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Association interparlementaire Canada - Royaume-Uni

RAPPORT

INTRODUCTION

Les 5 et 6 mars 2018, l’Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni (RUUK) a dépêché à Londres, Angleterre, au Royaume-Uni, une délégation de six parlementaires pour qu’ils assistent à des réunions bilatérales. Les délégués étaient M. Frank Baylis, député et chef de la délégation; l’honorable Patricia Bovey, sénatrice; l’honorable Donald Plett, sénateur; M. Daniel Blaikie, député; M. Kerry Diotte, député; et l’honorable John McKay, député. La délégation était accompagnée du secrétaire de l’Association, M. Jean-François Pagé, et de la conseillère de l’Association, Mme Sonya Norris.

Du 7 au 9 mars, une délégation de six parlementaires de l’Association parlementaire Canada-Europe (CAEU) s’est jointe à la délégation de RUUK pour assister à des réunions bilatérales à Dublin, en Irlande et à Belfast, Irlande du Nord, au Royaume-Uni. Les délégués de CAEU étaient M. James Maloney, député et chef de la délégation; l’honorable René Cormier, sénateur; l’honorable David Wells, sénateur; M. Ziad Aboultaif, député; Mme Irene Mathyssen, députée; et M. Scott Simms, député. La délégation était accompagnée de la secrétaire de l’Association, Mme Guyanne Desforges, et de la conseillère de l’Association, Mme Laura Barnett.

Lors des réunions à Londres, Dublin et Belfast, les membres de la délégation se sont entretenus avec des ministres, des parlementaires et d’autres représentants politiques, ainsi qu’avec des représentants du gouvernement, d’associations politiques, d’entreprises canadiennes et de groupes de réflexion. En outre, la délégation a assisté à une réception organisée par l’ambassadeur du Canada en Irlande, et des séances d’information lui ont été présentées par la haute-commissaire du Canada au Royaume‑Uni, par des représentants et par le consul honoraire du Canada à Belfast. Au cours de ces entretiens, les discussions ont porté sur des enjeux clés concernant les relations Canada-Union européenne, Canada-Irlande et Canada-Royaume-Uni, y compris l’Accord économique et commercial global (AECG) et le Brexit.

1. VISITE À LONDRES, ANGLETERRE, ROYAUME-UNI (5 ET 6 MARS 2018)

Les 5 et 6 mars 2018, RUUK participe à des réunions bilatérales à Londres, Angleterre, au Royaume-Uni. La délégation amorce ces deux jours de rencontres par une séance d’information présentée par la haute-commissaire du Canada au Royaume‑Uni, Mme Janice Charrette, et par divers représentants à la Maison du Canada. En outre, les délégués rencontrent plusieurs parlementaires, notamment le président de la Chambre des communes, M. John Berkow, l’envoyé spécial du premier ministre pour le commerce au Canada, M. Andrew Percy, de même que divers représentants des groupes de réflexion en matière de politiques Chatham House et Policy Exchange à Londres.

A. Séance d’information à la Maison du Canada

La délégation amorce sa mission par une séance d’information à la Maison du Canada – le haut-commissariat du Canada au Royaume-Uni –, présentée par Mme Janice Charrette, accompagnée de plusieurs membres du personnel du haut-commissariat. Mme Charrette décrit brièvement le travail du haut-commissariat du Canada au Royaume-Uni, la deuxième plus importante mission canadienne de son réseau après Washington, D.C. aux États-Unis. Le haut-commissariat offre des services au sein des quatre administrations investies de pouvoirs délégués au Royaume-Uni. Plusieurs sections au sein de la mission offrent des services d’immigration et d’asile, font la promotion du commerce, fournissent des services de sécurité avec des membres de la GRC et du SCRS et se chargent des affaires publiques. Comme le Royaume-Uni doit se retirer de l’UE en 2019, il doit s’efforcer d’établir des relations avec des pays du monde entier; Mme Charrette y voit ainsi l’occasion pour le Canada de rehausser son propre statut et d’accroître sa visibilité sur la scène internationale.

En ce qui concerne le Brexit, on présente à la délégation un résumé du processus de retrait qui a suivi le référendum de juin 2016 sur l’appartenance à l’UE. Le processus prendra fin en mars 2019 avec le départ du Royaume-Uni, qu’un accord soit conclu ou non, à moins que le Parlement européen consente à l’unanimité à reporter la date de ce départ. Le Royaume-Uni souhaite une transition sans heurts du point de vue des finances, du commerce, de la migration, etc. Toutefois, on explique aux délégués que l’issue de cette transition dépendra de la période de transition qui suivra ou non le départ du Royaume-Uni. Les représentants de la Maison du Canada admettent que les négociations de l’accord concernant le retrait du Royaume-Uni évoluent lentement, les enjeux propres à l’Irlande du Nord étant une source considérable de préoccupations. Le Royaume-Uni et l’UE ont convenu que l’Accord du Vendredi saint et la zone commune de circulation devaient être honorés dans l’accord à venir, ce qui signifie qu’il n’y aura aucun contrôle frontalier sur l’ensemble de l’île. Cependant, aucune entente n’a été conclue quant à la façon de procéder. Certains représentants de la séance d’information laissent entendre que le Royaume-Uni va devoir demeurer au sein de l’union douanière de l’UE.

Les représentants expliquent qu’une union douanière désigne un groupe de pays qui impose des barrières tarifaires et non tarifaires communes aux biens importés et qui peut conclure des accords de libre-échange avec d’autres pays, alors que les membres individuels de l’union douanière ne peuvent le faire. Un marché unique, explique-t-on, désigne un groupe de pays au sein desquels les biens et services sont échangés librement. Tous les pays de l’UE font partie d’une union douanière et d’un marché unique, tandis que certains pays qui ne sont pas membres de l’UE sont membres soit de l’union douanière (p. ex., la Turquie), soit du marché unique (p. ex., la Norvège).

Pour compliquer davantage la situation, explique-t-on aux déléguées, l’Assemblée de l’Irlande du Nord n’a pas siégé depuis sa dernière élection, parce qu’aucune entente n’a pu être conclue quant à la structure de partage de pouvoirs de l’Exécutif, une exigence de l’Accord du Vendredi saint.

B. Séance d’information informelle avec le président de la Chambre des communes

Après une visite des deux Chambres du Parlement au palais de Westminster, les délégués sont accueillis par le très honorable John Berkow, président de la Chambre des communes. En réponse aux questions des délégués, M. Berkow décrit le processus suivi pour élire le président de la Chambre des communes du Royaume-Uni, ainsi que les exigences et les fonctions de ce poste. Les délégués discutent des similarités et des différences entre les pratiques parlementaires britanniques et canadiennes. On aborde également le sujet de restauration future du palais de Westminster, ce à quoi M. Berkow répond qu’aucun plan détaillé n’a encore été adopté.

C. Déjeuner de travail organisé par l’Association parlementaire du Commonwealth au Royaume-Uni

Plusieurs membres de la section britannique de l’Association parlementaire du Commonwealth (APC R.-U.) se joignent à la délégation pour un déjeuner de travail. L’APC s’est donné pour mission de favoriser l’établissement de liens entre les députés du Commonwealth, d’intensifier la coopération et la compréhension entre les parlements, de faire connaître et comprendre les principes de la bonne gouvernance et de faire progresser la démocratie parlementaire. L’APC R.-U. est la section la plus active de l’APC. Cet échange informel est présidé par M. John Howell, député, qui anime la discussion.

Les questions au sujet du référendum sur le Brexit et des discussions subséquentes qui visent à conclure un accord avec l’UE avant mars 2019 donnent lieu à des réponses bien arrêtées et polarisées qui rappellent les tensions observées au cours de la visite bilatérale de l’AICRU en 2017. Certains parlementaires britanniques sont à l’aise avec le processus de référendum, ses résultats et les négociations menées jusqu’à présent, et ils se disent convaincus que le Royaume-Uni va redevenir prospère après quelques années de turbulence. D’autres participants, toutefois, continuent de critiquer le vote du Brexit et estiment que la situation du Royaume-Uni aura empiré à la conclusion du processus de séparation d’avec l’UE. On observe un certain consensus sur la question de la frontière de l’Irlande du Nord, soit que le Royaume-Uni doit demeurer au sein de l’union douanière afin de préserver l’ouverture de la frontière. Par ailleurs, on explique aux délégués que Gibraltar, un territoire britannique d’outre-mer qui partage une frontière avec l’Espagne et qui a participé au référendum sur le Brexit, constitue une autre composante difficile des négociations avec l’UE. Les participants de l’APC R.-U. conviennent également que les enjeux liés au Brexit accaparent entièrement Westminster, ce qui pourrait compromettre sa capacité à régler d’autres questions.

D. Déclaration de la première ministre

Les délégués sont invités par le président Berkow à écouter la déclaration de la première ministre sur un futur partenariat économique du Royaume-Uni avec l’Union européenne, depuis la galerie de la Chambre des communes.

E. Séance d’information de l’agrégé supérieur, Chatham House

Pour conclure cette première journée, la délégation assiste à une séance d’information qui prend la forme d’une discussion avec le professeur Matthew Goodwin de Chatham House (Royal Institute of International Affairs). Le professeur Goodwin fait le compte‑rendu des changements politiques observés en Europe au cours de la dernière décennie. Il explique que les partis socialistes perdent du terrain tandis que les partis populistes gagnent en popularité. À son avis, cet effet est moins perceptible au Royaume-Uni, avec son système uninominal majoritaire à un tour, qu’au sein des territoires de compétence dotés d’une représentation proportionnelle.

En ce qui concerne le Brexit, le professeur Goodwin estime que l’immigration au Royaume-Uni est l’un des facteurs qui ont entraîné la séparation du pays d’avec l’UE. Il explique que la majorité des citoyens britanniques souhaitent des niveaux d’immigration moins élevés et qu’ils sont prêts à accepter une réduction de la croissance économique en contrepartie d’une réforme de l’immigration. Cependant, il est d’avis que le quota d’immigration nette proposé de 300 000 personnes – ce qui comprend les étudiants étrangers – est trop peu élevé pour être pratique ou durable. En dernier lieu, il exprime des réserves quant au résultat des négociations concernant le retrait du Royaume-Uni de l’UE. Plus précisément, il doute qu’il soit possible d’arriver à un Brexit « dur », comme l’a promis la première ministre May, tout en respectant l’Accord du Vendredi saint et la zone commune de circulation, comme convenu par les deux parties.

F. Séance d’information d’experts en politique étrangère du Royaume-Uni

La deuxième journée d’entretiens à Londres commence par une séance d’information présentée par trois experts en politique étrangère qui donnent leurs points de vue sur la poursuite des négociations concernant le Brexit et sur les issues possibles.

Lord David Hannay of Chiswick, ancien ambassadeur du Royaume-Uni aux Nations Unies et à Chypres, décrit les trois issues possibles des négociations du Brexit, par ordre décroissant de probabilité : un accord conclu entre le Royaume-Uni et l’UE et accepté par le Parlement européen et Westminster avant la date limite du 29 mars 2019; un accord conclu avant la date limite, mais rejeté par le Parlement européen ou Westminster; aucun accord conclu avant la date limite. Selon lord Hannay, le Royaume-Uni aura moins d’influence dans le monde une fois qu’il aura quitté l’UE.

Jacqueline Minor, ancienne représentante de la Commission européenne au Royaume‑Uni, résume les négociations sur le Brexit à ce jour. Elle indique que la phase I des négociations a pris fin en décembre 2017 et explique que l’UE voit l’étape des négociations comme une condition préalable aux discussions portant sur d’autres enjeux, tandis que le Royaume-Uni considère ces négociations comme un acompte en vue d’un accord commercial futur. Elle précise que la phase II peut aller de l’avant, cette phase comprenant le texte juridique de l’accord de principe de la phase I, les dispositions transitoires qui suivront le retrait du Royaume-Uni de l’UE, et des discussions sur l’avenir de la relation entre le Royaume-Uni et l’UE. À ce sujet, Mme Minor renvoie au discours prononcé la veille par la première ministre May devant le Parlement – auquel la délégation a assisté –, dans lequel elle a décrit les trois catégories de relations entre le Royaume-Uni et l’UE après le Brexit : alignement avec les organismes de l’UE (p. ex., industries du médicament et de l’aérospatiale), reconnaissance mutuelle des normes (p. ex., alimentaires) et non-alignement avec l’UE (p. ex., agriculture et pêches).

Lord Michael Jay of Ewelme, ancien ambassadeur du Royaume-Uni en France et membre du Comité de l’Union européenne de la Chambre des Lords, se dit optimiste qu’un accord de retrait sera conclu, mais il estime qu’il est impossible de prédire le contenu de cet accord pour le moment. Il semble également plus optimiste que les conférenciers précédents quant à l’influence que le Royaume-Uni va continuer d’exercer sur l’Europe. Il souligne que pour des raisons pratiques, le Royaume-Uni demeurera près de l’UE, mais qu’il pourrait être dans l’impossibilité de conclure rapidement des accords commerciaux avec des pays qui ne sont pas membres de l’UE.

En réponse aux questions des délégués, les trois conférenciers conviennent que le Royaume-Uni va rétablir son influence sur la scène mondiale d’ici trois à cinq ans. Si le Royaume-Uni doit quitter l’Union européenne et le marché unique, la solution pour la frontière irlandaise est impossible à prévoir. Par ailleurs, les questions relatives au Brexit accaparent entièrement Westminster, ce qui pourrait causer des tensions entre Westminster et les administrations investies de pouvoirs délégués.

G. Rencontre avec l’envoyé spécial du premier ministre pour le commerce au Canada

Andrew Percy, député et envoyé spécial du premier ministre pour le commerce au Canada, accorde une courte période de questions et réponses à la délégation. M. Percy indique que la souveraineté était le principal enjeu pendant le référendum du Brexit. Lorsqu’on lui demande son avis au sujet du contenu d’un éventuel accord de retrait, il mentionne que le gouvernement préfère quitter le marché unique, mais qu’il souhaiterait peut-être demeurer au sein de l’union douanière. À propos des préoccupations concernant la frontière irlandaise, M. Percy déclare qu’il n’existe aucune solution évidente pour le moment, mais qu’une fois la solution trouvée, elle ne visera pas uniquement l’Irlande du Nord, mais bien l’ensemble du Royaume-Uni, de sorte que l’on puisse respecter les exigences de l’Accord du Vendredi saint et la zone commune de circulation. Il met fin à l’échange en reconnaissant qu’il est compliqué de négocier la sortie du Royaume-Uni de l’UE, mais qu’un changement n’est jamais facile, quelle que soit la situation.

H. Déjeuner de travail avec le chef du projet Britain in the World du groupe de réflexion Policy Exchange

Les délégués participent à une discussion informelle avec le professeur John Bew du King’s College, qui est également directeur du projet Britain in the World du groupe de réflexion Policy Exchange. Le professeur Bew décrit certaines conséquences possibles du retrait de l’UE. Il prédit que l’économie du Royaume-Uni va se contracter, du moins à court terme, tandis que l’économie de l’UE va connaître une croissance, plus lente toutefois que l’économie asiatique. Il explique également que le Royaume-Uni se trouve à une étape cruciale qui exige de faire un choix entre l’isolationnisme et la possibilité de saisir l’occasion donnée par le Brexit d’étendre son influence dans d’autres parties du globe. Il désigne cette option par l’expression « Grande-Bretagne mondiale », laquelle exigerait une augmentation des dépenses de défense et des ressources accordées au Bureau des affaires étrangères tandis qu’il se concentre sur des discussions bilatérales. Le professeur Bew estime que les Nations Unies et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sont les deux piliers d’influence du Royaume-Uni dans le monde. Il souligne que le Royaume-Uni doit respecter ses obligations, soit accorder 0,7 et 2,0 % de son PIB en aide étrangère et en appui à l’OTAN respectivement, et qu’il doit maintenir son appui aux Nations Unies et à l’OTAN s’il désire conserver son influence dans le monde.

I. Rencontre avec le gestionnaire du Programme européen de Chatham House

Pour conclure sa visite à Londres, la délégation assiste à une séance d’information présentée par M. Tom Raines, chercheur universitaire et gestionnaire du Programme européen de Chatham House. M. Raines explique que son travail au sein du Programme européen porte principalement sur les relations du Royaume-Uni avec l’Europe post-Brexit. En ce qui a trait à la politique étrangère du Royaume-Uni, il explique, comme plusieurs avant lui, que le Royaume-Uni est accaparé par les questions liées au Brexit, une situation qui dure depuis près de cinq ans. En ce qui concerne l’UE, les États-Unis et l’OTAN, M. Raines indique que les sondages démontrent que leurs relations avec le Royaume-Uni sont à leur plus bas. Il fait également part de son incertitude quant à la volonté de l’UE de concéder un quelconque statut spécial au Royaume-Uni dans l’accord de retrait, même s’il reconnaît que la Commission européenne a proposé de conserver l’Irlande du Nord au sein du marché unique et de l’union douanière, une proposition rejetée par la première ministre May. Il estime que le Brexit aura des conséquences néfastes, non seulement sur le pouvoir de contraindre du Royaume-Uni du point de vue des finances, de la défense et de la sécurité, mais également sur des actifs rattachés à son pouvoir de convaincre, incluant les universités, les arts, etc. En dernier lieu, M. Raines réitère un sentiment que les délégués ont entendu à de nombreuses reprises au cours de la semaine, soit que la question de la frontière irlandaise est le problème le plus difficile pour le Brexit, et que personne n’a réussi à soumettre une proposition pour le résoudre.

2. VISITE À DUBLIN, IRLANDE (7 MARS 2018)

A. Rencontre avec l’Irish Business and Employeurs Confederation

Le 7 mars, les délégations de l’APCE et de l’AICRU se réunissent pour le reste du programme de la semaine, et amorcent la journée par un entretien avec des représentants de l’Irish Business and Employers Confederation (IBEC). Le directeur de la politique et économiste en chef, M. Fergal O’Brien, amorce la discussion par un aperçu des travaux de l’IBEC, une organisation de services aux employeurs qui représente 70 % de l’effectif privé de l’Irlande à partir de sept bureaux régionaux. Mme Joanne Reynolds, agente de campagne du Brexit, présente ensuite la campagne stratégique de l’IBEC pour 2018, intitulée Ireland: A Model of Substance, qui s’efforce de présenter l’Irlande comme une économie vigoureuse fondée sur des éléments solides, à l’inverse de la situation qui a entraîné la crise financière de 2008.

M. O’Brien explique que l’économie irlandaise est florissante. L’Irlande a réussi à récupérer rapidement de la crise financière (en deux ans, le pays a atteint des niveaux records d’exportations) et aujourd’hui, son économie ouverte tire profit de l’économie mondiale en pleine croissance. Du point de vue des investissements, le pays est toujours doté d’une solide base industrielle, mais il se tourne de plus en plus vers l’innovation. M. O’Brien mentionne que les secteurs locaux des investissements, de la construction et de l’infrastructure ont mis plus de temps à se redresser après la crise financière, tandis que le reste de l’économie était en croissance; de façon générale, cette différence a entraîné une pénurie de logements dans le pays, et plus particulièrement de logements abordables. Pour l’avenir, le pays prévoit entrer dans une période ambitieuse d’investissements publics (10 milliards d’euros sur 10 ans), soit 4 % de l’activité économique. Le président et chef de la direction, M. Danny McCoy, mentionne que l’investissement du secteur privé est très important en Irlande, même en temps de récession. Il explique que certains observateurs se sont montrés sceptiques à l’égard de l’impressionnant PIB par habitant de l’Irlande, mais il existe un réel fondement à ces chiffres. M. McCoy s’élève également contre les préoccupations concernant le faible taux d’imposition des sociétés de l’Irlande, précisant que l’Irlande respecte les règles de l’OCDE à cet égard. M. O’Brien renchérit en indiquant que la stabilité économique est cruciale si l’on veut promouvoir l’Irlande en tant que lieu d’investissement, et que cela s’illustre par l’engagement du pays à maintenir son taux d’imposition des sociétés.

Tous les intervenants soulignent que l’IBEC est très engagée à l’égard de la question du Brexit. M. McCoy explique que les entreprises ne se sont pas beaucoup prononcées dans les discussions sur le Brexit, et que l’IBEC tente de s’assurer que la voix des entreprises de la communauté est entendue. Mme Reynolds indique que l’IBEC insiste sur la nécessité de trouver des solutions concrètes au cours des négociations sur le retrait, de manière à atténuer les dommages tout en se penchant sur la planification d’urgence pour veiller à ce que les répercussions possibles sur différents secteurs ne soient pas ignorées. M. McCoy est convaincu que l’Irlande va souffrir du Brexit, à moins que l’on prolonge les négociations. Le pays doit aussi travailler à entretenir la bonne volonté de la part des autres États membres de l’UE. Malgré un alignement politique total entre l’Irlande et l’UE dans son ensemble, on remarque un certain ressentiment de la part de certains milieux des affaires de l’UE en ce qui concerne l’économie prospère de l’Irlande. M. McCoy se dit irrité par les références constantes de la première ministre May à la question de la frontière « irlandaise », ce qui semble écarter le Royaume-Uni de l’équation. Il souligne également que toutes les personnes nées en Irlande du Nord peuvent se voir attribuer la citoyenneté du Royaume-Uni et de l’UE.

En ce qui concerne le travail et l’environnement, M. O’Brien insiste sur le bassin de personnes hautement qualifiées du pays, tandis que M. McCoy note que le marché du travail irlandais est composé de 15 à 20 % de non-Irlandais et de non-Britanniques. Il mentionne également qu’en raison de l’important accroissement de sa population, il est très peu probable que l’Irlande puisse atteindre ses cibles de changement climatique. Les objectifs économiques de l’Irlande risquent de l’emporter sur les préoccupations environnementales à court terme.

B. Entretien avec le vice-premier ministre

Les membres de la délégation, accompagnés de l’ambassadeur Vickers, s’entretiennent ensuite avec le vice-premier ministre (Tánaiste) et ministre des Affaires étrangères et du Commerce, M. Simon Coveney. Le Tánaiste Coveney souligne les liens historiques étroits entre le Canada et l’Irlande, et ajoute que ces liens se sont resserrés au cours des derniers mois grâce à la mise en œuvre de l’AECG. De nombreuses entreprises canadiennes investissent en Irlande et il espère que d’ici peu, des services financiers et des entreprises agroalimentaires irlandais investiront au Canada. L’Irlande compte aussi établir un important consulat à Vancouver pour servir la population irlandaise sur la côte Ouest canadienne.

Le Tánaiste Coveney, qui est responsable de coordonner la stratégie de négociation de l’Irlande en ce qui concerne le Brexit, donne à la délégation un aperçu des phases 1 et 2 de ces négociations. La question de la frontière est importante : la zone commune de circulation existe depuis les années 1920, et reconnaît la double citoyenneté pour les personnes nées en Irlande du Nord. Le Tánaiste Coveney insiste sur le fait que la zone commune de circulation doit être maintenue. La frontière est actuellement invisible et elle doit le demeurer pour protéger les activités commerciales et la paix. On ne doit retrouver aucune infrastructure physique à la frontière ni aucun poste de vérification ailleurs. La frontière a été un sujet litigieux au cours de la phase 1 des négociations, mais une entente a été conclue et diverses options quant à la façon d’aller de l’avant ont été intégrées au texte juridique de l’UE concernant cette ébauche d’entente : l’option A porte sur une relation future relativement à la gestion de la frontière, l’option B se penche sur des solutions technologiques, tandis que l’option C constitue une position de repli qui indique que l’Irlande va continuer de faire partie de l’union douanière en demeurant entièrement alignée avec l’UE si aucun autre accord n’est possible. La question de la frontière a obligé toutes les parties à se pencher attentivement sur la réalité du Brexit.

Le Tánaiste Coveney note que si l’UE n’a peut-être pas besoin du Royaume-Uni, l’Irlande en a besoin de nombreuses façons. Le Royaume-Uni a été l’architecte en chef du marché unique, il est une tribune pour les marchés ouverts, reflète généralement le point de vue de l’Irlande quant à l’imposition, et s’est porté à la défense d’une union d’États souverains plutôt que d’un modèle fédéraliste pour l’UE. L’Irlande est d’accord avec ces approches; elle devra maintenant travailler d’arrache-pied pour établir des alliances avec d’autres États afin d’appuyer cette position. Au bout du compte, le Royaume-Uni, l’UE et l’Irlande seraient touchés défavorablement en cas de Brexit difficile. Le Brexit véhicule les valeurs d’une autre époque, où les États étaient entièrement souverains et n’avaient pas besoin les uns des autres.

C. Entretien avec des représentants du Groupe d’amitié parlementaire Irlande Canada

Après une courte visite du Parlement irlandais (Oireachtas), la délégation s’entretient avec des membres du Groupe d’amitié parlementaire Irlande-Canada. La conversation porte majoritairement sur l’AECG, certains parlementaires irlandais ayant souligné l’importante décision rendue récemment par la Cour européenne de justice, selon laquelle le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne n’autorise pas les dispositions d’arbitrage contenues dans un traité d’investissement bilatéral conclu entre la Tchécoslovaquie et les Pays-Bas. Cette cause pourrait avoir une incidence sur le cas de la Belgique qui a été déféré à la Cour relativement aux dispositions du système juridictionnel des investissements contenues dans l’AECG. De façon générale, les parlementaires irlandais parlent avec enthousiasme de l’AECG, mais certains ont des réserves quant à la proposition de système juridictionnel en matière d’investissements, qui n’est pas encore en vigueur. Ils soulignent l’importance de faire confiance aux tribunaux nationaux dans ce contexte, et font remarquer que l’Irlande pourrait attendre la décision de la Cour européenne de justice avant de ratifier l’AECG. La conversation porte aussi sur l’augmentation récente des échanges commerciaux entre le Canada et l’Irlande, notamment l’importance du tourisme et les correspondances aériennes accrues entre les deux pays.

Ils abordent également le sujet de l’accréditation professionnelle des étudiants canadiens en médecine en Irlande, les politiques relatives à la migration et à l’égalité des sexes, ainsi que les répercussions que pourrait avoir le Brexit sur les pêches.

D. Entretien avec des membres de la Commission mixte de l’Oireachtas en matière d’affaires étrangères et de commerce, et de défense

Les membres de la délégation s’entretiennent ensuite avec des membres de la Commission mixte de l’Oireachtas en matière d’affaires étrangères et de commerce, et de défense, notamment la vice-présidente Mme Maureen O’Sullivan, Teachtaí Dála (T.D., membre du Parlement irlandais); M. Seán Barrett, T.D.; M. Noel Grealish, T.D.; et M. Tony McLoughlin, T.D. Ils amorcent la discussion par un échange sur la neutralité militaire de l’Irlande et sur le respect que le pays a gagné du fait de ses initiatives de maintien de la paix en conséquence de cette stratégie. On fait remarquer que l’Irlande prend part à la récente initiative de Coopération structurée permanente (CSP) de l’UE, et certains participants disent craindre qu’une telle participation compromette la neutralité de l’Irlande. Dans la foulée, Mme O’Sullivan mentionne aussi l’approche adoptée par l’Irlande à l’égard du travail international, soulignant que l’aide au développement international de l’Irlande est accordée sans modalités contraignantes.

Sur la question du Brexit, les membres de la Commission se disent préoccupés par l’incertitude qui touche la question de la frontière. Une frontière réelle aurait un impact important sur les industries et le commerce de l’Irlande, mais on a peine à s’imaginer comment une frontière physique pourrait ultimement être évitée. Néanmoins, malgré les difficultés, Mme O’Sullivan note que le Brexit représente aussi pour l’Irlande une occasion de diversifier ses voies commerciales.

La discussion se tourne vers l’impasse politique actuelle à l’Assemblée de l’Irlande du Nord, qui semble porter principalement sur la question de la reconnaissance officielle de la langue irlandaise, certains membres craignant que la question linguistique soit utilisée comme carte politique.

E. Entretien avec le ministre d’État de la Diaspora

Pour conclure la journée, la délégation rencontre M. Ciarán Cannon, ministre d’État de la Diaspora. Le ministre Cannon commence par décrire l’ampleur et la portée de la diaspora irlandaise au Canada et dans le monde; un Canadien sur neuf aurait des ancêtres irlandais. Pour cette raison, le gouvernement irlandais consacre des ressources au soutien des communautés irlandaises du monde entier, y compris par l’octroi de subventions axées principalement sur la diaspora irlandaise du Royaume‑Uni, des États-Unis et du Canada, en insistant tout particulièrement sur l’aide sociale pour la diaspora vieillissante. Le ministre mentionne également le consulat qui ouvrira bientôt ses portes à Vancouver.

Parce que de nombreux émigrants ne s’intéressent pas à la culture irlandaise, si ce n’est pour se dire américano-irlandais ou canado-irlandais, l’un des domaines prioritaires pour le ministre est le renforcement des liens avec la diaspora irlandaise au moyen des médias numériques, de la culture, du sport, du jumelage de villes, du renforcement des liens commerciaux et de bourses comme la bourse d’études Flaherty offerte par le truchement de la Ireland Canada University Foundation. Financée conjointement par les gouvernements canadien et irlandais, cette bourse permet aux étudiants canadiens et irlandais d’étudier dans le pays de l’autre, dans le but d’établir des affinités culturelles de longue durée. Comme le tourisme est la troisième industrie en importance pour l’économie irlandaise, le ministre en parle en des termes positifs, notamment le tourisme engendré par les personnes d’ascendance irlandaise qui viennent explorer leurs racines. Le ministre Cannon fait écho aux paroles du premier ministre Varadkar en expliquant que l’idée est de promouvoir une « nation irlandaise mondiale » qui s’appuie sur une relation bilatérale avec la diaspora irlandaise.

F. Réception donnée par l’ambassade

La mission de la délégation en Irlande se termine par une réception à la résidence de l’ambassadeur Vickers, où les délégués poursuivent les conversations avec de nombreuses personnes qu’ils ont rencontrées tout au long de la mission, de même qu’avec d’autres intervenants qui n’ont pu assister aux réunions les jours précédents.

3. VISITE À BELFAST, IRLANDE DU NORD (DU 8 AU 9 MARS 2018)

A. Déplacement de Dublin, en Irlande, à Belfast, Irlande du Nord, au Royaume Uni

La délégation se rend par autobus de Dublin à Belfast pour vivre l’expérience du franchissement de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Les membres font remarquer que l’ouverture de la frontière est comparable à celle entre les frontières interprovinciales du Canada. À leur arrivée à Belfast, les membres de la délégation visitent en autobus la partie de la ville qui témoigne encore des tensions sectaires qui ont été à l’origine d’une grande violence pendant de nombreuses années, jusqu’à la fin des « troubles » en 1998.

B. Déjeuner de travail avec les membres de l’Assemblée de l’Irlande du Nord

Un déjeuner de travail officiel est organisé pour la délégation à Stormont Estate par le président de l’Assemblée nord-irlandaise, M. Robin Newtown (Parti unioniste démocrate [PUD]), auquel assistent de nombreux membres de l’Assemblée nord‑irlandaise (MAL) qui représentent une variété de partis politiques.

Le président Newton, MAL du PUD dans Belfast-Est, accueille la délégation et prononce une allocution de bienvenue, après quoi il invite ses collègues MAL à se présenter en quelques mots.

M. Roy Beggs, MAL du Parti unioniste d’Ulster dans East Antrim, décrit certains des éléments essentiels du Brexit. Il explique que l’Irlande du Nord travaillera en partenariat avec Westminster et les parlements régionaux aux négociations du Brexit, malgré le fait que la majorité des électeurs d’Irlande du Nord ont voté pour demeurer au sein de l’UE lors du référendum de juin 2016. Bien qu’il affirme que le Royaume-Uni va quitter l’UE en dépit des obstacles qui pointent à l’horizon, il se dit préoccupé par le fait que l’Irlande a affiché une certaine réticence à discuter des options en vue du respect de l’Accord du Vendredi saint tout en promettant un minimum de perturbations à la frontière irlandaise.

Mme Caoimhe Archibald, MAL du Sinn Féin dans East Londonderry, présente le point de vue de son parti sur le Brexit. La délégation apprend que dans le cadre du référendum sur le Brexit, le Sinn Féin a fait campagne pour rester au sein de l’UE et que la position du parti, maintenant que le Royaume-Uni va quitter l’UE, est d’exiger que l’on accorde une attention spéciale à l’Irlande du Nord pendant les négociations du Brexit, et que l’on maintienne l’absence de contrôle à la frontière irlandaise. Une telle issue pourrait exiger la négociation d’un statut spécial pour l’Irlande du Nord. Mme Archibald laisse entendre que le Brexit pourrait mener à une plus grande unité sur l’île d’Irlande. Elle souligne l’importance de réintégrer l’Assemblée de l’Irlande du Nord avec un exécutif partagé, de sorte que les discussions sur le Brexit puissent se poursuivre au sein de l’Assemblée.

M. Stephen Farry, MAL du Parti de l’Alliance dans North Down, explique que son parti a également fait campagne pour demeurer au sein de l’UE. Toutefois, contrairement au point de vue de Mme Archibald, M. Farry craint que la décision de quitter l’UE entraîne une plus grande polarisation des points de vue en Irlande du Nord, que cela donne lieu à de nouvelles divisions et en fin de compte, compromette le fragile accord de paix sur l’île. À l’instar de Mme Archibald, M. Farry insiste sur le fait que les négociations du Brexit doivent inclure une situation ou un statut spécial pour l’Irlande du Nord.

M. Edwin Poots, MAL du PUD dans Lagan Valley, se prononce fortement en faveur d’un départ de l’UE, surtout en raison de ce qu’il considère comme une surréglementation du secteur agricole en vertu des règles de l’UE. Il explique aux délégués que la réglementation établie pour l’ensemble de l’Europe n’est pas pertinente pour tous les territoires de compétence et qu’il est préférable que certains enjeux politiques soient laissés aux autorités locales. M. Poots déclare qu’il espère que le Royaume-Uni sera un solide négociateur dans le cadre des pourparlers sur le Brexit avec l’UE, et qu’il voit avec optimisme le fait de pouvoir conclure de nouveaux accords de libre-échange, y compris avec le Canada.

En dernier lieu, Mme Claire Hanna, MAL du Parti social-démocrate et travailliste dans South Belfast, exprime fermement son opposition au fait que le Royaume-Uni quitte l’UE, de même que son pessimisme quant à la capacité de l’Irlande du Nord de contribuer aux négociations sur le Brexit et d’y faire entendre son point de vue. Elle énumère les préférences de son parti quant aux résultats des négociations, soit : 1) qu’il n’y ait pas de Brexit, avec la possibilité de tenir un autre référendum; 2) que le Royaume-Uni demeure au sein de l’union douanière; et 3) que l’on accorde un statut spécial à l’Irlande du Nord.

Malgré la gamme d’opinions et de perspectives, tous les MAL conviennent que l’on ne doit pas apporter de changement à la frontière « souple » entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, et que toute forme de contrôle frontalier pourrait entraîner une résurgence des tensions sectaires sur l’île. Même si certains intervenants reconnaissent qu’il existe de manière générale une entente entre le Royaume-Uni et l’UE, selon laquelle la frontière irlandaise demeurera inchangée si aucun accord n’est possible, certains MAL estiment que le libellé de l’accord négocié est ambigu et qu’une garantie plus ferme est nécessaire. Lorsque les délégués demandent si une réunification de l’île d’Irlande est désormais une possibilité, M. Beggs répond que cette question n’est pas sur la table.

C. Séance d’information des représentants de l’Exécutif d’Irlande du Nord

La délégation assiste à une séance d’information à Stormont Castle, où se trouvent les bureaux et les salles de réunion de l’Exécutif d’Irlande du Nord, avec M. Neill Jackson, directeur des Services exécutifs et M. David Patterson, responsable de la politique relative au Brexit. M. Jackson donne un aperçu de l’évolution de la gouvernance de l’Irlande du Nord, de 1921 à la signature de l’Accord du Vendredi saint, en 1998. Il décrit les trois « volets de l’Accord » :

  • Le premier volet établit la structure de partage des pouvoirs de l’Assemblée d’Irlande du Nord et de son Exécutif.
  • Le deuxième volet porte sur la relation nord-sud de l’île d’Irlande en mettant en place des institutions comme le Conseil ministériel nord-sud (CMNS).
  • Le troisième volet aborde la relation est-ouest avec l’île de la Grande-Bretagne en mettant sur pied des institutions comme le Conseil britannico-irlandais.

Il explique la structure de partage des pouvoirs de gouvernance de l’Assemblée d’Irlande du Nord mise en place en 1998 et précise que l’Assemblée a été perturbée à plusieurs reprises au cours des 20 dernières années en raison de la difficulté de s’entendre sur le partage des pouvoirs. Plus particulièrement, il indique que l’Assemblée a été sous l’autorité directe de Westminster de 2002 à 2007. L’Assemblée d’Irlande du Nord a connu une stabilité relative de 2007 à 2014, mais est considérablement dysfonctionnelle depuis cette date. L’Assemblée n’a pu conclure d’entente de partage de pouvoirs depuis l’élection générale de mars 2017.

D. Entretien avec des représentants de Bombardier Aerospace et visite des installations

La dernière activité de la journée consiste en une présentation donnée par des représentants de l’installation de Bombardier Aerospace à Belfast, suivie d’une visite des installations de fabrication du C Series. Mme Haley Dunne, directrice des communications et des affaires publiques, présente un court historique de Bombardier et de ses activités commerciales actuelles. Les délégués apprennent que l’entreprise, dont le siège social se trouve à Montréal, exerce ses activités dans les domaines de l’aérospatiale, de l’innovation en transport terrestre et de la fabrication. Le secteur d’activité de l’aérospatiale comprend les avions d’affaires et commerciaux, de même que les aérostructures et les services d’ingénierie. L’installation de Belfast fait partie des aérostructures et des services d’ingénierie de Bombardier. Elle est la plus grande installation de fabrication de la ville et elle emploie 4 000 personnes. L’entreprise a des sites parents à Montréal, à Dallas (Texas) et à Casablanca (Maroc). Ces installations se spécialisent dans la conception et la fabrication de structures d’aéronefs métalliques, de composites complexes et de composants de système comme les fuselages, les nacelles de moteurs, les ailes, les cloisons, les portes et les stabilisateurs horizontaux.

Mme Haley explique que la position de Bombardier relativement au Brexit est celle de l’industrie de l’aérospatiale; malgré certaines incertitudes pour lesquelles il est impossible de prévoir l’imprévisible, l’entreprise espère qu’il n’entraînera pas de changements du point de vue des affaires et des activités commerciales.

La délégation visite l’installation de fabrication qui produit les ailes du C Series. Mme Haley explique que l’aéronef C Series de Bombardier s’adresse à un marché mal desservi : celui des aéronefs de passagers d’une capacité de 100 à 150 sièges. Elle donne aux délégués un aperçu de la décision rendue récemment par l’American International Trade Commission en faveur de Bombardier et décrit l’accord de partenariat conclu entre Bombardier et Airbus. On explique aux délégués que même si Airbus est propriétaire de l’aéronef C Series, Bombardier est son fournisseur et détient les droits de propriété intellectuelle concernant certains aspects de la fabrication du C Series, y compris le composite de fibre de carbone avec résine qui est utilisé dans les ailes.

E. Entretien avec le consul honoraire du Canada à Belfast

La délégation amorce sa dernière journée à Belfast par un déjeuner-rencontre avec M. Ken Brundle, consul honoraire du Canada à Belfast. La conversation porte sur de nombreux sujets. Ainsi, M. Brundle aborde l’impasse politique en Irlande du Nord et les perspectives de résolution, et parle des avantages possibles d’un forum civil consultatif. En ce qui a trait aux tensions politiques observées au quotidien, il note que malgré le risque que les problèmes politiques débordent dans les rues, ces tensions demeurent très localisées. Il explique que si les murs de la paix et les barrières, au sujet desquels les délégués ont exprimé leurs préoccupations pendant la visite de la ville, sont toujours présents dans une partie de la ville, c’est que les personnes qui vivent dans ces communautés désirent que les barrières soient fermées le soir parce qu’elles sont plus à l’aise ainsi.

En ce qui concerne le Brexit et les indicateurs économiques en Irlande du Nord, M. Brundle souligne les effets négatifs que le Brexit pourrait avoir sur les salaires en Irlande du Nord du fait des fluctuations monétaires. Il mentionne également l’écart entre le taux de chômage relativement faible en Irlande du Nord et la proportion relativement peu élevée de la population active qui fait partie de la main‑d’œuvre. Il souligne le fait que 60 % des emplois en Irlande du Nord sont issus de la fonction publique, ce qui fait qu’il n’existe pas de véritable moteur de développement économique dans la région.

Abordant le sujet de la présence du Canada en Irlande du Nord, M. Brundle déplore le fait qu’il n’existe plus de vols directs entre le Canada et Belfast, et souligne les difficultés qu’ils ont connues lorsque l’autorisation de voyage électronique (AVE) du Canada est entrée en vigueur, parce que certains voyageurs ne savaient pas comment remplir les formulaires.

F. Entretien avec les membres du Conseil ministériel Nord-Sud et du Conseil britannico-irlandais

La délégation s’entretient ensuite avec des représentants du Conseil ministériel Nord‑Sud et du Conseil britannico-irlandais à Stormont Castle. Donal Moran, secrétaire adjoint associé (Irlande du Nord), et Emer McGeough, directeur sectoriel du ministère irlandais des Affaires étrangères, présentent aux délégués un aperçu des travaux du CMNS, issu du deuxième volet de l’Accord du Vendredi saint, axé sur les relations Nord-Sud. Le CMNS sert de tribune pour les réunions entre les ministres de l’Irlande et de l’Irlande du Nord dans 12 domaines de coopération bien précis. En ce qui concerne sa structure, les ministres se réunissent en plénière deux fois par année, des réunions sectorielles sont organisées avec les ministres pertinents sur des domaines bien précis de discussion, et des réunions institutionnelles sont aussi organisées avec les ministres des Affaires étrangères au besoin.

Mme McGeough poursuit en décrivant les six domaines de coopération : santé (la consommation d’alcool et le tabagisme, les services cardiaques pédiatriques et la recherche sur le cancer), éducation (un centre d’excellence sur l’autisme et des échanges entre jeunes et enseignants), agriculture (la sécurité des entreprises agricoles, la santé animale et la Politique agricole commune), environnement (les déversements dans la zone frontalière et le changement climatique), transport (axé sur les réseaux routiers, ferroviaires et cyclistes) et tourisme (présenter l’Irlande comme une île); plus les six organes de mise en œuvre qui se concentrent sur les langues, les programmes spéciaux de l’UE, le commerce, l’aquaculture et le tourisme, les voies navigables intérieures et la sécurité alimentaire.

M. Moran décrit la profondeur de l’engagement que l’on observe au sein du CMNS, ainsi que les relations personnelles solides développées entre les deux exécutifs, et il dresse la liste des diverses ententes conclues depuis 1999. Toutefois, il mentionne que le référendum sur le Brexit a entièrement modifié l’aire politique. Néanmoins, Mme McGeough affirme que chez les représentants des deux côtés, on sent le désir de travailler en étroite collaboration. Elle mentionne que la situation est bien meilleure qu’il y a 30 ans et souligne que la prospérité économique a été la clé pour obtenir la paix.

Mme Tereasa Bell et M. Jerry O’Donovan du Secrétariat mixte du Conseil britannico-irlandais (CBI) donnent ensuite un aperçu de leur institution, issue du troisième volet de l’Accord du Vendredi saint, axé sur les relations Est-Ouest. Le CBI est composé de représentants des administrations de l’Irlande, du Royaume-Uni, de l’Écosse, de l’Irlande du Nord, du Pays de Galles, de l’île de Jersey, de l’île de Guernsey et de l’île de Man. Les chefs du gouvernement se rencontrent à l’occasion d’un sommet tenu deux fois par année; d’autres réunions sont aussi organisées aux niveaux ministériel et officiel. Le CBI se concentre sur 11 domaines : inclusion sociale, énergie, langues autochtones et minoritaires, logement, environnement, abus de substances, inclusion numérique, politique de la petite enfance, transport, industries créatives et planification spatiale.

La conversation avec les délégués porte ensuite sur la politique de changement climatique, la réglementation relative à la sécurité alimentaire, l’avenir de l’Accord du Vendredi saint et l’impact du Brexit sur la politique des pêches et sur l’éducation.

G. Entretien avec la lord-mairesse de Belfast

La délégation s’entretient ensuite avec la lord-mairesse de Belfast, la conseillère Nuala McAllister. La lord-mairesse donne un aperçu du processus appliqué pour l’élection du maire à Belfast, avec son mécanisme de rotation fondé sur le système D’Hondt. À titre de représentante du troisième parti en importance, le Parti de l’Alliance, la lord-mairesse souligne l’importance qu’elle et son parti accordent à l’élaboration de politiques fondées sur la preuve. Donnant aux délégués son point de vue sur les enjeux auxquels sont confrontées l’Irlande du Nord et la ville de Belfast, elle note que cette dernière est passée d’une industrie de fabrication à une industrie numérique, et qu’elle est maintenant la plus importante région pour l’investissement en cybersécurité en dehors des États-Unis. Le secteur de la construction connaît un essor important à Belfast en ce moment; il s’agit d’un phénomène nouveau pour la ville. La lord-mairesse aborde aussi les enjeux sociaux comme les sans-abri (notant que la liste d’attente pour des logements publics est établie en fonction des allégeances nationalistes ou unionistes), la situation pour les membres des communautés LGBTQ et les droits des femmes en Irlande du Nord.

H. Entretien avec des représentants d’Invest Northern Ireland

La dernière réunion de la délégation à Belfast se déroule avec des représentants de Invest Northern Ireland (Invest NI). M. Alan Wilson, directeur des investissements internationaux, commence par un aperçu des messages-clés d’Invest NI, soit promouvoir le fait que l’Irlande du Nord est une région habituée à attirer des entreprises innovantes, qu’elle est dotée d’un excellent système d’éducation qui produit des personnes hautement qualifiées, et qu’elle présente un avantage compétitif pour les investisseurs du point de vue des coûts. Selon M. Wilson, l’Irlande du Nord n’a pas besoin de promouvoir un faible taux d’imposition des sociétés; il s’agit tout simplement d’un lieu attrayant pour investir.

M. Wilson explique que 95 % des diplômés de la région restent en Irlande du Nord, et Mme Shelley Pinkerton, directrice du Commerce international – Amériques, souligne le fait que la population de l’Irlande du Nord connaît la croissance la plus rapide du Royaume-Uni, et qu’elle compte parmi les plus jeunes d’Europe. Elle note que l’Irlande du Nord présente une économie axée sur la petite entreprise et qu’elle tente d’accroître ses exportations, ce qui produit des recettes qui entraînent un accroissement des dépenses intérieures. Elle décrit les principaux défis commerciaux des entreprises qu’Invest NI aide à relever, en précisant le temps et les ressources nécessaires pour qu’une entreprise fasse son entrée sur de nouveaux marchés multiples.

M. Paul McCoy, directeur des investissements internationaux, explique que Invest NI se concentre sur l’investissement étranger direct, soulignant que le travail de l’organisation consiste à mettre en valeur les avantages propres à l’investissement en Irlande du Nord, puisque la plupart des investisseurs connaissent surtout l’Irlande. Dans la foulée des commentaires de M. Wilson, il affirme que ces avantages sont les personnes hautement qualifiées, le système juridique adéquat, les coûts concurrentiels, la recherche de pointe, la vaste gamme d’occasions d’affaires et le fait d’appartenir à une zone commerciale mondiale. L’Irlande du Nord a créé de nombreux emplois au cours de la dernière année, en se concentrant sur les services financiers et les secteurs technologiques. Invest NI s’efforce de trouver les meilleurs jumelages à un niveau élémentaire, en se concentrant tout particulièrement sur les entreprises axées sur le développement de produits, plutôt que sur les industries de services. On explique aux délégués que Belfast devient rapidement le principal lieu d’affaires pour les sociétés de cybersécurité nord-américaine, et que le Centre for Cybersecurity de l’Université Queen’s procure une valeur ajoutée à la ville à cet égard. M. McCoy fait écho aux commentaires de M. Wilson sur la question de la rentabilité, notant qu’avec un salaire moyen de 21 000 £, Belfast offre un rapport coût-efficacité de 30 % supérieur à Dublin, de près de 45 % supérieur à Londres et de plus de 55 % supérieur à New York en ce qui concerne les coûts de main-d’œuvre. Il explique que Belfast donne une impression de richesse parce que le coût de la vie y demeure peu élevé : la région ne connaît pas l’augmentation rapide du coût des logements qui entraîne des augmentations salariales correspondantes. Toutefois, la disponibilité des logements est limitée au sein de la ville.

En réponse aux questions concernant l’AECG, Mme Pinkerton explique que la réduction des tarifs douaniers est considérée comme très bénéfique en Irlande du Nord et que l’on a observé une augmentation des missions commerciales depuis l’entrée en vigueur de l’entente. Toutefois, les plus petites entreprises d’Irlande du Nord ne songent pas nécessairement à prendre part aux échanges commerciaux, et Invest NI tente de les encourager à emprunter cette avenue. Enfin, l’organisation espère conclure une entente commerciale future qui encouragera l’investissement entre le Canada et le Royaume‑Uni, et voit l’Irlande du Nord comme une passerelle vers le Royaume-Uni et l’UE. M. McCoy note que le Brexit et l’instabilité politique en Irlande du Nord ont donné lieu à une incertitude qui n’est pas bien vue des investisseurs. Mais de façon générale, l’Irlande du Nord résiste à la tempête.

Respectueusement soumis,



M. Frank Baylis, député

Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni