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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 18 mars 1998

• 1532

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Bonjour tout le monde.

Je suis extrêmement heureuse, au nom du Comité des langues officielles, de souhaiter la bienvenue à la ministre de Patrimoine Canada, l'honorable Sheila Copps.

Avant de vous laisser officiellement la parole, madame, je tiens aussi à souhaiter la bienvenue au Forum pour jeunes Canadiens.

Vous allez assister à une réunion très intéressante, parce que l'une des caractéristiques du Canada est évidemment ses deux langues officielles.

Deuxièmement, vous êtes ici à un moment intéressant dans les délibérations de notre comité, car le patrimoine est ce que vous étudiez tous et ce que vous représentez tous... ce sont aussi les valeurs qui vous définissent dans la vie de notre pays. Je suis très heureuse de vous accueillir ici.

J'espère que vous trouverez cette séance intéressante. La ministre est responsable de veiller à ce que les valeurs de notre société se reflètent dans toutes ses dimensions... du point de vue culturel, collectif, linguistique, en matière d'alphabétisation et à beaucoup d'autres égards. Elle a tout un éventail de responsabilités, dont nos parcs, dont vous profitez certainement aussi, les sports, que vous avez dû apprécier durant les Jeux olympiques, et les autres sports auxquels vous participez.

Madame Losier-Cool.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Madame Copps, je vous souhaite la bienvenue à ce comité, mais j'aimerais aussi vous souhaiter la bienvenue très spécialement à vous, les jeunes. Je trouve cela réconfortant de voir des jeunes intéressés. Vous avez certainement choisi un bel après-midi pour venir au Comité des langues officielles.

• 1535

Vous ayez pris le temps, madame Copps, de venir rencontrer le comité, et tout le plaisir est pour nous. On vous souhaite la bienvenue et on souhaite aussi que vous consacrerez encore plus de temps à étudier et à analyser tous les commentaires qui seront faits et toutes les questions qui vous seront posées.

Nous avons reçu le rapport annuel: le plan d'action, les grandes options, les langues officielles dans l'enseignement, les mesures spéciales dans la gestion scolaire et l'enseignement postsecondaire—nous aurons certainement des questions à poser sur ces points—, les ententes Canada-communautés et la coordination des mesures adoptées par le gouvernement afin de mettre en oeuvre les articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles.

À vous, madame Finestone.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Thank you very much. Merci beaucoup. Je vais répéter les règles du jeu en vigueur à ce comité afin qu'on les respecte bien.

[Traduction]

Je vous signalerais tout d'abord que le premier tour est un tour de sept minutes et que nous serons très stricts à cet égard, en donnant d'abord la parole au Parti réformiste, puis au Bloc québécois, troisièmement au Parti libéral, quatrièmement au Parti progressiste-conservateur, cinquièmement au Parti néo-démocrate, puis à nouveau au Parti libéral.

Au deuxième tour, vous aurez cinq minutes chacun, et nous alternerons entre les partis d'opposition et la majorité, en commençant par l'Opposition officielle.

Ces règles étant bien établies, et je m'assurerai qu'elles soient respectées,

[Français]

madame la ministre, vous êtes la bienvenue.

L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien): Merci, mesdames les présidentes. Je suis honorée d'être parmi vous. J'ai justement décidé de prendre un peu de temps pour analyser nos obligations et même nos responsabilités par rapport à la Loi sur les langues officielles.

J'ai d'abord un petit tableau à donner à ceux et celles qui sont nos invités. Cela va peut-être vous intéresser de savoir à quel point les langues officielles constituent une valeur ajoutée pour le Canada.

Notre responsabilité et notre mandat au Patrimoine canadien, c'est la promotion de la dualité linguistique au sein de la société canadienne, l'appui à l'épanouissement et au développement des communautés minoritaires de langues officielles et le rapprochement entre francophones et anglophones. Patrimoine Canada a aussi la responsabilité de promouvoir, de concert avec les Canadiens, la compréhension et l'unité, de favoriser le respect et la tolérance ainsi que de favoriser le développement économique et la prospérité.

Quelle est la situation du fait français au Canada? D'abord, on a 6,7 millions de Canadiens et de Canadiennes qui sont francophones. Cela représente 23,5 p. 100 de la population et, si on ajoute ceux et celles qui sont francophiles, on arrive à un tiers de la population qui est capable de s'exprimer en français, soit 8,9 millions de Canadiens et de Canadiennes. Ce nombre est 10 fois supérieur au nombre de ceux qui parlent la troisième langue la plus parlée. Pour répondre à CFRB à Toronto, c'est bel et bien une situation historique et linguistique qui nous amène à respecter et à reconnaître les deux langues officielles.

Qui sont les francophones hors Québec? Nous devons, dans notre mandat, investir dans la jeunesse francophone par le biais de Patrimoine Canada. On a actuellement 165 000 francophones dans 700 écoles de langue française, non pas des écoles d'immersion, mais des écoles de langue française, à l'extérieur du Québec. On voit, par exemple, que depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles en 1971, le taux de décrochage a été réduit de 50 p. 100. Le nombre de diplômés au niveau secondaire a doublé, de même que le nombre de diplômés au niveau universitaire.

Où en est la scolarisation, qui est un des points importants de la politique des langues officielles? Il faut d'abord reconnaître que cette politique n'existe que depuis 25 ans. Ce n'est pas une chose qui a été à la hauteur dans l'histoire du Canada. On a même connu de mauvais moments au cours de notre histoire, alors que le droit de parler une deuxième langue était refusé. Telle a été la situation, par exemple, en Ontario et en Alberta.

• 1540

Mais, depuis 1971, on a une loi qui touche l'enseignement. Dans certaines provinces, les droits qui découlent de cette loi n'ont pas été entérinés avant l'an dernier et même avant cette année. Par exemple, la pleine gestion scolaire n'existe en Ontario qu'à partir d'aujourd'hui. On y apporte encore des améliorations.

Mais on voit, dans le tableau faisant état de la situation des francophones hors Québec en 1991, que cette situation s'est améliorée depuis 1971 pour la tranche d'âge de 25 à 34 ans. En 1971, 69 p. 100 d'entre eux avaient terminé leur neuvième année, alors qu'en 1991, il y en avait 96 p. 100.

[Traduction]

Quatre-vingt-seize pour cent n'est pas mal.

[Français]

Parlons du décrochage, de ceux qui quittent l'école parce qu'ils ne s'y sentent pas chez eux. Nous avons pu, par le biais des langues officielles, réduire de moitié le nombre de francophones qui quittent l'école entre l'âge de 15 et 19 ans. En 1981, il y en avait 24 p. 100 et, en 1991, 11 p. 100. C'est le taux de décrochage le moins élevé dans tous les groupes linguistiques du Canada.

Pour ce qui est des diplômés, la proportion des francophones hors Québec âgés de 25 à 34 ans a plus que doublé entre 1971 et 1991. Elle est passée de 6 à 14 p. 100. Qu'est-ce que ça donne? Une amélioration de la vie économique et sociale.

Dans certains cas, après 25 années de développement, on a mis sur pied de nouvelles institutions postsecondaires qui commencent à être des catalyseurs économiques pour des collectivités entières.

En dehors du Québec, on a aujourd'hui 34 stations radiophoniques communautaires ou privées, 24 hebdomadaires de langue française, 2 quotidiens et 71 centres communautaires et culturels. On est capable, par le biais de ces collectivités, de miser sur les talents de tous les Canadiens et de parier sur le succès qui en découle. Pourquoi?

[Traduction]

Il y a un marché d'un million de francophones en dehors du Québec, 348 coopératives francophones en dehors du Québec,

[Français]

dont les 660 000 membres ont un actif global de 3,9 milliards de dollars et des investissements réels de 327 millions de dollars. Il y a 20 000 entrepreneurs francophones en dehors du Québec.

On a vu au Manitoba, et plusieurs députés l'ont vu avec moi, lors du Deuxième forum des gens d'affaires francophones du Canada, jusqu'à quel point on connaissait une croissance économique depuis la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles, suivie des revendications en cour faites par les parents et les familles.

Ce deuxième forum—le premier avait eu lieu dans la Beauce—a attiré plus de 450 délégués, ce qui était un maximum, et 100 entreprises y ont signé des ententes économiques. Quelques-unes portaient sur le tourisme. On a créé un réseau touristique avec des festivals: le Festival du Voyageur au Manitoba, le Festival franco-ontarien à Ottawa, le Festival acadien à Caraquet, de même que des centres d'interprétation qui injectent de l'argent dans l'économie et attirent des touristes.

Parlons donc des touristes. En 1997, 440 000 touristes sont venus de France au Canada, soit plus de 10 p. 100 des touristes d'outre-mer. Ils ont apporté avec eux 495 millions de dollars de retombées directes, soit trois fois plus qu'en 1988. Nous avons donc intérêt à faire s'épanouir nos liens.

[Traduction]

La minorité anglophone au Québec nous aide à ouvrir la porte au reste de l'Amérique du Nord. Nous avons une solide infrastructure d'écoles et d'universités qui ont fait que cette communauté linguistique a contribué de façon dynamique à la société canadienne.

Le bilinguisme parmi les jeunes anglophones atteint 82 p. 100 dans le groupe d'âge de 15 à 19 ans, ce qui est très différent de ce que l'on connaissait lorsque la majorité des anglophones de Montréal ne parlaient pas français. Oui, nous avons changé. Oui, nous nous sommes développés ensemble, à tel point quÂencore hier, le premier ministre du Québec lui-même

[Français]

a dit dans son discours aux États-Unis:

• 1545

    Comme cette société francophone a décidé de jouer un rôle actif dans le processus de mondialisation, elle doit bien connaître la langue de ses clients et de ses partenaires; elle doit assumer l'interface linguistique. C'est ce qui se passe. Le nombre de Québécois bilingues est en hausse, et se compare maintenant à ce que l'on voit en Europe. Cinquante pour cent de la population active du Québec—60 % à Montréal—et 80 % des cadres de la métropole sont bilingues, ce qui fait de nous la région la plus bilingue de l'Amérique du Nord, un atout dont nous entendons profiter pleinement. Notre ministère de l'Éducation vise à aller encore plus loin et à enseigner une troisième langue, plus particulièrement l'espagnol, à davantage de Québécois.

C'est le premier ministre du Québec qui reconnaît, dans un discours qu'il a prononcé hier aux États-Unis, jusqu'à quel point le bilinguisme est un atout économique.

[Traduction]

Le bilinguisme est un atout. Regardez où nous en sommes arrivés. Lorsque j'ai commencé en politique—j'ai été élu à l'Assemblée législative de l'Ontario en 1981—nous nous disputions encore à propos de la langue figurant sur nos boîtes de céréales. Ces 25 dernières années, nous sommes passés des plaintes et de l'exploitation de nos différences culturelles à la reconnaissance du fait que cela nous avantage sur la scène internationale.

Le Canada est l'un des rares pays dans le monde qui peut faire le lien entre les mondes linguistiques. Les Canadiens, qui n'ont pas simplement deux langues officielles, mais qui ont également des dizaines d'autres langues du monde entier, sont une source d'enrichissement culturel qui inspire le monde.

Près de trois millions de jeunes—54 p. 100 des étudiants— étudient l'anglais ou le français comme deuxième langue. La proportion des élèves du primaire qui apprennent une deuxième langue est passée de 33 p. 100 en 1971 à 55 p. 100 en 1995. C'est une augmentation de 75 p. 100.

[Français]

Est-ce qu'on a remonté la pente? Nous ne l'avons pas entièrement remontée, mais il faut reconnaître que nous allons dans la bonne direction. Si on voit, par exemple, l'intérêt manifesté par les étudiants pour parler...

C'est honteux? Je cite M. Bouchard. Est-ce que c'est honteux?

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Je n'ai pas parlé.

L'hon. Sheila Copps: J'ai entendu quelqu'un dire que c'était honteux.

Le sénateur Jean-Maurice Simard (Edmundston, PC): C'est honteux. C'est du pétage de bretelles.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): J'invoque le Règlement, madame la présidente.

L'hon. Sheila Copps: Je cite M. Bouchard.

Le sénateur Jean-Maurice Simard: J'ai vu que vous citiez le premier ministre du Québec. Il n'est pas en faute.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Excuse me, sir. Arrêtez, s'il vous plaît.

Monsieur, vous voulez faire appel au Règlement?

M. Denis Coderre: Oui, j'aimerais qu'on puisse se conduire un peu plus décemment et écouter la ministre. Par la suite, vous pourrez faire vos commentaires, sénateur Simard. Ici, les gens respectent le droit de parole.

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps: J'essaie de dire qu'à mon avis il nous reste encore beaucoup à faire au Canada, mais que si l'on considère les chiffres et l'évolution de ces 25 dernières années, nous avons déjà réalisé de gros progrès. Il serait temps de démasquer certains des mythes qui courent sur les chances de survie des langues minoritaires dans notre pays.

Près de 5 millions de Canadiens aujourd'hui sont bilingues. C'est une augmentation de 10 p. 100 par rapport à 1991. En 1951, il n'y avait que 1,7 million de Canadiens qui parlaient les deux langues, et la plupart d'entre eux étaient des francophones qui parlaient anglais. Nous avons aujourd'hui la jeune génération la plus bilingue que nous ayons jamais eue au Canada.

La langue fait également partie de notre capital humain.

[Français]

L'année dernière, j'étais à Paris pour le Salon Expolangues. Le Canada y a été célébré pour sa politique des langues, qui nous a fourni des outils qui nous ont permis d'être présents dans le phénomène de la globalisation.

[Traduction]

Des dizaines d'institutions sont reconnues sur la scène internationale, où les langues représentent un marché de 2,5 milliards de dollars. Il y a 158 000 emplois au Canada qui sont directement ou indirectement liés aux langues.

• 1550

Pourquoi les étudiants viennent-ils dans notre grand pays pour apprendre une deuxième langue? Parce qu'ils considèrent que nous avons un système qui marche bien. En 1991, les étudiants étrangers ont apporté à notre pays 1,5 milliard de dollars pour venir suivre des cours ici.

Le bilinguisme attire l'entreprise privée.

[Français]

À Moncton, par exemple, on voit arriver Federal Express, CP Express et Camco. La promotion de la main-d'oeuvre bilingue crée des circonstances favorables. Le caractère international de Montréal est lié au bilinguisme de sa population, comme l'a reconnu hier le premier ministre du Québec.

Parlons de la Francophonie dans le monde.

[Traduction]

Pensez-y: 160 millions de personnes dans le monde, 18 p. 100 de l'économie mondiale, font des affaires en français.

[Français]

et plus de 100 milliards de dollars d'échanges commerciaux tous les ans. Les entreprises canadiennes considèrent le bilinguisme comme un atout dans un monde concurrentiel et les Canadiens reconnaissent aussi les avantages économiques du bilinguisme pour eux-mêmes, pour leurs enfants et pour leurs entreprises.

Tous les Canadiens profitent de la contribution des francophones à la prospérité du Canada. C'est sûr que les francophones hors Québec font face à des défis indéniables, mais ils peuvent compter sur le soutien et la solidarité du gouvernement fédéral. Les progrès dans le domaine des langues officielles sont là. On a encore des côtes à remonter. On ne peut pas se péter les bretelles, mais quand même, depuis l'avènement de la politique sur les langues officielles, on a vu un changement d'attitude chez la population en général.

Le bilinguisme garantit un meilleur salaire et de meilleures chances de trouver un emploi. C'est une chose qui a été reconnue par le premier ministre du Québec, qui s'est lui-même assuré que ses enfants aient la capacité de parler en français et en anglais. C'est un fait. Il veut donner à ses enfants des atouts pour maximiser leur contribution à long terme.

La diversité linguistique est un atout et non un problème. Tous les Canadiens ont raison d'appuyer notre dualité linguistique et d'en être fiers. Le défi qui est lancé au comité mixte, c'est-à-dire à vous, c'est d'explorer les avantages de la dualité linguistique par des gestes précis, de garantir le renouvellement des contributions à l'enseignement des langues officielles, le renouvellement des programmes d'échanges linguistiques, qui comptent déjà 7 000 participants chaque année, et l'appui à la gestion scolaire en Ontario, ce qui représente au total une injection de 835 millions de dollars en nouveaux capitaux pendant les cinq prochaines années.

Maintenant que j'en ai terminé avec ces commentaires, j'aimerais répondre à vos questions.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je tiens à vous remercier de votre exposé, madame la ministre. Il devient tout à fait évident que les langues sont un atout important dans la vie professionnelle.

La première question est du Parti réformiste.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Merci. Je tiens à remercier la ministre d'être venue aujourd'hui.

Je sais que vous avez dit que le bilinguisme a augmenté au Québec, et certains de ces chiffres sont très intéressants. Il ne fait aucun doute que la Loi sur les langues officielles a marché au Québec en augmentant le niveau de bilinguisme. Je crois toutefois qu'il y a un problème—et l'on en a même parlé au sein de notre comité—en dehors du Québec.

J'aimerais savoir précisément si dans les institutions fédérales situées en dehors du Québec vous avez essayé de déterminer le degré d'utilité de la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles dans les autres provinces. Dans l'affirmative, y a-t-il eu des consultations? Dans la négative, prévoyez-vous consulter certaines personnes? J'aimerais en connaître un peu plus sur les réalités du bilinguisme dans les institutions fédérales en dehors du Québec. Peut-être pourriez-vous m'aider.

L'hon. Sheila Copps: Ma foi, Rahim, les chiffres que je vous ai donnés à propos du bilinguisme viennent tous de l'extérieur du Québec, et non pas du Québec. Ces chiffres concernent la population actuelle en dehors du Québec.

M. Rahim Jaffer: Est-ce fondé sur des consultations quelconques? J'aimerais également savoir quelle utilité cela peut avoir pour les institutions fédérales. Par exemple, à Edmonton, d'où je viens, la Place Canada offre évidemment tous ses services dans les deux langues. J'aimerais savoir précisément s'il y a eu des consultations entre votre ministère et les responsables sur place afin de mesurer l'utilité de ce service et la demande. Quelles sont les réactions des régions, autrement dit?

• 1555

L'hon. Sheila Copps: Les réactions des régions est que si l'on considère où nous en sommes aujourd'hui pour ce qui est des langues officielles, cela crée des emplois et des possibilités économiques dans tout le pays. Pour ce qui est des services précis, le fait que nous puissions offrir ces services dans les deux langues est une valeur ajoutée. Si nous pouvons les offrir dans d'autres langues, cela augmente notre capacité de servir la population.

M. Rahim Jaffer: J'ai également trouvé intéressant d'apprendre que ceux qui sont bilingues gagnent plus. Vous parlez de valeur ajoutée. Je serais curieux d'avoir quelques précisions sur certaines de ces statistiques. Est-ce qu'elles viennent strictement du secteur public, ou combinent-elles les deux secteurs pour ce qui est de la création d'emplois?

L'hon. Sheila Copps: Les statistiques reflètent les diplômés francophones et bilingues de l'extérieur du Québec qui travaillent dans tous les domaines. On a pris un groupe de diplômés unilingues et de diplômés bilingues, et on a examiné leurs échelles de salaire.

C'est ironique, parce que le meilleur indicateur de capacité lucrative n'est pas ce que l'on étudie, mais le fait que l'on parle les deux langues. Cela peut intéresser les étudiants qui sont ici, parce que l'on peut étudier en sciences humaines, en sciences sociales ou en génie, mais si l'on est en mesure de parler deux langues on a statistiquement une meilleure capacité lucrative. Cela ne doit pas être le seul facteur de motivation, mais c'est certainement intéressant.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Une et deux, c'est important.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Merci, mesdames les présidentes, et bienvenue à Mme la ministre. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux étudiants du Forum pour jeunes Canadiens au nom de la loyale opposition officielle de Sa Majesté. J'imagine que vous venez de toutes les provinces et territoires du pays.

Vous avez là un exemple parfait à ce comité de la façon dont on dépense des milliards de dollars tirés des poches de vos parents contribuables pour imposer deux langues dans notre pays. Évidemment, malgré les statistiques que l'on vous a montrées, l'échec est flagrant.

Je pense pouvoir poser des questions qui n'ont pas grand-chose à voir avec cela, car nous ne voyons pas souvent cette ministre. Cela touche tout de même notre comité.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): S'agit-il de questions pertinentes au sujet étudié?

M. Cliff Breitkreuz: Cela porte sur les langues officielles.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Allez-y.

M. Cliff Breitkreuz: Hier, le président de l'Association olympique canadienne a été traîné devant ce...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Il n'a pas été traîné, il a été invité.

M. Cliff Breitkreuz: Il a été «invité» à venir devant ce comité, non pas pour être accueilli en héros ni pour assister à une parade, mais pour se faire semoncer. C'est la première fois de l'histoire canadienne que nos athlètes rapportent autant de médailles—six médailles d'or du Japon. Plutôt que de le féliciter, lui ainsi que les bénévoles, de tous les efforts qu'ils ont déployés, le comité a préféré semoncer M. Warren.

J'ai pour ma part trouvé cela répréhensible parce que l'Association olympique canadienne n'a rien à voir avec ce comité ni avec la Loi sur les langues officielles. C'est la raison pour laquelle j'estime que nous avons là un tribunal irrégulier, car cela ne nous regarde pas.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Veuillez poser votre question.

M. Cliff Breitkreuz: Je ne le dirai jamais assez. En tant que ministre responsable du comité, vous avez là une très bonne occasion de présenter des excuses aux millions de Canadiens, à l'Association olympique canadienne et à nos athlètes pour le comportement de ce comité hier à l'endroit de cette association et de son président.

• 1600

L'hon. Sheila Copps: Monsieur Breitkreuz, je ne doute pas que vous connaissiez le Règlement du Parlement, mais si vous vouliez bien vous y reporter, vous comprendriez que le comité peut faire ce qu'il veut. Je n'en suis pas le porte-parole. Je crois d'ailleurs que les membres du comité en seraient choqués.

Je suis ici à l'invitation du comité, comme M. Warren. M. Warren a dit très clairement dans sa déclaration hier que ce qui s'est produit à Nagano était inacceptable; lorsque l'on a des athlètes de tout le pays qui sont là pour fêter et faire de leur mieux, ils ne doivent pas voir leur participation minimisée d'une façon ou d'une autre parce qu'on ne parle pas leur langue. C'est ce qui s'est passé dans ce cas. L'association a pris acte des critiques du grand public et a répondu en présentant des excuses écrites et a également pris des mesures pour veiller à ce que ce genre de gaffe ne se reproduise pas. Je dirais d'ailleurs, monsieur Breitkreuz, que si vous étiez allé à Nagano en tant qu'athlète et si tout s'était déroulé en français, vous auriez été tout autant choqué.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Peut-on maintenant passer au Bloc, s'il vous plaît? Quiconque prend la parole pour le Bloc est invité à le faire.

[Français]

M. Louis Plamondon: Madame la ministre, bienvenue. J'ai plusieurs questions et je vous laisserai y répondre une par une par la suite.

D'abord, une courte remarque. Lorsque vous êtes arrivée, vous avez présenté la francophonie comme une valeur ajoutée. C'est une valeur ajoutée à quoi? Est-ce que ce n'est pas plutôt une valeur essentielle des francophones? C'est sans doute ce que vous vouliez dire.

Deuxièmement, je vous ai posé une question aujourd'hui en Chambre concernant la réduction des 9 p. 100 accordés pour les contestations judiciaires en vue d'aider les francophones hors Québec à revendiquer leurs droits en matière d'éducation. Je vous ai demandé si vous n'étiez pas d'accord qu'on puisse remettre ces 9 p. 100 et augmenter substantiellement les crédits, de façon à permettre aux francophones de réclamer leurs droits par voie juridique, puisqu'il y a plusieurs contestations en vue à l'heure actuelle. Vous m'avez répondu que c'était déjà fait. Si vous avez remis les 9 p. 100, quelle augmentation avez-vous donnée pour pouvoir arriver à cela? C'est ma première question.

Ma deuxième porte sur Nagano et fait suite à l'intervention de mon confrère réformiste. Hier, le président de l'Association olympique canadienne disait que son rôle ne lui accordait pas de juridiction sur les fédérations en matière de bilinguisme et de respect du contexte culturel dont devraient jouir les francophones lorsqu'ils font partie d'une fédération canadienne.

Vous avez sans doute, madame la ministre, un pouvoir beaucoup plus grand que le président de l'Association: vous avez le pouvoir de l'argent, puisque vous accordez des subventions. Ne serait-il pas souhaitable que vous mettiez comme condition à vos subventions un meilleur respect du bilinguisme dans chacune des fédérations qui dirigent nos athlètes vers les Jeux olympiques?

Ma troisième remarque porte sur la Semaine nationale de la francophonie. La Semaine nationale de la francophonie compte toujours deux volets: un volet pour le monde de l'éducation et un volet pour le public en général. Or, l'an dernier, l'ACELF, qui a toujours organisé cette semaine nationale de la Francophonie, a voulu l'organiser, mais Patrimoine Canada a chargé la compagnie Rhéal Leroux et associés de le faire et a utilisé les marques de commerce déposées, lesquelles appartiennent à l'ACELF, sans autorisation. Après discussion, dans une lettre du 5 mars dernier, l'Association affirme qu'elle a dû autoriser Rhéal Leroux et associés à utiliser ses marques de commerce en échange de sa subvention de Patrimoine Canada.

Est-ce qu'il s'agit d'une nouvelle politique de chantage envers l'Association, qui fera désormais partie des directives du ministère, à savoir qu'on s'approprie les marques de commerce des associations de francophones hors Québec ainsi que la Semaine de la francophonie dans le but d'avoir une meilleure visibilité? Je parle surtout du volet destiné au grand public.

Merci, madame la présidente.

• 1605

L'hon. Sheila Copps: Madame la présidente, j'ai déposé hier en Chambre une lettre de l'ACELF en date du 16 mars que j'aimerais lire en réponse à la question du député. Il sait fort bien, et j'en ai parlé à son collègue hier en Chambre, que les propos repris dans l'article de La Presse du 12 mars affirmaient ceci:

    ...l'ACELF accuse votre ministère de son intervention dans ce dossier. Nous tenons à nous dissocier de cette affirmation fausse, et nous nous excusons d'avoir voulu prêter au ministère du Patrimoine, des intentions injustifiées.

Cette lettre portait la signature de M. Bordeleau et a été déposée en Chambre hier. Le député a peut-être quitté la Chambre avant que la lettre ne soit déposée et ne devienne un document parlementaire public.

Votre deuxième question concerne la reconnaissance du comité olympique. Je suis entièrement d'accord avec vous. Une politique de reconnaissance des langues officielles fait maintenant partie de notre politique du sport. Les groupes sportifs qui reçoivent des subventions du gouvernement fédéral, que ce soit une association de ski, de hockey ou autre, ne peuvent avoir accès aux fonds que s'ils respectent la politique des deux langues officielles.

Cela dit, je suis très contente que le député appuie la politique du bilinguisme. Nous éprouvons actuellement de petits problèmes avec son propre collègue à Québec à cet égard. Nous sommes sur le point de finaliser l'accord pour la création du parc marin du Saguenay—Saint-Laurent, que refusent d'entériner ses collègues à Québec parce que le document est rédigé en français et en anglais. Cela retarde notre suivi du dossier du parc marin du Saguenay—Saint-Laurent. Je souhaiterais que la politique de bilinguisme que nous appuyons dans le cadre de la politique des langues officielles soit respectée partout au Canada par tous les gouvernements.

Votre troisième question portait sur le programme de contestation judiciaire. Malheureusement, c'est pendant que votre collègue faisait partie du gouvernement conservateur qu'on a aboli le programme de contestation judiciaire. En 1993, le gouvernement libéral reprenait ce programme qu'il jugeait très important. Quand j'ai hérité du dossier des langues officielles, j'ai constaté qu'on avait réduit ces 9 p. 100 et j'ai donné instruction à mes fonctionnaires de ne pas faire de réductions dans le programme, mais plutôt d'y prévoir des augmentations. C'est important pour la francophonie et c'est ce qui nous avait permis d'avoir une pleine gestion scolaire en Ontario. C'est par ce biais que nous aurons peut-être une reconnaissance du coût plus élevé de la scolarisation en langue française.

Justement, je rencontrais des parents à ce sujet la semaine dernière. On voit que c'est par le biais du programme de contestation judiciaire qu'on a réussi à obtenir une reconnaissance de l'éducation en français en Colombie-Britannique. C'est un programme très important, et je veux qu'on y investisse davantage d'argent.

Mon premier geste a consisté à restituer ces 9 p. 100 qui avaient été abolis parce que je trouvais qu'on ne devait pas réduire un budget aussi important. Il est malheureux que votre collègue n'ait pas adopté, au moment où il faisait partie du gouvernement, la politique qu'il appuie aujourd'hui.

M. Louis Plamondon: Merci.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

[Français]

M. Louis Plamondon: Il me reste une minute?

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.

[Français]

Vous pourrez revenir au deuxième tour.

Monsieur Coderre, s'il vous plaît.

M. Denis Coderre: Madame la ministre, bienvenue au comité. J'aimerais moi aussi saluer les étudiants et les prévenir tout de suite que les députés du Parti réformiste ne représentent pas tous les membres du Comité des langues officielles. Welcome to Jurassic Park, devrais-je dire.

Chose certaine, on ne doit jamais se demander si une langue est utile ou si un service dans une autre langue est utile. C'est essentiel. Lorsqu'on veut se battre pour faire la promotion d'un drapeau, on doit également faire la promotion des valeurs qui sont véhiculées par ce drapeau, c'est-à-dire la dualité linguistique.

Madame la ministre, lors de la comparution du président de l'Association olympique canadienne, on a eu droit à de plates excuses. On va lui donner le bénéfice du doute. Cependant, je crois que vous avez un rôle à jouer lorsque vous accordez une subvention. Vous avez dit plus tôt que vous assuriez le respect de la langue. Est-ce que vous êtes satisfaite de la façon dont les organismes auxquels vous accordez des subventions respectent les deux langues officielles en général?

• 1610

L'hon. Sheila Copps: Il y a deux volets parce que la politique du sport s'applique aux fédérations canadiennes. Si cela vous intéresse, nous pourrions demander au directeur général des sports de venir vous parler. En passant, j'ai omis de vous présenter le sous-ministre adjoint de la citoyenneté et des programmes d'identité, M. Norman Moyer, et le directeur général des programmes d'appui aux langues officielles, M. Hilaire Lemoine.

Le dossier du sport fait partie d'un tout autre appareil. L'Association olympique canadienne ne reçoit pas ses subventions de la même façon que les autres organismes nationaux. Le financement que nous offrons à l'Association olympique canadienne est inférieur à 2 p. 100 et représente 360 000 $ d'un budget de 15 millions. Ce n'est donc pas un montant important. D'autre part, je leur ai réitéré, aussi bien par télex qu'en personne, que nous étions prêts à les aider et à travailler avec eux pour nous assurer que cela ne se reproduise pas.

De plus, il ne faut pas oublier, comme on a pu le constater lorsqu'on était sur place aux Jeux olympiques, comme peut en témoigner Radio-Canada et comme Bill Warren le mentionnait aussi hier, l'excellent travail des bénévoles qui travaillaient sur place 12, 14 ou 20 heures sur 24 dans les deux langues officielles. Ils ont fait un excellent travail là-bas et ils n'étaient pas rémunérés. À cette somme que nous avons payée, il faut ajouter toutes ces heures de travail bénévole. Dans ce contexte, j'ai offert à l'Association olympique canadienne de travailler à la mise sur pied d'un protocole afin de mieux respecter la politique des langues officielles, lequel est essentiel. Ça fait mal de ne pas nous voir reflétés dans notre propre cérémonie olympique.

M. Denis Coderre: Madame la ministre, j'aimerais revenir à l'investissement que Patrimoine Canada a fait au niveau des communautés canadiennes-françaises—je n'aime pas dire hors Québec—en vue d'aider les commissions scolaires en matière de promotion et de protection de la langue. Est-ce que vous croyez qu'on devrait investir juste au niveau secondaire, plutôt que dès la maternelle? Ne doit-on pas renforcer les subventions aux communautés francophones dès la maternelle, parce que c'est probablement à ce niveau-là qu'on va augmenter le fait français?

L'hon. Sheila Copps: Le rapport Où sont passés les milliards identifie deux problèmes. Premièrement, si les parents travaillent à l'extérieur de la maison et que leurs enfants n'ont pas accès à une garderie où l'on parle français, il est déjà trop tard lorsque les enfants font leur entrée à l'école.

Deuxièmement, il nous faut tenir compte du fait que les écoles de langue française sont généralement établies depuis moins longtemps. La semaine dernière, je rencontrais justement des parents et des commissaires d'établissements scolaires du Manitoba. Les commissaires viennent d'y être élus pour la première fois. Puisque leurs commissions scolaires sont très récentes, les étudiants qui s'apprêtent à fréquenter l'école secondaire sont plutôt attirés vers les écoles anglaises, où les services sont bien établis et où, par exemple, les équipes sportives sont là depuis 50 ans. De nombreux facteurs entrent en jeu, et c'est pourquoi les commissions scolaires et les parents des élèves qui les fréquentent revendiquent un investissement qui dépasse la simple scolarisation. Dans beaucoup de provinces, on parle actuellement d'un engagement per capita. La version française d'un livre d'enseignement coûte normalement plus cher que sa version anglaise.

Certains coûts sont reliés à cette nouvelle implantation. Ce n'est qu'en 1971 qu'a vraiment commencé ce système. Dans certaines provinces, il n'a débuté que cette année. En plus de cette francisation, on doit pouvoir travailler en français.

• 1615

Si on est allé à l'école à Saint-Boniface mais qu'on ne peut pas travailler en français, on est forcé de s'assimiler. C'est pourquoi nous proposons, dans le plan quinquennal, un encadrement pour les projets d'infrastructures communautaires et c'est pourquoi nous avons investi dans les centres communautaires, comme l'a démontré le tableau que je vous ai présenté.

M. Denis Coderre: En terminant, madame la ministre, croyez-vous que les coupures budgétaires effectuées dans le passé ont eu un effet sur le respect accordé à l'article 41? De plus, quelles mesures êtes-vous prête à prendre pour vous assurer que, lorsqu'on donne une subvention, on n'ait plus à inviter qui que ce soit pour lui demander de s'excuser?

L'hon. Sheila Copps: Il faudrait faire la différence entre les articles 41 et 42 et celui qui donne droit à la scolarisation. En effet, les articles 41 et 42 portent sur les droits dans l'implantation des services fédéraux en rapport avec les langues officielles. M. Jaffer en a d'ailleurs parlé. En ce qui concerne ces articles 41 et 42, M. Marcel Massé fait des examens réguliers de leur mise en application. Il est certain qu'il faut exercer une vigilance perpétuelle.

En ce qui a trait à la scolarisation, une fois que nous aurons réussi l'implantation des services et de l'infrastructure... Cela vient tout juste de se faire. À Terre-Neuve, elle date de sept ans. En Colombie-Britannique, malgré des revendications sur le plan juridique, il n'existe pas encore d'école postsecondaire. L'investissement requis sera encore plus important. Les coupures subies par les communautés minoritaires leur ont fait mal, oui.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci, madame la ministre.

Le NPD n'est pas là, et nous passons donc au Parti conservateur. Les sénateurs Beaudoin et Comeau veulent partager leur temps. À vous de décider qui commence.

[Français]

Le sénateur Gérald J. Comeau (Nouvelle-Écosse, PC): Ce ne sera pas tellement long, sénateur Beaudoin, si vous voulez bien me permettre. Merci.

Bienvenue au comité, madame Copps. Je voudrais faire une observation au sujet d'une expression qui devient de plus en plus courante. C'est l'expression «francophone hors Québec». Notre ami Louis Plamondon l'a utilisée et on entend aussi souvent Mme Tremblay l'employer. En particulier, on entend «ils sont finis, les francophones hors Québec».

Mon observation, c'est que cette expression cause des ennuis aux Canadiens français qui ne résident pas au Québec. Ils détestent être désignés par rapport au Québec.

Nous sommes des Canadiens français de Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de bien d'autres parties du Canada, et même de l'Alberta d'où viennent les réformistes. Il s'y trouve des francophones même s'ils ne veulent pas le reconnaître.

C'est une expression que je voudrais que vous enleviez de vos documents. Peut-être pourriez-vous en parler avec vos fonctionnaires. Il serait sans doute préférable d'en utiliser d'autres.

Il y a une autre expression qui est utilisée de plus en plus parmi la population canadienne et qui contribue à la diviser. Il s'agit de l'expression «le Canada anglais». On entend souvent cela chez les journalistes. Même parmi nous, les parlementaires, qui sommes bien plus au courant de la situation, employer le terme «le Canada anglais» donne l'impression qu'il existe un Québec qui est français et que le reste du Canada est anglais, ce qui n'est pas exact.

Il y a des francophones qui vivent en situation minoritaire, par exemple en Nouvelle-Écosse. Je pense que nous sommes à peu près 4 p. 100 de la population. Pourtant, nous conservons notre langue, et c'est très important pour nous de ne pas être englobés dans le Canada anglais.

Ce sont les deux observations que je voudrais voir prises en considération. C'est une question de sensibilité surtout. Merci, madame la ministre.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Si vous voulez répondre aux deux en même temps, madame la ministre, je vais passer tout de suite au sénateur Beaudoin.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Merci, madame la ministre, d'avoir accepté l'invitation de ce comité. Je voudrais faire l'observation que j'ai déjà faite hier. Je la répète parce que j'y crois beaucoup.

• 1620

On dit souvent ici qu'il y a tant de Canadiens-français, de Canadiens-anglais, etc. Pour moi, ce n'est pas une question mathématique, pas du tout. La raison en est bien simple. C'est que la Loi sur les langues officielles met le français et l'anglais sur le même pied, pas dans un rapport d'un tiers/deux tiers, mais sur le même pied. La Constitution, depuis 1982, dit très clairement, à l'article 16, que les deux langues officielles du Canada sont le français et l'anglais.

Pour moi, c'est donc un faux débat qui revient souvent. On nous oppose toujours les chiffres. Nous ne sommes pas ici pour faire des mathématiques, mais pour nous occuper de bilinguisme et de ce genre de choses.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention et j'ai examiné vos tableaux. Il y a un point qui m'a toujours intéressé. C'est la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Ce n'est pas facile, mais peut-être aime-t-on les problèmes difficiles. Le Parlement canadien s'engage à faire tout ce qu'il peut pour la promotion du français et de l'anglais au Canada. C'est évident que beaucoup de choses ont été réalisées. Il faut voir les choses en face. La critique est bonne, surtout quand elle est positive.

On doit évidemment faire face à un certain nombre de coupures. Qu'est-ce qui se fait pour promouvoir le français de façon plus positive, comme le demande l'article 43 de la Loi? Est-ce que les francophones—je ne dirai pas «hors Québec» puisque mon collègue a rendu l'expression taboue—des autres provinces...

Le sénateur Gérald Comeau: Des provinces anglaises.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis capable de m'exprimer très bien.

L'hon. Sheila Copps: Ils ne vont pas être d'accord sur cela.

Le sénateur Gérald Beaudoin: J'aimerais savoir ce qui se fait et si les minorités françaises en sont satisfaites.

L'hon. Sheila Copps: Je pense que vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, vous étiez parmi les constitutionnalistes qui ont travaillé fort pour que la reconnaissance de deux langues officielles soit entérinée dans la Constitution. Si on veut parler des droits en fonction du nombre, on peut dire que lorsqu'il y en a un qui ne reçoit pas sa juste part par le biais de la Constitution, c'en est un de trop. Est-ce qu'ils sont satisfaits? Je le pense. C'est le message que je reçois des gens. Il faudrait que vous les invitiez quand même, mais je pense que leur frustration, c'est qu'une fois leurs enfants élevés...

Je pense que Rahim parle un très bon français. Je ne sais pas où il l'a appris. De nos jours, il y a pas mal de Canadiens qui sortent de l'école bien instruits, en français par exemple. Mais une fois qu'ils en sortent, ils sont obligés d'aller travailler dans une autre langue. Pour faire échec à la frustration, il faut d'abord favoriser l'existence d'un espace francophone pour ceux qui vivent dans une situation minoritaire. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous avons investi dans les radios communautaires.

Prenons l'exemple de Kapuskasing. C'est une petite communauté qui recevait toujours la radio de Timmins. Mon père est né à Haileybury et je connais un peu la région. Il parlait français d'ailleurs, mais un français qu'il n'avait pas appris à l'école. À Kapuskasing, ils ont toujours reçu les émissions du poste de Timmins, en anglais. Je pense que la population était trop restreinte pour avoir une radio commerciale. Ils ont lancé une radio communautaire et maintenant la cote d'écoute de cette radio est de 97 p. 100.

Alors, on peut maintenant, à Kapuskasing, qui est quand même une ville assez francophone mais petite, non seulement aller travailler mais aussi écouter la radio. On a implanté dernièrement seulement les radios communautaires.

Maintenant, il y a d'autres pays, y compris la France, qui étudient ce que nous avons fait dans le domaine de la radio communautaire parce que cela semble convenir à des populations insuffisantes pour susciter un intérêt commercial, mais susceptibles de s'intéresser à une programmation donnée. C'est vrai aussi des journaux et des centres culturels.

Croirez-vous que nous avons ouvert un centre culturel à Sault-Sainte-Marie, où un restaurant réussit financièrement alors qu'il fonctionne en français? Ce sont les étapes que nous avons franchies depuis quelques années. Il y a 10 ou 15 ans, la bataille était la vieille bataille menée par une petite minorité. Aujourd'hui, la population semble se rendre compte que c'est une valeur ajoutée. Et valeur ajoutée veut dire que c'est mieux que l'unilinguisme.

• 1625

Le sénateur Gérald Beaudoin: Si je peux résumer en deux mots, c'est que les articles 41, 42 et 43...

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Ce sont là vos deux mots.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Eh bien, j'y reviendrai. Je suis les lois à la lettre.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Au deuxième tour.

C'est au Parti libéral. Je pense que le temps...

L'hon. Sheila Copps: Madame Finestone, M. Comeau a soulevé une question sur laquelle je suis entièrement d'accord avec lui.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Allez-y.

L'hon. Sheila Copps: Sur la question de la langue, si on parle toujours du Québec français et du Canada anglais, cela paraît étonnant pour les Québécois qu'il y ait un million de francophones hors Québec. Ils ne sont pas au courant parce qu'on parle tout le temps du Québec et du Canada et vice versa.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Il est très intéressant de voir qu'il y a des anglophones qui sont minoritaires également dans certaines autres régions du Canada.

[Français]

Il y a eu chevauchement entre la question posée par le sénateur Comeau et celle que voulait poser la sénatrice Losier-Cool. Voulez-vous qu'on vous accorde une minute, madame?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Oui, merci. Mon nom était sur la liste avant ceux du sénateur Comeau, du sénateur Beaudoin et du député Coderre, qui ont tous parlé de cette question.

L'appellation «francophone hors Québec» a provoqué des discussions au sein de la Fédération des communautés francophones et acadienne il y a plus de 10 ans. Dans la Loi sur les langues officielles, je pense qu'on se sert de l'expression «francophones minoritaires». D'ailleurs, dans votre correspondance, madame la ministre, vous vous servez aussi de «francophones minoritaires».

Parce que je crois que le langage est un pouvoir, j'exhorte tous les membres de votre ministère ici à essayer autant que possible de l'utiliser. Peut-être est-ce plus clair de dire «francophones hors Québec», mais les francophones de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve ne veulent pas être identifiés comme des francophones qui ne sont pas Québécois ou qui sont hors Québec, ou tout simplement en rapport avec le Québec. Ils veulent être identifiés comme des francophones minoritaires.

Pour être constants avec les résultats de nos discussions, on devrait utiliser ce terme dans le rapport sur l'enseignement postsecondaire que nous avons fait au Sénat. On a fait un effort pour parler des universités en secteur francophone minoritaire.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci.

Nous passons maintenant aux tours de cinq minutes. L'ordre d'intervention sera le Parti réformiste, le Parti libéral, le Bloc québécois et le Parti libéral.

Tout d'abord, monsieur Breitkreuz.

M. Cliff Breitkreuz: Merci, madame la présidente. Je trouve intéressant que mon collègue d'en face ait soulevé la question du parc Jurassique et me considère comme un dinosaure. Moi, il me rappelle le gars dans les bécosses.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je ne pense pas que cela soit utile... Puis-je vous suggérer...

Des voix: Oh, oh!

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Voulez-vous continuer, s'il vous plaît?

M. Cliff Breitkreuz: Madame la présidente, arrêtons de parler des francophones au Québec et hors Québec et parlons des francophonies du monde. Je crois savoir que le gouvernement a engagé des millions de dollars pour faire venir des athlètes de la francophonie en avion...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Francophones.

M. Cliff Breitkreuz: Francophones. Maintenant c'est francophones?

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Ce n'est pas «francophonies» en français. Vous voulez dire francophones.

M. Cliff Breitkreuz: Francophones... si vous voulez. Je crois que le gouvernement s'est engagé à transporter par avion des athlètes francophones du monde entier pour les faire venir ici, évidemment aux frais des contribuables canadiens, et j'aimerais que vous m'expliquiez cela, sachant surtout qu'il y a des Canadiens handicapés qui ne peuvent pas obtenir un sou du gouvernement pour participer à des jeux ici au Canada.

L'hon. Sheila Copps: Monsieur Breitkreuz, j'hésite à répondre à votre vitriol, parce que lorsque l'on entend des commentaires semblables, on comprend pourquoi certains estiment ne pas avoir leur place dans notre pays.

M. Cliff Breitkreuz: Répondez à la question, s'il vous plaît.

L'hon. Sheila Copps: Je prendrai le temps voulu pour répondre à votre question, comme vous avez pris le temps qu'il vous fallait pour la poser.

Le fait est, madame la présidente, que si vous voulez compter l'argent que l'on consacre au sport, l'argent que l'on mettra de côté pour les Jeux de la Francophonie, cela représente environ... Les budgets n'ont pas encore été établis, étant donné que les jeux n'auront pas lieu avant l'an 2001, mais si l'on considère les projections, le budget de ces jeux représente pour le moment environ un trentième du budget consacré aux jeux du Commonwealth. Je trouve étrange que vous n'ayez pas dit un mot au sujet de ces autres jeux.

• 1630

Deuxièmement, il est absolument faux de dire que les athlètes handicapés ne touchent pas un sou. En fait, il y a à peine un mois, j'ai lancé un programme que votre parti a complètement dénigré. Complètement. Il s'agit de créer un système de cartes pour les athlètes paralympiques. Cela veut dire que, pour la première fois, ces athlètes auront comme les athlètes olympiques le droit de toucher des appointements mensuels pour les aider à s'entraîner.

Ce que je trouve décourageant—et c'est la raison pour laquelle on vous accuse de jouer à diviser les Canadiens—c'est que lorsqu'on essaie d'ériger des passerelles entre les différents groupes composant un pays, il faut le faire en se comprenant, et non pas en rejetant les autres groupes, en reconnaissant que si l'on veut bâtir le Canada, il faut le bâtir dans les deux langues officielles. Les jeux que nous voulons avoir à Ottawa-Hull en l'an 2001 aideront, nous l'espérons, des jeunes de tout le pays à mieux se connaître et, espérons-le, à ne pas prendre le genre de positions que vous prenez.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Monsieur Jaffer, vous avez une minute, 30 secondes.

M. Rahim Jaffer: Oui, si vous me permettez de répondre, je pense que j'aimerais simplement apporter une correction à ce qu'a dit la ministre. Il ne s'agit pas de dénigrer ce programme, mais d'essayer de révéler dans une certaine mesure les réalités qui existent dans notre pays. Peut-être qu'elle s'est mal exprimée, mais je ne pense pas qu'elle aurait dû dire que nous avons dénigré ce programme. Je ne suis pas d'accord.

Étant donné que je ne connais pas le Règlement, madame la présidente, j'aimerais poser une question par votre intermédiaire, si vous le permettez. À propos de la visite de M. Warren ici hier, j'aimerais revenir sur ce que disait mon collègue. Nous avons apprécié que M. Warren soit invité et que nous puissions lui poser des questions. Je crois qu'il a déjà présenté des excuses pour le problème qui s'est présenté au comité olympique un mois avant de venir ici, et une des choses qui m'ont surpris, c'est le caractère vicieux des remarques de certains des députés à l'endroit de M. Warren.

Si je pouvais obtenir le consentement unanime du comité, peut-être pourrions-nous demander à la ministre du Patrimoine de lui écrire une lettre d'excuse pour ce comportement, tout d'abord, qui dirait aussi que nous le félicitons d'avoir répondu si vite lorsqu'il a constaté qu'il y avait un problème, et pour de tout ce qu'il a fait aux Jeux olympiques. Pourrait-on avoir le consentement unanime à cet égard?

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Monsieur Jaffer, je vous dirai en toute déférence que le comité, comme c'est l'habitude, enverra une lettre de remerciement à chacun des témoins qui comparaissent. Nous remercierons certainement M. Warren au nom du comité. C'est notre responsabilité, et c'est ainsi que nous procéderons.

M. Denis Coderre: Rappel au Règlement.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Oui, monsieur Coderre. Si vous n'étiez pas là, que ferais-je?

[Français]

M. Denis Coderre: Est-ce que moi, comme représentant francophone du Québec, membre et vice-président de ce comité mixte, j'ai aussi le droit de proposer une motion de blâme contre le Parti réformiste pour avoir parlé de façon vicieuse contre le fait français et pour ne pas travailler avec réalisme?

Moi aussi, je serais prêt à faire une motion de blâme contre le Parti réformiste. Et s'il ne me fait pas d'excuses, je serai même prêt à proposer qu'ils ne siègent même pas ici parce qu'ils ne représentent les intérêts d'aucune langue officielle.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer: Madame la présidente, c'est ridicule.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup, monsieur Coderre.

Madame la ministre, nous allons passer au suivant, qui sera M. McWhinney.

M. Rahim Jaffer: Excusez-moi, madame la présidente, mais j'ai demandé le consentement unanime. Pourriez-vous au moins...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je n'ai pas donné ce consentement. Je suis désolée.

M. Rahim Jaffer: Mais n'êtes-vous...

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Non, il n'y a pas de consentement unanime. Merci beaucoup.

Monsieur McWhinney.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Madame la présidente, je dirai simplement que le comité ne peut demander à la ministre d'entreprendre une tâche qui revient au comité. C'est une question de jugement.

Madame la ministre, puis-je vous demander de parler de la situation des anglophones au Québec? D'autre part, pour ce qui est de la compétence fédérale, quelle est la position du gouvernement par rapport à la Loi sur les langues officielles et les allophones au Québec, c'est-à-dire ceux dont la langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français?

• 1635

L'hon. Sheila Copps: La question des allophones est encore une fois une question linguistique. Si vous parlez de la représentation des groupes linguistiques minoritaires au pays, je crois qu'il pourrait être utile à un moment ou à un autre que vous invitiez la secrétaire d'État, Mme Hedy Fry, à comparaître devant votre comité pour en parler plus précisément.

Pour ce qui est des minorités anglophones, j'ai toujours dit, et je crois que l'histoire l'a prouvé, que la minorité anglophone au Québec a un système bien établi de services de santé, d'éducation, de commissions scolaires, etc.

Le défi—et j'espère que c'est un défi que nos amis du Bloc relèveront—c'est que pendant que nous travaillons très dur pour faire respecter la dualité linguistique canadienne, il faut s'efforcer de dissiper les crainte s de la communauté anglophone au Québec de voir réduits certains des droits et responsabilités qui lui ont été reconnus depuis toujours. Si nous voulons vraiment travailler à bâtir un pays fort, il faut travailler dans les deux langues partout dans tout le pays.

Je n'irai pas à Edmonton pour entendre le genre de propos francophobes que j'ai entendus aujourd'hui de la part du Parti réformiste, et je n'irai pas à Montréal pour entendre le genre de propos anglophobes que j'ai entendus de la part de certains députés du Bloc québécois. À mon avis, ce qu'il faut, c'est reconnaître le fait que la présence de deux langues et le mélange des cultures fortifient et bonifient notre pays, et que l'ensemble est meilleur que la somme des parties. Voilà tout le message qui commence maintenant à passer pour ce qui est des langues officielles.

Je n'en reviens pas que M. Breitkreuz attaque le programme des langues officielles alors que son propre collègue illustre son fonctionnement aujourd'hui.

J'ai commencé à apprendre le français lorsque j'étais à l'école secondaire. J'ai grandi dans un système où l'enseignement du français n'existait pas. Il se trouve que je fréquentais une école catholique. J'étais chez les Soeurs Grises. Nous avions une heure de conversation française par semaine, et tout le reste, c'était de la littérature. Je n'ai pas eu la possibilité qu'ont les jeunes aujourd'hui d'apprendre le français tôt. Je n'ai pas commencé à apprendre le français avant d'avoir 12 ou 13 ans.

Je pense que le fait que les jeunes d'aujourd'hui aient cette possibilité est un avantage. J'ai eu la chance pour ma part d'aimer cette langue, et je me suis efforcée de l'apprendre comme il faut. Mais le système scolaire ne m'a pas aidée; c'est parce que je m'assoyais devant un miroir et que je répétais «un, deux, trois». Je me suis attachée à apprendre ce que je crois être une belle langue et un superbe ornement pour mon pays.

Je n'arriverai jamais à comprendre pourquoi une personne qui est exposée à diverses cultures comme nous le sommes en notre qualité de députés fédéraux épouserait un point de vue aussi étroit et aussi provincial que celui qui est, franchement, exprimé par des partis qui veulent imposer une politique d'unilinguisme, et non pas de bilinguisme.

M. Ted McWhinney: Merci, madame la ministre.

[Français]

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Turp.

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Citer M. Bouchard, ce qu'il dit, ce qu'il pense du bilinguisme, c'est sans doute faire constater aux gens autour de la table que les Québécois sont bilingues. La plupart d'entre ceux qui le veulent le sont et il y en a beaucoup, comme les statistiques que vous avez citées l'ont démontré. M. Bouchard est fier d'avoir des enfants qui sont bilingues. Je suis moi-même fier d'avoir des enfants qui sont bilingues. Ce n'est pas pour moi une question contestable puisqu'il est très utile d'être bilingue et, davantage, d'être trilingue.

Je ne crois pas que ce soit là nécessairement l'objet d'un différend entre les fédéralistes que vous représentez et les souverainistes que nous représentons. Il y a, au-delà de cette question, une question nationale qui n'est pas d'abord linguistique ou seulement linguistique.

Je voudrais rappeler que les gouvernements successifs du Québec, qu'ils soient fédéralistes ou souverainistes, n'ont de leçon à recevoir de personne sur le traitement des minorités et sur le fait qu'on ait conféré des droits linguistiques enchâssés dans des lois et reconnus par des chartes, et sur leur interprétation par les tribunaux québécois. Nous n'avons de leçon à recevoir de personne, surtout pas des gouvernements des autres provinces du Canada, que le gouvernement fédéral cherche à aider, souvent même contre leur gré.

• 1640

Notre collègue a parlé de Jurassic Park et de cinéma. J'aimerais pour ma part vous faire remarquer que, lorsque vous présentez des données sur cette question, j'ai l'impression que vous voyez La vie en rose, un très bon film que je vous invite d'ailleurs à voir. Vous ne parlez pas des difficultés que rencontrent les communautés francophones et acadienne, l'adjectif «acadien» étant le terme préféré des francophones eux-mêmes. J'ai été très surpris, madame la ministre, de vous entendre parler de francophones hors Québec parce que même nous, les souverainistes, parlons maintenant des communautés francophones et acadienne.

Vous savez très bien que dans les communautés francophones et acadienne, il y a une diminution significative du nombre de personnes qui parlent français à la maison. Cela devrait vous inquiéter parce que cela veut dire que vos politiques sont un échec à bien des égards. J'aimerais vous entendre commenter cette question.

J'aimerais aussi vous parler du bilinguisme parce que le bilinguisme ne semble pas toujours être apprécié des communautés francophones et acadienne. Les événements entourant la Semaine nationale de la francophonie nous apprennent, par le biais de l'ACELF, que les communautés francophones et acadienne n'apprécient guère que la semaine francophone devienne une semaine bilingue et que l'on fasse une promotion bilingue de l'événement.

Je vous citerai une fois de plus l'ACELF dans un communiqué paru hier et qui dit:

    Nous croyons fermement que le respect de la mission de la Semaine, créée par l'ACELF en 1993, passe par le respect de son caractère unilingue francophone.

Alors, pourriez-vous nous dire pourquoi votre gouvernement a voulu rendre bilingue la Semaine nationale de la francophonie alors que les communautés francophones et acadienne veulent qu'elle soit unilingue?

L'hon. Sheila Copps: Tout d'abord, monsieur Turp, je pense que vous vous trompez en disant que ce groupe dont vous parlez, l'ACELF, a le dernier mot à dire là-dessus parce que j'ai, moi aussi, un communiqué de presse que j'aimerais vous communiquer:

    Les pieds dans le plat: Gilles Duceppe et les Jeux de la francophonie de 2001 à Ottawa-Hull.

    Pourquoi faut-il toujours que le chef du Bloc Québécois, [...] mette les pieds dans les plats chaque fois qu'il parle de la francophonie canadienne?

C'est un communiqué de presse émis par la Fédération des communautés francophones et acadienne. Vous avez parlé des communautés francophones et acadienne, et je cite leur fédération:

    Monsieur Duceppe vient tout juste de compléter une tournée dans l'Ouest au cours de laquelle il a rencontré des représentantes et des représentants des communautés francophones de cette région du pays, a raconté le président de la FCFA. Malgré cela, il ne semblait pas avoir compris...

M. Daniel Turp: Madame Copps, on n'est pas en Chambre des communes ici. Répondez donc à nos questions.

M. Louis Plamondon: Répondez aux deux questions et on fera ce débat après.

L'hon. Sheila Copps: Excusez-moi, mais vous avez proféré des accusations à notre sujet par rapport aux communautés francophones et acadienne.

M. Daniel Turp: On n'a fait que poser une question, madame Copps. J'ai posé une question que posent les francophones. Vous citez Gilles Duceppe et ce qu'il a dit sur les Jeux de la Francophonie. Parlez-nous donc de la Semaine nationale de la francophonie!

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Monsieur Turp, on invoque le Règlement, s'il vous plaît.

M. Ted McWhinney: Ce n'est pas un tribunal ici. Le contre-interrogatoire est inacceptable. On a posé une question, et il appartient au témoin de répondre.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup. Madame la ministre.

[Français]

M. Louis Plamondon: Justement, elle ne répond pas à la question.

Le sénateur Louis J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): Elle répond et vous ne lui donnez pas de chance de le faire.

M. Louis Plamondon: On lui parle de la Chine et elle nous répond en parlant des États-Unis.

L'hon. Sheila Copps: Si j'ai bien compris en relisant le hansard, vous avez attribué des commentaires à la Fédération des communautés francophones et acadienne.

M. Daniel Turp: Non, non. J'ai lu leur communiqué d'hier.

L'hon. Sheila Copps: Je cite un communiqué émis aujourd'hui par la Fédération des communautés francophones et acadienne qui dit, et je cite:

    Monsieur Duceppe vient tout juste de compléter une tournée dans l'Ouest au cours de laquelle il a rencontré des représentantes et des représentants des communautés francophones de cette région [...]. Malgré cela, il ne semble pas avoir compris que ce n'est pas le Québec qui représente les communautés francophones et acadiennes du Canada. D'ailleurs, je doute que soit la prétention du gouvernement québécois de représenter l'ensemble de la francophonie canadienne.

• 1645

M. Daniel Turp: Répondez à ma question, madame Copps. Je vous parle de la Semaine nationale de la francophonie.

L'hon. Sheila Copps: Monsieur Turp, vous avez fait des commentaires selon lesquels...

Une voix: Laissez-la répondre!

M. Daniel Turp: Oui, mais justement, elle ne répond pas. Elle ne répond pas. Okay, je ne parle plus. Je veux une réponse à ma question.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Excusez-moi. Je vous ai donné toute liberté, monsieur Turp, et à vous aussi, madame la ministre. Je vous serais reconnaissante de répondre aux questions de M. Turp dans les quelques minutes qui vont suivre, s'il vous plaît.

[Français]

L'hon. Sheila Copps: M. Turp dit que le gouvernement du Québec a tout fait pour respecter les lois des minorités. Je voudrais donc lui faire remarquer qu'actuellement, nous sommes bloqués sur le projet de loi concernant le parc marin du Saguenay—Saint-Laurent parce que le gouvernement du Québec refuse d'approuver le texte en anglais.

Il me semble donc que si on veut respecter les deux langues officielles, il faut que ce soit dans les deux langues. J'aimerais juste citer un texte:

    Je reconnais que la loi 178 est une affaire épouvantable. Les anglophones ont été trompés par le premier ministre. Je reconnais que ce fut traumatisant pour eux. Je ne me sens pas à l'aise avec la loi 178. Moi, interdire une langue, empêcher que l'anglais soit utilisé, je ne suis pas fort là-dessus.

Ce sont les commentaires de Lucien Bouchard en 1991. Ce ne sont pas mes commentaires.

M. Daniel Turp: Vous ne m'avez pas répondu, madame Copps. Vous ne voulez pas répondre aux francophones. Ce n'est pas moi qui critique le fait que vous voulez bilinguiser la Semaine nationale de la francophonie. Ce sont les francophones. Pourquoi voulez-vous bilinguiser cette semaine alors qu'ils souhaitent qu'elle soit unilingue?

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci, monsieur Turp. Vous allez respecter notre règlement.

[Français]

L'hon. Sheila Copps: Si vous venez ce soir à la Fête des Acadiens et des francophones, vous verrez que cela se passe en français. Et le fait qu'il y ait plus de monde qui s'implique et plus de monde au courant de cet événement au Canada, c'est un bon point pour la francophonie canadienne.

Si vous voulez connaître quelques opinions, allez donc parler à la Fédération des communautés francophones et acadienne. Personne n'a parlé d'une tentative d'introduire l'anglais dans la Semaine de la francophonie, sauf vous qui cherchez toujours à vous poser en victimes. Vous êtes des experts de la victimisation.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Paradis, s'il vous plaît.

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue autour de cette table. Je voudrais commencer par deux choses.

Tout d'abord, je crois que TVOntario et TVA ont soumis l'idée d'étendre leurs activités de télévision francophone à la grandeur du pays. Quelle est la position de votre ministère concernant ce dossier? Est-ce que l'on envisage d'apporter une aide à TVOntario et TVA?

Deuxièmement, lors d'une tournée avec un groupe de parlementaires français l'an passé, en Colombie-Britannique, on nous avait fait remarquer que la radio de Radio-Canada n'avait pas d'antenne de réception sur l'île de Vancouver pour couvrir Victoria et l'île de Vancouver. On nous avait demandé s'il serait possible d'avoir une antenne sur l'île de Vancouver, à Victoria, pour recevoir Radio-Canada français.

C'étaient les deux points que je voulais souligner. Mais il y a aussi d'autres choses que je voudrais mentionner plus globalement. Je pense—et plusieurs intervenants l'ont fait remarquer—qu'il est important de faire ressortir l'image d'un Canada bilingue.

Dans Brome—Missisquoi, ma propre circonscription, qui compte 42 municipalités, 80 p. 100 des gens parlent le français et 20 p. 100, l'anglais. Il y a quelque chose qui unit tous ces gens-là dans la circonscription de Brome—Missisquoi, et c'est la compréhension, l'ouverture et la sensibilité qu'ils ont les uns envers les autres.

Je le répète aujourd'hui parce que notre collègue réformiste a encore fait une sortie qui est, à mon humble avis, tout à fait déplorable. Dans ce sens, est-ce que votre ministère n'aurait pas intérêt à déployer davantage d'efforts pour augmenter cette compréhension entre les deux groupes linguistiques au pays?

Je donne l'exemple du projet que votre ministère a soutenu l'an passé et sur lequel on est en train de travailler cette année concernant un échange d'étudiants: les étudiants du Québec iraient vivre une expérience de travail d'été dans une autre province canadienne. Ils vivraient huit semaines en immersion dans une famille où ils pourraient pratiquer leur langue seconde.

• 1650

Est-ce que votre ministère a prévu d'autres mesures ou d'autres programmes? J'invite d'ailleurs le ministère du Patrimoine canadien à trouver des mesures additionnelles pour faire en sorte que la compréhension s'améliore entre les deux groupes linguistiques au pays et pour ne pas que des choses comme celles que j'entends aujourd'hui de la part du Parti réformiste continuent d'être véhiculées. Je pense qu'il s'agit de trouver des moyens efficaces.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Si vous attendez trop longtemps, la ministre ne vous répondra pas. Et nous savons que vous travaillez bien au sein de votre comité.

[Français]

M. Denis Paradis: Madame la ministre, il faut trouver des moyens rassembleurs plutôt que des moyens qui divisent. Je termine là-dessus en vous demandant de nous faire vos commentaires.

L'hon. Sheila Copps: Tout d'abord, je ne connais pas les détails entourant la question de l'antenne de radio, mais je pense que la décision d'étendre le réseau sur Victoria est déjà prise.

Deuxièmement, en ce qui concerne la télévision française de l'Ontario, il n'y a que la ministre de la Culture du Québec qui bloque le signal au Québec. Elle ne veut pas avoir la télévision française de l'Ontario au Québec bien qu'elle prétende qu'on a un manque de réseaux en français, ce qui est vrai. Je lui ai d'ailleurs écrit il y a quelques mois pour lui demander de bien vouloir considérer la venue de la télévision française de l'Ontario au Québec. Celle-ci est implantée actuellement au Nouveau-Brunswick et il y a des tentatives dans l'Ouest, mais j'attends toujours sa réponse.

Je sais qu'actuellement, TVA est en train de songer à un réseau national, pancanadien, de langue française à la télévision, et je pense qu'une demande sera soumise au CRTC prochainement. Mais il faut dire qu'il est difficile de changer les attitudes, et ce n'est pas un programme ou un projet ou un ministère qui peut faire changer les choses.

M. Turp a parlé de La vie en rose. La vie n'est pas toujours rose, c'est vrai. Il y a 25 ans, les jeunes francophones de ma circonscription n'avaient pas droit à l'école française. Maintenant ils y ont droit, et cela fait une masse de jeunes qui font vivre les écoles.

Mais l'histoire aussi peut faire mal, comme l'histoire de Louis Riel, par exemple. Ça laisse des cicatrices qui exigent plus qu'un programme d'échange pour être effacées. C'est un travail de tous les instants.

Personnellement, je suis entièrement d'accord avec vous. Si on veut vraiment faire vivre le Canada, il faut qu'on commence à mettre de côté tous les problèmes que nous avons vécus. Quand M. le sénateur a parlé du Canada anglais, je me suis souvenue de mon père qui avait été le premier maire catholique élu à Hamilton dans les années 1960. Les protestants avaient fait campagne contre lui. Si on veut parler des droits qui n'ont pas été acquis, je pourrais aussi vous dire que ma grand-mère n'avait pas le droit de vote. Mais le passé ne doit pas nous empêcher de travailler dans le contexte actuel. Il faut commencer à partir d'aujourd'hui. Ensemble, nous pouvons nous épanouir dans un pays bilingue plutôt qu'unilingue.

M. Bouchard reconnaît ce fait lorsqu'il se promène en Amérique. Il dit bien qu'il est important de bien connaître les deux langues, mais il ne parle pas de ça au Saguenay.

M. Louis Plamondon: Mais nous tenons exactement le même discours, voyons.

Une voix: Ce n'est pas sérieux.

M. Louis Plamondon: Exactement le même discours partout.

Une voix: Il ne s'appelle pas Chrétien, lui.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Sénateur Simard, s'il vous plaît.

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Je m'appelle Jean-Maurice Simard. Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick.

J'ai cinq minutes pour faire mes commentaires et poser une question.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous pouvez poser des questions et puis madame peut répondre après, si vous voulez. Vous pouvez disposer de vos cinq minutes comme vous le voulez.

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Je vais d'abord dégonfler un autre ballon libéral.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Allez-y.

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Je me reporte à la présentation de la ministre Copps. C'est bien beau de comparer la situation de 1971 et celle de 1991.

• 1655

On doit constater qu'il y a des améliorations qui sont survenues au cours de ces 20 ans. Mais on est en 1998. Alors que la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, le commissaire aux langues officielles, le docteur Goldbloom, la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, la SNA et les observateurs objectifs de la scène parlent de progrès, je pense qu'on devrait plutôt parler de la détérioration des services aux francophones au Canada depuis 1993, et même peut-être depuis 1990.

Alors, le Parti libéral, le Bloc, j'en suis sûr, et le Parti progressiste-conservateur ont intérêt à se tenir les coudes pour faire face aux réformistes. Nous sommes des alliés.

L'hon. Sheila Copps: Vous êtes plutôt des souverainistes.

Le sénateur Jean-Maurice Simard: J'ai donné à plusieurs reprises, depuis 1967, le crédit à Gérard Pelletier. J'ai donné le crédit à Louis Robichaud. Il faut aussi le donner à Mulroney. Vous avez reproché à deux reprises au gouvernement de Mulroney d'avoir coupé le programme de contestation judiciaire, mais vous avez oublié de dire que vous aviez coupé 200 millions de dollars, entre 1993 et 1998, au protocole concernant l'enseignement de la langue française comme langue seconde à la minorité.

Je ne voudrais pas vous le reprocher, mais vous avez fait allusion à deux reprises, dans votre présentation ou lors d'une réponse à un collègue, aux bons résultats du programme de radio communautaire. Vous vous rappelez sans doute que vous étiez au Parlement, dans l'opposition, lorsque le gouvernement Mulroney a créé ce programme. On aurait donc intérêt à se tenir les coudes entre libéraux, conservateurs et bloquistes, d'autant plus que les bloquistes ont annoncé il y a cinq ou six ans une politique en faveur des communautés francophones au Canada.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Avez-vous une question, monsieur le sénateur?

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Oui. Vous avez parlé de vigilance tantôt. J'aimerais plutôt parler d'attaque contre l'assimilation. J'ai parlé d'observateurs neutres et objectifs et d'associations qui émettent des constatations depuis deux ans. Hier, j'ai même lu un communiqué de presse de la Fédération des communautés francophones et acadienne. On va les recevoir bientôt d'ailleurs. Ils ont fait des constatations et ils vont vous poser des questions.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Est-ce que vous pouvez terminer, s'il vous plaît?

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Je pense qu'au lieu de se péter les bretelles, on devrait prendre l'engagement d'améliorer les choses. Je vais conclure là-dessus.

• 1700

Même au Nouveau-Brunswick, on invoque depuis 10 ans les problèmes relatifs au déficit. Les services en français étaient offerts dans le nord du Nouveau-Brunswick depuis 15 ans dans le cadre d'un accord. On parle de 15 à 25 p. 100 comparativement avec le sud. Le gouvernement McKenna a invoqué la rigueur et le contrôle du déficit, non pas pour réduire, mais agrandir l'écart.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Mesdames et messieurs du comité, vous allez admettre que le sénateur ne vient pas très souvent ici; alors accordons-lui quelques minutes de plus.

[Français]

Le sénateur Jean-Maurice Simard: Votre gouvernement a signé des ententes de service et transféré aux provinces anglaises des obligations qui étaient les siennes. Ce n'est pas fort. J'ai l'impression que ça n'a pas été une bonne manoeuvre ni un bon projet.

Madame la ministre, est-ce que vous avez l'impression que depuis que votre gouvernement est en place, depuis 1993, il y a eu du progrès ou de la détérioration?

L'hon. Sheila Copps: Je suis d'accord avec vous que la question de la reconnaissance et de l'épanouissement des deux langues officielles ne doit être pas une question de parti politique. Parmi les gestes qu'a posés Brian Mulroney, on peut certainement souligner son appui aux deux langues officielles, ce qui n'est pas le cas du Bloc québécois.

Vous parlez de faire front commun, mais ce ne serait pas avec un parti qui veut avoir l'autre côté de la médaille du Parti réformiste. Le Parti réformiste parle d'un Canada anglais qui ne parle pas français, et le Bloc québécois parle d'un Québec français qui ne parle pas anglais.

M. Louis Plamondon: Parlez de votre position, si vous le voulez bien; on va parler de la nôtre.

L'hon. Sheila Copps: Le recensement sur lequel nous avons basé notre présentation est le dernier qui existe. Les recensements sont faits à tous les 10 ans et le prochain, qui est prévu en 2001, nous donnera une autre perspective. Quand M. Goldbloom a comparu devant le comité et qu'il a décrit la situation actuelle par rapport à celle de 1991, il a dit avoir constaté des améliorations. Il ne faut pas se péter des bretelles; il y a encore des lacunes, et des lacunes graves.

Au chapitre de la scolarisation, même quand on a réussi à avoir un financement par habitant—ce qui vient tout juste de se produire en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve entre autres—, ce n'était pas suffisant pour donner une valeur d'éducation qui n'existait pas auparavant. C'est pourquoi, dans le cadre des négociations du nouveau plan quinquennal, nous avons l'intention d'exiger de connaître leur plan d'action plutôt que de leur accorder tout simplement un financement par habitant. Nous voulons connaître leur plan d'action et savoir de quelle façon elles combleront la lacune qui existe dans l'éducation là où on ne donnait pas l'enseignement en français auparavant.

On a aussi besoin d'un investissement au niveau des infrastructures, tant dans les centres communautaires que dans les radios communautaires, ce qui a débuté au cours des années 1980.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Et pour les journaux de quartier aussi, n'est-ce pas?

L'hon. Sheila Copps: Enfin, je dirai qu'il faut lutter ensemble contre toute diminution des droits en matière de langues officielles. J'éprouve certaines difficultés face à la politique du Bloc parce qu'elle se tourne vers le passé. Dans le passé, le Québec était le mieux servi, mais à l'avenir, il faudra savoir respecter les deux langues officielles.

• 1705

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Madame la ministre, désolée, mais nous devons quitter les lieux à 17 h 15.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.

Avant de poser ma question, je tiens à répondre à une observation de M. Turp, qui a dit que le Québec n'a pas de leçons à recevoir du reste du Canada.

Il y a un petit élément où le Québec pourrait apprendre quelque chose. La fonction publique de la province de Québec est d'origine canadienne-française dans une proportion de 97 p. 100. La collectivité anglophone compte pour 10 p. 100 de la population; cependant, elle est insuffisamment représentée au sein de la fonction publique provinciale.

Au niveau fédéral, toutefois, les Canadiens français du Québec sont plus que représentés, même s'ils ne sont pas partout, et ils comptent pour un minimum de 25 p. 100 de la fonction publique fédérale au Canada. Je crois donc que le gouvernement provincial peut ici recevoir une petite leçon—et il s'agit du gouvernement provincial, que ce soit sous les libéraux ou le Parti québécois.

M. Daniel Turp: Je suis d'accord. Nous pourrions apprendre quelque chose.

Mme Marlene Jennings: Voici ma question, madame la ministre. J'ai lu votre rapport et je vous ai écoutée avec intérêt lorsque vous avez parlé de l'éducation en français à l'extérieur du Québec et du fait que, par exemple, le taux de décrochage a diminué considérablement. Et il en est ainsi partiellement grâce aux investissements et aux programmes qui ont été réalisés par la direction des langues officielles.

Les anglophones—les Québécois de langue anglaise—particulièrement dans les communautés ethnoculturelles de langue anglaise, ont un taux de décrochage supérieur à la moyenne nationale et supérieur à la moyenne provinciale. Chez les jeunes Noirs de langue anglaise, par exemple, le taux de décrochage est énorme. C'est scandaleux. C'est inacceptable.

J'aimerais savoir ce que vous faites pour remédier à ce problème au Québec. Et je comprends bien que l'éducation est une compétence provinciale, mais il y a des choses que la direction des langues officielles peut faire. Si on fait des choses à l'extérieur du Québec, on peut aussi en faire au Québec même.

L'hon. Sheila Copps: Nous investissons dans l'éducation minoritaire en langues officielles au Québec et dans tout le pays. Ce programme ne s'adresse pas qu'aux francophones hors Québec.

La différence, Marlene, c'est qu'à l'extérieur du Québec, jusqu'à récemment, la plupart des provinces n'offraient absolument rien; on partait donc du point zéro. Pour ce qui est des investissements, le système scolaire de langue anglaise au Québec est très bien établi depuis longtemps, et il existe cette valeur ajoutée de l'éducation depuis plusieurs années parce qu'il existe une éducation en langue anglaise.

Pour ce qui est de la question plus globale du taux de décrochage dans les minorités, je ne crois pas que ce soit un problème propre à la province de Québec. Allez au centre-ville de Toronto—et j'ai fait un certain travail de ce côté à l'époque où j'étais proche du gouvernement provincial—et vous allez voir que le taux de décrochage parmi les jeunes Noirs de Toronto est probablement le plus élevé au pays.

Je pense que nous avons encore du mal à ouvrir toutes les portes à tous les Canadiens. D'une manière indirecte, la politique qui consiste à reconnaître et à respecter deux cultures et deux langues se prête au respect de toutes les langues. Voilà pourquoi nous avons mis de l'avant il y a 25 ans une politique de multiculturalisme. Tout comme l'on ne saurait considérer avec un optimisme excessif la condition des minorités francophones hors Québec, il faut dire que la situation est encore plus difficile pour les minorités visibles de notre pays.

On a parlé de sport un peu plus tôt. Ben Johnson, lorsqu'il a gagné la médaille d'or, était Canadien, et lorsqu'il a éprouvé les difficultés que l'on sait, il est redevenu un immigrant. Je pense qu'il y a plusieurs exemples comme celui-là. Voyez ce qu'a dit Donovan Bailey lorsqu'il a gagné sa médaille d'or, propos qui étaient très justes, il s'est fait littéralement crucifier parce qu'il avait dit que le racisme existe dans notre pays.

Le racisme existe dans notre pays, et nous devons le combattre, mais je pense que les programmes qui visent à contrer le racisme doivent être fondés sur une politique de respect de toutes les cultures. Si vous voulez y voir de plus près, le comité aurait intérêt à examiner la politique de développement des cultures minoritaires que nous avons mise en place. Vous y verrez mieux en invitant Mme Hedy Fry à témoigner devant votre comité.

• 1710

Mme Marlene Jennings: Merci.

J'ai une autre question dans le même sens. Je pense qu'apprendre une langue seconde, ou même une troisième langue, ou autant de langues que l'on peut, est enrichissant. Des études ont démontré que plus les enfants sont exposés à plus d'une langue tôt dans la vie, mieux ils réussissent à l'école, mieux ils réussissent plus tard dans la vie, etc.

Cependant, il existe toute une génération de Québécois anglophones qui n'ont pas reçu une formation suffisante en langue française. Avec l'état de l'économie, où l'on comprime, etc., et à cause de la Loi 101, qui a fait du français la langue de travail dans toute entreprise comptant plus de 50 employés, un grand nombre d'Anglo-Québécois se retrouvent sans emploi. Certains sont des professionnels et certains sont des travailleurs qualifiés qui ne peuvent pas se recycler et qui ne sont pas admissibles à des cours de langue seconde parce qu'ils ne sont pas immigrants. Ce ne sont pas des immigrants; ils sont nés et ils ont grandi au Québec.

C'est une question que j'ai déjà soulevée et que je tiens à soulever de nouveau. Je pense que la maîtrise d'une langue seconde devrait être considérée comme une compétence professionnelle élémentaire, particulièrement au Québec, et voilà pourquoi le programme des langues officielles devrait soutenir cette initiative. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Vous voulez dire apprendre le français comme langue seconde.

Mme Marlene Jennings: C'est exact.

L'hon. Sheila Copps: Au cours de la prochaine séance de négociation, on aura environ 200 millions de dollars par année pour les provinces qui veulent donner des cours dans la langue de la minorité. Rien n'empêche le gouvernement du Québec d'investir dans l'apprentissage de la langue seconde pour les Québécois nés au Québec.

Mme Marlene Jennings: Je peux vous dire que ce n'est pas le cas.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Marlene, désolée. Je sais que la ministre doit partir. Pardonnez-moi de vous couper la parole.

L'hon. Sheila Copps: Vous voudrez peut-être ici avoir recours aux bons offices de nos collègues du Bloc. Ou nous pourrons peut-être amener le gouvernement du Québec à élargir sa politique. Je ne sais pas.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je pense que c'est une question importante dont on pourra peut-être discuter une autre fois. Je sais que le sénateur Beaudoin a une petite question à poser.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je n'ai qu'une question.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Vous devrez demander à la ministre si elle est disposée à répondre à votre question, parce qu'elle doit absolument partir.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je crois que c'est M. Plamondon qui soulevait la question des contestations judiciaires. J'y ai toujours été favorable et je dois le dire très clairement. Je vous félicite de les avoir réintroduites.

Mais qu'est-ce qui arrive? Est-ce que ça continue? Est-ce que ça va aller comme ça? Je crains toujours qu'il puisse y avoir des coupures à un moment donné. Si vous me dites que l'intention du gouvernement...

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Pas de compressions.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: No cuts. Vous savez, l'histoire peut se répéter.

L'hon. Sheila Copps: On veut étudier la possibilité d'une augmentation parce qu'il est évident qu'on devra réviser notre investissement dans le programme de contestation judiciaire. On constate, en regardant l'échéancier des droits constitutionnels, que depuis 10 ans, l'arrivée de la Charte a porté beaucoup de fruits dans le domaine de la scolarisation en langue minoritaire.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous pensez peut-être l'augmenter?

L'hon. Sheila Copps: Je veux l'augmenter.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ah, bon. Ça répond à ma question.

L'hon. Sheila Copps: Il y a actuellement un maximum pour certaines causes, ce que nous aimerions peut-être aussi réviser.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Tant mieux!

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: C'est ma question à nouveau.

L'hon. Sheila Copps: Laquelle?

M. Daniel Turp: Je sais que vous aimez faire de la politique, mais que répondez-vous aux francophones qui disent que leurs événements...

L'hon. Sheila Copps: Qui? Qui?

M. Daniel Turp: Les communautés francophones et acadienne.

L'hon. Sheila Copps: Qui? Qui?

M. Daniel Turp: L'ACELF.

L'hon. Sheila Copps: Celle qui avait le contrat de l'an dernier?

M. Daniel Turp: Non, non.

L'hon. Sheila Copps: Celle qui veut avoir le contrat de cette année et qui a vu son contrat augmenter de 25 p. 100?

M. Daniel Turp: C'est l'ACELF.

L'hon. Sheila Copps: C'est celle qui avait le contrat.

M. Daniel Turp: Non, non, c'est l'ACELF qui parle et qui souhaite que la Semaine soit en langue française.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Madame la ministre, au nom du comité, je vous remercie.

[Français]

L'hon. Sheila Copps: Mais c'est en français. Est-ce que vous y êtes allé? Participez-y et vous allez voir que c'est en français. Venez vendredi matin.

M. Daniel Turp: Mais pourquoi pensez-vous que...

L'hon. Sheila Copps: Il n'y a personne qui parle anglais, mon dieu.

M. Daniel Turp: Mais pourquoi pensez-vous qu'ils condamnent le bilinguisme de cet événement? Pourquoi?

L'hon. Sheila Copps: Mais qui fait ça?

M. Daniel Turp: C'est parce que vous ne lisez pas...

• 1715

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Je vais être obligée d'éteindre vos micros. Désolée.

Madame la ministre, madame Cool, au revoir et merci.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup, madame la ministre et membres du comité. On va fêter avec les Acadiens.

La coprésidente (Mme Sheila Finestone): De la part des Canadiens français.

La séance est levée.