Victor Goldbloom: Madame la présidente, permettez-moi de vous remercier et de remercier tous les membres du comité de leurs paroles très aimables à mon endroit. Je voudrais dire aussi que je me présente ici à la table seul, mais vous comprenez que je ne suis pas seul. Je suis appuyé par une équipe merveilleuse et je voudrais que vos félicitations et vos remerciements puissent se communiquer à ces personnes également.

[Traduction]

J'aimerais pouvoir nommer chacun des membres de notre équipe. Comme ils sont à peu près 120, ce serait abuser de votre patience. Je tiens toutefois à remercier tout particulièrement mes cinq directeurs: M. Michel Robichaud, M. Gérard Finn, Mme Monique Matza, Me Richard Tardif et Mme Marie Bergeron. C'est surtout eux—pas seulement eux, mais surtout eux—qui font en sorte que je suis en mesure de donner des réponses raisonnablement intelligentes et cohérentes aux questions que vous posez et aux points que vous soulevez.

[Français]

Merci beaucoup, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je vous remercie. Soyez assuré que nous reconnaissons la contribution de vos collègues.

La séance est levée.