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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 avril 1998

• 1545

[Traduction]

La coprésidente (l'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Au nom de Rose-Marie Losier-Cool et de moi-même, je déclare ouverte cette séance du Comité des langues officielles à 16 h 15.

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Castonguay et Torczyner. Nous avons hâte d'entendre vos exposés.

[Français]

Je vais demander à M. Castonguay de commencer et M. Torczymer suivra. Ensuite les membres du comité auront la responsabilité de vous poser des questions. Nous commencerons la période des questions avec le Parti réformiste, qui sera suivi du Bloc québécois, du Parti progressiste-conservateur et, si un libéral arrive, du Parti libéral.

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Est-ce que le Nouveau parti démocratique viendra avant le Parti progressiste-conservateur?

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Non, vous avez raison, madame. Je regrette. Vous serez les troisièmes à intervenir; les quatrièmes sont là-bas.

Voulez-vous commencer, s'il vous plaît, professeur Castonguay?

[Traduction]

M. Charles Castonguay (professeur, Université d'Ottawa): Merci beaucoup. Je suis heureux d'être ici. Mme Isles m'a indiqué que vous vouliez entendre mes remarques sur les données du recensement de 1996 sur la langue. J'ai préparé un document qui pourrait vous intéresser, sur lequel je pourrais faire des remarques, et qui décrit comment ces données ont été perçues par le Commissaire aux langues officielles et le directeur de la Division de la démographie à Statistique Canada qui ont témoigné devant votre comité le 17 février. J'ai pensé que ce serait la façon la plus intéressante de présenter les choses, une façon plus intéressante qu'un autre mémoire descriptif, une façon qui susciterait la discussion.

Si vous n'y voyez pas d'objection, je vous parlerai dans ma langue maternelle puisque je suis dans ma ville de résidence, mais bien sûr, je répondrai en français aux questions qui me seront adressées dans cette langue.

J'aimerais d'abord attirer votre attention sur l'effondrement démographique des populations francophones au Canada. Je parle ici bien sûr de ceux dont la langue maternelle est le français. J'ai inclus dans mon texte un tableau comparatif des données de 1996 sur les populations de langue maternelle française et des données de la Commission B.B., qui s'est penchée sur la question au milieu des années 60, et qui provenaient du recensement de 1961. J'y compare le nombre d'enfants de 0 à 9 ans au nombre de jeunes adultes de 25 à 34 ans qui sont probablement leurs parents. Un écart de 25 ans entre ces deux groupes d'âge de 10 ans représente environ une génération. Comme vous pouvez le constater, dans les années 60, selon le recensement de 1961, les enfants francophones étaient beaucoup plus nombreux que les jeunes adultes francophones ne l'étaient en 1996.

À l'époque, il n'y avait pas encore de problème de mortalité chez les populations francophones au Canada, que ce soit au Québec ou hors Québec. Le taux de natalité commençait à peine à baisser et les démographes ne s'imaginaient pas à quel point il diminuerait.

Aujourd'hui, 35 ans plus tard, soit le tiers d'un siècle plus tard, en 1996, on constate un renversement complet de la situation. Le nombre d'enfants est inférieur au nombre de jeunes adultes, et c'est une tendance que j'ai constatée au cours des 15 dernières années, en examinant les données des trois derniers recensements. Il y a donc un déficit d'une génération à la suivante.

Ce déficit est particulièrement marqué à l'extérieur du Québec. Comme vous pouvez le voir en examinant le tableau, il y a 88 000 enfants francophones de 0 à 9 ans en 1996 par comparaison à 150 000 jeunes adultes en âge d'être parents, ou de 25 ans plus âgés.

• 1550

On peut calculer le rapport en se fondant sur ces données. C'est ce qu'on appelle le taux de reproduction linguistique. À l'extérieur du Québec, le taux de reproduction linguistique, dont le numérateur est le nombre d'enfants et le dénominateur le nombre d'adultes, est de l'ordre de 58 p. 100, ce qui signifie un déficit intergénérationnel de 42 p. 100 à l'extérieur du Québec actuellement.

J'aimerais dissiper l'illusion entretenue par le Commissaire aux langues officielles qui, dans son dernier rapport annuel, laisse entendre que la baisse du nombre de francophones hors Québec n'est peut-être que temporaire et circonstancielle. Ce n'est pas du tout le cas. Soyez assurés que cette diminution s'accélérera et ne s'arrêtera pas.

Je le répète, le déficit est de 42 p. 100 pour tous les francophones hors Québec. Cela signifie un déclin de la population francophone non seulement en proportion à la majorité anglophone, mais aussi en nombres absolus, un déclin qui, dans les deux cas, s'est déjà amorcé.

J'ai aussi calculé le taux de reproduction linguistique par province. Comme vous pouvez le voir, même au Nouveau-Brunswick, ce taux est de 72 p. 100, ce qui signifie qu'il n'y a plus que trois enfants pour quatre adultes francophones. C'est un déficit intergénérationnel de 25 p. 100 chez les francophones, dans la population dont la langue maternelle est le français, même au Nouveau-Brunswick. À l'extérieur du Nouveau-Brunswick, c'est désastreux.

C'est un problème bien réel et, à moins qu'un nombre considérable de Québécois francophones ne s'installent à l'extérieur du Québec, les prochains recensements indiqueront un déclin du nombre de francophones. Ce genre de déficit est impossible à combler. C'est un important renversement historique des tendances démographiques du Canada depuis les débuts de la colonie française. C'est du jamais-vu.

Ce phénomène est attribuable à deux facteurs: une fécondité insuffisante et l'assimilation linguistique. Le directeur de la Division de la démographie de Statistique Canada vous a essentiellement dit que la baisse était surtout attribuable à la fécondité insuffisante.

J'oserai contredire M. Lachapelle, que je connais très bien. La principale cause de cette baisse, c'est l'anglicisation. À preuve, il suffit de comparer le déficit démographique calculé en fonction du taux de reproduction de la population francophone au Canada, la population dont la langue maternelle est le français. Selon les données du recensement de 1996, comme l'indique le tableau, ce taux est de 82 p. 100. Il y a donc un déficit de 18 p. 100 dans l'ensemble. Le Québec est inclus dans ces données.

Le taux de reproduction linguistique pour les anglophones est de 98 p. 100. Autrement dit, le nombre d'enfants de 0 à 9 ans comparé au nombre de jeunes adultes de langue maternelle anglaise de 25 à 34 ans est pratiquement égal. Il n'y a presque pas de différence entre le nombre d'enfants et le nombre d'adultes.

De plus, le taux de fécondité est tout aussi insuffisant dans les deux groupes. Le taux de fécondité de la population anglophone a commencé à baisser une dizaine d'années avant celui de la population francophone, mais son taux de fécondité était déjà insuffisant bien avant que celui de la population francophone ne le devienne.

Pour autant que je sache, personne au Canada n'envisage la possibilité d'un déclin du nombre d'Anglo-Canadiens. On entend beaucoup parler du vieillissement de la population canadienne. Le vieillissement est une chose, mais ce qui attend la population francophone, ce n'est pas seulement une baisse de la proportion qu'elle représente dans l'ensemble, baisse qui s'est amorcée après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi une diminution en nombre absolu, ce qui commencera apparemment au Québec pendant le premier quart du siècle prochain et même plus tôt dans l'ensemble du Canada, parce que comme l'indiquent les données démographiques, la situation des francophones hors Québec est catastrophique.

C'est ce que l'avenir nous réserve. Je ne suis pas démographe, je suis mathématicien, mais je sais compter, et si le taux de reproduction des anglophones est de 98 p. 100, cela signifie que, même si le taux de fécondité est insuffisant, les anglophones parviennent à combler leur déficit par l'assimilation des francophones et des allophones qui, à leur tour, élèvent leurs enfants en anglais et contribuent au gain de la population anglophone.

• 1555

C'est ainsi que la situation évolue d'une génération à l'autre. Les jeunes adultes s'anglicisent et élèvent leurs enfants en anglais, ce qui permet de combler le déficit démographique que provoque le taux de natalité insuffisant des anglophones.

Je dois contredire M. Lachapelle: le principal problème, ce n'est pas le taux de natalité peu élevé, mais bien l'assimilation linguistique. Supposons que la population francophone du Canada francisait la population allophone en fonction de la proportion qu'elle représente. Comme vous le voyez dans ce document, grâce au transfert linguistique, l'anglais au Canada a fait un gain d'environ 2,2 millions.

Or, 2,2 millions de gens, c'est beaucoup. Si un quart d'entre eux adoptaient le français plutôt que l'anglais, cela signifierait 500 000 francophones de plus, 500 000 personnes de plus qui parleraient le français à la maison. Bon nombre de ces nouveaux francophones, bien sûr, élèveraient leurs enfants en français, ce qui compenserait la fécondité insuffisante de la population francophone.

Étant donné que le taux de natalité dans les deux grands groupes linguistiques du Canada—les anglophones et les francophones—est sensiblement le même, c'est l'assimilation linguistique qui fait toute la différence, qui explique que la proportion d'anglophones au Canada se maintient et que le nombre d'anglophones, en chiffres absolus, augmente. Il n'y a pas de problème démographique pour la communauté anglophone, mais il y en a un pour les francophones.

Dans son rapport annuel, M. Goldbloom a tenté de donner une lueur d'espoir en comparant la croissance du taux d'assimilation des francophones hors Québec. Au cours des 2,5 dernières années, ce taux de croissance a été moindre que le taux d'anglicisation des francophones hors Québec de 1981 à 1991.

La perspective du Commissaire aux langues officielles est trompeuse, car il laisse entendre que l'augmentation du taux d'anglicisation ralentit et que, par conséquent, le taux d'anglicisation se stabilisera peut-être autour de 35 ou 40 p. 100, soit son niveau actuel.

C'est faux, car Statistique Canada a utilisé un nouveau questionnaire en 1991, et la hausse du taux d'anglicisation des francophones hors Québec de 1981 à 1991 est un artefact statistique. Elle est attribuable à l'utilisation d'un nouveau questionnaire qui, du jour au lendemain, a anglicisé environ 600 000 allophones de plus au Canada.

Cela vous donne une idée de l'incidence de ce nouveau questionnaire sur l'assimilation linguistique. Ce questionnaire a gonflé les taux d'assimilation de toutes les minorités linguistiques régionales. Les francophones hors Québec ont soudainement été beaucoup plus anglicisés qu'auparavant, les allophones également, et les anglophones du Québec sont devenus plus francisés, tout comme les allophones du Québec.

C'est ce qui s'est passé. Je ne peux vous l'expliquer, mais je peux vous dire que c'est un fait. Le ralentissement apparent de l'augmentation du taux d'anglicisation des francophones hors Québec au cours des cinq dernières années est un artefact statistique, et M. Goldbloom, malheureusement, vous a induit en erreur.

J'ai indiqué que la population anglophone du Québec a réussi à stabiliser son nombre au cours des cinq dernières années. Cela illustre bien le fait que les anglophones du Canada peuvent, grâce à l'assimilation linguistique, s'en tirer même lorsqu'ils sont désavantagés comme le sont les anglophones au Québec.

Les anglophones sont désavantagés par leur fécondité insuffisante. Leur taux de natalité est insuffisant depuis au moins dix ans de plus que celui des francophones du Québec.

• 1600

Ils sont aussi désavantagés par l'émigration. C'est la tendance qui veut que les jeunes émigrent vers l'Ouest, qu'on remarque aussi dans les Maritimes, pour trouver un emploi. D'autres facteurs entrent aussi en ligne de compte, mais je crois que cela s'explique surtout par la conjoncture économique du continent nord- américain, car c'est un phénomène qui existe aussi chez nos voisins du Sud.

La population anglophone du Québec est donc doublement désavantagée. Elle a toutefois su surmonter ces obstacles au cours des cinq dernières années grâce à l'assimilation linguistique. Le nombre de Québécois qui parlent anglais à la maison est resté sensiblement le même en 1996 par rapport à 1991. Je pense qu'il a même augmenté d'environ un millier, mais je ne m'attarderai pas là- dessus car ce n'est pas important du point de vue statistique.

Cela témoigne bien du fait que, même avec un taux de natalité peu élevé et un déficit migratoire, un groupe, même un groupe minoritaire, peut se maintenir grâce à l'assimilation linguistique.

Ce n'est toutefois pas du tout le cas pour les francophones, que ce soit au Québec ou à l'extérieur du Québec.

Le directeur de la Division de la démographie de Statistique Canada vous a dit que les informations sur l'origine ethnique ne sont plus utilisées par qui que ce soit au Canada. Or, j'ai moi- même signé un article qui a paru dans Le Devoir le 1er avril 1996 dans lequel j'utilisais des données sur l'origine ethnique. Ces données sont utiles lorsqu'on veut évaluer le transfert ou l'assimilation linguistique, car c'est la seule façon de mesurer l'évolution des effets de l'anglicisation ou de la francisation sur plusieurs décennies ou même plusieurs siècles.

Dans le recensement de 1971—où l'on compare l'origine ethnique et la langue principalement parlée au foyer—, on voit que 54 p. 100 des Canadiens d'origine française à l'extérieur du Québec ont adopté l'anglais comme langue principalement parlée à la maison. Ou bien ce sont eux qui ont adopté cette langue ou ce sont leurs parents ou leurs ancêtres qui l'on fait. Donc un peu plus de la moitié de la population d'origine française à l'extérieur du Québec en 1971 parlaient l'anglais à la maison.

Puis, 20 ans plus tard, en 1991, cette statistique atteignait les deux tiers, 67 p. 100. C'est la dernière fois qu'on a pu utiliser les données sur l'origine ethnique pour mesurer l'assimilation cumulative d'une génération à l'autre parce que Statistique Canada a décidé de céder à un groupe de pression pour le recensement de 1996 et d'inclure le mot «Canadien» parmi les réponses possibles à la question qui figurait dans le questionnaire du recensement de 1996, ce qui a été une catastrophe.

On s'est donc retrouvé du jour au lendemain avec près de 9 millions de Canadiens qui se disent d'origine ethnique canadienne, mais ceux qui sont d'origine ethnique française au Canada sont passés également du jour au lendemain de 7 à 4 millions. Bien sûr, ces Canadiens devaient bien venir de quelque part. On a vu également diminuer la proportion de Canadiens d'origine ethnique britannique.

Bien sûr, tous les groupes ont diminué en nombre au profit de cette nouvelle catégorie, mais cette nouvelle catégorie ne représente pas une origine ethnique ou un groupe ethnique. Statistique Canada veut bien l'admettre, mais elle se contente de dire que la pression était tellement forte pour modifier la question de cette façon qu'elle a dû céder.

Comme l'a dit M. Fellegi, le statisticien en chef du Canada, résister à ce genre de pression, c'est, comme «pisser dans le vent. Ça vous revient en pleine face».

J'aimerais également mentionner une série d'articles très intéressants qui ont paru dans le Citizen d'Ottawa du 17 au 23 février, et qui se terminent par cette citation de M. Fellegi, qui était à mon avis une réponse quelque peu arrogante. Je pense que c'est extrêmement malheureux.

Encore là, M. Lachapelle vous a mené en bateau en répondant à cette question, lorsqu'il a dit qu'aux États-Unis, on pose essentiellement la même question. C'est absolument faux. Au Bureau du recensement des États-Unis, on se sert de tous les artifices du métier de statisticien pour s'assurer que les Américains ne répondent pas «Américain» à la question sur l'origine ethnique. On pose la question pour voir comment les Noirs, les hispanophones, les Italiens, les Polonais et tous ces gens d'origine ethnique diverse évoluent dans la société américaine. Est-ce qu'ils grimpent dans l'échelle sociale? Comment se débrouillent-ils sur le plan économique? Leur éducation vaut-elle celle de la population d'origine britannique? Bien sûr, ces questions revêtent un intérêt vital pour le Canada en ce qui concerne sa propre population.

• 1605

Je dirais donc qu'on vous a induit en erreur sur plusieurs points.

Pour ce qui est d'améliorer les données du recensement, j'aimerais conclure sur cette question. M. Lachapelle a dit que Statistique Canada va poser une nouvelle question sur la langue parlée actuellement à la maison. Il s'agit ici d'améliorer les informations du recensement concernant l'assimilation en élargissant la question actuelle sur la langue parlée à la maison pour en faire une question en deux volets, où l'on demandera premièrement aux Canadiens quelle langue ils parlent le plus souvent à la maison. Nous avons déjà cette information. Cela nous permettra de mesurer les transferts linguistiques ou l'assimilation linguistique. Deuxièmement, second volet de la question, on leur demandera quelles autres langues ils parlent à la maison.

À mon avis, cette question supplémentaire ne sera pas très utile, à moins de savoir qui dit quoi à qui à la maison, dans quelles circonstances, et pour quelles raisons. Les parents peuvent se parler dans une langue et parler à leurs enfants dans une autre. Les enfants peuvent se parler entre eux dans une langue, ils peuvent en parler une autre avec leurs amis, et en présence des grands-parents au dîner dominical, ils peuvent utiliser une autre langue.

On obtient ce genre d'information en procédant à des sondages en profondeur. Un recensement ne vous donnera pas ce genre de profondeur. Donc, à mon avis, si Statistique Canada veut sincèrement améliorer ses données sur les transferts ou l'assimilation linguistique, on devrait plutôt faire porter la question sur la langue maternelle, laquelle question est extrêmement mal formulée à l'heure actuelle, et en faire une question à deux niveaux.

Le premier niveau serait la question suivante, mais lisons d'abord la question telle qu'elle est posée maintenant.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Vous la trouverez dans le rapport que vous avez devant vous, tout le monde.

M. Charles Castonguay: C'est à la page 7, et elle se lit ainsi:

    Quelle est la première langue que cette personne a apprise en premier lieu à la maison dans son enfance et qu'elle comprend encore? Si cette personne ne comprend plus la première langue apprise, indiquez la seconde langue qu'elle a apprise.

Il faut presque un doctorat en sociologie ou en linguistique, ou quelque chose du genre, pour savoir à quoi on veut en venir, et c'est une question qui est essentiellement incohérente.

Certaines personnes perdent la capacité de comprendre leur langue maternelle. On les invite maintenant à indiquer autre chose que leur langue maternelle. Ce que ça veut dire, c'est que si quelqu'un qui a pour langue maternelle l'italien ou le français—ou n'importe quelle autre langue maternelle, tant que cela—fait d'une autre langue la langue actuellement parlée à la maison, s'anglicise ou se gallicise, et s'anglicise ou se gallicise au point où il ne peut plus comprendre sa langue maternelle après 10 ou 20 ans, cette personne est obligée d'indiquer l'anglais ou le français comme langue maternelle.

Ce qui veut dire que nous sous-estimons systématiquement les populations de langue minoritaire avec cette question sur la langue maternelle, et cela veut dire qu'on sous-estime systématiquement le transfert linguistique parce que Statistique Canada, avec la question qu'on pose maintenant, ne peut pas déterminer ce qu'on appelle «la perte de la langue», ce qui veut dire que l'assimilation linguistique est tellement avancée qu'on a même perdu la capacité passive de comprendre sa langue maternelle.

C'est ce qui arrive à la minorité française de Windsor. C'est ce qui arrive en Saskatchewan. C'est ce qui arrive dans les régions du Canada où les minorités... Je parle maintenant des minorités de langues officielles et de la minorité de langue officielle française, particulièrement parce que la minorité de langue anglaise au Québec n'est pas menacée par un taux de francisation élevé, mais les minorités françaises à l'extérieur du Québec sont moribondes, à cause de l'assimilation.

Dans tous les recensements depuis 1941, on sous-estime systématiquement leur proportion, ce qui a des répercussions, je pense, auxquelles vous—votre comité en particulier—devriez réfléchir dans le contexte de ce qu'on appelle en français «les ayants droit». Je ne sais pas ce que cela veut dire en anglais. C'est un terme qui veut dire que vous avez le droit, selon la Charte canadienne des droits, de faire éduquer vos enfants dans la langue officielle minoritaire de votre province.

Statistique Canada sous-estime systématiquement les populations qui ont ce droit en demandant aux gens s'ils comprennent encore leur langue maternelle. Après tout, ce ne sont pas les parents qui vont à l'école; ce sont les enfants. Il y a de nombreux enfants unilingues anglais d'origine française à l'extérieur du Québec qui vont à l'école française parce que leurs parents sont de langue maternelle française, et ont par conséquent le droit d'exiger une éducation en français.

• 1610

Si on avait une meilleure estimation de la vraie langue maternelle de la population, particulièrement dans les régions où la minorité de langue maternelle française est le plus assimilée à l'anglais... c'est exactement dans ce secteur qu'il est le plus difficile d'obtenir des écoles de langue française.

Donc toute la genèse de l'affaire milite en faveur de la modification de la question sur la langue plutôt que celle sur la langue actuellement parlée à la maison, et dans un système à deux niveaux on pourrait peut-être, à la première question, demander quelle langue cette personne parlait le plus souvent à la maison dans son enfance. C'est ça, une langue maternelle, selon la définition qu'en donne les Nations Unies. Statistique Canada n'adhère pas à la définition de langue maternelle des Nations Unies. On ajoute une condition: il faut encore la comprendre.

Eh bien, on pourrait vérifier cela avec le deuxième niveau de la question. La comprenez-vous toujours, ou cette personne peut-elle encore la comprendre? Cela suffirait, et l'on aurait ainsi des données sur la population de langue maternelle en tant que telle et également des données sur les personnes qui ont perdu la capacité de la comprendre.

Ma dernière observation concerne l'illusion que le français, d'une manière quelconque, progresse au canada. Cette illusion...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Vous avez dit que le français progresse, est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Charles Castonguay: Oui. Cette illusion est entretenue par le fait qu'alors que le pourcentage de la population de langue maternelle française décline, le pourcentage de Canadiens bilingues augmente.

En fait, le directeur de la Division de la démographie de Statistique Canada vous a une fois de plus induits en erreur sur ce point. M. Lachapelle a dit, et je cite:

    il y a eu certes une augmentation du nombre et de la proportion de ce qu'on peut appeler les locuteurs de français, des personnes qui sont capables de parler le français, soit comme langue première, soit comme langue seconde.

C'est faux. En 1951, 32 p. 100 de la population canadienne se disait capable de parler le français, soit comme langue première ou comme langue seconde. En 1996, ce pourcentage était de 31 p. 100. Il n'y a eu aucun progrès. Cette donnée est restée essentiellement constante. S'il y a eu évolution, c'est à la baisse. Pour ce qui est des proportions, cette donnée est trompeuse. Pour ce qui est des nombres, bien sûr, le nombre de personnes capables de parler le français augmente encore parce que la population de langue maternelle française augmente encore. Les effets du baby-boom se font encore sentir, et les enfants sont encore en nombre suffisant pour assurer l'augmentation de la population pour encore quelques décennies, probablement.

Donc, c'est faux, mais c'est également faux dans un sens plus profond. Je ne vais pas chicaner pour 1 ou 2 p. 100. C'est faux dans le sens suivant: pour les gens qui ont le français comme langue seconde, ce degré de maîtrise, la qualité du français, l'importance de ce fait, ne peut pas se comparer avec le fait de parler le français comme langue première. Parler le français comme langue première est une chose; le parler comme langue seconde en est une autre.

Afin d'illustrer cette nécessité, ma dernière observation...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Vous parlez maintenant depuis 30 minutes. Il est peut-être temps de vous arrêter.

M. Charles Castonguay: Me permettez-vous une dernière observation?

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Oui.

M. Charles Castonguay: Je pense que ceci va vous intéresser énormément.

Statistique Canada a fait l'essai en 1988 d'une question plus précise sur la capacité de tenir une conversation en français ou en anglais. C'était la fameuse question sur les langues officielles dans le recensement du Canada, laquelle vous intéresse beaucoup. Les experts en sciences sociales disaient de cette question qu'elle n'était pas très importante. Est-ce que cette personne parle l'anglais ou le français assez bien pour tenir une conversation? Qu'est-ce que cela veut dire, tenir une conversation?

• 1615

Donc Statistique Canada a fait l'essai d'une nouvelle question dans son recensement national de 1988 où l'on a ajouté quelques mots pour préciser le niveau de compétence: Est-ce que cette personne peut parler l'anglais ou le français assez bien pour tenir une conversation d'une certaine durée sur des sujets divers? On avait ajouté ces mots: «d'une certaine durée sur des sujets divers».

En conséquence de l'adjonction de ces quelques quatre mots, le nombre d'anglophones à l'extérieur du Québec qui se disaient capables de tenir une conversation en français s'est retrouvé coupé de moitié. Il y avait la moitié moins de personnes qui se disaient bilingues en répondant au genre de question vague qu'on utilisait dans les recensements.

Je pense que c'est vraiment vous mener en bateau que de prétendre que, d'une manière quelconque, l'augmentation du français langue seconde compense la diminution du nombre de personnes qui ont le français comme langue maternelle principale ou comme langue principalement parlée à la maison. On ne peut pas comparer l'importance d'une langue qu'on parle comme langue première et l'importance d'une langue qu'on parle comme langue seconde, surtout lorsque l'on voit les résultats du recensement de 1988.

Merci. Pardonnez-moi si j'ai pris un peu plus de temps qu'il ne fallait.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup, monsieur Castonguay.

Monsieur Torczyner, allez-y.

M. Tim Torczyner (professeur, directeur, Consortium de formation sur la défense des droits humains de Montréal et Consortium de McGill pour l'ethnicité et la planification sociale stratégique): Merci. Je ne suis ni linguiste ni mathématicien. Je suis travailleur social, et j'en suis fier. On m'a demandé mon témoignage sur le recensement parce que, après tout, le travail social s'adresse aux êtres humains, tout comme le recensement.

Je dirige un institut à McGill, le Consortium de formation sur la défense des droits humains de Montréal et le Consortium de McGill pour l'ethnicité et la planification sociale stratégique. Nous combinons la démographie et l'analyse des groupes ethniques au Canada selon le recensement, le travail social et le droit. Au niveau du travail social, nous voulons savoir l'effet qu'ont les données du recensement sur les aspirations, les espoirs et les combats des divers groupes au Canada. Au niveau du droit, nous voulons savoir l'effet qu'ont les lois sur ces groupes ethniques, et inversement. Donc nous combinons les trois.

Je vous dirai d'emblée que le droit à la dignité, tel qu'il est garanti par la Charte, commence par le droit d'être compté, et d'être compté d'une manière exacte. Le droit d'être compris commence par le droit de savoir et le droit d'avoir accès aux informations publiques qui sont réunies sur les divers groupes. Le droit à l'égalité est fondé sur la capacité de comparer ou de comprendre des groupes particuliers à l'intérieur de l'ensemble de la société canadienne. Dans ce contexte, je crois qu'il est important de comprendre pourquoi le recensement est extrêmement important si l'on veut atteindre ces buts, et en particulier pourquoi les questions relatives à l'ethnicité et à la langue sont extrêmement importantes dans ce domaine aussi.

Nous avons soumis à votre comité de la documentation traitant de certaines études sur les Noirs et les Juifs au Canada. Ces études indiquent des cheminements différents. Elles font ressortir divers problèmes dans chaque communauté, tels qu'ils nous ont été révélés par le recensement.

Par exemple, si l'on veut comprendre pourquoi il y a tant de pauvreté infantile dans les communautés noires du Canada, il faut tout d'abord avoir une idée exacte du nombre de Noirs qu'il y a dans notre pays.

Au Québec, à l'heure actuelle, l'organisme officiel, soit le ministère chargé de l'immigration et des communautés culturelles pour tous les citoyens du Québec, publie des informations indiquant qu'il y a 60 000 Noirs dans la province. Selon nos données, il y en aurait 100 000. D'après les données rendues publiques récemment par Statistique Canada, qui sont fondées sur le recensement de 1996, il y en aurait 120 000. C'est deux fois plus que le nombre indiqué par les publications officielles du gouvernement du Québec. Pourquoi en est-il ainsi? En partie, c'est à cause de la complexité qu'il y a à comprendre le concept d'ethnicité et à le mesurer selon les termes du recensement.

• 1620

Les publications officielles du Québec se fondent sur une seule variable, à savoir à quel groupe ethnique on appartient. Beaucoup de Noirs n'indiquent pas qu'ils appartiennent au groupe ethnique qu'on appelle Noirs. Beaucoup indiquent qu'ils sont canadiens, beaucoup indiquent leur pays d'origine, et certains ne font même pas cela. Par exemple, un fort pourcentage de Haïtiens lors du dernier recensement ont dit appartenir à l'ethnie française, et un fort pourcentage de Jamaïquains ont dit appartenir à l'ethnie britannique.

Si l'on essaie de comprendre ces questions importantes comme celles de savoir ce qui constitue la société dont nous faisons partie, qui en fait partie et qui n'en fait pas partie, il faut d'abord établir des définitions qui nous permettront de compter les gens comme il faut.

Je pense que le recensement canadien vise à faire cela, et c'est une tâche très difficile. Je crois qu'il est de pratique courante de reprocher au recensement canadien ce qu'il ne fait pas, mais je pense qu'il est important de reconnaître qu'on le considère comme l'un des meilleurs recensements qui existe dans le monde aujourd'hui. C'est un recensement beaucoup plus accessible que le recensement américain et beaucoup plus détaillé. Sa fiabilité et son exactitude sont de loin supérieures à celles des autres recensements qui sont menés dans les autres pays où les gens ont le choix aujourd'hui, mais il pose des problèmes difficiles de mesure, des problèmes difficiles lorsqu'il s'agit de comprendre l'ethnicité selon les termes d'un recensement.

Prenons par exemple le cas de la communauté juive. Après le recensement de 1986, un collègue de l'Université York a fait paraître un article dans le Canadian Jewish News où il déplorait la disparition de la communauté juive au Canada. On y disait qu'en 1986, seulement 250 000 personnes au Canada avaient répondu dans le formulaire du recensement qu'elles appartenaient à l'ethnie juive. Par conséquent, étant donné qu'en 1981 ils étaient 300 000 à faire la même réponse, cette communauté était en voie d'assimilation. Pourtant, en 1991, tout à coup on se rend compte qu'ils sont 360 000, et non pas 250 000 ou 300 000. Que s'est-il produit?

Chaque groupe qui fait partie de la mosaïque canadienne s'identifie d'une manière unique. La communauté juive, en général, ne s'identifie pas comme groupe ethnique mais davantage comme groupe religieux. Il y a des variantes. Plus on va à l'ouest, plus l'on trouve de personnes de la communauté juive qui se donnent une identité ethnique. Plus on va vers l'Est, jusqu'à Montréal—mais pas plus loin—, plus les gens ont tendance à s'identifier sur le plan religieux.

Étant donné que les recensements de 1986 et de 1996 ne posaient pas la question de la religion mais seulement la question de l'ethnicité, le taux de réponse était plus faible. De la même manière, comme je l'ai dit, la façon dont l'on compte les Noirs dans les recensements est une question très difficile sur le plan contextuel qui explique également la disparité dans les données que l'on obtient, selon la définition que l'on utilise.

Il y a eu beaucoup de travail important dans la collecte de données. Mes réserves ne tiennent pas au fait que le recensement ne réunit pas d'information; c'est ce qu'il fait, et il le fait très bien. La question est de savoir dans quelle mesure le grand public peut avoir accès à ces informations. Il s'agit de savoir comment l'on emmagasine ces informations dans des ordinateurs et des programmes, de telle sorte que si les membres de votre comité ont besoin de connaître, par exemple, la composition linguistique des divers groupes ethniques de Montréal, ils auraient le compte exact des groupes ethniques et des langues parlées.

C'est vraiment là que se pose le problème. Le problème réside dans l'accès aux données ainsi que dans les questions posées. Si les données que l'on obtient d'une certaine manière permettent à quelqu'un de dire: «J'appartiens à tel ou tel groupe ethnique», en faisant un choix unique, ou «J'appartiens à tel ou tel groupe ethnique», en réponse à un choix multiple, parce qu'on a les deux concepts d'ethnicité unique et d'ethnicité multiple, les données que l'on réunit d'une certaine manière ne nous donnent pas réponse aux questions importantes que nous avons. Ça ne nous dit pas—à moi—ce qui est intéressant, quelles sont les diverses combinaisons de Canadiens qui sont également Juifs ou Polonais ou qui ont toutes ces combinaisons, ou qui parlent le français ou l'anglais. Pour le savoir, il faut mettre au point des méthodes d'analyse perfectionnées qui nous permettraient de réunir des données utiles.

• 1625

Les informations que nous avons remises au comité sont un exemple, tout d'abord, de la façon dont les informations tirées du recensement peuvent dire la position des groupes dans notre pays, comment ils se comparent à d'autres groupes, d'où ils viennent, et où ils vont. C'est important tant pour les groupes eux-mêmes que, je crois, pour le gouvernement.

Il est important de faire un usage utile des données tirées du recensement, tant pour les groupes que pour le gouvernement—et je dois dire qu'une bonne partie du mérite pour cette initiative revient à l'honorable Sheila Finestone qui, à l'époque où elle était ministre responsable du Patrimoine, a mis de l'avant des programmes qui permettaient d'analyser les données du recensement relativement à certains groupes, et ainsi ces groupes ont accès à ces données depuis. Ces groupes, au lieu de se plaindre de la discrimination ou du manque d'inclusion, pouvaient prendre connaissance des données et dire: «Voici comment nous nous comparons à d'autres groupes.»

Donc, par exemple, pour en revenir à la question de la pauvreté infantile, nous savons que la pauvreté infantile dans la communauté noire est quatre fois plus élevée qu'elle ne l'est dans la communauté canadienne en général.

L'analyse des données du recensement nous a ensuite permis de déterminer que la communauté noire présente un pourcentage disproportionnellement plus élevé de familles monoparentales. Et en passant au niveau suivant de l'analyse, nous avons compris qu'il y a 20 000 femmes noires en âge de se marier de plus que d'hommes noirs au Canada, et que ces femmes sont toutes des Antilles. Ce sont là les résultats de la politique d'immigration d'autrefois, qui facilitait l'entrée de femmes qui venaient travailler au Canada et non de leurs époux.

Si l'on veut examiner les données et comprendre la dynamique, par exemple, d'une communauté qui n'a pas un pourcentage élevé d'aînés dans ce pays, et qui a un pourcentage élevé de familles monoparentales qui se débattent sous le seuil de pauvreté, il n'y a que les données qui permettent de comprendre cela. Ce sont les données qui permettent au gouvernement et aux gens de collaborer en vue de planifier une réalité différente, de planifier le genre de programmes qui vont changer les choses.

Il y a bien des années, lorsque j'ai lancé le projet Genèse à Montréal—et l'honorable Sheila Finestone était à l'époque l'agent de la Fédération à Montréal qui a facilité le lancement de ce programme—, j'ai fait une étude, à partir du recensement, sur la pauvreté dans la communauté juive du Canada, particulièrement à Montréal, et j'ai découvert qu'un Juif sur cinq à Montréal vivait sous le seuil de pauvreté—soit le même pourcentage que le reste de la ville à l'époque.

Que retenir de tout cela? Eh bien, cela nous encourage à bâtir une société ensemble. Si l'on prend connaissance des données et que l'on dit: «Nous sommes peut-être différents, nos communautés sont peut-être différentes, nous sommes peut-être d'horizons différents, nous avons peut-être des caractéristiques différentes, mais nous partageons les mêmes préoccupations et nous avons un but commun», je crois alors que le recensement doit jouer un rôle très important si l'on veut réunir des informations et faciliter la planification pour ces groupes qui vivent dans la société et pour ces personnes comme vous qui élaborez des politiques pour cette société.

On m'a demandé d'être bref parce que vous devez aller voter, donc c'est essentiellement ce que j'avais à dire.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup, professeur Torczyner et professeur Castonguay.

Nous allons passer aux questions. Je tiens à vous rappeler, pour la période de questions, que sept minutes seront allouées pour le premier tour—Parti réformiste, Bloc québécois, Parti libéral, Parti progressiste conservateur et Nouveau Parti démocratique, et au second tour, cinq minutes seront allouées en alternance.

• 1630

Étant donné qu'un vote important doit avoir lieu bientôt, nous allons entreprendre le premier tour, et nous verrons de là comment s'orientera le débat. Cependant, mesdames et messieurs, je crois que si l'on veut être juste, il convient de s'entendre sur le fait que les expressions «transfert linguistique» ou «assimilation linguistique» veulent toutes deux dire la même chose.

Je tiens à dire pour les besoins du procès-verbal—voyez la page 8 du bulletin de Statistique Canada—où vous, professeur Castonguay, avez pris des données pour indiquer que vous n'êtes pas d'accord avec le statisticien en chef du Canada, et vous mettez en question ces statistiques, je crois qu'il s'agit des données de M. Ivan Fellegi, et il convient pour tous ceux qui vont lire le procès-verbal de retenir les éléments suivants.

Tout d'abord, page 6, l'analyse dit qu'en 1996, 19,3 millions de personnes au Canada parlaient l'anglais le plus souvent à la maison, soit une augmentation de 4,6 p. 100 depuis 1991. Cette proportion de la population a légèrement diminué au cours des cinq dernières années, quoiqu'elle ait augmenté de 67 à 68 p. 100 depuis 1971.

De la même façon, le nombre de personnes qui parlent le français à la maison au Canada a augmenté de 2,5 p. 100, soit 6,4 millions en 1996. Cependant, la part relative du français comme langue parlée au pays a diminué dans l'ensemble de 26 p. 100 qu'elle était en 1971 à 23 p. 100 en 1996. De 1991 à 1996, cette proportion a diminué dans toutes les provinces sauf la Colombie- Britannique et Terre-Neuve, où elle est restée stable à un très bas niveau.

Au Québec, presque 5,8 millions de personnes parlaient le français à la maison en 1996, soit une augmentation de 3,2 p. 100 par rapport à 1991. Les parlant-français comptaient pour 82,8 p. 100 de la population de la province, soit une légère diminution par rapport à 1991, où cette proportion était de 83 p. 100, mais il s'agit d'une augmentation car cette proportion était de 80 p. 100 en 1971.

Environ 762 000 personnes parlaient l'anglais à la maison au Québec en 1996. Cette donnée n'a pas changé depuis 1991. Ces personnes formaient 11 p. 100 de la population en 1996, soit une diminution par rapport à 1971, où la proportion était de 15 p. 100.

À l'extérieur du Québec, le nombre de personnes parlant le français à la maison a baissé de 637 000 qu'il était en 1991 à 619 000 en 1996. Ces personnes comptent pour 3 p. 100 de la population.

Au Québec, les transferts linguistiques étaient davantage favorables au français que par le passé—et je vous renvoie à la page 7 où l'on voit des augmentations importantes dans l'utilisation du français au Québec.

Dernière observation, le bilinguisme anglais-français a gagné du terrain au Canada au cours des cinq dernières années. On y trouve des statistiques très importantes étant donné le fait qu'en 1996, 17 p. 100 de la population, ou 4,8 millions d'habitants, pouvaient parler les deux langues officielles, comparativement à un peu plus de 16 p. 100, ou 4,4 millions, en 1991, et 13 p. 100, ou 2,9 millions, en 1971.

Le Québec était encore la province où le taux de bilinguisme était le plus élevé. Entre 1971 et 1996, la proportion de personnes bilingues au Québec est passée de 28 p. 100 à 38 p. 100. Au deuxième rang venait le Nouveau-Brunswick, où 33 p. 100 de la population était bilingue en 1996, en comparaison de 22 p. 100 en 1971.

En Ontario, qui venait au troisième rang, le pourcentage de la population qui était bilingue est passé en 25 ans de 9 p. 100 à 12 p. 100.

En général, c'est dans les grandes villes du Québec que l'on trouve les pourcentages les plus élevés de personnes bilingues. La moitié de la population de Montréal était bilingue; à Ottawa-Hull, c'était 44 p. 100 et à Sudbury, 40 p. 100.

Je pense qu'il est important de rappeler que les statisticiens disent qu'il y a deux raisons, et non pas une seule, qui expliquent le changement dans le nombre de personnes qui parlent une langue et l'incidence nette de la langue maternelle. Dans les deux cas, il faut tenir compte de l'immigration au Canada depuis 20 ans; je pense que vous avez oublié d'en tenir compte dans vos calculs et il me semble que c'est un facteur assez important.

• 1635

Je vous remercie beaucoup, tous les deux, pour vos exposés.

Nous allons maintenant passer aux questions et je donne la parole à Val Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je semble appréhender de façon différente la réalité de notre pays. C'est peut-être parce que je viens de la côte Ouest du Canada. J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que l'on n'entend personne se plaindre de la baisse de la population anglophone.

C'est évident que vous n'habitez pas à Richmond ou à Vancouver, en Colombie-Britannique. Là-bas, on s'inquiète de la baisse de la population anglophone à cause de l'immigration en provenance d'Asie.

Je sais que ce n'est pas une langue officielle, mais à Ottawa, dans les milieux gouvernementaux, on semble ne pas vouloir reconnaître qu'il y a une autre langue en pleine croissance au Canada. Ce n'est ni l'anglais ni le français et je pense que nos statistiques devraient peut-être commencer à refléter le fait que cette autre langue commence à prendre beaucoup de place.

Je conteste votre critique de l'utilisation du terme «canadien». Je sais que cela n'a pas l'heur de plaire aux démographes et peut-être aux travailleurs sociaux, mais la réalité, dans l'ouest du Canada, c'est qu'il y a des enfants qui sont de la cinquième, sixième ou septième génération et dont l'ethnicité est tellement diverse et compliquée parce qu'à chaque génération, deux conjoints ayant chacun une origine pluriethnique différente se marient et leurs enfants épousent à leur tour des conjoints qui ont eux-mêmes une origine pluriethnique. Alors, quand un enfant a peut-être six ou sept origines ethniques différentes étalées sur trois ou quatre générations, que choisit cette personne quand on lui demande quelle est son origine ethnique? Quand on a un enfant—j'en connais plusieurs—qui parlent trois ou quatre langues à l'âge d'un an à cause de l'origine pluriethnique des parents, quelle est sa langue maternelle? Quand un enfant parle couramment trois ou quatre langues, quelle est sa langue maternelle?

Je pense que telle est la réalité, tout au moins dans l'ouest du Canada. Je ne saurais dire ce qu'il en est dans l'est du Canada parce que je ne connais pas la situation.

Vous demandez aux jeunes Canadiens de choisir. Je vous dis que la réalité, c'est qu'ils sont Canadiens. Quand on a un tel bagage pluriethnique depuis trois, quatre, cinq ou même six générations, on est Canadien. Si quelqu'un peut se dire français, italien ou grec, pourquoi un Canadien ne pourrait-il pas se dire canadien, si tel est son bagage et son origine?

Je conteste donc vos affirmations. Peut-être que cela ne fait pas l'affaire des démographes, des mathématiciens ou des travailleurs sociaux qui essaient de définir ce qui se passe dans notre pays. Je vous invite à considérer qu'il est peut-être temps que le Canada accepte tout simplement ce qui se passe dans notre pays et arrête d'essayer de classer les gens en diverses catégories.

Monsieur Torczyner, vous avez fait une comparaison entre la communauté noire et la communauté canadienne. Vous semblez supposer que la communauté noire est homogène; les gens supposent que la communauté chinoise est homogène. On suppose même que les Autochtones, les premiers Canadiens, sont homogènes. Ils ne le sont pas.

Quand on commence à lancer des statistiques et à ranger les gens dans des catégories, on oublie que nous ne sommes pas du tout homogènes. Supposons que vous demandiez aux gens de se classer d'après la couleur. Je dis que je suis Blanc et un Canadien noir se déclare Noir. Cela veut-il dire qu'ils sont homogènes, que je fais partie d'un groupe homogène formé de toutes les personnes blanches qui sont dans cette salle? Non.

Je pense donc que toute cette catégorisation donne autant de mauvais renseignements que ceux que vous attribuez à d'autres raisons. Je conteste donc votre critique de la façon dont nous posons les questions et je pense que le moment est peut-être venu de permettre aux Canadiens de se percevoir comme un groupe ethnique.

J'ai quelques réserves au sujet des observations que l'on a faites sur l'assimilation. Vous avez laissé entendre que c'est un phénomène que l'on peut stopper. Monsieur Castonguay, j'en doute. J'examine les politiques gouvernementales—la commission B.B., la Loi sur les langues officielles et la nouvelle législation dans la province de Québec—qui visent à lutter contre le déclin de la langue française au Canada, et vous me dites que tous ces efforts gouvernementaux déployés depuis plus de 30 ans n'ont pas donné de résultats. En fait, la situation est même pire.

• 1640

Je vous pose donc la question: si tel est le cas, que peut-on y faire? Si vous êtes préoccupé de ce que la langue française soit en déclin, en dépit de tous les programmes et efforts déployés par les gouvernements sur plus de 30 ans, en particulier dans la province de Québec, que peut-on y faire?

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Il nous reste quelques minutes. Mesdames et messieurs, je pense que la seule façon de procéder est la suivante. À cause des contraintes de temps, comme Val a commencé en prenant sept minutes et demie—elle a seulement droit à sept minutes en comptant les réponses et il faut donc être équitable—, nous allons vous donner à chacun de trois minutes et demie à sept minutes. Vous aurez donc sept minutes en tout à vous deux et le même traitement sera appliqué à chacun des députés autour de la table, pourvu qu'ils n'aient pas plus ou moins de questions.

Monsieur Castonguay ou monsieur Torczyner, qui veut répondre en premier?

M. Tim Torczyner: Premièrement, je suis en accord avec la plus grande partie de ce que vous avez dit; par conséquent, je ne considère pas que ce sont des critiques. L'étude que nous vous avons fait parvenir s'intitule «La Dynamique des communautés noires au Canada». Le nom du projet était le Projet démographique des communautés noires canadiennes. C'est précisément l'argument. Le recensement nous permet de voir la diversité de ces communautés. Elles ne sont pas uniformes. C'est précisément parce que le recensement peut nous donner cette information que c'est important. Voilà pour cette réponse.

De même, voyez ce que nous pouvons tirer du recensement au sujet de la communauté juive. Nous avons été en mesure d'établir un profil des survivants de l'holocauste ou des Juifs venus des pays du Moyen-Orient. Il y a toute une communauté très diversifiée où les gens se disent Canadiens-ceci ou Canadiens-cela, Juifs-ceci ou Juifs-cela, etc. Le recensement est donc un outil qui nous permet d'étudier cet aspect.

Je reconnais que le canadianisme perçu comme une ethnie prête le flanc à la critique. Il y a peut-être matière à s'interroger sur le plan conceptuel quant au sens de tout cela. Mais les mêmes questions conceptuelles s'appliqueraient à tout autre groupe. Le problème surgit quand quelqu'un répond «Canadien» à une question sur l'origine ethnique lors du recensement pour des raisons politiques, au lieu d'y voir un outil pour essayer de mieux nous comprendre. Autrement dit, si les gens disent qu'ils sont «Canadiens» parce qu'ils n'aiment pas se dire néo-Canadiens-ceci ou cela, je déplore une telle situation. Je pense que le ceci ou le cela décrit bien ce que nous sommes, dans toute sa richesse.

Vous dites que des gens vivent ici—c'est particulièrement vrai sur la côte Ouest, et avant de déménager ici, j'habitais à Berkeley, ce qui est un peu plus au sud, mais enfin—depuis de nombreuses générations et que leur ascendance est telle que le terme Canadien convient bien pour les décrire. Peut-être que c'est le cas. Mais je pense qu'il est également intéressant d'en savoir plus long sur leurs ancêtres et le recensement nous permet de le savoir. Le problème—et j'en reviens à ce que je disais tout à l'heure—c'est que le recensement ne nous permet pas de récupérer ces données. Le recensement nous donne deux choix: faites-vous partie d'un groupe ethnique? Faut-il en choisir un ou plusieurs? Cela ne nous permet pas d'aller chercher les données—et c'est là que vous voulez en venir, et nous aussi—nous permettant d'étudier la texture de notre pays dans toute sa richesse, les groupes et les sous-groupes que l'on y trouve, à l'aide de données que l'on a des raisons utiles de vouloir obtenir.

M. Charles Castonguay: Je ne sais pas si la population anglophone est en déclin à Vancouver ou dans la banlieue de Vancouver. Si vous parlez de déclin en pourcentage, c'est très possible, mais moi je parlais d'un déclin en nombre absolu de la population francophone du Canada, déclin qui est imminent.

Personne, à ma connaissance, n'envisage un déclin de la population anglophone en nombre absolu. À Vancouver, à New Richmond ou partout ailleurs dans l'Ouest, leur nombre augmente. Quant aux Chinois et à leurs enfants, beaucoup d'entre eux auront l'anglais comme langue maternelle. Ils iront à l'école en anglais. Ils épouseront des anglophones. La nature suivra son cours. Ne vous inquiétez pas de cela.

Quant à l'origine ethnique, je pense que votre réponse était tout à fait pertinente. Aux États-Unis, on n'encourage pas l'utilisation du terme «Américain» pour décrire l'origine ethnique. Ce pays est censé être un creuset, encore plus que le Canada, et pourtant le bureau du recensement des États-Unis fait tout ce qu'il peut pour éviter que les gens se déclarent Américains.

• 1645

Par exemple, parmi les réponses possibles à la question sur l'origine dans le recensement des États-Unis, au lieu d'écrire «American African», on a écrit «Am. African»—je cite un article du Citizen du 20 février, sauf erreur—afin que les gens n'aient pas sous les yeux le mot «Américain», ce qui pourrait les inciter à répondre «Américain».

Apparemment, 5 p. 100 des citoyens américains se déclarent néanmoins Américains. Malheureusement, ce n'est pas très utile pour ceux qui veulent étudier dans toute sa richesse la mosaïque de la population américaine. On peut en dire autant pour la population canadienne.

Je ne pense pas que cela nous apprend quoi que ce soit. «Canadien», c'est une citoyenneté, c'est une nationalité. Cela figure sur votre passeport et on précise bien dans la brochure qui accompagne le questionnaire du recensement: «Ne pas confondre l'origine avec la citoyenneté ou la nationalité».

Il n'y a aucun doute que Statistique Canada brouille les cartes en acceptant que l'on réponde «Canadien». C'est une contradiction flagrante et cela nous fait perdre des données. Nous perdons des renseignements intéressants sur l'origine de la population canadienne.

Auparavant, la question portait sur le premier ancêtre venu sur notre continent et je pense que cela donnait une assez bonne idée. Aujourd'hui, nous avons trois questions sur les populations autochtones du Canada et nous sommes donc assez bien servis de ce point de vue, mais peut-être devrions-nous réintégrer cet aspect dans le questionnaire du recensement.

Quant à savoir comment stopper l'assimilation, la francisation gagne du terrain parmi les immigrants récents dans l'agglomération de Montréal, depuis le milieu des années 70. Parmi les allophones qui adoptent l'anglais ou le français, parmi ceux qui sont arrivés depuis le milieu des années 70, 70 p. 100 optent pour le français contre 30 p. 100 pour l'anglais. Il y a eu un changement marqué de l'allégeance linguistique, probablement attribuable à la politique de la province de Québec en matière de langue, à la politique de l'immigration et aux procédures de sélection des immigrants, etc.

Il est donc possible de provoquer un changement. Je ne pense pas qu'il soit possible d'en faire autant pour les minorités francophones hors Québec, du moins tant que nous ne reconnaîtrons pas que le Canada est non seulement bilingue, mais fondamentalement biculturel et binational, comme le voulait l'orientation de la commission B.B., laquelle a été malheureusement détournée de son but, et je pense que c'est l'une des grandes questions qui se posent pour ce qui est de changer les règles du jeu. Je ne pense pas que la Loi sur les langues officielles ait suffisamment changé les règles du jeu à l'extérieur du Québec pour faire la différence et la preuve nous en est donnée par les chiffres.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): J'ai quelques courtes questions. Premièrement, Mme la présidente a lu un texte après vos deux discours. J'aimerais entendre votre réaction, monsieur Castonguay. Est-ce que cela contredit ou complète ce que vous avez dit?

Deuxièmement, lorsque j'ai posé une question à M. Lachapelle concernant ce fameux changement qu'a apporté Statistique Canada à la question où on parlait d'origine canadienne, il avait dit que le Canada était en retard et qu'en Europe et dans d'autres pays, on posait la question de cette façon depuis 15 ans.

Vous venez de me dire qu'à ce que vous sachiez, c'est loin d'être le cas aux États-Unis. Alors, je me rends compte que M. Lachapelle n'a pas répondu à ma question dans un contexte nord-américain. J'aimerais que vous me précisiez si vous connaissez les questionnaires qu'on utilise dans les pays de l'Europe.

Deuxièmement, vous avez fait appel aux Nations unies dans votre discours. J'aimerais que vous élaboriez sur ce point-là.

Finalement, j'aimerais que vous nous suggériez quelles seraient les questions les plus correctes pour nous permettre de faire une analyse objective de la situation des francophones, des anglophones et des autres minorités en ce qui regarde la fameuse langue maternelle ou la langue parlée à la maison. Précisément, quelle question devrait-on poser?

• 1650

Quant à l'autre, il semble qu'il faudrait retirer le mot «canadienne» de l'ensemble des origines possibles dans le questionnaire. J'attends votre commentaire.

M. Charles Castonguay: Comme Mme Finestone le mentionnait, le pourcentage de personnes bilingues au Canada, c'est une chose. J'ai assisté à la conférence de presse tenue à 8 h 30 où les statistiques dont vous avez parlé ont été diffusées.

J'ai posé deux questions après l'exposé. J'ai demandé au conférencier combien de Canadiens savent parler français au Canada et combien de Canadiens savent parler anglais. Je n'ai reçu aucune réponse, ni à l'une ni à l'autre des questions.

Comme je le mentionne dans mon texte, pour la première fois dans l'histoire des recensements canadiens, nous voyons une baisse dans le nombre absolu d'unilingues francophones au Canada. L'unilingue francophone se trouve essentiellement au Québec et au Nouveau-Brunswick, dans la péninsule acadienne ou Madawaska, dans le Québec profond, la région de Québec, les Bois-Francs, la Beauce, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, la Mauricie, etc. Au cours des cinq années qui se sont écoulées entre 1991 et 1996, on a noté une baisse de quelque 30 000 unilingues français. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est la première fois que cela se voit, et je suis convaincu que cette tendance va se poursuivre. Les francophones deviennent de plus en plus bilingues, à la fois au Québec et à l'extérieur du Québec.

Pour ce qui est de l'unilinguisme anglais, j'ai indiqué la statistique dans mon texte. Depuis 1951, à tous les cinq ans, on note une augmentation moyenne de un million d'unilingues anglais au Canada.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Si cela arrive, quelle sera la population du Canada?

M. Charles Castonguay: Je vous assure que la population anglophone du Canada s'est accrue énormément depuis la Deuxième Guerre mondiale. Les unilingues anglais, évidemment, ne sont pas uniquement des anglophones. Comme vous l'avez mentionné, ils englobent les allophones immigrants qui adoptent l'anglais comme langue d'usage à la maison ou pas, préférant conserver leur langue maternelle, mais qui apprennent l'anglais mais non le français.

Pour évaluer le nombre de personnes qui savent parler français au Canada, il faut regarder les personnes bilingues, parlant l'anglais et le français, et les additionner aux unilingues français. On obtient ainsi le nombre de personnes au Canada qui sont capables de parler français. Ce pourcentage est passé de 32 à 31 p. 100 de 1951 à 1996. Pour obtenir le nombre de personnes capables de parler anglais, on additionne les bilingues à ceux qui ne parlent que l'anglais. Ainsi, on constate que 79 p. 100 de la population canadienne était capable de parler anglais en 1951, tandis que 84 p. 100 l'était en 1996. Il y a donc eu une progression dans le pourcentage de Canadiens sachant parler anglais, tandis qu'il y a eu un recul léger dans le pourcentage de la population canadienne sachant parler français.

Je ne m'étonne pas qu'en lisant ce que vous avez lu, c'est-à-dire les grandes lignes de la conférence de presse à laquelle j'ai assisté, vous n'ayez pas vu la poudre aux yeux qu'on nous jette à Statistique Canada au niveau des statistiques sur le bilinguisme. Si on veut voir comment évoluent en parallèle la langue française et la langue anglaise au Canada, il faut aussi regarder les unilingues, ceux qui ne connaissent que le français ou que l'anglais. Là vous voyez quelque chose de nouveau. Il est assez étonnant que le conférencier lui-même n'ait pas été capable de répondre à une question aussi simple au moment de la diffusion de ces données.

Je parle aussi des immigrants. Quand je parle de 2,2 millions de Canadiens dont la langue maternelle n'était pas l'anglais et qui sont devenus anglophones ou qui utilisent principalement l'anglais à la maison, j'englobe bien sûr un très grand nombre d'allophones immigrants. Il y aussi des francophones, mais ce sont en majorité des allophones, lesquels sont en majorité des immigrants. Cela répond à la première question.

• 1655

Votre deuxième question portait sur les pays d'Europe et j'essaie de penser à des pays officiellement bilingues. Par exemple, en Belgique, on ne pose pas de questions sur la langue et sur les origines ethniques et on n'a pas de politique sur le multiculturalisme. C'est très rare qu'on pose de telles questions à ce que je sache. En France non plus, on ne pose pas de questions sur l'origine. En France, tout le monde est Français; c'est le jacobinisme, le modèle républicain. On veut niveler les différences et faire semblant que tout le monde est égal. On évoque l'égalité, la fraternité et tout le reste. C'est presque anticonstitutionnel que de décrire la France comme une mosaïque de peuples, alors que ça l'est.

Il est très intéressant d'analyser la France du point de vue de sa population immigrante, ou même autochtone, alsacienne, bretonne, corse, etc. Il y a toutes sortes de communautés régionales en France.

Aux Nations unies, le concept de langue maternelle se définit—je m'exprimerai en anglais parce que les mots me viennent plus facilement à l'esprit—de la façon suivante.

[Traduction]

C'est essentiellement la première langue apprise dans l'enfance,

[Français]

ou la première langue de la petite enfance. À mon avis, la façon la plus transparente de formuler la question serait de demander quelle langue la personne parlait le plus souvent à la maison dans son enfance ou quelle était sa principale langue. En d'autres mots, on prend la question actuelle sur la langue d'usage à la maison et on la met dans le contexte du foyer d'origine de la petite enfance, et on obtient une excellente formulation d'une question sur la langue maternelle véritable.

Est-ce que j'ai su répondre à toutes vos questions?

M. Louis Plamondon: On a traité de l'aspect des États-Unis et des Nations unies. Vous venez de répondre à ma question sur la formulation de la question sur la langue d'usage à la maison.

M. Charles Castonguay: M. Lachapelle a déjà proposé dans un écrit antérieur la formulation que je viens de mentionner: quelle est la langue que cette personne parlait le plus souvent à la maison dans son enfance? Ça vise un comportement principal. Voilà. Je pourrais vous trouver la référence.

M. Louis Plamondon: Lorsque le commissaire Goldbloom est venu, il a dit que la tendance à la légère diminution des membres de la communauté francophone pouvait n'être que temporaire. Il en faisait état à la page 16 de son rapport. D'après ce que vous venez de dire, c'est tout à fait erroné.

M. Charles Castonguay: Les statistiques sont là. J'ai souligné dans le premier tableau...

M. Louis Plamondon: À cause de la pyramide d'âge.

M. Charles Castonguay: Oui. Le déficit entre les générations est de l'ordre de 42 p. 100 pour l'ensemble des francophones à l'extérieur du Québec: si on prend un écart de 25 ans, par exemple un bloc de 0 à 9 ans, et qu'on le compare à celui des 25 à 34 ans, on constate qu'il y a 42 p. 100 d'enfants de moins que de jeunes adultes.

Si on regardait ce déficit province par province, on constaterait qu'au Nouveau-Brunswick, il n'est que de 28 p. 100, tandis qu'en Colombie-Britannique, il est de 72 p. 100: il y a un enfant pour 4 jeunes adultes. Au point de vue démographique, il n'y a aucun avenir pour la minorité francophone du Nouveau-Brunswick face à ce genre de ...

M. Louis Plamondon: De la Colombie-Britannique?

M. Charles Castonguay: Oui, de la Colombie-Britannique. Je me suis trompé peut-être?

M. Louis Plamondon: Oui, vous aviez dit du Nouveau-Brunswick.

M. Charles Castonguay: Au Nouveau-Brunswick, il y a aussi des problèmes. Le taux de reproduction linguistique de l'anglais y est de 90 p. 100. Ce n'est pas mal, neuf enfants pour dix adultes; on réussit presque à maintenir le même pourcentage, bien qu'on soit sous-fécond, tout comme les Acadiens d'aujourd'hui qui ne sont pas suffisamment féconds. Il faut un couple pour faire des enfants. Les anglophones du Nouveau-Brunswick sont aux prises avec le même problème de sous-fécondité, mais ils le compensent presque parfaitement par l'anglicisation d'un certain nombre d'Acadiens et d'un certain nombre d'allophones.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci. C'est au tour des libéraux.

• 1700

Tout dépend de quelle partie du Canada vous venez.

[Traduction]

Que l'un de vous deux prenne la parole, soit le libéral, soit le libéral du Québec.

[Français]

C'est du pareil au même, n'est-ce pas?

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Tout d'abord, les chiffres et les statistiques m'ont rappelé trois emplois que j'ai eus lorsque j'étais étudiant.

Lors de mon premier emploi, je compilais des statistiques à l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale. On demandait certaines des questions à tous les pays: combien d'avions ils avaient, combien de moteurs, etc. Vous auriez dû voir les réponses diversifiées qu'on obtenait de l'ensemble des pays à une question aussi simple que celle-là. Je voulais tout juste faire une petite entrée en matière sur les statistiques.

Comme deuxième emploi, lorsque j'étais étudiant, j'ai travaillé aux Douanes. J'y travaillais déjà depuis deux semaines lorsqu'on m'a dit qu'il fallait compiler des statistiques. Je leur ai dit que rien n'avait été compilé pendant deux semaines, et on m'a dit que ce n'était pas grave et qu'on allait reprendre les deux semaines. On m'a dit de m'asseoir dans le coin et de dire combien d'automobiles j'avais vu passer depuis deux semaines, combien de passagers y prenaient place et l'âge des passagers. C'était juste pour vous indiquer rapidement qu'il y a diverses façons de compiler des statistiques.

À mon troisième emploi d'été, j'avais été engagé par Ressources humaines Canada et je devais compiler des statistiques sur la création d'emplois pour étudiants durant l'été. Un emploi d'étudiant créé pour l'été pouvait aussi bien être celui d'une gardienne qui travaillait trois heures un soir ou un emploi qui durait 10 semaines. À la fin de l'été, on disait qu'on avait créé 212 emplois. C'était il y a plusieurs années. Je vous donne ces trois exemples pour qu'on puisse remettre dans une certaine perspective ce qu'on peut appeler les statistiques.

Par contre, les statistiques peuvent nous donner un genre d'indication et nous faire réfléchir. Si le professeur Castonguay a raison et qu'on interprète les statistiques de la même façon qu'il le fait, il faut être à l'affût. En entendant ses propos, je me dis qu'il faut peut-être faire plus que ce que nous avons fait jusqu'ici, en dépit des efforts que le gouvernement a faits depuis plusieurs années, que ce soit Radio-Canada qui est en français d'un bout à l'autre du pays, ses programmes de patrimoine, son aide à l'ensemble des groupes francophones—et j'en ai rencontré dans diverses provinces, en Colombie-Britannique et ailleurs—ou notre politique de bilinguisme au sein du gouvernement fédéral.

Comme première question, si vous étiez au gouvernement du Canada, professeur Castonguay, que feriez-vous de plus que ce que nous faisons déjà, tout en tenant compte du fait qu'il est très important de ne pas laisser nos francophones hors Québec dans l'isolement? Je fais allusion à l'intérieur du Canada.

Ma deuxième question porte sur la partie intitulée «Le supposé progrès du français au Canada» à l'avant-dernière page de votre mémoire. J'aimerais revenir aux chiffres que vous mentionniez plus tôt. On lit dans votre mémoire:

    Ce phénomène s'explique du fait que si la proportion des personnes bilingues anglais-français a augmenté, la proportion des unilingues français a diminué au même rythme. De fait, le groupe des unilingues français au Canada a diminué de 30 000 personnes entre 1991 et 1996. Il s'agit là d'une première historique, et cela signale sans doute le début d'une tendance à la baisse.

Je dois vous dire que je suis très heureux de constater que la proportion des personnes bilingues anglais-français a augmenté au pays. Plus il y a de personnes bilingues, mieux c'est. Lorsque je suis arrivé, il y a trois ans, comme nouveau député à Ottawa, j'ai été frappé par le nombre de mes collègues députés francophones provenant de l'extérieur du Québec. On ne le souligne peut-être pas assez souvent, mais je pense que c'est un facteur important.

• 1705

Pour ma part, je pense que s'attarder aux francophones de souche... Je pense que celui qui est francophone ou francophile par goût, pour son travail ou par nécessité, qui a choisi de le devenir, est aussi important que le francophone de souche.

Je suis l'initiateur d'un projet d'échange d'étudiants au cours de l'été qui s'en vient. Un des buts de cet échange est d'amener dans des familles francophones des étudiants d'autres provinces qui ne parlent qu'anglais et d'amener dans des familles anglophones d'ailleurs au Canada des étudiants francophones du Québec. Si on arrive à augmenter la proportion des personnes capables de parler les deux langues, on aide le fait français dans ce pays-ci. Je pense que c'est non seulement utile mais essentiel dans notre pays.

Je m'arrête ici. J'attends vos commentaires.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): C'est le bon moment.

Des voix: Ah, ah!

M. Denis Paradis: C'est le bon moment! C'est le bon moment d'arrêter. J'aimerais avoir vos commentaires, d'abord à propos de la question que je vous posais, à propos de ce qu'il faudrait faire de plus. J'aimerais aussi entendre vos commentaires relatifs au dernier paragraphe de votre texte, «Le supposé progrès du français au Canada».

M. Charles Castonguay: Si j'étais au gouvernement canadien, je commencerais par informer les Canadiens de la situation linguistique réelle au pays. Je cesserais de les désinformer, parce que je ne pense pas qu'on bâtit quelque chose de durable sur des illusions ou sur des—et là je vais parler dans ma langue maternelle pour ne pas me tromper—misleading statements and so on.

Je regrette de constater qu'en haut lieu, qu'il s'agisse de Statistique Canada ou du Commissariat aux langues officielles, on nous jette systématiquement de la poudre aux yeux en matière d'information linguistique, et cela de plus en plus. C'est devenu vraiment bouleversant. Sur le plan scientifique, sur le plan éthique, je vis un grand problème dans mon pays.

M. Denis Paradis: Monsieur Castonguay, je vais répéter ma question: que feriez-vous concrètement?

M. Charles Castonguay: Informer, c'est quelque chose de très concret.

Une voix: Informez-nous de la vérité.

M. Denis Paradis: Oui, et c'est ce que vous essayez de faire aujourd'hui à votre façon.

M. Charles Castonguay: S'il y avait de l'information, je pense que les Canadiens anglais comprendraient

[Traduction]

Que veut le Canada français? Le Canada français veut survivre, s'épanouir, cesser de s'inquiéter au sujet de l'assimilation. Il s'en inquiète depuis deux siècles.

[Français]

Excusez-moi. Ça fait deux siècles qu'on appréhende constamment la disparition, etc. Il faudrait absolument soulager le Canada français de cette appréhension.

Pour le faire, je pense qu'il faudrait retourner à l'esprit de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme. Le mandat que Lester B. Pearson avait donné aux commissaires était de faire des recommandations pour que le Canada se développe

[Traduction]

sur la base d'un partenariat à égalité entre les deux peuples fondateurs.

[Français]

Il y a là la reconnaissance explicite de deux peuples fondateurs, on ne peut plus explicite, signée par le Conseil privé et le premier ministre du Canada. Ils étaient sur la bonne voie, à mon avis, à ce moment-là. Depuis, on a bifurqué ou même multifurqué, devrais-je dire. On s'est aventuré dans le multiculturalisme. Plus question de binationalisme. Un seul peuple, une seule nation, etc. C'est de l'uninationalisme qu'on fait vraiment la promotion, et de façon systématique. Je crois que c'est faire fausse route et qu'il faudrait retourner à cet esprit de compréhension, de recherche des faits, car il y a eu d'excellentes recherches qui ont été faites pour la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme.

Nous leur devons que la question sur la langue d'usage à la maison soit posée depuis 1971. On avait aussi recommandé de poser une question sur la langue parlée au travail par les Canadiens. On l'attend toujours. On pourrait faire des recherches très enrichissantes pour notre compréhension de la situation linguistique à Montréal, par exemple, et dans la région d'Ottawa-Hull, qui est un autre bon exemple.

• 1710

M. Denis Paradis: Professeur Castonguay, avec votre permission, je vous rappellerai ma question. Qu'est-ce qu'il faut faire de plus...

M. Charles Castonguay: Votre question portait sur la politique.

M. Denis Paradis: Vous venez de me répondre là-dessus.

M. Charles Castonguay: Je pense que...

M. Louis Plamondon: Pardon? Pardon? Madame la présidente...

M. Denis Paradis: Il est en train de le dire.

M. Louis Plamondon: D'accord. Je préfère cela.

M. Charles Castonguay: J'ai publié un texte en 1979 dans Canadian Public Policy qui s'intitulait

[Traduction]

«Pourquoi cacher les faits: l'approche fédéraliste à la crise de la langue au Canada».

[Français]

Je pourrais l'écrire de nouveau aujourd'hui avec infiniment plus d'exemples et d'illustrations de

[Traduction]

cacher les faits et de l'approche fédéraliste

[Français]

qui fait fausse route. À mon avis, comme je le concluais dans ce texte, il faudrait emprunter aux pays binationaux, bilingues ou trilingues ou multilingues où un équilibre a été atteint, où s'est instaurée une sorte de paix durable—je pense à la Suisse en particulier—le concept de bilinguisme territorial, avec des modifications, bien sûr, pour l'adapter à la situation très particulière du Canada.

Il n'y a pas d'autres pays comme le Canada. Il n'y a pas un autre contexte comme le contexte canadien en Amérique du Nord, etc. Cela pourrait ressembler à quelque chose comme un Québec français, un Ontario anglais, sauf pour ce qui est du sud-est, du nord-est et de la région de la capitale canadienne, et un Nouveau-Brunswick, bien sûr. Je laisse aux Nouveaux-Brunswickois, aux Acadiens, le soin d'en décider, n'est-ce pas?

Donc, ce pourrait être, non pas une formule de bilinguisme territorial aussi radicale que ce que qui prévaut dans certains pays très démocratiques comme la Suisse ou la Belgique, encore que je n'aime pas l'antagonisme qu'on trouve entre les communautés flamande et wallonne en Belgique. Je pense que ce n'est pas un bel exemple de collaboration entre deux peuples ou deux communautés culturelles. Je ne veux pas les donner en exemple.

Mais la Suisse, par exemple, fonctionne. Les Suisses s'estiment réciproquement et vivent en paix. Les règles sont sévères. Selon que vous êtes dans un canton allemand, un canton italien ou un canton français, l'accès aux écoles est complètement modifié, de même que l'accès aux services et tout le reste. Je ne proposerais pas un bilinguisme territorial aussi radical que celui-là. Mais peut-être que le Canada devrait voir à ce que des immigrants qui sont reçus à Montréal, qui élisent domicile à Montréal et qui demandent la citoyenneté fassent preuve d'une connaissance minimale du français, alors qu'ailleurs, on demanderait une connaissance minimale de l'anglais. Je ne vois pas le mal qu'il y aurait là.

Je vois que la Lituanie est en train de demander une telle chose aux russophones qui habitent leur territoire et qui veulent devenir citoyens lituaniens. Je pense que c'est en Lituanie qu'il y a une exigence linguistique.

En Allemagne, il faut une excellente connaissance de l'allemand et 25 ans de résidence, je crois, avant de pouvoir même demander, et on ne l'obtiendra pas nécessairement, la citoyenneté allemande. Dans différents pays, il y a des choses à apprendre.

Il y aurait moyen de remanier la politique linguistique canadienne en s'inspirant plus fortement du bilinguisme territorial. La Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme avait recommandé...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Voulez-vous terminer, s'il vous plaît?

M. Charles Castonguay: ...des districts bilingues qui étaient censés apporter un élément de territorialité. Cela a finalement été mis sur les tablettes. C'est malheureux, je pense.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

Sénateur Rivest.

[Français]

Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Monsieur Castonguay, j'aurais une brève question pour faire suite à votre dernier commentaire. Est-ce que cela voudrait dire que le Québec, dans l'hypothèse que vous évoquez et qui n'est pas un projet précisément défini, deviendrait bilingue?

M. Charles Castonguay: Le Québec serait aussi français qu'il voudrait bien l'être.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Non, non. Est-ce qu'il serait décrété bilingue dans votre perspective?

M. Charles Castonguay: Décrété...

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Est-ce qu'il deviendrait un territoire bilingue?

M. Charles Castonguay: Non.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Non?

M. Charles Castonguay: Non.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Unilingue français. Mais comment pouvez-vous à ce moment-là demander de construire et d'introduire...

M. Charles Castonguay: Eh bien, pas unilingue français dans le sens...

Le sénateur Jean-Claude Rivest: ...un élément de territorialité par rapport au bilinguisme dans d'autres régions du Canada, mais pas au Québec?

M. Charles Castonguay: Actuellement, la loi fédérale est à couteaux tirés, en quelque sorte...

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Avec la Loi 101. C'est là ma préoccupation.

M. Charles Castonguay: ...avec la loi québécoise sur la langue officielle. La loi fédérale vise à faire la promotion de l'anglais comme langue minoritaire au Québec.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: C'est ça.

M. Charles Castonguay: Je ne sais pas jusqu'à quel point l'anglais a besoin d'une promotion supplémentaire par rapport à l'avantage dont il jouit comme première langue du Canada et première langue sur le continent nord-américain. Il faut voir tout ce que cela comporte en termes de médias, de facilités de communications électroniques et tout le reste.

• 1715

Le sénateur Jean-Claude Rivest: D'accord. Je voulais simplement vous dire que la notion de territorialité...

M. Charles Castonguay: Il y a donc un problème entre la loi fédérale et la loi québécoise. Elles sont un peu antagonistes, n'est-ce pas? La loi fédérale fait la promotion de l'anglais; la loi québécoise cherche à faire la promotion du français. Il faudrait articuler les deux lois de façon à ce qu'elles visent la même chose. Et quand on voit l'évolution du poids du français au Canada dans son ensemble et ce que l'avenir nous réserve sur ce plan, je crois qu'il est grandement temps d'ajuster la politique fédérale de façon à permettre au Québec de se franciser davantage.

Je ferais confiance aux Québécois en ce qui concerne le degré de francisation de leur société. Je suis anglophone, j'habite au Québec. Je n'ai pas peur de perdre ma langue maternelle, mais vraiment pas. Et je trouve très hypocrites les Anglo-Québécois qui prétendent qu'ils sont aux prises... J'en ai entendu de toutes les couleurs: les Townshippers qui prétendent qu'ils sont aux prises avec la francisation, l'assimilation au français, etc. Je regarde les statistiques, et ce n'est pas vrai. Ils n'ont pas de problème de francisation. Il y a à peu près autant d'anglophones qui se francisent que de francophones qui s'anglicisent dans les Cantons de l'Est.

Même là où ils sont très minoritaires, il n'y a pas de problème. Dans la région de Montréal, dans la région de l'Outaouais, où nous avons les principaux éléments de la communauté anglophone, ma foi, cette dernière attire les francophones. Les francophones du West Island s'anglicisent à un taux semblable à celui des francophones de Gloucester ici, en banlieue d'Ottawa. Je l'ai démontré dans des articles récents.

Donc, prétendre que l'anglais est sur la défensive, a besoin de... Je n'ai qu'à penser à l'accès aux écoles, aux services de santé. On peut faire confiance au gouvernement du Québec qui n'a pas l'air d'avoir été un mauvais joueur sur ce plan.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: D'accord. J'ai lu vos travaux là-dessus. Je ne ferai qu'une remarque, celle que vous avez faite plus tôt: le facteur d'assimilation des francophones par l'anglais, par exemple, dans la région de l'Outaouais ou peut-être même à Montréal, en chiffres absolus, n'indique pas qu'il y a péril en la nation.

M. Charles Castonguay: C'est quand même ce nombre en moins.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui, oui. Il y en a, et je le sais.

M. Charles Castonguay: C'est ça de moins.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Vous avez dit tout à l'heure qu'on ne se questionnerait pas... Mais ce n'est pas là ma question. Elle porte plutôt sur la situation des anglophones au Québec. Vous avez plusieurs fois affirmé... C'est probablement étayé, mais j'aimerais que vous élaboriez davantage. On dit ou on pense au Québec, en particulier chez les Québécois anglophones, que le nombre d'anglophones au Québec a décru. Par exemple, il y a eu un déplacement de la population qui a débuté probablement au milieu des années 1970 ou 1980, qui a entraîné une perte de population. Je voudrais que vous précisiez, parce que vous n'avez pas été très spécifique dans votre texte, si le nombre d'anglophones au Québec a décru.

Deuxièmement, les pertes encourues par la population du Québec à la suite de ces mouvements de population, en oubliant les phénomènes de compensation dus à l'immigration, etc., sont-elles du même ordre que les pertes de population subies par la région de l'Atlantique? Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Charles Castonguay: La région de l'Atlantique?

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui. Par exemple, si le Québec a perdu de la population vers l'Ouest, comme vous l'avez mentionné, est-ce dû aux mêmes phénomènes que l'exode des gens des Maritimes, à des phénomènes économiques et sociaux?

M. Charles Castonguay: Il y a plus que ça.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Est-ce qu'il y a une dimension politique ou linguistique dans ces pertes?

M. Charles Castonguay: Oui.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Est-ce que vous pouvez l'étayer par des chiffres?

M. Charles Castonguay: Oui. Je mentionne dans mon texte que la population de langue d'usage anglaise au Québec a décru de 14 p. 100.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Depuis?

M. Charles Castonguay: Entre 1971 et 1991. Entre 1991 et 1996, elle est demeurée stable. Mais il y a eu une perte sèche de 14 p. 100 de l'anglais comme langue principale parlée à la maison. Il n'y a pas eu de perte sèche en ce qui concerne l'anglais comme langue d'usage à la maison en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick. Donc, il y a plus que la tendance continentale, la dérive vers l'Ouest.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Ce serait donc surtout politique. Ce serait pour des raisons politiques?

M. Charles Castonguay: Il y a Richard Joy qui a écrit un livre très clairvoyant dont le titre est Languages in conflict, publié en 1967. C'était, en fait, essentiellement son mémoire soumis à la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme. Après avoir été publié en 1967, il a été repris par McClelland & Stewart en 1972. J'en fais mention d'ailleurs dans mon texte.

• 1720

Richard Joy prévoyait en 1967 ou en 1966, au moment où il écrivait, qu'un certain nombre d'anglophones allaient quitter le Québec quand ils sentiraient un mouvement pour le Québec français, quand ils verraient la détermination des francophones majoritaires à prendre leur place au soleil et à faire du français la langue de travail, en particulier au Québec. Ces tentatives, ces efforts, ces pressions allaient inciter un certain nombre d'Anglo-Québécois à quitter le Québec parce qu'ils ne voudraient pas composer avec cette nouvelle réalité ou parce qu'ils ne le pourraient pas; il y a des gens qui ont de la difficulté à acquérir une langue seconde.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je regrette, mais il va falloir que vous terminiez, sénateur Rivest. Le NPD a aussi droit de parole et il ne reste que neuf minutes.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Et les conservateurs aussi.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Oui, mais vous n'étiez pas ici. Alors, monsieur le sénateur conservateur, même s'il veut se désigner libéral, je vais essayer de vous faire une place.

M. Mark Muise: Je suis quand même le représentant du caucus conservateur ici.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Il est représentant du Parlement du Canada et c'est un comité mixte. Please go ahead.

M. Mark Muise: Je ne suis pas du tout en train d'en débattre.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Madame Vautour.

Mme Angela Vautour: Merci. Je ne prendrai peut-être pas mes cinq minutes, et M. Castonguay voudra peut-être prendre le temps qui restera.

Premièrement, j'aimerais vous remercier pour votre présentation. Je pense que vous avez très bien décrit les problèmes des francophones minoritaires hors Québec. Étant Acadienne, je dois vous dire que j'ai pu me solidariser avec tout ce que vous disiez. Je ne pense pas que vous ayez oublié grand-chose dans votre présentation. Vous avez très bien expliqué ce qui se passe.

Il est certain que nous avons des inquiétudes. Ce qui est un peu inquiétant, c'est qu'au Nouveau-Brunswick, les francophones, surtout dans la péninsule acadienne, connaissent un taux de chômage très élevé et quittent la province.

Quel avenir entrevoyez-vous, au Nouveau-Brunswick, avec tous ces gens qui quittent la province et les coupures dans les transferts en éducation? On ferme aussi nos écoles francophones. Il y a deux choses qui se passent: les gens s'en vont et les écoles ferment. Est-ce que vous pouvez prédire l'avenir, au Nouveau-Brunswick, pour les années qui viennent?

M. Charles Castonguay: Au Nouveau-Brunswick, il y a un élément que Statistique Canada a passé sous silence, lors de la diffusion des données du recensement de 1996. Je pense que pour la première fois dans l'histoire du peuple acadien, depuis la fondation de l'Acadie en 1608, le nombre de francophones au Nouveau-Brunswick a commencé à baisser légèrement; pour la première fois en quatre siècles d'histoire. Comment un organisme statistique qui prétend s'intéresser au phénomène linguistique peut-il passer sous silence quelque chose d'aussi significatif? Je vous pose la question.

Je pense que c'est le début d'un déclin. Vous êtes, au Nouveau-Brunswick, de moins en moins importants en proportion. C'est inévitable avec un déficit intergénérationnel de l'ordre de 28 p. 100 comme c'est le cas. On a 28 p. 100 de moins d'enfants que de jeunes adultes. De la façon dont vont les choses, à chaque génération, la population baisse d'un quart. Cela veut dire une diminution en nombres absolus. Cela veut dire la fermeture d'écoles.

Je ne sais pas s'il y a vraiment un problème migratoire aussi grand qu'on se l'imagine, parce que Statistique Canada vient de diffuser les données sur le bilan migratoire entre les provinces au cours de cinq années, de 1991 à 1996. De mémoire, je crois que la population francophone du Nouveau-Brunswick a perdu 500 personnes, en chiffres nets. Il y a des gens qui sont partis, mais il y en a qui sont entrés. Il y a des Acadiens qui vont à Montréal, qui vont à Toronto ou ailleurs pour chercher de l'emploi et qui reviennent chez eux plus tard, au hasard des circonstances, des emplois qui s'ouvrent peut-être ailleurs au Nouveau-Brunswick, dans la péninsule acadienne, ou dans l'industrie forestière, dans la vallée de la Madawaska, je ne sais pas.

• 1725

Mais les deux mouvements sont presque égaux. Les pertes ne sont pas très importantes sur le plan migratoire, mais elles sont dures à subir sur le plan linguistique. L'anglicisation n'est pas aussi élevée là qu'ailleurs. Et même, bonne nouvelle, un chercheur a démontré scientifiquement que le taux d'anglicisation des francophones du Nouveau-Brunswick a légèrement baissé depuis 25 ans. Il s'appelle Charles Castonguay. Ce n'est pas Statistique Canada qui l'a montré. Des fois, quand il y a une lueur, un bonne nouvelle, je veux être le premier à la constater et à la rendre publique, et je l'ai fait à Moncton, il y a un an. J'ai donné une conférence au mois d'août, pendant mes vacances, pour essayer de diffuser cette bonne nouvelle.

Alors, au moins le taux d'anglicisation n'augmente pas au Nouveau-Brunswick. Il semble même baisser très légèrement. Ce n'est pas rien. Comme se fait-il que cela ait marché? De là on pourrait tirer une réponse à donner au sénateur Rivest. Au Nouveau-Brunswick, les francophones sont concentrés. Le Nouveau-Brunswick a une loi reconnaissant les deux langues officielles, mais plus. Ils ont aussi une loi qui reconnaît l'égalité des communautés de langue anglaise et de langue française. Ça, c'est presque reconnaître le peuple acadien.

Les Acadiens du Nouveau-Brunswick ont reçu davantage de leur gouvernement, et c'est maintenant dans la Charte canadienne. Ils ont reçu, jusqu'à un certain point, une reconnaissance d'une identité de peuple, de communauté, une identité collective. Le Québec et le Canada français n'ont jamais réussi à le faire. C'est vraiment une curiosité canadienne, je trouve. Ça pourrait peut-être s'expliquer un peu. Peut-être êtes-vous plus acharnés, Acadiens du Nouveau-Brunswick. Je ne sais pas ce que c'est. Cependant, vous avez réussi à arracher cela de M. McKenna et de M. Mulroney.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Parce que les Acadiens sont moins dangereux que les Québécois.

M. Charles Castonguay: C'est un phénomène intéressant. Il serait excellent qu'on puisse en faire autant pour d'autres minorités francophones à l'extérieur du Québec: reconnaître leur existence en tant que collectivité et non pas simplement comme des gens parlant le français ou l'anglais.

Une Loi sur les langues officielles désincarnée est vouée à l'échec. Une langue ne se parle pas dans l'air, comme cela. C'est l'expression d'une identité, l'expression d'un vouloir vivre collectif. C'est tout ce que vous voulez. Il faut que ce soit rattaché à une culture, à une identité, et il faut reconnaître cette culture et cette identité spécifiques. Le Canada ne l'a pas encore fait pour le Canada français dans son ensemble, mais chapeau aux Acadiens.

Tout n'est donc pas noir là-bas, au Nouveau-Brunswick. Peut-être même que la population anglophone du Nouveau-Brunswick... Leur taux de reproduction n'est pas mal: 90 p. 100, comme je l'ai dit dans mon texte. Un peu d'immigration et peut-être un peu d'anglicisation et le tour sera joué. Il va continuer à augmenter.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup. Désolée, c'est tout.

Monsieur Mark Muise, vous avez la parole.

M. Mark Muise: Merci, madame la présidente.

[Français]

Monsieur Castonguay, vous avez fait allusion, dans votre exposé, aux statistiques concernant la province du Nouveau-Brunswick. Je suis certain que vous n'ignorez pas qu'il y a aussi des Acadiens dans la province de Nouvelle-Écosse. J'aimerais que vous nous communiquiez quelques-unes des statistiques qui la concernent. Je reconnais que le Nouveau-Brunswick a deux langues officielles et que nous, en Nouvelle-Écosse, n'en avons qu'une. Mais je serais curieux de connaître ces statistiques. Je vous remercie.

M. Charles Castonguay: À la page 2 de mon texte, vous trouverez ce qu'on peut désigner par la mauvaise nouvelle. À l'heure actuelle, la population francophone, de langue maternelle française, se reproduit à 45 p. 100. Le déficit est de 55 p. 100. Il y a moitié moins d'enfants que de jeunes adultes.

En d'autres mots, la pyramide des âges a d'habitude la forme d'une pyramide. Celle des francophones de Nouvelle-Écosse est comme ceci; la base est la moitié moins étendue que le milieu. Cela veut dire qu'il y a réduction des effectifs. Un déficit de cet ordre-là est dramatique. C'est incontournable.

M. Lachapelle, encore une fois...

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Mesdames et messieurs, c'est une sonnerie de 15 minutes. Et nous aimerions vous dire merci à tous—je regrette de vous couper la parole, monsieur Muise. Si vous étiez venu plus tôt, vous auriez remplacé le libéral du Québec dont le nom est «sénateur», mais vous n'étiez pas ici à temps, de sorte que les conservateurs...

• 1730

M. Mark Muise: Madame la présidente, je vous fais remarquer que c'est ma troisième réunion de comité aujourd'hui et que je dois faire la navette entre ces trois affectations différentes. Si vous trouvez que vos propos sont convenables, je crois que mes commentaires le sont aussi.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): D'accord.

Au nom du comité, je vous remercie tous les deux.

Professeur Torczyner, si vous voulez avoir le mot de la fin, vous pouvez faire une intervention d'une minute.

M. Tim Torczyner: C'est très difficile pour moi de faire une déclaration d'une minute.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je le sais. À vous de relever le défi.

M. Tim Torczyner: Je vais essayer.

En réfléchissant à la discussion qu'on vient d'entendre, je trouve que l'identité comprend trois éléments fondamentaux. Le premier est la langue, le deuxième est la religion et le troisième est la patrie. Quand nous avons fait une étude pour voir dans quelle mesure ces trois éléments renforcent l'identité, nous avons constaté que les trois sont importants. Les groupes qui ont une très grande homogénéité de langue, de religion et de sentiment d'appartenance à une patrie ont un sentiment d'identité plus fort. Les groupes qui sont diversifiés sur le plan de ces trois éléments ont une identité plus faible, si cela peut être utile dans le contexte de cette discussion. Je pense que c'est vrai non seulement pour les deux groupes principaux du Canada, mais aussi pour les autres groupes et pour comprendre leur situation dans cette optique.

Voilà ma conclusion.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

La séance est levée.