Passer au contenu

LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 décembre 1997

• 1534

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous avons quorum. Il me fait plaisir d'accueillir aujourd'hui l'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor, et M. Gaston Guénette, secrétaire adjoint aux langues officielles.

M. Massé est ici jusqu'à 16 h 30. Nous sommes habituellement plus nombreux, monsieur le ministre, à nos rencontres. J'imagine donc que d'autres vont se joindre à nous éventuellement. Cependant, afin d'avoir la chance de vous poser des questions, je pense que nous allons commencer tout de suite, en souhaitant que les autres membres du comité arrivent sous peu.

Alors, bienvenue parmi nous.

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor): Merci, madame la présidente. Si vous me le permettez, j'adresserai d'abord aux membres du comité un mot d'introduction.

• 1535

Mesdames et messieurs, membres du comité, j'ai l'intention d'être bref afin que, justement, il me reste plus de temps pour répondre à vos questions. Je suis accompagné de représentants de mon ministère qui m'aideront à répondre à certaines questions particulières. Parmi eux, il y a M. Guénette que vous avez mentionné il y a quelques instants.

Je suis très heureux de diriger le Conseil du Trésor, organisme responsable de la mise en oeuvre de la politique des langues officielles au sein de l'administration publique fédérale. Je dois dire qu'en cette matière, nous croyons être sur la bonne voie. Vous savez à quel point les Canadiens et les Canadiennes ont soutenu l'entreprise de réduction du déficit et d'assainissement des finances publiques par notre gouvernement. À ce chapitre, le Programme des langues officielles dans la fonction publique fédérale a subi une réduction de 4 millions de dollars en 1996-1997, pour s'établir à quelque 260 millions de dollars.

[Traduction]

Les services gouvernementaux dans les deux langues officielles sont toujours offerts dans les régions où le nombre le justifie, malgré la réduction de la taille de l'État. Il y a un an, votre comité recommandait au gouvernement d'accroître la responsabilité des institutions fédérales en matière de langues officielles. Nous vous avons écouté et j'ai signé en mars dernier avec la ministre du Patrimoine canadien un protocole où le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) se voit confier la mission d'inciter les institutions clés à tenir compte de leur responsabilité dans la mise en oeuvre de l'article 41 de la Loi.

Le président du Conseil du Trésor fait aussi obligatoirement rapport au Parlement chaque année sur l'exécution des programmes en matière de langues officielles dans les institutions fédérales. Le 22 octobre dernier, je déposais mon rapport annuel à ce chapitre pour 1996-1997 au Parlement. Ce rapport passe en revue les progrès et les défis en matière de bilinguisme institutionnel dans les organismes fédéraux. La situation est généralement positive pour les trois composantes du programme: le service au public, la langue de travail et la participation équitable des francophones et des anglophones au sein de la fonction publique fédérale.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor concrétise les grands principes en matière de langues officielles en établissant des objectifs annuels concrets et réalistes. Pour évaluer l'atteinte de nos objectifs, nous entreprendrons, l'an prochain, la troisième phase d'une vérification de la qualité du service au public dans plusieurs villes du pays. Cet exercice vérifiera si les bureaux tenus d'offrir un service dans les deux langues officielles s'acquittent bien de cette obligation. Le Secrétariat du Conseil du Trésor continuera de plus à sensibiliser les gestionnaires de ces bureaux à l'importance de leurs obligations en matière de langues officielles.

[Français]

Malgré les restrictions budgétaires, nous avons maintenu à 90 p. 100 la proportion des surveillants bilingues qui satisfont aux exigences linguistiques de leur poste. Pendant ce temps, le nombre de postes bilingues requérant une maîtrise supérieure de la langue seconde a connu une augmentation de 7 p. 100 et représentait 27 p. 100 de l'ensemble des postes bilingues de surveillance au 31 mars 1997.

Malgré tous ces progrès, il nous reste encore beaucoup à faire pour que chacun et chacune d'entre nous soit toujours à l'aise dans sa première langue officielle quand il entre en contact avec des employés fédéraux. Mais je crois sincèrement qu'en nous fixant des objectifs annuels réalistes et concrets, nous ferons du Canada un pays où il fait encore mieux vivre.

En conclusion, le gouvernement met en oeuvre une nouvelle culture dans l'administration publique fédérale. Cela signifie un meilleur service offert par des employés de plus en plus capables de servir nos concitoyens dans les deux langues officielles du pays. Nous avons repensé le rôle de l'État, nous avons réalisé l'examen des programmes et nous assurons à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes des services fédéraux dans les deux langues officielles du pays.

Merci. J'attends vos questions.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, monsieur le ministre. Monsieur Hilstrom, voulez-vous prendre la parole, s'il vous plaît?

[Traduction]

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Merci beaucoup.

J'aimerais poser une ou deux questions concernant l'article 41. Quelles mesures le Secrétariat du Conseil du Trésor a-t-il prises pour respecter les obligations que lui confère le protocole d'entente du 20 mars 1997?

• 1540

Plus précisément, le SCT entreprendra-t-il une évaluation en bonne et due forme des activités des institutions fédérales pour s'assurer que l'article 41 de la Loi sur les langues officielles est appliqué?

De même, prévoira-t-on un mécanisme de responsabilité à l'intention des institutions fédérales qui ne prennent pas de mesures suffisantes pour respecter les obligations particulières que leur confère l'article 41?

L'hon. Marcel Massé: D'après le protocole d'entente, 27 institutions clés appliquent l'article 41 de la Loi et nous avons indiqué à chacune d'elles, directement, que leur orientation stratégique doit préciser exactement ce qu'elles peuvent faire et ce qu'elles ont l'intention de faire pour appuyer les minorités de langues officielles.

Et pour ce faire, nous recourons au plan d'activités. Comme vous le savez peut-être, après l'examen des programmes, nous avons demandé à chaque ministère et institution relevant du Conseil du Trésor de présenter un plan d'activités annuel. Il s'agit d'un plan triennal cumulatif d'une année à l'autre. Et le Conseil du Trésor contrôle ce plan chaque année.

Lorsqu'on regarde l'orientation stratégique des institutions, bien sûr, nous tenons compte des exigences financières, mais nous avons aussi ajouté leur rôle en vertu de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles et nous vérifions cela chaque année dans le plan.

M. Howard Hilstrom: À votre avis, est-ce que c'est suffisant pour ce qui est des responsabilités?

L'hon. Marcel Massé: Oui, parce que les institutions doivent nous dire quels objectifs elles visent. Elles doivent établir un plan de mise en oeuvre—par exemple, en ce qui a trait au service au public, elles doivent nous dire combien de leurs bureaux doivent être en mesure d'offrir les services dans les deux langues, etc. Ensuite, elles doivent nous dire dans leur plan d'activités quel a été le taux de mise en oeuvre et quel sera ce taux au cours des années suivantes.

M. Howard Hilstrom: Bien, et je suppose qu'on a prévu suffisamment de programmes de soutien à l'intention des employés pour mettre en oeuvre ce plan d'activités.

L'hon. Marcel Massé: Oui. En ce qui concerne notre propre capacité de vérifier ces choses, il y a eu réduction au service de M. Guénette, le nombre d'employés est passé, je pense, de 34 à 30, si ma mémoire est bonne, mais leurs responsabilités sont demeurées les mêmes. Nous leur avons demandé d'accroître leur productivité et dans les ministères mêmes, nous leur avons demandé d'atteindre les résultats et ils doivent réaffecter le personnel selon leurs propres choix.

M. Howard Hilstrom: J'aimerais poser une autre question concernant le Commissaire aux langues officielles. Apparemment, lorsqu'il a comparu devant le comité mixte permanent le 4 novembre, il a déploré le fait qu'en règle générale, les accords fédéraux- provinciaux sur le transfert des responsabilités se limitent à dire que les services seront offerts dans la langue de la minorité lorsque le nombre le justifie, plutôt que de préciser que la Loi sur les langues officielles continuera de s'appliquer.

Fondamentalement, la question ici est de savoir pourquoi le Conseil du Trésor a adopté cette approche qui est incontestablement un pas en arrière par rapport aux mesures proactives de la partie VII de la Loi et à la garantie d'un mécanisme de recours et de réparation? Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

L'hon. Marcel Massé: C'est là une question à laquelle nous devons faire face chaque fois qu'il y a transfert de responsabilités, notamment pour Air Canada, NAV CAN, etc., c'est un véritable problème. Nous avons choisi d'agir au cas par cas.

Nous tenons compte de divers facteurs avant de prendre une décision en la matière, notamment de la nature des fonctions ou du mandat de l'organisation. Deuxième facteur, il faut voir où l'organisation exerce ses fonctions. Est-ce un organisme qui s'adresse à un petit groupe de Canadiens ou à une région du pays, ou est-ce que c'est comme Air Canada ou le Canadien National, une institution qui est présente dans tout le pays et qui recouvre tout le territoire? Il faut tenir compte du genre de personnes à qui on offre les services, de la marge de manoeuvre accordée à la nouvelle organisation qui opère le transfert de responsabilités, et il faut tenir compte également du palier de gouvernement qui régira cette organisation.

• 1545

Par exemple, la Loi sur les langues officielles s'applique dans son intégralité à Air Canada, au Canadien National et à NAV CAN en raison de leurs responsabilités pancanadiennes. Dans le cas des grands aéroports comme Vancouver, Calgary, Edmonton, Toronto ou Montréal, les dispositions de la Loi sur les langues officielles qui s'appliquent sont les articles 4, 5, 6, 8, 9 et 10. Donc, pour répondre à votre question, je dois dire que nous essayons d'adapter le régime des langues officielles à la nature, aux fonctions et aux caractéristiques de l'institution.

M. Howard Hilstrom: Mais dans le but de l'appliquer un jour de la façon dont elle doit l'être, je suppose.

L'hon. Marcel Massé: Oui. Notre but est de toujours offrir les services dans les deux langues officielles lorsque cela est nécessaire, et on entend par là, lorsque le nombre le justifie.

M. Howard Hilstrom: J'aimerais poser une autre brève question ici concernant la même séance et le Commissaire aux langues officielles. Il parlait des mesures de réduction du déficit qui se sont traduites par ce qui semblait être une réduction disproportionnée du nombre de bureaux désignés bilingues par suite des mesures de rationalisation des effectifs. Vous en avez parlé.

Combien de points de service destinés au grand public ont été fermés? Combien de ces points de service qui étaient désignés comme bilingues ont été fermés? Quelles mesures ont été prises pour rouvrir ces points de service? Ces mesures seront-elles à nouveau accompagnées d'une augmentation des budgets?

L'hon. Marcel Massé: Ce qu'on me dit à ce sujet, c'est que 12 800 points de service ont été recensés, dont 3 600 sont bilingues. Dans son rapport, le commissaire parlait d'une diminution de 20 p. 100 du nombre de bureaux bilingues. Nous avons vérifié auprès de son bureau et nous en sommes venus à la conclusion que le chiffre véritable est beaucoup plus bas que cela.

Nous avons comparé les données de 1994-1995 qui figuraient dans le rapport du président du Conseil du Trésor où 32,4 p. 100, soit l'équivalent des 3 600 bureaux, devaient offrir des services bilingues. Cette proportion est maintenant de 28 p. 100. Autrement dit, la proportion est moindre, d'environ 4 p. 100.

Le pourcentage des bureaux qui offrent des services bilingues a diminué également; cependant, les bureaux qui ont été fermés étaient habituellement ceux qui comptaient le moins de clientèle. Nous avons vérifié pour nous assurer que le service, en ce qui a trait au personnel bilingue, était offert dans les bureaux qui restaient ouverts, et en réalité, le pourcentage d'employés bilingues dans ces bureaux a augmenté durant cette même période.

Nous sommes raisonnablement convaincus que le service offert au public est demeuré à peu près au même niveau et du même calibre. Actuellement, nous menons une série d'enquêtes qui constituent notre troisième vérification au cours de laquelle nous examinerons également cette question.

M. Howard Hilstrom: Merci.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue.

Parmi les institutions fédérales assujetties à la Loi sur les langues officielles, il y en a plusieurs qui n'ont pas remis de rapport pour l'année 1996-1997. En fait, seulement quelques-unes l'ont fait. Pouvez-vous prendre des mesures coercitives pour obliger certaines institutions à remettre leur rapport? Ce serait là ma première question.

La deuxième porterait sur la façon dont sont faites les évaluations, ce qu'on appelle les autoévaluations en ce qui regarde les langues officielles. N'avez-vous pas l'impression que demander à un organisme fédéral de faire son autoévaluation quant au respect qu'il accorde à la Loi sur les langues officielles, c'est un peu comme demander à un criminel de décider de sa propre sentence?

• 1550

L'hon. Marcel Massé: Je vais d'abord demander à M. Guénette d'exposer les faits quant aux institutions qui auraient remis un rapport ou n'en auraient pas remis.

M. Gaston Guénette (secrétaire adjoint aux langues officielles, Division des langues officielles, Direction des ressources humaines, Conseil du Trésor): Tous les ministères et sociétés d'État, l'ensemble des institutions fédérales, doivent présenter des bilans annuels sur les langues officielles au Secrétariat du Conseil du Trésor. Cela se fait à la fin de l'année, le 30 juin de chaque année. Ce sont, effectivement, des autoévaluations faites par les ministères.

Mais pour compléter ces autoévaluations, nous avons des mécanismes de contrôle, de surveillance des ministères. Des équipes du Conseil du Trésor vont, de façon régulière, dans les ministères pour voir si les engagements pris par les institutions sont respectés et si la situation qui règne dans les ministères correspond bel et bien à celle qui est décrite dans les bilans annuels de gestion.

Les autoévaluations sont également complétées par un ensemble de vérifications. Le Secrétariat du Conseil du Trésor fait lui-même certaines vérifications. Le ministre vient d'en faire état. De plus, le commissaire aux langues officielles, bien sûr, fait ses propres vérifications. On utilise donc les rapports de vérification du commissaire aux langues officielles et celles qui sont faites par les institutions elles-mêmes.

Au cours de la dernière année, plus spécifiquement, il y a une dizaine d'institutions qui ont effectué leurs vérifications et qui nous ont envoyé copie du rapport de leurs vérifications.

En plus des vérifications effectuées par ces trois instances, nous indiquons de notre côté aux ministères et aux institutions les secteurs clé sur lesquels on souhaite qu'ils se penchent, auxquels ils devraient s'arrêter de façon plus particulière, pour vérifier les résultats accomplis.

Je peux aussi compléter ma réponse en ajoutant que le Secrétariat du Conseil du Trésor effectue aussi, dans le cadre d'une relation d'aide, ce que nous appelons des constats. On se rend dans des bureaux, des points de service, parmi les 3 800 qui ont été mentionnés préalablement, pour voir si la signalisation, par exemple, est adéquate pour que la clientèle sache que le service est offert dans les deux langues officielles, que le service est donné au téléphone ou en personne.

Lors de ces constats effectués directement aux points de service, c'est par une relation d'aide et en donnant des conseils aux ministères que nous agissons. Effectivement, nous nous sommes rendu compte que, dans certains cas, les chefs de bureau n'étaient pas au courant de leur obligation d'offrir un service dans les deux langues officielles.

L'hon. Marcel Massé: Pour répondre à votre question, je reconnais que les autoévaluations sont très souvent faites à partir d'un échantillonnage. Même le vérificateur général ne vérifie pas tous les comptes des institutions; il prend un échantillonnage des institutions.

Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il nous fallait, nous aussi, faire des vérifications par échantillonnage pour nous assurer que les divers rapports remis par les institutions correspondent bien à la réalité. C'est pourquoi, selon les chiffres depuis 1995, on a fait quelque 700 vérifications dans les divers bureaux pour s'assurer que les chiffres fournis par les institutions correspondaient à la réalité.

M. Louis Plamondon: Donc, vous avez fait 700 vérifications, soit deux par jour.

Monsieur le ministre, parlons de la diminution des budgets. Le commissaire aux langues officielles a été quand même assez sévère dans sa critique concernant une question, qu'a posée d'ailleurs mon confrère réformiste sur les secteurs bilingues. Mais il a été aussi sévère... je dirais plutôt déçu. Il avait une attitude déçue par rapport aux coupures majeures qui ont été faites dans le domaine de la surveillance des services offerts dans les deux langues dans l'ensemble du Canada.

Avez-vous constaté une relation entre les coupures effectuées en ce qui regarde les services et le dernier rapport de Statistique Canada, confirmant une dégradation de la situation francophone en dehors du Québec, soit une diminution de 3 p. 100 des francophones parlant le français à la maison, sauf au Yukon où il y a une légère augmentation?

Donc, même si l'intention semblait fort noble d'en arriver à un grand Canada bilingue, à l'aide d'une Loi sur les langues officielles et d'une surveillance que vous avez sûrement établie, comme vos prédécesseurs, avec la meilleure volonté du monde sans doute, on constate un certain échec de l'application de la politique selon le recensement de 1996 de Statistique Canada.

• 1555

Alors, y aurait-il un coup de barre à donner afin de changer les orientations, les modes de surveillance ou la mise en application de la Loi sur les langues officielles pour empêcher la disparition à court terme des francophones hors Québec?

L'hon. Marcel Massé: Ce que vous dites comporte beaucoup de sous-questions.

M. Louis Plamondon: C'est quasiment un jugement.

L'hon. Marcel Massé: Concernant les coupures, vous connaissez probablement mon opinion. Le gouvernement n'avait d'autre choix que de faire des coupures partout, dans un gouvernement où tout est considéré essentiel par ceux qui s'en occupent. Je le sais pour en avoir fait partie pendant de nombreuses années. Il a fallu couper partout, et on l'a fait.

Dans les langues officielles, comme je l'ai mentionné au début, on a coupé 4 millions de dollars des 260 millions qui étaient accordés jusque-là, ce qui fait une proportion de 1,5 ou 1,6 p. 100. En même temps, on a réduit la taille du gouvernement, le nombre d'employés en particulier, d'un pourcentage qui a varié entre 15 et 20 p. 100. On a donc clairement privilégié—comme je considère qu'on devait le faire—nos obligations en matière de langues officielles. Encore une fois, on les a privilégiées et je pense que c'était une politique correcte.

En ce qui a trait à nos obligations de surveillance, j'ai mentionné que nous avions réduit notre propre personnel. Les ministères aussi, évidemment, ont réduit leur personnel, encore une fois d'au moins 15 p. 100. Alors, ils ont dû réévaluer leurs responsabilités. Mais on leur a bien signalé, et cela a été clair, qu'ils devaient continuer d'assumer leurs responsabilités. Dans les plans d'affaires, leurs objectifs stratégiques et la vérification des résultats, on leur a indiqué qu'on leur demanderait d'atteindre les mêmes résultats, même si leur personnel avait été réduit.

Vous avez posé une autre question qui, je pense, est beaucoup plus essentielle, car elle touche la survie des communautés francophones. D'abord, la survie des communautés francophones est, je crois, beaucoup aidée par notre action dans le domaine des langues officielles, qui n'est pas, cependant, le seul facteur en cause. Lorsque vous examinez l'évolution de la proportion de francophones au Canada, il faut prendre en considération non seulement le taux d'assimilation, mais également les taux de natalité, de scolarisation, etc. Il y a beaucoup de variables à considérer.

C'est vrai qu'il y a eu une décroissance dans le pourcentage de francophones dans la population. Je pense que cela nous signale, en autant que les politiques du gouvernement sont concernées, qu'il nous faut faire plus d'efforts pour améliorer la vie communautaire des communautés francophones, améliorer la situation dans ces communautés, améliorer en particulier les possibilités pour les francophones, les jeunes francophones, de faire leurs études, de parfaire leur éducation dans des milieux francophones. Ayant vécu moi-même au Nouveau-Brunswick pendant un certain temps et ayant participé à la création du Centre francophone de Fredericton, je me suis aperçu de l'importance d'avoir des centres communautaires et des institutions de ce genre-là.

Maintenant, cela ne fait pas exactement partie de mes responsabilités, en tant que ministre du Conseil du Trésor, quant aux institutions fédérales, mais je pense que c'est une partie importante du débat sur toute notre politique pour maintenir la vivacité de la culture française au Canada.

Là-dedans, ce que nous pouvons faire, au Conseil du Trésor, c'est nous assurer que les institutions du gouvernement fédéral donnent correctement et à plein les services, comme le service au public, nous assurer qu'il y ait un pourcentage adéquat de participation des francophones dans la fonction publique, un pourcentage qui corresponde au pourcentage de francophones dans la population, et qu'il existe suffisamment d'occasions pour travailler en français dans la fonction publique.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup. Monsieur Coderre.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Bonjour, monsieur le ministre. J'aimerais revenir à la question de l'imputabilité, notamment concernant le protocole d'entente que vous avez signé, le 20 mars 1997, avec la ministre du Patrimoine. En fait, cela concerne tout le débat sur la façon d'appliquer adéquatement l'article 41 de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles.

• 1600

Vous avez un rôle important parce que vous avez plus qu'un pouvoir de recommandation; en fait, vous avez des moyens de coercition. Si, donc, des institutions fédérales ne s'acquittent pas vraiment bien de leur tâche, n'appliquent pas les normes de respect des langues officielles, n'y a-t-il pas moyen, par votre entremise, d'établir un lien direct entre les enveloppes budgétaires des institutions fédérales et le fait de respecter la Loi sur les langues officielles? C'est là ma première question.

L'hon. Marcel Massé: Je crois qu'il est tout à fait juste de dire qu'il est nécessaire de disposer de mesures coercitives pour s'assurer que la politique sur les langues officielles soit mise en place.

L'une des raisons pour lesquelles l'article 41 est passé de la responsabilité de Patrimoine Canada à celle du Conseil du Trésor, c'était pour que nous puissions justement réunir les responsabilités des divers ministères vis-à-vis des langues officielles, vis-à-vis de la mise en application de leurs programmes dans la langue officielle de leur clientèle. Nous sommes convaincus que c'est là un des éléments essentiels des programmes: leur prestation dans la langue de ceux qu'ils desservent dans la mesure du possible.

Par conséquent, nous avons combiné, comme je l'expliquais tout à l'heure, dans les plans d'affaires des ministères... Nous leur avons indiqué que leurs objectifs stratégiques devaient inclure ceux de la mise en application de la Loi sur les langues officielles et qu'ils seraient évalués non seulement sur la qualité de leurs objectifs de mise en oeuvre de leurs programmes, mais également sur la qualité de la mise en oeuvre des mesures qui leur incombent en vertu de la Loi sur les langues officielles.

M. Denis Coderre: Vous savez bien que cela ne peut se faire uniquement au moyen d'autoévaluations. Si on veut vraiment mettre cela en application, il va falloir qu'on se donne un meilleur mécanisme d'imputabilité.

L'hon. Marcel Massé: C'est un problème qui dépasse celui des langues officielles. Il n'y a pas de doute qu'il faut avoir la possibilité de faire mettre en place les mesures correctes lorsqu'il y a des délais ou des retards, ou de la mauvaise volonté de la part de ceux qui les mettent en place.

Mais je dois dire que selon mon expérience, lorsque le gouvernement édicte des lois et des politiques, il y a rarement de la mauvaise volonté dans leur mise en application. Ce qu'on voit surtout, ce sont des retards ou bien une insuffisance de formation pour ceux qui ont à mettre les politiques en place, ou encore leur ignorance des procédures à suivre.

C'est la raison pour laquelle nous avons élaboré nous-mêmes un certain nombre de questionnaires qui forcent les gestionnaires à indiquer exactement comment leurs obligations vis-à-vis de la Loi sur les langues officielles vont être mises en place. Évidemment, on a pris en ligne de compte qu'il nous faut également vérifier par nous-mêmes, plutôt que de nous fier uniquement à l'autoévaluation. Comme je le mentionnais, on a fait 700 vérifications depuis 1995. Et nous avons un système de vérification continue des divers ministères et des divers points de service au Canada où on vérifie et où on fait corriger les lacunes qu'on décèle.

M. Denis Coderre: Cela étant dit, êtes-vous conscient, monsieur le ministre, que si on fait des ententes fédérales-provinciales en incluant constamment la mention «là où le nombre le justifie», on ne pourra pas nécessairement en venir à s'assurer que l'accessibilité des services dans les deux langues officielles puisse s'établir adéquatement et équitablement pour l'ensemble de la population?

L'hon. Marcel Massé: Comme je le mentionnais tout à l'heure, c'est une question que l'on considère importante et on a déterminé des facteurs qui sont pris en ligne de compte.

J'ai mentionné, par exemple, la nature des fonctions ou des services en cause, la nature du mandat, les lieux d'exercice des opérations de l'organisme, le genre de clientèle en question, le nouveau mode de prestation proposé et le palier de gouvernement qui aura juridiction. Ce sont les facteurs qui nous incitent, dans les divers cas, à décider si la Loi sur les langues officielles va s'appliquer in extenso, au complet, ou si on va conserver le principe «là où le nombre le justifie».

Dans certains autres cas, comme les aéroports que j'ai mentionnés tout à l'heure, on a indiqué quelles étaient les parties de la Loi sur les langues officielles qui s'appliqueraient et quelles étaient celles qui ne s'appliqueraient pas.

• 1605

On essaie d'appliquer la loi de la façon la plus correcte possible, en adaptant les mesures à la situation de chacun des accords de dévolution.

M. Denis Coderre: Croyez-vous qu'à ce moment-là, au lieu de parler de décentralisation dans les ententes, étant donné que c'est le gouvernement fédéral qui doit protéger les langues officielles au Canada, on devrait avoir un certain mécanisme d'imputabilité dans les ententes fédérales-provinciales afin de s'assurer qu'effectivement, un gouvernement provincial respecte la Loi sur les langues officielles, notamment envers les francophones hors Québec?

L'hon. Marcel Massé: La réponse est oui. Nous avons conclu un certain nombre d'ententes, en particulier des ententes sur la formation de la main-d'oeuvre, qui comportaient une clause déterminant les obligations de la province quant à la mise en application de la Loi sur les langues officielles dans la formation de la main-d'oeuvre, ainsi qu'un mécanisme de vérification. Dans le cas de certaines provinces, c'est leur vérificateur général qui doit nous faire rapport à nous.

En d'autres termes, nous avons essayé de trouver un mécanisme qui nous permette de vérifier si les clauses de l'entente ont été mises en place, parce qu'on conserve l'imputabilité dans ces cas-là. On les fait vérifier, pas par les gouvernements eux-mêmes, mais la plupart du temps par une tierce partie.

M. Denis Coderre: En terminant, croyez-vous qu'à cause de la lutte nécessaire contre le déficit, on aurait fait les coins un peu ronds et que le dossier des langues officielles aurait un peu écopé à cause de cela?

L'hon. Marcel Massé: Évidemment, il y a toujours matière à jugement. J'ai indiqué que dans ce cas-ci, nous avions essayé de protéger le plus possible les langues officielles. Le pourcentage que j'ai donné, soit un peu moins de 2 p. 100, équivaut à une réduction de 4 millions de dollars sur 260 millions. C'est nettement inférieur à la réduction moyenne effectuée dans l'ensemble du gouvernement, qui a été entre 15 et 20 p. 100.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Sénateur Rivest.

Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Bonjour, monsieur le ministre.

Je trouve que vous utilisez des euphémismes, parce qu'à chaque année, vous venez nous dire qu'il y a des progrès, mais qu'il y a encore beaucoup de problèmes à régler. C'est un peu court quand on constate les taux d'assimilation.

Ça ne va pas bien dans le domaine des langues officielles et les rapports du commissaire aux langues officielles sont, année après année, de plus en plus alarmistes. Les communautés francophones à l'extérieur du Québec crient de plus en plus leurs inquiétudes. Statistique Canada vient encore une fois de communiquer des chiffres qui les appuient.

Vous venez nous dire qu'on fait des progrès, alors que ce n'est pas vrai; on ne fait pas de progrès. Le problème est de plus en plus aigu. Les communautés francophones hors Québec sont menacées. Pour vous en donner un exemple très précis, je vous demanderai de répondre à une question particulière.

Vous avez insisté avec raison, dans votre réponse à mon collègue, le député de Richelieu, sur le fait qu'il faudrait développer davantage l'action communautaire, en plus de l'effet sans doute important des langues officielles. Or, la semaine dernière ou la semaine précédente, le commissaire aux langues officielles est venu nous dire—parce que l'action communautaire relève de la partie VII de la Loi sur les langues officielles—qu'il n'avait pas l'argent et les moyens nécessaires pour remplir les obligations actuelles de la partie VII en vertu de la loi.

Êtes-vous au courant de cette affirmation du commissaire aux langues officielles? Si tel est le cas, que peut signifier l'intention que vous venez d'exprimer, à savoir de mettre l'accent sur l'action communautaire alors que précisément, le commissaire n'a ni les moyens ni les ressources financières pour satisfaire aux obligations actuelles de la loi?

L'hon. Marcel Massé: Je dois dire que je ne suis pas d'accord sur plusieurs des points que vous avez mentionnés.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je le présume.

L'hon. Marcel Massé: Le premier concerne l'action communautaire. Comme pour toute chose, vous pouvez doubler ou tripler l'argent et il y aura toujours quelqu'un pour dire qu'il n'y en pas assez. Mais ce qu'on fait dans un gouvernement, comme vous le savez fort bien, c'est allouer les sommes disponibles aux diverses priorités qui se présentent.

• 1610

Dans ce cas-ci, je ne suis pas d'accord avec vous non plus que la Loi sur les langues officielles ne marche pas, parce que moi, je trouve qu'elle a très bien marché. Prenons une très longue période, les derniers 25 ans, à partir du moment où je suis entré à la fonction publique du Canada. Je me rappelle fort bien combien peu on parlait français au début des années 1970, combien il était difficile de trouver des fonctionnaires supérieurs qui parlaient français. Il y avait beaucoup de secrétaires qui le faisaient, mais très peu de fonctionnaires supérieurs.

Je me rappelle le très bas pourcentage de ministres francophones qui étaient là. Je me rappelle également que, quand vous écriviez quelque chose en français, on vous indiquait tout de suite que, malheureusement, ça ne pouvait pas passer à travers les divers paliers. J'ai été dans la fonction publique jusqu'au début des années 1990 et, en 20 ans, j'ai vu personnellement des améliorations absolument sensationnelles dans la prestation du service au public, dans la participation des francophones à tous les niveaux de la fonction publique jusqu'au niveau de sous-ministre, dans tous les domaines.

J'ai vu la traduction simultanée s'installer au Conseil des ministres et aux comités du Cabinet. C'est simple, mais ça n'avait pas été fait avant. Je considère aussi la possibilité d'utiliser le français comme langue de travail, ce qui était considéré au début des années 1970, comme vous le savez, comme étant la chose la plus difficile à faire.

Je dois dire que dans mes trois derniers ministères, y compris au Conseil du Trésor, on tient une grande partie de nos réunions en français ou en anglais, les francophones parlant français et les anglophones parlant anglais. Les notes du Conseil du Trésor, qui a été vu pendant longtemps comme un des bastions anglophones de la fonction publique, me sont transmises pour les comités du Cabinet dans les deux langues de façon régulière.

En d'autres termes, j'ai vu concrètement une amélioration. Je regarde les trois aspects de la Loi sur les langues officielles pour lesquels nous sommes responsables. Il y a d'abord le service au public, soit en personne, soit par téléphone. Il n'est pas parfait, et c'est pourquoi je dis toujours qu'il doit être amélioré car il doit l'être. Il ne faut pas relâcher la pression sur les ministères. Comme en toutes choses, quand vous relâchez la pression, c'est moins mis en pratique. Il n'y a aucun doute que le service au public est maintenant disponible dans une très grande majorité des bureaux désignés francophones. Encore une fois, même si c'est à 90 p. 100, je veux que ce soit à 100 p. 100. On doit s'autocritiquer pour le fait que ce ne soit pas encore à 100 p. 100. Mais 90 p. 100, c'est beaucoup mieux que c'était il y a quelques années.

J'ai parlé de la langue de travail. Il y a aussi la participation des francophones partout. Maintenant, après la revue des programmes, on a partout entre 28 et 29 p. 100 des fonctionnaires de la fonction publique qui sont des francophones comparativement à une proportion dans la population d'environ 24,5 p. 100. Dans les échelons supérieurs, les EX, vous avez maintenant 24 p. 100 des EX qui sont des francophones. C'est un résultat sensationnel comparé aux années 1970, par exemple.

Il y a un troisième aspect que vous mentionnez, sur lequel je suis beaucoup plus d'accord, et c'est celui de la précarité des communautés francophones en dehors du Québec. Au Québec, il n'y a pas de précarité. Au contraire, si vous regardez le nombre de personnes qui parlent le français comme langue première ou à la maison au Québec, vous avez maintenant le pourcentage le plus élevé depuis la Confédération. Alors, ce n'est pas au Québec qu'est la menace. C'est dans les autres communautés.

M. Louis Plamondon: Grâce à la Loi 101.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui.

L'hon. Marcel Massé: Vous avez certaines communautés, comme la communauté acadienne, où la culture française est encore très vivace et se dégrade peu, parce qu'ils ont la masse critique. Mais il y a d'autres communautés où vous avez une certaine érosion, et c'est à leur sujet que je me préoccupe. Ce sont des questions dont on doit s'occuper. Ce sont des questions complexes. Elles ne dépendent pas uniquement de la Loi sur les langues officielles. Elles dépendent de beaucoup d'autres facteurs, y compris celui de la natalité, celui de l'absorption naturelle, etc.

Là, notre rôle est de renforcer la capacité des communautés francophones d'éduquer leurs enfants en français, de parler de leur culture, de là l'importance des centres communautaires, et de garder vivaces la culture française et les relations avec les autres groupes.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Vous nous avez donné votre point de vue. En tout cas, j'espère que vous parlez au commissaire des langues officielles de temps à autre, parce que son discours n'est pas le même. Je pense que vous auriez intérêt à vous parler, en particulier à propos de la partie VII. Il a lancé un cri d'alarme, disant qu'il avait besoin d'argent, car autrement il ne pourrait pas l'appliquer.

Revenons à une dernière question, si vous le permettez, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Oui, certainement.

• 1615

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Cette préoccupation du renforcement de la dualité linguistique canadienne auquel vous avez été associé, c'est indiscutable, tout comme ce que vous avez indiqué comme éléments de progrès entre le moment où vous êtes arrivé à la fonction publique et aujourd'hui. C'est tout à fait vrai à Ottawa certainement, mais beaucoup moins vrai dans d'autres parties du Canada.

Le gouvernement du Canada a appuyé l'entente de Calgary. Il s'est réjoui de l'entente de Calgary en ce qui concerne le caractère unique du Québec en vue d'inclure dans l'ensemble de la Constitution du Canada une clause d'interprétation qui tienne compte des particularismes de la société québécoise. Mais il est resté complètement silencieux sur la dualité linguistique canadienne, alors que dans l'Accord du lac Meech, la notion du caractère unique du Québec était associée dans une même clause à une autre donnée fondamentale de la réalité canadienne, qui est la dualité linguistique.

Est-ce que le gouvernement du Canada va se satisfaire d'un projet—parce qu'on en est à ce stade-là—d'accord culturel concernant le Québec—très bien—, mais qui ignore complètement la dualité linguistique canadienne? Est-ce que ce ne serait pas un bon moyen dans le contexte actuel, compte tenu des données statistiques et de la volonté du gouvernement d'appuyer les communautés francophones, que le gouvernement du Canada prenne le leadership au lieu de le laisser aux gouvernements des provinces—ce qui est toujours plus difficile—et profite de l'occasion pour dire que oui, dans ce pays, il y a une société unique qui s'appelle le Québec, mais qu'il y a aussi la dualité linguistique, et pour l'inclure comme étant une clause d'interprétation? Autrement dit, pourquoi n'en profiterait-il pas pour corriger l'erreur que certains ont faite en sabordant l'Accord du lac Meech et en détruisant littéralement cette dimension extrêmement importante, une des caractéristiques fondamentales du Canada, c'est-à-dire la dualité linguistique?

Pourquoi ce silence du gouvernement sur la dualité linguistique dans le contexte actuel?

L'hon. Marcel Massé: Je ne vous répondrai pas au sujet de la question constitutionnelle parce qu'on discute maintenant de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui, mais les francophones de l'Ontario le réclament. Avez-vous un sentiment à cet égard-là?

L'hon. Marcel Massé: Oui. Pour moi, le caractère unique du Québec inclut clairement la reconnaissance de la dualité linguistique ou du fait...

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Au Québec.

L'hon. Marcel Massé: Au Québec, il y a une population anglophone aussi.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: D'accord, oui. Mais au Canada, non.

L'hon. Marcel Massé: Au Canada, il y a les deux. Dans toutes les provinces où je suis allé, il y a des groupes... Laissez-moi répondre. Il n'y a pas de doute, quant à moi, que le caractère unique du Québec inclut la reconnaissance que le français, la culture française et les institutions françaises au Québec constituent une des caractéristiques déterminantes du Canada et que par conséquent, à ce titre, la dualité linguistique fait partie de l'identité canadienne. C'est clairement une des notions qu'on veut intégrer dans l'identité canadienne. Il n'y a pas de doute que la reconnaissance, que ce soit de la société distincte ou du caractère unique du Québec, sous-tend pour moi que tous les Canadiens, les anglophones comme les francophones, reconnaissent que le Canada a été basé—on ne dit plus maintenant seulement sur deux langues et deux cultures parce qu'on respecte beaucoup plus l'apport des autochtones dans notre pays—sur le fait que nos langues officielles sont deux, qu'elles sont égales au pays, qu'elles sont incluses dans notre identité nationale et que, par conséquent, le gouvernement fédéral doit réfléchir dans ses institutions au fait que le français et l'anglais sont ses langues officielles et que le Canada se définit par le fait qu'il a au minimum deux langues et deux cultures.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Mais cela échappe actuellement à l'accord de Calgary, et l'accord de Calgary vous satisfait.

L'hon. Marcel Massé: C'est pourquoi je vous ai dit que je ne parlerais pas de la question constitutionnelle aujourd'hui, mais seulement de la question qui inclut...

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Vous remarquerez, chers membres du comité, que je vous accorde un peu plus de temps que prévu; c'est parce que Noël s'en vient et ça fait partie de votre cadeau.

M. Louis Plamondon: Madame la présidente, est-ce qu'on pourrait avoir l'accord du ministre pour qu'il réponde à une question de chacun d'entre nous avant de partir?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Oui, absolument. C'est maintenant à M. Assadourian.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Bienvenue au débat sur l'unité nationale, monsieur le Ministre. Il n'est jamais trop tard pour participer à un débat national.

• 1620

Ma question porte sur le gouvernement du Québec actuel, sur son comportement depuis les dernières années. Le gouvernement du Québec a fait des commentaires sur les prérogatives en ce qui a trait au Canada anglais. Il a essayé de boycotter les missions d'Équipe Canada à droite et à gauche, s'est opposé à la déclaration de Calgary qui fait état du caractère unique du Québec, du fait que le Canada est un pays bilingue.

Selon vous, la position récente du gouvernement du Québec et la déclaration de M. Parizeau nuisent-elles aux politiques de bilinguisme du gouvernement ou les aident-elles?

Deuxièmement, le Canada est un de ces rares pays au monde qui fait partie à la fois de la Francophonie et du Commonwealth. Que faisons-nous, s'il est possible de faire quelque chose, pour favoriser les échanges commerciaux avec les pays de la Francophonie comme nous le faisons avec ceux du Commonwealth, de l'Asie du Sud- Est ou de l'Amérique du Sud? Existe-t-il un plan, seriez-vous favorable à un plan pour nous rapprocher des pays de la Francophonie dans le monde à l'extérieur de l'Amérique du Nord?

L'hon. Marcel Massé: Pour ce qui est de la première question, il ne fait aucun doute que la position de M. Parizeau sur les groupes ethniques et l'argent ne représente pas une opinion majoritaire au Québec. Je suis Québécois—j'ai vécu au Québec pendant presque toute ma vie—et il est clair pour moi que les Québécois, y compris particulièrement les Québécois francophones, sont des gens qui ont toujours respecté l'identité des autres. Les gens du Québec ont, la plupart du temps, reconnu que la diversité de notre pays, du fait des cultures, des langues et des origines, est partie intégrante de sa richesse et qu'il n'y a pas d'animosité ou de ressentiment à l'égard des autres groupes ethniques ou linguistiques.

Chez tous les peuples, y compris au Canada anglais, aux États- Unis et au Québec, vous trouvez un petit pourcentage de gens qui ont ce que j'appelle des vues «plus exclusives» à l'égard des groupes ethniques et linguistiques. Il faut composer avec ces gens- là dans une démocratie. Mais selon moi, au Québec comme dans le reste du Canada, cette générosité à l'égard de l'acceptation des différences culturelles ou linguistiques existe.

M. Sarkis Assadourian: Mais est-ce que ça nuit aux relations entre les Canadiens dans leur ensemble et aux politiques de bilinguisme? C'est ce que je veux savoir.

L'hon. Marcel Massé: Les politiques de bilinguisme sont établies conformément à la Constitution du Canada. Nous parlions de dualité il y a quelques minutes. Auparavant, nous parlions des deux peuples fondateurs. Aujourd'hui, on n'utilise plus cette expression parce que nous sommes davantage conscients du fait que les Autochtones étaient là avant nous et occupaient la plus grande partie du territoire. Ils ont aussi des langues, des cultures et une histoire très distinctes.

Mais il ne fait aucun doute que le Canada est issu en grande partie de l'héritage de deux peuples, l'un de langue anglaise, l'autre de langue française, qui venaient d'Europe. S'agissant de l'identité canadienne, nous reconnaissons que notre identité est largement façonnée par ces deux identités. Voilà pourquoi pour moi, la Loi sur les langues officielles est la proclamation et la reconnaissance de notre identité de Canadiens.

Contrairement aux États-Unis, nous avons adopté une politique linguistique et culturelle qui favorise la diversité. C'est tout à fait différent des États-Unis où tout le monde est accepté à condition de se fondre dans le melting pot. Ça c'était le principe de l'immigration. Le nôtre est différent. Ainsi, il ne fait aucun doute que nous devons exprimer cette dualité culturelle et linguistique dans les services offerts par notre gouvernement.

Pour répondre à la deuxième question, le commerce avec les pays de la Francophonie, les institutions francophones ont été créées tant pour des raisons politiques que culturelles. Aujourd'hui, elles prennent de plus en plus une dimension économique. Le Commonwealth, vous vous en souviendrez, a été créé beaucoup plus pour des raisons économiques afin de maintenir le plus possible un marché commun entre les parties de l'ancien empire britannique. Il est en train de devenir de plus en plus un organisme politique parce que nombre de ses caractéristiques économiques d'origine, comme le Marché commun, ont disparu avec l'Union européenne.

• 1625

Donc, je dirais que ces deux partenariats, si on peut l'exprimer ainsi, se ressemblent de plus en plus, leurs objectifs sont multiples, et visent aussi le commerce.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Avant qu'on passe au deuxième tour de questions, il y a Mme Bradshaw et le sénateur Beaudoin. Ensuite, vous devrez limiter nos questions et peut-être être un peu plus brefs.

Madame Bradshaw.

Mme Claudette Bradshaw (Moncton, Lib.): Puisqu'on a beaucoup discuté des francophones hors Québec, je sentais qu'il fallait que je dise quelque chose, surtout comme Acadienne. Les personnes qui traduisent mes propos ont toujours de la difficulté et ne savent pas vraiment les traduire, que je m'exprime en français ou en anglais. Je suis des cours de français et je progresse assez bien.

Monsieur le ministre, pour nous autres, francophones, surtout les Acadiens, il est très important qu'on regarde sérieusement les langues officielles. Durant ma campagne électorale, je suis allée au Bureau des langues officielles de Moncton et j'y suis restée pendant toute une matinée. Peut-être serait-il bon qu'ils viennent parler aux membres de notre comité des choses qu'ils font, lesquelles sont extraordinaires. Jusqu'à ce que j'aille là, je ne savais pas tout ce que le Bureau des langues officielles faisait dans ma région, surtout pour les provinces Atlantiques. Peut-être pourrions-nous les inviter.

Je pense qu'il faut absolument remettre les langues officielles comme l'une de nos priorités, pas seulement pour les francophones hors du Québec, mais aussi pour une autre raison. Dans mon jeune temps, quand j'étais plus petite d'âge et plus petite de poids, on a commencé à parler des langues officielles. À un moment donné je rêvais, me disant qu'un jour, tous les enfants du Canada seraient peut-être bilingues. Pour moi, c'était cela, les langues officielles: que tous les enfants canadiens parlent la langue française comme la langue anglaise.

Aujourd'hui, 20 ou 25 ans plus tard, c'est devenu davantage mon rêve à cause de notre économie globale. Je me dis qu'on devrait de nouveau faire des langues officielles notre priorité parce qu'on parle beaucoup d'une économie globale. Mes deux jeunes travaillent beaucoup au niveau de programmes d'échange avec des jeunes de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Quand les enfants de ces pays viennent chez nous, on constate qu'ils parlent trois ou quatre langues. Je me dis que ce serait avantageux pour notre pays de travailler fort sur les langues officielles et d'avoir une vision. Je suis bélier et je travaille toujours avec une vision. Je ne suis jamais vraiment ici. Nous devrions travailler encore plus fort au niveau des langues officielles en vue de notre économie de demain et pour nos enfants qui vivront cette économie de demain.

Monsieur le ministre, si j'ai quelque chose à vous suggérer, c'est qu'on refasse de toute la question des langues officielles une priorité pour notre gouvernement en vue de l'avenir de nos enfants et compte tenu de l'économie globale, et surtout aussi pour les francophones hors du Québec.

L'hon. Marcel Massé: Madame la présidente, je dois dire que je suis pas mal d'accord sur ce que ma collègue indique.

Je me rappelle que lorsque je suis arrivé à Fredericton, dans les années 1972 ou 1973, on n'y parlait que très peu français et il y avait un ressentiment palpable entre les deux communautés; vous vous rappelez le maire Jones à Moncton. À ce moment-là, on commençait à donner des cours d'immersion dans les écoles de Fredericton. À ma grande surprise, les cours d'immersion étaient tellement populaires qu'on n'avait pas réussi à offrir assez de classes. Il y avait un plus grand nombre de parents anglophones, même ceux qui disaient détester le français, qui voulaient que leurs enfants fassent partie de ces classes-là.

J'avais assisté à quelques-unes des classes et par la suite parlé avec les parents. Je m'étais rendu compte que les parents dont les enfants devenaient bilingues perdaient leur ressentiment vis-à-vis des francophones. Ils se rendaient compte tout à coup que ce n'était plus une menace, que leurs enfants acquéraient une connaissance de plus, une capacité de plus et une habileté de plus, au lieu d'en perdre. C'était vraiment cela, la façon de rétablir les bonnes relations entre les deux groupes: c'était de passer par les enfants et de permettre aux enfants d'être éduqués dans les deux langues.

Par conséquent, ma propre expérience correspond à celle de ma collègue et je pense qu'il faudrait donner une priorité plus grande aux langues officielles.

• 1630

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): C'est tellement vrai; peut-être, en tant que coprésidente, pourrais-je suggérer que le comité aille voir dans chaque région ce que font les bureaux des langues officielles.

Sénateur Beaudoin.

M. Louis Plamondon: Madame la présidente, je ne veux pas soulever de question de procédure, mais porter à votre attention—et je vais permettre, sans objection, à M. le sénateur de parler—le fait que le parti officiel a eu la parole, que moi j'ai eu un droit de parole, qu'on a accordé trois fois la parole et que le Parti conservateur a eu deux interventions.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): C'est que je voulais donner la parole à chacun avant que le ministre...

M. Louis Plamondon: C'est parce que le ministre doit partir et que je ne suis pas certain que le Parti réformiste, non plus que moi, veuille céder sa place. J'aimerais que le ministre consente à rester pour répondre au sénateur et aux deux autres intervenants qui restent.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): J'aimerais souligner, monsieur Plamondon, que vous avez eu onze minutes, que M. Rivest en a eu douze, M. Coderre, huit et M. Hilstrom, neuf et demie. Je pense que c'est bien équilibré.

M. Louis Plamondon: Madame, je ne veux pas soulever une question de procédure, mais il y avait eu une entente au début, entente qui n'a pas été respectée ce soir. Je ne veux pas en faire une chicane. Cependant, dès notre première réunion après les Fêtes, j'aimerais qu'on s'entende sur les sept minutes; il faut savoir qui les a et dans quel ordre. L'entente du départ, c'était sept, sept, sept, puis cinq, cinq, cinq, puis on alternait à coups de cinq minutes. Ce n'est pas ça qu'on a fait; tout le monde a parlé, mais on n'est pas nombreux. La prochaine fois, je voudrais qu'on s'entende.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je suis d'accord, mais la prochaine fois, vous n'aurez pas onze minutes au premier tour, monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon: Je suis certain de ne pas avoir eu onze minutes ce matin.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Je ne prendrai pas plus que trois ou quatre minutes.

[Traduction]

M. Howard Hilstrom: Madame la présidente, j'aimerais intervenir. Comme vous le dites, on m'a accordé neuf minutes et demie, ou à peu près, et j'estime que je devrais avoir le droit d'intervenir maintenant.

Je ne suis pas membre permanent du comité. Peut-être pourriez- vous régulariser ma situation lors de votre prochaine réunion. J'aimerais poser ma question.

La coprésidente (La sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Oui, on vous donnera le temps de le faire.

[Français]

Sénateur.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est la partie VII de la Loi sur les langues officielles qui a toujours suscité chez moi beaucoup d'intérêt. J'ai l'impression qu'on ne tire pas de la partie VII de la Loi sur les langues officielles tout ce qu'elle comporte; il y a là une richesse. Ma question est bien simple et rapide. Est-ce-que, comme président du Conseil du Trésor, vous êtes prêt à accorder les sommes nécessaires pour donner vie à cette partie VII de la Loi sur les langues officielles qui, comme je l'ai dit, comporte des points de vue intéressants?

Depuis quelque temps, nous avons ici des témoins qui viennent nous parler de telle ou telle chose, mais à mon avis, il y a beaucoup de recherche à faire ou à compléter, ce qui prend évidemment un peu d'argent. Je me demande si la question financière est résolue et si ça ne cause aucun problème pour donner suite à cette partie VII.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Bonne idée de dépenser votre argent dans une juridiction fédérale!

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ça ne pose pas de problème constitutionnel; c'est dommage pour moi, mais ça...

L'hon. Marcel Massé: Les problèmes d'argent sont toujours des problèmes difficiles. Mais dans ce cas-ci, j'ai déjà indiqué que pour moi, c'était une priorité. La partie VII est une responsabilité importante du gouvernement fédéral.

J'ai aussi indiqué qu'il y a beaucoup de priorités qui sollicitent les fonds du gouvernement et que nous avons l'intention de surveiller attentivement la façon dont on dépense les fonds. J'ai aussi indiqué que dans la revue des programmes, on avait réduit les sommes allouées aux langues officielles, mais dans une proportion beaucoup plus faible que les diminutions qui ont eu lieu ailleurs. Mais je peux vous indiquer qu'on va faire un effort spécial pour allouer à la mise en oeuvre de la partie VII les sommes nécessaires pour la faire bien fonctionner.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Comme vous l'avez si bien dit, c'est une partie de l'identité canadienne; c'est un pilier, sur ce plan-là. Les intentions sont bonnes.

L'hon. Marcel Massé: Vous savez que vous et moi n'avons jamais de points de dissension.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Bravo. Monsieur Hilstrom.

[Traduction]

M. Howard Hilstrom: Je tiens à dire brièvement, comme vous le savez, que je suis du Manitoba. Ma circonscription compte un nombre important de francophones qui m'ont posé une question à un moment donné, dont je vous ferai part dans une minute.

• 1635

Je vais certainement calmer les peurs du député d'Acadie; depuis 1967, lorsque je suis entré dans la Gendarmerie Royale du Canada et que j'ai commencé à élever une famille au Manitoba, je peux vous assurer que la Loi sur les langues officielles a été efficace et que le nombre de personnes—enfants et adultes—a augmenté considérablement depuis ce temps.

Cela étant dit, les questions constitutionnelles et commerciales là-bas ont une telle ampleur que, selon moi, notre cadre ne nous permet pas de les aborder. Mais en ce qui concerne les coûts, la question que me posent les gens dans la région est la suivante: combien coûte le bilinguisme officiel? Je vois ici un chiffre que j'avais l'habitude de donner pour leur répondre, soit 260 millions de dollars, dont il est question au tableau 18. Tant les francophones que les anglophones me regardent avec étonnement, mais en fait, c'est un chiffre qui est exact. Ensuite, je leur explique le tableau.

Mais on dit qu'il y a des sociétés d'État et des organismes privés qui sont assujettis à la Loi; je me demande alors s'il existe des tableaux de coûts ou de dépenses pour ces derniers. Si oui, où pourrais-je les trouver? Peut-être que je pourrai alors donner une réponse plus complète à mes électeurs ou à d'autres?

L'hon. Marcel Massé: J'ai ici un tableau qui indique combien les organismes institutionnels dépensent au niveau fédéral par service. Par exemple, il y a la traduction, la formation linguistique, la prime au bilinguisme, et l'administration.

Voici ce que vous constaterez, cependant. Je comprends la question de vos électeurs. Il y a divers programmes dans divers ministères. Par exemple, le ministère du Patrimoine canadien a un programme de transfert pour les écoles de langue minoritaire. C'est un programme différent qui n'est pas inclus dans les 260 millions de dollars. Cela dépend de la façon de calculer. Disons que vous demandez ce qu'il en coûte pour avoir un pays bilingue, vous aurez une définition très large, vous aurez toutes sortes de coûts comme ceux-là.

Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles. Elle a l'obligation d'appliquer la Loi. Manifestement, une entreprise qui doit offrir des services dans deux langues plutôt que dans une doit engager des coûts, mais si vous desservez un marché qui compte des populations de deux langues, c'est un peu comme en Europe. Lorsque Lufthansa vole sur Paris, les annonces sont faites en allemand et en français, mais lorsqu'elle vole sur Rome, les annonces sont en allemand et en italien.

Autrement dit, oui, il y a des coûts de ce genre. Si vous voulez vraiment connaître tous les coûts de toutes les institutions liés à la mise en oeuvre du bilinguisme, alors il n'y a pas que la traduction et la formation dans les deux langues officielles, mais aussi toutes sortes d'autres coûts.

La question qu'on m'a posée, est-ce la véritable question? Lorsqu'Air Canada vole sur la France, à partir de Montréal, on fera le service en français aussi. Vous voyez ce que je veux dire? Ce sont là des coûts qui ne sont pas directement attribuables au fait que nous avons une politique sur les langues officielles.

M. Howard Hilstrom: C'est certainement ce que je comprends, et c'est le message que je donne. Je posais simplement la question pour savoir s'il y a une autre compilation que celle qui consiste à calculer directement les coûts d'une société d'État ou autre chose.

Mais vous avez répondu à ma question. Merci.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon: J'irai un peu dans le même sens que mon confrère, M. Coderre, qui a parlé d'imputabilité lors de transferts de responsabilités ou parfois de juridictions vers les provinces. Une attitude semble se dégager partout au Canada; on l'a vu hier lorsque les ministres provinciaux des Finances ont dit: «Ne vous mêlez plus de rien, le fédéral. N'embarquez plus dans les juridictions provinciales.» Je ne parle pas d'un appel du Québec, mais de l'ensemble des ministres des Finances hier. Donc, de plus en plus, les provinces veulent administrer leurs juridictions et veulent que des pouvoirs leur soient transférés. Je donne en exemple le transfert sur l'emploi, et plus particulièrement l'entente relative à la formation.

L'hon. Marcel Massé: À la formation de main-d'oeuvre.

• 1640

M. Louis Plamondon: Oui, exactement, monsieur le ministre. Cette entente a été acceptée par le Québec et par d'autres provinces, tout comme d'autres ententes sur la taxation et la TPS, par exemple. Cela fait surgir des débats au niveau de l'indemnisation, mais il reste qu'il y a des provinces qui l'administrent davantage.

Donc on se dirige peut-être vers plus de juridictions provinciales, donc plus de responsabilités pour les provinces au niveau de la préservation des deux cultures ou des deux langues. Le dernier rapport de Statistique Canada est très critique quant à l'attitude des gouvernements des provinces anglaises, à leur compréhension ou à l'attention qu'elles accordent à la minorité francophone qui habite dans ces provinces.

Je parlerai d'une tactique—bien que je n'aime pas ce mot—à laquelle on a recours. Souvent, après avoir reçu certains pouvoirs du fédéral, on transfère certaines responsabilités au niveau municipal. La Loi sur les municipalités ne prévoit pas les responsabilités qu'aurait la province par rapport aux transferts de pouvoirs qu'elle a reçus, ni l'application des langues officielles. Ainsi, les minorités francophones que j'ai rencontrées hors Québec me disent que c'est un malheur qui leur arrive lorsqu'on effectue de tels transferts. Vous connaissez toute la réforme qu'il y a, par exemple au gouvernement de l'Ontario, et les nouvelles responsabilités qui incombent aux municipalités. Donc, on ne peut plus revendiquer au niveau de la municipalité, parce que cette dernière, à cause de l'article 8, je crois, n'est pas assujettie à cette disposition. Elle n'est donc pas obligée de dispenser ces services. C'était ma première question. Quel est le procédé d'imputabilité auquel faisait allusion un de mes confrère tout à l'heure et que j'ai trouvé intéressant?

Voici ma toute dernière question. Certains organismes francophones hors Québec m'ont parlé des répercussions des réductions budgétaires. Lorsqu'ils recevaient 45 000 $, ils disposaient de presque la totalité des sommes nécessaires pour payer le loyer, le téléphone, l'électricité et une partie de la permanence, si bien que l'action communautaire si importante dont vous avez parlé pouvait se réaliser. Dans ce sens-là, est-ce qu'il n'y aurait pas des formes d'intervention, peut-être une subvention en termes de taxes ou une indemnisation, qui permettraient à un organisme de maintenir les services minimums nécessaires et qui ne nécessiteraient pas une administration très compliquée en termes de paperasse? Ne pourrait-on pas accorder des crédits directs sur présentation de factures pour les aider? En tout cas, c'est le son de cloche que j'ai entendu de quelques organismes francophones hors Québec. Merci de m'avoir écouté, monsieur le ministre.

L'hon. Marcel Massé: Je me pencherai sur votre suggestion pour voir si elle est faisable, aux point de vue financier et des juridictions.

Votre première question sur l'imputabilité est une question très importante. Normalement, dans nos accords avec les provinces, on présume que la province, même si elle confie à une tierce partie, que ce soit une municipalité, une organisation communautaire ou une association, la responsabilité de mettre en place des programmes de formation de la main-d'oeuvre, par exemple, garde vis-à-vis de nous la responsabilité de voir à ce que les dispositions applicables de la Loi sur les langues officielles soient appliquées. Nous ne considérons pas que le transfert à une municipalité diminue la responsabilité de la province, parce que notre contrat, c'est avec la province. La municipalité est une créature de la province.

La question devient: est-ce que la province aura la volonté de mettre en place cette disposition, ce qui lui occasionnera des difficultés plus grandes? Dans ces cas-là, nos moyens de pression sont les moyens de pression habituels, soit les méthodes douces de persuasion. Je pense qu'avec les provinces, c'est toujours ce qu'on emploie.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: Je vous remercie. Le nom d'une personne qui avait demandé la parole et qui n'a pas parlé figure sur ma liste.

Madame Finestone, vous vouliez poser une question?

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Merci, madame.

[Traduction]

J'aimerais poser deux questions, monsieur Massé. D'abord, nous sommes ici au comité des langues officielles qui inclut l'anglais. J'étais curieux de savoir parmi les 700 cas que vous avez examinés, combien avaient subi des tests en anglais et en français.

• 1645

Deuxièmement, lorsque nous avons rédigé notre projet de formation de la main-d'oeuvre en anglais et en français avec le gouvernement du Québec et les autres gouvernements au Canada, nous y avons prévu des obligations pour permettre aux communautés de langue minoritaire d'obtenir les services. En écoutant toutes les discussions qui se tiennent ici, je suis frappé de voir que l'un des buts que nous visons est de permettre aux gens de vivre dans une région où ils peuvent communiquer dans les deux langues officielles, et c'est le cas certainement au Québec, où on peut être à l'aise et travailler dans un milieu en français.

Je constate qu'en signant ce document, qui porte sur le transfert de la formation de la main-d'oeuvre, il n'y a absolument rien qui prévoie une aide aux communautés anglophones pour devenir officiellement bilingues. Vous n'êtes pas prêt à ce que ce soit fait à 100 p. 100, mais certainement, les gens doivent être pratiquement bilingues pour être en mesure d'obtenir un emploi. Deuxièmement, je crois savoir qu'il n'y a pas de cours de formation donnés en anglais pour préparer les gens à travailler en français et à entrer sur le marché du travail.

L'exécution de ces mandats est de votre ressort; si nous signons, qui sera chargé de veiller à l'exécution de ces mandats et de s'assurer qu'on donne les mêmes possibilités à tout le monde? Qu'il s'agisse des francophones hors Québec ou des anglophones au Québec, les communautés minoritaires doivent être protégées, formées et encouragées. Il faut assurer certains contrôles. Je sais pertinemment que ces contrôles ou la formation ne sont pas assurés au Québec dans le cadre du transfert de la gestion de la main- d'oeuvre.

L'hon. Marcel Massé: Pour ce qui est de la première question, je viens tout juste de demander à M. Guénette parce que je ne savais pas quelle était la proportion. Il m'a dit qu'environ un quart des 700 visites ou contrôles ont été faits dans des bureaux où les services devaient être offerts dans une langue minoritaire, l'anglais.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Excusez-moi, mais à ce sujet, auriez-vous l'obligeance de me faire parvenir les résultats? J'en ai assez que mon bureau soit inondé d'appels téléphoniques de fonctionnaires fédéraux qui se plaignent?

L'hon. Marcel Massé: En ce qui concerne la deuxième question sur l'entente concernant la main-d'oeuvre, je sais que vous en avez discuté avec le ministre des Ressources humaines à quelques reprises. On m'a fait part des problèmes attribuables, selon vous, au fait qu'on ne protège pas suffisamment les cours de formation aux anglophones dans leur langue, ni la prestation de cours de français pour leur permettre d'apprendre le français dans la province. J'en ai discuté avec le ministre des Ressources humaines. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est à lui de s'assurer que les dispositions de cet accord sont mises en oeuvre de façon à ce que ce soit équitable pour les anglophones du Québec.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Comme les langues officielles relèvent... Je pense que la question est évidente, monsieur le Ministre. Les langues officielles semblent relever de trois autorités distinctes. Je n'arrive pas à me faire une idée des responsabilités de chacune dans cette entente tripartite. Il y a le ministère du Patrimoine canadien, qui a une responsabilité, le Commissaire aux langues officielles, et votre bureau qui, il me semble, détient le pouvoir. Êtes-vous d'avis qu'il y a peut-être un certain chevauchement inutile entre les trois parties? Est-ce qu'il faudrait préciser qui offre quoi à qui, quand, et où? Pour moi, cette structure est peu claire.

Je prends l'exemple de la main-d'oeuvre parce que ce que le ministre a négocié était bien sur papier, mais les plans détaillés de mise en oeuvre indiquent qu'il n'a pas été prévu de programmes en langue anglaise et que, en plus, aucune formation en langue française pour les anglophones n'est prévue pour les amener à un niveau fonctionnel. Les questions concernent donc les possibilités de dédoublement, de chevauchement; il faut savoir qui fait quoi et comment en pratique cela fonctionne. Voilà un exemple précis et concret.

• 1650

L'hon. Marcel Massé: Le ministère du Patrimoine canadien est responsable de l'élaboration des politiques et de la promotion des langues officielles des minorités, donc les programmes comme les programmes d'aide aux écoles, le financement des centres communautaires sont de son ressort. Nous, au Conseil du Trésor, sommes responsables parce que nous sommes l'employeur du gouvernement fédéral et une institution centrale chargée de s'assurer que les fonctions dévolues aux ministères et organismes du gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les langues officielles sont exécutées. Voilà très exactement, techniquement, en quoi consiste notre responsabilité, et nous utilisons les moyens que nous avons auprès des ministères et des organismes pour qu'ils s'exécutent, parce que manifestement, nous n'avons aucun moyen de pression pour ce qui est des organismes privés, sauf l'argent.

Le rôle du commissaire, comme il fait rapport directement au Parlement et non à un ministère, est un rôle de gardien; il doit s'assurer que la Loi sur les langues officielles est appliquée, que les obligations des divers ministères et organismes sont respectées.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Donc, vous êtes convaincu que pour ce qui est du comité et de ses responsabilités, il n'aurait pas à formuler d'autres recommandations. Mais c'est notre comité qui a recommandé au début que le Conseil du Trésor s'implique. Maintenant, nous vous demandons s'il faudrait préciser davantage les tâches des trois organismes en cause, vous venez de les nommer, c'est-à-dire le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil du Trésor et le commissaire.

L'hon. Marcel Massé: Manifestement, la recommandation devrait être que nous en fassions plus et mieux. Mais je pense qu'en ce qui concerne les structures, elles sont raisonnablement efficaces.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre. Nous avons dépassé le temps que vous nous aviez alloué. Il est très intéressant de parler de langues officielles.

Chers membres du comité, avant que vous ne repartiez, nous devons adopter le deuxième rapport du comité directeur qui vous a été remis.

[Traduction]

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): La proposition.

[Français]

C'est une proposition.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Est-ce qu'il y a une proposition? Monsieur Denis Coderre, à la suite de la séance du sous-comité tenue le mardi 2 décembre 1997, vous proposez que nous recevions Mme Diane Marleau.

M. Denis Coderre: Je tiens à préciser que nos recommandations ne sont pas nécessairement dans l'ordre.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Non, non. Absolument pas.

M. Denis Coderre: Nous voulions avant tout mettre l'accent sur Statistique Canada.

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Exactement.

(Le deuxième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure est adopté—Voir le Procès-verbal)

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Madame la présidente, est-ce que vous distribuerez des copies de la lettre que nous avons reçue de TFO, le réseau de langue française de TVOntario?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je suggère que le comité directeur la lise et en débatte d'abord.

La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone): Est-ce vraiment nécessaire?

La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Si le comité directeur pouvait rester pendant encore deux minutes, on pourrait regarder cette lettre de TFO.

La séance est levée.