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Association parlementaire canadienne de l'OTAN

Rapport

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN, soit la délégation du Canada à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (AP-OTAN), a l’honneur de présenter son rapport sur la 19e session du Forum parlementaire transatlantique (le Forum), tenue à Washington, D.C. du 9 au 11 décembre 2019. Le Canada était représenté par l’honorable sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, l’honorable sénatrice Gwen Boniface, l’honorable sénateur Pierre J. Dalphond et l’honorable sénatrice Josée Forest-Niesing. MM. Jean-François Pagé et James Lee, respectivement secrétaire et conseiller de l’Association, accompagnaient la délégation.

L’objectif de la session annuelle du Forum, qui a eu lieu pour la première fois en 2001, est d’explorer l’état des relations transatlantiques et de cerner des moyens de résoudre les divergences. La session est organisée par la National Defense University et coparrainée par l’Atlantic Council of the United States. Le Forum a réuni des délégués de 23 pays membres de l’OTAN et de la Macédoine du Nord – en voie d’adhésion – ainsi que de deux pays de l’Union européenne (UE) qui ne sont pas membres de l’OTAN. Les délégués ont entendu des représentants de l’administration des États-Unis (É.-U.), des membres du Congrès, des experts de groupes de réflexion et des universitaires et ont eu l’occasion de leur poser des questions. Quant aux délibérations du Forum, elles ont été menées conformément aux règles de Chatham House.

Avant de participer au Forum, les délégués canadiens ont d’abord rencontré des représentants de l’ambassade du Canada à Washington, D.C., où ils ont assisté à une séance d’information et discuté de questions liées à l’OTAN, ainsi que d’enjeux bilatéraux entre le Canada et les États-Unis.

RÉSUMÉ DES DISCUSSIONS

Introduction

L’année 2019 a marqué le 70e anniversaire de l’OTAN et le 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin, ce qui a amené certains observateurs à réfléchir à la façon dont l’Alliance a évolué de façon positive au fil des décennies. Toutefois, au cours de l’année, les alliés ont également connu des tensions, notamment au sujet des dépenses militaires et du « partage du fardeau », ainsi qu’un manque perçu de consultation, de coordination et de cohésion au sein de l’Alliance. Par exemple, le président des États-Unis, Donald Trump, avait critiqué l’Alliance ces dernières années et, en octobre 2019, il a annoncé le retrait des forces américaines de la Syrie sans consulter ses alliés. Peu de temps après, le président français Emanuel Macron a laissé entendre dans une entrevue[1] accordée au magazine The Economist que, si on ne pouvait compter sur les États-Unis, cela signifiait la « mort cérébrale » de l’OTAN pour les alliés.

Lors d’une réunion à Londres les 3 et 4 décembre 2019 – soit une semaine plus tôt – les chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN ont abordé des questions clés à l’ordre du jour de l’Alliance. Dans leur Déclaration de Londres, les dirigeants ont réaffirmé le lien transatlantique durable entre l’Europe et l’Amérique du Nord et observé que des progrès avaient été réalisés sur le plan de l’augmentation des dépenses militaires autres qu’étatsuniennes ces cinq dernières années, et ils se sont engagés à renforcer leur capacité individuelle et collective à résister à toutes les formes d’attaque. Ils ont également déclaré que la solidarité, l’unité et la cohésion étaient des principes fondamentaux de l’Alliance et ont invité le secrétaire général de l’OTAN à élaborer une proposition à l’égard d’un processus de réflexion tourné vers l’avenir afin de renforcer davantage la dimension politique de l’OTAN, y compris la consultation. (Le processus a été baptisé « OTAN 2030 ».) Enfin, les dirigeants ont adopté pour la première fois une déclaration sur la puissance de la Chine. Ils ont reconnu que l’influence croissante de la Chine et ses politiques internationales présentent à la fois des possibilités et des défis que les pays de l’Alliance doivent aborder ensemble.

Au cours du Forum, les délégués du Canada et d’autres pays ont assisté à 11 séances portant sur un large éventail de sujets qui ont permis de souligner le rôle important que joue l’OTAN pour notre défense et notre sécurité collectives et pour la facilitation d’un dialogue franc entre les alliés. Les discussions ont notamment porté sur ce qui suit : les relations transatlantiques, les armes nucléaires et le contrôle des armements, l’Iran et le Moyen-Orient élargi, la Russie et l’Ukraine, les défis en Extrême-Orient, l’Afghanistan et la situation politique intérieure des États-Unis. Les sections suivantes résument les principaux points des discussions sur ces sujets.

Relations Transatlantiques

L’importance continue des relations transatlantiques a été un thème clé du Forum. Malgré les différences observées au fil des décennies, de solides relations transatlantiques entre l’Amérique du Nord et l’Europe ont été la clé du succès de l’OTAN, et le Forum a été l’occasion de réitérer leur importance cruciale pour l’avenir et de rappeler qu’il ne faut pas les tenir pour acquises. On a fait remarquer aux délégués que le Congrès des États-Unis a maintenu un solide appui bipartite à l’égard de l’OTAN, comme en témoigne le fait que le président de la Chambre des représentants a participé aux réunions de l’AP OTAN en février et que le secrétaire général de l’Alliance a été invité à prendre la parole à une réunion conjointe du Congrès des États-Unis en avril. Bien que certains alliés européens aient préconisé, lors du Forum, une plus grande capacité de défense européenne ainsi qu’une plus grande autonomie stratégique, il a été souligné que la clé consiste à atteindre ces objectifs d’une manière équilibrée et complémentaire qui renforce l’Alliance au lieu de l’affaiblir.

Armes nucléaires et contrôle des armements

À leur réunion de Londres, les dirigeants de l’OTAN ont déclaré que tant qu’il y aurait des armes nucléaires, l’OTAN demeurera une alliance nucléaire. Ils ont soutenu être pleinement engagés à l’égard de la préservation et du renforcement du contrôle efficace des armements, du désarmement et de la non-prolifération, en tenant compte de l’environnement de sécurité qui prévaut.

La Russie a modernisé ses forces militaires ces dernières années, y compris sa puissance nucléaire. En 2018, le président russe Vladimir Poutine a annoncé qu’il était en train de mettre au point une série de nouveaux systèmes nucléaires principalement conçus pour contourner les défenses antimissiles des États-Unis, et dont on a dit aux délégués qu’ils pourraient être déstabilisants.

Plusieurs délégués ont noté le retrait de l’administration Trump du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) entre les États-Unis et la Russie, qui avait été important pour la sécurité européenne. Il a également été noté que l’administration ne s’était pas engagée à prolonger le Traité sur la réduction des armements stratégiques entre les États-Unis et la Russie (nouveau START), qui a fourni un certain degré de certitude par rapport à l’arsenal d’armes nucléaires, et qui vient à échéance au début de 2021. L’administration Trump soutient que le contrôle des armements ne peut fonctionner que si toutes les parties respectent leurs engagements, et que la Russie les a violés dans le cas du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires. L’administration américaine soutient en outre que la prochaine génération de contrôle des armes nucléaires devra aller au-delà des mesures bilatérales traditionnelles entre les États-Unis et la Russie sur les armes stratégiques et couvrir toutes leurs ogives nucléaires, et devra également inclure la Chine, dont l’arsenal est plus petit, mais en croissance rapide. Ces arguments et d’autres ont été soulevés par les présentateurs et les délégués pendant le Forum.

L’Iran et le Moyen-Orient élargi

La situation au Moyen-Orient a été l’un des principaux thèmes abordés au Forum. Les discussions ont porté sur le fait que cette région était très instable et que, même si la destruction du califat de DAECH en Syrie et en Irak était un développement positif, la menace terroriste dans la région et les pays de l’OTAN est toujours présente.

Des présentateurs ont souligné que le Printemps arabe avait eu de durs contrecoups dans la région, et l’un d’eux a décrit le monde arabe comme étant essentiellement brisé et en colère. Il a également été mentionné qu’il y a eu un important changement de pouvoir au cours des dernières années, les puissances régionales arabes traditionnelles que sont l’Irak, la Syrie et l’Égypte jouant des rôles moindres en raison des crises internes, ce qui a donné un rôle plus important à l’Arabie saoudite, à la Turquie, à l’Iran et à Israël. La situation en Syrie est extrêmement complexe et il n’y a pas de dénouement évident en vue. La crise dans ce pays est aussi un exemple de la façon dont les territoires laissés à l’abandon et mal gouvernés dans la région ont permis à des acteurs non étatiques comme DAECH de profiter d’un terreau fertile.

En ce qui concerne l’engagement des États-Unis, certains observateurs ont souligné que lorsque le gouvernement Obama a orienté sa politique extérieure vers l’Asie, il s’agissait aussi d’un éloignement du Moyen-Orient, mais que les États-Unis sont encore présents au Moyen‑Orient, notamment dans le Golfe. Un expert a déclaré que le dilemme des États-Unis est qu’ils ne peuvent pas transformer le Moyen-Orient, mais qu’ils ne peuvent pas non plus le quitter. En même temps, les intérêts des États-Unis dans la région ont diminué puisqu’ils dépendent de moins en moins du pétrole importé, et les gouvernements Obama et Trump ont tous deux conclu que la guerre en Syrie, par exemple, n’était pas une priorité des États-Unis. De plus, les États-Unis n’essaient plus de jouer un rôle de médiation dans le conflit israélo-palestinien qui, de toute façon, a-t-on dit aux délégués, n’est plus au centre des préoccupations dans la région.

On a expliqué aux délégués que les relations avec l’Iran sont devenues plus difficiles à la suite de la décision de l’administration Trump de se retirer du Plan d’action global conjoint et de rétablir les sanctions contre l’Iran. Des intervenants ont par ailleurs souligné que certains États européens ont travaillé pour préserver l’accord et continuer à faire des affaires avec l’Iran, mais cela s’est avéré difficile à cause des sanctions américaines. Malgré sa rhétorique enflammée, l’administration Trump ne semble pas vouloir une confrontation militaire avec l’Iran, même après que cet État a démontré sa capacité et sa volonté d’attaquer les infrastructures pétrolières dans le Golfe et de prendre d’autres mesures déstabilisantes. D’autres participants ont fait observer que l’Iran fait face à un certain nombre de défis, y compris des défis externes, comme sa rivalité principalement politique plutôt que religieuse avec l’Arabie saoudite. L’Iran fait également face à d’importants défis nationaux, de nature économique et sociale, qui sont exacerbés par les sanctions, ainsi qu’une succession à venir.

Russie et Ukraine

Les discussions ont aussi porté sur le fait que les relations entre la Russie et l’Occident étaient à leur plus bas niveau en 30 ans. L’annexion par la Russie de la région ukrainienne de la Crimée en 2014 et la déstabilisation continue de la région du Donbass ont amené l’OTAN à se recentrer sur la défense et la dissuasion en Europe. Lors de leur réunion de Londres, une semaine avant le Forum, les dirigeants de l’OTAN avaient déclaré que les actions agressives de la Russie constituaient une menace pour la sécurité euroatlantique. Bien que la Russie n’ait manifesté aucune volonté de discuter de l’annexion de la Crimée, un délégué au Forum a souligné que le contrôle russe des États baltes, qui n’avait pas été reconnu par de nombreux pays occidentaux, a fini par prendre fin. Les alliés de l’OTAN ont bien collaboré en matière de défense et de sanctions contre la Russie. Certains délégués ont fait valoir la nécessité d’accroître les interactions avec ce pays, mais d’autres ont soutenu que les actions de la Russie empêchaient le vrai dialogue.

Les alliés de l’OTAN ont appuyé sans équivoque l’Ukraine dans son conflit avec la Russie, notamment par l’aide militaire et le soutien à des réformes. Selon un expert, même si l’Ukraine a très bien fait sur le plan des réformes en général, il reste encore beaucoup à faire dans des domaines comme le système judiciaire, la primauté du droit et les droits de propriété. En 2019, l’Ukraine a élu un nouveau président, Volodymyr Zelensky. Le jour de l’ouverture du Forum, le Président Zelensky a rencontré le Président russe Poutine à Paris à l’occasion d’un sommet en format Normandie des quatre pays – l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne et la France – en vue de dénouer le conflit dans le Donbass. Le dernier sommet de ces quatre pays remontait à 2016. Des intervenants ont par ailleurs souligné que les critiques injustifiées du président Trump à l’égard de l’Ukraine à des fins politiques intérieures pourraient affaiblir la position de négociation du nouveau président de ce pays avec la Russie.

Défis en Extrême-Orient

Les délégués ont appris que selon les documents stratégiques des États-Unis, la région indopacifique est une priorité et que l’administration Trump a concentré son attention dans cette région sur la concurrence économique avec la Chine et sur le défi de sécurité posé par la Corée du Nord. Dans les deux cas, le président Trump a adopté une approche unilatérale.

La Chine a un régime autoritaire, mais elle est aussi profondément intégrée à l’économie mondiale et, en Asie, on la perçoit comme étant en train de déplacer les États-Unis sur le plan économique. Certains ont souligné que les États aux vues similaires devraient collaborer pour traiter avec la Chine. Bien que les négociations commerciales multilatérales du Partenariat transpacifique (PTP) auraient fourni aux États-Unis un certain levier diplomatique et économique dans leur concurrence avec la Chine, les délégués ont appris que l’administration Trump s’était retirée de ces négociations et qu’elle s’était plutôt concentrée sur l’imposition de tarifs sur les marchandises chinoises dans le but d’obtenir un accord commercial préliminaire, ou de « phase 1 », avec ce pays.

En ce qui concerne la Corée du Nord, les discussions ont porté sur le fait que Kim Jong Un était jeune et relativement inconnu lorsqu’il a pris le pouvoir à la fin de 2011. Dans les années qui ont suivi, il a redoublé d’efforts pour déployer ses programmes de missiles nucléaires et balistiques, qu’il estime essentiels à la survie du régime, selon de nombreux observateurs. Les tensions entre les États-Unis et la Corée du Nord ont atteint un sommet en 2017, avant que leur relation ne se transforme en diplomatie bilatérale dans les années suivantes. Un expert a toutefois fait remarquer que peu de choses avaient été accomplies, à l’exception de la marginalisation des alliés traditionnels des États-Unis à l’égard de la Corée du Nord, comme la Corée du Sud, le Japon et l’Europe. La Chine, pour sa part, s’est efforcée d’éviter d’être marginalisée et a maintenu le contact avec la Corée du Nord.

Afghanistan

Les forces américaines et de l’OTAN combattent en Afghanistan depuis près de 20 ans, et le président Trump a signalé son désir de retirer les forces américaines de ce qui est devenu la plus longue guerre des États-Unis. Des participants ont fait observer que la force des talibans est souvent exagérée, car ils ne contrôlent qu’un territoire rural peu peuplé, mais aucune ville ou capitale provinciale, et le gouvernement américain négocie avec eux depuis plusieurs années. Un projet d’accord de principe entre les États-Unis et les talibans aurait été préparé en 2019, par lequel les talibans s’engageraient à ne pas appuyer le terrorisme international en échange du retrait des forces étrangères du pays. On s’attendait à ce que cela soit suivi par des négociations intra-afghanes sur un cessez‑le-feu et une solution politique au conflit. Les négociations avec les talibans ont été suspendues en septembre 2019, mais quelques semaines à peine avant le Forum, le président Trump a annoncé leur reprise. Un retrait des États-Unis de l’Afghanistan soulèverait des questions sur l’avenir de la mission de formation, de conseil et d’assistance dirigée par l’OTAN dans ce pays. Un expert a également exprimé son pessimisme quant à la possibilité de négocier un accord de paix qui ne représenterait pas simplement une victoire pour les talibans.

La situation politique intérieure aux États-Unis

Le Forum a eu lieu à un moment clé de la politique intérieure des États-Unis, pendant la procédure de destitution du président des États-Unis, Donald Trump, et moins d’un an avant les élections américaines de 2020. Un présentateur a même souhaité la bienvenue aux délégués à Washington D.C. en la qualifiant de « capitale mondiale du divertissement ».

Les débats ont porté sur la polarisation politique aux États-Unis qui était évidente avant l’élection du président Trump, mais qui est désormais plus marquée, les traditions plus anciennes d’opposition entre les deux grands partis et d’affrontements entre les « deux côtés de la Chambre » étant de plus en plus remplacées par le tribalisme. Des intervenants ont soutenu que le président Trump avait profité de cette polarisation, et utilisé des publications sur les médias sociaux et des allégations de « fausses nouvelles » pour maintenir le soutien de sa base politique. La procédure de destitution du président à la suite de ses actions à l’égard de l’Ukraine se fera sans doute dans la partisanerie, étant appuyée par peu de républicains à la Chambre ou au Sénat.

L’issue des élections présidentielles de 2020 dépendra sans doute des résultats dans quelques États concurrents seulement. On a en outre soutenu que le président Trump aura plusieurs avantages, notamment une économie forte et le fait que les démocrates se querelleront pendant des mois pour choisir leur candidat. Selon un expert, le plus grand désavantage du président Trump est lui-même. Bien que la politique étrangère soit habituellement moins importante dans les élections américaines que les questions nationales, des participants ont fait observer que le président Trump s’attribuera le mérite du fait que d’autres alliés de l’OTAN ont augmenté leurs dépenses militaires pendant son administration. On a également affirmé aux délégués que, si le Parti démocratique choisissait Joe Biden comme candidat, la politique étrangère serait davantage un enjeu lors des élections. Un intervenant a soutenu que si le président Trump perdait les élections, il contesterait probablement le résultat devant les tribunaux.

La session annuelle du Forum parlementaire transatlantique est une occasion précieuse pour les délégués de l’AP OTAN d’entendre parler des priorités américaines tout en réaffirmant l’importance des relations transatlantiques et du dialogue entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Compte tenu de l’importance pour le Canada de ses relations avec les États-Unis et de ses relations transatlantiques, la réunion a offert aux délégués canadiens l’occasion de participer aux débats d’actualité et de promouvoir les intérêts du Canada.

Respectueusement soumis,



Mme Karen McCrimmon OMM, CD, députée
Présidente de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN



[1] Disponible en anglais seulement